Maintenant qu’Alma sait que le propriétaire est un ancien mafioso, elle le détaille. Elle s’en veut d’avoir manqué les os cassés qui ont légèrement déformés les reliefs de son visage. Et maintenant qu’elle y prête attention, ce serait bien une cicatrice de blessure par balle à la main.
Alma regarde Liliane. Est-ce qu’elle ne serait pas plus dangereuse que Giana ? Si Giana a toute la puissance de la technologie et l’intelligence de pouvoir pousser des calculs complexes : elle, comme Alma, sont deux solitaires. Alors que Liliane est une personne sociale. Elle a toute la puissance de la Terre à sa disposition. Elle n’a pas besoin de tout savoir : seulement d’utiliser la bonne personne avec la bonne connaissance. Elle n’a pas besoin de tout surveiller : les autres sont autant de paire d’yeux qui veillent sur elle.
« Mais alors, ça ne va pas te poser problème ? Comme tu l’as dit, tu es prête à me supporter en vivant sous le même toit. Mais mon hangar reste tout de même dans une zone inhabitée. On peut même dire désert comparé à ton environnement actuel à l’université. »
Soudainement, Alma se demande si elle ne devrait pas mettre un véto à ce projet. Liliane vit à travers les autres. Oui, avoir UNE relation privilégiée et intime comme celle qu’elles partagent peut tout à fait se comprendre. Mais jamais Alma ne pourra contenter Liliane. Elle a besoin des autres.
Elle ouvre la bouche. Puis la referme.
Peut-être qu’elle ne voit pas le problème comme elle le devrait. Liliane ne peut pas être le problème : donc cette responsabilité revient poser sur la charpente de son hangar. Ce qui voudrait dire… Non. Non, elle ne peut pas imaginer vivre ailleurs. C’est son cocon. Le premier endroit de sa vie où elle dort relativement en paix, sans se réveiller une fois toutes les deux heures, sans subir des cauchemars à répétition.
*Mais pour Liliane. Est-ce que je ne devrais pas lui proposer de déménager ? *
Son poing se serre.
« Je… s’il le faut, pour ton équilibre, pour ta vie sociale, je… Oui, on pourra visiter d’autres endroits. Pas quelque chose en centre-ville. Mais, je ne sais pas. Je me dis que c’est probablement égoïste que toi tu viennes déménager chez moi. J’ai peur qu’être loin de tout ne t’asphyxie peu à peu. Que tu perdes ton sourire. Que ta chaleur se refroidisse. »
Bon, d’un autre côté, ce n’est pas comme si ce déménagement devait se faire demain. Donc Alma n’a pas vraiment matière à psychoter pour cette fin de soirée. Mais il lui parait honnête de poser la question sur la table. Rester dans l’inconnu serait pire.