The Multiversity

« Les temps changent. Ce qui se passe ici, à Koldoue, n’est qu’un élément dans une grande machinerie dont je commence à peine à voir les rouages complets. »

Voilà comment Sha introduisit la nouvelle réunion au sommet. Alastar était présent, ce qui pouvait paraître surprenant. Lui, si frivole, si prompt à se désintéresser de sujets sérieux, assistait à une réunion cruciale ? Il ne fallait pas être grand sorcier pour comprendre qu’il y avait d’autres intérêts derrière. Il était là parce qu’Onyxian lui avait ordonné de venir. Shad put aussi voir Élise, en compagnie de Médonée, et Scybille.

« Je crois que c’est le moment rêvé de nous expliquer ce que vous savez, Déesse Sha.
-  L’araignée qui a fait de toi la femme que tu es actuellement portait en elle le sang du Roi Cramoisi. J’ignore si ta création est volontaire ou non, mais, vu les récents évènements, tout laisse à penser que le Roi Cramoisi ne s’attendait pas à ce que tu voies le jour. Il a donc déployé White Élise pour se doter d’une nouvelle armée… Mais tout ça n’est qu’un des aspects du puzzle.
-  Comment ça ? »

Sha se tut pendant quelques instants, avant de croiser les bras, consciente qu’elle allait devoir longuement s’expliquer. Elle leur parla alors des Grands Anciens, de cette ancienne guerre cosmique qui avait été terminée quand les Dieux avaient décidé de s’unir, sous l’égide des Anges, parvenant ainsi à bannir les Grands Anciens.

« Cette ancienne alliance s’est effondrée. J’ai appris que les Olympiens étaient devenus fous. Randall Flagg a réussi à profiter du désarroi d’Héra, et l’a utilisé pour ouvrir la Boîte de Pandore. Les maux contenus dans cette Boîte ont influencé l’esprit des Olympiens, et ont exacerbé leurs mauvais penchants. C’est suite à cela que j’ai été bannie, il y a des siècles. Le Roi Cramoisi est, d’une manière ou d’une autre, lié aux Grands Anciens.
-  Il est donc lié à la libération d’Hastur en Enfer ? demanda soudain Alastar.
-  Oui… Et non. Je crois que le Roi ne cherchait pas à libérer Hastur, car Flagg, qui est son bras droit, a donné à Shad les moyens de le sceller. Je pense que la libération d’Hastur n’était qu’un coup d’essai, destiné à voir s’ils avaient les moyens de libérer les Grands Anciens… Et tout porte à croire qu’ils développeront bientôt une technologie capable de le faire.
-  Quelle est cette technologie ? »

Sha regarda alors Shad, et répondit rapidement :

« Tu as rencontré cette technologie à Lumen, Shad… La Machine de Mandus. »

L’Ombre expliqua rapidement qu’Oswald Mandus était un homme d’affaires luméen, qui s’était rendu jadis à Zerrikania. Amateur de safaris, il y avait trouvé, dans cette jungle sauvage, une ancienne rune, en réalité une relique des Grands Anciens, qui avait corrompu son esprit, et lui avait ordonné de construire la Machine.

« La Machine de Mandus est un mélange de technologie et de magie. Elle consiste à raffiner le sang et l’énergie spirituelle des gens en les tuant. Ce mélange est regroupé dans une sorte de catalyseur central qui permet de générer un puissant rayonnement magique, une Faille qui permet d’atteindre les prisons dimensionnelles où les Grands Anciens sont retenus.
-  Mais la Machine de Mandus a été détruite…
-  Oui… Mais elle n’était qu’un prototype. La vérité, c’est que la Machine de Mandus n’avait pas la taille requise pour permettre d’atteindre les confins du Multivers, et permettre d’y libérer les Grands Anciens. Voilà pourquoi le Roi a construit une autre Machine, plus grande, plus dangereuse… Et qu’il est en train de la charger. »

Cette révélation amena un silence glacial parmi les différents membres de l’assemblée, qu’Élise finit par rompre :

« Comment fait-il pour… Pour la charger ? »

Sha la regarda gravement, bras croisés, avant de lui répondre :

« La Machine se charge à l’aide des morts et du sang qui coule. Et tout laisse à penser que l’Empereur a relié sa Machine à Terra elle-même. Autrement dit… À chaque conflit, à chaque bataille, à chaque guerre, la Machine se charge, et se charge encore. Et, quand elle sera pleine, le Roi pourra enfin accomplir ce qu’il cherche depuis tant de siècles…
-  Réveiller les Grands Anciens ? demanda Médonée.
-  Oui… Mais, surtout… Il pourra détruire la Tour Sombre. »

« Et le Roi Cramoisi pourra redevenir celui qui était par le passé… » Termina simplement la Okami.

La Louve observa l’assistance, expliquant rapidement ses  propos en contant l’histoire du Premier Né et de son rapport avec la Tour Sombre et le Roi Cramoisi. Beaucoup  des points rejoignaient les éléments déjà apportés par Sha mais en amenaient également des nouveaux.  Elle expliqua du mieux qu’elle put la création des premiers êtres, parfait en tout point, censé veilleur la nature qui fut créer par Dieu. Mais que de cette perfection, ces êtres n’acceptèrent pas « l’imperfection » des autres créatures et s’unissant créèrent le Premier Né, qui n’avait qu’un objectif. Détruire toute forme d’imperfection dans l’univers.  Et le Roi Cramoisi n’était qu’une partie de cet ancien être, l’autre partie étant retenue prisonnière  jusqu’alors dans la  Tour Sombre. la Lycane se tourna vers Elise.

« Voilà l’une des raisons pour laquelle je t’avais demandé de retrouver la Reine Elena Ivoiry, car ce n’est qu’avec son aide et celle des autres immortelles que nous pourrions mettre fin à la menace du Roi Cramois et par extension du  Premier Né. S’il arrive à détruire la Tour Sombre, je n’ose imaginer ce qui  pourrait nous arriver mais…-elle se tourna à cet instant vers l’Ombre – vous avez oublié un détail important,  outre le sang, la Machine de Mandus était aussi alimenté par des Espers  maintenue en vie et il est fort  simple de supposer que les survivants des massacres servent à cela…. »

La Okami porta son attention sur la carte  et plus particulièrement sur l’emplacement de la ville avant d’émettre un léger grognement réalisant soudainement un fait capital.

« Si les conflits alimentent la machine du Roi Cramoisi alors Koldoue lui produira sous peu une quantité pharamineuse de sang et cela grâce aux réfugiés qui s’y trouvent….Nous ne pouvons les évacuer de manières conventionnelles, le pourrait-on par un autre moyen ? »

Cette question était adressée à Scybilla, la Lycane espérait que ses sorcières pourraient au mieux déplacés les réfugiés vers un endroit plus sûr, là où leur sang ne serait pas versé. Mais la Louve n’était pas dupe  et se doutait qu’une telle téléportation ne pourrait prendre  toutes les cibles  en une fois, certains resteront donc sur place. Mais le coût du sang en serait grandement réduit.

« Mais.. N’avons-nous aucun moyen d’arrêter l’approvisionnement de cette machine ? Que tout le sang de Terra n’y soit plus acheminé ? »

Élise n’avait jamais entendu parler de toutes ces histoires. En fait, elle ignorait quasiment tout de Terra. Elle, elle vivait depuis des années dans sa forêt, sans rien demander à personne. Quand des étrangers venaient, soit elle les tuait s’ils étaient hostiles, soit elle les accueillait. C’est par ce biais qu’elle avait ainsi appris que le monde évoluait, qu’il existait une guerre entre Lumen et Mijak, mais elle avait toujours cru pouvoir vivre en-dehors du monde, toujours pensé que les problèmes qui affectaient Terra ne la concernait pas elle. Après tout, qui voudrait s’attaquer à sa forêt ? Et puis, Brahmin était arrivé. Élise avait alors compris qu’elle se mentait à elle-même. Son paradis arachnéen était menacé, car la menace approchait. Elle avait donc chargé Médonée d’enquêter, et l’avait mis dans un cocon, usant de sa puissante magie pour la faire évoluer. Médonée s’était rapprochée de Koldoue, avait découvert que le monde allait mal. Le royaume était appauvri, affaibli. Traditionnel allié de Lumen, Koldoue sombrait sous les crises économiques, la propagation de monstres, le brigandage, et la guerre... La guerre, mère de tous les maux.

Shad leur expliqua que tout cela les dépassait, et de très loin, puisqu’elle en revint à une légende elfique. Celle contant les origines du Premier-Né, en expliquant qu’Il existait, qu’Il s’était matérialisé sur Terra, et voulait récupérer l’immensité de son pouvoir pour détruire la réalité, et la recréer. Difficile de croire que, entre ça et eux, il y avait bien un lien commun.

« Alors, White Elise et moi, nous...
-  Tu es une erreur, Élise, confirma Sha. L’une des araignées du Roi Cramoisi t’a injecté son venin, et a provoqué une mutation imprévue. White Elise est une version conçue par le Roi pour s’emparer de ce que tu as créé, et le retourner contre toi. Pour le dire autrement, Élise, et tu me pardonneras ma franchise, ta vie ancienne est finie. Ta colonie est détruite, tes gens sont morts, ou asservis pour servir la Machine du Roi. Tu as senti la morsure du Roi, et il faut maintenant que tu t’en remettes. »

Élise resta silencieuse, mais on pouvait sentir la confusion dans son regard. Sa forêt, détruite ? Bien sûr... Au fond d’elle-même, elle savait que son ancienne vie ne pourrait jamais recommencer comme avant.

« Il est trop tard pour faire marche arrière. Nous ne pouvons plus ignorer ce qui se trame, reprit Sha. Se mettre la tête dans le sable, et espérer que les choses s’arrangeront d’elle-même... Ce n’est plus possible. Shad vous l’a expliqué, le Roi veut détruire cette réalité. Il a failli y arriver par le passé, en créant les Grands Anciens. Seule une coalition de toutes les forces mythologiques et divines a pu le repousser, à l’époque... Et, maintenant, nous sommes plus dispersés que jamais. Et, surtout, nous manquons encore d’éléments cruciaux pour savoir comment réagir.
-  Les plans de l’ennemi nous sont encore méconnus dans leur majeure partie, acquiesça Scybilla. Mais nous connaissons leur puissance... Ils ont été capables de manipuler les Dieux olympiens.
-  Tout ça, c’est dément, je n’en avais jamais entendu parler, glissa alors Aoife. Vous... Vous êtes vraiment sûrs de tout ce que vous avancez ?
-  J’ai vu par moi-même un Grand Ancien, ma poulette, intervint subitement Alastar. Crois-moi, tu n’as pas envie de voir ça. Alors, votre histoire est délirante, c’est clair, et je vous avoue que je préférerais volontiers pénétrer l’une de mes nombreuses amantes plutôt que participer à votre coalition, mais... J’ai vu un Grand Ancien », répéta-t-il.

Shad intervint alors, pour demander si une évacuation des habitants est possible.

« Les routes sont beaucoup trop dangereuses pour ça...
-  Alors, il faut ouvrir un Portail vers mon domaine.
-  Mais... Il y a énormément de gens à évacuer, et... Il faudrait arriver à les convaincre. Je vous rappelle, ma Déesse, que nous ne sommes pas en odeur de sainteté ici. Les Hamleigh dirigent la ville, et sont de mèche avec la Monarchie de la Rose. »

La Okami demanda alors ce qu’il fallait faire pour ébranler la Machine.

« Je n’en sais rien, Shad... Cette technologie nous dépasse totalement. Il faudrait que nous puissions étudier les restes de l’ancienne Machine de Lumen, découvrir son fonctionnement... J’ignore comment cette Machine fait pour se nourrir des morts, ou son étendue... »

Élise soupira alors. Médonée était proche d’elle, tâchant de la consoler.

« Je ne peux pas abandonner les miens. Si j’ai bien compris ce que tu as dit, Shad, ce Roi recherche des ESPers, des êtres doués de pouvoirs surnaturels... Et les miens sont détenus dans le château des Hamleigh.
-  Alors, il me semble que les Hamleigh sont notre principal problème.
-  Nous avons réuni des preuves pour les faire tomber en disgrâce, mais... Ils ne se laisseront pas faire. Le conseil royal va se réunir d’ici quelques jours, les choses risquent de se compliquer... Et je ne suis qu’un simple chevalier lumenien. Je ne vois personne, parmi notre assemblée, qui serait en mesure de convaincre les habitants de vous suivre.
-  Heureusement que je ne suis pas venue seule, alors... »

La dernière phrase de Sha amena un léger silence surpris autour de la table. Puis cette dernière se tourna vers une porte, qui s’ouvrit alors lentement. Une silhouette s’avança alors, portant une élégante armure.

« Bonjour à vous. Je m’appelle Knaël, et nous avons un ennemi commun. »

La Okami regardait sans mot dire la nouvelle arrivée. Qui était-elle réellement ? Une sorcière du culte de Sha ? Non impossible,  alors qui ? Qui pouvait-elle bien être pour réussir à convaincre les habitants de cette foutue citée à quitter les lieux avant qui ne soit trop tard ? Sur le coup elle en doutait mais s’il y’avait le moindre espoir, mieux valait tenter de le saisir. Et cet espoir venait de rentrer dans la pièce.  La Louve la salua poliment d’une inclinaison de la tête avant de reprendre :

« Au risque de briser tout espoir, la Machine de Mandus est complétement détruite et sous une tonne de gravats….Alors oui peut-être vous y trouverez quelques fragments mais cela ne servirait à rien. »

Retourner dans les bas-fonds de Lumen était ainsi une cause perdue, une mission qui se vouerait à  un échec crucial.  D’autant plus que réussir à se rendre à la capitale actuellement sans téléportation était pratiquement impossible et bien trop dangereux. La Okami se tourna par la suite vers Alastar :

« Nous avons vu un Grand Ancien, tout comme nous avons vu l’ancienne cité et les horreurs qui s’y trouvaient…Et – elle se stoppa soudainement, semblant réalisé  un point important, un détail qui lui avait échappé jusqu’alors – et nous avons vu Flagg prendre le Necronomicon sans sourciller. Je me souviens que tu n’osais toucher à cet ouvrage –elle se tourna vers Sha – est ce que ce livre aurait la capacité de lier la Machine du Roi aux morts de Terra ? »

Le Necronomicon…Si la Okami avait bien compris, cet ouvrage contenait des savoirs aussi dangereux qu’anciens et le lire pouvait mener à la folie. Le savoir entre les mains de Randall Flagg pouvait être une information capitale et…angoissante. Cet être au service du Roi Cramoisi et des Grands Anciens devait déjà être assez fou pour ne pas sombrer lui-même dans la folie. La Louve se retourna vers Knaël.

« Pardonnez-moi, je ne vous ai pas laissé le temps de parler lors de votre arrivée mais…comment comptez-vous convaincre les habitants de  Koldoue ? Ils croient en la protection des Hamleigh et si nous n’avons rien pour leur prouver leurs torts … Alors ils seront condamnés. Je devrais presque m’en réjouir en fait, pour une fois que ce n’est pas ceux de ma race qu’on extermine  mais…le résultat qui en découlerait…Je ne pense pas que beaucoup soient capable de se confronter à la vision d’un Grand Ancien sans sombrer dans la démence et la folie. Et je ne compte pas voir notre monde anéanti.»

Il était même étonnant qu’après avoir vu les tentacules de Shub-Niggurath et Hastur lui-même que la Louve n’est pas gagnée un peu d’insanité mentale.  Elle expira d’un air las.

« On ne peut pas compter sur Lumen aussi, certes il y’aura un conseil mais le temps qu’il se fasse, White Elise aura déjà attaqué, nous aurions eu besoin de leur aide dans l’immédiat. Ou alors….Emmenez-moi à la capitale et je demanderais une audience auprès d’Adamante la suivante de la Reine. Elle a vue tout comme moi la fameuse machine de Mandus et nous avons repoussé l’horreur ensemble…Peut-être arriverais-je à la convaincre de nous envoyer des troupes ? »

Venant d’arriver, Knaël commença par se présenter en détail. Elle expliqua être originaire d’Mijak, où on l’appelait « Le Centurion d’Argent ». C’était une guerrière redoutable, dont Aoife avait entendu parler. Elle était une Nephalem, fille d’un Prince démoniaque, Allocen, et Vehuiah, et avait été chargée par son père d’enquêter sur la Monarchie de la Rose. Visiblement, les ramifications et les intrigues de la Monarchie dépassaient le cadre de Terra, puisqu’on avait retrouvé des traces d’activité de l’organisation terroriste en Enfer même. Knaël avait en sa besace des documents légaux attestant du fait que sa mission était considérable, puisqu’elle disposait d’une bulle émanant du Saint-Siège lui donnant autorité pour investiguer sur la Monarchie auprès de toute autorité religieuse et de tout territoire consacré relevant, de près ou de loin, de l’autorité de l’Ordre Immaculé, ainsi qu’une ordonnance impériale lui donnant, en gros, les mêmes pouvoirs, à l’égard de l’Empire de Mijak.

« Il y a donc urgence à agir, glissa Knaël, et surtout à se rassembler. La Déesse Sha a entendu parler de ma quête, et j’ai entendu parler des problèmes qui ont lieu à Koldoue. Pour moi, la Monarchie de la Rose est impliquée, ça ne fait aucun doute. »

Mais que faire concrètement ? Shad indiqua qu’il n’y aurait pas grand-chose à trouver à Lumen, mais, surtout, qu’elle avait vu Flagg utiliser le Necronomicon sans sourciller. Sha se pinça les lèvres à l’évocation de ce livre maudit.

« La Machine est une construction pensée par les Grands Anciens, un mélange aberrant d’une magie ancienne et puissante, et d’une technologie toute aussi cruelle, expliqua Sha. Alors, oui, je suis convaincue que la Machine est fondée sur le Necronomicon. Ce livre contient des savoirs magiques très puissants, qui dépassent même les Dieux. C’est dans ce livre que Flagg a appris comment sceller les Dieux... Ce dont j’ai été personnellement victime. »

Une moue triste passa sur le visage de Scybilla. Le bannissement de sa Déesse, ce n’était vraiment pas un épisode heureux, une séquence dont elle aimait se rappeler.

Restait ensuite la question centrale, qui était de savoir quoi faire actuellement. Shad se proposa d’aller voir directement la Reine de Lumen, non sans avoir souligné qu’il faudrait que le Conseil se réunisse.

« La Reine n’enverra jamais une armée sans l’approbation du Conseil, répliqua Aoife. Les choses ne se passent pas comme ça. Ce serait vu comme une agression, une atteinte à la souveraineté de Koldoue, le royaume n’ayant pas appelé à l’aide... Et, même dans ce cas, le Conseil devrait discuter de l’opportunité de cette action.
-  La solution doit venir de Koldoue même, trancha Sha.
-  Il faut montrer aux habitants que les Hamleigh sont liés à la Monarchie. Nous avons récupéré des preuves en ce sens dans le manoir des Hamleigh. Moi, Aoife et Knäel devrions y aller, et les présenter au conseil. Il se réunit en session publique, ce sera le meilleur moyen de confondre William Hamleigh... Mais il y a risque d’émeute et de panique.
-  Les habitants de Koldoue doivent comprendre qu’il leur faut partir, s’ils ne veulent pas mourir. La ville ne peut plus être défendue, et il faut aussi s’occuper de tous les réfugiés qui s’agglutinent devant les murs. »

Sha avait une idée derrière la tête, et poursuivit :

« Ce temple-ci abrite un antique Portail de téléportation, qui conduit directement à l’un de mes Portails, dans une terre sûre.  Pendant que le conseil débattra, il faut commencer l’évacuation des réfugiés. Mes terres sont fertiles, et il y a de la place pour des colons.
-  Et que faire de mon peuple ? Les miens sont toujours détenus dans les geôles du château des Hamleigh.
-  Il est trop dangereux de...
-  Je ne les abandonnerai pas ! » coupa Élise.

C’était son peuple, des gens qui avaient vécu avec elle depuis des années, dans la Forêt des Toiles. Ils avaient tout perdu, et attendaient que leur Reine les revoit.

« Ils sont sûrement morts, Élise, et...
-  Je dois m’en assurer.
-  C’est en plein territoire ennemi, c’est trop risqué, et...
-  Je dois m’en assurer... Et aussi comprendre comment mon clone a pu me vaincre si facilement. Je ne peux pas laisser une telle chose se reproduire. Jamais. Donc, je pars.
-  Je viens avec vous, ma Déesse ! s’exclama alors spontanément Médonée.
-  Non, ma chérie... Toi, tu dois convaincre les réfugiés de vous suivre. Je ne connais personne qui soit plus douée que toi pour ça.
-  Mais...
-  Ce n’est pas ouvert à la discussion, Médonée. »

La femme soupira lentement. Sha intervint alors, en regardant Shad.

« Le médaillon de Shad... Je peux lui redonner un peu de magie. Ce médaillon pourra vous aider à remonter les terres de White Elise... Pas assez pour passer totalement inaperçues si des sentinelles vous repèrent, mais assez pour que sa magie ne vous détecte pas... »

Encore une fois, les regards se tournèrent vers Shad. Contrite, Élise intervint toutefois à nouveau :

« Je ne te force pas à venir, Shad, tu en as déjà fait beaucoup pour moi, bien plus que ce que tu aurais dû faire... »

La Lycane se retourna simplement vers Elise, sa réponse ne donnant lieu à aucune hésitation de sa part, les groupes petits à petits se formaient et chacun se voyait attribuait une tâche à accomplir face à la menace imminente planant sur Koldoue.

«  Et je ne compte pas rester à me tourner les pouces pendant que chacun d’entre vous tente de résoudre  au mieux le problème, je vous accompagnerai. Surtout qu’on ne sait pas si White Elise s’attend à ce que vous venez, il serait donc préférable d’y aller à deux. »

Une embuscade, l’idée était plausible mais comment savoir si on ne s’y rendait pas ? La Okami  observa la carte sur la table, particulièrement l’endroit où résidait l’usurpatrice. Elle mémorisa du mieux qu’elle pouvait le moindre détail qui pourrait faire son importance lors de leur avancée ou qui pourrait les aider à battre facilement en retraite si le besoin se faisait ressentir. Mais la topographie des lieux ne sera pas le point le plus handicapant, bien au contraire !

« White Elise doit aussi s’attendre à notre venue, que vous comptez libérer les habitants de la forêt des toiles…Nous risquons de croiser bon nombres de sentinelles. Et je ne pense pas que notre progression sera aussi simple que la précédente. Nous devrions avancer de concert et avec prudence en utilisant nos capacités. Malheureusement je  ne sais monter au mur ni envoyer des rets de soie pour immobiliser mes ennemis et l’utilisation de mes flammes risquent de nous faire repérer. Par chance j’ai d’autres ressources en réserves pour nous débarrasser en silence de quelques obstacles gênant. »

Preuve en était leur dernière excursion, à deux, la Louve et l’Araignée avaient réussi à s’infiltrer dans le manoir des Hamleight et à en sortir sans que la moindre alerte ne soit lancée. Bien évidemment,  il serait utopique de penser qu’une telle chose pourrait de nouveau se produire mais il y’avait néanmoins un espoir concernant leur futur avancée.  Retirant le médaillon de son cou, la Lycane le tendit par la suite à l’Ombre :

« Aurions-nous un délai avant que la magie de White Elise ne nous détectes ? »

Mieux valait s’attendre à toute opportunité, si le temps jouerait contre elles, ce serait encore un élément à prendre en compte. Récupérant son médaillon luisant légèrement d’une aura cramoisie, la Okami prit par la suite la direction du manoir s’arrêtant comme auparavant dans une petite ruelle pour observer la situation au loin. Et comme elles auraient pu s’en douter les patrouilles ont étaient renforcés, d’étranges personnes en bure violettes accompagnaient également les soldats, un étrange symbole ressemblant à un œil luisant au-dessus d’eux.

« Ils ont des détecteurs…Et par ça j’entends qu’ils ont de quoi nous repérer si on entre dans leur champs de «  vision ». – Elle se tourna  vers Elise – Je sais  que la première fois vous ne vouliez pas passer par les égouts mais, il semblerait que nous n’avons guère le choix là. Il y’a bien trop de patrouilles et en –dessous…Nous aurons les bêtes rôdant dans cette puanteur. Cependant, je ne peux vous obliger à prendre cette voie, donc…Par où passons nous ? »

Les plans étaient en train de s’organiser. Difficile de dire si tout cela allait marcher, car il y avait beaucoup d’aléatoire... Mais c’était, somme toute, ce qu’il y avait de mieux à faire. Il fallait en effet se battre sur plusieurs fronts. White Elise, les Hamleigh... Autant de problèmes à devoir gérer dans  un court laps de temps. Fort heureusement, la bande n’était pas dénuée d’éléments redoutables. Une Déesse, une guerrière luméenne, une Nephalem, une Okami qui avait croisé la route de deux Grands Anciens, des sorcières, et même un Incube... À bien les regarder, tous ces gens formaient une drôle d’assemblée, mais Sha, en  les voyant, avait le sentiment que quelque chose d’important était en train de se nouer. Qui sait ? Il suffisait qu’un petit caillou tombe pour pouvoir, à terme, former une avalanche...

Élise, elle, songeait surtout aux siens. Ce périple était risqué, en effet, mais elle ne pouvait pas juste fuir, et laisser les gens qu’elle avait juré de protéger mourir. De plus, il lui fallait aussi comprendre comment White Elise avait pu retourner toutes ses araignées contre elle. Et, pour ça, il fallait qu’elle retourne là où tout avait commencé, dans son ancienne forêt, afin de mieux comprendre comment le lien symbiotique l’unissant à son nid s’était rompu. Shad, de son côté, accepta l’idée, tout en commençant à envisager la manière de quitter Koldoue.

« Sortir de Koldoue n’est pas ce qu’il y a de plus difficile, intervint Scybilla. Régulièrement, des caravanes en sortent pour amener de la nourriture aux réfugiés situés dans les camps alentours. Vous n’aurez qu’à vous infiltrer par là.
-  Et je vais doter ton médaillon d’une orbe spéciale, Shad... Une fois que vous aurez trouvé ce que vous cherchez, enclenchez l’orbe, et elle ouvrira un Portail, qui conduira directement à un miroir magique situé dans ce repaire. »

Déjà qu’il était presque suicidaire de rejoindre le château des Hamleigh, si, en plus, il avait fallu repartir avec les prisonniers... Le cadeau de Sha était inestimable, et Élise ne put que la remercier.

« C’est toi qui as conçu ce médaillon, Élise... La magie qui sommeille en toi est particulièrement puissante. Je serais ravie de t’aider à l’améliorer... Quand tout ça sera terminé.
-  Nous verrons quand nous y serons. »

Élise était restée relativement silencieuse pendant toute la durée de cette réunion au sommet. Pour l’heure, elle préférait ne pas songer à son avenir. En fait, on ne le réalisait pas forcément, mais elle était au bord de la rupture nerveuse. Elle avait tout perdu en quelques semaines, elle qui avait passé des décennies à fuir le monde extérieur, à vivre paisiblement dans sa forêt, sans rien demander à personne, et en pensant naïvement que cette situation allait pouvoir perdurer ad vitam æternam.

La réunion commençait à se terminer, mais, avant le départ, Sha se retourna vers Shad.

« Il va falloir que je recharge ton médaillon, et que j’y incruste l’orbe, ça risque de prendre quelques heures... »

Si Shad était sûrement impatiente de partir, elle allait encore devoir patienter un peu. Et, tandis que la salle de réunion se vidait, Élise se rapprocha de l’Okami.

« Tu as l’air d’avoir vécu bon nombre d’aventures depuis la dernière fois que nous nous sommes vues. C’est moi qui t’avais donné ce médaillon, et, maintenant, je ne serais même plus capable d’en refaire un. Quand ce clone m’a privé de mes araignées, elle m’a aussi privé d’une grande partie de mes pouvoirs magiques. »

Résultat : elles allaient foncer droit dans l’incertitude la plus complète. Sha avait été incapable de répondre aux questionnements de Shad, mais allait profiter du fait qu’elle manipulait le médaillon pour le renforcer. Pendant ce temps, Élise décida de laisser parler sa curiosité, et de parler d’autre chose.

« Alors, tu voulais que je me rende à Lumen ? Pourquoi diable est-ce que la Reine voudrait me voir ? Et... Comment me connaît-elle ? »

La Louve se tourna vers Elise et esquissa un bref sourire compatissant qui disparut rapidement de son faciès.

« Je suis sûre que vous retrouverez vos pouvoirs un jour..Quant à la reine de Lumen. A vrai dire, je ne pense pas qu’elle vous connaisse réellement. Comme je l’ai expliqué vous êtes une immortelle et l’objectif d’Elena Ivory est de rassembler les treize pour combattre et vaincre le Premier Né.  C’est Lucifer lui-même qui m’a donné pour mission de vous convaincre de vous rendre à la capitale pour y rencontrer la reine. »

Mais cela, la Lycane l’avait déjà expliqué devant toute l’assemblée et était quelque peu étonnée de devoir se répéter, ce qui était à son souvenir, un fait non courant face à Elise. La perte de sa forêt se ressentait et sa psyché en prenait un certain coup. Quoi de plus normal après tout ?

«  A vrai dire...Je ne sais pas comment on détermine si une personne est un immortel ou non. Je crois qu’il y’ait aussi question d’orbes liées à chacun d’entre eux et qui seraient liés à un pouvoir spécifique…Je n’ai malheureusement pas toutes les informations à ce sujet.  La seule chose que je sais c’est que leur identité est secrète et peut être même inconnu pour certains d’entre eux. Comme ce fut votre cas. »

Ainsi la recherche de ces êtres pouvant combattre le Premier Né était une tâche des plus ardues  qui pouvait prendre plusieurs années. Et encore fallait-il que l’Immortel ne meurt pas au risque de se voir réincarner dans un nouvel être à trouver à son tour. La  Okami laissa échapper un petit rire.

« Quand je repense à notre première rencontre ! Qui aurait cru que nous arriverions jusque là ! Mais..Pensez-vous trouver quelque chose au sein de la Forêt des Toiles ? Un indice pour combattre White Elise ?  Malheureusement vos araignées sont sous son contrôle, nous y rendre risque d’être…suicidaire. Mais s’il faut passer par là…Quant au château des Hamleigh est-ce vraiment une bonne idée ?  Je sais que vous vouliez sauvés votre peuple mais à deux ? Et sans garantie de réu.. »

Elle se tut subitement, pensive, faisant les cent pas dans la salle  de réunion, les mains croisées derrière son dos.

«  Une mission suicidaire de plus ou de moins…Après tout quelle différence ? Je me rappelle de certains d’entre eux et les savoir proches de la mort…Non ces gens n’ont rien fait de mal. Je ne sais pas comment nous allons faire mais nous parviendrons à nous infiltrer chez ces enfoirés. »

Ou du moins, l’Okami l’espérait !  Sans un mot, elle se dirigea vers la porte et se tourna vers Elise :

« Nous pourrions peut-être continuer à discuter au dehors ? Il serait de bon ton de prendre un peu l’air non ?  Nous ne pouvions qu’attendre  pour le moment, alors si vous avez d’autres questions à me poser, profitez-en ! –Elle marqua un instant de silence avant de reprendre – Je suis désolée pour ce qui vous arrive en ce moment. »

Pour ceux ne connaissant pas Elise, cela pourrait s’avérer être une punition justifiée face à sa personne mais la Reine des Araigénes ne méritait pas pareil traitement. Il ne restait plus qu’à la Louve d’attendre la décision de son interlocuteur. Et lorsque Sha lui ramènera son pendentif, alors, les deux femmes pourront se rendre à la Forêt des Toiles. Et par extension chez les Hamleigh en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard.

« Tu as bien conscience que tout ce que tu dis paraît sortir de la bouche d’une illuminée ? »

Les Treize Immortels, Lucifer… Si Élise ne connaissait pas suffisamment Shad, elle aurait effectivement pu la croire atteinte d’un quelconque maléfice. Mais la jeune Louve était honnête, et Élise le savait. Le pire, avec la réalité, c’est qu’elle dépassait parfois la pire des fictions. Ici, c’était exactement le cas, où ce qui se passait dépassait l’entendement. Élise devait donc retrouver Elena Ivory afin de participer à une quête ancestrale visant à vaincre le Premier-Né… Sauf qu’elle n’était toujours pas spécialement enthousiasmée à l’idée de se rendre dans un lieu où les simples gardes risquaient de l’occire sur place, au vu de son apparence. Être une femme arachnéenne, ce n’était jamais bon pour faire de vieux os, a fortiori dans une ville immense comme pouvait l’être Lumen.

Après cette première conversation, Shad en revint au sujet principal : leur expédition dans les terres de White Elise. Est-ce que les enjeux en valaient le risque ? La défunte Reine des Araignées pouvait tout à fait comprendre les inquiétudes de Shad, qui, avant qu’elle ne puisse lui répondre, proposa d’aller faire un tour au-dehors.

« Si tu veux… »

N’étant pas prisonnières ici, elles pouvaient sortir du repaire par une entrée précise, qui conduisait au milieu d’un grand parc. Elles arrivèrent ainsi dehors en empruntant un escalier, et rejoignirent un kiosque. Le parc surplombait une bonne partie de Koldoue, et permettait surtout de voir, séparé du reste, le Château royal. Plus les jours passaient, et plus Koldoue sombrait dans le fanatisme et le paupérisme. Les pouvoirs publics avaient accusé les sorcières d’être responsables des maux des paysans, mais, même malgré ces mensonges, il y avait parfois des révoltes. La situation était explosive, et les gens étaient suffisamment désespérés pour peut-être décider de rejoindre Sha.

*Et puis, son plan n’est pas aussi insensé que le sien…*

Le fait est que, à voir le nombre de gens présents autour de leur table, Élise affrontait un ennemi redoutable, dont White Elise n’était qu’un pion.

« J’ai été humiliée, Shad… Depuis des générations, je commandais à ma forêt, et j’étais en symbiose parfaite avec mes araignées. Quand White Elise m’a arraché à ça, elle… Elle a brisé quelque chose, comme une part de moi. J’exerçais une symbiose avec ces araignées. »

Expliquer ce qu’elle avait ressenti à Shad était très compliqué, car c’était une notion qui dépassait sa propre perception. Elle était effectivement liée à ces araignées, un peu comme l’Annexien était lié à ses Formiens. Elle serra les poings en fermant les yeux. Elle, si forte, si dure, inébranlable, avait subi un revers dont elle peinait encore à se remettre. Elle avait été capturée par ses ennemis, humiliée, brisée, et vu ses propres araignées se retourner contre elle, des créatures dont elle n’aurait jamais pu douter de la loyauté.

Laissant passer ce bref moment de faiblesse, Élise reprit, en desserrant ses mains :

« Je veux y retourner, Shad… Il n’y a que comme ça que je pourrais comprendre ce qui est arrivé… Et trouver un moyen d’y faire face. Je ne dis pas que je n’ai pas confiance en Sha, mais son plan comporte beaucoup d’aléas. Et puis, il faut bien s’occuper de cette armada d’araignées. Si nous laissons à White Elise le contrôle entier d’un pays, elle va pouvoir considérablement multiplier le nombre d’araignées. Il faut que je sache… Et c’est pour ça que je ne te force pas à m’accompagner. Cette quête est certes suicidaire, mais elle est avant tout personnelle. Les Immortels, le Roi Cramoisi, la Monarchie de la Rose… J’ai entendu tout ça, mais moi, je ne connais que ma forêt. Et tu voudrais m’envoyer à Lumen ? Je dois d’abord tourner la page de mon passé. »

Elle observa les étoiles pendant quelques secondes, puis la région environnante. Depuis le kiosque, on voyait le lac de Koldoue, et les forêts et collines s’étendant au loin. Là, dans la pénombre, White Elise et son armée s’avançaient.

« Et, surtout, je dois massacrer cette clone. Tu ne comprends ? Elle utilise mes araignées. Chaque victime qu’elle fait, c’est comme si j’en étais indirectement responsable. J’ai perdu mon royaume, mon peuple, mon armée… Mais il me reste encore ma fierté. Je ne fuirais pas comme une lâche en laissant mon adversaire gagner du pouvoir. »

Observant l’horizon en silence, la Louve ne put qu’hocher la tête en signe d’affirmation face aux paroles que venait de prononcer Elise.

« Je comprends parfaitement. Cette White Elise ne peut s’en sortir impunément après ce qu’elle vous a fait.  Cette mission est certes suicidaire, mais obligatoire. Et je ne reviendrais pas sur ma décision de vous accompagner. Même si dire que je n’ai aucune crainte serait mentir. »

Qui n’aurait pas peur après tout ? Quel être censé ne craindrait pas pour sa vie lors d’une telle expédition ? La Louve tout comme Elise savaient  les risques qu’elles encouraient, elles en avaient pleinement confiance. Mais il était des fois où on n’avait guère le choix pour la suite, où le destin nous pousse à agir. Il était en effet primordial que White Elise perde le contrôle des araignées, ou mieux encore, qu’elle soit occise.  Mais cela ne serait pas une mince affaire et plus le temps passait, plus White Elise approchait. Au moins le seul confort que les deux femmes pouvaient avoir été que le groupe des troupes de leur ennemie ne serait pas vers la Forêt des Toiles mais en direction de Koldoue.

« J’espère que les habitants écouteront la voix de la raison… »

Et qu’ils  iront se cacher dans l’un des repaires de Sha.  Sur le coup l’Okami n’avait que peu envie d’assister à un bain de sang qui conduirait à l’avènement du Premier Né.  Elle soupira, comme pour se décharger d’un poids avant de reprendre :

« Si vous tuez White Elise, vous  êtes sûre de retrouver votre maîtrise sur vos araignées ?  Elle ne risque pas de passer à un autre ennemi comme…Charlotte par exemple ? Ce qui nous oblige à trouver comment ils vous ont pris votre contrôle avant d’aller l’affronter. »

C’était d’un côté fort improbable mais toute fois possible. Et cela rendait encore plus important leur expédition au sein de la Forêt des Toiles.  Mais avant d’y aller, les deux femmes devaient encore attendre quelques heures, quelques longues heures le temps que Sha finissait sa tâche.  Levant le regard vers le ciel, la Louve esquissa un bref sourire.

« Médonnée a vraiment changé depuis la dernière fois, elle semble si....puissante. Mais surtout elle vous est toujours autant dévouée…Et je pense qu’elle  a foi en vous et en votre mission. Autant ne pas la décevoir. »

En d’autres  termes, autant que leur expédition suicidaire ne se solde pas par un échec. Il y’avait bien évidemment beaucoup d’éléments à prendre en compte mais au moins leurs objectifs étaient déjà tout tracés.

« Hum est ce que vous voulez que l’on discute de la marche à suivre ? Je veux dire, vous savez mes compétences et je connais une partie des vôtres, peut-être serait –il avisé de ne pas foncer tête baissée dans la mêlée  et de réfléchir à un moyen d’approche ? »

Et puis, elles avaient encore quelques heures devant elle pour échafauder un petit plan  et de combiner leurs compétences respectives !

« J’ignore ce qui se passera si je la tue… Peut-être reprendrais-je le contrôle de mes araignées, oui… Ou alors, elles deviendront juste des bêtes sauvages, ne répondant plus à personne d’autre qu’elles-mêmes. »

En toute hypothèse, le royaume de Koldoue pouvait envisager de manière sombre son futur, car Élise ne lui voyait aucune solution heureuse. Une bonne partie du royaume était désormais recouvert d’araignées, les réfugiés s’agglutinaient devant la capitale, et les multiples exactions commises par les pouvoirs publics pour maintenir le calme et l’ordre ne resteraient pas, à terme, sans conséquence. La trahison des Hamleigh n’était qu’un autre élément dont le royaume peinerait à se remettre. Mais tout ça, honnêtement, Élise s’en moquait. Le royaume payait pour son intolérance, pour son incapacité à ouvrir les yeux sur les multiples crimes commis par la maison des Hamleigh.

Élise ne pouvait donc qu’émettre des suppositions sur l’issue du conflit, et sourit quand Shad évoqua Médonée.

« Médonée a toujours été la plus fidèle de mes prêtresses. Je l’ai recueilli quand elle était petite. Elle n’est pas née au sein du Village des Toiles… Je suppose que son père devait être un puissant noble. Sa mère l’avait abandonné à l’orée de la forêt. Je l’ai recueilli, et l’ai élevé avec tout l’amour que je pouvais lui offrir. Elle n’a jamais eu peur des araignées, elle. »

Élise avait transformé Médonée, grâce à des potions très efficaces. Puissante, elle l’était, en effet.

« Elle a toujours eu une relation particulière avec les araignées. La plupart des gens ont peur d’elles, mais… Jamais Médonée. Bébé, déjà, elle aimait les avoir près d’elle. Les araignées la protégeaient. Une puissante magie bouillonne en elle, et c’est comme ça que j’ai pu la faire muter. Mais je ne pense pas réussir avec tout le monde. Médonée est la première de sa génération… »

Et la seule, pour le moment. Élise avait pour l’heure d’autres soucis, mais, quand elle avait transformé Médonée, c’était dans le but qu’elle soit la première d’une sorte de corps d’élite, capable d’aider Élise à contrôler davantage ses araignées, et de pouvoir la protéger plus efficacement… Comme si, inconsciemment, Élise avait anticipé ces terribles évènements. Mais, après tout, avant que White Elise n’arrive, et que ses araignées ne se retournent, elle avait fait de multiples rêves étranges, où elle se voyait face à un homme tout vêtu de rouge, drapé dans sa cape, la dominant depuis un grand trône fait d’ossements et de pattes d’araignées.

« J’ai rêvé de ces évènements, Shad… Je pense que le Roi Cramoisi a voulu me contrôler… Mais qu’il n’a pas réussi. Peut-être parce que je suis une erreur… Alors, il a créé White Elise. »

Shad envisagea ensuite leur option d’approche.

« Je suis une araignée, Shad. Une araignée ne fonce pas tête baissée contre l’ennemi, elle attaque dans les angles, profite des coins sombres, analyse son environnement pour tisser sa toile… C’est ce que je compte faire avec Hamleigh. »

Cette fois-ci, Élise n’aurait pas de petites araignées à déployer pour attaquer les gardes ennemis. Elle allait devoir se débrouiller avec ses propres capacités… Et aussi avec celles de Shad.

« On sauve les miens, on récupère ce qu’on peut récupérer, et nous partons » résuma-t-elle.

C’était, somme toute, aussi simple que ça.
Elles quittèrent la ville en suivant la stratégie de Scybilla. Elles s’infiltrèrent dans l’un des entrepôts de Koldoue, grimpant à bord d’un chariot, et n’eurent ainsi aucune difficulté à sortir, les gardes étant, somme toute, assez peu regardants sur qui sortait. Les deux auraient aussi pu partir par les égouts, mais il y avait, non seulement des monstres, mais aussi des patrouilles, afin de repousser les monstres, et, surtout, les contrebandiers, qui utilisaient les égouts pour permettre aux réfugiés de venir. Parfois, mieux valait sortir sous le nez et la barbe des ennemis.

Le camp de réfugiés avait encore grossi depuis que Shad était venue, et la situation était dramatique. Des places d’exécution publiques avaient été dressées pour refréner les ardeurs des réfugiés. Une émeute faillit même éclater lors de la distribution de nourriture. Le duo réussit à se faufiler, Élise dissimulant son apparence grâce à une potion de polymorphie fabriquée par Scybilla. Elle ressemblait ainsi à une simple réfugiée, et fut bousculée par un soldat. Ces derniers tapaient à tout-và, repoussant les réfugiés. Beaucoup avaient été pendus, leurs carcasses suspendues à des gibets le long des tranchées du vaste camp de réfugiés.

« La situation ne peut pas durer ainsi éternellement, commenta Élise. Il va y avoir des émeutes… »

Raison de plus pour filer rapidement !

«  Je ne pourrais pas dire mieux… »
Tirant d’un coup sec sur les bords de sa capuche pour qu’elle reste en place afin de cacher les signes de sa race, la Okami suivait au coude à coude Elise dans ce camp de réfugiés qui n’avait fait que croître depuis son arrivée. Son regard se posa sur les pendus et elle ne put s’empêcher de se demander si les Hamleigh commençaient déjà à faire couler volontairement le sang pour le Roi Cramoisi.
« Au moins les gardes ne nous prêtes pas d’attention… »

Une chance en effet ! Mis à part quelques bousculades, le duo put avancer aux travers des réfugiés. Mais plus que les gardes ces derniers étaient aussi une menace, cherchant à vous dépouillez au moindre instant d’inattention. La faim les tiraillaient et certains gardes semblaient avoir mis en place un système de payement afin d’accéder à une maigre pitance. Autant dire qu’hommes, femmes et même des enfants cherchaient à se faire des coups bas pour assurer leur survie. Une émeute ? Pour sûr que ça n’allait pas tarder dans de telle condition !  Et rester ici pour tenter de calmer la zizanie ne servirait à rien. Les deux femmes devaient simplement partir et se diriger vers leur premier objectif : la Forêt des Toiles.

« Bon sang…C’est encore plus pire que ce que j’imaginais »

Souffla simplement la Louve après s’être éloignée de cet attroupement. Du sang…là le Roi Cramoisi en avait une bonne quantité à porter de mains. Continuant cependant à camoufler ses attributs animaux, le risque de croiser un soldat étant encore présent, L’Okami avançait en compagnie d’Elise. Elles ne croisèrent que très peu de voyageurs sur leurs routes. Est-ce que tous avait fuit vers Koldoue ? Le point positif ? Elles ne croisèrent pas également White Elise et son armée d’araignées géantes.

Mais cela ne voulait en rien dire que la route était sans risques et le duo progressait avec prudence et rapidité jusqu’à atteindre leur premier objectif. Observant l’entrée du territoire d’Elise, la Okami eut une moue interrogative.

« Comment allons nous rentrer sans tomber dans un piège de soie ? Je doute que nous puissions avancer sans risques. Et si les araignées sont liées à White Elise comme pour vous dans le passé….Elles seront ses yeux et elle sera au courant de notre présence. Je doute qu’elle vienne d’elle-même mais elle pourra nous envoyer ses troupes. Donc…une idée ? »

Qui sait peut être il y avait-il une autre entrée ?

Il fut bientôt aisé de deviner pourquoi tant de réfugiés se pressaient à Koldoue. Shad et Élise s’avancèrent prudemment, traversant les lignes de guerre. De multiples séries de camps, des charniers, des tranchées, des patrouilles militaires filant à cheval d’un camp à l’autre. On avait installé de sommaires forteresses en bois, et elles traversèrent plusieurs champs de batailles sinistres. Des cadavres gisaient au sol, avec des carcasses de multiples araignées. Les éboueurs et ouvriers n’avaient pas encore réuni toutes les carcasses, et certains alchimistes et autres apprentis inspectaient les carcasses, récupérant des boyaux, des organes précieux. Élise vit également des voleurs de cadavres, arrachant les dents, et d’autres spectacles plus sinistres. Outre les charognards qui s’attaquaient aux corps, les morts attiraient les créatures nécrophages, et, à plusieurs reprises, elle et Shad durent affronter des goules. Certes, les goules aimaient la chair morte, mais appréciaient encore plus la chair bien vivante.

Traverser la région fut donc sportif. Partout, la guerre, l’horreur, et le chaos. Pour lutter contre les mutineries et le désespoir de certains soldats, Élise en vit plusieurs qui avaient été pendus, et dont les carcasses, à moitié dévorées par les corbeaux, flottaient le long de poutres. Plus aucun village n’était ouvert. Ils étaient tous abandonnés, pillés par l’armée, qui avait laissé derrière elle les corps. Dans les villages, Élise vit également des corps de femmes tondues dans des gibets, avec des pancartes significatives écrites en rouge : « CATIN ARACHNÉENNE », « TRAÎNÉE », « HÉRÉTIQUE ». Il y avait également des traces de bûchers.

« Le désespoir entraîne toujours le fanatisme », commenta silencieusement Élise.

On avait également attaqué les non-humains, comme les Okamis, accusés de conspirer avec l’ennemi. Leurs oreilles avaient été coupées, leurs queues arrachées, et ils avaient été abattus ensuite, sacrifiés. De quoi remettre en perspective la nécessité de sauver ces gens, dont la peur les amenait à se comporter comme les pires des monstres. La traversée prit bien plusieurs jours, pendant lesquels Élise et Shad dormaient là où elles le pouvaient, dans des maisons en ruines, dans des grottes. Les soldats étaient en ce moment tout autant dangereux que les monstres et les bêtes, qui proliféraient avec ce chaos. Régulièrement, elles voyaient des monstres, le long des carnages sur la route, et affrontèrent même des déserteurs transformés en brigands qui voulurent les asservir. Chaos et désespoir, les deux enfants de l’anarchie et de la peur. On ne voyait guère plus que les charretiers convoyant des monceaux de cadavres, afin de les brûler.

Les deux femmes s’enfoncèrent ainsi dans une forêt, qui les amena finalement à la lisière du territoire ennemi, qu’Élise perçut en elle-même. Sa main se posa sur l’écorce d’un arbre, tandis qu’une épaisse brume vint les envelopper.

« Nous y sommes, Shad. »

Des patrouilles de soldats étaient encore là, dans la forêt, afin de retarder les araignées, en déclenchant des points d’incendie. Shad exposa alors ses angoisses, et Élise hocha la tête.

« N’oublie pas qui je suis, Shad. Suis-moi, et fais bien attention. »

Il suffisait de marcher sur un fil pour provoquer une vibration qui amènerait les araignées.

« Bien que les araignées aient huit yeux, elles ont une très mauvaise vision. Elles ne peuvent voir que devant elles, et se fient surtout à leurs yeux latéraux, qui détectent les mouvements. Si nous croisons une araignée, soit on la tue rapidement, soit on reste immobiles. »

Des conseils qui pourraient s’avérer bien utiles par la suite. Le duo s’avança donc, et, peu à peu, les toiles apparurent, évoquant à Shad un souvenir bien familier : celui de la Forêt des Toiles. Cependant, tandis qu’elles avançaient, des hurlements et des bruits de flammes se firent entendre… Ainsi que des grondements et des grognements. À proximité, des soldats se battaient contre les araignées de White Elise.

« Fais attention, Shad ! »

La bataille risquait en effet de se rapprocher d’elles…

Elle hésita quelques secondes, observant cette entrée d’où une étrange brume semblait émaner. Les risques étaient nombreux et la Louve devait avoir donc une totale confiance en Elise pour décider de la suivre dans cette forêt où chacun de  leur pas pouvaient les amener à déclencher un piège mortel. Certes, la plupart des araignées avaient une bien mauvaise vue mais une espèce au contraire chassait à vue. Les araignées sauteuses. Et la Okami espérait qu’elles n’auront pas la désagréable surprise d’en croiser une. Car si tel était le cas, le fait de rester immobile ne serait guère la solution appropriée.  Soupirant, elle s’aventura également à la suite d’Elise, suivant ses pas, prenant garde à ne toucher aucun fil de soie. Mais bien que ces derniers étaient fortement éparpillés au début de leur progressions, ils constituaient à présent un entremêlât qui obligeait les deux femmes à prendre leur temps et à user de souplesse pour ne pas en effleurer un et prévenir les araignées de leurs présences. Couplé à cela, le bruit d’une bataille proche se faisait entendre, annonçant de futures difficultés à venir :

« Je fais comme je peux…On n’appelle pas cet endroit la « Forêt des Toiles » pour rien…. »

En effet, cette forêt portait bien son nom.  Petit à petit l’écorce des arbres se retrouvait recouverte d’une fine couche de soie sur lesquelles on pouvait voir courir de multiples petites araignées. Par chance ou par pur hasard ces dernières ne faisaient pas attentions aux intruses et lorsqu’une d’entre elle s’arrêtait face aux deux femmes, Elise et Shad s’immobilisaient simplement en attendant que la dite araignée reparte.  Haussant ses oreilles, la Okami écoutait les bruits de combats, ces derniers  semblant se dérouler dans plusieurs parties de la forêt mais leur chahut se rapprochait également des deux femmes.

« Nous devrions nous hâter….Au vu de ce qu’on a vu sur notre chemin, je doute que les ennemis d’Elise puissent être considères comme des alliés…. »

Aux femmes pendues portant des pancartes les traitant d’hérétiques arachnéennes aux Okamis mutilées sacrifiée, la Louve avait ses raisons de se méfier autant des hommes que des araignées de White Elise.  Car rien n’empêchait ces derniers de leur faire subir le même sort qu’à leurs confrères une fois la bataille finit. Si bien sûr ils arriveraient à en sortir victorieux et face à l’armée d’araignées, les chances de succès étaient des plus faibles. Cependant elles n’étaient pas réduites à néant et un espoir subsistait encore. Un espoir qui était en partie entre les mains de la Louve et de l’Araignée.

« Attention ! »

Se mettant rapidement devant Elise, la Louve encaissa le jet de flamme qui venait de surgir d’un des recoins de la forêt. En  baissant son regard vers le bas, elle vit  sa botte sur l’un des innombrables fils de soie qu’elle avait tenté d’éviter jusqu’à alors.

« Merde. »

Que faire ? Elle ne pouvait pas bouger au risque de déclencher la vibration et d’un autre côté toute une troupe arrivait sur elles, reculant tout en hurlant  et en utilisant des armes capables de cracher le feu. Face à eux, d’innombrables bruits de pattes se faisaient entendre, des jets de soie gluantes parcouraient des mètres jusqu’à toucher un humain et l’immobiliser. A partir de là, il ne restait plus qu’aux araignées de les achever. Des cris de terreur et de guerre résonnaient dans la forêt et  maintenant auprès des deux femmes. Agitant l’une de ses oreilles, la Louve tourna rapidement son regard vers une araignée plus grande aux yeux développés qui semblait les «  regarder ». Malheureusement une de celle que la Lycane aurait souhaité ne pas rencontrer.

Que faire ? Elle ne pouvait décemment pas bouger au risque de prévenir le reste de la forêt de leur présence mais rester immobile ne servirait à rien également. Le choix vint cependant de lui-même lorsqu’un  jet de soie fila dans sa direction.  La Okami sauta rapidement sur le côté tout en émettant un juron tandis qu’au même instant leur adversaire se camper sur ses pattes arrière, prête à sauter sur l’une d’entre elles. Le saut fut rapide mais le claquement de doigt qui résonna  le fut tout autant et l’araignée sauteuse tomba pendant son saut, sa carcasse enveloppée par les flammes.

« Je crois que nous n’avons plus le choix …On va devoir combattre les araignées de White Elise et aider ces….humains. »

Une situation qui ne l’enchantait guère mais avait-elle seulement le choix ? Et au diable les fils ! Ils étaient maintenant bien trop tard surtout avec ces humains qui mettaient leurs pieds n’importe où sans faire attention. Toute la forêt des Toiles étaient au courant de leur intrusion. Se préparant à combattre, la Louve s’arrêta subitement, un puissant frisson parcourant son échine alors qu’une énorme patte d’araignée venait de surgir juste à ses côtés. Une patte bien plus grande que celles des araignées qu’affrontaient les hommes à quelques pas de là. Certains d’entre eux venaient même à attaquer Elise en la prenant pour leur véritable ennemie. Sur qui les conduisait bien évidemment à une mort sans précédent. En baissant le regard, la Louve put voir un flot innombrable d’araignées de petites tailles qui jaillissaient des entrailles de la forêt et qui se mirent à attaquer chaque humain, plantant leurs crochets dans leur peau après s’être faufilées sous leurs armures, leurs injectant une quantité pharamineuse de poisons. Paralysie, nécrose, organes réduits en bouillie, les malheureux ne survivait pas plus de quelques secondes et servaient par la suite de festins au sujet de White Elise.

Il était d’ailleurs fort étonnant qu’Elise et Shad ne subisse pas le même sort.  Etait-ce dû au fait qu’elles étaient bien plus immobile que le reste ? Qu’elles n’avaient vraiment bougé qu’en cas d’extrême utilité ? Dans le doute, la Lycane jeta un regard vers Elise. De plus la patte à ses côtés se mis à bouger,  faisant passer la Okami pile en dessous de l’infâme créature. Une vue qu’elle aurait souhaité à ne jamais être confrontée. Dans tous les cas, l’araignée et ses «  sœurs » semblaient les ignorées. Mais jusqu’à quand ?

La situation devint rapidement très critique, la bataille se rapprochant d’elles, et Shad, dans la précipitation, marchant sur un fil de soie. C’était comme la forêt d’Élise... Mais en plus grand encore. Et, tandis que de multiples araignées approchaient de partout, tournoyant autour d’une araignée gigantesque, similaire à celles qui avaient assiégé Gavony, Élise constata, encore une fois, qu’elle n’avait plus aucun contrôle sur ses araignées, ce qui était tout simplement effrayant. Une force supérieure les commandait, et, fort heureusement, les soldats en train de se battre constituaient une diversion utile pour les deux femmes, qui se retrouvèrent près de l’araignée géante. Une véritable araignée-reine, car, depuis son corps, de multiples œufs libéraient d’autres araignées. L’une des pattes de la bête manqua de peu d’écrabouiller Shad, qui, ayant suivi les consignes d’Élise, restait immobile.

« Bon sang... »

Shad avait raison! Il allait falloir aider les humains, car les araignées se multipliaient, et les humains diminuaient.

« On se replie ! Sonne la retraite !
-  Clairon !
-  Y a plus de... Haaaaa... !! »

Élise bondit vers Shad.

« On y va, vite ! »

Depuis l’araignée géante, des araignées blanches tombèrent près d’elles, les encerclant alors. L’une bondit vers Élise, qui la frappa avec le pied, lui éclatant la tête. Une autre lança un filament de toile vers le bras de l’ancienne Reine arachnéenne, qui la trancha avec sa main, et courut vers l’araignée, bondissant dans les airs, et s’abattit sur elle, plantant ses longs talons tranchants dans son abdomen. Inutile de vouloir tous les tuer, elle cherchait juste à se tracer un chemin, pendant que d’autres araignées plus grosses se rapprochaient.

N’ayant plus le choix, Élise se retourna vers Shad, et hurla quelques mots :

« Grimpe sur moi ! »

Elle se transforma alors, et, en quelques secondes, adopta sa forme arachnéenne, prenant l’apparence d’une grosse araignée velue avec six pattes tranchantes aux points rouges. Ses pattes frappèrent quelques araignées, s’écrasant sur leurs têtes, défonçant leurs crânes, puis elle courut ensuite devant elle, usant de ses six pattes pour avancer rapidement, et chargea une araignée plus grosse, avec une carapace robuste sur le corps, qui s’interposa devant elles. Le choc fit trembler le corps d’Élise, mais elle embrocha l’araignée, et reprit ensuite sa fuite, filant entre les arbres, tout en évitant les jets de toile que l’araignée géante leur balançait.

En route, Élise croisa plusieurs cavaliers qui filaient. L’un d’eux fut happé à la tête par une toile, et disparut dans les feuilles, son hurlement mourant, pendant que des myriades de pattes descendaient le long des arbres. Élise continuait à courir, jusqu’à sortir de la Forêt, rejoignant une plaine, où elle avisa des feux de camp. Les cavaliers fuyaient vers le village, où les restes d’une compagnie de soldats s’étaient regroupés.

Un point de chute provisoire, car le camp n’allait pas tenir longtemps, vu qu’une horde d’araignées s’élançait vers lui, de tous les côtés...

La Louve n’attendit pas une seconde de plus avant de monter sur le dos d’Elise qui venait tout juste de se transformer. Un frisson lui parcouru cependant l’échine au contact des poils arachnéen sur  son épiderme, mais elle y fit abstraction. Toute cette débandade….aurait-il mieux fallut qu’elle ne se mette pas entre Elise et les flammes qui la menaçait ? Non, son corps avait réagi instinctivement malgré les risques que cela pouvait comporter. De plus, comment diable auraient –elles pu éviter jusqu’à la fin le moindre fils de soie ? C’était là encore un miracle qu’elles n’eurent pas d’accident plus tôt. Est-ce que la Okami s’en voulait cependant ? Bien sûr ! Elle aurait peut-être dû faire plus attention. Elle soupira un bref coup, s’accrochant à la forme arachnéenne d’Elise  pour ne pas tomber quand elle se mit à se déplacer avec vélocité. Mais la Louve ne resta pas inactive et garda les autres araignées à distance en usant de sa magie, qu’elle déployait également sur les filets de soie.

Elle dû cependant s’arrêter quelques fois et s’accrocher plus fortement à Elise, notamment quand cette dernière percuta une autre araignée avec le dos blindé. Par chance, ce fut l’ancienne reine qui sortit victorieuse de cette confrontation, filant à présent droit vers la sortie de la forêt où la Louve put également voir les camps qui étaient peu à peu désertés et le village au loin qui préparait ses vaines défenses. Mais qui était aussi paradoxalement l’un des seul lieu sûr à la ronde. Avisant de la situation, la Okami s’adresse à l’ancienne reine.

« Si vous voulez vous rendre dans ce village, mieux vaut y aller avec une autre apparence, au risque de nous faire descendre à vue….Ou bien nous pouvons profiter de la diversion que ce village nous apportera pour ..revenir dans la forêt et..continuer notre chemin … »

C’était en partie immoral mais avaient –elles seulement le temps de perdre du temps à la défense d’un village condamné ?  Et au vue de la quantité d’araignées qui s’y dirigeaient,  ils ne devraient plus en rester beaucoup au sein de la forêt. Du moins, les risques seraient encore élevés. Portant sa main à son médaillon, la Okami baissa ses oreilles :

« Désolé pour l’erreur avant. »

Le mal était fait.  Observant la sphère trônant au centre du médaillon  et que Sha avait rajouté, la Lycane reprit :

« Je sais que Sha a fait en sorte  que White Elise ne détecte pas notre présence par magie mais…Pensez-vous qu’elle a également fait en sorte que je puisse revoir les fils de soie comme auparavant ? »

Ce qui, serait en l’occurrence, un outil dispensable ! Il ne restait maintenant plus qu’à choisir…Le village ou…retourner dans la forêt et atteindre l’objectif visé ?  Pour la Louve, la réponse était toute trouvée et elle en avait déjà fait part à Elise.

Il s’agissait visiblement d’une escouade désespérée, un régiment qui s’était retrouvé piégé derrière les lignes ennemies. Un destin bien funeste les attendait, tandis que l’armée d’araignées s’avançait, faisant remuer tous les arbres, donnant presque l’impression que c’était la forêt elle-même qui se déplaçait. Suivant les conseils de Shad, Élise reprit sa forme normale, et écouta ensuite cette dernière lui présenter ses excuses pour avoir marché sur le fil de soie.

« Tu n’y es pour rien, Shad. Avec les combats dans la forêt, ces araignées auraient, de toute manière, fini par nous repérer. »

Restait à savoir, maintenant, ce qu’elles allaient faire. Shad proposait de laisser les soldats à leur sort, afin de servir de diversion. C’était un plan assez cynique, mais sensé. Elles n’avaient aucune chance de pouvoir infléchir le cours de la bataille. Élise, en l’état actuel des choses, ne pouvait que constater son impuissance. Incapable de reprendre le contrôle sur ses araignées, elle les avait vus l’attaquer, et avait même dû se battre contre elles. Difficile, dans ces conditions, de sous-estimer White Elise... Surtout quand on savait que son clone avait été capable de produire bien plus d’araignées qu’elle. C’était à se demander si, en définitive, elle n’était pas effectivement une erreur de parcours, une sorte de cobaye involontaire du Roi Cramoisi. Élise ne savait pas quoi en penser. Que pouvait-elle faire ?

Shad revint ensuite sur la question des fils de soie.

« Je ne sais pas, Shad... Tu peux voir mes fils en raison du lien que nous partageons, mais ces fils-ci ne sont pas les miens. Je peux les ressentir grâce à mes instincts naturels, pas magiques. »

Autrement dit, elle n’était pas convaincue qu’un sortilège pourrait les aider. Et puis, de toute manière, il n’y avait plus qu’elles en piste, désormais.

« Mais tu as raison, on va profiter de la bataille pour les contourner. »

Un petit ruisseau filait le long de cette grande plaine, et Élise descendit. Quand des araignées s’approchaient, elle ordonnait à Shad de se coucher dans les hautes herbes. Les araignées passaient alors sans s’attarder. Comme Élise le lui avait dit, ces créatures avaient une très mauvaise vision. Au-dessus d’elles, elles voyaient régulièrement des hordes de flèches enflammées tomber ici et là sur le champ de bataille, touchant les araignées. Les soldats se battaient avec l’énergie du désespoir, et le duo réussi tà atteindre le petit ruisseau, jonché de cadavres ici et là.

Plusieurs ponts en bois se trouvaient au-dessus de leur tête, et, quand Élise se rapprocha de l’un d’eux, la carcasse d’une araignée tomba brusquement, une flèche plantée dans le crâne. Elle gesticula nerveusement sur le sol, avant de se coucher, mais ses pattes obstruaient le chemin. De plus, les deux femmes devaient avancer accroupies, pour éviter de croiser le chemin des araignées qui bondissaient par-dessus cette mince tranchée. Le ruisseau avait en effet été aménagé pour faire office de tranchée défensive, la terre ayant été nivelée autour.

Élise écarta prudemment les pattes puantes, puis fit signe à Shad de la suivre, en lui intimant de rester silencieuse, et de se déplacer très lentement.

« ...’Poussez-les ! entendit Élise.
-  ...’Partout !! »

La Reine déchue continua sa marche, s’éloignant ainsi, progressivement, de la zone de guerre...

Rampant sur le sol sans émettre le moindre son, Shad suivait Elise afin de s’éloigner de la zone de conflit. Elle pouvait également entendre les cris de terreur provenir du village assiégée par une myriade d’araignées. Et quand ces dernières passaient au-dessus d’elle, la Louve s’immobilisait, faisant confiance à Elise et sur ses paroles. Aucune de ces créatures à huit pattes ne nota leurs présences, ni les petites qui sautaient au-dessus d’elle ou la plus grande qui venait de s’effondrait juste à quelques pas de leurs positions. Grimaçant de dégoûts en observant les pattes poisseuses de l’arachnide, la Lycane les repoussa également à son tour afin de pouvoir passer. La progression fut certes lente et dangereuse mais se déroula sans encombre.

Une fois assez loin, les deux femmes purent se relevées et observer au loin le chaos qui se passait dans le village où des pauvres hommes avaient tenté de trouver un endroit sûr. Ces murs malheureusement allaient devenir leurs tombeaux. Une araignée plus massive s’attaquait à la porte principale, cherchant à la défoncer afin de permettre à d’autre de ses consœurs de pouvoir passer…Quand ces dernières n’escaladaient tout simplement pas la muraille pour passer au-dessus et sauter après sur les soldats présents dans l’enceinte. On essaya de les repousser à renforts de flèches et d’huiles chaudes versés par-dessus les remparts mais…rien n’y faisait, les araignées continuaient toujours d’arriver. Encore et toujours jusqu’à tout submerger.

Il n’y avait donc aucun espoir pour eux. La Louve se détourna avant de reprendre une marche plus rapide vers leur première destination, la forêt. Cette fois, elle suivit exactement les pas d’Elise, ne faisant aucun mouvement de plus, progressant ainsi avec l’ex monarque jusqu’au cœur de la Forêt des Toiles. D’étranges ruines recouvertes de toiles d’araignées étaient présentes ainsi que la présence de centaines d’entre-elles filant entre les fils de soie, n’ayant pas encore remarquée la présence des deux intruses. Combien d’araignées possédait White Elise à la fin ? Et surtout, étaient-elles arrivées à leurs bonnes destinations ?  Le regard de la Okami se porta sur l’entrée des ruines…obstruée par une toile. Nul doute qu’au moindre contact, la centaine d’araignées qui se déplaçaient autours d’elles allait leur tomber dessus sans prévenir.

« Je me vois mal forcer le passage –murmura la Okami – il doit bien y avoir une solution »

Et cette solution, elles devaient le trouver. Observant les lieux, la Okami nota un renflement au niveau du sol, comme si la terre y avait été retournée  juste à quelques pas de l’entrée des ruines. Aucun fils de soie n’étaient présents à cet endroit ce qui retirait la potentialité d’un piège, d’un terrier construit par une araignée. Et pour savoir de quoi il en retournait, le mieux était d’aller voir pourtant…cette absence de fils de soie juste à cet endroit avait de quoi rendre perplexe, ça sentait le piège à pleins nez. Mais si c’était une solution pour rentrer dans les ruines…c’était peut-être un risque à prendre.

Sans douves, des murs n’étaient pas très efficaces contre les araignées, qui pouvaient les escalader, ou sauter par-dessus. Mais même les châteaux-forts dotés de douves ne pouvaient pas tenir éternellement, car les araignées, soit bondissaient au-dessus de l’eau, soit tissaient de multiples filaments de toiles pour enjamber l’eau. Et puis, même sans ça, White Elise disposait toujours de ses araignées géantes monstrueuses, des araignées gigantesques, comme une qui se rapprochait lentement , et balança d’épais filaments de toile sur la porte du corps de garde, l’éprouvant. De multiples araignées avaient toutefois pu grimper sur les murs en bois, et des filaments de toile avaient également attaqué les miradors, repoussant les archers, soit en les balançant dans le vide, soit en les tractant à elles, les tuant dans tous les cas.

Élise ferma les yeux devant ce sinistre spectacle, les poings serrés.

« J’ai souvent haï les humains pour ce que certains d’entre eux m’ont fait subir… Mais ce chaos, cette dévastation… Je n’ai jamais voulu ça. »

Il était effrayant de voir ce qu’Élise aurait pu devenir si elle avait été moins scrupuleuse, moins… Moins dotée de conscience, en réalité. White Elise était tout simplement prête à tout, massacrant tout le monde derrière elle… Ou presque ? C’était une bonne question. Que faisait White Elise des corps ? Élise savait que les humains constituaient de bons nutriments, et il fallait bien nourrir toutes ces araignées. Or, les araignées ne se nourrissaient pas de cadavres. Elles enfermaient leurs proies dans des cocons, et les pompaient régulièrement pour se nourrir.

*En toute logique, elle doit avoir d’impressionnants nids…*

Élise le savait, car, quand elle dirigeait la Forêt des Toiles, et qu’elle capturait des bandits de grand chemin attaquant les siens, c’était la condamnation qu’ils subissaient. Recouverts de toiles, ils étaient enfermés dans son nid, et étaient lentement dévorés par ses araignées. Un sort funeste, bien sûr, mais qu’elle réservait à des gens qui l’avaient amplement mérité. Et, vu les araignées que White Elise produisait, elle devait vraiment avoir des nids impressionnants. En tout cas, Élise détourna le regard du village moribond, et reprit sa route. Il ne faisait aucun doute que les deux femmes allaient encore voir de sinistres spectacles sur leurs pas, en marchant vers le fort de Hamleigh.

De fait, elles ne tardèrent pas à tomber sur une série de curieuses ruines recouvertes de toiles… Visiblement un fort en pierre dévasté par les araignées. Néanmoins, Élise se fit rapidement une observation silencieuse.

*Aucun cadavre…*

La zone semblait tout simplement… Totalement abandonnée. Élise regarda encore nerveusement autour d’elle, convaincue que cet endroit avait été récemment assiégé par les araignées, ce dont témoignait l’entrée, obstruée par des filaments de toile. En se déplaçant, Shad trouva alors une trappe, un moyen de progresser.

« Je sens une présence arachnéenne dans ces ruines… »

Délicatement, Élise approcha son pied, et le posa sur un fil de soie à l’entrée des ruines, et s’en servit pour percevoir d’infimes vibrations au loin.

« C’est un nid… »

Elle avait la confirmation de ce qu’elle pensait, et se retourna brusquement vers le village en feu. Au loin, on voyait encore des volutes de flammes et de fumée noire s’envoler dans les airs, mais le combat devait maintenant approcher de la fin.

« Il faut qu’on se dépêche de filer, Shad. Toutes les araignées vont revenir ici avec leurs proies, pour grossir le nid ! »

Mais elles n’avaient aucun autre moyen de fuite que par le tunnel que Shad avait découvert… Peu importe où ce tunnel conduisait, il était toujours préférable au fait de rester là, et d’attendre que tout le troupeau revienne ! Élise s’y avança donc.

« Cette trappe doit mener à des grottes souterraines longeant le nid. Notre vigilance va devoir être accrue, Shad, si les araignées sentent que nous nous rapprochons du nid, elles nous tomberont toutes dessus. »

Sur ce, Shad passa à travers l’ouverture, descendant une modeste échelle en bois…

Un nid, il fallait que ce soit un nid ! Si seulement les araignées assiégeant le village ne revenaient pas par tous les coins de la forêt, elles auraient pu prendre un autre chemin, mais non, il fallait qu’elle descende dans ce tunnel proche du nid de ces odieuses créatures ! Et au vue de leurs nombres, ce dernier devait être impressionnant, jonchés de pauvres victimes se faisant lentement dévorés, maintenues en vie jusqu’à leurs derniers instants. Après tout, quoi de mieux qu’une viande bien fraîche pour le repas ? Ce fut à contrecœur que la Louve descendit la modeste échelle en bois, arrivant sur un sol légèrement humide et fait d’argile. Les pieds s’embourbaient dans la terre et rendait la progression difficile mais au moins, il y’avait un avantage. Les fils d’araignées ne pouvaient parcourir le sol, ce dernier les « mangeant »  permettant ainsi aux deux femmes de progresser sans risquer de déclencher une alarme. Du moins tant qu’elles  étaient assez discrètes et ne touchaient aucunes des parois les entourant. Car là, au contraire du sol, les fils de soie étaient tissés et attendaient qu’une main malheureuse ne les effleures pour donner l’alerte.

Prenant garde à ne pas être repérée, les deux femmes progressèrent vers un point inconnu avant de soudainement se figer sur place. Un brouhaha énorme venait de naître,  le son de multiples pattes traversant les tunnels voisins, et surtout des plaintes étouffées.  De nombreuses plaintes étouffées, des gémissements de peurs et d’agonie.  Les araignées emmenaient avec  elles les  pauvres survivants et n’allaient pas tarder à entamer un funeste festin.  Est-ce que Shad et Elise pouvait faire quelque chose ? Pouvaient-elles leur venir en aide ? Non, ce serait suicidaire même si ce n’était pas l’envie qui leur manquait. Mais  ce serait comme se jeter soi-même dans la gueule du loup. Elles attendirent donc que les sons s’estompent ou s’éloignent avant de reprendre leur progression.

Et furent subitement stoppé par  une autre toile d’araignée obstruant la suite du tunnel. Bien qu’elles n’étaient pas réellement présente dans ce dernier, cela n’empêchait pas ces créatures à huit pattes à tendre quelques pièges pour les quelques fous qui tenteraient de longer leur nid. La Okami observa la toile, et particulièrement la direction dont prenaient les fils d’alertes…droit vers le nid. A la moindre vibration, les araignées allaient être au courant de leurs positions et débarquer en masse. Mais…c’était également là le seul moment de progresser.

«Je pense que nous n’avons pas le choix…Il va falloir y aller, et prier pour courir assez rapidement jusqu’à la sortie…. Je peux essayer de les contenir avec un mur de flammes mais je ne pense pas que cela les arrêtera longtemps» Murmura t’elle doucement.

A l’instant où la toile serait détruite….l’alerte serait donnée. Les deux femmes devaient donc faire un choix, continuer ou bien chercher une autre issue.