The Multiversity

Après cette intense séance de sexe, les trois femmes s’affalèrent lascivement dans le grand lit. Lissandre se retrouva étalée en plein milieu, couchée sur le ventre et lovée contre le corps de Fönn. La respiration lourde, la belle Norvégienne reprenait lentement ses esprits. Elle soupirait longuement, caressant doucement le dos de Lissandre. Ses transformations étaient aussi épuisantes que grisantes. Ce n’était pas un dédoublement de personnalité, Fönn se rappelait très bien de tout ce qu’elle avait fait sous sa forme de démone. Cela aurait dû l’horrifier ou la complexer, mais elle n’en ressentait qu’un indicible sentiment de bonheur, de toute-puissance, et une envie fébrile de recommencer.

Fönn sourit lentement quand Lissandre lui annonça qu’elles allaient ensuite retourner vivre leur petite vie ordinaire sur Terre.

« Une vie banale, oui… Avec un incube qui nous a enfanté toutes les deux, un mariage auprès du Prince Asmodée, et une Slime comme fille adoptive… Une vie très banale, en effet  ! »

Près d’elles, Lucinda souriait lentement, amusée par les réactions du couple. Lissandre finit par dire que, à son retour, elle serait maussade et déprimée.

« Toi, déprimée ? Et pourquoi le serais-tu, au juste ? Tu es enceinte, je suis ta femme, nous vivons une vie merveilleuse ! »

Une vie très atypique, assurément. Lucinda attrapa la main de Lissandre, et l’embrassa tendrement.

« Vous pouvez toujours venir vivre ici, mes belles. Ce château est bien assez grand pour vous contenir toutes les deux. »

Sur Terre, Fönn avait sa patientèle à laquelle elle était attachée, mais elle pouvait toujours la céder à un collègue, et s’installer ici.

« Je ne sais encore rien de ce monde, c’est un peu prématuré. Il faudra que je le visite, je ne compte pas revenir tout de suite sur Terre.
-  D’autant que je dois quand même t’examiner un peu, et comprendre le fonctionnement de tes pouvoirs magiques. »

Il y avait ça aussi, oui… L’aspect lunatique de la personnalité de Lissandre continuait néanmoins à étonner Lucinda. Elle pouvait passer instantanément d’un côté jovial à la tristesse, comme elle l’avait démontré en tentant de se suicider. La psyché humaine était une chose parfois bien étrange !

Vivre ici ? Dans ce monde magique regorgeant de mille merveilles ? Lissandre n’en avait pas envie. Etrange ? Pas tant que ça. Elle voulait y revenir. Elle voulait découvrir toutes les îles volantes et probablement tous les mondes souterrains aussi. Mais elle voulait de ce monde comme un monde de destination de vacances. Ce monde n’était pas le sien. C’était celui de Lucinda. Et… elle avait un désir d’avoir sa propre maison. Elle commençait à avoir son propre clan Verrières avec sa famille qui devenait nombreuse rapidement. Tout au fond d’elle, la mégalomane voulait son propre monde à elle.

« Je suis d’accord avec Fönn. C’est prématuré de vouloir vivre ici. Et nous le visiterons. Déjà pour que tu découvres les sœurs de Mélona. Mais aussi pour tout le reste que je ne connais pas encore. »

Est-ce que c’était raisonnable de vouloir son propre monde ? Et puis, ça sous-entendait quoi ? Devenir Reine ? Devenir la grande architecte et la grande manageuse ? Est-ce qu’elle voulait d’une pareille vie à tirer les ficelles et consulter les dossiers ? Impossible à dire aujourd’hui. Après tout, elle ne s’était pas projeté dans une vie de famille. Et voilà qu’elle était enceinte.

*Peut-être consulter les livres de la bibliothèque de Lucinda ? Peut-être. De toute façon, je n’ai pas le moral. Ou l’énergie à une pareille tâche. Pas maintenant. Pas aujourd’hui. *

Arrêter de réfléchir. Ne plus penser. Se réfugier dans un câlin contre la peau chaude et en sueurs de sa femme. Sa femme. C’était fou comme il pouvait s’en cacher des choses derrières ces deux mots accolées. Partager la vie avec quelqu’un d’autre. Avoir des projets à deux. S’inquiéter d’une façon démesurée pour un seul être humain alors que des milliers meurent.

« Je t’aime. »

Des mots lâchés comme une bouée de sauvetage.

« C’est dingue à quel point je t’aime. Je n’arrive plus à imaginer une vie sans toi. S’il devait t’arriver malheur… »

Lissandre ne finit pas sa phrase. Sa tête sort du moelleux du corps de sa femme pour observer Lucinda.

« Il faudra me certifier que ses pouvoirs ne sont pas dangereux pour sa santé. Je suis sérieuse. Je suis prête à abandonner l’extraordinaire pour un banal ordinaire à ses côtés. »

Vraiment ? Les mots sont sincères à l’instant présent. Mais imaginer Lissandre vivre une vie basique sur le long terme ? Ce serait la mort de son âme, assurément.

Lucinda les regarda avec un léger sourire. Un tel amour, c’était toujours très agréable à voir. Lissandre embrassa sa belle Fönn, restant lovée contre elle, et indiqua à son tour qu’elle n’avait en réalité pas spécialement envie de venir s’installer ici. La Reine Noire n’allait pas insister. Lissandre et Fönn n’avaient pas le profil requis pour être ses guerrières et amantes, pour porter ses enfants, de sorte que leur présence ne serait pas indispensable. Si elles acceptaient d’emménager dans son palais, elles seraient ses courtisanes, probablement des Comtesses qui disposeront ensuite d’un petit lopin de terre pour y vivre paisiblement et élever leur progéniture. Cependant, Lissandre n’était pas à plaindre, et Lucinda préférait qu’elle reste sur Terre, sa villa constituant pour elle un point d’ancrage sur Terre. Et puis, Mélona y était attachée, et sa Slime adorée aimait passer du temps sur Terre. Changer son foyer la perturberait, même si c’était pour s’installer ici.

S’asseyant sur le rebord du lit, la main de Lucinda caressa le dos de Lissandre, partant de ses fesses pour caresser ses cheveux. Lissandre releva la tête, et lui demanda alors si les pouvoirs de Fönn n’avaient aucun danger pour sa santé.

« C’est justement l’une des choses dont je dois m’assurer… Pour Fönn, mais aussi pour ce bébé qui pousse dans son ventre. »

Elle dit cela en caressant le ventre de la jeune femme. Fönn rougit doucement.

« Mes pouvoirs ne s’étaient encore jamais manifestés avant que je ne rencontre Lissandre… Est-ce qu’il peut y avoir un lien ?
-  Tu avais déjà rencontré Alastar avant, sans que cela ne développe quelque chose… Donc, il est possible que, d’une manière ou d’une autre, Lissandre, ou cette combinaison magique qu’elle porte, aient pu influer. Il faudra que je réalise des examens, je ne suis pas devine. »

Fönn acquiesça, puis sourit à Lissandre, et l’embrassa alors, frottant dans le même temps son nez contre le sien.

« Tu es un peu comme ma potion magique, alors… »

Elle dit cela en français. Lissandre étant de nationalité française, elle apprécierait peut-être cette référence subtile à Astérix, une bande dessinée très populaire dans ce pays…

Lissandre ne connaissait pas beaucoup Lucinda mais, étonnamment, elle lui faisait confiance et plaçait la santé de sa famille entre ses royales mains.

*Je ne vois pas comment je pourrais être à l’origine de tes pouvoirs. Mais je ne vais pas mentir, ça flatte beaucoup mon égo ! *

Ses pensées ne sont pas partagées mais Lissandre ne peut s’empêcher de sourire à sa femme. De toute façon, ça parait impossible de faire autre chose quand elle la regarde. Comme si elle était sous le coup d’un sortilège.

« Et tu pourras venir t’abreuver autant que tu voudras à sa source, en ce cas. »

Clin d’œil malicieux tandis que ses doigts forment un V et que sa langue se fiche au milieu. Aucun souci quant à son interprétation, Lissandre mime sa femme pouvant venir lécher sa chatte. Bon, pas maintenant, là elle a carrément eu sa dose avec cette scène à trois. Mais voilà, elle réagit à l’expression française qu’elle lui a servie.

Tout ce qu’elle voudrait maintenant, c’est fermer les yeux. La fatigue pèse sur ses paupières et elle aimerait bien prendre un peu de repos avant que la vie la rattrape dans ses bras et la bringuebale partout et nulle part.

Après cette joyeuse soirée à trois et cette débauche sexuelle, Lissandre et Fönn se réveillèrent ensemble, le lendemain, dans un autre lit. Surprenant ? Oui, mais Lissandre avait déjà commencé à comprendre qu’ici, rien ne fonctionnait comme sur Terre. Les deux femmes étaient revenues au château royal de Lucinda, au cœur de ce monde incroyable. Fönn et Lissandre avaient débarqué dans une chambre particulière, avec des murs roses, et des peluches partout… Et avec une Mélona qui dormait contre le corps de Lissandre.

« Oh… »

Fönn comprit qu’elles avaient atterri dans la chambre de Mélona. La Slime semblait épanouie, et elle s’était endormie contre Lissandre, dormant paisiblement contre ses seins. Fönn, qui fut la première des trois à se réveiller, s’extirpa lentement du lit. Elle était nue, et posa ses pieds sur la moquette. Elle se rapprocha de la fenêtre. Des rais de lumière directs filtraient à travers les rideaux. Elle écarta les rideaux, et eut droit à une curieuse vision.

La fenêtre donnait sur l’océan. Des bateaux se rapprochaient sur mer, mais d’autres volaient aussi dans les airs. Ici et là, des colonnes d’eau s’élevaient régulièrement hors de la mer. En contrebas, elle pouvait voir un énorme pont qui surplombait la mer, reliant la terre ferme à cet énorme château. Fönn pouvait voir des pégases qui volaient dans les airs, ainsi que des personnages ailés ressemblant à des Anges.

*Mais dans quoi j’ai débarqué, moi ? On dirait un conte de fées…*

Fönn se retourna vers le duo endormi, et sourit lentement.

*Mais dans quoi est-ce que tu m’as embarqué, Lissandre ?*

Elle l’embrassa doucement sur le front, et caressa d’une main les cheveux de Mélona.

« Hmmm… »

La Norvégienne se pinça doucement les lèvres, et enfila une nuisette. Curieuse, elle entrouvrit la porte de la chambre, et débarqua dans un couloir où elle croisa d’emblée une garde.

« Euh… Bonjour ? »

La garde aux oreilles pointues se retourna vers elle, et la salua alors.

« Bonjour, Dame Verrières. La Reine souhaite vous recevoir dans son laboratoire… Mais, avant cela, j’ai pour ordre de vous escorter à la salle de banquet pour un petit-déjeuner.
-  Oh… Mais… Ma femme dort encore…
-  C’est à vous de décider. »

Fönn remercia la garde, mais lui indiqua qu’elle préférait y aller avec Lissandre, et retourna à l’intérieur de la chambre. Elle retourna se coucher, et observa juste Lissandre, en train de dormir, si belle, attendant patiemment qu’elle se réveille…

Pourquoi chercher à s’éveiller quand le repos vous avait chaleureusement dans ses bras ? A moins que ça ne soit une présence humaine qui lui communiquait cette chaleur ? Lissandre entrouvrit les yeux mais ce sont ses narines qui reconnurent celle qui s’était lovée contre elle. Cette odeur sucrée et candide : ce ne pouvait être que Mélona.

Alors elle ferma de nouveau les yeux, sans avoir remarqué que sa femme était réveillée et profitait du spectacle de sa belle endormie. Mais contrairement au conte, elle ne reçut pas de baiser pour la sortir de force de son sommeil.

Au-dehors, des oiseaux gazouillaient. Mais il y avait aussi des êtres ailés qui poussaient quelques chansonnettes. Peut-être une sorte de facteur qui donnait de la voix pour se motiver à progresser et pour égayer son entourage ?

Lissandre finit finalement par ouvrir définitivement les yeux et quitter les bras de Morphée. Ou plutôt ceux de Mélona. Elle sourit amoureusement à sa femme et lui souhaite un « Bonjour, mon amour ». Elle aussi eut la surprise de découvrir que la chambre avait changé. Elle était plus rose. Il ne fallut pas longtemps pour découvrir que la décoration provenait des mains de sa Mélona.

« Ca fait longtemps que tu joues la voyeuse ? »

Sa main se posa derrière la tête de sa femme et l’amena vers elle. Son premier petit déjeuner devait être ses lèvres. Pas un baiser qui allait conduire au sexe. Mais il lui fallait un vrai baiser. Pas juste un bisou qui aussitôt déposé repartait.

« Alors, nous avons de la visite ? Un oiseau de la taille d’une vache et vêtue en soubrette par la fenêtre ? Ou peut-être une slime ninja venue insidieusement joué de son corps liquide pour pénétrer ma femme à moi ? »

Les deux possibilités paraissaient folles. Mais, en reculant de quelques pas en arrière pour observer la situation dans ce monde particulier, ça devenait des possibilités probables. Alors Lissandre était curieuse d’entendre la réponse de sa femme. Et ce fut une femme en armure moulée aux oreilles pointues. Intriguant.

« Un laboratoire, tu as dit ? Je suppose que Lucinda a passé toute la nuit à réfléchir sur ton cas exceptionnel, ma belle. Je crois que la curiosité est un puissant moteur pour notre Reine. Et, j’avoue, je confesse que je suis très curieuse de connaître le potentiel enfoui en toi. Je n’ai pas besoin de te dire à quel point je suis excité à l’idée de te savoir transformée, n’est-ce pas ? »

Il n’y avait plus qu’à attendre le réveil de Mélona pour aller prendre un solide petit-déjeuner. Ce serait probablement le genre de moment que l’Histoire ne se rappellerait pas. Mais ce serait ce genre de moment anodin facilement oubliable qui doit être vécu. Ces petits riens qui permettent de vivre et d’apprécier pleinement l’existence et le bonheur qui en découle.

« Je ne sais pas… Ça sonne terriblement cliché, je l’avoue. Attendre que sa belle se réveille en la regardant dormir. Mais tu vas si bien avec Mélona… Je crois qu’elle t’apprécie vraiment beaucoup. Et je me transformerai pour toi autant de fois que tu me le demanderas, ma chérie… Si je comprends comment ça marche. »

Fönn caressa sa tête, glissant sur les longs cheveux soyeux de la Slime. Difficile de croire qu’elle n’était pas une humaine. Quel qu’ait été le traitement de la Reine Noire à l’encontre de ce « chewing-gum rose », le résultat final était très réussi. Mélona semblait particulièrement détendue, et elle les fit patienter un peu. Impossible pour Lissandre de sortir tant que Mélona dormait, la petite Slime protestait dans son sommeil, et Fönn sourit doucement, expliquant qu’il n’y avait après tout aucune urgence. Mélona finit néanmoins par se réveiller, murmurant des « Maman » dans son sommeil. Ses petits yeux fixèrent Lissandre, et elle sourit ensuite, puis sembla s’égailler instantanément.

« MAMAN LISSANDRE ! »

Elle se jeta alors à son cou, et lui fit un gros câlin.

*Ma parole, elle est aussi énergique qu’Iris au réveil, et sans avoir pris de café…*

Mélona se redressa ensuite.

« Mélona est heureuse de revoir Maman Lissandre... Et Maman Fönn aussi ! »

Fönn lui sourit doucement, et l’enlaça à son tour.

« Tu as le réveil facile, toi…
-  Hihi, gloussa Mélona, c’est Maîtresse qui a remis toute l’énergie de Mélona à Mélona ! Mélona a fait un gros dodo, mais elle a rêvé de Maman Lissandre, et du fait qu’elle avait une Maman et une famille ! »

Fönn hocha lentement la tête.

« D’accord, d’accord… J’ai très envie d’écouter ton rêve, Mélona, mais, avant ça, je veux manger… Et prendre un café… Ou deux. Il y a du café ici, au moins ? »

Mélona acquiesça en hochant vivement la tête, puis bondit hors du lit.

Le petit-déjeuner avait lieu dans la salle de banquet principale. Fönn et Lissandre n’étaient pas les seules, et Fönn constata vite que les personnes qui mangeaient étaient toutes belles, et de sexe féminin. Fönn désigna du menton la femme qui l’avait conduite ici, débarquant presque toute nue dans son cabinet de gynécologue, avec une « culotte » composée d’un serpent vivant : Echidna. Mélona tira sur la manche de Lissandre, et pointa son doigt vers une autre personne, une Égyptienne qu’elle présenta comme sa meilleure amie ici : Menace.

Fönn observa cette étonnante assemblée, puis se pencha vers Lissandre :

« Honnêtement, c’est encore plus barré que ce que je pensais. »

D’un côté une slime qui rêve d’une vie de famille et de l’autre sa femme qui demande du café alors qu’elle se trouve sur un monde inconnu. Un tel contraste est impressionnant. Ce devrait être déroutant. Possiblement risible. Mais Lissandre adore ça. C’est la vie que beaucoup rêvent en lisant des romans et qui ne se réalise jamais. Elle, oui. La vie l’a graciée de ce présent.

Et les voilà toutes les trois attablées à cette table de bois épais digne justement des images qu’on se fait des romans d’avantures de fantasy. On imagine plus facilement des hommes en armures, d’autres levant leur chope de bière ou encore ceux avec de belles barbes. Ici, la testostérone semble interdite. Uniquement des femmes. Plus perturbant, toutes semblent appartenir à une catégorie à part. Comme si toutes les exceptions, toutes celles qui avaient un charisme particulier avaient été rassemblés ici même.

« Je suis d’accord avec ça. Mais, personnellement, qui refuserait de manger un tel petit déjeuner avec un pareil entourage ? Moi je compte bien en profiter. »

Fönn s’étant penchée vers Lissandre, cette dernière la gratifia d’un baiser après sa réponse. Ainsi, en plus de se faire plaisirs toutes les deux d’une petite attention amoureuse, elle envoyait un message à toutes les autres : Fönn et Lissandre étaient en couple.

Puis ce fut à son tour de se pencher vers Fönn.

« Quand même, ça m’intrigue. Est-ce normal ? Va-t-il y avoir un événement spécial ce matin ? Je suis pressée de voir Lucinda arriver et d’avoir des réponses à mes questions. »

Lissandre tendit le bras et rapprocha carrément l’assiette remplie de viennoiseries. Elle les offrit avec un grand sourire à Mélona. Elle adorait voir la slime en compagnie de croissants, pains au chocolat et autres. La joie qui animait son visage était sincère. Enfantine. Et c’était communicatif. L’enchantement gagnait alors Lissandre qui se retrouvait elle aussi à sourire avec un cœur plus léger.

« Tout ce que j’espère, c’est que ça n’a pas de lien avec ce que Lucinda veut te faire faire. Expérimentée d’accord. Mais ça me gêne si ça devient un événement tout public. C’est, je ne sais pas trop pourquoi, intime, je dirais. »

Devait-elle entamer une conversation avec Echidna ? La femme qui était allée chercher sa Fönn. Ou alors demander à Mélona à ce qu’elle fasse les présentations de sa meilleure amie ? Parce que Lissandre état très curieuse d’en apprendre plus sur sa « fille adoptée ». Mais peut-être que Lucinda allait couper court à tout ça et arriver.

Finalement, le petit-déjeuner se passa en réalité sans anicroche. Il fallait croire que l’ambiance était normale. Les guerrières de Lucinda revenaient ici quand elles avaient fini leurs diverses missions, et repartaient ensuite en vadrouille. Ce n’était pas vraiment le genre de moment qu’on montrait dans les films, ces entre-deux où il ne se passait rien de particulier. Mélona mangeait avec appétit… Ou, plutôt, elle dévorait. La voir manger était toujours impressionnant, elle pouvait engloutir tout un garde-manger, faire grossir son ventre, qui rapetissait ensuite à vue d’œil tandis qu’elle rigolait comme une gamine, et ce généralement sous les yeux amusés d’Iris, qui voyait parfois Mélona se transformer après un bon repas en « Méloboule ». Elle devenait toute ronde, parfaitement sphérique, et Iris la faisait alors rouler, comme un gros ballon, jusqu’à ce que Mélona reprenne sa forme, en gloussant comme une folle, tandis que Fönn se demandait à partir de quand elle devrait suivre une thérapie.

« Nom-nom, ch’est trop bon, nya-nya… !
-  On ne parle pas la bouche pleine, Mélona !
-  Oui, che chuis décholée, Maman Chönn ! »

Fönn soupira en baissant la tête. Ici, comme dans Harry Potter, les assiettes se remplissaient toutes seules jusqu’à ce qu’on en ait assez. Si Lissandre s’attendait à une démonstration, il n’y eut rien de tout ça, et, quand elles furent prêtes, deux gardes se rapprochèrent, pour les inviter à rejoindre le salon de lecture de la Reine. Fönn acquiesça, un peu nerveuse. Ceci l’amena à serrer nerveusement la main de Lissandre, peut-être de manière trop appuyée. Elles traversèrent plusieurs séries de couloirs, jusqu’à rejoindre un grand salon.

C’était un endroit un peu particulier. Il y avait une énorme cheminée qui brûlait, et une grande table ronde avec un trou sphérique. La Reine Noire se trouvait là, et leur désigna un canapé moelleux en demi-cercle.

« Bonjour, mes chères amies ! Je suis heureuse qu’aucune de vous n’ait cherché à se défénestrer ce matin ! Je vous en prie, prenez place ! »

Mélona se retourna vers Lissandre, et rougit doucement, avant de lui demander, d’une toute petite voix, et en tapotant ses index entre eux :

« Dis, est-ce que je peux m’asseoir sur tes genoux, Maman ? »

Lissandre était presque déçue. Elle s’était attendue à de grandes choses avec de telles femmes toutes rassemblées autour d’une même table. Et… non. Elles avaient toutes tellement l’habitude de se côtoyer qu’elles ne devaient plus comprendre qu’elles étaient exceptionnelles. Bien au-dessus de la qualité moyenne du tout commun. Pour autant, Lissandre garda une oreille attentive à tous les morceaux de conversation qu’elles pouvaient capter. Bien qu’en réalité, elle n’en écouta pas tant que ça. Parler l’esprit léger avec sa femme et s’occuper de Mélona étaient déjà un travail à temps plein.

*Ce n’est pas grave. J’aurai bien l’occasion d’en apprendre plus sur cette Echidna ou cette Menace plus tard. *

Donc, main dans la main, elles allèrent rejoindre Lucinda. Pendant la traversée du château, escortée par deux femmes en armure : Lissandre caressa de son pouce la main de Fönn.

« Ne t’inquiète pas, tout va forcément bien aller. Je suis là. Tu n’es pas seule. Nous sommes en famille, ma merveilleuse Fönn. »

Lissandre n’avait pas manqué les signes de nervosité de sa femme et avait fait tout son possible pour la rassurer.

« Oh, j’ai bien pensé à me défenestrer à nouveau. Mais c’était peine perdue. Il y avait beaucoup de trop de surveillantes autour de la table. Enfin, du banquet gargantuesque pour réussir à accomplir mon dessein. Si ça n’aurait pas été celle-là avec les muscles rendant jaloux un homme ou cet autre avec ces ailes repliées et tatouées : ça aurait été le poids de nourriture dans l’estomac qui m’aurait ralenti dans ma course. »

Lissandre avait trouvé la force de répliquer à la boutade de la Reine. Pour autant, elle n’était toujours pas à l’aise avec sa tentative de suicide. Ça restait un épisode dérangeant. Potentiellement traumatique…

Désormais assise sur le confortable canapé en demi-cercle, Lissandre sourit à Mélona.

« Avec tout ce que tu as mangé, j’ai peur que les genoux de Maman ne soit pas assez résistants. »

Mais Lissandre confia un clin d’œil et un sourire d’invitation à ce que sa slime s’assoie sur ses genoux.

« Bon. Je crois que nous avons assez attendus. Je crois surtout qu’il serait temps que tu livres la façon dont tu vas procéder. Ce n’est pas bien de faire attendre ma femme, Lucinda. Elle s’inquiète. Et je n’aime pas quand elle s’inquiète. Parce que je tends à m’inquiéter également en retour. »

Mélona frémit quand Lissandre lui reprocha d’avoir trop mangé. Mais, avant que la situation ne dégénère en pleurs, elle fit signe à Mélona de la rejoindre. La Slime sourit joyeusement, et grimpa sur les cuisses de sa mère, puis se lova affectueusement contre elle, sa tête frottant ses seins, ses deux longues oreilles de lapine glissant contre le menton de Lissandre. Celle-ci se débrouilla pour poser sa tête entre les deux oreilles de lapine, et interrogea Lucinda sur ce qui se passait, lui faisant remarquer l’état de nervosité des deux femmes.

« Oh, je ne vais rien faire, je ne fais que vous donner mes premiers résultats sur la base de ce que j’ai pu observer. »

Lucinda n’était pas une doctoresse ou une magicienne que les deux femmes viendraient consulter, elle était une Reine, une Déesse !

« Ta grand-mère était une sorcière, Fönn, c’est bien ça ?
-  Une völva, oui… Elle était devenue folle, et, à l’asile, elle répétait sans arrêt les mêmes mots quand elle n’était plus sous calmants… Tekeli-li. »

La Reine Noire fronça lentement les sourcils, et ne rebondit pas là-dessus.

« La mythologie scandinave est très spécifique, et elle a une manière bien à elle de lire le réel et le fonctionnement du corps humain. Le seidr, la magie des Dieux scandinaves, repose beaucoup sur la transformation d’un être humain en animal. Cela est lié à la façon dont cette mythologie envisage le fonctionnement de l’être humain. »

Fönn avait déjà entendu parler de ça quand elle était petite. Sa grand-mère aimait beaucoup en parler.

« Hilda, ma grand-mère, disait que j’avais un très bel hamr. »

Lucinda ne semblait pas surprise. Mélona, elle, continuait à se lover contre Lissandre. Aurait-elle été une chatte qu’elle se serait sûrement mise à ronronner !

« L’être humain se constitue de cinq éléments. Le Hamr est le corps astral de l’homme. La transformation physique, au sein du Seidr, consiste à modifier l’empreinte de son hamr, étant précisé que le hamr, en tant que tel, désigne la capacité d’apprentissage par la répétition… Comme un enfant apprenant à manger avec une fourchette et un couteau, ou à parler, en recopiant ce qu’on lui montre.
-  Alors, ma capacité de métamorphose… ?
-  C’est une capacité innée, qui fonctionne sur le fait de recopier les autres. Ton hamr épouse la forme d’une autre espèce avec qui tu as visiblement eu des rapports sexuels… Alors, oui, tu peux te transformer en démone, parce que tu as fait l’amour avec beaucoup de démons lors de ton mariage avec Lissandre. Je pense que tu pourrais aussi te transformer en Slime en couchant régulièrement avec Mélona. »

Fönn rougit, et Mélona releva la tête en ayant entendu sa Maîtresse prononcer son nom. Puis, elle reposa sa tête contre Lissandre.

« J’ignore encore à ce stade ce qui déclenche clairement le processus d’assimilation… Est-ce du sexe intense, ou l’insémination ? Pour l’heure, je ne peux qu’émettre des suppositions, mais je ne pense pas que ton pouvoir soit dangereux, Fönn… Je pense au contraire qu’il t’ouvre de fabuleuses perspectives que toi et ta femme allez sans doute vous faire un plaisir immense de découvrir. »

Lissandre était soulagée. Elle s’était imaginée une cave circulaire de pierre avec des échafaudages, des armoires remplies de livres obscurs, des étagères remplis de bocaux et contenants en verre avec des liquides toutes les couleurs, de la mousse et des bulles pétillantes. Et, au final, tout allait se cantonner visiblement à une simple discussion.

Mélona dut ressentir son soulagement car elle sembla se lover un peu plus contre elle. Elle semblait si bien contre le corps de Maman Lissandre qu’elle donnait l’impression qu’elle allait s’endormir d’un instant à l’autre…

…jusqu’au moment où Lucinda parla d’elle et de sexe ! Elle s’éveilla d’un seul coup (comme un chat, encore une fois une bonne analogie) et tendit ses oreilles de lapine.

*Ma Mélona se régalant au jus intime de ma Fönn. Et cette dernière acquérant petit à petit la capacité de devenir une slime. Intéressant. Excitant, même ! Je suis tellement curieuse maintenant de savoir quelle apparence slimesque elle revêtira ! *

Cette excitation, ce regard chargé si intensément attira irrémédiablement l’attention de sa femme. Nul doute que cette dernière comprit très rapidement, sans être une télépathe, ce qu’avait en tête sa femme.

« Je suis presque déçue. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit mais, je m’attendais presque à retrouver ma Fönn nue et enchaînée sur une sorte d’autel de pierre. Victime de bizarres et incompréhensibles expérimentations. C’est presque… comme une réunion dans un bar à thé ce que nous faisons. Très très loin de ce que mon imagination m’avait délivré. »

Mais parfois, le simple était bien. Reposant. Et Lissandre n’était aucunement peinée. Elle souriait même de cette joie simple à cette épisode simple de leur vie à toutes.

« Donc, si j’ai bien compris, et pour résumer la situation. Il va nous falloir avoir beaucoup de sexe, régulièrement et avec des partenaires différents pour savoir ce qui déclenche le hamr de ma Fönn ? Je crois que je vais être obligée de devoir filmer tout ça. Impossible de prendre de simples notes, n’est-ce pas ? Et j’imagine qu’il faudra prélever des échantillons à tester ? C’est OK si je le récupère avec ma langue et non un affreux coton-tige ? Pas de problème si ça se mélange avec mon ADN ? »

L’expérimentation sexuelle enflammait la libido et l’imagination de Lissandre !

Puis elle ressentit le poids de Mélona. Il fallait également qu’elle s’occupe d’elle.

« Mais tout ça sera pour plus tard. Peut-être que Mélona voudrait nous présenter son amie Menace ? Et qu’on joue toutes ensemble ? »

Lucinda fronça les sourcils quand Lissandre indiqua être déçue. Elle s’était imaginée autre chose, et la Reine Noire haussa les épaules.

« Désolée de te décevoir, je ne faisais que donner un constat. Il faudra ensuite que j’examine Fönn pour affiner mon diagnostic. »

Fönn rougit doucement à cette idée. Elle était donc capable de se transformer, de copier les propriétés magiques d’autres créatures pour les utiliser. Était-ce un héritage génétique ? Comme Lucinda l’avait expliqué, la magie scandinave impliquait beaucoup de transformation. La modification du hamr était au cœur de cette magie. Fönn allait sans doute devoir interroger ses parents, et surtout sa mère. Celle-ci avait toujours refusé de lui parler d’Hilda ou de son passé, décrivant simplement Hilda comme une femme âgée, qui avait toujours cru à ces vieilles superstitions. Fönn se demandait si l’hostilité de sa mère n’était pas la conséquence d’une absence de magie chez elle, comme une vieille déception, une douleur qu’elle aurait masqué derrière un masque d’indifférence.

« Des examens ? Comment ça ?
-  Des essais, des élixirs… Ton pouvoir s’est réveillé, ma belle. Nous nous reverrons donc régulièrement. Et puis, Lissandre sera moins déçue, comme ça. »

La Norvégienne s’empourpra à nouveau, tout en se disant silencieusement que sa femme aurait sans doute mieux fait de se taire. Lissandre indiqua alors qu’elle souhaitait rencontrer Menace. Mélona la regarda alors en clignant des yeux, et Lucinda sourit.

« Oh… Menace n’est pas aussi docile que Mélona, tu sais.
-  Maman Lissandre veut voir Menace ?
-  C’est… L’espèce d’Égyptienne qu’on a vu au réfectoire ? »

Lucinda sourit doucement.

« Menace vient d’une autre planète, où elle était la reine du royaume d’Amara. Enfin, elle n’a pas été reine très longtemps… C’est une puissante magicienne, mais son ascension avait suscité la convoitise de prêtres et de nobles qui ont mené une conspiration pour la renverser. Leur conspiration a malheureusement eu des effets indésirés, et ils ont détruit le royaume d’Amara en réveillant les morts. Menace m’a rejoint afin que je reconstitue le royaume d’Amara sur mon monde. C’est l’une des choses à laquelle je m’attelle, mais modifier la réalité à ce point n’est jamais simple. »

Menace n’était pas à proprement parler l’une des guerrières de Lucinda, comme Echidna. C’était plutôt une sorte de diplomate, d’invitée de haut rang.

« Menace est très gentille, et elle est très rigolote !
-  Ce n’est pas un point de vue que beaucoup partageront. Mais, puisque tu souhaites du folklore, Lissandre, tu trouveras peut-être ton compte dans ses quartiers. Menace mène des expériences sur des zombies, dans l’optique de perfectionner ses pouvoirs, et de contribuer à restaurer Amara. »

Fönn eut un léger frisson, tant cela semblait sinistre ! Mélona bondit alors sur le sol, et attrapa la main de Lissandre.

« On y va, alors ?! » s’exclama-t-elle, impatiente.

Lucinda les laissa partir, et le trio fila à travers un couloir. Mélona connaissait ce vaste château comme sa poche, et elles rejoignirent une aile spéciale. Amara disposait de toute une petite aile au sein du château.

« Le royaume d’Amara est envahi par les zombies, mais il existe encore des habitants. Maîtresse a envoyé l’une de ses filles pour purger les lieux, mais les personnes encore en vie sont ramenées ici. En attendant de pouvoir leur concevoir un royaume, elles sont hébergées dans une aile du château que Maîtresse a spécialement créé rien que pour eux. »

Pour rejoindre cette aile, le trio passa par un pont suspendu à l’air libre. Fönn jeta tout de même un coup d’œil. Le château était à l’embouchure du continent, et, au-delà, une vaste mer se perdait au loin. Devant elles, il y avait une pyramide, suspendue en l’air, reliée au château par le pont. Le changement d’architecture était perceptible, mais il était impossible de se méprendre. Menace était à l’intérieur, en compagnie de ses gens…

Tout prenait soudainement une tournure inattendue. Et pourtant, rien que depuis le réveil avec le repas, les surprises étaient au rendez-vous. Mais l’amie de Mélona était une ancienne reine qui bricolait des morts-vivants ? Euh…

Mais impossible de refuser quoi que ce soit à Mélona quand elle était excitée à ce point. Lissandre s’en serait voulue de lui dire non et de devoir affronter les grands yeux tristes de Mélona. Alors… haussant les épaules, elle se laissa entraîner. Tout en tenant de sa main libre celle de Fönn. Elle serra chaudement pour lui faire comprendre qu’elle non plus n’était pas rassurée mais qu’elles étaient ensemble dans cette nouvelle aventure.

Traversant alors le pont, Lissandre se retourna vers sa femme pour essayer de lâcher une plaisanterie :

« Qui sait ? Peut-être que tu pourras te transformer en zombie super sexy grâce à l’amie de Mélona ? »

Mouais. Difficile d’imaginer l’assemblage de chairs en décomposition et, par exemple, d’une tenue en latex moulante et sensuelle. Pourtant, bien que le trait d’esprit soit plutôt moyen, Lissandre se posa réellement la question si sa femme serait un jour capable de se transformer en revenant. Et si oui : à quoi cela pourrait bien leur servir ?!

« Attends attends. »

Lissandre tira pour faire arrêter l’hyperactive Mélona. Elles avaient presque traversé le pont et se trouvait sous les dimensions écrasantes de la pyramide volante.

« Ton amie ne nous connaît pas et, euh, comment dire ? Ce n’est pas trop normal de jouer avec les morts. Enfin, sauf si on travaille dans les pompes funèbres ou si le métier veut qu’il faille faire des autopsies. Ouhlala, je m’égare moi. Bon. Ce que je voulais dire, c’est : on ne devrait peut-être pas arriver les mains vides. Tu crois qu’on devrait faire demi-tour et aller chercher un cadeau pour ton amie ? »

Une pyramide volante. Des expériences sur les morts. Une slime qui avait pour meilleure amie une sorte de pharaonne. Tout cela puait un peu la malédiction, la dalle au sol piégée, les tirs de flèches et la salle sans issue qui se remplissait petit à petit de sable…

*Peut-être bien que j’ai tout de même des limites au folklore comme le disait Lucinda ? A moins que ce soit l’arrivée de Fönn qui me change ? Transforme mes priorités ? *

Une pyramide volante en or… Incroyable ! Fönn était sous le cul ! Elle était curieuse de voir à l’intérieur, mais Lissandre leur fit signe d’arrêter, suggérant de venir avec un cadeau. Surprise, Mélona cligna des yeux à plusieurs reprises, posant un doigt interrogateur sur ses lèvres… De quoi la faire ressembler plus que jamais à une enfant, son air circonspect traduisant son incompréhension de ce que Maman Lissandre voulait. Fönn, elle, espérait bien ne jamais avoir à se transformer en zombie, c’était quand même dégoûtant ! Et est-ce qu’elle ne risquait pas de perdre tout contrôle ? Quand elle se transformait, elle ne faisait pas que changer physiquement de forme, sa psyché évoluait aussi. Si elle se transformait en zombie, perdrait-elle tout raisonnement intellectuel, toute possibilité de revenir en arrière ?

« Mais quel cadeau Maman Lissandre voudrait offrir à Menace ? Nous sommes déjà là ! »

Fönn se pinça les lèvres, et se déplaça.

« Plus rien ne me surprend vraiment ici. Et tu voulais la voir, non ? Alors, allons-y ! »

Mélona sourit donc, et elles rejoignirent un escalier qui menait à une entrée. À l’intérieur, il y avait un grand couloir qui menait à un énorme hall central, haut de plafond. Autour des murs, d’énormes statues se dressaient, représentant des divinités amariennes à tête de chats ou de crocodiles. Les murs étaient en or, avec un énorme tapis sur le sol qui menait jusqu’à la salle du trône, et un autre tapis perpendiculaire à celui-là, qui filait vers deux énormes portes. Il y avait des mezzanines dans les hauteurs, d’où des sons se pouvaient entendre.

Fönn vit deux panthères noires dormir devant l’énorme trône royal. Mélona les caressa comme des chats, puis invita ses Mamans à la suivre.

« Menace doit se faire masser ! »

Fönn se dépêcha de la suivre, et le duo rejoignit en effet une autre pièce. Menace était bel et bien là, et, comme Mélona l’avait suggéré, elle était en train de se faire masser, sur une table de massage dorée au fond d’une grande pièce. Un pont y menait, avec un bassin aquatique en-dessous sur lequel des pétales de roses flottaient lentement à la surface. On avait préparé le bain de la Pharaonne… Qui se retourna vers les arrivantes.

Lissandre avait un égo. Elle avait voulu percer dans le monde pornographique en le révolutionnant. Elle avait eu Fönn, Mélona et tout un clan Verrières se formait suite à un mariage improbable dans les Enfers. Mais ici ? Ces proportions inutilement grandes ? Ce faste d’or ? C’était tellement grandiose et choquant. Même si Lissandre possédait une fortune via son nom de Verrières : elle avait tout de même les pieds sur t(T)erre pour réaliser à quel point c’était un gâchis de place.

*Et pourtant, pourtant ça ne me déplairait pas qu’on érige un tel lieu en mon nom ! *

L’être humain est contradictoire. Ou il ne serait pas.

Et voici que Lissandre, sa femme et sa fille Mélona découvrent la pharaonne.

« C’est carrément autre chose que notre bain à remous à la maison, n’est-ce pas ? »

Lissandre quitta l’oreille de sa femme pour faire face à l’amie de Mélona qui se retournait vers elles toutes.

« Bonjour, euh, Menace ? Je suppose que nous pouvons vous appeler comme ça étant donné que vous êtes une grande amie de ma fille Mélona ? »

Est-ce que Menace était au courant de l’existence de Lissandre et de toute la nouvelle famille qui entourait maintenant Mélona ? Elle allait très vite l’apprendre.

« Désolé de vous perturber pendant ce qui semble être un moment qui donnerait envie d’être à votre place. Voilà, je me présente. Je m’appelle Lissandre Verrières. A côté de moi, ma magnifique femme Fönn. Nous venons de quitter Lucinda avec la volonté de découvrir l’entourage de ma Mélona. J’espère que ça ne vous dérange pas ? »

Lissandre fit quelques pas sur le pont. Si tout était richesse ici, elle ne pouvait tout de même pas s’empêcher de penser aux stéréotypes liés à l’Egypte ancienne et la profanation de pyramide. Ce pont, cette eau et ces pétales de fleurs : c’était magnifique. Ça donnait envie de s’arrêter, de se baigner dedans et de passer un simple moment en famille. Et pourtant, Lissandre ne pouvait pas s’empêcher d’observer entre les pétales roses pour être certaine qu’il n’y avait pas un dangereux alligator qui attendait en embuscade, par exemple.

Nerveuse, Lissandre se rapprocha lentement de Menace, qui soupirait doucement sous le massage de sa servante. Sa peau parfaite était délicatement huilée, et, quand Lissandre se mit à parler, Menace tourna la tête. Elle était toute nue, à l’exception de sa coiffe, et s’assit sur le rebord de la table de massage, s’étirant doucement.

« Nous avons entendu parler de vous, oui… »

Mélona fit signe à sa Maman de s’agenouiller, car elle-même en fit autant.

« Nous vivons exilée sur cette petite pyramide dans l’espoir de reconstruire la splendeur de notre royaume, et de conclure un traité avec la Reine Noire. Nous sommes heureuses de savoir que Mélona a enfin trouvé une mère adoptive, qui semble partager avec elle son affreux dédain pour le protocole. Mélona est avant tout à nos yeux la représentante diplomatique de la Reine Noire. »

Mélona gloussa doucement.

« Elle est rigolote, non ? »

Puis Mélona se précipita brusquement vers elle, et sauta sur Menace, venant l’enlacer.

« Menace a manqué à Mélona ! »

Derrière le ton protocolaire de Menace, ses joues s’empourprèrent, et elle posa sa main sur la tête de Mélona, puis lui sourit alors… Et les deux femmes s’embrassèrent. Un baiser appuyé, soutenu, où leurs lèvres se pressèrent l’une contre l’autre, et où Menace finit par resserrer ses jambes autour de la taille de Mélona. Fönn se racla pudiquement la gorge. Cette Pharaonne était visiblement très spéciale, leur parlant en employant la première personne du pluriel.

« Toi aussi, tu m’as manqué. »

Menace lui pinça alors la joue en fronçant les sourcils.

« Il me semblait pourtant t’avoir dit que je n’aimais pas manquer de tes nouvelles trop longtemps ! »

Mélona gloussa encore.

« Je suis désolée, mais j’ai été très occupée avec mes Mamans ! Mélona est une gentille fille ! »

La Pharaonne fronça les sourcils en les regardant toutes les deux.

« Nous espérons que vous prenez bien soin de Mélona, nous apprécions sa compagnie. »

Menace était vraiment… « normale » du point de vue de ce monde et de Mélona, en fait. Avec toutes ces proportions démesurées et les légendes rattachées à l’Egypte antique, Lissandre avait commencé à imaginer des scénarios très réalistes. Voire même effrayants ou dangereux pour elles toutes. Mais en fait : non. Menace était à la croisée entre une Reine obligée de répondre à des protocoles barbants et une espèce de nymphomane parmi tant d’autres dans l’entourage de Mélona.

« Nous prenons soin de Mélona au meilleur de nos capacités. Mais Mélona prend également soin de nous. Nous nous sommes vraiment bien trouvées toutes les deux. »

Lissandre sourit à Mélona. Avec tout ce qui arrivait d’extraordinaire, leur première rencontre devenait un fait parmi tant d’autre. Il s’était passé tellement de choses.

« J’ai peut-être une idée pour ce souci de manque de nouvelles. Il faudra bien sûr que j’en parle avec Lucinda, mais peut-être pourriez-vous nous rendre visite sur notre monde à nous ? »

Il y avait tellement de choses qui pouvait être interprétés dans ces deux phrases. D’abord, Lissandre ne disait pas la « Reine Noire » mais utilisait directement son prénom. Comment la Pharaonne allait réagir à ça ? Ensuite, elle avait parlé de « monde à nous ». Mais à aucun moment Lissandre n’avait pas voulu sous-entendre qu’elle aussi était une sorte de souveraine à qui Lucinda avait donné un monde. Mais peut-être que Menace était déjà au courant, étant donné qu’elle avait entendu parler d’elles ?

« Je vais surement faire une demande osée et désolé d’avance si ça ne respecte pas des protocoles. Mais je n’aime pas les protocoles, c’est ennuyeux. Bref, je ne cherche pas à créer des tensions. Alors voilà, nous sommes ici pour découvrir. Pour faire du tourisme, en somme. Et en vous voyant avec cette magnifique peau huilée, je me demandais s’il était possible de continuer cette conversation tout en expérimentant les mains habiles de vos masseuses ? »

Lissandre se retourna vers sa femme, pour savoir si cette offre lui faisait envie à elle aussi. Très certainement que oui ! Qui refuserait un massage ?

« S’il le faut, nous sommes prêtes à payer ou à vous rendre un service en retour. »

Lissandre invita Menace à rejoindre son monde, puis demanda ensuite un massage, étant prête à payer. Menace s’était décollée de son amie Mélona, mais lui attrapa la main dans la foulée. Mélona la serra naturellement, ce qui amena Fönn à se demander la nature exacte de leur relation. D’un autre côté, tous les gens présents ici avaient l’air d’être dingues, au point que Mélona semblait être la plus raisonnable ! Menace se rapprocha du bain.

« Votre monde ne nous intéresse pas, nous avons déjà un monde à récupérer. Mais vous êtes les Mamans de Mélona, et cela fait longtemps que Mélona recherchait des Mamans. Vous êtes donc aussi précieuses à nos yeux que l’est Mélona. Mais Mélona n’aime pas les massages, elle préfère les câlins.
-  Menace et Mélona vont faire un câlin ? demanda Mélona sur un ton enjoué.
-  Tu sais bien qu’après un massage, je prends toujours un bain. »

Mélona n’aimait pas spécialement l’eau, car elle pouvait s’y diluer, mais elle avait été revigorée par la Reine Noire récemment, il n’y avait donc aucun risque qu’elle se dissolve ! Menace rejoignit donc le bain sacré, et Mélona n’eut qu’un geste à faire pour changer de forme, et être toute nue à son tour. Elle sauta dans l’eau à côté de Menace, puis l’embrassa alors. Elles se lovèrent l’une contre l’autre, et Mélona généra un tentacule rose, avec une tasse au bout. L’une des masseuses y répandit du jus d’ambroisie (une spécialité amarienne), et Mélona approcha le tentacule, venant répandre l’ambroisie sur les seins de Menace, avant de glousser doucement, comme si elle s’amusait de sa provocation. Menace se mit à gémir, car l’ambroisie réagissait plutôt bien à l’huile qu’on avait utilisé, et ses seins étaient très sensibles. Les mains de Menace se crispèrent sur les fesses de Mélona, et elle alla l’embrasser plus fougueusement, son corps se pressant contre le sien avec envie.

Fönn, de son côté, se retrouva en compagnie d’une masseuse, qui l’invita à se déshabiller totalement. Pour Lissandre, la chose allait être différente, puisqu’il lui était impossible de retirer sa combinaison, et qu’elle était comme une seconde peau pour elle. Surprise, la masseuse finit par hausser les épaules.

« Soit… Nous allons prendre soin de vous. Nos massages érotiques sont très efficaces, mais vous devrez prendre un bain ensuite. »

Un massage érotique… Fönn rougit doucement en se déshabillant, et alla s’allonger sur la table, tandis que, devant elle, Menace et Mélona commençaient à tendrement se faire l’amour…

Lissandre ne s’installa pas tout de suite sur la table de massage. Elle voulait d’abord découvrit les plaisirs de sa famille. Observer son bébé Mélona avec un grand sourire en train de jouer avec le corps de la Pharaonne. Quant à sa femme, Lissandre ne fut pas surprise de la voir à la fois gênée et à la fois si prompt à se retrouver nue. C’était ce mélange de candeur et de pulsions nymphomanes qui la rendait incroyable.

Elle fit enfin face à sa masseuse et préféra la prévenir.

« Ne soyez pas surprise si vous ressentez de la vie en massant ma peau d’adoption. Mélona et moi avons conçu un drôle de bébé qui y habite. Son prénom est Mélissandre. Elle est très gentille et a hérité de la soif sexuelle de Mélona. Oui, bon, pas que. Egalement de la mienne. »

Lissandre avait été obligé de très vite se reprendre en découvrant le sourire mutin de sa femme.

Et enfin elle alla s’allonger sur la table. Elle décida de le faire sur le dos et de laisser à découvert sa menue poitrine et la possibilité de descendre la fermeture éclair qui dissimulait pour le moment son intimité.

Une question titilla soudainement l’esprit de Lissandre alors que les mains expertes commençaient leur massage.

« Je n’ai aucun problème à aller baigner dans le bain. Mais je ne comprends pas pourquoi ça semble obligatoire ? Ca a un rapport avec l’huile utilisée ? Ca peut être dangereux si elle n’est pas lavée dans l’eau du bain ? »

La masseuse, de ces mains expertes, se contentaient pour le moment d’effleurer la surface du corps. Pourtant, Lissandre pouvait déjà entendre Mélissandre ronronner. Ou quelque chose d’approchant. Dans tous les cas, Lissandre était certaine que son bébé appréciait.

*Et si ce massage est vraiment spécial étant donné qu’il faut aller dans le bain, est-ce que ça va avoir une conséquence sur le développement de Mélissandre ? Parce que, maintenant que je suis revenu dans le monde des slimes, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’un jour, Mélissandre me quittera. Quittera ma peau de latex. Et ça me fend déjà le cœur… *