The Multiversity

Elle éclate de rire ! C’est inattendu. Surtout après la pluie de merde qu’elle vient d’essuyer… Parce qu’Aisling n’a pas été tendre avec elle. Pire que Giana ? Pour le moment, oui. Parce qu’Aisling, c’est de la « nouveauté ». Alma n’y est pas encore habituée. Ecouter Aisling, ça a été imaginer que chaque membre de son harem l’avait trahi. Et que toutes étaient trop faibles pour lui dire. Elle ne s’entraîne plus ? Elle est partie plus de quatre mois en randonnée sans utilisation de ses pouvoirs. Cela a été compté dans l’équation ? Après, il est vrai qu’elle était une acharnée de l’entraînement dans son hanger à Franklin. Mais depuis, elle vit. Elle multiplie les rencontres et les expériences. Mais… le constat est sans appel : elle s’entraîne au minimum… Quant ça ne finit pas en espèce de préliminaire sportif avec la Bête…

Elle rit et ne comprend plus rien.
Elle rit et apprécie le moment.
Etrangement, elle a la sensation d’avoir gagné. Rapport à la façon dont agit Aisling. C’est bizarre. C’est peut-être faux. Surement tordu. Mais c’est ainsi ! Et elle s’en fiche soudainement de la logique et de la raison. Elle rit. Et c’est quelque chose de précieux. Parce que les adultes ne rient plus, en règle générale. Et l’intensité n’a rien à voir avec la pureté et la fréquence des enfants.

« Merci. Je ne sais pas pourquoi tu as décidé de me faire un câlin. Ca ne te ressemble pas. Pardon, ça ne ressemble pas à l’image d’Aisling que je m’étais faite. Mais j’ai bien aimé. Et tu es invitée à le refaire quand tu le voudras, autant de fois que tu le voudras et aussi longuement que tu le voudras. »

Alma se remet à rire peu longtemps. Ce foutu emmerdeur de son cœur. Même sur les réseaux, il lutte. Pour elle. Pour ses petits seins. C’est con. C’est probablement stupide. Mais ça la touche en plein son petit cœur tout mou. Merde ! Il y a cette expression qui veut que « femme qui rit, à moitié dans son lit ». Mais il est hors de question que ça aille dans ce sens avec un lézard ! Bien que, en terme d’homme, il serait le plus méritant depuis son arrivée sur ce monde. (et peut-être un certain Babal mais… laissons-le là où il se trouve actuellement).

« Je crois que je ne vais pas t’embêter plus longtemps. J’ai un peu appris à te connaître. Toi, tu sais visiblement déjà tout. Entre tes conversations avec les autres, plus ou moins passivement, et ta télépathie. Je crois qu’il est temps que je rentre pour… et bien, si j’en crois ton résumé blessant, recommencer à m’entraîner. Mais je ne sais pas comment. J’ai essayé avec Giana et son échantillon incroyable de toutes les facettes du Gris. Je suis allé jusqu’à faire un pacte qui n’a pas plus à maman et et qui m’a redonné mon bras de base. Elle n’a pas aimé le bras de Vert. Alors… je ne sais pas. Peut-être recommencer aux bases ? L’entraînement physique ? Avant l’entraînement avec les trois Ordres ? Je n’en sais rien. Je suis complètement paumé. Et je peux bien te le dire à toi directement. Tu lis dans mes pensées et tu ne sembles plus rien ressentir… Ce qui m’emmerde, hein ! Et comme tu t’en doutes, je ne vais pas te laisser comme ça. Que tu le veuilles ou non. Que ce soit la bonne chose à faire ou non. Mais pas aujourd’hui. »

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Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Si tu es sérieuse à reprendre ton entrainement au lieu de t’éparpiller partout, je consens à t’aider à nouveau. Mais il va falloir significativement accélérer tes efforts car tu progresses vraiment trop lentement. Le positif par contre est que, bien que je me répugne à l’admettre, statistiquement, tes digressions et autres escapades ont augmenté ton niveau de créativité, maturité, endurance et concentration. Donc…

Ce qui était un enjeu pour toi risque, à 92.3% de ne plus en être un. Dit en des termes que tu comprends : Alma meilleure qu’avant donc Alma mieux apprendre qu’avant et devenir plus forte plus vite. Pour le vert, je peux aussi préparer quelque chose. Pour le Rouge, je me suis entretenue avec Akane pendant que tu riais bêtement et elle me dit qu’elle va mettre sur pied un programme d’entrainement pour toi. Si, encore une fois, tu es sérieuse.

Donc plus d’éparpillement dans des projets ou des activités annexes. Un focus intensif pendant un bon mois à quarante heures semaine sans distraction. Tu auras tes soirs et tes fins de semaine sauf si tes progrès sont insatisfaisants. Et après un mois, j’aurai une meilleure idée de comment ajuster les choses pour la suite. Je précise que je te donne une seule chance. Spécifiquement, cette chance. Si tu échoues à produire des résultats…

Je vais cesser de t’offrir mon support. Après tout, je vais prochainement avoir beaucoup de clones et d’hybrides avec lesquels expérimenter donc tu as intérêt à te démarquer et te rendre plus intéressantes que mes expériences. Autrement, ton clone donnera peut-être des résultats plus satisfaisants, qui sait. Tu as jusqu’à ce soir pour me donner ta réponse, si tu acceptes mon offre ou non. D’ici là, j’ai autre chose à faire donc… »

Tiens, tiens… Voilà qui est très intéressant. Giana qui intervient et qui semble vouloir remettre au goût du jour l’entrainement d’Alma et qui a même conspiré avec Akane pour que cela soit fait selon leurs termes. Oh oui, ma fille adoptive pourrait sans doute refuser. Mais elle sait mieux que quiconque que Giana ne plaisante pas. La « nouveauté » représentée par Alma et son potentiel pour l’expérimentation sont menacés par les clones que Giana peut maintenant faire avec le sang d’Alma et de son entourage. Pourquoi dépendre de l’original si ce dernier ne donne aucun résultat intéressant ou ne présente rien de stimulant pour vous? Mieux vaut ne pas répondre à cette question et garder une longueur d’avance sur le désintérêt soudain de Giana. Perdre Giana veut dire faire un X sur ramener son humanité, forcer la machine à accepter qu’elle est plus forte avec.

Est-ce que cela pourrait être une manigance de la part de la cyborg? Forcer Alma à un choix où si elle dit oui, elle admet que Giana a plus de contrôle sur la situation qu’elle? Ce qui voudrait dire qu’elle n’est pas celle en charge, elle redevient un simple pion sur l’échiquier de quelqu’un d’autre? Dire non veut dire que Giana quitte sa vie, son harem et le reste. La machine qui s’essaie à la guerre psychologique en tirant à boulets rouges sur l’égo d’Alma. Une ambitieuse tactique… Mais va-t-elle fonctionner? Comme il a été dit, Alma a quand même gagné en maturité… Et donc elle devrait être en mesure de ne pas tomber dans le piège de la cyborg. Mais s’il y a bien quelque chose qu’Alma a démontré c’est que malheureusement, parfois, elle va systématiquement choisir la pire des options possibles… Et certainement le regretter après, bien entendu. Mais Alma est Alma…

« Ne te barre pas, Giana ! Attends ! J’accepte. Voilà. Pas besoin d’un délai. Je sais ce qui doit être fait. Alors j’accepte. Tes quarante heures. Ton mois. Le fait que tu me patronnes. Tout. Pas besoin de prévenir quelqu’un d’autre. Si Liliane me voit le soir et le week-end, elle sera contente. M’avoir plus dans les pattes seraient contre-productif pour tout le monde. Surtout que tu as redonné sa voix à Abigail. Donc voilà : j’accepte. »

Est-ce qu’elle a réfléchi ? Non. Elle va décortiquer toute la tirade la Cyborg après coup. Mais le résultat serait le même. Alma n’a plus été Alma. C’est bien de se compromettre dans la vie des autres. C’est bien d’aider les autres. Mais à un moment, il faut regarder son nombril. Il faut faire des efforts pour soi. Et le moment est venu. Surtout qu’Akane la soutient. Peut-être que le Rouge est la clé d’une grosse amélioration ? Elle ne sait pas. C’est probablement la Couleur la plus mystérieuse pour elle. Pour le Vert, c’est son allié de toujours. Peut-être celui qui lui donne le plus de mal à être créative. Mais elle a « inventé » la photosynthèse. Et récemment, elle a joué à l’infirmière avec Ed. Quant au Gris, elle se souvient du Pacific Crest Trail. Elle y avait vu un dragon dans les pics des montagnes. Et avant ça, quand elle était isolée, au moment de la rencontre avec Jimmy, elle avait tenté de faire sortir un golem de la carrière. Son objectif du Gris est très clair : sortir de gros « monstres » bien bourrins. Le Vert la soutient de différentes formes. Mais le Rouge ? Quoi ? Communication animale et appel d’une armée ? Transformation d’elle-même via des attributs animaux ? Elle n’en sait rien. Elle… bloque, à ce niveau là.

« Aisling, je refuse que tu retournes dans ta cuve. Excepté si tu t’y sens bien mais ça me déplairait. Tu peux prendre une maison magique et en faire ta propre maison. Sache simplement que si je viens à y passer, il faudra cohabiter avec moi, ok ? Autrement, si ne rien faire est trop dérangeant pour toi, tu peux me suivre telle une ombre. En fait, peut-être que ce serait bien. Qui sait ? Je pourrais avoir besoin de quelqu’un qui surveille mes pensées ? Je savais déjà que j’étais faible à tout ce qui est mental. Je suis une guerrière physique de corps-à-corps. Et puis, savoir ce qui se passe dans ma tête pourrait peut-être être utile pour Giana ? Pour lui donner un apport d’informations ? Mais à nouveau, tu as un choix. Je ne vais pas mentir en disant que ça ne me fait rien d’avoir ma petite soldate à moi. Mais je tiens aussi au principe de liberté. Donc soit tu me suis, soit tu te trouves une maison magique pour commencer à vivre. »

Et ensuite ?

*Je ne sais pas. Mais il y a déjà un bon plan de tracer pour moi. Je ne pars pas. Je rentre régulièrement. Je déteste cette façon de penser tout de même. Ca fait très routine de mouton qui va au boulot. Mais je ferais ce qui doit être fait. M’entraîner. Voir Liliane régulièrement. Prendre des nouvelles d’Abigail. Probablement me défouler avec la Bête puis parler avec Akane de mon entraînement au Rouge. Oui, je ne vais pas faire la liste en entier, mais ça me parait bien ficelé pour ne rien négliger ni personne. *

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Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Alma HAIT Giana. Elle voudrait l’insulter. Si ce n’est pire. Mais elle se retient. Parce qu’elle ne doit pas bousiller cette opportunité. Pourtant, Giana est une sacrée salope. Ca faisait longtemps qu’Alma n’avait pas fréquenté les environs de la Faucheuse de si près. Cette foutue Cyborg froide essaie de l’empoisonner encore et encore. Et Alma, une nouvelle fois, se confronte à sa propre faiblesse. Et c’est surtout ça qui l’enrage. Elle manque crever. Encore et encore… Toujours secourue par la Cyborg qui, au mieux se présente avec une expression neutre. Au pire est froide et pleines de piques assassines.

Alors elle échoue. Encore et encore. Mais elle survit. Comme avant.

Les premiers soirs, elle n’aura même pas osé rentrer auprès de Liliane. Prétextant des excuses vraiment nulles car inventées sous le coup de colère. Et de la peur d’empoisonner et de tuer sa petite amie. Même si Giana lui a dit qu’elle ne risquait rien, avoir vu de si près la mort suite à l’expérience du jour ne lui avait pas permis de la croire aveuglément. Bien entendu, plus tard, il y aurait une conversation avec Liliane. Des excuses. Une mention de confiance. Des câlins. Et probablement une autre forme de réconfort. Disons que cela dépend de la proximité d’Abigail (pour ne pas parler de sexe, hein, Maman Shayne !). Et puis, si Alma échoue mais survit : elle découvre chaque jour les progrès d’Abigail. Et ça, ça caresse bien comme il faut son petit égo.

Depuis une certaine rencontre, Alma refuse de passer devant tous les miroirs. Pareils pour les reflets dans les vitres et les flaques d’eau. La Cyborg, qui mériterait encore tout un cheptel d’insultes, lui a montré une version « parfaite » d’elle. Peut-être pas parfaite, mais il y avait assurément de quoi complexer Alma. Elle-même ne sait pas si elle est bien comme elle est. Si elle devrait avoir plus de féminité comme son Soleil ? Ou plus d’épaules comme sa Bête ? Mais elle est déboussolée. La Cyborg ne fait pas les choses à moitié. On pourrait même parler d’une forme de harcèlement. Mais c’est probablement ce dont elle a besoin.

*Et Jimmy qui disparait de plus en plus. Je suis sur que cet emmerdeur passe son temps dans les gros seins de cette pseudo moi… Le TRAITRE !... *

Et la Bête. Il n’y a pas que l’entraînement avec la Cyborg. Alma est véritablement mise sous pression. Elle ne se plaint pas. Enfin si. Elle râle. Elle grommelle. Elle insulte. Mais dans le fond, elle sait que c’est une bonne méthode au vu de son caractère. Mais cet entraînement aussi ne donne pas encore ses fruits. Oui, on pourrait arguer que son carnet de relations avec les animaux s’agrandit. Mais de là à en retirer de « nouveaux » pouvoirs : non. Sans compter que le sexe intense a perdu de son premier intérêt. Les deux ne le font pas pour les « bonnes » raisons. L’une parce qu’elle a senti l’odeur d’un mâle (ainsi, Babal s’inclue dans la chronologie ? Entendu !). L’autre parce qu’elle transforme le « réconfort » en entraînement. Elle analyse sa Bête.

Enfin, il y a Aisling. Alma ne l’abandonne pas. Alors le week-end, elle lui rend visite. Une des premières choses qu’elle lui aura dit, c’est qu’elle n’aime pas la voir dans la cuve. Qu’elle lui avait proposé une maison magique. Mais qu’éventuellement, elle accepte son choix. Un indicateur de sa nouvelle liberté. Puis elle reste quelques heures avec elle. Quitte à ce qu’un silence stagne car ni l’une ni l’autre ne sont pas bonnes en conversation. Mais Alma est là. Aisling fait partie de son harem. Tout du moins, de son équipe.

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Sa relation avec Balthazar ? Pourquoi elle devrait en parler à tout le monde ?! Qu’elles aillent toutes se faire foutre. Comment ? Elle s’exprimer comme sa mère adoptive avec force jurons ? Et alors ! La rencontre n’est même pas encore terminée ailleurs qu’il faut déjà la décortiquer ici avec la super espionne ? Hors de question. Donc Alma boudera. Et puis, quand Verena est si proche d’elle, les difficultés surviennent toujours. Oui, c’est une figure maternelle de remplacement. Oui, c’est une excellente conseillère et psychologue. Mais c’est aussi le chant des sirènes personnifié ! Et Alma a toujours envie de Verena, tôt ou tard. C’est son corps qui la désire. C’est sa tête qui l’arrête. (ou du moins retarde)

« Cet homme, c’est rien. Ou c’est quelque chose. Je n’en sais rien et je n’ai pas à me justifier à chaque fois que j’entreprends quelque chose ! »

Et il est normal qu’elle soit de mauvais caractère. Qui ne le serait pas à s’entraîner à un si haut niveau ? Alma est une corde tendue. Une corde qu’on tresse encore et encore pour la renforcer. Mais toujours en tension. Toujours sur le point de céder. Et parfois ça claque ! Sa vie sprinte pour quitter cette prison de chairs. Mais on la renferme toujours au-dedans. Coma artificiel. Coma sexuel. Peu importe : Alma est toujours rappelée à se réveiller et à reprendre le combat.

« J’ai eu du mal mais voilà, je l’ai avoué à Liliane. Ce que Giana me fait subir. Mon corps potentiellement radioactif. La peur que j’avais de la blesser. Forcément qu’elle m’a souri. Comme si j’étais la dernière des idiots. Et aussi la plus brave. Je me suis trouvé stupide. Comme si j’avais compris avec un éon de retard ce que tout le monde avait compris naturellement. »

La seconde ligne de dialogue ne se passe pas nécessairement lors de la même séance que la première. Pour dire la vérité, Alma a perdu la notion des jours. Il y a bien ces week-end libérés qui casse le rythme des cinq jours enfermés avec la Cyborg. Mais une forme de routine s’est installée. Toujours en action. Et quand elle ne l’est plus, elle s’effondre. Ou elle passe en mode automatique pour s’alimenter, se nettoyer et s’effondrer sur un gros matelas. De préférence. Parfois, elle se réveille à même le sol.

« Verena, tu as vu ce qu’a cloné Giana ? Ose me dire que tu n’as pas hésité à me remplacer par cette version qui semble avoir tout mieux que moi. Cette foutue Cyborg a même du en faire un parfait petit soldat sans nuage noir attaché au-dessus de sa tête… J’ai déjà essayé de fouiner dans son complexe. Retrouver ce clone pour le détruire. Mais impossible… Et alors toi, si tu crois que je vais te pardonner d’aller essayer les fausses Alma ! Ouais c’est ça, fais la gueule parce que le colosse a joué avec mes petits seins. C’est ça ! Casse-toi ! »

Malgré ça, Alma apprend. Petit à petit. Peut-être est-ce une nouvelle obsession mais la faculté qu’ont certains minerais d’être radioactif l’intéresse. C’est invisible. C’est dangereux. Ca ferait une sorte de défense passive très efficace. Mais c’est aussi beaucoup trop dangereux et susceptible. Alma se réveille parfois la nuit. Elle est bizarrement verte et musclée. En rage. Elle exulte de cette nouvelle puissance à la fois physique et corrosive. Et elle se réveille en sursaut quand elle découvre sa princesse au corps déformée par la radioactivité et le fait qu’elle est écrasée une partie de son corps sous sa colère aveugle…

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Qu’est-ce que ça l’énerve ! Verena est pareil à une pierre. Fixe. Immobile. Solide. Imperturbable. Pourtant, et Alma le regrettera tôt ou tard, elle lui aura lancer de belles giclées fécales. Certains des passages les plus virulents auront été, bien entendu, passer sous silence. Il n’est pas nécessaire de tout retranscrire. Et ultimement, après avoir abordé un peu tous les sujets et ne pas réussir à avoir énerver sa mentore… Alma s’assagit. Non pas à devenir moine bouddhiste. Mais elle s’est purgée et se sent soudain plus… légère. Vidée aussi. Il y a donc une fatigue physique et mentale qui remplace le vide. Elle doit alors vite reparler ou laisser le poids sur ses paupières remporter cette bataille.

*Hors de question ! Je ne vais pas perdre, ENCORE, même contre mon propre corps. *

« Je stagne. Je bloque. Je sais bien que physiquement parlant, je me suis remise à un haut niveau. Que mes réflexes sont à nouveau affutés comme s’ils étaient passés entre les mains d’un expert japonais. Je suis sur le qui-vive. J’ai la sensation d’entendre plus facilement les Couleurs. Mais… c’est tout. Ils sont où mes nouveaux pouvoirs ? Elles sont où les améliorations visuelles qui confirment que je ne fais pas tout ça pour rien ? Parfois, je me dis que je suis arrivée au maximum de ce que je peux faire. Et ça m’agace encore davantage. »

Imperturbable. A l’écoute. Avec ce petit sourire qui semble être une formule magique pour l’amener à continuer à se confier. Dérouler ses pensées. Trouver par elle-même ses propres solutions. Alors, après un petit temps de silence et de compréhension, Alma reprend. Parce qu’elle n’a pas le choix. Elle DOIT trouver quelque chose. La moindre petite chose. Donc pourquoi pas continuer avec cette nouvelle obsession ?

« Je blâme mon manque d’imagination pour ne pas progresser. J’ai beau entrer en contact avec je ne sais combien de pierres, de poisons, de plantes et d’animaux. Je ne vois pas quoi en faire. Parce que je n’ai pas de menace à affronter. Je n’ai pas de Némésis avec un pouvoir en particulier, une technique de combat qui me pose problème. Je n’ai rien en fait. Je suis violente. Je me vois comme la guerrière du groupe. Mais la réalité est que je vis dans un monde sans menace. Où on me demande de vivre. Donc à quoi bon ?... »

*Et mon obsession dans ce baratin ? Je crois que j’ai complètement digressé toute seule… Même pas foutue de réussir à dire un truc. Tu m’étonnes que les autres pètent des câbles. *

« Mais je connais mes points faibles. C’est tout ce qui a trait au psychique. Je ne fais que dans le physique parce que j’ai besoin de voir pour croire, en gros. Et à de ce robot froid de merde de Giana, je manque mourir cinq fois par semaine avec ces poisons en tout genre. Et je ne sais pas pourquoi, je fais une fixation sur les roches radioactives. Et je me dis que ce serait une défense parfaite. Parce qu’invisible. Parce que passive. Mais justement, c’est une putain d’épée de Damoclès. Je ne peux pas développer cette technique parce que je ne veux pas tuer mon Soleil. Je ne veux pas empoisonner mon harem. Je… »

Une idée ? Si elle ne peut pas être elle-même la source de cette radioactivité ? Est-ce qu’elle ne pourrait pas trouver une solution ? Placer cette radioactivité ailleurs. Dans… un autre corps ? Un corps de Gris ? Un golem, donc ? Ce serait aussi apprendre à ne pas faire tout toute seule. Oui… Oui ? Est-ce que c’est stupide ? Une sorte de bloc de pierre qui la suit partout. Ça parait tellement débile dit comme ça…

« Une sorte de coffre-fort ? Une boîte de Pandore sur pattes ? En y plaçant des insectes au-dedans, en étant la Reine de ces insectes, je pourrais lui donner une sorte de vie propre à ce golem. Je… Peut-être ? »

Ce n’est peut-être pas la solution idéale. Mais Alma se sent libérée de quelque chose. Elle regarde Verena. Elle ne lui en veut plus comme avant.

« Je suis désolé pour ma logorrhée verbale. Tu ne méritais pas d’être souillée comme ça. Excuse-moi. Je ne pourrais jamais assez m’excuser. Je suis désolé. Vraiment. »

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Alma comprend que dissimuler ses atouts fassent partie d’une stratégie pour survivre. N’empêche que, même en découvrant la force physique cachée de la super-espionne : elle n’est pas totalement convaincue. Sa tête, oui. Mais pas son égo. Elle ne dit rien. Elle ferme sa gueule. Mais comment pourrait-on juger de son évolution autrement ? Elle n’est pas un stupide personnage de jeux vidéo de geek avec un niveau, une barre d’expérience et tout le reste !

« A-Abigail ? Mais que-… Pourquoi ? Tu-… Liliane sait que tu-… »

La surprise est totale. L’incompréhension est grande. Abigail ? Sa nouvelle professeure ? Alma regarde Verena sans rien comprendre. Parce que, en plus de la problématique de l’existence d’Abigail et de sa raison d’être ici à ce moment précis, une autre question s’impose à l’esprit d’Alma. Cet esprit qui, malgré son évolution, se retrouve souvent des nuages noirs. Métaphore de sa méchante humeur et ses problèmes. La question étant : peut-elle vivre dans un ciel contenant non mais un unique, mais bien deux Soleils ? Car Abigail rayonne. C’est une évidence. (et presque une gêne)

« Verena, je-… »

*Mais BORDEL ! Tu vas retrouver tes mots !! *

« Je ne comprends pas. Abigail n’est pas du tout engluée dans le genre de problématique à moi. Je veux dire, elle est fragile. Enfin, je sais qu’elle a vécu dans la rue. Et que je dis de la merde en parlant d’elle comme si elle n’était pas là. Désolé, Abigail. C’est juste que c’est très confus dans ma tête. Et parfois parler à voix haute, ça m’aide. Alors… »

*Voilà. Tu t’adresses à elle et « magiquement » maintenant, c’est toi qui perd la faculté de parler. Génial, Alma. Génial… *

Alma délaisse Verena. Heureusement pour Abigail, elle a déjà passé ses nerfs sur la super-espionne. La pauvre petite muette (ex-muette !) aurait probablement fondu en larmes. Alma se rapproche donc d’Abigail et vient lui prendre les deux mains dans les deux siennes.

« Je sais que tu sais que je ne suis pas une compagnie que, enfin, que je suis dangereuse. Je sais que tu n’es pas idiote ou crédule. Mais tu veux vraiment t’embarquer dans ce genre de voyage ? Ne le répète pas, s’il te plaît, mais j’ai très peur de ta sœur. SI elle savait que tu t’associes à moi sans… »

Elle frissonne de peur. Pourtant, Liliane n’est clairement pas la plus effrayante de son harem. Mais ce genre de réaction, en se mettant en porte-à-faux, pourrait faire naître un sourire chez Abigail. Ce qui serait… une belle manœuvre de la part de l’ancienne sauvageonne !

« Ma dernière obsession, après celle de vouloir sauver l’humanité de Giana, ce serait d’acquérir les capacités radioactives des pierres. Je ne sais pas trop exactement pourquoi. Mais je crois que si je savais exactement, ça ne s’appellerait pas vraiment une obsession. Et il y a peu, je me disais que je pourrais enfermer ce pouvoir dangereux dans une sorte de golem. Toi qui est une artiste, tu crois que tu pourrais me sculpter quelque chose ? »

Ce qui ne doit pas être ok. Dans le sens où ça doit être Abigail la professeure et Abigail qui donne des travaux maison. Mais Alma essaie. Elle suppose qu’elle peut embrigader Abigail. Et ça lui parait un bon compromis.

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« Je ne peux pas prétendre te connaitre et savoir ce que tu veux mais j’ai vécu dans la rue pendant longtemps. J’ai appris à observer les gens. Déceler leurs vraies intentions. Il fallait bien que je me protège. Une jeune femme sans abri et muette… C’est une proie très facile et très tentante. Je te regarde et je n’ai pas l’impression que ce que tu me dis est ce que tu désires vraiment. Tu es perdue. Confuse. Désorientée.

Tu voudrais crier au monde certaines choses, non? Ton regard est fuyant, Alma. Une sensation… D’échec? La colère dans tes yeux me dit tout ce que j’ai besoin de savoir. Tu as l’impression d’avoir progressé, d’avoir fait des efforts mais tu as l’impression que personne ne le reconnait, non? Qu’on t’en demande toujours plus comme si tu n’avais rien fait? Je connais ce sentiment. J’ai déjà tenté de me conformer à un moule… »

Le regard triste d’Abigail, quand elle remue des souvenirs difficiles, pourrait fendre le cœur d’Alma. Les nuages noirs n’ont pas leur place dans la vie d’un mini soleil. Puis Abigail sourit. Ce n’est pas le même sourire que celui de Liliane. Celui d’Abigail a encore des traces de naïveté alors que la petite amie d’Alma, bien que souriante, est bien plus… Réaliste. C’est au tour de l’ex muette de prendre dans ses mains les mains de ma fille adoptive. Des mains étonnamment douces. Mais elle peut quand même deviner le tracé de certaines vieilles blessures. Forcément, travailler le métal, vivre dans la rue, cela ne donne pas accès aux matériaux de la plus haute qualité. Mais maintenant qu’elle parle à nouveau, qu’elle a quitté la rue… Elle guérit, elle renait. Comme une plante qu’on aurait rescapée, transplanté et dont les bons soins ont redonné la vie. Elle est… Forte?

Pour quelqu’un qui, il n’y a pas si longtemps encore, était extrêmement timide et nerveuse… C’est pratiquement une résurrection, en fait. Alma n’est pas dupe, elle peut encore déceler des traces de fragilité. Et donc un désir instinctif de protéger Abigail. S’il fallait comparer Abigail à un animal… C’est une tortue. Elle continue de trainer son sac avec elle, ses possessions, sa « maison ». Mais elle n’est pas vulnérable aux attaques… Sauf si on réussit à la mettre sur le dos. Et Alma sait ou plutôt se doute que la sœur de Liliane n’a pas perdu sa virginité de façon volontaire. Et pourtant, malgré les horreurs de la rue et ce qu’elle a enduré, elle est là, avec Alma, capable de remuer le fer dans la plaie d’Alma sans la faire exploser pour l’amener à parler, à se confier. À « faire sortir le méchant » mais pas de la même façon que Verena. Elle a une autre approche.

Alma se retrouve à regarder une toile vierge et devant elle, plusieurs contenant de peinture. Abigail lui explique que ce qu’il manque à Alma, ce n’est pas plus de force ou plus de dangerosité. C’est de la créativité. Alma est très douée pour s’adapter. La survie le demande. Mais si elle veut rester un pas, deux pas, trois pas devant ses ennemis, elle a besoin de développer sa capacité à penser hors de la boite. La consigne d’Abigail est simple : « fait la première chose qui te vient à l’idée. Sans réfléchir. » Alma pourrait donc juste lancer le contenu d’un seau de peinture sur la toile que ce serait acceptable. En fait, Alma est confrontée à quelque chose de très chiant. Une consigne simple mais tellement vague qu’elle ne peut pas deviner une « bonne réponse » ou une « bonne stratégie » car il n’y en a pas… C’est quelque chose de qualitatif et d’abstrait. Rien à voir avec quelque chose d’aussi manichéen que tuer ou être tué…

Alma est déjà redoutable quand elle réfléchit avec sa créativité limitée. Quel monstre Abigail va ultimement créer?

Ca aura été compliqué de se concentrer sur les dires d’Abigail. Sa voix. Déjà, elle parle ! C’est fluide. Et c’est bien davantage. C’est sensé. C’est bien construit. Ca serait presque agaçant pour Alma d’avoir l’impression d’avoir été doublé par Abigail en élocution. Si vite… Mais il y a aussi autre chose. Cette sensation de voir Liliane. D’entendre Liliane. De sentir Liliane. Bien que ses mains soient abimés par le travail physique. Bien que ses yeux démontrent une souffrance passée. Alma voudrait câliner cette tortue. Mais elle s’en empêche. Elle se retient. Parce qu’elle se connaît. Elle serait capable de confondre amour et sexe. Toute forme d’attachement pour elle semblant être relié à l’intérieur de ses cuisses dorénavant…

Et soudain elle se retouve avec un pinceau dans la main. Qu’elle tient comme si c’était la garde d’une épée. Sans aucune subtilité. Et ce pinceau est trop fin. Si peu de poils. Et cette toile est si vaste ! Tant d’espace blanc. C’est… vertigineux en un sens. Alma se sent stupide. Elle n’est pas une peintre. Elle n’a pas le gêne de l’artiste. A la limite, elle veut bien repeindre un mur pour faire plaisir à son Soleil. Mais « ça » ?...

Alma juge Abigail. Il fut un autre temps, elle aurait été noyé sous une pluie d’insultes. Aujourd’hui non. Elle a muri. Et Verena a tout pris récemment, aussi.

« C’est stupide… » finira-t-elle par dire dans un souffle avant de changer pour un pinceau bien plus gros puis le tremper dans un pot de couleur rouge.

Un gros cercle rouge. Approximatif. Qui prend presque toute la toile. Elle tourne et tourne encore. Parce qu’elle se dit que du mouvement lui viendra peut-être une idée. Et qu’elle ne peut pas simplement laisser un aplat si basique et dire que c’est terminé.

*Hors de question que ça finisse en tâche de sang ! *

Alors elle prend du verre. Et elle commence à tracer des lignes qui partent depuis le centre du rouge. Réalise-t-elle à ce moment que le rouge la représente et que le vert représente ses lianes végétales ? Non. Pas encore. Elle écoute trop ses grommellements.

*Prendre de la distance. Ce n’est pas une fuite. C’est un repli stratégique. C’est toujours plus facile de comprendre des choses en les regardant avec une distance. *

Et là elle réalise. C’est elle. Mais ce n’est pas encore tout à fait elle. Alors elle prend du gris et elle trace une sorte de sol sous la boule rouge. C’est mieux. Mais ce n’est pas encore ça. Alors elle délaisse le pinceau et étale le verre dans le rouge. Son doigt glisse et barbouille le rouge et le gris. Ce sont ses synergies. Les liens entre ses pouvoirs. Ca… la représente plutôt bien. C’est trop abstrait. Et c’est moche. Mais…

« Je crois que j’ai terminé… »

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Personne ne s’attend à ce qu’Alma fasse une toile de maitre. Et encore, c’est de l’art, si subjectif et qualitatif, qui dit que ce qu’elle vient de peindre ne va pas se vendre pour des millions? Synergie et symbiose entre les trois grands ordres, par Alma Hannigan. Avouez que ça en jette, non? Ah moi je dis que oui! En même temps, je ne suis définitivement pas une référence, j’ai toujours trouvé l’art stupide et inutile. Une perte de temps plus qu’autre chose, que ne sert à rien de productif. Toute créature du Chaos que je sois, je reste pragmatique dans l’âme… La plupart du temps. Oui, des fois, je l’avoue, que je fais exploser les gens en confettis, j’aime en lancer quelques poignées dans les airs et regarder les motifs que cela donne au sol, comme une pluie de flocons colorés. Mais pas tout le temps, hein! Des fois seulement! Je tiens à le préciser, au cas où…

Bref. Pour Alma, c’est clair ce qu’elle a peinturé. Mais l’est-ce autant pour un œil extérieur. À cela je réponds : cela dépend. Une personne ordinaire… Non. Du tout. Mais parmi les particularités inutiles que j’ai donné à Abigail, avant que je ne la juge ratée comme expérience, la faculté de comprendre automatiquement toute œuvre d’art qu’elle regarde est extrêmement utile… Enfin. Pour une artiste. Pas pour une combattante comme Alma. Qui doit s’en foutre un peu du sens profond d’une toile, par exemple. Mais bon, Abigail comprend ce qu’Alma a peinturé. Et comme Liliane lui a parlé de sa petite amie, c’est normal qu’elle sache pour les ordres et le reste. Rien qui semblerait douteux ou suspect, ultimement. Alma a beau être paranoïaque, il doit y avoir des limites, non? Enfin j’espère, comment voulez-vous qu’elle soit heureuse, sinon? C’est juste impossible!

« Oh je vois! Rouge. Vert. Gris. C’est une représentation des trois ordres que tu maitrises, non? Et les traits sont les synergies que tu peux faire avec tes pouvoirs? Comme recouvrir une liane de métal! Liliane m’en a parlé… C’est quand même impressionnant que sans penser à rien, tu arrives à faire quelque chose d’aussi… Profond… Souvent les gens vont juste faire des traits de pinceau désordonnés pour remplir l’espace.

OH! Synergie et symbiose entre les trois grands ordres, par Alma Hannigan. Si on veut exposer ta toile, ce serait un bon titre, non? Et tu vois? Tu ne savais pas quoi faire avec la toile mais finalement, tu as réussi à faire quelque chose! Allez, fais-en une nouvelle! Mais cette fois, pense à Liliane. Laisse-toi guider par ce qui te vient en tête. Ce peut être ton instinct comme tes sentiments ou une idée sur le moment. Tu es capable! »

Abigail est un autre genre de soleil. Elle s’extasie sincèrement devant ce qu’Alma a produit et elle le sent dans le ton : Abigail, qu’elle connait très peu, est fière d’elle. Elle ne juge pas sa toile comme étant trop simple, trop abstraite, trop laide, trop difficile à interpréter. Au contraire. Elle n’est qu’encouragement et… Jus d’orange. C’est la première chose qui me vient en tête pour la décrire. Vous savez comment un bon verre de jus d’orange peut bien démarrer votre journée ou y mettre du soleil? Pour quelqu’un qui a connu la rue et beaucoup de tourment… C’est impressionnant de voir comment une Abigail qui prend confiance en elle est… Sucrée. Gentille, compatissante, patiente, ouverte d’esprit… Attention, ce n’est rien contre Liliane. Mais Liliane n’a pas cette touche… Pas niaise mais un peu… Je ne saurais même pas comment le décrire en fait. Tout ce que je sais c’est qu’en tant que concentré d’émotions négatives, je déteste ça c’est bien trop positif!

Est-ce qu’elle se moque ? Alma est en droit de se poser la question. Pourtant, l’intonation d’Abigail l’oblige à ne pas suivre sa première idée. La petite sœur a même réussi à flatter sa fierté. Oui elle a réussi à remplir l’espace vierge ! Ce n’était pourtant pas si compliqué, pourrait-elle arguer en relevant le nez et croisant les bras de satisfaction. Mais elle ne dit et ne fait rien. Car Abigail n’a pas fini de parler et c’est maintenant de l’embarras qui étreint Alma. Un titre pour ces trois coups de peinture ? Elle voudrait lui demander si elle se fiche d’elle à la fin. Mais Abigail le fait-elle exprès ? Elle ne lui laisse pas le temps et lui assigne déjà une nouvelle tâche. Alma n’a donc pas le temps de pérorer. Elle doit performer !

*Liliane ? En peinture ? *

Voilà qu’elle reprend son pinceau. Elle ne sait pas encore pourquoi et le trempe dans le rose. Puis c’est un trait vertical qui est tracé. Parce que faire une boule brouillonne serait une sorte d’affront elle a l’impression.

*Pourquoi le rose ? Parce que c’est la couleur de l’amour ?... *

Elle regarde à nouveau son trait. Il restait un peu de rouge dedans. Qui est apparu à la fin de son trait. Soudainement, Alma a l’impression de regarder entre les cuisses de sa petite amie. Ce n’est qu’un foutu trait avec un point rouge. Alors pourquoi elle voit les lèvres intimes de sa petite amie et son bouton magique ? Et pourquoi ça l’embarrasse autant devant Abigail ?!

Très vite, elle replonge son pinceau dans une autre couleur. Cette fois, elle a bien fait attention à le laver. Les poils sont donc recouverts de peinture jaune et elle dessine une boule jaune au-dessus de son trait rose. Parce qu’elle est son Soleil. Elle voudrait noyer de jaune le trait rose mais… elle ne peut pas. Parce que son Soleil est aussi sexe.

« Bordel, c’est débile. J’ai l’impression d’avoir peint l’équation mathématique de Liliane donnant la vie… Qu’est-ce que tu es en train de me faire faire, Abigail ? Tu déconnes avec mon cerveau ? Tu t’es allié avec Aisling, c’est ça ?! Je… désolé. Je ne voulais pas hausser le ton. Je suis vraiment désolé. »

C’est comme être avec Verena. La super espionne étant capable de l’amener à des confidences et des conclusions. Alma aurait maintenant une psy supplémentaire dans sa famille ? Elle ne sait pas trop quoi en penser. Elle n’ose plus toucher à la toile.

« On va dire que j’ai fini… J’espère que tu ne vas pas me faire peindre toutes mes, euh, tous les membres de ma famille ? »

En voyant ces deux toiles, Alma pense au fait que généralement les artistes signent leur œuvre. Elle repense au fait que la toile de Liliane ne lui convient pas. Et elle s’imagine tremper sa main dans la couleur rouge et laisser son empreinte sur la toile. « Sa possession… » Ce désir malsain de posséder. Même des vies. Surtout de ceux qui l’aident et subissent son sale caractère régulièrement. Donc non, Alma ne cèdera pas à cette pulsion et gardera sa main « propre ».

*Parce que cette main rouge, ce serait aussi laisser le fait que j’ai les mains pleines de sang. Je… crois ? Foutue peinture qui me fait penser à des trucs bizarres… *

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

C’est débile ! Débile-débile-débile et débile !... Elle va vraiment balancer des tâches de couleur ici et là en disant que ça représenter quelqu’un ? Et Abigail veut récupérer toutes ces tâches et les mettre les unes à côté des autres dans une galerie ?! Et comme si le délire ne se suffisait pas à lui-même, Jimmy s’y met également !

*Ce qui est très agaçant, c’est que ça a jeté le trouble chez Abigail… Mais, au fait, pourquoi ? *

Il fut un temps, elle n’aurait rien compris du tout. Mais dans cet environnement particulier, elle ne peut ni combattre ni fuir. S’il n’y avait eu qu’Abigail, elle se serait surement enfui. Mais l’initiative de base provient de Verena. Et c’est insensé à quel point elle ne peut pas lui résister. Ne sont-ces pas ces mots, son Ordre, qui la tient si éloigné de sa création de nuages noirs au-dessus de sa tête ? Certes, ces derniers temps, ils étaient revenus. Mais les différents entraînements étaient éprouvants. Au minimum.

Donc Alma réfléchit. Elle transpose les réactions d’Abigail aux premières siennes. C’est-à-dire au début de sa chronologie sur son monde d’adoption. Et elle y injecte les intuitions du Rouge. Egalement ce qu’elle a appris à force de vivre et de devoir endurer les films romantiques de Liliane. Abigail est gênée. Comme si Alma s’était… déshabillée devant elle ? Quelque chose comme ça. Mais ce n’est pas ça. Alors quoi ?

« Jimmy, tu n’as pas honte d’embêter Ab-… »

L’illumination. Alma se retourne directement vers Abigail. Elle réalise aussi à quel point cette pièce a été préparé. Du moins, l’abondance de ressources artistiques la frappe soudainement. Comme si elle avait eu une vision réduite depuis le début. Mais elle s’efforce de rediminuer le faisceau de sa vision sur Abigail. Elle se rapproche d’elle pour lui parler. Elle sait qu’elle est parfois un peu trop proche des gens pour leur parler. Et encore, elle fait l’effort de ne pas instaurer un contact physique.

« Tu as un pouvoir, c’est ça ? Probablement un truc inutile. Et surement un truc que je n’aurai pas du formuler à voix haute comme ça. Je suis désolé. Je ne voulais pas être brute de décoffrage et maladroite. Mais ta réaction face à la toile de, au sujet de Liliane. Et celle de cet emmerdeur de lézard. Bordel, comment il a réussi à peindre avec ces pattes minuscules ? Non, je m’égare. Je digresse. Abigail, tu as un pouvoir. La pensée que j’ai eu en traçant cette première ligne rose. Je ne t’en ai pas parlé. Et sauf intervention d’Aisling, tu as compris. Je ne sais pas si tu y as mis des mots. Si c’est une sensation. Ou peut-être un flash dans ta tête. Mais tu as « vu » quelque chose que tu n’aurais pas du. Je suis désolé. »

Si ce n’est pas une amélioration de son pouvoir au rapport du Rouge, qu’est-ce ? Mais Alma ne réalise pas, ou ne veut pas réaliser qu’elle continue de progresser en prenant de l’âge. (à quand la « limite » ? A quand l’évolution ralentira au sommet avant de chuter vers la vieillesse ?...)

« Ce qui rejoint ma première idée. A savoir de ne pas peindre tout le monde. Surtout si ça te gêne. »

Et à voix basse, elle conclue : « Et puis, si ça permet de ne pas faire une exposition… »

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Elle va donc être obligée de peindre. Encore et encore. Parce qu’Abigail, sous son allure d’innocente, a su s’allier avec Verena. Peut-être même indirectement. Mais la petite sœur est aussi maline que la grande. Alma le réalise. Heureusement que cette famille n’est pas plus nombreuse. Autrement… non, en fait, Alma se fait avoir par plus ou moins tout le monde au final. Tout le monde obtient d’elle ce qu’elles désirent. (même « Babal » arrivera surement à obtenir ce que Maman Shayne ne voudrait pas…).

Donc les peintures :

AKANE.
Alma commence par peindre en rouge la toile vierge. Au début, elle commence comme elle. Une sorte de boule centrale. Mais il n’y a jamais assez de rouge. Il en faut toujours plus pour la Bête. Qui maîtrise. Et qui est plus grande qu’elle. Plus large d’épaule. Plus musclée. Cet animal pur et violent. Cette violence, Alma le matérialise par une pulsion en prenant un de ces outils qui permettent d’étaler la peinture sur une toile. Mais elle n’étale pas et tranche plusieurs fois la toile. Comme une main pourvue de griffes qui attaque.

GIANA.
Ça commence par du gris. Un carré. Qu’elle essaie de peindre le plus géométrique possible. Parce que la Cyborg est faite de dogmes rigides. Tout doit être cadré. Contrôlé. Et comme c’est de l’acier, Alma trace deux lignes en diagonales. Elle a remarqué que c’est ainsi que l’acier est représenté schématiquement chez les artistes. Mais pour Alma, il y a aussi du bleu avec le gris qu’est Giana. Au début, elle voudrait croire que le bleu est Bleu. Et donc manipulation de l’eau. Non, ce sont ses cheveux. Non, ce doit être l’eau de la mer. Là où elles se sont concentrées. Et donc le haut du tableau devient bleu avec des formes de vague.

AISLING.
Un long trait vertical gris. La silhouette longiligne de la télépathe. Cette façon qu’elle a d’être détaché de tout. Tel un robot. Et puis le pinceau trempe le rose et elle s’essaie à peindre une sorte de cerveau sur le dessus de ce trait gris. Puis le pinceau vient faire deux autres traits. Ca commence à ressembler à un bonhomme bâton peint par une petite enfant. Dans les « mains » de ces bras-bâton, une boule bleue d’un côté (cryokinésie) et une boule orange de l’autre côté (pyrokinésie). Puis elle trempe dans le jaune et balance une giclure sur la toile. Elle le fait avec différentes couleurs qui lui passent sous la main. Parce qu’Aisling semble tout maîtrise. Toutes les couleurs. Et qu’elle déteste ça. (en partie) Jalousie mal placée… Elle sait.

ABIGAIL.

« Ca m’agace… » lâche Alma, résignée. Ses doigts se serrent autour du pinceau. Elle le brise. Parce que, et si elle peignait quelque chose qui soit hors limite ? Alma ne veut pas faire plus de mal à la sœur de Liliane. Elle a déjà critiqué son pouvoir tout à l’heure…

ABIGAIL, donc.

« Non ! Décidément, non. »

Alma se tourne vers toutes les toiles qu’elle a positionné les unes à côté des autres. Pour un soucis d’efficacité. De rapidité surtout à se débarrasser de la tâche. Chaque toile a son nom inscrit au feutre noir dans un coin.

VERENA.

MAMAN SHAYNE.

GEYSER.

VALKA.

LILUYE.

JIMMY.

« Je ne peux pas, Abigail. Ton pouvoir, il me fait peur. J’ai peur de ce que je pourrais penser de toi. Peut-être d’une façon qui n’est pas consciente. Je dois dire inconsciente ? Peu importe ! Et si tu découvrais que je suis une sorte de monstre qui a des projets macabres pour toi ? Non. Je ne veux pas te faire de la peine. Tu es un petit Soleil en train de grandir. Je ne veux pas abimer ta nouvelle lumière. Traite-moi de faible, si tu veux. Menace-moi en invoquant le prénom de Verena. Mais je ne peux pas. Je… ne me force pas à le faire. S’il te plaît. »

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Abigail observe chaque toile et commente avec enthousiasme. Pour Alma, l’exercice est peut-être vide de sens mais en réalité, il est loin de l’être. Et c’est que la sœur de Liliane fait dans la critique constructive elle aussi. Encore heureux car moi, j’aurais regardé ce foutoir en disant : C’est de la merde. Oui bon ça va hein. L’art et moi… Ça fait deux. Moi quand on me dit que les gens font de la « peinture » en jetant de la merde sur une toile… Les singes le font dans la nature et personne n’expose leur œuvre dans une galerie d’art, bordel. Mais bon. Je ne suis pas une artiste. Abigail oui. Et c’est un détail crucial qu’Alma a oublié on dirait. Elle peut voir qu’Abigail attend quelque chose. Et bien qu’elle reste souriante, plus les toiles s’enchainent, plus Alma le sent : de la déception. Puis Alma fait sa dernière toile… Et le ciel ensoleillé fait place aux ténèbres. Abigail est triste.

Oh oui, l’explication d’Alma est… Logique… Mais elle néglige quelque chose de crucial. Comme dit plus haut, Abigail est une artiste. Le sens de la toile ne veut pas dire, forcément, une intention réelle. Combien de gens ont peinturé leur mal être où ils éliminent leurs démons? Combien de films sont autant de moyens détournés de régler des comptes? L’art a cette particularité d’être tellement ouvert à l’interprétation qu’à moins d’une confession de l’artiste… Et encore… Oui, son pouvoir lui donne une perspective absolument unique, soit la perspective de l’artiste. Mais encore là, comme dit, entre peindre quelque chose et poser un geste plus concret, il y a une nette différence. Et donc… Abigail est triste. Dévastée, même. Alma n’a pas peint son « portrait ». Une larme solitaire coule… Et Alma sait que d’autres vont la rejoindre. Et si Liliane apprend qu’elle a fait pleurer Abigail…

Oubliez Verena, il n’y aura rien de plus dangereux que la colère incendiaire de la Très Solaire Liliane. Liliane est en général chaleur humaine mais elle n’a aucune pitié pour ceux qui touchent à Abigail, Alma inclus. Et non, même sa petite amie n’a pas droit à une exemption. Et ce n’est même pas une histoire de « pitié Abigail, ce sera notre petit secret ». Elle va soit le sentir dans les phéromones ou le déceler dans l’attitude de sa sœur. Liliane est redoutablement observatrice, ce qui est un prérequis obligatoire pour quiconque veut naviguer sans se noyer les eaux troubles des relations sociales, tout simplement. Alma a merdé. Définitivement. Elle peut encore récupérer la situation. Il y a encore de la toile, de la peinture et des pinceaux. Et si le non verbal n’est pas assez clair pour elle… Abigail prend la parole d’une voix tremblante d’émotions. Et pas des bonnes émotions.

« Un coup de couteau en plein cœur. Est-ce ce que tu cherches à m’offrir, Alma? Je suis une artiste. Je me réjouissais d’avance de me voir à travers tes yeux. Et tu me fais cet épouvantable affront, m’inflige cette insoutenable torture en ne faisant rien? D’accord, tes raisons sont logiques. Mais l’art n’est que rarement logique. L’art est instinct. L’art est passion. L’art est émotions. Sentiments. Ce que tu vas peindre ne veut…

Ne veut pas dire que tu ferais vraiment quelque chose. Que tu agirais d’une mauvaise façon. Je ne vais pas invoquer le nom de Verena. Je ne vais pas invoquer le nom de Liliane. Je vais simplement faire appel à la personne en face de moi. Si tu as la plus petite once de respect pour moi, tu vas conquérir ta peur et me représenter sur une toile. Et ne me fais pas l’insulte de réfléchir pour que ce sont politiquement correct. Il faut que ça vienne vraiment de toi. Avec mon pouvoir? Je vais le savoir tout de suite… »