The Multiversity

Maintenant qu’on a un plan d’action, on peut passer aux choses sérieuses! Et ce n’est pas trop tôt d’ailleurs. Des vies sont en jeu, après tout! Oui, d’accord, Statistiquement, sur une population de plus de sept milliards de personnes, la vie d’un gamin, c’est peu mais les humains ont tendance, pour ce genre de drame, à voir une mort comme une tragédie. Un million, par contre, ce sera une statistique. Essayez de comprendre pourquoi… Toujours est-il que nous devons agir. Non. En fait c’est faux. Nous n’avons aucune obligation d’agir. Sauf que c’est ce que font les super héros donc… Agissons! Ma première tâche est de s’assurer que la fuite de gaz est neutralisée et c’est le cas. En fait… Toute la tuyauterie de gaz de l’immeuble est maintenant comme neuve! Le problème par contre c’est que si le problème est réglé à la source, les foyers secondaires, eux…

Ce qui fait que si le pire est évité, une méga explosion de gaz, le gamin lui n’est pas encore en sécurité. Donc c’est à moi de jouer pendant que… Ouah… Ces muscles bandés, ce décolleté soudainement mis plus en valeur que d’ordinaire… C’est moi ou il fait chaud tout d’un coup? Et je ne parle pas du brasier qui nous entoure. Je… Hein? Quoi? OH MERDE! Oui, c’est vrai, on est ici pour sauver quelqu’un! C’est ton jour de chance, gamin, que je lui dis. Je cours, je plonge, je l’attrape, je lui mets un chapeau avec une hélice sur la tête et je le jette par la fenêtre. Non mais t’es pas bien, que vous allez dire. Du calme. Le chapeau à hélice l’amène gentiment au sol, presque dans les bras de sa maman. Je ne suis pas débile quand même. Quoi que… À bien y penser, jeter quelqu’un par la fenêtre… Pas nécessairement le truc le plus héroïque en ville. Est-ce que je peux invoquer… Euh…

Circonstances atténuantes? En même temps, avec l’effondrement du plafond… Il fallait agir rapidement! Et parlant d’effondrement du plafond, devinez qui se le prend sur la gueule? Pas PeeGee, ironiquement elle est protégée par la poutre. Donc moi. Et comme dans un mauvais film ou tout du moins, avec un certain nombre de clichés, c’est la chute d’étage en étage. Expliquez-moi la physique du truc parce que sérieusement… Logiquement, tous les plafonds / planchers du bâtiment ne sont pas affectés, quand même! Ou alors c’est un vice de construction particulièrement vicieux! Enfin donc, comme dans un cartoon, je me retrouve sonnée dans les décombres… Et je remarque un truc. Apparemment, l’incendie serait peut-être autre chose qu’un accident. Pourquoi? Si je vous le dis vous n’allez pas vouloir le croire. Vous voulez quand même savoir? D’accord.

Parce qu’une partie du mur a été abattu et ça, ce sont clairement des vils voleurs dans la partie coffre d’une bijouterie! Est-ce que j’ai modifié la réalité par accident ou quoi? Et comme de fait, ils avaient prévu se déguiser en pompiers et sortir pendant la confusion. Malin… Mais ils vont faire quoi, maintenant que leur super plan a été découvert? Moi je sais ce que je fais en tout cas. Je suis sonnée! Une chute de plusieurs étages, quand vous n’êtes pas kryptonienne, She hulk, Wonder Woman ou assimilable, ça ne fait pas de bien! Je n’ai même pas le temps d’en placer une que je me fais tirer dessus. Et celui qui dit qu’un flingue avec un silencieux ne fait pas de bruit… Bah si ça en fait! Et si en temps normal, j’aurais simplement conjuré une sorte de bouclier pour me protéger, là, j’avoue que je n’ai pas eu exactement le temps et que ça fait un mal de chien, bordel! Mais le pire, le pire!

Le mec n’a même pas hésité! Même pas une seconde! Il m’a vu tomber, me relever, chancelante et tout et HOP! Il me flingue sans même demander si ça va! Je vais vous le dire, moi, c’est absolument scandaleux! Je ne le connais même pas ce type! Je ne dis pas, si ça avait été un ex jaloux, un truc du genre… Non! Un parfait inconnu! En temps normal, j’imagine que ça m’aurait choqué mais bon, ça va, j’en ai vu d’autre mais là… Je ne sais pas, je me sens particulièrement de mauvaise humeur. Je me soigne en altérant ma réalité, je me relève et d’un geste de la main, j’altère LEUR réalité. Surprise! Leurs flingues sont maintenant animés et les mettent en joue. Ah on fait moins les malins, non? Vous avez déjà entendu la chanson « Meet my friends », de Cami-Cat? Oui bah j’ai bien envie de leur en faire baver et de les punir avec leurs propres armes, moi, tiens! C’est une honte je vous dis!

Ça ne se fait pas tirer ainsi sur les gens! Encore moins des gens potentiellement blessés et en détresse! Elle bluffe! Elle n’osera pas tirer, que l’un d’eux dit. Ah mais il change de chanson quand la balle se loge à quelques centimètres de sa tête! Vous devriez avoir honte, que je leur dis. Profiter d’une tragédie, pire, causer une tragédie pour vous enrichir et ensuite tenter d’assassiner sans une once d’hésitation une personne innocente! Peut-être que je devrais vous rendre la pareille! Tu es une super héroïne! Tu ne peux pas faire ça! Correction. Power Girl, tout en haut, EST une super héroïne. Moi non. Et il aurait peut-être fallu penser à sa propre survie AVANT de tirer à tout va sur le premier venu. Hum. Est-ce que je bluffe? Je ne blesse pas. Je ne tue pas. Mais… Ils ont tenté de me faire du mal. De me tuer… Donc… Ce serait justifié, non? Pourquoi toujours tenter d’être gentille? Je…

Woah… Il se passe quoi là… PeeGee… J’espère que tu vas rappliquer rapidement parce que sinon ça va mal finir…

Karen vit Jeannie se précipiter vers l’enfant. Elle lui fit un chapeau sur le tête, et le jeta ensuite par la fenêtre. L’enfant hurla, et Karen écarquilla les yeux. Elle constata que le chapeau disposait d’une hélice, ce qui permit à l’enfant de ne pas se fracasser sur le sol, mais quand même !

« Jeannie ! Mais qu’est-ce que tu… ?! »

Le plafond craqua alors encore, et Karen sentit également le sol trembler. Trop tard ! Le temps pour elle de lever la tête, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. Le plafond s’effondra alors, et Jeannie disparut, tandis que la poutre tombait en plein sur Karen. Un humain normal, ou même légèrement amélioré, serait sans doute mort sur le coup. La poutre tomba sur Karen, ainsi que de multiples débris, et elle traversa le plancher, s’écrasant en contrebas, sur une table qu’elle brisa au passage, terminant sa course là. Jeannie, elle, disparut sous plusieurs autres étages, provoquant une série de grondements et de craquements.

Karen mit plusieurs instants à reprendre ses esprits. Les gravats s’étaient effondrés sur elle. Elle entendait au loin les sons des sirènes. Les pompiers ordonnaient l’évacuation de l’immeuble, cherchant comment sécuriser les lieux. C’était un vieux bâtiment, très fragile. Karen posa ses mains sur la poutre, et grogna lentement. Même avec sa superforce, ce truc était terriblement lourd, et elle disposait de peu de place pour manœuvrer. Karen dut donc s’y reprendre à plusieurs reprises, avant de finalement écarter la poutre.

« Gnnnnn… !! »

Prenant sur elle, elle puisa dans ses muscles pour écarter la poutre, et se redressa ensuite. La Kryptonienne éternua à plusieurs reprises, et se releva lentement. Le poids sur sa poitrine s’atténuait, et elle regarda autour d’elle.

*Où est Jeannie ?*

Elle regarda autour d’elle, avant d’user de sa vision spéciale… Et comprit vite ce qui se passait. Plusieurs étages en bas, Jeannie avait désarmé un voleur, et était en train de braquer son arme sur lui. Mains levées, celui-ci tremblait nerveusement sur place, fixant le canon en clignant des yeux.

« Pitié, j’veux pas mourir, ‘me tuez pas, putain, pitié… »

Karen se dépêcha d’agir, et descendit lentement. Jeannie avait fait une belle chute, et semblait hésiter. Devait-elle les abattre, ou pas ? Elle avait cru en voir un, mais elle constata qu’il y avait d’autres voleurs. Karen se rapprocha lentement, et posa sa main sur l’un des pistolets.

« Jeannie… Ça suffit. »

Sa voix était calme, mais ferme. Elle la regardait lentement, attendant que les pistolets se rabaissent. Elle se retourna ensuite vers les voleurs… Et souffla alors. Un souffle fort qui repoussa les trois hommes, les envoyant s’écraser contre le mur.

« Nous valons mieux qu’eux, Jeannie. C’est ça, la vraie mission… Leur montrer, les inspirer, pas les terroriser… Ou les tuer. »

Est-ce que Jeannie allait comprendre ça ? En tant que Déesse, ce serait possible… Mais, après tout, elle-même avait affirmé à plusieurs reprises à Karen qu’elle ne voulait pas être considérée comme une Déesse !

« Mais je ne comptais pas réellement leur tirer dessus! Enfin si, j’y ai pensé mais… Je ne l’aurais pas fait. Enfin. Je crois. Je veux dire… Ce n’est pas mon genre. Je voulais surtout les empêcher de prendre la fuite. Mais je précise qu’ils m’ont tiré dessus sans même hésiter une seconde! Je fais une chute qui aurait dû être mortelle, je me relève chancelante et ils me tirent dessus. C’est… C’est très impoli, voilà! »

Je pense qu’il était important de préciser ce qui s’est passé pour que je ne passe pas pour la méchante de l’histoire. Ce que je ne suis pas, bien entendu. Je veux dire… Je suis la petite déesse au chapeau, pas la déesse sanguinaire et vengeresse. Quoi que des fois je me dis qu’un peu plus d’agressivité ne me ferait pas de tort parce que bon, c’est gentil de chercher le compromis mais… On dirait souvent que les gens, eux, ne veulent pas travailler de la même façon. Je veux dire… Peut-être est-ce le stress du monde moderne, aussi? Tous ces gens impatients et désagréables qui vous engueulent si vous prenez plus de trois secondes pour faire un choix… Tout ça pour dire que toujours chercher à être sympa et diplomate, ça peut devenir lourd, à force. Et je ne comprends toujours pas toujours pas pourquoi ils m’ont tiré dessus. De ce que je sache… Mais je peux me tromper…

Dis donc PeeGee, en théorie, les voleurs ne sont pas supposés utiliser la violence, non? Juste en dernier recours, que je lui demande. J’essaie de parfaire ma distinction entre les différents types de crimes et de criminels… Je ne serai jamais une super héroïne, ça c’est sûr mais apprendre, c’est toujours une bonne idée. Enfin. À mes yeux. Ce serait idiot de ne pas porter attention aux choses. Or, dans la situation actuelle, je ne comprends pas pourquoi ils ont décidé d’ajouter le meurtre à leur tentative de vol. C’est quand même une sacrée marge passer de voler un commerce à prendre une vie. Et je leur pose la question, tiens. Pourquoi vous m’avez tiré dessus au juste? Je le demande gentiment, sans méchanceté dans la voix. Enfin. Gentiment. Précisons. Plus par curiosité qu’autre chose. Parce que bon, disons que ce n’est pas donné à tous de pouvoir survivre comme moi je l’ai fait.

Un être humain ordinaire serait mort, que je fais observer, toujours sans hostilité. Et vous savez qu’un meurtre vaut une peine extrêmement sévère, non? Moi je l’ai appris en regardant CSI, que j’explique en riant. Vous voyez? Il n’y a rien de dangereux chez moi! Et pour montrer que je ne suis pas dangereuse, je m’approche d’eux pour les aider à se relever. Dans le fond, PeeGee a raison. Je me suis fâchée mais je n’étais pas réellement en danger. Et elle a parfaitement raison. Je vaux mieux qu’eux. Et eux, ils vont aller en prison pour tentative de meurtre. Je doute que la kryptonienne va les laisser s’en tirer comme ça. Allez, sans rancune, d’accord, que je leur dis. Mais vous allez quand même être jugés pour vos crimes. L’un des voleurs semble s’être cogné plus durement que les autres et il dit quelque chose que je ne comprends pas. Est-il gravement blessé? J’espère que non!

Alors, je me dis bon, s’il faut leur montrer le droit chemin et tout, montrons un peu de compassion, tout ça, non? C’est bien la compassion. S’ils peuvent prendre exemple et aider leur prochain, dans le futur, au lieu de tenter de s’enrichir illégalement et de mettre les gens en danger… Et franchement, continuais-je, ce n’était pas gentil de profiter d’un incendie pour faire un vol. Je sais que le proverbe dit que le malheur des uns fait le malheur des autres mais… À ce moment je me suis penchée pour aider le voleur qui semble blessé à se relever et je remarque quelque chose. Tiens c’est amusant, sur ta manche, il y a la même poudre brillante que dans l’appartement où il y avait le f… Je ne termine pas ma phrase pour deux raisons. La première, je viens de me rendre compte que ce n’était pas un incendie accidentel. Statistiquement, quelles sont les chances que ce soit une bête coïncidence?

La seconde, le voleur faisait semblant d’être blessée et je me retrouve à servir de bouclier humain avec un couteau sur la gorge. Non mais c’est surréaliste, là. Lui et ses potes tentent de me tuer, ils se font donner un solide « avertissement » par PeeGee et là il tente ENCORE de me tuer? Là, est-ce que j’ai le droit de lui donner une bonne leçon? Et le voilà qui commence, comme un méchant de bande dessinée, à exposer son plan, comme quoi son ex s’est remariée avec un autre homme et qu’il a feint une visite de courtoisie pour saboter son gaz et ainsi lui donner l’occasion de faire son vol avec ses potes… Je lui dis qu’il y avait un enfant dans la pièce d’à côté, qui a fait les bricolages d’où vient la poudre brillante et qu’il a mis tout le monde dans l’immeuble en danger. Il appuie plus fort la lame contre ma gorge en disant à PeeGee qu’il va repartir un homme libre ou avec mon sang sur ses mains.

« Si je peux me permettre un commentaire… Vous êtes une très mauvaise personne. Oh et aussi, loin de moi l’idée de vouloir dire que c’est un mauvais plan… Mais c’est une kryptonienne, là devant. Cette arme n’est pas en kryptonite ou magique. En fait, votre vilaine lame moche est maintenant un couteau en caoutchouc. Donc… Pas de risque de me blesser. Là, est-ce que ce serait justifié de le brutaliser un peu pour récidive, PeeGee? Question purement rhétorique! »

Apprendre à gérer la violence était une chose complexe, surtout dans le monde moderne, où un criminel pouvait passer au statut de victime en quelques secondes. Face aux questions théoriques de Jeannie, Karen haussa les épaules.

« Cela n’a rien d’incompatible, un voleur peut aussi être un assassin, et être violent… En soi, le vol est une certaine forme de violence, après tout. »

Légalement, sa comparaison ne tenait pas, car le vol était une infraction pénale bien spécifique, différente de celle de violences, mais c’était l’idée. Karen était en tout cas intriguée. Qu’est-ce qui avait bien pu déclencher cette incendie ? Elle regardait les conduites de gaz avec sa vision spéciale. Si celles-ci étaient usées, elles étaient encore solides. Une fuite de gaz était souvent liée à un défaut d’entretien des tuyaux, qui perdaient leur étanchéité, libérant alors du gaz. Mais ce n’était pas le cas ici, car Karen ne voyait pas de fuite. Perdue dans ses réflexions, elle perdit aussi de sa vigilance, ce qui permit à l’un des criminels de prendre brusquement Jeannie en otage. Surprise, Karen se retourna vers lui.

Jeannie sentait la lame froide contre sa gorge, et laissa l’homme parler. Il avait saboté l’arrivée de gaz à l’étage pour tenter de tuer sa petite-amie, et en avait aussi profiter pour se remplir les poches en volant les autres appartements. Lui était un redoutable criminel, et Karen se positionna face à lui, levant les mains en signe d’apaisement.

« N’aggravez pas votre situation, Monsieur…
- Va te faire foutre, salope ! Je vous crains pas, moi, ni vous, ni personne !
- Vous avez failli tuer un enfant…
- Qu’est-ce que tu veux que ça me foute ?! »

Karen pouvait agir très vite, mais il suffisait d’un faux-mouvement pour que le sang coule. Ceci dit, elle était avec Jeannie, une Déesse dotée de forts pouvoirs magiques, qui ne tarda pas à renverser la situation en transformant le couteau en un vulgaire couteau en caoutchouc, tout au plus un genre de jouet. Médusé, le voleur pyromane et potentiellement meurtrier regarda la scène, sans trop savoir quoi dire, tandis que Jeannie suggéra de corriger ce dernier.

« Oh m… »

Il tourna les talons, cherchant à fuir… Mais Power Girl se déplaça brusquement, et se retrouva entre lui et la porte. Surpris, l’homme tomba au sol. Bras croisés, Karen posa son pied sur son torse, l’empêchant de bouger.

« Tu tiens tant que ça à en faire un martyr, Jeannie ? Si tu te mets à le frapper, à lui arracher un membre, il ne sera plus le pyromane ayant manqué de tuer un enfant, mais une victime de super-héros se prenant pour des policiers. Tu as entendu parler de Rodney King ? On en a fait un martyr des violences policières, alors que, quand les policiers l’ont rossé, c’était à l’issue d’une course-poursuite. La frontière entre le criminel et le martyr est forgée par des gens comme nous. Quand je parle de montrer l’exemple, ce n’est pas qu’au sens figuré. Personnellement, ça me ferait mal au cul que des gens viennent plaindre ce connard, et qu’on passe pour les méchantes !
- …Tu m’étouffes ! »

Karen n’avait pas non plus envie d’un second Georges Floyd, et relâcha son pied de la poitrine de l’homme.

« Nous allons le livrer aux autorités, la police mènera son enquête, c’est comme ça que ça marche, Jeannie. L’usage de la violence doit être nécessaire et proportionné. Tu comprends ce que ça veut dire ? »

Personne n’avait dit qu’être héroïne était une tâche facile… Mais c’était aussi infiniment plus gratifiant !

Mais je ne veux pas lui arracher un membre, protestais-je avec véhémence. Le brutaliser un peu, je ne dis pas mais rien d’aussi extrême! Et vraiment, ce qu’elle me disait me laissa sans voix. Cet homme avait tenté de tuer sa petite amie, son enfant, avait mis tous les résidents en danger, s’était rendu coupable de vol, de deux tentatives de meurtre au minimum… Mon expression est celle de la surprise la plus totale. Comment pourrait-on en faire un martyr, demandais-je à voix haute, regardant, scrutant avec attention le visage de Power Girl, me demandant si elle me faisait une sorte de farce… Mais non. Elle semblait parfaitement sérieuse. Et en quelque part, je pense, c’est ce qui était le plus terrifiant. De penser que le public puisse faire d’une telle ordure une victime? Je peux imaginer des milliards de choses mais pas ça. J’avoues que là, j’ai bogué.

Complètement mais alors là complètement. Comment est-ce même concevable, d’un point de vue strictement logique. J’essaie de remettre de l’ordre dans mes idées, de retrouver le fil de mes pensées… Non. NON! C’est bien trop aberrant pour être possible! C’est… Impossible. Impossible vous dis-je! Et je le dis à Karen. J’énumère les crimes de cet individu, ses actes, ses gestes… Comment quiconque pourrait le prendre pour une victime? Si nous n’étions pas intervenus, l’enfant serait mort, ce bâtiment se serait probablement effondré sur lui-même, les conséquences auraient été encore plus funeste. Comment un être humain pourrait VICTIMISER une telle personne? Si on va par-là, où est la limite à cette insanité, demandais-je. La plus petite once de raison vient démonter l’argument que c’est une victime. C’est une évidence même que nul ne peut raisonnablement contester…

PeeGee semble dire que oui, par contre. Mais l’information refuse d’entrer dans mon cerveau. C’est trop pour moi. Je ne me sens vraiment pas bien, là. Comme si deux parties de moi se disputaient la suite des choses. La première est chaotique. Entropique. Destructrice. Si la société est prête à voir en cet homme un martyr, pourquoi ne pas faire ce qui a été fait à plusieurs reprise en des temps reculés? On a condamné pas mal au bûcher, des martyrs, non? Et puis du reste, difficile, vraiment, pour un mort de profiter de sa… Célébrité en tant que martyr. Ce serait tellement simple de débarrasser le monde de pareil cancer… Une autre partie de moi demande justice. On ne peut pas confier cet individu au système judiciaire ou au système pénal. Tant qu’à en faire un martyr, autant s’assurer que plus jamais il ne pourra nuire à qui que ce soit! Il n’a RIEN d’une victime. RIEN!

Je titube un moment, à la limite entre un blackout total et un état conscient, tentant d’empêcher qu’il se passe quelque chose que je pourrais ne pas contrôler. Au prix d’un effort surhumain, j’y parviens. Mais cela ne veut pas dire que ce monstre va s’en sortir sans être puni. Il n’arrête pas de se plaindre qu’il veut une cigarette. Non seulement il était prêt à tuer, il s’est montré insultant et là il faudrait lui donner une… Oh. OH!!! J’ai une idée. Tout ce qui représente un vice. Drogue. Alcool. Cigarette. Chaque fois qu’il voudra en profiter, il aura au choix l’impression de mordre dans le truc le plus pourri du monde, donnant un goût immonde, aura l’impression j’avoir ingéré le piment le plus fort du monde (sans risques létaux, bien sûr) ou il aura la sensation d’avoir reniflé un dépotoir municipal. Je ne l’ai pas blessé. Je ne lui aurai pas fait mal. Et en plus, c’est inoffensif pour sa santé.

Je suppose qu’il faut lui donner sa cigarette, que je demande à Power Girl. L’autre idiot rigole. Je lui donne sa cigarette et je l’allume et… Ah ce coup-ci, piment fort. Ça brûle! Ça brûle, qu’il se met à hurler. De l’eau, vite, de l’eau. Je prends mon air le plus innocent et le plus angélique en lui disant que la seule eau disponible est actuellement utilisée par des lances à incendie pour éteindre un feu d’origine criminelle. Oh PeeGee sait parfaitement que je suis à l’origine de ce mauvais coup. Mais je ne le regrette pas et je ne m’excuserai pas non plus. Et je ne vais pas défaire ce que j’ai fait! De gré, non. De force… Si la kryptonienne a vraiment envie d’en arriver à un tel extrême… Nous livrons ces brigands à la police avant de quitter les lieux avant que PeeGee ne se fasse assaillir de toute part par des gens voulant son autographe. Ça doit être pénible, à force… C’est dur la célébrité!

« Avant que tu ne le demandes, oui, c’est de mon cru. Non, ce n’est ni dangereux ni mortel. Non je ne vais pas enlever les effets de ce que j’ai fait. Et je ne regrette ABSOLUMENT RIEN. Chaque fois qu’il voudra s’adonner à un vice, il fera face à une de trois conséquences désagréables possibles. Je n’arrive pas à y croire. L’être humain est suffisamment STUPIDE pour voir en cet homme un martyr si on l’avait brutalisé?

Je pensais que j’avais vu la malice, la cruauté et la folie dans les desseins des dieux qui m’ont jadis créé mais ça… PeeGee, comment quelqu’un peut justifier une telle chose? Tu as entendu ce qu’il a fait. Tu sais qu’il a tenté par deux fois de me tuer. Comment pourrait-il être un martyr? Non. Non je ne veux pas savoir. J’ai besoin… J’ai besoin d’un câlin réconfortant. D’une énorme glace. Et pourquoi pas voir quelque chose de magnifique comme un arc-en-ciel ou une aurore boréale… »

Quoi? C’est quelque chose de raisonnable, je dirais, versus moi qui fait un craquage complet avec pétage de plombs…

Karen laissa donc Jeannie maudire le délinquant, qu’elle remit ensuite aux autorités, en leur expliquant ce qu’il avait fait. Celui-ci était maintenant paniqué, et Power Girl fila ensuite, laissant le public la filmer à l’aide de leurs téléphones portables et autres, rejoignant ensuite Jeannie plus loin, sur un toit végétalisé de Manhattan. Elle regarda silencieusement la Déesse, qui indiqua qu’elle ne comptait pas revenir sur cette malédiction, tout en s’étonnant que cet individu puisse être traité en martyr. Bras croisés, Karen la laissa parler, et, quand celle-ci demanda un câlin, Karen soupira surtout.

« Tu ne comprends pas comment ce monde fonctionne, n’est-ce pas ? Tu sais ce qui va se passer ? Cette malédiction que tu as infligé à ce naze… Il en parlera à son avocat. Son avocat en parlera ensuite aux journaux, il viendra s’épandre sur les réseaux sociaux en maudissant ces héros qui se prennent pour des Dieux. Le scandale effacera le problème de fond, c’est comme ça que ça fonctionne. Il y a quelques années, on tolérait encore les débordements des super-héros, mais plus maintenant. Tu sais combien de biens publics sont démolis à chaque intervention super-héroïque ? Combien de vies sont potentiellement menacées ? »

Power Girl se déplaça encore, et se retourna, observant la ville. Elle se trouvait sur le rebord du toit, observant celle-ci en contrebas.

« Le monde n’est pas noir et blanc, Jeannie, on ne peut pas se permettre de fonctionner ainsi. Les pouvoirs que nous détenons impliquent de plus grandes responsabilités. Est-ce que c’est injuste ? Oui, assurément. Mais la vie n’est pas juste. »

Karen se retourna vers Jeannie, et poursuivit son raisonnement :

« Il faut prendre le problème autrement, Jeannie… Les gens respectent et croient dans les super-héros, dans l’image qu’ils incarnent. Si nous ne sommes pas à la hauteur, alors ils nous mépriseront. C’est dur, mais rien ne vient jamais sans rien. On ne peut pas être un modèle pour les gens, et croire que ceux-ci comprendront nos écarts de conduite. Il ne m’appartient pas de condamner, de punir, je ne fais qu’arrêter, que défendre et aider. Le reste, ce n’est pas de mon ressort. Je ne suis pas policière, ni magistrate. »

C’était une dure leçon qu’elle lui faisait, celle de la vie, celle qui consistait à devoir toujours se battre, et à rester à la hauteur de soi-même. Ce n’était clairement pas simple, mais c’était quelque chose que Jeannie devait comprendre.

« C’est pour ça que je n’approuve pas ce que tu as fait. Nous devions arrêter cet individu, pas le punir. La punition reviendra aux autorités, c’est comme ça que le système fonctionne, et il ne m’appartient pas d’en faire un autre. »

Karen haussa finalement les épaules.

« Bienvenue dans le monde réel ! »

« PeeGee, j’ai mis du piment fort dans une cigarette. N’importe quelle analyse scientifique crédible le confirmera. Je ne l’ai pas maudit au sens classique des choses. C’est comme si je lui avais donné une cigarette de farces et attrapes! Je ne suis pas stupide! Je sais que votre système de justice est une aberration dysfonctionnelle et idiote. Tu as raison sur un point. Ce n’est pas juste! Et le public est crétin, voilà tout!

Et ingrat en plus. Est-ce qu’ils pensent que c’est facile d’être un super héros? Plus fondamentalement encore, d’exister avec des pouvoirs? De vivre avec des pouvoirs? Ce n’est pas un jeu vidéo, c’est la réalité. Chaque seconde de chaque jour je dois garder mes émotions sous contrôle, penser le moindre de mes mots, mesurer le moindre de mes gestes. Le tout dans le but de ne pas causer une catastrophe accidentelle. Et pourquoi, au fond?

Des ingrats et des connards qui se mettent volontairement en danger en préférant filmer une attaque de super criminels que de se mettre à l’abri? Qui vendraient leur mère pour le dernier gadget à la mode? Qui préfère zieuter sur un décolleté plongeant que d’aider une personne âgée à traverser la rue? Votre système de justice est gangrené et inefficace. Les humains ne sont même pas capables de s’entendre sur le sens du mot justice, en plus!

Et clairement, tu fais partie de problème. La vie n’est pas juste? C’est votre boulot, aux super héros, de le rendre juste, ce monde. Si vous vous résignez à dire qu’il est injuste… Alors pourquoi vous faites ce que vous faites? À quoi bon sauver le monde si c’est pour maintenir en place une incongruité, une aberration à vos principes fondamentaux? Pourquoi vivre vos vies si c’est en sachant que vos efforts ne serviront à rien? »

Est-ce que je suis furieuse? Évidemment que je suis furieuse! Je pensais que PeeGee était différente. Elle sait ce que sait que de perdre gros, énormément. Un monde, même. Donc, armée de ces connaissances, ne devrait-elle pas, au contraire, pousser de toutes ses forces pour redresser le système? Je ne suis pas policière ou magistrate. Elle est bien bonne! Les avocats et les juges donnent des sentences bonbons et les forces de l’ordre sont impuissantes à faire leur travail correctement. C’est un fait mondialement connu. Il faudrait opérer des changements en profondeur et personne ne veut le faire. Je ne comprends pas, que je répète en m’approchant du bord et en regardant en contrebas. Comment les super héros peuvent être des modèles s’ils encouragent à être complice d’un système inefficace et néfaste? Un héros, un super héros, doit faire preuve de courage.

Alors pourquoi, dans ce cas, est-ce que ces mêmes super héros ne se dressent pas tous ensemble pour dire : nous ne pouvons pas continuer ainsi, avec un système de justice passoire où un criminel va se retrouver en liberté sans avoir été puni par la pleine mesure de la justice, telle qu’elle a été conçue en tant que concept? Pourquoi cette passivité face à ce qui est véritablement le cœur du problème? Je ne comprends pas. Ils savent que c’est mal de pouvoir sauver quelqu’un ou quelque chose et de ne rien faire. Si un médecin fait le serment de sauver des vies, pourquoi les super héros ne font pas le serment de protéger des valeurs? La démocratie, la justice, la liberté, ces concepts sont attaqués constamment par des forces qui en font des slogans pour justifier leurs actions. Les super héros actuels sont inefficaces. Ils n’agissent pas : ils réagissent! Et je peux le prouver, oh que oui!

Comme la police, les super héros savent où opèrent et se terrent de nombreux criminels. Pourtant, au lieu de prendre ces nids de criminalité d’assaut, ils ne font rien. Si un crime se produit, ils interviennent. Si la tragédie frappe, ils passent aux actes. On ne peut pas débarquer ainsi sans mandat, qu’on me dira. Toutes les preuves vous les trouverez sur place! Des armes, de la drogue, de la contrebande et j’en passe! Le mandat permet simplement aux informateurs des criminels de savoir quand la justice va venir frapper à leur porte! De dissimuler les preuves et de camoufler leurs méfaits! Et si on va par là… Dans ce cas, si les super héros ne peuvent pas faire juges ou policiers, de quel droit alors interviennent-ils dans quoi que ce soit? Sous quelle autorité si ce n’est la leur? Non. NON! Ce n’est pas comme ça que j’imagine les super héros! Ils doivent inspirer l’espoir, la promesse d’un monde meilleur! Pas le symbole d’un défaitisme face au système!

« Peut-être alors que ce dont le monde a besoin, c’est de repartir à zéro. On efface tout et on recommence. Si vous ne voulez pas fixer les bugs du système, vous, les super héros, si vous ne faites que tenter d’appliquer des correctifs sur des correctifs, comme autant de morceaux de ruban gommé ou de pansements… À quoi bon? Dans l’absolu, ce monde court à sa perte et vous ne pouvez rien y faire. C’est se battre contre… Contre…

Je ne sais pas… L’océan? Le vent? L’inévitabilité? Ce n’est tellement pas comme ça que j’imaginais les super héros mais comme avec beaucoup de choses, j’ai préféré voir la version idéale dans ma tête. Si c’est ça le monde réel, PeeGee… Je… Je ne suis pas sûr que je veux en faire partie. Je suis venue sur terre car on en parle à la grandeur du multivers. Mais maintenant que je vis ici, que je tente d’en faire partie… Je ne vois pas ce que ce monde a de si génial.

Wow. Moi qui suis d’ordinaire joyeuse et de bonne humeur… »

Jeannie était en pleine confusion, ce qu’elle ne tarda pas à révéler en exprimant à Karen tous ses doutes, et son incompréhension sur le fait que les super-héros ne fassent pas… Davantage. Mains sur les hanches, Karen ne s’attendait clairement pas devoir converser avec une Déesse omnipotente sur l’humanité, et croisa ensuite les bras, la laissant parler. Elle se déplaça lentement.

« Et donc, quelle est ta solution, Jeannie ? Sauter sur tout ce qui bouge ? Détruire la Maison-Blanche ? Que les super-héros prennent le pouvoir ? Power Girl sait taper sur les gens, elle sait arrêter un train avec ses mains, mais elle ne sait pas écrire des lois. Ce n’est pas mon rôle, ni celui des super-héros. Nous sommes là… Ah, je ne saurai même pas te dire quelle est notre fonction. Nous suppléons l’État ? Peut-être… Mais nous n’avons pas vocation à le remplacer. Aucune dictature ne se justifie, Jeannie. »

Karen se déplaça lentement.

« Le monde est imparfait, injuste… Mais l’humanité s’améliore. Tu es d’essence divine, non ? Alors, regarde ça avec des yeux divins. L’Histoire de l’humanité ne tend qu’à la perfection. Jadis, les nouveau-nés mouraient une fois sur deux. Les humains évoluent et se perfectionnent. Moi ? Je suis là pour leur montrer une vision, un idéal d’espoir… Mais je ne suis pas là pour les diriger. Je n’en suis pas capable, et je ne le ferai jamais. »

Elle marcha encore, continuant à ressasser ses explications à Jeannie.

« C’est ça le truc, Jeannie… Power Girl est là pour aider les gens, pas pour en faire davantage. Tu peux trouver ça hypocrite, mais c’est ainsi que les choses sont. Nous ne sommes pas des justiciers vengeurs, nous aidons les gens, ni plus, ni moins. Le reste, c’est entre les mains de la justice. Tu peux trouver le système imparfait, mais j’ai tendance à croire que la perfection n’est que l’apanage des Dieux. »

Tout cela devenait un peu trop philosophique et un peu trop sérieux pour Karen, qui se retourna à nouveau vers Jeannie. La Déesse semblait en pleine confusion, et Karen ne savait pas vraiment où cette conversation allait les conduire.

« Ce n’est pas à moi de rendre le monde plus juste… Tout ce que je peux faire, c’est être un exemple, mais les humains conservent leur libre arbitre, le choix d’agir ou de ne pas agir… Qui suis-je pour leur ôter ce choix ? Je ne souhaite pas devenir une femme tyrannique, Jeannie, alors… C’est à eux de choisir, et à eux d’évoluer. Ils feront des erreurs, bien sûr, mais… Après tout, je viens d’un peuple qui s’est suicidé en faisant des recherches et des fouilles géologiques qui ont rendu le noyau de ma planète instable. Je dispose de mes pouvoirs grâce aux rayonnements solaires, je ne suis guère bien placée pour pouvoir dire aux autres ce qu’ils doivent faire. »

Se rendait-elle simplement compte de ce qu’elle disait? De l’insanité de ses propos? Qu’est-il arrivé à « de grands pouvoirs demandent de grandes responsabilités »? Elle est carrément en train de me dire que tous les pollueurs, voleurs, violeurs, assassins et mauvaises personnes de ce monde peuvent continuer à le faire indéfiniment car ce n’est pas aux super héros de s’occuper de la justice? ÇA S’APPELLE LA JUSTICE LEAGUE, BON SANG! Plus j’entends ce qu’elle me dit ce que c’est d’être un super héros, plus ça me dégoutte et me rebute. Si c’est ça être du côté des gentils, c’est vraiment un côté de lâches et de perdants. Je ne leur dis pas de devenir les bienveillants dictateurs de la planète, je leur dis juste d’être plus proactifs! Il me semble que c’est simple à comprendre, non? Clairement, leur travail est inefficace et insuffisant. Il faut faire plus!

Moi qui m’imaginais que les super héros faisaient tellement plus… Je veux dire… Vous entendez le récit d’exploits héroïques, comment ne pas imaginer des demi-dieux parmi les simples mortels? Ils sont plus que des symboles! Alors qu’ultimement, ils ne sont que poudre aux yeux. Des modèles? Eux? Certainement, Batman est un superbe modèle pour les enfants, j’en suis sûr! Et soyons sérieux, comment voulez-vous être des modèles pour le commun des humains si vous avez des pouvoirs qu’ils n’ont pas? Les super héros ayant un super métabolisme mangent ce qu’ils veulent, ont manifestement une excellente génétique capable d’en faire des canons de la beauté, ils sont toujours athlétiquement en forme… Ils n’ont pratiquement aucun point commun avec ceux qu’ils sauvent. Est-ce qu’Ironman doit se taper deux heures de trafic le matin pour aller travailler? Non.

Est-ce que Power Girl doit avoir deux emplois de misère pour nourrir sa famille? Non. Qu’est-ce qu’ils connaissent des ennuis et difficultés de monsieur et madame tout le monde? Je ne dis pas qu’il n’est pas tragique que Power Girl ait connu autant de pertes et de tragédies dans sa vie. C’est définitivement quelque chose de vraiment, vraiment, vraiment triste. Mais de la façon dont elle me parle des super héros, de son rôle, de sa fonction… On dirait qu’elle ne sait même pas pourquoi elle fait ce qu’elle fait. Qu’ils ne savent même pas à quoi ils servent réellement. Et c’est terrifiant de se dire que des gens avec autant de pouvoirs en font si peu et préfèrent se fier sur la bonne volonté du genre humain. On a vu où cela a mené la planète. Et sa rhétorique est complètement risible. Avant les enfants mourraient une fois sur deux? C’est son meilleur argument?

« Dis-moi que c’est une farce, que tu n’es pas sérieuse. L’Histoire de l’humanité ne tend qu’à la perfection? Jadis, les nouveau-nés mouraient une fois sur deux? Les humains évoluent et se perfectionnent? Les humains polluent, déforestent, détruisent, assassinent leur planète comme jamais auparavant. Le nombreux de conflits est en constante augmentation. Le tiers monde est dans un état de plus en plus critique.

L’exploitation par les compagnies augmente sans cesse. L’esclavage a un nouveau visage, pseudo légal, cette fois. Dans certaines parties du monde, le racisme, l’homophobie et le sexisme sont la norme. Vous inventez des armes de plus en plus mortelles pouvant causer votre extinction. Et tu oses me dire que les humains évoluent et se perfectionnent? Quand ils auront fini de dévaster la Terre, ils iront ailleurs et recommenceront! Et tu le sais!

L’humain moyen se demande plus quelle est la taille de tes seins que quelque message ou idéal que tu peux représenter. Tu me dis que les super héros sont là pour aider le monde et le monde n’a jamais été dans un tel état depuis que vous intervenez. Ce ne sont pas des super héros qui ont mis fin à la Première Guerre Mondiale. La Seconde. La Guerre Froide. Vous avez laissé la guerre contre le terrorisme prendre des proportions cataclysmiques!

Alors je le redemande? À. QUOI. VOUS. SERVEZ!? JE NE… Non. Non. Du calme, Jeannie. Du calme. Focus. Sur ces mauvaises émotions… Et fais les disparaitre…. Voilà. Beaucoup mieux… Et je… Oh hey PeeGee! Comment va! Je n’ai aucune idée de quoi on parlait mais j’ai l’image mentale d’une crème glacée. Est-ce qu’on parlait de crème glacée? Quoi qu’est-ce qu’il y a? J’ai dit quelque chose de bizarre ou quoi? Hum? »

Après avoir détruit un monde, mon monde, une fois, à cause de la colère et des émotions négatives, j’ai développé une technique pour purger tout ce qu’il y a de mauvais en moi pour éviter de recommencer. Cela implique aussi parfois les souvenirs des événements quand je dois intervenir rapidement parce que je suis trop en colère ou en détresse psychologique. Et là… C’est il peut comme si vous êtes en train de télécharger quelque chose et que quelqu’un vous arrachait le fichier de la mémoire en tirant dessus de toutes ses forces. Je n’ai aucun souvenir de notre conversation. Pas le moindre. Ainsi, je ne peux pas y repenser et risquer de me fâcher. C’est plus sécuritaire pour tout le monde. Par contre… Une certaine création accidentelle elle vient de recevoir comme repas l’équivalent d’un repas cinq services… Et gagne donc encore en puissance à mon insu…

« C’est vraiment cool que tu sois une super héroïne, à aider toutes ces personnes… Et il te va super bien ce costume. Moi, je ne serais pas capable de le remplir… »

Je lui fais un énorme câlin parce que c’est dans ma nouvelle nature. Elle a de grosses responsabilités en tant que super héroïne. Moi, j’ai des sacrifices à faire en tant que déesse. Chacun son fardeau!

Karen ne s’attendait pas à… Ça. Jeannie ne comprenait pas. Pourquoi se contenter du minimum quand on pouvait faire davantage ? Mais Karen lui avait expliqué. Elle n’était pas une politicienne, et, si elle voulait rendre la justice, alors elle devrait obtenir un diplôme ! Ce n’est pas parce qu’elle était dotée de super-pouvoirs qu’elle pouvait réparer tous les problèmes. Jeannie semblait toutefois s’en irriter, et Karen commença à froncer les sourcils, quittant sa position détendue pour une posture plus… Prudente.

*Qu’est-ce qu’elle me fait, là ?*

On aurait dit une espèce d’enfant réalisant que les super-héros ne pouvaient pas tout faire ! Cependant, contrairement à un enfant, Jeannie disposait de pouvoirs cosmiques, ce qui avait tendance à inquiéter un peu Power Girl. Elle s’énervait rapidement, bien trop vite pour que Karen comprenne quoi que ce soit… Puis se calma alors progressivement. Les yeux de Karen, qui commençaient à rougeoyer, se calmèrent progressivement, tandis que Jeannie sembla retrouver son calme naturel. L’atmosphère instable et agressive qui l’entourait sembla même se dissiper, et Jeannie lui parla alors en lui disant qu’elle était une super-héroïne, et que c’était cool.

*Hein ?!*

Surprise, Karen la vit s’élancer contre elle, venant lui faire un câlin, et resta silencieuse, interdite. Est-ce que Jeannie s’inventait un rôle ? Non, Karen devinait, à ses battements cardiaques, qu’elle ne mentait pas. Elle semblait plutôt avoir… Effacé ses souvenirs récents. Cela semblait délirant, mais Power Girl avait déjà rencontré des gens omnipotents, suffisamment pour savoir que Jeannie devait être capable de faire ça. C’était assez effrayant, à vrai dire.

Ne sachant plus quoi dire, Power Girl regarda Jeannie silencieusement.

« Tu… Tu es sûre que tu vas bien, Jeannie ? »

Effacer ses souvenirs n’était jamais une bonne idée ! Mais était-il sain de relancer leur précédente conversation ? D’un autre côté, Karen ne pouvait pas vivre avec Jeannie sous le sceau de la peur.

*Merde, mais qu’est-ce que je suis supposée faire, moi ?!*

Karen secoua la tête en regardant le ciel. Si elle envisageait initialement d’envoyer Jeannie travailler, elle devait bien reconnaître, maintenant, que c’était une tâche impossible à envisager. Jeannie était bien trop instable et dangereuse pour qu’elle côtoie ses employés !

« Bon, euh… Qu’est-ce qu’une Déesse fait de son temps libre, alors ? »

« Hum? Oh oui, oui, ça va, ne t’en fais pas. Après avoir détruit mon monde dans un accès de colère particulièrement intense, je me suis jurée que cela ne se reproduirait plus jamais. J’ai donc développé des mécanismes à cet effet. Essentiellement, une amputation des sentiments négatifs. Le problème, c’est que ça emporte aussi les souvenirs associés à cette émotion négative. Ainsi, je ne suis plus un danger, tu vois?

C’est plus prudent, je trouve. Et ça ne pénalise, techniquement, que moi. Bon c’est sûr que ça fait bizarre pour les autres mais je préfère ça comme ça. Si je ne peux pas devenir un danger pour les autres, c’est parfait pour moi. Est-ce que c’est brave, est-ce que c’est lâche, c’est une question d’interprétation. Je dis que c’est brave. Mais une chose est sûre pour moi. Je préfère perdre des morceaux de ma mémoire que de perdre une amie. »

Je lui fais à nouveau un énorme câlin. Je suis calme, sereine, paisible. Je fais ce qui est nécessaire pour éviter des problèmes. Et comme je viens de le dire, quelques souvenirs sont une bien petite chose en échange du bien du plus grand nombre. Pendant un moment, je me suis dit que je vivrais pour moi. Mais avec cette mentalité, vous vous rendez vite compte que vous êtes pas mal seul, en fait. Et plus vous vous entêtez à vouloir continuer dans cette voie, plus vous serez malheureux. Jaloux de ce que les autres ont et vous non. Mon apparence humaine n’est pas un hasard. C’est pour faciliter mon insertion sur Terre. Je ne veux pas finir mes jours seule. Je ne veux pas me mêler aux affaires de mon monde reconstruit si je le peux mais aller faire un peu de tourisme dimensionnel, c’est un passe-temps comme un autre, non? Et des amis c’est toujours mieux que des ennemis!

Je reste un moment à regarder la ville depuis le haut de ce bâtiment et c’est la Jeannie joueuse et pleine de vie qui est de retour. Déjà, le sérieux me va mal et la mauvaise humeur encore plus. Je sais que je suis bizarre et que des fois je fais des trucs flippants. Mais en même temps, vous côtoyez des déesses sur une base régulière, vous? Bah voilà, ça m’aurait étonné, aussi. Donc… J’essaie de m’adapter, tout simplement. Et ce n’est pas toujours facile, ça je peux vous le dire sans mentir. Mais bon. J’espère juste que Power Girl, qui est quand même une super héroïne, a la compréhension et la compassion qu’il faut. Je ne cherche pas à me victimiser non plus, loin s’en faut. Je pourrais le faire, c’est facile pour se déculpabiliser. Sauf que ce n’est pas trop mon genre, en fait. Je laisse ça à d’autres. Moi, je sais d’où je pars, d’où je viens. Je sais ce que j’ai fait. Le bon comme le mauvais.

Enfin. Les événements passés, il va de soi. À sa question « que fait une déesse de son temps libre », la réponse est simple. Explorer. Visiter. Découvrir. Pourquoi pas mon futur lieu de travail, comme je vais tenter l’expérience de la normalité? Travailler pour ou avec PeeGee, cela promet d’être une expérience intéressante. C’est ce que je propose : c’est à la fois pragmatique, donc un choix adulte, mature ainsi que la curiosité qu’on associerait plus à une gamine qu’à une déesse. Mais… Je vous rappelle que je peux être déconcentrée par un objet brillant, un papillon ou assimilable. Est-ce vraiment si étonnant que certaines de mes réactions soient enfantines? Pas vraiment, non. Et en plus, je n’en ai pas eu d’enfance, s’il faut vous le rappeler. J’ai été créée adulte et prête à servir le premier maitre venu. Donc, il m’arrive d’avoir un comportement qui diffère du vôtre. La différence, tout ça.

« Et si tu me montrais mon futur lieu de travail? Je suis curieuse… Je t’avouerais que je mets rarement les pieds dans le quartier général d’une grande entreprise. Ou une de ses grosses branches, pour être plus exacte. Je veux dire, regarde ma tenue, quoi… Et après… On pourrait aller… Je ne sais pas, moi, en France! Au Zozan Kebab, le meilleur kebab de France! Enfin, c’est ce que prétendait cette vidéo sur Youtube.

Honnêtement, PeeGee, je planifie rarement d’avance. Je me lève et je marche à l’instinct. Souvent, je me dis que je vais aller visiter un musée, par exemple, et en cours de route je finis à prendre le thé sous les cerisiers en fleur au Japon avant de finir en Australie à regarder les kangourous parce que quelqu’un aura fait un commentaire anodin. Je n’ai pas ta discipline, je dirais. Enfin. Pas tout le temps. J’en ai quand il m’en faut. »

Moi, tant que je passe un moment avec PeeGee, on peut aller visiter une usine de mise en boite de sardines au Guatemala, si l’envie lui prend. Je n’ai juste pas envie de me retrouver toute seule. Je n’ai pas des masses d’amis alors… Quand je peux passer du temps avec ceux que j’ai, j’en profite. On me dira que je suis collante. Et peut-être que je suis dépendante affective… Mais je ne le fais pas pour mal faire, certainement pas, non. Vous passerez des millénaires, seule, et vous m’en direz des nouvelles sur votre besoin de compagnie, ensuite, pour voir. Je vous le dis. En quelque part, les êtres vivants sont faits avec le groupe en tête plutôt que l’individu. Et oui, ça affecte aussi les petites déesses au chapeau. Ou peut-être que ça m’affecte juste moi. Et là je suis calme. Docile, même. Après avoir altéré mes souvenirs, il y a toujours ce moment où je suis plus réceptive aux suggestions…

Jeannie demanda d’aller au boulot… Ce qui amena Karen à regretter qu’elle n’ait pas aussi oublié ce passage. Mais pouvait-elle se dédire ? Jeannie lui apparaissait comme étant de plus en plus instable, réagissant de manière excessive avec des pouvoirs qu’elle ne contrôlait de toute évidence pas. N’avait-elle pas détruit un monde juste parce qu’elle était énervée ? Et la manière nonchalante dont elle l’avait annoncé était, à vrai dire, tout simplement glaçante. Si Karen avait pu la trouver honnête, elle était peu çà peu en train de réaliser que cette femme était dangereuse… Trop dangereuse et trop instable pour la laisser libre. Ne risquait-elle pas de détruire également la Terre ? Karen ignorait l’étendue de ses pouvoirs ici, mais elle ne pouvait pas prendre ce risque.

*Qu’est-ce que je fais, alors ? Je ne suis pas une magicienne, moi !*

Elle doutait que de simples magiciens soient suffisamment talentueux pour neutraliser une telle menace.

« Je… Je ne sais pas si un environnement de travail te conviendra, en fait. C’est ce que tu viens de dire, non ? Tu es… Un électron libre, un oiseau qui vole sans cages. Et le travail, ben… Ça consiste justement à se discipliner, à devoir avoir des supérieurs, sans pouvoir les effacer ou détruire le bâtiment juste parce que certains t’ont énervé. »

Power Girl ne pouvait tout simplement pas prendre ce risque. Mais cela ramenait au même problème… Que faire de Jeannie ? Que faire d’une femme comme ça ?

*Il faut que je trouve un moyen de la priver de ses pouvoirs…*

Peut-être en contactant Docteur Strange ? Mais la prudence imposait tout de même de le faire hors la présence de Jeannie. Elle pouvait aussi contacter la Justice League, même si elle aurait dans l’absolu préféré éviter de se rapprocher des super-héros de ce monde. Ceci étant dit, Karen avait déjà perdu deux mondes, sa Krypton et sa Terre d’origine, et elle ne voulait pas voir une Déesse instable en faire de même. Plus elle y pensait, et plus Jeannie lui faisait penser à une personne avec un raisonnement assez immature, qui réagissait avec l’excès propre aux enfants, sans contrôler ses capacités.

« En fait, je crois que tu n’as vraiment pas le profil pour travailler dans une société, Jeannie… Mais, du coup, je ne sais pas trop quoi faire de toi. »

Ses options étaient plutôt limitées, à vrai dire. Pour l’heure, elle espérait surtout que Jeannie n’aurait pas une autre crise…

« Hum… Pas besoin d’avoir des pouvoirs pour remarquer ton changement d’attitude à mon encontre. Et tes paroles en disent long. Très long. Surtout ce que tu ne dis pas en fait, ce qu’il y a dans l’ombre de tes mots. Tu ne me fais pas, plus, confiance. Tu penses que je risque de mettre des gens en danger. Un raisonnement logique mais fortement erroné. Et je peux le prouver, si tu veux. Facilement, en plus. Oh oui.

Mais avant toute chose… Je me demande si tu écoutes quand je parle. Si cet intellect aiguisé pense, réfléchit, interprète de manière rationnelle plus que sentimentale. Qu’est-ce que je t’ai dit, PeeGee? Que j’ai détruit mon monde alors que je venais de devenir une déesse. Que je ne maitrisais pas mes pouvoirs et que j’étais consumée par la rage de siècles d’esclavage. Et dès que j’en ai pris conscience, j’ai réparé mon erreur. Je l’ai dit, non?

Que j’ai renoncé à l’omniscience, à l’omniprésence et que j’ai fortement diminué mon omnipotence. Est-ce que quelqu’un d’immature et d’instable serait capable de prendre une telle décision? Non. Bien sûr que non. Je ne prétends pas être sage. Mais j’ai mis en place des mécanismes pour me neutraliser moi-même. Regarde la séquence d’événements qui a mené à notre rencontre. Des farces. Des farces, PeeGee. Et non létales, qui plus est.

Des gamineries, d’accord, mais des gamineries inoffensives faites contre une terrible personne. En fait… Peut-être que tu as raison, je devrais me plier à tes craintes et abandonner la chance de devenir une personne plus complète. Car oui, je vais forcément transformer mon superviseur en grille-pain si je me fâche. Méchante Jeannie, instable et dangereuse… J’adore me faire juger par quelqu’un qui parle sans connaitre. »

J’aime bien PeeGee mais franchement, s’il y a bien une chose qu’elle a prouvé, c’est que parfois elle est plus aveugle que… Qu’un… Bien un aveugle, voilà. Je ne vais pas détruire la terre. Je ne vais mettre personne en danger. J’ai inclus dans mes principes de ne pas blesser et de tuer le moins possible. Oui je peux faire des blagues méchantes. Et même fortement en colère, je réussi, en général, à garder le contrôle. Je ne suis pas parfaite. Sauf que depuis la destruction de mon monde, le nombre de morts que j’ai causé est de zéro. Elle se base sur les tragédies qu’elle a vécu pour faire un portrait de moi. Hum… Et si je lui donnais une bonne leçon? Je suis curieuse. C’est tout. Est-ce qu’elle me juge en sachant de quoi elle parle, comme elle semble le penser, ou non, comme je le pense? Je dirais qu’il n’y a qu’un moyen de le savoir, non? Elle ne va pas apprécier…

Mais en même temps, j’ai envie de dire, depuis le début, même si techniquement c’est très récent, c’est décoder l’autre, tenter de comprendre comment il fonctionne. Je pose mes mains sur ses épaules et la regarde dans les yeux. Elle ne le sait pas mais nous sommes de retour dans ma bulle dimensionnelle. Sauf qu’elle pense qu’elle est encore là où nous nous trouvions. On va voir si tu vas faire mieux que moi, que je lui dis. Et tout d’un coup, nos situations sont inversées : j’ai ses pouvoirs, ses forces, ses faiblesses et elle a mes pouvoirs, mes forces et mes faiblesses. Moi, je dois m’adapter à des super sens et quelques autres broutilles. Elle? C’est tellement de sensations et d’informations en même temps, tout le temps. Constamment. C’est étourdissant. C’est étouffant. Angoissant, même. À la longue, on s’y fait, une chance. Mais je ne lui ai pas donné le contrôle sur mes pouvoirs.

« Alors, PeeGee, comment on se sent quand on peut tout faire ou presque, que les limites deviennent floues et abstraites? Peut-être que tu vas mieux comprendre, maintenant, ce que c’est que d’être… Moi. Si ton esprit tient le coup, bien sûr. Et comme je suis gentille, j’ai prévu trois façons de remettre les choses en l’état. 1. Une limite de temps. Trois jours. Je me demande si tu vas détruire le monde dans cet intervalle…

2. Tu maitrises suffisamment tes nouveaux pouvoirs pour refaire un échange… Mais je doute que tu y parviendras. 3. Tu t’excuses sincèrement. Tu admets que depuis le début, tu me juges sans vraiment comprendre. Je veux dire… Comment pourrais-je te faire comprendre les choses plus explicitement encore que comme ça? Et je ne fais pas cela par méchanceté. Je veux vraiment, désespérément te prouver ma bonne foi. »

Ce qui est la plus stricte vérité. Elle a mes pouvoirs, elle sait reconnaitre le mensonge si elle le désire. Je n’ai pas demandé grand-chose. Une amie. La chance de pouvoir grandir, évoluer. Et parce qu’elle a peur, parce qu’elle ne comprend pas, PeeGee est prête à m’enlever ce qu’elle m’a donné ou voulait me donner. Alors, j’utilise la solution la plus logique. Quand on veut combattre le racisme, on éduque les gens pour leur montrer que l’autre n’est pas le mal incarné. Dans cette situation, disons que c’est un « crash course » pour montrer à la kryptonienne qu’elle fait du profilage et potentiellement de la xénophobie face à une déesse venue d’ailleurs. Et je vous rappelle que j’ai été responsable. Nous ne sommes plus sur Terre. ÇA, ça aurait été prodigieusement immature… En espérant qu’elle soit suffisamment sage et responsable pour comprendre cette petite expérience…

Comment pouvait-elle avoir confiance après cette scène ? Elle ne comprenait toujours pas pourquoi Jeannie s'était énervée, ni comment elle avait fait pour changer de mentalité si vite en effaçant ses derniers souvenirs. Et elle, elle était supposée rester stoïque devant tout ça ? Karen avait encore du mal à se dire qu'elle ne rêvait pas, et que tout cela était bien réel. Jeannie se décida alors à lui donner une bonne leçon, et posa ses mains sur les épaules de Karen. S'attendant au pire, Power Girl et Jeannie se téléportèrent alors, et rejoignirent la dimension de Jeannie, qui choisit alors de procéder à un échange, de lui montrer toute la difficulté qu'il y avait à maîtriser des pouvoirs omniscients, tandis qu'elle-même absorba les pouvoirs de Karen.

*Quoi ?!*

Celle-là, elle ne l'avait pas vue venir ! Surprise, Karen se recula, et sentit alors sa tête lui tourner.

« Mais... Mais qu'est-ce que tu m'as fait ? »

Tout semblait... Si différent, si inhabituel ! Confuse, Karen regarda encore autour d'elle, et sentit une vive migraine la saisir. Elle tomba à genoux, et secoua la tête, souhaitant que cela cesse... Et sa douleur s’évapora alors, tandis qu'elle commençait à entendre de multiples voix. Elle grogna encore, et ordonna que les voix cessent. Des tentacules jaillirent alors autour d'elle, des tentacules noirs qui fusèrent tout autour d'elle. L'un d'eux frappa violemment Jeannie, et l'aurait embroché si elle n'avait pas la constitution de Karen. Les tentacules défoncèrent les murs environnants, et les piétons alentour hurlèrent, paniqués. Les deux femmes étaient sur l'une des places de la ville de Jeannie, et Karen entendait toutes leurs pensées.

Le simple fait de penser déclenchait ses pouvoirs, et elle pouvait comprendre toute la difficulté avec ce genre de choses. Grognant encore, elle fit alors la seule chose qui lui semblait logique.

« Je n'en veux pas, reprends-les ! »

Mais Jeannie n'en voulait pas non plus, car tel était le défi. Karen grogna encore en se relevant, et ferma les yeux. L'air se mit à trembler autour d'elle, se nimbant d'énergie cosmique. Elle hurla alors, crachant de son corps une sorte d'énorme éclair énergétique, et expulsa cette énergie imprévue. Son inconscient agit à sa place, et trouva le meilleur moyen de retirer cette énergie... En créant un double de Power Girl, une version qui stocka ce surplus d'énergie.

« Hmmmm... C'est un tournant inattendu. »

La Power Girl maléfique se retourna vers Jeannie, et tendit sa main, générant une cage en kryptonite qui enferma Jeannie à l'intérieur, tout en l'affaiblissant. À genoux, Karen leva la tête vers cette version d'elle-même qui se déplaça alors, et l'attrapa par la gorge, la soulevant du sol.

« Que... Qui es-tu ?
- Je suis toi, pauvre idiote ! Qui aurait cru que de tels pouvoirs permettent ça, hein ? Je suis ce que ton inconscient a toujours désiré... Le surplus de puissance que tu as toujours voulu pour combler tes échecs, pour tuer Darkseid !
- Non, c'est... C'est impossible !
- Tu n'as pas voulu de ses pouvoirs, et Jeannie non plus, alors ton inconscient les a expulsés, et a dû créer un réceptacle pour eux. »

La Karen maléfique jeta alors Karen au sol, et regarda autour d'elle.

« Voyons voir de quoi je suis capable... »

Elle tendit sa main, et généra une décharge d'énergie, puis envoya alors une terrible vague d'énergie qui vaporisa toute une série d'immeubles dans un immense éclair blanc. Une explosion terrifiante qui annihila en quelques secondes la moitié de la ville.

« HAHAHAHAHAHA !! Cette puissance exquise !
- Arrête ça !
- Allons, allons... Je ne fais qu'expérimenter.

Elle se concentra alors, et reconstruisit la ville, ainsi que les habitants, et rétablit tout à la normale. Les gens les regardaient, un peu surpris.

« Avec de tels pouvoirs, tu aurais pu faire tellement mieux que tes sorts de farces & attrapes, Jeannie... Ce manque d'ambition est tout simplement pathétique !
- Arrête, il y a toujours un prix à payer ! »

Karen essayait de reprendre le contrôle de ses pouvoirs, mais... Cela ne marchait pas !

Ah. Bon. Je n’avais pas prévu ça. En même temps, comme nous sommes dans ma bulle dimensionnelle et que ce n’est pas un vrai échange de pouvoirs et tout… Je pourrais tout arrêter, maintenant, tout de suite. Elle a l’illusion d’avoir mes pouvoirs et son subconscient réagit en conséquence. Il n’en demeure pas moins que je le redis, je n’avais pas prévu… Ça. Mais c’est fascinant à regarder donc je n’interviendrai pas pour le moment. Visiblement, PeeGee a eu une idée similaire à la mienne sauf qu’au lieu d’évacuer uniquement ses mauvaises pensées, une partie de son pouvoir y est passé aussi, créant… Son double maléfique. Il est ironique de penser, en fait, que je pense avoir simplement évacué mes mauvaises pensées alors que j’ai fait exactement comme elle. Shayne Hannigan est bien réelle. Dangereuse. Et instable au possible. Mais ça, par contre…

Je l’ignore. Car je n’ai pas encore formellement rencontré Shayne. Comme je n’ai pas formellement rencontré Alix Cindra Erling, que j’ai créé il y a peu de temps en me faisant ma version « idéalisée » d’une super héroïne en utilisant Power Girl comme référence. Donc la coupe de cheveux, une partie du physique (je ne commenterai pas sur la question, n’insistez pas) et ce que je considère comme l’attitude qu’une super héroïne devrait avoir. En fait, je crée, j’ai créé, sans m’en rendre compte et un jour, j’imagine, je devrai mettre de l’ordre dans tout ça. Mais je me répète, je ne sais rien de tout ceci, de l’existence de ces deux-là. Cette réflexion est donc complètement méta et ne s’applique pas dans « ma » réalité, en fait celle de tous les protagonistes de ce vaste multivers. Tout ça pour dire que PeeGee a utilisé une stratégie similaire à la mienne pour tenter de gérer le tout. Logique.

Me voilà donc dans une cage en kryptonite. J’en « ressens » les effets sans qu’ils m’incommodent réellement mais je prends conscience de ô combien l’organisme kryptonien y est vulnérable. Vraiment pas sympa. Ah je ne voudrais pas être à sa place. Donc, je joue la comédie pour faire croire que je suis affectée. Je vous l’ai dit : je ne suis pas omnipotente. Donc, PeeGee ne le sera pas davantage. Son double non plus. Donc pour elles deux, nous sommes toujours sur Terre. Oh clairement, après pareille tournure, elle ne sera pas contente après moi, la Power Girl mais… J’assume ma décision. Mon idée. Si jamais ça dégénère, j’interviens direct. Qu’est-ce que j’entends par-là? Si le double maléfique menace la vie de la douce et tendre de PeeGee, exemple, ou de gens qu’elle aime, on arrête tout. Ce n’est pas un rendez-vous chez le psy, ici. Certainement pas!

Donc, le but n’est pas de confronter PeeGee à ses pires peurs mais bien de tenter de lui faire comprendre ce que c’est que d’être moi. Et je pense avoir réussi, en fait. Peut-être même trop bien. En même temps… Je n’avais pas le choix. Et ne venez pas me dire qu’on a toujours le choix. Pas si vous ne savez pas ce que c’est que de tout perdre. Ça ne parait pas mais je suis bien moins terrifiée par quoi que ce soit que le double maléfique pourrait faire que je le suis à l’idée de perdre PeeGee comme amie. Je m’attache vite, d’accord! C’est ça passer sa vie sans soutien émotionnel. Si quelqu’un vous traite bien, vous allez rechercher ces interactions positives. Ce qui fait de moi quelqu’un de… Manipulable. Parce que comme je m’attache vite, je n’ai pas toujours le temps de bien cerner le caractère des gens. Donc, un habile manipulateur pourrait tenter de m’utiliser pour ses projets.

« Est-ce que tu comprends ce que c’est que d’être moi, PeeGee? De se battre contre ce qu’il y a de noir en soi, d’accepter de pratiquement se lobotomiser pour éviter de devenir un danger pour le monde? Non seulement tu ne contrôles absolument rien, tu as en plus créé une sombre entité à partir de tes craintes, de tes doutes, de tes plus noirs désirs. Tu te dis être une vraie super héroïne et regarde ce qui sommeille en toi!

Et toi, tu te nourris de tout ce qu’elle a enduré et comme toutes les créations de ton genre, tu crois que tu as le droit de faire comme bon te semble. Mais je sais quelque chose de ce qu’est, un pouvoir trop important. C’est s’autodétruire, courir à sa perte. Tu prétends que je ne veux pas de mes pouvoirs, ce qui prouve que tu ne comprends rien à rien. Ces pouvoirs ont toujours été les miens. Simplement, ils étaient retenus par des chaines. »

Ah elle n’a pas aimé, la « Dark Power Girl ». Bien sûr que non, personne n’aime la vérité. Tout le monde prétend que c’est important mais comme elle fait mal, on préfère souvent l’éviter. Pour me punir, elle fait rapetisser la cage mais tout ce que ça fait, c’est me faire rire. J’ai connu des millénaires d’esclavage, engeance, que je lui dis. Je sais ce que c’est que d’être dans une cage, d’être battue et torturée. Je reporte ensuite mon attention sur PeeGee. Tu n’as rien compris, pas vrai? Ce n’est pas d’essayer de contrôler en aveugle un pouvoir que tu ne comprends pas. C’est l’accepter, pour commencer, le considérer comme une part de toi et ensuite le manier comme l’extension de ta personne. Tu penses que ça se fait instantanément? Ta création pense qu’elle peut le faire mais c’est tout aussi illusoire. Vous ne pouvez pas manipuler un tel pouvoir sans comprendre les sacrifices qu’il impose!

Cette version d’elle-même était-elle juste une version maléfique ? Karen ne savait pas quoi dire, et Jeannie expliqua à Karen combien il était difficile de contrôler ses pouvoirs. La Power Girl maléfique gloussa alors, et secoua la tête.

« Vous êtes pathétiques, toutes les deux… Mais j’ai entendu ce que tu as dit, Jeannie. Tu sais, sur le rôle des super-héros ? Je pense que tu as entièrement raison, Jeannie… Karen n’a jamais eu le courage de faire ce qui doit être fait, car elle a été formée par un fermier qui lui a appris à se méfier de ses pouvoirs… Mais, avec de tels pouvoirs, plus rien ne m’est impossible !
- Power Girl, non ! »

Les yeux de la Karen, maléfique s’illuminèrent, et frappèrent violemment l’autre Karen, l’envoyant valser dans le décor. La cage de kryptonite de Jeannie se volatilisa ensuite, et les femmes se téléportèrent dans un autre plan. Elles semblèrent retourner sur Terre.

« Tu veux voir ce que cela ferait, n’est-ce pas ? Alors, regarde, et admire ! »

Elles rejoignirent un endroit particulier… La ville de Hotan, située dans la région du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine.

« Le gouvernement chinois opprime depuis de nombreux mois les Ouïghours, une ethnie musulmane sunnite. En raison de leur appartenance religieuse, les Ouïghours sont martyrisés par le gouvernement chinois, et enfermés dans des camps d’internement, comme cette prison que tu vois sous nos pieds. Ils y sont torturés, séquestrés, humiliés en permanence. L’ancienne Karen n’envisageait pas d’intervenir, mais, maintenant que tu m’as ouvert les yeux, Jeannie, je crois qu’il est temps de prendre les choses en main. »

Karen se laissa alors tomber, et atterrit au beau milieu du camp, se posant sur la cour en défonçant le bitume. Surpris, les gardes se retournèrent vers elle, et elle patienta quelques secondes, avant de les haranguer en mandarin :

« Je vous laisse cinq minutes pour libérer tous les prisonniers que vous détenez illégalement ici ! »

Les gardes chinois parlèrent rapidement entre eux, et les alarmes de la prison retentirent… Puis on se mit à lui tirer dessus. Karen croisa nonchalamment les bras, et les balles rebondirent sur son plastron. Ses yeux s’illuminèrent alors, et elle fit exploser la base d’un mirador, provoquant une violente explosion qui enflamma les cieux. Un char d’assaut se positionna dans son dos, et tira un violent obus sur elle. La terrible explosion ne l’ébranla qu’à peine, et elle se rua vers le tank. La femme attrapa le canon de l’arme, et souleva le char de plusieurs tonnes poiur le projeter contre un mur, l’explosant violemment.

S’envolant ensuite, elle arracha les portes des cellules.

« Vous êtes libres ! L’oppression chinoise ne vous oppressera plus ! »

Karen retourna ensuite dans la cour, où les soldats chinois se regroupaient, et fonça vers leur commandant. Elle traversa les gardes comme des quilles face à une boule de bowling, et attrapa le cou de ce dernier dans son bureau, où il appelait des renforts.

« Vous n’avez pas le droit de faire ça !
- Et toi, tu n’as pas le droit de martyriser ainsi des innocents, des familles entières. Il y a des gosses dans vos camps !
- Je ne fais qu’obéir… Aux ordres !
- Et bien, j’instaure de nouveaux ordres ! »

Elle retourna dans la cour, et jeta le directeur devant elle, face aux soldats.

« Déposez les armes ! »

Un soldat chinois s’apprêta à tirer… Mais, le temps que son doigt appui sur la détente, Karen se déplaça devant lui, et attrapa le canon de son fusil d’assaut de la main, le tordant sans difficulté. Surpris, le soldat tomba au sol, et les autres finirent par décamper.

Karen s’envola ensuite vers Jeannie.

« Des camps comme celui-là, il en existe beaucoup en Chine, expliqua-t-elle. Tous les observateurs internationaux et certains États s’accordent à dire que le traitement réservé à cette communauté est un génocide. Au sens de la législation internationale, cela me force à agir… »

Elle se déplaça ensuite, et rejoignit le Palais de l’Assemblée du Peuple à Pékin, où Xi Jinping, actuel Président de la République populaire de Chine, tenait une conférence. Son action fut aussi rapide que spectaculaire. Karen explosa le toit du bâtiment, et attrapa Xi Jinping, puis partit ensuite.

Changement d’hémisphère, elle rejoignit New York, et atterrit au siège de l’ONU, au cœur de l’Assemblée Générale, renversant l’actuel orateur, un diplomate. Surpris, tout le monde la regarda, puis elle jeta Xi Jinping au sol. Les yeux écarquillés, celui-ci se mit ensuite à vomir sous l’effet de ce voyage rapide.

« Mesdames et Messieurs les diplomates du monde entier, je compte sur vous pour assurer à ce message une diffusion la plus large possible. Je vous ai ramené l’actuel Président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, qui s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité en commettant un génocide contre son propre peuple. Plus jamais, je ne laisserai des tyrans agir de manière impunie. Aucun tyran génocidaire ne devrait être autorisé à exercer. Ce message s’adresse à tous les chefs d’États corrompus, à tous ces gens qui agissent au-dessus des lois. J’agirai désormais pour que les droits de l’Homme soient respectés dans chaque État du monde. Tous les individus corrompus seront appréhendés…
- C’est un scandale ! Ramenez-moi dans mon pays immédiatement, espèce de folle ! » vociféra Xi Jinping.

Karen les regarda encore.

« Désormais, la justice sera respectée. Vous jugerez cet homme à la hauteur de ses crimes. »

Puis elle s’envola ensuite, et se rapprocha de Jeannie.

« Alors, comment tu m’as trouvé ? »

« Je ne mentirai pas. Voilà une façon de faire qui me plait davantage. Je ne dis pas que Karen est une mauvaise personne. Elle a ses qualités et ses convictions, bien entendu. Mais elle se met des chaines qui n’ont pas lieu d’être. Elle obéit à un système qui n’a jamais été conçu pour être juste. Et je suis sûr qu’au fond, ça doit la dégoûter de suivre les règles, d’être impuissante à faire de réels changements. »

Quand on y pense, il y avait eu peu de morts et peu de blessés. Plus des dommages matériels, en fait, qu’autre chose. Des egos ont été froissés, certainement. Et alors? Le système de justice a été pensé pour être exploité. Contourné. Pervertit. Prenez l’ONU, par exemple. Pour pouvoir agir dans un pays, il faut un vote et certains ont un droit de véto capable d’annuler toute décision, même à la majorité. Où est la logique démocratique là-dedans? Il n’y en a pas. Les pays pointent du doigt et dénoncent ceux qui se comportent en oppresseurs mais de peur des sanctions économiques et autres, ils protestent mollement, plus pour donner l’impression de faire quelque chose que de RÉELLEMENT faire quelque chose. Et pas que ça. Quand on y pense, à quoi servent les organisations comme le SHIELD ou la Justice League? À servir un agenda politique.

Qui les finance? Un gouvernement. Rarement plusieurs. Des individus issus du monde du privé. Des industries bénéficiant du complexe militaro industriel. Il n’y a donc ni objectivité ni impartialité. Parfois, au lieu de parler, il faut agir. Combien de morts supplémentaires faut-il avant que le monde se décide à agir? Pourquoi faut-il toujours attendre qu’il soit trop tard avant de poser un geste? C’est ce que je reproche aux habitants de cette planète. Toujours attendre. Jamais agir. Un volcan va entrer en éruption! Nous allons observer la situation pour déterminer s’il est pertinent d’évacuer ou non. Non, non, non! Vous avez des super héros qui sont géokynésistes! Envoyez les pour sécuriser la zone, calmer la fureur du volcan, empêcher un désastre AVANT qu’il ne se produise. Foutu « Red Tape ». La bureaucratie et l’inaction semblent résumer la façon de faire de la Terre.

Plus encore, parfois, la démocratie devient son pire ennemi. Quand tout le monde peut donner son opinion et s’exprimer, parfois, certains en abusent, tentent d’enrayer le système, de l’alourdir, de le retarder, de le pervertir, même. Et alors que se passe-t-il? Du temps perdu. Et du temps, chers mortels, ce n’est pas quelque chose que vous avez à l’infini! Ultimement, je préfère et de loin une approche plus proactive. Car c’est la seule façon d’empêcher la catastrophe. Ne connaissez-vous pas l’expression mieux vaut prévenir que de guérir? Je ne l’ai pas inventée. Elle est en vigueur sur Terre depuis des siècles! Parfois, je me demande à quoi servent tous ces proverbes et maximes si personne ne s’en sert, au fond. Cela ne fait que de jolis mots sur du papier et ça, il y en a déjà trop sur cette pauvre planète. Encore plus avec l’apparition des réseaux sociaux mais virtuel, le papier.

Tout ça pour dire que… Je suis devant un fort désagréable dilemme, en fait. PeeGee est mon amie, certainement. Et cette démonstration servait juste à lui montrer ce que c’était que d’avoir mes pouvoirs, le poids des responsabilités derrière, les précautions à prendre, les sacrifices à faire, pour lui montrer que, ultimement, je ne suis pas aussi dangereuse qu’elle semble le croire. Cependant, comme avec la vraie PeeGee, notre interaction initiale a mal commencée mais je commence à l’apprécier cette « Dark PeeGee ». Même si dans la théorie elle n’existe pas vraiment car nous sommes toujours dans ma bulle dimensionnelle et c’est toujours une simulation pour éduquer, si vous voulez, Power Girl. Je me demande si elle conservera certains traits de cette version plus… Proactive… D’elle. Ou si elle va vouloir me désintégrer pour lui avoir fait cette « leçon choc », si j’ose dire.

Oui parce que bon, au risque de me répéter, des pouvoirs fictifs ne vont pas réellement permettre quoi que ce soit à PeeGee ou à « Dark PeeGee ». Vous me pensez complètement folle? Jamais je ne donnerai pour de vrai mes pouvoirs à quelqu’un! Ce serait la pire des irresponsabilités! Ceci dit, pour le moment, le mieux, je pense, c’est de voir comment les choses vont évoluer. Et justement, tiens, on dirait que les « ennuis » vont commencer. Alors que nous étions de retour au sol, à regarder le bâtiment de l’ONU, je pousse un cri d’alarme car quelque chose me percute. Batman et Superman sont là. Et le « chevalier noir » commence à faire une leçon de morale. Alors celle-là! On va mettre les points sur les I et les barres sur les T! Cet hypocrite de la pire espèce, ce pseudo moralisateur, ce complice de tant de morts et de dévastation à Gotham! Hors de ma vue, monstre!

« Ce sont des types comme toi qui maintiennent un statut quo dégueulasse. Pourquoi est-ce que tu n’as jamais tué le Joker, Batman? Je vais te le dire, moi. Parce que si tu faisais en sorte que Gotham ne soit plus gangrenée par le crime, tu n’aurais plus de raison d’être. Si les super héros faisaient réellement leur travail, combattre l’injustice, vous deviendriez obsolètes. Seulement voilà. Tu es une… Une… Pute à attention! Je l’ai dit!

Le Joker ne va jamais devenir une bonne personne! Il devrait être mort depuis longtemps! Mais non! Il s’échappe, tue, détruit, est renvoyé à Arkham, s’échappe, tue, détruit… Votre médecine moderne élimine les cellules cancéreuses, elle ne les laisse pas se multiplier! Alors pourquoi toi tu aides le cancer à croitre au lieu de l’enrayer? Tu es aussi criminel que les gens que tu enfermes dans cette passoire à Gotham, Batman! Tu es leur complice!

Et toi, Superman, ta planète a été détruite et tu regardes celle qui t’a accueillie s’autodétruire, mourir à petit feu? TU. ES. UN. KRYPTONIEN! En quelques secondes, tu pourrais avoir nettoyé la terre de tous ses déchets nucléaires, de toutes ses armes atomiques, toxiques, bactériologiques et autre, rendre la guerre à grande échelle infaisable. Mais non! Rien du tout! Un inutile boy scout avec une pseudo conscience! Vous servez à quoi, exactement, supposés héros que vous êtes? »

Ah mince, c’est con mais je suis en train de me prendre au jeu là…

Après son action à l'ONU, Karen s'attendait à une réaction, et celle-ci ne tarda pas à venir. Superman et Batman firent irruption.

« Karen, à quoi rime tout ceci ?
- Vous avez perdu l'esprit ?
- Moi ? Mais pas du tout ! Je suis au contraire enfin consciente, pleinement alerte et sûre de ce que je dois faire ! »

Superman la regarda lentement, et Jeannie intervint alors, expliquant aux deux héros tout ce qu'elle avait besoin de leur dire. À Batman, elle lui reprocha d'épargner volontairement Le Joker, et, à Superman, de ne pas faire ce qui était nécessaire, ce qu'il pouvait faire avec ses pouvoirs.

« Qui est cette femme, Karen ? »

Karen ricana doucement.

« Peu importe qui elle est, car elle a raison... J'ai fait ce dont vous étiez incapables de faire !
- Je dois t'arrêter ! »

Karen soupira doucement.

« Je savais que tu dirais ça. »

Cependant, avec ses nouveaux pouvoirs, Karen ne voyait pas en Superman une menace crédible. Elle tendit la main, et généra un Portail vers la Zone Fantôme, puis envoya une attaque avec ses yeux. Deux lasers fusèrent, et frappèrent le Kryptonien au torse, l'envoyant dans le Portail. Batman n'eut pas le temps de réagir que Karen se précipita vers lui, et le projeta également dans la Zone Fantôme, avant de refermer ce Portail.

Elle s'éleva ensuite, et rejoignit les cieux, en compagnie de Jeannie, puis l'espace. Survolant la Terre, Karen observa celle-ci.

« Et si nous faisions une avance rapide, hum ? Maintenant que j'ai des pouvoirs infinis, j'ai hâte de voir ce que tout cela va donner... »

Karen se concentra, et généra un clone d'elle-même, puis resta sur place, dans l'espace, où elle généra une sorte de sphère temporelle verdâtre, qu'elle utilisa pour accélérer le temps.

…

En Chine, l'intervention de Karen au soutien des Ouïghours déclencha une polémique majeure. Les Chinois accusèrent les États-Unis d'être à l'origine de l'attaque de Power Girl, mais les tensions diplomatiques s'effacèrent bien vite quand l'Empire du Milieu sombra dans une guerre civile. Les Ouïghours et Hong Kong se retournèrent contre Pékin et l'autorité centrale chinoise. La guerre fit des centaines de milliers de morts.

Au Moyen-Orient, Karen décida d’arrêter Bachar Al-Assad. Le tyran de Syrie fut jeté en pâture à son peuple, et un régime démocratique s'instaura. Elle répéta le même processus en Iran, et offrit enfin au peuple la liberté tant voulue.

La Syrie ne tarda pas toutefois à s'effondrer. Les anciens clans étaient incapables de s'entendre sur la gouvernance du pouvoir, et une guerre civile majeure éclata. L'Iran s'embrasa également, et le Golfe s'enflamma dans une nouvelle guerre.

…

Karen arrêta d'accélérer le temps plusieurs années après son intervention en Chine, et constata rapidement le résultat. Le monde était entré dans une guerre mondiale majeure, un conflit qui avait débuté lors des interventions de Power Girl dans le Golfe. En affaiblissant les régimes dictatoriaux, elle avait déclenché une guerre majeure à laquelle les autres États se rejoignirent. La Russie et la Chine choisirent de soutenir le régime syrien affaibli, et l'Occident Israël. La guerre entre Israël et la Syrie déclencha une guerre majeure. Les morts se comptaient par millions. L'Europe était devenue un vaste champ de bataille.

« Et bien, c'est une réussite ! ironisa Karen. Je suppose que tu vois où je voulais en venir, non ? Tout à l'heure, tu me demandais pourquoi les super-héros n'en faisaient pas davantage, pourquoi nous ne prenions pas davantage nos responsabilités. As-tu compris ce que je te disais ? Ce pouvoir... Il n'est pas pour nous. »

Dark Power Girl laissa rapidement place à Power Girl, tandis que l'illusion qu'elle avait créé se dissipa.

« Les problèmes de l'humanité sont complexes, bien trop complexes pour moi. Comment résoudre le problème des dictateurs ? S'en débarrasser n'est pas une réponse satisfaisante, car cela laisse la place au chaos. Je ne peux intervenir que pour les menaces imminentes, ou pour les problèmes cosmiques. Pour le reste, je n'ai que deux options... Soit j'interviens davantage, et je sème le chaos, soit je deviens une dictatrice qui régnera sur le monde. »

Elle se retourna vers Jeannie, tandis qu'elles étaient désormais dans une sorte de station spatiale, avec une baie vitrée donnant sur la Terre. Tout ça n'avait été qu'une illusion, une illusion générée par elle.

« Tu as interrogé Batman sur Le Joker... Mais pourquoi serait-ce à lui de le tuer ? Il appartient à la justice de se prononcer, de le condamner à mort. Si Le Joker n'est pas condamné à mort, c'est parce qu'il existe des experts psychiatriques qui affirment qu'il est pénalement irresponsable de ses actes, car il est fou. Cela peut sembler choquer, j'en ai bien conscience, mais je n'ai pas vocation à me substituer aux États. Ces problèmes trop complexes ne peuvent appeler une réponse simple et rapide. Il a fallu des siècles et une très lente construction pour qu'en Europe, la démocratie s'installe. »

Karen haussa les épaules.

« Il n'y a pas de réponse simple. Alors, c'est pour ça que je préfère aussi agir en tant que Karen Starr. Je ne peux pas changer le monde d'un coup, ça ne fonctionne pas comme ça. »

Elle se rapprocha encore de Jeannie.

« C'est aussi pour ça que je ne peux pas avoir tes pouvoirs. Tu dois les reprendre, Jeannie. »

« Tu n’as donc rien compris à la leçon dans ce cas, Karen. Tu as utilisé une fraction de mon pouvoir. Un pouvoir comme le mien, ce n’est pas juste de s’en servir pour voyager dans le temps, accélérer le temps, créer des illusions… Ce que je voulais te montrer, ce n’était pas que ta façon d’être une super héroïne était efficace ou non. C’était de te montrer ce que c’est que d’avoir ma puissance et ce que cela demande.

Et en un sens, j’aurais dû me douter que tu n’avais pas la capacité mentale pour le comprendre. Pas parce que tu es stupide. Je pense que nous pouvons dire sans hésitation que ce n’est pas le cas. Mais tu penses en trois dimensions. À une échelle plus grande que l’humain, oui, mais moins que les dieux, si on veut. Ce que j’essayais de démontre, Karen, c’est que si j’efface mes propres souvenirs, si je mets en place autant de limiteurs…

C’est parce que je sais ce que c’est que d’avoir un pouvoir de cette amplitude. Que justement, c’est au contact des autres, en contribuant à quelque chose que je vais pouvoir développer des acquis et des outils supplémentaires pour nécessiter moins de mesures drastiques au fil du temps pour pouvoir garder un contrôle plus serein sur mes émotions. Vivre… Normalement? Travailler pour toi me donnait de bons espoirs d’apprendre.

Est-ce que tu sais ô combien ce pouvoir est tentateur? Pourquoi prendre la peine de marcher quand on peut se téléporter? Pourquoi faire attention à son alimentation quand on peut s’empêcher de grossir. Pourquoi, pourquoi, pourquoi… Alors d’être une salariée ordinaire dans un monde relativement ordinaire avec une super héroïne pour garder un œil sur moi me semblait une initiative intelligente. Rationnelle. Mature. Mais… »

Elle put alors se rendre compte que nous étions de retour dans ma bulle dimensionnelle. Qui si elle pensait m’avoir appris quelque chose avec son illusion, elle avait été elle-même dans une illusion. Tu n’as jamais réellement eu mes pouvoirs. Je ne suis pas irresponsable ou idiote. Comment lui faire comprendre, je ne sais plus quoi dire, quoi penser. Elle n’a rien compris de ce que je cherchais à lui inculquer, ne semble pas davantage comprendre toutes les mesures que je prends pour rester inoffensive ou alors le plus inoffensif possible… Réussirais-je même à lui faire comprendre? Je l’ignore, en toute honnêteté et autant cela m’attriste que cela me fâche. Cela ne devrait pas être aussi compliqué… Alors pourquoi est-ce que ça l’est? C’est à n’y rien comprendre… Enfin. Tu auras essayé, Jeannie, ma vieille… Un instant plus tard, nous sommes de retour sur Terre.

Sur le toit du gratte-ciel. Je m’assois sur le bord et agite mes jambes dans le vide. C’est sûr que quand on me regarde comme ça, on ne suspecterait jamais que je suis une déesse ou que j’ai des pouvoirs. Oui, je suis habillée de façon excentrique… Mais ce n’est pas un crime. Je reste silencieuse, je regarde la ville. Tous ces gens ordinaires qui font leur vie sans avoir à craindre de déclencher l’apocalypse parce qu’on les a vraiment mis en rogne… Sont-ils plus chanceux que moi, dans leur impuissance, dans leur ignorance? Je ne sais pas, à vrai dire. Une part de moi dit oui, l’autre dit non et je doute que nous ayons un jour une réponse définitive à la question. Ce n’est jamais simple et ce serait probablement un énorme questionnement éthique, tout ça, tout ça… Les choses ne sont que rarement simples. J’en sais quelque chose, vous pouvez me faire confiance sur la question, oh ça oui!

« Je me demande parfois s’ils sont plus chanceux que nous, tu sais? Nous, les anormaux, nous avec des pouvoirs immenses et des responsabilités écrasantes… Regarde les, des centaines, des milliers, des millions, plus intéressés par la dernière télé réalité que par les problèmes de leur monde ou les injustices qui y règnent. Et pourtant, dans leur ignorance, dans leur impuissance à pouvoir changer les choses, bien…

Il y a l’absence de ce doute étouffant qui fait en sorte qu’on se demande si on aura la force de continuer. Avec des pouvoirs qui ne sont clairement pas fait pour un monde si… Fragile. Parfois je me dis que ce serait sisimple d’être comme eux. Un claquement de doigts et hop, plus de pouvoirs. Mais… Je ne serais plus Jeannie. Ce ne serait pas moi… PeeGee… Je te demande une chose. Une seule. Rien qu’une. La chance de faire mes preuves. »

Il me semble que je ne demande pas beaucoup. Une chance de travailler pour sa compagnie et d’expérimenter quelque chose de différent, quelque chose qui pourrait m’aider à grandir, à m’épanouir, à mieux comprendre ce monde car au lieu de l’observer, j’en ferais partie. Et faire partie de quelque chose amène un sentiment d’appartenance. Et quand on appartient à quelque chose, la plupart du temps, on arrête d’être seul. Je ne peux pas vraiment dire que j’ai beaucoup d’amis. Quelques connaissances, de ci, de là… Mais c’est tout. Et parfois, nous ne sommes pas sur la même planète ou la même temporalité ou réalité. Donc… Ça complique considérablement les choses. Mais je sais que je peux le faire. Je peux devenir une employée productive faisant partie d’un tout. Je ne ferai pas ça toute ma vie… Mais un certain temps, oui. Mais la décision finale n’est pas entre mes mains…

Tout cela avait été une illusion... Ou pas ? Ce n'était pas qu'une simple vision, Karen avait réellement créé un autre monde, un univers de poche où elle avait pu montrer à Jeannie pourquoi les super-héros ne faisaient pas davantage. Elle avait essayé de lui expliquer ça. Le monde avait des problèmes complexes, des problèmes qu'on ne pouvait pas résoudre facilement. Faire la guerre, c'était facile. Arrêter des criminels, ça l'était aussi. Mais les réhabiliter, les soigner, construire la paix, c'était bien plus complexe. Voilà pourquoi Karen estimait que Starr Industries était plus efficace que Power Girl, car elle agissait là où Power Girl ne pouvait pas agir. Elle ignorait toutefois si Jeannie avait compris cette leçon, mais les deux femmes revinrent finalement sur l'idée de faire d'elle une salariée.

Retour à New York, sur un toit. L'ONU n'avait pas été assiégé, et la Chine avait toujours son leader suprême. Jeannie réitéra sa demande d'avoir une vie normale, et Karen commença à réfléchir à une possibilité, à une idée.

« On pourrait faire les deux... Quand j'ai eu tes pouvoirs, Jeannie, j'ai pu créer un clone de moi-même. Alors... Tu pourrais créer un clone de toi-même délesté de tes pouvoirs, tandis que ton toi d'origine resterait... Endormi ? De cette manière, tu pourrais expérimenter, et voir si la vie normale est à la hauteur de tes espérances, sans pour autant perdre tes pouvoirs. Il suffirait de créer un objet, ou un mot, quelque chose qui te permettrait de les récupérer. »

C'était un plan simple, et Karen savait que Jeannie pouvait le faire.

« Enfin, Jeannie, je peux t'offrir ce poste, trouver un moyen de justifier ta présence, mais... Avec tes pouvoirs, je crains que cela ne soit compliqué. Tu auras des chefs sous ta direction, et le monde du travail est un milieu de tension perpétuelle. Même si j'essaie d'être le plus calme possible, la logique managériale va foircément entrer en ligne de compte. Tu tricheras sans même le vouloir pour accomplir les objectifs qu'on te fixe, alors... Soit on joue le jeu vraiment, soit on ne le joue pas. »

Karen poursuivit :

« Vois ça comme un jeu vidéo, où tu serais à la fois la joueuse et le personnage principal. Acting Human, voilà un titre accrocheur... Un jeu où tu jouerais à être humaine, tout en pouvant à tout moment arrêter le jeu et reprendre l'usage de tes pouvoirs. »

Elle reprit ensuite :

« Tu en penses quoi ? »

The Multiversity

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