The Multiversity

Lucinda était puissante, elle était même une Déesse. Son pouvoir émanait de Magikya, et Mélissandre-Shoggoth était en train de parasiter ce pouvoir. En siphonnant comme elle le faisait la magie, elle rappelait à tous le danger terrible du shoggoth, une créature capable de tout absorber, y compris la magie. Lucinda pouvait sentir que ses pouvoirs diminuaient. Néanmoins, elle restait assez puissante pour protéger sa zone, une place centrale de sa capitale. Les Lissandre-Rose se multipliaient, furieuses de tomber sur querlqu’un qui refusait ainsi de s’unir à elles, et attirées par la puissante magie qui en émanait. Inutile de dire que, à ce stade, si Mélissandre-Shoggoth absorberait la Reine, Magikya lui appartiendrait définitivement. Lucinda s’était donc entourée d’un épais bouclier, et projetait tout autour d’elle des cristaux de glace, des arcs électriques, ou des boules de feu. C’était un spectacle visuellement très impressionnant, une myriade de sortilèges magiques à foison, tandis que, régulièrement, des tentacules frappaient son bouclier, cherchant à le percer. Les Mélissandre-Rose explosaient régulièrement, et, si on avait le malheur de goûter à leur corps, on avalerait juste quelque chose de sucré et de bon, rappelant le goût de bonbons acidulés. Lucinda restait en infériorité numérique, et, peu à peu, Mélissandre-Shoggoth étirait son influence. À sa base, une sorte de mucus violet s’étirait, recouvrant toute la matière.

Elle l’entendit hurler, demandant à retrouver Erubetie, la Slime bleue aux 1 000 corps. La réponse était assez simple, Erubetie était sur Lucinda. Elle n’allait pas prendre le risque de laisser d’autres Slimes tomber dans le corps de Mélissandre-Shoggoth. Erubetie avait été enfermée dans une bague magique de Lucinda, sertie d’un cristal bleu qui comprenait Erubetie.

*Que fait Naven ? Pourquoi met-elle autant de temps à corrompre cette créature ?*

Lucinda se concentra encore, générant entre ses mains une sphère de Gravité, qu’elle projeta en avant. Les Mélissandre-Rose se retrouvèrent happés par cette sphère, se disloquant en la rejoignant, étirant des tentacules dans tous les sens.

« Nooon ! Pas gentil, pas gentil ! »

La sphère éclata ensuite, projetant les carcasses des clones dans tous les sens. Un énorme tentacule jaillit alors du corps de Mélissandre-Shoggoth, et Lucinda dut se concentrer. Son bouclier se mit à fléchir, et elle posa un genou à terre, une ligne de sang s’échappant de son nez.

À l’entrée de la ville, des cors de guerre se mirent soudain à résonner. Des cavaliers se rapprochaient. C’était l’armée royale de Magikya, menée par une personne redoutable, la fille de Lucinda, la Princesse Aurore, surnommée « Maléfique ». En voyant cet énorme monstre rose, Aurore fronça les sourcils.

« Tuez les clones, la Reine va se charger du monstre principal ! »

Et, dans une cavalcade très bruyante, les cavaliers en armure s’élancèrent vers la capitale, bien décidés à reprendre leur ville des tentacules acidulés de ce chewing-gum géant !

Où donner de la tête ?! Mélissandre-Shoggoth cédait toujours davantage à la colère… Si son corps avait été au début d’un rose très « kawaii », le tout prenait une teinte violette. Le futur se révélait donc ténébreux. Etant donné qu’un rose foncé devenait du violet, et qu’un violet foncé devenait du noir… La conclusion était à glacer le sang : l’héritage démoniaque du Shoggoth était puissant. De plus en plus puissant : conquérant la gentillesse que deux femmes avaient donnée à la slime. L’héritage de Lucinda et Lissandre était corrompu par la prise de pouvoir…

« Pourquoi personne ne me trouve Erubetie ?! »

Mélissandre-Shoggoth ne pouvait concevoir que la Slime bleue symbolisé par l’infini pouvait être contenue dans une toute petite bague au doigt royal. Elle ne pouvait être qu’ailleurs ! Et ailleurs devenait un problème. Elle manquait de matière. Elle manquait d’énergie. Elle manquait de temps. Mais plus que tout : elle manquait de patience ! Et voilà que cette dernière était encore davantage mise à l’épreuve.

« Parasitez-moi cette nouvelle gêne !! »

Elle détestait déjà devoir diviser ses forces. Elle savait que c’était une stratégie pour gagner une bataille. Mais elle n’avait pas le choix. Elle devait relever une partie de ses Lissandre-Rose pour aller combattre cette nouvelle menace. Une menace très énervante ! Mélissandre-Shoggoth ne comprenait pas pourquoi ça l’énervait. Elle ne voyait pas le lien de parenté entre la Chose-Reine et cette femme à cheval.

La stratégie de Mélissandre-Shoggoth ? Les Lissandre-Rose allaient s’attaquer aux chevaux. Pas aux hommes armés dessus : aux chevaux. Elle voulait que les Lissandre-Rose s’infiltre dans les animaux. Elle se fichait que ce soit en les étouffant via la gueule ou en les enculant via le cul. Elle voulait prendre possession des bêtes pour désarçonner les cavaliers. Elle voulait en prendre possession pour tester une nouvelle expérience sexuello-scientifique. Est-ce que les longues bites de chevaux lui permettraient de créer des enfants en baisant avec les femmes-humaines ? A cet instant du drame, Mélissandre-Shoggoth ne pensait pas au fait que cet acte allait commettre saignements, déchirements et morts… L’acte sexuel n’allait même pas différencier le fait que ce soit un orifice mâle ou femelle. Parce que Mélissandre-Shoggoth s’adonnait de plus en plus au Chaos…

Le seul point positif dans cette sombre affaire ? Mélissandre-Shoggoth dispersait une nouvelle fois ses forces. Son corps se rétrécissait encore davantage. Cernée de toute part, elle perdait clairvoyance et efficacité. Mais elle gagnait en sauvagerie et violence… Si la fin de cette bataille était maintenant davantage visible : le constat final se révélait déjà amère et lourd de pertes…

La situation était tendue, et Lucinda savait à ce stade qu’il risquait d’y avoir des pertes. L’arrivée de sa cavalerie royale perturba Mélissandre-Shoggoth, qui déploya ses forces vers les cavaliers. Si son projet était de contaminer les chevaux royaux, la chose ne serait toutefois pas aussi simple. Aurore restait sa fille (sa seule fille), et, comme la Reine, elle était une magicienne d’exception. Impétueuse, sans doute, mais la Princesse Aurore savait protéger ses chevaux. Tandis qu’une marée rose déferlait vers els cavaliers, Aurore leva sa main, et elle et ses chevaliers concentrèrent leur magie. Des rayons ardents jaillirent des cavaliers, fauchant les premières vagues de clones, ce qui contribua à enrager encore Mélissandre-Shoggoth.

*Naven, il faut que tu agisses…*

À l’intérieur du corps rose, Lissandre sentit soudain comme une décharge la traverser. Il en fut de même pour Fönn, qui se sentit tomber au sol. Elle atterrit en réalité sur une sorte de plateforme grise organique. Sonnée, elle vit autour d’elle de nombreux corps flottant dans une sorte d’infini rose gélatineux. Lissandre était aussi avec elle, totalement nue. C’était un fait suffisamment rare pour le souligner. Et, surtout, il y avait en compagnie des deux femmes une autre femme, grande et inquiétante, dont les jambes disparaissent dans la plateforme… Ou, plutôt, disons que cette plateforme était comme une excroissance du corps de la femme. C’était une Slime à la peau grisâtre.

« Vous avez bien dormi ? »

Quand Lissandre était arrivée au château de la Reine Noire (soit il y a une éternité !), elle avait fait la rencontre de cette Slime puissante et dangereuse, Naven. Naven l’avait même copieusement baisé.

« Que… Que se passe-t-il ? » demanda Fönn.

Naven lui répondit :

« Mélona a conçu avec Lissandre un rejeton d’elle-même, que vous avez appelé Mélissandre. Ce rejeton imparfait cherche depuis lors à se développer. Et, quand Lissandre a rencontré un monstre eldrichtien dans le ciel, ce monstre a eu le temps d’influencer Mélissandre, et de la corrompre. »

Fönn était arrivée après cette attaque. Elle en avait entendu parler, et elle se demandait maintenant si les déplacements hagards de Lissandre, ou sa tentative de sauter dans le vide, ne venaient peut-être pas de là.

« Comment peut-on la stopper ? Elle a absorbé tous ces gens ?
-  Elle se nourrit d’énergie vitale. Mélissandre n’est pas une mini-Slime, Mélona a involontairement conçu un embryon de shoggoth. Ce shoggoth s’est développé.
-  Cela ne répond pas à ma question ! »

Niven fronça les sourcils en croisant le regard de Fönn, visiblement peu habituée à ce qu’on l’interrompe aussi grossièrement… Fönn fronça les sourcils à son tour.

« Les Shoggoths sont des créatures artificielles. Leurs anciens créateurs avaient développé des technologies permettant de les contrôler lorsqu’ils tentaient de se rebeller. Malheureusement, la Reine n’a pas cela en stock. Cependant, ce shoggoth est particulier. Les Shoggoths ont développé une conscience, et celui-ci en a encore une… Je sens l’esprit de Mélissandre. Si vous voulez arrêter ça, il faut que vous rejoigniez Mélissandre. Elle vous voit comme ses mères. Parlez-lui, occupez-là, essayez de la convaincre de renoncer à tout ce pouvoir… Je peux vous dégager un accès jusqu’à elle. »

Lissandre se réveillait. Et quel étrange réveil que retomber sur la slime Naven ! Mais ce n’était pas le plus étrange. Elle était à l’INTERIEUR de sa propre combinaison de latex rose moulant. Et ELLE était NUE ! Il ne fallait pas grand-chose pour qu’elle en vienne à croire qu’elle expérimentait un rêve éveillé. Sauf que quelque chose lui disait que c’était définitivement la réalité. Et qu’il fallait qu’elle prenne ses responsabilités à solutionner le problème. Un GRAVE problème.

La main de Lissandre se glissa derrière la tête de Fönn pour l’attirer contre ses lèvres.

« Tu es belle quand tu es en colère. »

Après avoir conclu d’un sourire, ce fut au tour de Lissandre de froncer les sourcils en reportant son attention vers Naven.

« Mais je crois qu’il y a déjà trop de colère, n’est-ce pas ? Il faut plus d’amour. Pas de sexe, d’amour. »

Le passage les conduisit vers Mélissandre. Lissandre avait entrelacé ses doigts dans ceux de sa Fönn. Pour y puiser de la force. Mais aussi parce qu’elle se sentait nue. A un niveau premier degré tout comme à un niveau plus métaphysique.

« Mélissandre, mon bébé. C’est Maman Lissandre. Et Maman Fönn. »

C’était à la fois familier et étrange. Il était question de l’apparence de Mélissandre. En terme d’espérance de vie, c’était une enfant en bas âge. Mais le corps qu’on pouvait voir était celui d’une jeune femme. En fait, c’était énormément celui de Lissandre. Comme si le corps de Lissandre était recouvert intégralement de latex rose moulant. De Mélona, elle avait hérité d’une poitrine plus lourde. Mais également de mains qui recouvraient ses tétons, son sexe, ses yeux et sa bouche. Une forme informe.

« Il faut que tu arrêtes. »

Le ton avait drastiquement changé. Ce n’était pas prémédité mais Lissandre avait naturellement pris une « grosse voix » de maman dont la colère montait. Ce genre de voix qui faisait clairement comprendre que l’enfant avait fauté et qu’il se faisait engueuler.

« Tu déçois tes deux mamans. Tu déçois également Mélona. Et tellement d’autres gens. Tu dois arrêter tout ça maintenant. »

Mélissandre : « Mais- NON ! Je suis la prochaine Déesse de Magikya ! Je vais contrôler ce monde ! Je vais faire des enfants ! Je vais leur faire l’amour à tous. Je vais répandre l’amour ! Je suis ROSE, après tout ! »

« NON ! Non et non, mon bébé. Tu répands la violence. Tu propages le drame et les douleurs. Tu es MAUVAISE. Ca me brise mon cœur de maman, mon bébé. J’ai échoué. Je t’ai mal élevé. Je suis tellement désolé. C’est probablement de ma faute si tu as mal tourné. Mais il est temps d’arrêter ces bêtises ! »

Lissandre s’avança d’un pas décidé et vint emprisonner Mélissandre dans un câlin plein d’amour maternel.

Tandis que, dehors, la situation était explosive, à l’intérieur du bulbe géant, Fönn pouvait constater que la situation avait échappé à tout contrôle. Derrière les volutes roses, elle apercevait ici et là des corps, qui se contorsionnaient sur place. Avaient-elles involontairement provoqué tout ça ? Fönn était inquiète, nerveuse… Et elle suivit donc Lissandre, jusqu’à rejoindre le cœur de toute cette structure. C’était une pièce séparée du reste, qui prit la forme… De l’une des chambres de leur maison. La fille de Lissandre et de Mélona se trouvait là, une grande masse informe rose qui avait l’apparence de Lissandre, mais avec les gros seins de Mélona, ses oreilles de lapin, et ses mains blanches qui dissimulaient ses seins. Lissandre commença à parler, sans trop savoir comment s’en sortir. Elle opta pour un câlin… Le pouvoir de l’amour. Une curieuse chose, si on en croyait la chanson fétiche de Retour vers le Futur, ce qui allait d’ailleurs se confirmer.

« ]NON ! Tu ne comprends pas, Maman ! Je fais tout ça pour toi, pour nous ! »

Mélissandre se déplaça alors, échappant au doux câlin de Lissandre.

« Explique-toi…
-  Ce monstre qui t’a attaqué quand tu étais dans les nuages… Quand il t’a touché, Maman, il m’a touché aussi… Et j’ai vu ce qui ne devait pas être vu ! Cette créature… Elle est reliée à Eux ! Et ils sont là, Maman ! Je les ai vus, Maman ! Je les ai sentis ! Furieux d’être enfermés de l’autre côté… Si tu savais comme ils nous méprisent. Ils ne peuvent tolérer que des êtres aussi faibles leur tiennent tête ! »

Fönn fronça les sourcils. Elle savait que Lissandre avait fait une curieuse rencontre, qu’elle avait affronté un monstre très puissant. C’était d’ailleurs suite à ça que les soldates de la Reine Noire lui avaient demandé de venir ici, à Magikya.

« De qui parles-tu, Mélissandre ?
-  De Eux ! Les Grands Anciens ! Ils sont là, derrière le voile de notre réalité. Chaque jour, ils nous observent, ils nous épient, et ils ne cessent de se renforcer. Ils sortiront, Maman ! Je dois vous protéger ! Je dois… Je dois devenir plus forte ! Magikya est un sanctuaire, mais ce n’est pas la Reine qui peut le protéger. Ici, en moi, vous serez à l’abri, pour toujours… »

Fönn pouvait sentir les motivations de Mélissandre. Un enfant paniqué… Qui agissait au nom de l’amour. Comme quoi, l’amour était vraiment une curieuse chose. Fönn observa lentement Mélissandre.

« Ma chérie, ce… Ce n’est pas comme ça que tu réussiras.
-  Tu n’en sais absolument rien, toi !
-  J’en sais bien plus que tu ne le penses ! Tu crois agir par amour, mais tu laisses ta peur te dicter, et, ce faisant, tu es en train de faire exactement ce que tu crois combattre !
-  Non, c’est faux !
-  Tu as aperçu un futur que tu es en train de provoquer toi-même ! Une simple éventualité que tu transformes en certitude ! Comme ces histoires grecques… Ceux qui apprennent leur futur et qui font tout pour l’éviter ne font en réalité que le provoquer. Ou… Ou comme Anakin Skywalker ! En voulant protéger sa femme, il a fini par la tuer ! Tu penses agir pour notre bien, mais c’est un mensonge, une illusion !
-  NON ! TU MENS !! JAMAIS JE NE VOUS FERAI DE MAL !! »

Les murs se mirent à trembler dangereusement.

« Tu nous as enfermés contre notre volonté dans une bulle !
-  POUR VOUS PROTÉGER ! PARCE QUE JE VOUS AIME !!
-  C’est toujours au nom de l’amour que les pires choses sont commises, Mélissandre !
-  TU MENS, ESPÈCE DE SALOPE !! MENTEUSE !! MENTEUSE !! »

Mélissandre s’agitait nerveusement, et déclencha une onde de choc. La chambre vola en éclats, tandis que l’onde de choc repoussa Fönn, et qu’elle sentit des tentacules s’emparer de ses membres, commençant à les broyer.

« Tu as été corrompue par ce monstre, Mélissandre ! Tu dois nous faire confiance !
-  C’est toi qui as été corrompue ! Tu mens et tu racontes de vilaines choses !
-  Mélissandre, tu vas arrêter ça tout de suite !
-  Non, tu es méchante, je te déteste ! »

Que le câlin ne fonctionne pas était une chose. Que les mots de la raison n’atteignent pas son bébé en était une autre. Elle avait laissé passer la première insulte (« espèce de salope ! »). Quoique… la vérité était que l’onde de choc l’avait stoppé en plein élan. Mais là, même pour Lissandre et tout son pouvoir maternel, sa patience avait atteint sa limite.

Alors elle s’avança vers Mélissandre. Peu lui importait que son visage soit couvert de trop nombreuses mains. Lissandre donna une CLAQUE à son bébé !!

« CA SUFFIT, MAINTENANT ! »

C’était ce genre d’autorité contre laquelle on n’est plus grand-chose. Un patron qui pousse sa gueulante contre un employé. Une mère qui s’énerve contre un fils. Peu importe qu’il ait trente ou cinquante ans. Maman restera toujours maman, peu importe l’âge. Et Mélissandre ressent cette autorité.

L’effet est visuel. Son corps qui avait les proportions de celui d’une adulte devient celui d’une adolescente. Sa lourde poitrine, empruntée à Mélona, devient deux petits seins. Il n’y a aucun désir dans ce genre de poitrine. Mélissandre perd en puissance.

« On dit que l’Enfer est pavé de bonnes intentions. Je suis d’accord avec cette expression. Et c’est ce que Maman Fönn a essayé de te faire comprendre. Mais tu es une mauvaise fille. Quel genre de fille aimante insulte ses mamans ? Hein ?! »

Lissandre tourna le dos à son bébé. Et elle se précipita auprès de sa femme qui souffrait. Les tentacules de Mélissandre risquaient de commettre l’irréparable ! Lissandre avait besoin que les mains de sa femme soient capables de lui donner des caresses ! Que ce soit celles qui la faisait gémir ou les autres qui la faisait se sentir aimée.

« Je suis là, ma belle. Je vais te sortir de ce merdier. Je suis désolé, mon amour ! »

Ses mains agrippèrent un premier tentacule rose et elle tenta de toutes ses forces de le retirer. Mais Lissandre était une « simple » humaine. Elle n’avait pas de force physique exceptionnelle, pas d’artefacts ou encore de pouvoirs magiques. Si elle possédait quelque chose de spéciale, c’était celui de s’entourer de personnes extraordinaires.

Si ce n’était pas Lissandre qui souffrait, les larmes coulaient tout de même. Parce qu’elle était impuissante à délivrer sa femme. Parce qu’elle avait le cœur brisé d’avoir engueulé son bébé. Mais pire, parce qu’elle craignait que ce « monstre » ne comprenne rien et qu’il faille…

*NON !!! *

… le tuer… … …

Mélissandre semblait totalement instable. Quand Lissandre la gifla et la rabroua, le « bébé » restait inactif pendant quelques instanrts, ce qui laissa le temps à Lissandre de se rapprocher de Fönn. Lissanfdre tira sur un tentacule rose, quand elle sentit quelque chose l’attraper au cou. Un autre tentacule venait de jaillir, et la jeta au sol, avant de la traîner.

« Oui, je vois clair, maintenant… Vous avez été corrompues toutes les deux ! »

La voix de Mélissandre était de moins en moins innocente, de plus en plus sinistre, grave et profonde. Les tentacules commençaient à prendre une couleur grisâtre, plus sombre. Dehors, l’énorme blob qu’était devenu Mélissandre se hérissait de yeux, et le ciel se déchirait. Un énorme vortex noir s’ouvrait, abîme insondable sur les horreurs innommables qui se terraient de l’autre côté. La princesse Aurore pouvait sentir ce chaos ambiant, tandis que la réalité elle-même se fracturait. Le shoggoth géant appelait son maître. À ce stade, raisonner Mélissandre était devenu impossible. Fönn se débattait encore, mais elle sentait les tentacules grisâtres se serrer à elle.

« Ïa ! Ïa ! Je vous protègerai contre vous-même ! Ensemble, pour toujours ! »

Fönn se sentait impuissante. Allait-elle mourir ici ? Comment les choses avaient-elles pu dégénérer à ce point ? Tandis qu’elle paniquait, une silhouette grandissait dans le dos de Mélissandre.

Dehors, le ciel continuait à se déchirer, le monde de Magikya prenant une tournure plus apocalyptique. Et, dans l’énorme trou noir qui venait d’arriver, une silhouette apparaissait. Un énorme œil jaune globuleux s’ouvrit alors, et une présence terrifiante s’abattit alors sur Magikya, faisant trembler jusqu’aux fondations même du royaume. La situation devenait critique, indéniablement… Mais Lucinda avait tout prévu. Car, dans le dos de Mélissandre, Niven était en train de se développer. Fönn comprit alors que son rôle avait été de faire diversion. Elle continuait à se débattre, et se concentra sur ses membres… Jusqu’à sentir ses bras se mélanger avec les tentacules. Fönn sentit son corps évoluer, changer… Elle se rappela ce que Lucinda avait dit sur ses pouvoirs, et comprit vite qu’elle était en train de développer une nouvelle forme, imposante et puissante : une forme slimesque noirâtre ! Elle attrapa alors les tentacules, et commença à les infuser avec son essence, les tentacules prenant une couleur plus noire.

« Cela suffit, Mélissandre ! »

Niven agit alors, et posa ses deux mains sur la tête de Mélissandre, enfonçant des tentacules dans sa tête.

« Allez, obéis ! »

L’immense blob commença à se fracturer, à onduler sur place. Aurore et les guerriers de Lucinda vinrent les clones slimesques se tordre brusquement de douleur, tandis que Fönn continuait à diffuser son essence de slime. Elle libéra Lissandre, mais la recouvrit aussi d’une tâche noire. Lissandre devint ainsi l’un de ses symbiotes, et Fönn commença à faire de même avec les nombreux prisonniers. Elle sentait en elle la présence de la Reine Noire, qui amplifiait ses pouvoirs. Dehors, Lucinda ouvrit enfin sa bague, et libéra Erubetie, qui s’en prenait aux nombreux clones slimesques de Mélissandre, se mélangeant à eux pour fusionner avec, formant ainsi de nouveaux clones d’Erubetie. Fönn, quant à elle, affaiblissait l’intérieur de Mélissandre, son slime noir protégeant les humains, leur donnant aussi une apparence d’homme-chat avec deux oreilles pointues sur la tête.

Fönn se dirigea vers Lissandre, tandis que Mélissandre repoussait violemment Riven.

« Ne t’endors pas, ma chérie ! »

Face à elle, Mélissandre évoluait encore, devenant un amas monstrueux de tentacules et de yeux globuleux avec des mâchoires édentées. Mélissandre était devenue un shoggoth pur, comme si, en s’effondrant sur place, le poison en elle avait pris le dessus. Mais, tandis que Fönn était sous sa forme slimesque, elle et Lissandre purent entendre une petite voix, qui semblait venir des profondeurs de cette immense structure infernale :

« Mamans, au secours, j’ai peur !! »

Etait-il besoin de répéter que Lissandre était une simple humaine ? Pas de pouvoirs magiques à sa disposition. Pas de transformations, d’artefacts, d’armes vivantes ou quoi que ce soit. Seulement elle et son « faible » ADN de singe tout nu.

Pourtant, la voilà qui délaisse sa femme pour avancer vers le cauchemar vivant. (elle a tout de même pris le temps de remercier sa belle d’un baiser sur les lèvres) Si Lissandre a mis si longtemps a trouvé le but de sa vie, elle le connaît désormais : PERSONNE NE FAIT DU MAL A SA FAMILLE !

« Je suis là, mon bébé. Tu n’es pas seule. Maman est là. »

D’où lui venait cette force ? D’où émanait cette assurance qui faisait que Lissandre tendait le bras vers le monstre de dents ? Elle n’en avait pas peur. Elle avait l’intime conviction qu’elle ne finirait pas en petits morceaux dans l’estomac de la chose noire qui emprisonnait son bébé.

*Et même si ça doit m’arriver, je m’en fiche. Je ne laisserais pas Mélissandre seule. Hors de question ! *

Ce n’était même pas une pulsion suicidaire comme ce qui avait pu lui arriver plus tôt dans la journée. Bien que ce « plus tôt » semblait déjà remonter à une petite éternité dorénavant.

« Parle-moi, mon bébé. Maman veut entendre ta jolie voix. Maman en a besoin pour te trouver. »

Sa main s’élança le chaos vivant. Suivant la plus courte trajectoire vers ce que Lissandre croyait être la localisation de Mélissandre. Il y avait un œil globuleux sur le passage. Cet œil esquiva le bout des doigts de Lissandre. De la peur ? Une contraction absurde et incontrôlée de la plus grande force illogique du multivers ?

La main était donc désormais dans l’amas de déchets organiques. Lissandre continuait à parler à Mélissandre. C’était peut-être un tour de son esprit mais elle avait la sensation d’une chaleur qui augmentait au fur et à mesure de sa recherche. Pas une chaleur liée au feu : une chaleur de sentiments.

Ah, dans cette recherche de foi, aurait-il été oublier de préciser que la force d’un Shoggoth recouvrait peu à peu le corps de Lissandre ? Il y avait une lutte entre plusieurs forces. Le slime bon de sa femme contre le slime mauvais de son bébé ? L’anéantissement de son esprit par le désespoir face à la force maternelle agitant le drapeau de l’espoir ?

« Je suis là mon bébé. Je t’ai trouvé. Maman est là. C’est fini. Tout est fini. C’est l’heure de rentrer à la maison. De faire un long dodo. D’accord ? Allez, viens avec moi. »

Lissandre émergea du shoggoth noir avec un tout petit bébé rose dans ses bras. Une pauvre petite créature toute recroquevillée. S’il n’y avait plus de mains qui recouvraient différentes parties de son corps, plus de poitrine opulente non plus : il était pourtant évident que cette petite chose brisée, perdue et confuse était Mélissandre.

« Fönn… »

L’épreuve avait été difficile. L’amour maternel avait désactivé tous les signaux d’alarmes. Plus qu’il n’en fallait car même la fatigue n’était plus ressentie. Mais par instinct, Lissandre avait appelée (non, plutôt chuchotée…) le nom de sa femme. Celle qui pouvait devenir démone ou slime. Celle qui avait lié sa vie avec la sienne en Enfer.

Lissandre avait besoin de Fönn. Ou alors elle s’écroulerait soudainement.

À l’intérieur du shoggoth, la situation devenait critique. Fönn se battait avec rage, même si elle n’avait aucune idée de ce qu’elle faisait. Les parois fondaient sur elle, et tout lui semblait hostile. Elle étirait ses bras, et balançait des tentacules partout pour repousser les pustules et crever les yeux qui l’observaient de partout. Fönn ne s’était jamais retrouvée dans une telle situation, et elle continuait à se débattre, même si elle devait se battre partout, contre tout ce qui était autour d’elle. Des tentacules la déchiquetaient régulièrement, et, si son corps slimesque se reconstituait, elle avait du mal à tenir. Elle avait fait diversion, et, alors qu’elle commençait à se diluer, elle entendit la voix de Lissandre, une voix qui l’appelait dans le néant et dans l’abîme insondable des tentacules qui l’avaient attrapé, et qui s’enroulaient autour d’elle.

Fönn…

Dans le noir, elle vit une lueur, comme une chandelle au loin, et elle s’en rapprocha. Elle heurta le bouclier, le palpa de ses doigts, et essaya de l’appeler… Mais seul un son guttural sortit de sa bouche.

« Hon ! Hon ! »

Fönn se concentra encore, et sa main apparut alors. Une main humaine qui se libéra de son enveloppe de Slime, et qui toucha celle de Lissandre. Elle se retrouva alors avec elle et Mélissandre.

« Lissandre…
-  Je suis désolée, Mamans, je n’ai pas pu stopper les voix ! »

C’était leur Mélissandre… Fönn avait retrouvé Lissandre et Mélissandre, dans la dernière partie du shoggoth qui n’était pas encore infectée. Fönn enlaça son amour et Mélissandre.

« Quoi qu’il arrive… Nous aurons été ensemble jusqu’à la fin… »

Fönn ferma les yeux, tandis que le bouclier de Mélissandre se déchira, et qu’elles furent noyées dans le shoggoth…

…

Une lumière vive lui agressa les yeux.

Fönn se releva lentement en gémissant.

« Ho… »

Elle était dans un lit. Elle entendait le son des mouettes dehors, ainsi que le bruit du rivage, de l’écume. Elle regarda autour d’elle, et vit Lissandre, couchée contre elle. Elle portait sa combinaison rose. Fönn cligna des yeux, et constata qu’elle était dans une sorte de chambre…

…Et la tête de Mélona apparut soudain devant son visage, tout sourire.

« MAMAN FÖNN EST RÉVEILLÉE !! »

Elle l’enlaça alors, et Fönn retomba dans le lit, surprise. Elle caressa les cheveux de Mélona, qui la serra fort.

« Laisse-les se reposer un peu, Mélona… Tes Mamans ont connu une épreuve difficile. Mais je vous félicite, vous avez rempli votre rôle. »

Si ses yeux étaient fermés, Lissandre était belle et bien réveillée. Elle voulait profiter du chaos familiale, joyeux et festif qui l’entourait. Sentir la chaleur de sa femme contre sa combinaison moulante. Ecouter l’excitation de Mélona qui s’enthousiasmait de tout comme si l’Apocalypse n’avait jamais manqué de détruire son monde. Même la compassion de Belle-Maman était une source de chaleur. De tendresse, même.

Puis elle continue de garder les yeux pour une autre raison. Des images reviennent. Des souvenirs sombres… Sa femme recouverte d’une slime noirâtre. Son bébé transformé et manipulé par une chose emprisonnée dans le vide entre les étoiles. Les drames et les souffrances infligés à ce monde à cause de sa famille. Son échec à elle. Lissandre n’a pas su contrôler ses « monstres »…

Alors, à l’aveugle, sa main recherche celle de Fönn. Ses doigts s’entremêlent. Elle serre trop pour que ce soit un geste d’affection. C’est un appel à l’aide silencieux. Et selon à ce moment, ses yeux s’ouvrent et découvrent tout le petit monde qui l’entoure.

« Bonjour, Mélona. »

Elle a essayé d’être radieuse et de ne pas apporter de noirs nuages au-dessus de leur tornade de bonne humeur. Mais Lissandre sait très bien que son entreprise n’est qu’une demi réussite.

« Bonjour, ma femme. »

Un chaste baiser est déposé puis elle s’extirpe du lit pour finir debout. Elle n’a plus envie de se reposer. Si elle continue à rester allongée inactive, elle va sombrer. Il ne faut pas !

« Belle-maman. »

Le ton est dur. Sérieux. Lissandre a BESOIN de la réponse à sa prochaine question pour poursuivre sa vie.

« Est-ce que tout est terminé ? »

Elle voudrait demander l’étendue des dégâts. Le nombre de blessés et de morts. Clamer qu’elle va prendre ses responsabilités et corriger tout ce que sa famille a fait subir. Mais… elle n’en a pas le pouvoir. Ce serait hypocrite de brandir ce genre de drapeau. Alors, égoïste, elle décide d’abord d’apaiser son âme. Trouver un équilibre avec sa famille. Le reste du monde attendra. De toute façon, avec ou sans elle, il continuera de tourner.

La Reine Noire hocha lentement la tête.

« Tout est terminé. Il n’y a pas eu de morts. »

Lucinda se déplaça ensuite. Fönn était toujours dans le lit, et Mélona semblait ravie de revoir ses Mamans.

« La Princesse Aurore, ma fille, est en train de sécuriser les frontières de Magikya pour éviter d’autres parasites, mais il n’y a plus rien à craindre. Il est maintenant temps que je vous donne quelques explications, puisque vous êtes réveillées toutes les deux. »

La Reine Noire les regarda alors, puis s’assit sur un fauteuil.

« Mélissandre est une Slime imparfaite, une construction assez unique en son genre. Comme vous le savez maintenant, les Slimes sont des constructions magiques, ils sont les héritiers des Shoggoths. Les Shoggoths étaient des créatures extrêmement puissantes, capables de prendre n’importe quelle forme. Ils étaient utilisés pour ensemencer des planètes entières, construire d’énormes cités organiques. Mélissandre, par sa nature particulière, a été impactée quand toi et moi, Lissandre, nous avons été attaqués par ce monstre issu hors de Magikya. Il y a eu une brèche, et Mélissandre a reçu un message, un virus qui s’est infiltré en elle, et l’a peu à peu contaminé, jusqu’à la faire évoluer en Shoggoth. En fait, si je devais être plus précise, je dirais que les Slimes et les Shoggoths sont deux branches ayant une même origine… Une origine symbiotique relativement neutre. Dans ce schéma, Mélissandre serait cette origine. Elle a évolué sous la forme d’un Shoggoth, et comme vous avez pu le voir, sous cette forme, elle devenait rapidement incontrôlable.
-  Mais… Vous avez réussi à inverser le processus, non ?
-  J’ai réussi à retarder son évolution tandis que Niven, ma Slime noire, a absorbé chez Mélissandre le virus qui la contaminait. Vous deux, vous avez surtout agi comme diversion. Si j’avais été plus adroite, à vrai dire, j’aurai purifié Mélissandre plus vite, avant que le virus en elle ne grandisse. Mélissandre est revenue à son état initial, mais elle évoluera encore, c’est une certitude. Logiquement, plus elle continuera à vivre avec Lissandre, et plus elle aura envie d’évoluer comme elle. Car, s’il y a un enseignement à tirer de ce qui s’est passé, c’est que, même en étant sous forme de Shoggoth, Mélissandre continuait à vous considérer comme ses parents. »

Fönn ne savait pas trop quoi tirer dette information.

« Enfin, et c’est là le plus important, notre mésaventure m’a permis d’extraire de Niven le fragment corrompu de Mélissandre. Ce morceau de Shoggoth, je l’ai enfermé dans un cristal que j’ai fixé à un bâton magique. Et ce bâton…
-  C’est moi qui l’ai ! s’exclama Mélona. J’ai le bâton magique de Maîtresse ! »

Lucinda sourit alors, puis se racla la gorge.

« Ne m’interromps pas, Mélona… Mais oui, comme Mélona vous apprécie, et qu’elle souhaite vivre avec vous, c’est elle qui bénéficie de ce bâton. Je préfère le lui confier plutôt qu’à vous, car Mélona bénéficie d’une résistance exceptionnelle à l’influence néfaste des Shoggoths et des Grands Anciens. Ce bâton magique a été conçu pour permettre au bâton d’absorber la magie. Il faudra que l’on se revoie régulièrement, pour s’assurer que Mélissandre se porte bien, et qu’elle s’est parfaitement remise. Enfin, et cela va sans dire, mais Mélissandre étant influencée par vous deux et par vos actions, plus vous vous aimerez, et plus cela aura une influence bénéfique sur Mélissandre… »

Fönn gloussa alors, et embrassa Lissandre sur la joue.

« Si te faire l’amour est une prescription médicale, c’est avec joie que je m’y plierai… »