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Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 09 août 2025 15:15
par Camille Marquise
Si seulement Camille avait eu écho des pensées de Korë. Peut-être que… Peu importait car il se serait excusé. Il se serait senti coupable. Il n’aurait plus su où se mettre. Mieux valait que la vie continue son cours de cette façon pour le moment. Lui ne retenait que ses doigts entrelacés dans ceux de Korë. Et cela lui réchauffait le cœur. Déjà qu’il devait parfois s’affronter lui-même parce qu’il n’était pas à l’aise de tromper sa femme… (même si cette dernière aurait adoré enserré dans sa queue caudale les deux invitées de son mâle. Ses écailles auraient vibré pour les stimuler. Et tout cela aurait fini en orgie… Mais la situation était autrement intellectuelle qu’érotique présentement !)

Camille n’en revint pas de la pertinence de l’intervention de Korë. Bien évidemment, il n’eut rien à ajouter.

De son côté, Vi ne répondit pas immédiatement comme si elle avait à se justifier. Elle semblait à la maison. Elle marchait d’un pas léger. Son regard se perdant sur des choses sans intérêts comme si c’étaient les merveilles de ce monde.

Vi : « L’Académie est un lieu formidable. C’est un établissement magique qui ne peut être dessiné sur aucune carte. Même sa propre Histoire est magique. A l’instar du monde, un jour il n’y avait rien. Et le jour suivant, la Création avait fait son office. J’y mets une majuscule mais cela ne signifie pas que la Création soit une entité connue. C’est une manière de s’exprimer. Et son Maître, ou Maîtresse, est une figure mystérieuse et éternelle. Il est dit que tout le monde la rencontre de temps à autre. Mais qu’un mystérieux sortilège nous le fait sortir de ses mémoires. Au contraire de ses apprentissages. »

Elle fit une pause. Non pas parce qu’elle en avait besoin. Ou qu’elle s’essayait à un effet de style. Mais parce que ses yeux « éteints » venaient de se poser sur le vol d’un papillon. Elle s’accroupit pour l’observer sans le déranger. Le papillon repartit. Elle se releva et reprit son explication qu’on lui avait demandé.

(était-ce vraiment un événement de coïncidence ? Se pouvait-il que le papillon ait été envoyé pour lui imposer une pause dans ses révélations ?)

Vi : « Je n’ai pas à proprement un métier. Ou un rôle dans une sorte d’organigramme. L’Académie est avant tout un endroit de liberté et de connaissances. Comment pourrait-on expérimenter et découvrir des nouveautés en se conformant à des structures rigides et des emplois du temps ? Je vais là où on a besoin de moi. Parce que je peux voyager librement. Parfois je voyage même sans savoir pourquoi. Et parfois également, j’ai voyagé et je n’ai pas compris pourquoi. »

Camille comprit que la suite allait être personnel. Il ne put s’empêcher de s’arrêter alors que quelques mètres seulement les éloignaient des marches à grimper pour rentrer dans son manoir.

Vi : « Camille Marquise est un dommage collatéral. Excusez-moi pour ce terme qui manque d’une jolie métaphore. L’Académie a des vues sur Korë Grémorya. Un être capable de donner naissance magiquement à des créatures. Un être qui pourrait être affilié à la magie Rose, celle de l’Amour. Mais pas seulement. Car cette magie spécifique permet de donner aux Couleurs un canal par lequel s’exprimer. Avec Camille Marquise, ça a été le Gris. La prochaine fois, cela pourrait le Sang ou l’Or. Y a-t-il des règles ? Y a-t-il des explications profondes à ces naissances ? Quelle est la destinée de Korë Grémorya ? L’Académie a très faim de ces connaissances et-… »

Soudainement, Camille tira sur la main de Korë pour la mettre « à l’abri » derrière lui.

« Vous ne me l’enlèverez pas ! »

Il se retourna vers elle, soudain tout penaud.

« Excuse-moi. Je sais que tu n’as pas besoin d’être protégée. Et que tu es parfaitement libre de partir. J’ai agi par pulsion et non par raison. Excuse-moi encore une fois. »

Derrière lui, Vi observa avec le regard d’une femme qui aurait pu avoir la sagesse de plusieurs centenaires. Ce qui pouvait aussi exprimer cette impression de tristesse dans ces prunelles et son fin sourire actuel.

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 19 août 2025 16:14
par Korë Grémorya
La nouvelle arrivante, bien plus à l'aise que le contraire, semblait ne rien avoir à cacher au sujet de sa précieuse Académie. Tandis qu'elle analysait son environnement avec un certain ravissement, Vi parlait. Et elle avait vraisemblablement beaucoup de choses à dire, car elle commença par le début en mentionnant la Création avec un grand C, allant même jusqu'à comparer la naissance du monde à celle - tout aussi inexplicable - de son sanctuaire du savoir. Le Maître ou la Maîtresse des lieux, par contre, se montrait plus ouvert et instructif avec ses hôtes. Il ou elle était si puissant(e) et mystérieux que rien ne pouvait empêcher ses interlocuteurs d'oublier le moindre détail le/la concernant après chacune de ses rencontres.
L'on ne retient donc que ce qu'il s'imagine être utile...
C'en était presque inquiétant ! Et gênant pour une conteuse qui, à ce moment là, regretterait fortement cette absence de souvenirs... si cela lui eut été encore possible d'y penser, tout du moins.
Par bonheur, il est question d'un "être" à part. Tout le monde ne fonctionne pas de cette manière.
S'abstenant de tout commentaire pour ne pas décourager leur informatrice dont les yeux vagabondaient un peu dans tous les sens, Korë but ses paroles au sujet de la liberté et des connaissances. A l'entendre, le fonctionnement ambigu de l'Académie se conformait aux principes mêmes de la bardesse - une nomade avide de découvrir de nouvelles cultures.
Vi lui fit alors penser à un oiseau migrateur. Du genre à choisir l'endroit qu'il lui plaît, dans un climat propice, pour vivre sans jamais avoir à pâtir du renouvellement des saisons. L'Académie ne représentant à ses yeux qu'un nid tout juste un peu plus grand et douillet que les autres.
Est-elle venue nous rendre cette petite visite sous le simple coup du hasard ? Quelque chose en moi me souffle le contraire...
Son œuf ? Son instinct ?
Korë ne savait pas trop. Et elle n'eut guère davantage le temps de s'en soucier.
Elle tourna son regard vers Camille, qui s'était arrêté à quelques pas du porche de son imposant manoir.
Il a dû ressentir quelque chose, lui aussi. Je le lis sur son visage. Je le sens à travers ses doigts.
Qu'elle serra doucement dans les siens. Même dans ces conditions, ce contact n'avait rien de désagréable.
C'est alors que Vi en vint aux faits.
La Wyvérienne était leur nouvelle priorité. L'Académie la considérait comme un sujet d'étude particulièrement intéressant, et-
Camille, le soi-disant dommage collatéral, força la bardesse à se tenir derrière lui.
Il ne la voulait que pour lui - son cri du cœur ne laissait planer aucun doute là-dessus.
Passablement surprise, Korë croisa son regard riche en émotions. Elle porta instinctivement sa main libre à son propre cœur, qui s'était mis à battre un peu plus vite. Les excuses de son sauveur la firent sourire de douceur.
La Wyvérienne détacha sa main de sa poitrine légère pour la lui déposer sur la joue du même hémisphère.

- Excuses inutiles, souffla-t-elle avec une parfaite bienveillance. Je n'ai aucune envie de partir, Camille. Aucune envie de te fausser compagnie...

Mais ?
Elle soutenait toujours son regard, l'attendrissant avec le sien dont le rouge vif n'était qu'amour.

- Je ne pense pas que Vi nous mente à tous les deux. Je ne pense pas non plus qu'elle n'est qu'un simple instrument d'une organisation aussi maléfique que celle d'Elfrydd.

Elle observa l'intéressée, qui s'était également figée devant l'entrée pour les regarder.

- A mes yeux, vous ne pouvez pas être quelqu'un de mauvais. Je sens que c'est impossible - sans trop savoir comment me le justifier. Vous êtes une voyageuse intemporelle dont je ne saurais deviner l'âge rien qu'en vous contemplant. Vous êtes aussi belle que mystérieuse, à l'instar de ce que pourrait représenter l'Académie à nos sens...

Cette fois-ci, elle eut un sourire empathique.

- Enfin, vous êtes tous les deux pleins de lacunes, que vous cherchez à éclipser à travers une perpétuelle quête de connaissances. Ce qui pourrait s'avérer dangereux. Vous donner possiblement des idées un peu... extrêmes, si j'ose dire.

Comme orchestrer un enlèvement, par exemple. Ce que la Wyvérienne peinait toutefois à concevoir, avec cette ravissante jeune femme qui leur faisait face. Qui avait pris la peine de se présenter, en plus de leur décrire son principal lieu de vie.
Korë secoua doucement la tête.
Elle n'avait pas lâché la main ferme de son fidèle compagnon.

- Vous vous fourvoyez au sujet de Camille Marquise, déclara-t-elle un peu plus fort qu'elle l'avait sans doute voulu. Il n'est pas qu'un "dommage collatéral". Il est beaucoup plus que cela, car cet homme est celui qui m'a arraché aux griffes de mon tourmenteur. Il est en prime celui avec qui j'ai partagé les pouvoirs d'un de mes œufs - chose qui n'est jamais arrivée auparavant. Il est un être sensible à ma magie, bien qu'il ne sache pas encore l'utiliser à son plein potentiel. Il est également un père de famille attentionné avec qui - je n'ai pas honte de le dire - j'ai passé une nuit merveilleuse. Un parent tout à fait respectable qui - vous le savez sans doute déjà - m'a offert une nouvelle chance de donner naissance à une wyverne viable.

Elle se tourna vers lui, face à face, le prenant par les deux mains.

- Tu es quelqu'un d'admirable, Camille Marquise, mon sauveur et protecteur de cœur. Mais je pense qu'au vu des circonstances, nous aurions tort de tourner le dos à cette curieuse Académie.

Elle déplaça leurs mains chaudes sur son ventre, qui n'avait pas encore pris de volume.

- Nous allons certainement avoir besoin d'aide. Lorsque notre œuf aura éclos, et que notre enfant se sera matérialisé dans notre monde.

Elle se le figurait en colère et aussi perdu que ses prédécesseurs. Agressif, au point d'en devenir mortellement dangereux. Telle la descendance diabolique d'Elfrydd.

- Je dois m'attendre au pire, Camille. Alors en fin de compte, c'est plutôt à moi de te présenter des excuses...

Son sourire se fit piteux.
Elle n'avait pas confiance en ses facultés. En sa capacité insolite de donner la vie à des bêtes aussi effroyables que prodigieuses.
En revanche, elle avait confiance en lui. Suffisamment pour l'avoir autorisé à ce qu'elle leur fasse un œuf.

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 01 sept. 2025 22:16
par Camille Marquise
L’attente ne semblait pas être un problème pour Vi. Elle laissa Camille et Korë discuter et elle le fit sans leur imposer son regard ou se présence. A un point tel qu’elle semblait pouvoir se faire oublier. Mais la conversation entre l’ex-prisonnière et l’empoisonneur ne dura pas assez longtemps pour tester cette théorie.

Vi : « L’Académie peut devenir ce refuge que vous cherchez pour votre enfant, comme vous le nommez. »

« On ne sait pas à quoi il ressemblera… »

Camille s’adressa autant à Vi qu’à Korë. Puis son regard se porta au loin, sur son domaine immense où normalement personne n’aurait du entrer. Pas même un joli bout de petite femme comme l’était Vi. Camille n’y était pas insensible. Mais ce n’était pas le moment car son esprit était tourné vers ses propres enfants.

« Et il n’est pas question de partir d’ici, même pour un lieu incroyable comme semble l’être cette Académie, en laissant mes enfants derrière moi. »

Vi : « Bien entendu, ils pourront venir eux aussi. »

« Je n’ai jamais dit que j’étais d’accord. Peut-être que ma femelle sera revenu avant que Korë ponde. »

Vi : « Femelle ? »

« Oui, femelle. C’est une lamia. Une lamia echidna pour être précis. Normalement, elle aurait dû me dévorer il y a des années de cela. Car c’est une prédatrice de l’être humain. Au lieu de ça, elle m’a secouru. Bouleversé ma vie. M’a changé et m’a donné des enfants. »

Vi : « Je comprends le tableau d’ensemble. Si vous n’êtes pas un être d’exception, Camille Marquise, vous baignez assurément dans des événements exceptionnels. C’est intéressant. Mais que souhaitez-vous faire à présent ? Votre invitation au thé tient toujours ? Vous préférez attendre sur le pas de votre manoir le retour de vos enfants ? Vous savez, nous pouvons également les rechercher. Toute solution me convient également. »

« Merci. C’est gentil de me complimenter. Enfin, il m’a semblé que c’en était une forme. Etrange, mais une forme quand même. Je leur fais confiance. A mes enfants et à ce terrain. Ce n’est pas n’importe qui qui nous l’a offert, à ma femelle et à moi. Je serai choqué d’apprendre qu’un deuxième inconnu ait réussi à outrepasser les protections. »

Et pourtant, pauvre petit organe qui devait être choyé. Non que le cœur de Camille souffrait d’une faiblesse, mais il ne faisait pas partie de ces héros légendaire au sang-froid imperturbable. Car il y avait toujours là-bas, dissimulé dans une portion de la forêt, le Commandant Lancelot aux aguets. Seulement, le Destin semblait entrelacer maintenant l’Académie d’une manière plus reserrée. Ce n’était pas un drame. Le Commandant Lancelot pourrait alors faire sa première apparition dans la Taverne auprès d’Arxa.

« Entrons, mesdemoiselles. »

Vi (à l’attention de Korë) : « Vous avez mentionné un dénommé Elfrydd. Est-ce ce même détestable individu qui encadre l’horreur ? Telles des ailes de papillon géantes ou celles d’elfes ? »

De son côté, Camille était déjà affairé à faire chauffer de l’eau et préparer sur un plateau quelques tasses. Quel mélange d’herbes et de fleurs serait au goût de ces deux invités ?

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 04 sept. 2025 17:40
par Korë Grémorya
Camille n'avait que trop raison sur ce point : ils ignoraient à quoi ressemblerait - non pas leur enfant - leur progéniture. Korë, à force d'expérience, était même bien placée pour le confirmer. Elle ne jugea pourtant pas nécessaire d'enfoncer le clou - qu'elle aurait surtout senti s'enfoncer dans ses propres chairs.
Avec un peu de chance, il ne s'agira pas d'un monstre assoiffé de sang.
Que lui restait-il sinon l'espoir ? Wyvérienne Crépusculaire ou pas, la bardesse continuait à s'y cramponner. Au moins par égard pour son sauveur, qui lui avait offert l'asile. Ce même sauveur qui avait fait deux beaux enfants à une lamia echidna.
Vi fut mise au courant de ce fait en même temps que l'objet de sa venue. Pas de jalouse, donc !
Camille n'est pas spécial en lui-même ; c'est son entourage qui lui a permis d'éveiller son importance, de devenir celui qu'il est aujourd'hui.
Elle trouvait cela magnifique.
Le généreux propriétaire de ce manoir n'hésita pas à en vanter les mérites. Ce lieu se voulait sûr, sécuritaire pour l'ensemble de son cercle familial.

- J'ai confiance, affirma Korë. Et puis Vi ne m'a pas l'air d'être n'importe qui ; nous pouvons la considérer comme une exception bienvenue.

Plutôt que de partir à la recherche de ses enfants ou d'attendre bêtement sur le palier, Camille leur proposa d'entrer. Ses deux invitées s'installèrent dans le grand salon tandis que lui s'en était allé préparer le thé. Guère friande des produits corsés, Korë s'attendait à déguster quelque chose de doux et de parfumé. Des mets issus de la forêt voisine, peut-être ?
Vi redirigea ses pensées ailleurs. Vers un horizon plus sombre. Vers cette ombre qui était parvenue à lui donner un plaisir impie, dans et au-dehors de cette infâmante cage à oiseau...

- Cet Elfrydd, répondit la Wyvérienne en laissant son regard se perdre dans l'âtre sec de la cheminée. Ce même homme cruel, qui m'a capturée et fait sienne plusieurs jours durant.

Elle ne laissait transparaître aucune émotion sur son visage. Porter un masque, la bardesse savait faire dans des circonstances comme celles-ci.

- Influent, attirant et puissant. Tels sont les qualités inhérentes à ce boucher costumé.

Elle finit par déplacer son regard couleur rubis sur le minois lisse et placide de sa compagne.

- J'ai pondu un œuf de lui. Camille, comme hypnotisé, a posé les mains dessus lorsque je l'ai expulsé de mon corps. Je crois que c'est au moment où je suis entrée en contact avec lui que nous en avons partagé le pouvoir. Je n'ai pas d'autre explication à cela et...

D'une secousse de la tête, la bardesse marqua son refus d'aller plus loin avec ce sujet. Elle embraya plutôt sur cet élément d'importance qui, lorsque ses pensées n'étaient pas tournées vers le présent, revenait souvent la hanter :

- J'ignore ce qu'il est advenu de cette... progéniture. Tout ce que je sais sur son compte, c'est qu'elle s'en est pris à la ville entière, ne laissant que ruines, morts et renégats dans son sillage.

Et Vi ? Que savait-elle, au juste ? Avait-elle vu quelque chose ? Avait-elle... entendu des rumeurs, au sein de cette Académie ?

- Elfrydd, son ascendant paternel, lui a survécu puisqu'il nous a envoyé ses éclaireurs.

Dans ce bâtiment où ils avaient abandonné leurs affaires. Vêtements et instruments de musique compris. Des objets susceptibles d'offrir un lien utile à leurs sournois ennemis.
Ce manoir était-il vraiment un lieu sûr ?
Avec Elfrydd et sa clique, il n'y avait aucune certitude.

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 12 sept. 2025 14:41
par Camille Marquise
Quand il revint avec un plateau contentant une théière avec de l’eau chaude, des tasses au style de Delft et quelques gâteaux secs : ce fut pour entendre le terrible nom d’Elfrydd… Le visage de Camille s’assombrit en conséquence. La vaisselle s’entrechoqua un peu sur le plateau sans risquer de tomber et se briser en plusieurs morceaux. Le choc était passé.

« Si j’avais pu, je l’aurai empoisonné… »

Une messe basse. Camille n’était pas fier de souhaiter faire du mal à autrui. Peu importe son degré de malveillance. Chaque victime de sa main était un poids dans son cœur. Une raison supplémentaire de se réveiller en pleine nuit, en sueurs. Il n’était pas un tueur. Mais la vie l’avait placé sur une voie qui avait nécessité qu’il perde de sa gentillesse. Pour lui. Pour sa femelle. Ses enfants. Et aussi pour le plus grand nombre.

Mais il n’était pas un menteur. Alors, quand il reprit un visage souriant et étincelant, Vi et Korë avaient largement eut le temps d’assister au changement d’expression. Camille le savait. Et il fit comme si rien ne s’était passé.

« Je préférerais que ce nom ne soit plus prononcé dans ce manoir, s’il vous plaît. Il a provoqué trop de maux. Le nommer, c’est lui donner un petit plus de puissance d’existence, je crois. Certaines en ont fait les frais. »

Son regard se posa sur Korë. Il lui en voulut un petit peu. Parce qu’en réalité, il avait tout entendu. Elle l’avait trouvé influent, attirant et puissant. Elle s’était donnée à lui. Emprisonnée dans cette magnifique cage d’oiseau doré. Camille savait tout ça. Pas dans les moindres détails, certes. Mais il s’en voulait qu’un homme comme Elfrydd puisse avoir une telle vie. Et que des demoiselles comme Korë puissent se damner pour un homme pourri tel qu’Elfrydd.

Son visage en fut tiraillé d’afficher ses vrais sentiments et le côté de sa personnalité qui positivait tout le temps.

Et puis il dut s’asseoir. Une terrible possibilité flasha en une visualisation trop nette. Sa petite Eve, quelques années plus tard, emprisonnée dans la prison dorée d’Elfrydd. Avec cette même expression que Korë. En sachant que c’était mal. Mais en ayant vécu tout le bien que le corps et l’expérience de cet homme expérimenté connaissait.

Son poing se serra de fureur.
Pendant ce temps, Vi assista à cette lutte intérieure de son hôte sans prononcer un seul mot.

Vi : « Je ne suis pas une guerrière. Je suis principalement une voyageuse. Je n’irais donc pas dénouer le fil de la vie de cet homme dont le nom doit tomber dans l’oubli. Mais je pourrais aller voir. S’il y a des Couleurs dans la maison de cet homme, je pourrais m’y rendre. Bien entendu, toute tentative est un risque en soi. Je pourrais ne pas pouvoir revenir. Mais peut-être dois-je m’y rendre ? Je me questionne maintenant. Connaître cet homme. Connaître la destinée de cette progéniture pour en informer sa mère. Qui sait ? Ici n’était peut-être qu’une étape furtive. »

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 19 sept. 2025 15:33
par Korë Grémorya
La tête de la bardesse pivota en direction de leur hôte. Il était revenu les bras chargés d'un service à thé. Sa "maladresse" ayant secoué et fait s'entrechoquer le délicat matériel heureusement vierge de tout liquide. Korë se garda bien de loucher sur les petits gâteaux secs. Même si elle commençait à avoir une légère fringale. Par ailleurs, l'expression faciale de Camille la captivait bien davantage que ces quelques mets ; ses émotions qu'il n'avait pas su, sous le coup de la surprise, leur cacher, à Vi et elle.
La Wyvérienne comprenait très clairement sa requête.
Elfrydd a provoqué trop de maux. Et il continuera, hélas, à en engendrer plus encore...
Elle hocha silencieusement la tête, supportant le regard de l'empoisonneur sans sourire aucun. Camille déposa le plateau. Là encore, il ne renversa rien ; malgré sa froide colère, il était resté - à peu près - maître de ses mouvements.
Chercher à canaliser sa fureur plutôt qu'à la libérer n'est pas toujours une saine façon de faire.
D'un autre côté, la bardesse n'avait pas très envie de subir un accès de colère simplement pour avoir eu le malheur de prononcer le nom d'un grand vilain.
Motus et bouche cousue, donc !
Une expression que Vi ne connaissait sans doute pas ; la femme aux allures de poupée mentionna ouvertement sa potentielle intention de rendre une petite visite à Elfrydd au sein même de son repaire afin d'y effectuer une étude plus poussée.

- Je ne peux que vous le déconseiller fortement.

Même si savoir ce qu'il était advenu de sa progéniture l'intéressait, la Wyvérienne trouvait cette escapade de mauvais goût beaucoup trop dangereuse.

- Je ne vais pas vous mentir : il y a sans doute des Couleurs dans l'antre d'El-... (Elle regarda Camille avant de reporter ses yeux rouges sur le visage placide de Vi.) de cet homme. Vous pourriez très bien vous en servir pour votre voyage, mais m'est avis qu'il ne serait qu'à sens unique.

Prenant le relais de leur hôte, Korë assura la finalité du service en leur préparant une modeste tasse parfumée aux herbes. Elle s'installa ensuite sur un siège, non loin de l'âtre. Camille se trouvait entre ses deux invitées. Cerné par deux bouts de femme dont les douces odeurs enchanteresses, malgré les senteurs du thé, pouvaient facilement parvenir à ses capteurs olfactifs.

- Je ne vous connais pas beaucoup, Vi, mais j'ai le sentiment que vous perdre ou ne pas vous revoir du tout me chagrinerait.

Pensée un tantinet égoïste. La Wyvérienne ne se voulait guère pragmatique avec ses alliés. Vi, jusqu'à preuve du contraire, comptait parmi les siens. A défaut de se faciliter la vie par le biais des faveurs d'une apprentie espionne, elle espérait ne pas se faire tromper par son instinct...

- Un "étape furtive", répéta la bardesse en soulevant délicatement sa tasse. Ça aussi, ce serait dommage. (Elle souleva sur le liquide fumant.) N'expédions pas ce moment de pure courtoisie, voulez-vous ? Servons-nous-en plutôt pour raffermir nos liens qui, dans le futur, pourraient bien nous être d'un grand secours.

Pour ne pas dire vital ? Car sans Camille, Korë aurait continué à servir de jouet ou de matrice maléfique pour Elfrydd. Son sauveur était dès lors devenu autrement plus important que ce diable à face humaine qui, pour la capturer, n'avait pas hésité à lui envoyer une poignée de ses hommes qu'elle avait à moitié tués dans la rue.
Le dit bienfaiteur percevait-il toujours la reconnaissance dans son regard couleur rubis ?
Quand elle le regardait, ce sentiment - son éternelle redevabilité - pointait toujours. Une lueur quoique discrète qu'elle ne dédiait rien qu'à lui, et à lui seul.
Elle loucha paresseusement vers un de ces petits gâteaux...

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 25 sept. 2025 15:27
par Camille Marquise
Camille broyait du noir. Elfrydd avait réussi à pénétrer dans son manoir. Et ce n’était pas en interdisant de le nommer qu’il allait être exorciser. Pour preuve, il ne pensait plus qu’à lui…

Pendant ce temps, Korë l’avait remplacé. Elle s’occupa de remplir les tasses et de ne pas laisser le silence appesantir tout le monde. Elle parla avec Vi et ce fut avec un temps de retard qu’il réalisa qu’il était un obstacle entre elles deux. Pourquoi Korë avait-elle décidé de les gêner ?

Son oreille entendit toute la conversation. Même si son cerveau demeurait impénétrable car un plan commençait à se tisser : celui de s’échapper de son manoir, de se ré-équiper et de repartir dans cette ville ruine pour débarrasser un monde de son tyran.

Sauf que ses « grandes » idées furent balayées d’un coup d’un seul en découvrant l’expression de Korë. Oui, peut-être qu’il avait bien capté son sentiment de reconnaissance. Mais ça n’avait pas permis de le délivrer de sa propre « cage à oiseaux ». Il rit soudainement en la découvrant loucher sur les gâteaux secs !

« Ah ah ah ! Ne me dis pas que tu attends ma permission ? Ah ah ! Tu es une adulte, Korë. Sers-toi si tu en meurs d’envie. Ils sont là pour ça. »

Il n’était pas de ses séducteurs alors il musela sa pensée mais…

*Et si par hasard tu devais craindre de prendre un peu de poids, je pourrais me sacrifier pour quelques sessions de sport dans la chambre que nous avons partagé. *

Au lieu de cette douce provocation, il se contenta de tirer le bout de sa langue comme un enfant. Un peu de positivité ne pourrait pas faire de mal dans cette trop grande pièce !

« Korë a raison ! Vous êtes magnifique et intrigante. Ma femelle ne rentrera pas avant au moins quelques jours. Peut-être même quelques semaines. Tout cela pour dire que ce manoir est suffisamment grand et vide pour vous héberger. Et puis… »

Camille tourna la tête vers Korë avec une expression de bienveillance.

« Vous ne serez surement pas de trop à aider Korë à donner naissance. Ce n’est pas le travail d’un homme, je crois. Sans être insultant ou quoi que ce soit, il me semble que si sur cet autre monde le travail se nomme « sage femme », ce n’est pas sans raison. Et je crois que Vi est une personne très sage. Qui plus est, j’ai déjà eu la chance et l’opportunité de toucher ce miracle de mes mains nues. Je ne voudrais pas risquer de tout perdre à vouloir deux miracles pour mes fins égoïstes en si peu de temps. »

Ses yeux se baissèrent sur ses mains. Il se souvint de l’acier magique. Qui le ramena dans cette chambre où il avait vécu un moment intense avec Korë ! Avant d’être ramené à la réalité par une bataille contre des zygotes… sur le monde de ce funeste et satané… Elfrydd…

« Excusez-moi. Je crois que je vais vous laisser. Je n’ai pas le moral et je ne voudrais pas qu’il se répande comme une maladie. »

Camille était déjà en train de se lever pour aller faire une longue promenade dans son immense terrain quand Vi intervint.

Vi : « J’accepte de demeurer dans ce manoir. Et je ne pourrais pas y demeurer sans rembourser ce service par un autre. Je sais qu’à certains endroits, il est tabou de proposer du sexe. Je le propose. Etant donné votre situation particulière à tous les deux, je puis aussi vous proposer des cours d’introduction aux Couleurs. Ou bien essayer de vous conseiller à mieux contrôler la magie qui s’est niché en votre être. Sans être une spécialiste, je pense avoir passé suffisamment de temps dans les couloirs et salles de l’Académie pour avoir quelques bottes secrètes en réserve. »

Elle n’avait pas bougé. Toujours assise, toujours si fièrement dressée comme si elle était à l’épreuve de tout. Du sang-froid et une grande beauté qui tendant vers une tendresse doublée d’une bonhommie. Si ce sang-froid pouvait être rapporté à sa probable condition de « poupée vivante », Vi n’en demeurait pas moins exceptionnelle.

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 27 sept. 2025 18:55
par Korë Grémorya
Distraite, un peu tendue ou pas du tout, Korë accusa un léger sursaut en captant le rire bon enfant du dernier homme avec qui elle avait partagé sa couche. Il avait surpris son regard insistant, et voilà qu'elle passait pour une petite gourmande immature.

- C-ce n'est pas ça que j'attendais...

Sa permission ? Non, elle aurait bien voulu ne pas piocher la première parmi ces alléchants petits gâteaux. Histoire de ne pas avoir à passer pour la plus affamée du lot, voyez-vous ? Malheureusement, lui s'en était rendu compte. Et Vi qui n'avait pas l'air encline à se servir tout de suite...
Le mal est fait.
Elle mangea la première, donc. Lentement, par toutes petites bouchées. Comme s'il avait été question de savoureux macarons.
Entre-temps, Camille approuva l'opinion de son amante avant d'en venir à quelque chose qui leur tenait à cœur à tous les deux.
A cette nouvelle naissance - ou ponte ? - qui, cette fois-ci, donnerait vie à un être en lien avec eux deux.
Vi allait donc assister à cet évènement en y jouant le rôle de sage femme.
Korë n'eut pas beaucoup à réfléchir.

- Oui, votre présence nous serait d'une grande aide.

Le subit changement d'attitude de Camille détourna son attention. Elle comprit aussitôt qu'il envisageait de se retirer avant même de le déclarer.
La Wyvérienne n'eut pas à protester ; Vi, avec un calme souverain, le fit à sa place non sans proposer plusieurs... choses au couple.
Du sexe ? Avec nous ?
Très brièvement, Korë regarda son "compagnon de jeux originaux".
Oserait-il leur proposer, à toutes les deux, une séance de son cru ?
La bardesse n'y verrait aucun mal. Le sexe était un tabou ni pour elle ni pour les siens. Sans avoir à vendre son corps comme une prostituée quand elle ne chantait pas face à un public, Korë s'en servait pour vivre. Biologiquement, elle était bien incapable de s'en passer, de faire autrement. Ce qui n'était pas faute d'avoir essayé. Un sevrage totalement inutile !
Vi concentra de nouveau son attention.
Elle leur avait également proposé un cours d'introduction aux Couleurs. Un sujet qui intéressait de plus en plus son auditoire.

- Je vous trouve très généreuse...

Sans y avoir encore trempé les lèvres, Korë tenait sa tasse.

- Je préfère de loin vivre tout cela avec vous plutôt que de vous savoir en un lieu dangereux.

D'une inclinaison du menton et d'un regard appuyé, elle enjoignit Camille à retrouver sa place pour discuter de tout ceci.

- Camille aura besoin de vos conseils pour affiner ses nouveaux talents magiques ; étant donné que j'ai l'habitude d'en découvrir comme d'en user, les miens me sont suffisant.

Elle se tut un instant. Au cas où le propriétaire du manoir souhaiterait en glisser une ?

- En revanche, j'écouterai tout ce que vous aurez à dire au sujet des Couleurs. Ces dernières me semblent primordiales. Je pourrais même envisager d'écrire une chanson dessus. Afin d'égayer les cœurs.

Elle haussa les épaules. Comme si ce n'était qu'un détail pour elle : la professionnelle des rues et des tavernes.

- J'accepte également votre première proposition, mais à l'unique condition que notre hôte n'y voit pas non plus d'inconvénient.

Elle adressa un petit sourire à ce dernier. Le droit de décision lui revenait.

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 08 oct. 2025 10:40
par Camille Marquise
Soulagement. La proposition sulfureuse de Vi avait été passé sous silence. Korë s’intéressait aux Couleurs, à la magie. Soudainement, Camille était très intéressé de l’entendre chanter. Il faudrait qu’il lui montre une salle de son manoir. Lui présenter quelques instruments de musique. Etre son auditeur privilégié lui faisait un petit quelque chose. Il fut donc sorti brusquement de la pièce en entendant Korë accepter de se retrouver toutes les trois nues dans son lit. Lui avec deux femmes ! Deux magnifiques femmes, il devait le reconnaître.

« Je- ! Ah ! C’est mal passé. » dit-il en se tapotant la poitrine pour faire passer la douleur d’avoir mal avalé une gorgée de thé.

« Je ne-… Il ne faudrait pas que-… » bredouilla-t-il alors que l’idée faisait son petit bonhomme de chemin.

Peut-être Vi avait-elle quelques compétences en psychologie car elle intervint et sauva le propriétaire du manoir du marasme de ses sentiments.

Vi : « Les Couleurs sont un vaste sujet. Vous avez mentionné l’art de la musique. Qui pourrait être aussi nommé l’art des vibrations. Chaque vibration a sa fréquence. Chaque fréquence peut être coloré. Vous, par exemple, vous me faites penser au cyan avec vos cheveux. Le cyan vibre à environ 590. Je ne crois pas qu’il soit « esthétique » de parler d’unité de mesure. Bien qu’il soit important. Il pourrait être contre-productif lorsqu’on évoque l’art avant la science. Mais créer de la musique, c’est composer avec les lois de l’univers. Ca revient donc à produire de la magie. Je serais ravie de vous aider à composer une musique sur les couleurs et Couleurs. »

Camille avait suivi la leçon avec les esgourdes grandes ouvertes. C’était passionnant. Lui qui n’avait toujours vu que des couleurs « basiques ». Qui s’était toujours contenté d’écouter de la musique avec, au maximum, l’idée de se motiver ou au contraire, de se renfermer davantage sur lui-même en écoutant une musique qui le berçait dans sa mélancolie ou tristesse. Mais aujourd’hui, il avait la sensation que tout ce qu’il avait toujours connu était chamboulé. Qu’on lui avait appris le monde avec les bases. Des bases fausses. Mais des bases nécessaires pour aller plus loin.

Vi : « Laissez-moi reformuler de façon concise la suite des événements. J’aime quand il n’y a pas d’ambiguïté. La vérité peut être blessante aux premiers instants. Mais elle permet d’avancer avec sérénité par la suite. Donc, je propose de passer du temps avec mademoiselle Korë pour ressentir ses pouvoirs. Ce qui me permettra de passer du temps avec monsieur Camille pour éprouver le sien. Ensuite, je pourrais à nouveau passer du temps avec mademoiselle Korë pour l’aider à concevoir une chanson magique. Bien entendu, tout cela peut se vivre en étant toujours tous les trois. Comme cette proposition sexuelle que plussoie mademoiselle Korë en attendant la bonne volonté de monsieur Camille. »

« Aah ! Alors, euh… » commença-t-il en levant les mains devant lui.

Vi : « Nul besoin de ressentir un quelconque degré de panique. Prenez votre temps avec vos sentiments. Il me semble que vous êtes ici avec deux femmes ouvertes d’esprit et bienveillantes. »

« C’est d’accord. Enfin, je vous propose d’abord de passer déjà notre prochaine nuit toutes les trois dans mon lit. Je ne suis pas un animal en rut. Je ne suis pas de ce genre d’homme à profiter sans vergogne des femmes. Sans compter que je suis père de famille. Je dois m’occuper de mes enfants et de leur éducation. »

Vi : « C’est tout naturel. Vous avez devoir d’éducation. Et c’est une chose que je valorise, provenant moi-même de l’Académie. Que pensez-vous de tout cela, mademoiselle Korë ? »

Re: Loin de la cage d'oiseau dorée [avec Korë]

Posté : 08 oct. 2025 12:45
par Korë Grémorya
La timidité de l'empoisonneur avait ce petit quelque chose de mignon. Korë n'en gloussa pas, n'en rit pas non plus. Elle savait se tenir et garder pour elle ce qui peut nuire à une relation. Et elle tenait à ne surtout pas écorcher celle qu'elle entretenait avec, non pas un simple empoisonneur, mais un jeune homme capable, de surcroit père de deux enfants, qui avait su la sortir d'un guêpier et l'accepter pour ses... particularités.
Vi avait remis sur la table le captivant sujet des Couleurs, non sans y mêler la musique. La bardesse l'écouta de bout en bout, considérant subitement le cyan qui composait sa chevelure d'un œil autrement plus riche. Elle préférait un commentaire sur cette couleur plutôt que sur celle de ses iris flamboyants.
Le Rouge n'est pas que passion. Il est parfois synonyme de férocité, de colère et de violence...
Peut-être était-ce cela qui rendait sa descendance aussi agressive ? Cette Couleur dans laquelle ses œufs trempaient ?
Non, cela ne pourrait être aussi simple. Pas lorsque la magie et la biologie s'entremêlent au sein d'un même ventre.
Elle but une gorgée de son thé. Suffisamment grande pour recouvrer son calme intérieur.
Un soupir lui échappa avant qu'elle reprenne tout doucement la parole :

- Nous y travaillerons ensemble, alors.

Avec le parler et le sérieux d'une franche avocate, Vi clarifia les détails de leur futur partenariat. Ils allaient passer beaucoup de temps ensemble. D'une part pour éprouver leur magie, d'autre part pour mettre au point une "chanson magique" ; alors enfin, avec la validation de Camille, le trio s'adonnerait à une activité plus... sensuelle.
Vi n'est pas dépourvue de talent pour s'exprimer. Bien qu'elles ne retranscrivent aucune émotion particulière, ses paroles ont le mérite de disposer d'un certain pouvoir de persuasion. C'est assez impressionnant...
Pourtant, il n'y avait aucune magie là-dedans. Sans doute qu'elle avait été très bien formée par cette Académie et que ses riches enseignements, pour le coup, ressortaient naturellement au-delà de ses lèvres.
Le propriétaire du manoir, tout en mesurant ses responsabilités familiales, accepta de les recevoir tous les deux, la nuit, dans son lit.
Korë attendit patiemment que Vi lui permette de leur faire part de sa pensée.
« Mademoiselle Korë. » Sans trop savoir pourquoi, je trouve cela très plaisant qu'elle m'appelle ainsi.
Elle regarda Camille. Ou plutôt « monsieur Camille », à qui elle glissa un mince sourire.
Lui doit trouver cela parfaitement normal.
C'était tant mieux !
Ses prunelles rouges retrouvèrent alors le doux visage de Vi.

- Monsieur Camille dort dans un grand lit. La place ne manque pas - même pour trois adultes. D'autant plus que nous ne sommes pas ce qu'il existe de plus large en ce bas monde.

Elle écarta de ses pensées ce qu'ils avaient fait la nuit dernière. Ce n'était pas le bon moment pour raviver de tels souvenirs.

- Nous ne chercherons pas à le cacher aux enfants, mais nous ne leur dirons rien de concret non plus. S'ils nous posent des questions sensibles, nous ne leur révélerons qu'une partie de la vérité ; la plus saine, qui ne portera point préjudice à leur innocence. Il n'y aura pas de mensonge. Tout juste des non-dits.

Par-dessus sa tasse, elle jongla du regard entre ses interlocuteurs. La bardesse laissa planer un petit moment de silence.

- Après vous avoir entendus, Je vous sais capable, tous les deux, d'employer les bons mots dans des circonstances qui ne sont pas toujours idéales.

Ils formeraient un joli "trouple". Une triangle singulier, porté à la fois sur le plaisir et la magie des Couleurs.