« Je crois que je vais sortir. Oui, il faut que j’aille voir si ce n’était que de belles paroles ou pas. Voir si mes yeux voient autrement. Et qui sait ? Peut-être que mon amie est juste là dehors à m’attendre ? Ah la la, ça sonne si idiot ce que je suis en train de dire. Mais je m’en fiche ! Je suis optimiste aujourd’hui ! Je crois en la vie. Au Chaos bienveillant ! »
Bien entendu, Alma n’a pas trouvé une amie dès le premier jour suite à sa conversation avec Shayne. Mais elle a suivi ses conseils. Elle est allée en ville. Elle s’est par exemple assise à une table dans une bibliothèque. Mais c’était un mauvais choix. Compliqué de se lier dans un endroit où le silence est vénéré. Pour autant, Alma ne considère pas avoir perdu son temps car elle en est ressortie avec une carte d’abonnement et quelques livres qu’elle a emporté dans son hangar.
Un autre jour, elle s’est assise dans un parc. Avec un des livres de la bibliothèque, justement. Ça lui était déjà arrivé auparavant de se faire aborder mais les gens se décourageaient très rapidement au vu du regard glacial de la dame. Aujourd’hui est différent. Un homme plutôt squelettique tout habillé de noir l’aborde. Alma fait un effort mental pour paraitre engageante. L’homme s’assoit. Ils discutent. Dix minutes. Trente minutes. Une heure. A la fin, ils s’échangent leur numéro de téléphone. Mais Alma n’a aucune envie de le rappeler. L’homme ne l’intéresse pas. Elle est allée au bout de l’expérimentation. Comme un exercice pour augmenter ses points dans sa barre sociale.
C’est d’ailleurs à partir de cette rencontre dans le parc qu’elle commence à extérioriser tout ce qui ne va pas dans un cahier. Au lieu de crier aux gens qu’ils sons, elle l’écrit. Au lieu de leur crier dessus, elle leur sourit sur le moment (parfois avec difficulté…) et déverse son monologue agressif dans les pages blanches innocentes. Mais la stratégie semble fonctionner car Alma répète de micro-rencontre et se découvre gagner en aisance.
*Mais… toujours pas mon amie dans les parages. Est-ce que j’ai froissé le Chaos comme on peut le faire avec le karma ? Je ne sais pas. Peut-être que c’est moi qui suis trop impatiente… *
Aujourd’hui, Alma est assise derrière un ordinateur. Mais ce n’est pas le sien. C’en est un public dans un café internet fréquenté par des gens de son âge. Elle trouve la manœuvre débile. Pourquoi aller dans un endroit public alors qu’elle a l’équipement chez soi ? En vrai, cet ordinateur public est moins puissant que le sien. Les protections anti-virus laissent passer plus de cochonneries que le sien. Mais bon, elle doit faire des efforts. Elle se le répète tous les jours comme un mantra. Une bonne semaine qu’elle s’entraîne. Parfois elle a l’impression que sa vie s’améliore. Parfois, elle frappe un punching-ball jusqu’à en avoir mal dans ses articulations…
*Ce parfum ? Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ça me parle ? *
Sa tête se tourne et c’est comme si elle se prend un coup de poing. Mais en bien. Ce qui perturbe d’autant plus Alma.
*C’est lié à une fleur ? Peut-être un souvenir important, alors ? Je n’en sais rien. *
Elle tourne une deuxième fois la tête et prend le temps de détailler la femme. De longs cheveux blonds aux pointes de feu. Une tenue provocante. Elle ressemble à une écolière mais… adulte. Et que dire de cette cravate qui disparait entre ses seins ? Pendant un moment, Alma se demande si ce n’est pas ça tomber sous le charme de quelqu’un.
*Est-ce que c’est le coup de foudre ? Est-ce que ça veut dire que je suis lesbienne ? *
Blonde : « Ca va ? Tu aimes le spectacle ? »
Elle a un ton plutôt agressif. Pourtant, elle garde un sourire enchanteur. Quel est cet étrange mélange ?
« Euh, désolé. Je te trouve, comment dire, magnétique. Tu as… une sorte d’aura qui m’a captivé. Mais, je ne suis pas lesbienne. Enfin, je ne crois pas. Pardon, je dis n’importe quoi. »
La blonde se met alors à rire.
*Est-ce que ça veut dire… que le courant passe bien entre elle et moi ? *
Alma est piégé par la création de Shayne.
« Euh, ça te dirait de passer un peu de temps ensemble ? Toi et moi ? »
Elle a été à pas grand-chose de lui demander direct « tu veux être ma copine ? » comme une attardée mentale qui a d’immenses carences affectives.