The Multiversity

Son comportement déplaisait. Ce n’était pas nouveau. Mais cette fois, c’était blessant. Pour elle, Marischka, parce qu’elle croyait que Lara devenait son amie. Visiblement, il fallait faire plus d’efforts envers Séléné pour attirer plus d’attention de Lara. Ca… promettait d’être usant. Mais de ce que la vie lui avait appris, les relations sociales étaient toujours épuisantes. Il y avait le moment bizarre de la rencontre. On ne se connaissait pas. On ne savait pas quoi se dire. C’était malaisant, en somme. Puis après, il fallait se voir régulièrement. Parler tout aussi régulièrement. Ca devenait un travail. Une sorte de course d’endurance, même d’ultra-endurance si on considérait qu’on voulait conserver une amie toute la vie. Ou, du moins, toute la vie de l’une ou de l’autre.

*Merde. Je n’ai pas écouté le début. Qu’est-ce que j’ai manqué ? *

Le Phénix. Une créature qui apporte autant le malheur que le bonheur. Puis Lara qui continuait en disant qu’il fallait placer Séléné sur un piédestal. Enfin, placer un piédéstal sur le piédéstal. A un moment donné, Lara ne parviendrait plus à lever la tête en s’adressant à celle qu’elle prenait pour une Déesse très en haut de la pyramide hiérarchique des puissances de ce monde. Parce qu’il n’y avait pas qu’un monde. Elle le savait très bien puisqu’elle venait d’un autre.

« Dites, votre Phénix-là, il y en a un par monde ? Ou il peut voyager entre les mondes ? »

Elles allaient toutes les trois se retrouver dans un nouvel endroit : Alma était prête à parier sur une nouvelle téléportation vers cette Chine. Peu lui importait, du moment qu’elle restait avec Lara.

« Parce que là d’où je viens, je crois me souvenir que c’était le surnom d’une femme. Alors je suis pas sur de comprendre : on cherche un oiseau géant ou une énième super-héroïne ? »

Marischka se rapprocha ensuite de Lara. Elle voulait être proche de son amie. Et donc éloignée de Séléné qui, décidément, ne semblait pas la piffrer. Elle voulait qu’on l’éduque ! Elle ! Et puis quoi encore ? Un collier sur son cou. Une laisse attachée. Et ensuite marcher à quatre pattes ? Hors de question ! Et si on l’humiliait à faire ça, alors elle lèverait la patte pour uriner sur tous les bibelots de cet immense manoir.

Il n’empêchait que, elle, cette histoire de Phénix, elle ne comprenait pas l’engouement autour. Tous ces vieux livres excitaient son amie : pourquoi ? Marischka tendit une main pour se saisir d’un vieux carnet. Du grand-père Croft visiblement. Peut-être qu’en le feuilletant, elle découvrirait quelque chose. Peut-être qu’elle comprendrait un peu mieux le délire, l’obsession de sa nouvelle amie. Elle singerait alors l’excitation le temps de créer un lien. Puis après… après serait après. Il fallait d’abord prendre ce carnet qui lui paraissait poussiéreux et voir s’il y avait des images rigolotes à l’intérieur.

L’excitation fébrile de Lara à l’évocation de ce passé ne semblait enflammer qu’elle-même. Sa Maîtresse se montra, comme à son habitude, assez placide, tandis que Marishka ne comprenait pas grand-chose, et ne s’intéressa qu’à la fin à leur conversation. Tandis que sa Maîtresse évoquait l’éventualité d’un voyage en Chine, Marishka les interrogea toutes les deux sur le Phénix. Lara la regarda alors, et la vit attraper le carnet qu’elle avait examiné. Elle se retourna alors, et attrapa un autre ouvrage.

« Il n’existe qu’un seul Phénix… Mais il s’est incarné à différentes reprises au cours de l’Histoire de l’humanité. Encore une fois, son existence est attestée par un phénomène historique bien connu qu’on retrouve depuis la Préhistoire dans toutes les civilisations. »

Ce livre n’était pas un carnet de notes, mais une encyclopédie :

« LES SACRIFICES HUMAINS À TRAVERS L’HISTOIRE – Récit d’un culte rituel universel

Par le professeur Werner von Croy »

Lara posa l’ouvrage, massif, sur la table, et le tendit vers Marishka, tout en récupérant dans la foulée son carnet de notes.

« Le professeur von Croy était un ami de mon père, et l’un de mes mentors. Dans ce livre, il retrace la pratique universelle des sacrifices humains, et pose ensuite comme postulat l’existence d’une civilisation universelle originelle où les sacrifices humains existaient. »

Le rapport avec le Phénix semblait éloigné, mais Lara n’avait pas fini.

« J’ai mené avec le professeur von Croy une expédition au Cambodge, à Angkor Vat, l’une de mes toutes premières expéditions. »

Angkor Vat était un très important site religieux au Cambodge, abritant un temple massif, l’un des plus grands au monde, qui s’étalait sur plus de 160 hectares. Un temple-ville inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui avait été érigé en hommage au dieu Vishnou, avant de se reconvertir pour Bouddha. Lara ouvrit le livre de von Croy, et alla à un marque-pages, où elle montra une photographie prise par von Croy à Angkor Vat, dans un endroit inaccessible au public, le « Sanctuaire des Anciens ». Une photographie y montrait une gravure représentant une femme avec une longue chevelure enflammée.

« L’une des théories de von Croy est que les sacrifices humains sont originaires de l’Atlantide, et visaient à trouver l’hôte du Phénix. Cet hôte était une jeune femme. Selon les anciennes légendes, le Phénix est une créature céleste, une entité très puissante… La conviction de mes parents était que le Phénix avait vraiment existé. Ils n’ont pas connu la femme dont tu parles, Marishka… Jean Grey. Elle a été le dernier hôte connu du Phénix… Jusqu’à présent. »

Lara marcha lentement, examinant les ouvrages.

« Le gène-X… Vous en avez sûrement entendu parler, Maîtresse… Une évolution naturelle du génome humain pour créer une nouvelle race supérieure, dotée de pouvoirs surnaturels, les mutants. Une évolution qui serait liée au Phénix, car le Phénix a toujours été lié aux mutants. Et, récemment, le gène-X a été détruit… Presque totalement effacé. Un bouleversement cosmique induit par Wanda Maximoff, la Sorcière Rouge. Tout laisse donc à croire que le Phénix va revenir… Et c’est là que nous intervenons, Maîtresse. »

Lara se déplaça lentement.

« Votre capacité à absorber l’énergie… Si vous pouviez absorber celle du Phénix… Cela ferait de vous une Déesse que rien ne pourrait arrêter, et vous pourriez ainsi remettre le monde sur les rails. »

En signe de soumission, Lara s’agenouilla devant Séléné, et l’embrassa sur la cuisse, déposant un tendre baiser dessus, suivi de plusieurs autres.

« N’est-ce pas ce à quoi vous aspirez, ô ma Maîtresse ? Si tel est le cas, nous n’avons pas besoin d’aller jusqu’en Chine… Le professeur von Croy se trouve à Londres. Laissez-moi vous le ramener avec Marishka… Nous en profiterons pour répandre votre culte, ma Maîtresse… »

Lara commença à exposer ses théories. Enfin, ses théories, c'était visiblement celles d'un autre. Dans ses explications se mêlaient des événements anciens et d'autres plus récents. L’archéologue semblait bien renseignée sur certains points, mais il y avait quand même aussi une part d’interprétation, comme toujours en Histoire. Tout n'était donc pas garanti, et Selene faisait déjà un peu le tri. Mais la jeune femme lui apprenait aussi des choses que la mutante devrait sans doute connaître. Elle avait bien senti que quelque chose s'était passé, concernant les mutants, mais elle ignorait exactement quoi, et surtout à quoi c'était dû. Ce n'était pas si important, mais c'était sans doute bon à savoir.

"Je n'ai pas souvenir qu'il faille faire des sacrifices pour attirer le phénix. Cette pratique a souvent un autre but, mais passons pour le moment."

Selene s'attardait quand même sur le dessin montré, même si il n'était pas sûr qu'il soit réellement lié au phénix. L'historien était motivé, pour s'être ainsi intéressé aux sacrifices humains, au travers des siècles et des civilisations, mais le phénix s'était déjà manifesté plusieurs fois ces derniers temps, et il n'avait, de ce que la mutante en savait, jamais été question de ces rituels. Il pouvait éventuellement y avoir un rapport, mais pas directement de cause à effet. La sorcière allait peut-être devoir elle aussi dire ce qu'elle savait sur le sujet, même si ça n'avait jamais été le sujet de préoccupation de Selene, elle en avait quand même appris durant son existence.

"Pour ce que j'en sais, le phénix est l'incarnation de ce qui n'est pas né. La disparition, même incomplète, des mutants peut les faire entrer dans cette catégorie."

Puisqu'elle avait choisi de suivre la piste du phénix, Selene devait bien s'impliquer, et réfléchir aux informations que Lara lui donnait. Visiblement, le sujet était plus recherché chez les archéologues qu'elle le pensait, ou en tout cas dans une petite partie de cette communauté. Bien entendu, comme toujours dans ce domaine, il y avait une bonne part d’interprétation, et il fallait bien essayer de distinguer le vrai du faux, et essayer de classer le peut-être dans ces deux catégories. Déjà, elle jugeait bon d'écarter l'idée que des sacrifices pouvaient servir à attirer le phénix. elle en avait fait plus qu'elle ne pouvait en compter dans un volcan, lié au phénix d'après Lara, et rien ne s'était jamais passé, le concernant en tout cas.

"Si ce Von Coy est une connaissance, ne peux-tu pas lui demander de venir? Ce serait plus simple que d'aller le chercher."

Selene savait aussi se montrer pratique. Elle ne savait pas exactement ce que Lara entendait par aller le chercher, peut-être envisageait-elle d'aller jusque-là, de le mettre dans un sac en toile de jute, pour le ramener rapidement jusqu'au manoir. En dehors du fait que ça pourrait le rendre moins coopératif, ça ne prendrait pas forcément moins de temps que de le laisser venir par ses propres moyens. Et ce n'était pas comme si attendre son arrivée serait forcément une perte de temps, la mutante aurait de toute façon dû le faire, pendant que l'archéologue et sa nouvelle acquisition faisaient l'aller-retour, et visiblement quelques détours, pour "convertir" des gens.

"Ne voulais-tu pas analyser des cendres?"

Selene n'avait pas scruté les faits et gestes de Lara depuis leur arrivée mais, comme elle le disait, l'archéologue avait proposé de se rendre dans son manoir pour qu'elle puisse analyser des traces qu'elle supposait liées au phénix. La mutante ne savait pas trop ce que des cendres pouvaient apprendre, mais c'était plus le fait que la jeune femme se dispersait, passait d'une idée à l'autre, en oubliant la précédente, qui posait problème. Si Lara partait dans tout les sens, elle n'arriverait nulle part, il fallait donc un peu la canaliser, pour qu'elle se montre efficace. Et, donc, à moins que ce Von Coy n'habite en Australie, il pouvait sans doute faire le trajet lui-même, pendant que Lara employait son temps autrement.

Ca parlait, ça parlait. Pourtant, Marischka avait des difficultés à suivre tout ça. Peut-être parce qu’elle n’était pas particulièrement impliquée dans tout ça ? Probablement. Il faudrait que des vies soient mises en danger pour qu’elle s’intéresse davantage. Peut-être. Et encore… A moins que ça ne soit la sienne directement ou celle de sa nouvelle amie, tous les autres pouvaient crever. Bon, peut-être pas Selene parce qu’elle avait un lien avec sa nouvelle copine.

*Bref. Il faut que je fasse quelque chose. Ce n’est pas mon truc la parlotte. Je suis plutôt une fille d’action, perso. *

« Dites. »

Elle essayait de s’introduire dans la conversation de la façon la plus… « polie » ? La moins gênante ? Elle ne savait pas trop comment le définir. Mais elle ne voulait pas se mettre les deux femmes à dos.

« Pendant que vous feuilletez les bouquins et inspectez les cendres, je pourrais peut-être aller le chercher votre gars ? Je veux dire, on me téléporte là-bas. Quand j’ai trouvé le gars, je… je vous appelle peut-être ? Et puis vous me re-téléportez ici avec votre éminent savant ? »

L’idée paraissait pertinente, non ? Il n’y avait rien de fou ou d’énervant dans sa proposition, non ? Alma en était à questionner tous ses moindres faits et gestes. Il FALLAIT qu’elle trouve la bonne façon de faire pour se faire une amie et la conserver. C’était si… « nouveau », « inhabituel » pour elle ? Bref, elle faisait des efforts même si les gens qui ont une vie sociale normale ne le remarquait pas.

« Si c’est d’accord pour ce plan, ce serait bien que j’ai une photo pour le reconnaître. Et… j’imagine qu’il ne faudrait pas trop que je l’abime ? Ni lui ni tous ceux qui pourraient se mettre en travers de ma route ? »

Même si les deux femmes ne paraissaient pas être des super-héroïnes, des hérauts du Bon ou du Bien ou d’elle ne savait qu’elle autre mot qui commençait par un B. Ou une autre lettre, en fait. Bref, elle digressait. Qu’est-ce qu’elle pensait déjà ? Ah oui, même si Lara et Selene ne semblaient pas être des saintes, elle imaginait quand même qu’elles n’étaient pas non plus des démones avides de meurtres et de sang. Quoique… elles parlaient tout de même de rituels depuis tout à l’heure. Hum ? Quelqu’un lui a répondu ? Ah oui, tendre l’oreille et être attentive !

Lara répliqua rapidement, et, parfois, les raisons étaient simples :

« Je n’ai pas son numéro. Je l’ai rencontré il y a longtemps, et nous nous sommes plus ou moins perdues de vue depuis des évènements passés… Mais je suppose qu’il ne sera pas contre l’idée de revoir son ancienne étudiante. »

Sa Maîtresse lui parla ensuite de « cendres », ce qui interpella un peu Lara.

« Je n’ai pas cendres du Phénix… Je ne suis même pas sûre que le Phénix puisse émettre des cendres. »

Force est de constater que, malheureusement, sa Maîtresse ne savait pas grand-chose sur le Phénix. Lara aurait espéré qu’elle puisse lui en dire davantage, mais ce n’était pas grave… Séléné restait sa Maîtresse quand même ! Marishka, qui semblait également fort peu inspirée par ce Phénix, signala qu’elle pouvait aller retrouver Von Croy toute seule, pour peu qu’on lui donne l’adresse.

« Je n’ai pas son adresse non plus. »

Elle leur tendit alors quelque chose de bien plus récent : un exemplaire du National Geographic, dans lequel il était consacré un chapelet à une exposition archéologique qui avait lieu en ce moment à Londres. L’organisation était organisée par un riche mécène londonien, Eli Bard, qui avait réuni des vestiges archéologiques de différentes civilisations. Le magazine expliquait que, parmi les invités, il y avait notamment le professeur Werner Von Croy. Le reste de l’article revenait sur l’histoire controversée des Von Croy, car le père de Werner avait été un nazi faisant partie de l’Ordre de Thulé, une société secrète nazie chargée de constituer une mythologie aryenne en réunissant des artefacts et des reliques historiques supposés illustrer la grandeur du peuple aryen. Dans les faits, ils avaient surtout pillé et saccagé des trésors archéologiques ou patrimoniaux. Von Croy serait justement à une réception organisée par Eli Bard. Ce dernier était décrit comme un riche golden boy, l’une des figures montantes de la City londonienne, homme à femmes. Un vrai Bruce Wayne qui figurait parmi les célibataires les plus en vue du tout Londres !

« Pendant que j’étais en votre compagnie, Maîtresse, j’ai justement reçu une invitation de ce Bard à venir à leur soirée inaugurale. Von Croy sera là. Donc, non, Marishka, tu n’iras pas seule chercher Werner, j’y irai aussi… Et je ne tiens pas à ce que tu gâches quoi que ce soit, cette exposition montrera des trésors archéologiques datant de l’ère romaine ! »

Lara sentit un certain étonnement chez sa Maîtresse. Elle pensait logiquement que sa Maîtresse resterait au manoir… Elle ne pouvait pas se douter qu’Eli Bard était une très vieille connaissance de Séléné, et qu’il s’appelait autrefois Eliphas.

En fait, ce n'était pas une connaissance si proche. Un ami de ses parents, un mentor, mais elle n'avait pas garder contact avec lui, et ne pouvait donc pas le faire venir. En même temps, un type obnubilé par les sacrifices humains, ça peut parfois être malaisant. Mais, pour le retrouver, l'archéologue avait une solution, une exposition à laquelle il serait présent, probablement pour donner des explications sur certains des objets exposés. Ça allait être gai, si ça tournait autours des sacrifices. Même si ce n'était pas vraiment son type de lecture, Selene parcourut quand même un peu l'article du National Geographic, un magazine qu'il n'était pas forcément étonnant de trouver dans la maison d'une famille d'explorateurs.

Selene ne poursuit pas réellement la discussion sur les cendres, elle était sûre que Lara avait prélever quelque chose, et qu'elle voulait l'analyser, mais bon, la mutante n'en attendait pas grand chose, de toute manière. Visiblement, l'exposition était organisée par une sorte de nouveau riche qui s'était mis à acquérir des antiquités et les montraient. Un classique dans le milieu. Mais la mutante tiqua un peu en voyant une photo de ce mécène. Elle connaissait ce visage, et surtout l'associait à quelqu'un dont le prénom commençait par Eli. C'était il y avait des siècles, mais elle lui avait donné la possibilité de vivre éternellement, histoire que sa condamnation à ne plus jamais la revoir soit réellement conséquente. Mais peut-être que la possibilité d'un événement cosmique aussi exceptionnel pouvait justifier de revoir cette peine, surtout que l'individu était un vampire psychique depuis plus longtemps que Lara. Même si elle avait d'autres atouts, comme un peu de sorcellerie, il était impossible de savoir ce qu'il avait pu acquérir durant tout ce temps. Il se pourrait donc que, même avec une invitation, l'expédition de l'archéologue se passe mal. Il était sans doute préférable que la sorcière soit là, au cas où.

"Soit. allons à cette exposition."

L'événement avait lieu à Londres, le déplacement ne serait donc pas forcément un problème. Il faudrait cependant prendre le temps de se préparer, autant pour l'exposition que pour les rencontres, que ce soit celle avec Von Coy ou celle avec Eli. De toute façon, il faudrait attendre que ça commence. Il faudrait vérifier l'heure sur l'invitation de Lara.

"Il faudra penser à l'habiller. Et peut-être lui apprendre un peu à se conduire en société..."

Selene pointa en direction de la nouvelle membre de leur petit groupe. La sorcière avait l'habitude de ces soirées mondaines, et Lara l'avait sans doute aussi. La jeune femme, par contre, semblait avoir été éduquée dans une ferme, dans un événement qui se voulait culturel et raffiné, ça pourrait vite tourner au désastre...

Bon, bah finalement elle n’ira pas en mission solo. Sa nouvelle amie ne veut pas. Marischka hausse les épaules. Dans le fond, elle ne se sent ni triste ni vexée. Après tout, cette histoire ne la touche pas personnellement. Elle voulait juste faire plaisir à sa nouvelle amie. A la limite, ce qui la dérange, c’est surtout de rester debout à rien faire. L’inaction, ça, elle a du mal à gérer.

*Des trésors qu’elle dit. Je suis sure qu’elle sera super contente quand elle découvrira un morceau de vaisselle pété ou peut-être quelques petits carrés de couleurs formant vaguement un personnage sur un mur ? Pff… Je ne comprends pas. Non, vraiment, je ne comprends pas comment ce genre de truc peut être intéressant. Mais si elle aime ça, je vais faire au moins faire semblant de m’y intéresser. *

Elles vont donc toutes les trois aller à l’exposition. Donc cette Selene sera toujours dans les parages avec sa nouvelle amie. Ça n’arrange pas vraiment les affaires de Marischka. Elle aimerait bien être toute seule avec Lara. Elle arrêterait surement de jouer au rôle du petit chien-chien si sa maîtresse n’est plus dans les parages. Elle hausse les épaules. Elle n’a pas le choix. Elle doit subir sa présence pour le moment.

« Tu sais, je suis juste à côté de toi. Je ne suis peut-être pas une femme née avec je ne sais plus quelle pièce de vaisselle en je ne sais plus quel métal dans le cul, mais je ne suis pas débile non plus. »

C’est fou comme cette Selene est condescendante avec elle. Ça donne à Marischka des envies de… frapper… qu’elle retient. Mais sa langue, ça, elle ne la retient pas.

« Et je suis habillée. Je suis très bien comme je suis. Vous n’avez pas intérêt à me forcer à mettre une robe et des talons hauts. »

Impossible de courir avec ces merdes vestimentaires. C’est la voie assurée pour mourir.

« Et qu’est-ce que ça veut dire m’apprendre à conduire en société ? Si je voie un verre d’alcool, il faudra que je le bois en cent gorgées et interdire de faire cul-sec ? Pour manger les petits gâteaux, il faudra que je lève le petit doigt ? De toute façon, à part manger et boire, il y a peu de chance que je tape la causette avec les gens. Je collerais Lara comme son ombre. Je ne vois que deux missions pour moi : protéger Lara et kidnapper l’autre qui semble important pour vos affaires de Phénix. »

Eliphas House,
Knightsbridge, Londres

Le quartier de Knightsbridge était l’un des plus huppés de Londres. Situé au cœur de Londres, il était au sud de Hyde Park, et était connu pour ses magnifiques propriétés victoriennes, de grands hôtels particuliers luxueux avec de multiples jardins publics et de grandes avenues très aérées. C’était un peu la carte postale de Londres. Lara utilisa l’une de ses voitures pour y aller, et, puisque Marishka était décidée à ne pas porter de robe, elle allait jouer le rôle de chauffeuse, et de garde du corps. Elle avait donc enfilé un costume noir qui mettait en valeur ses formes, et qui lui allait plutôt bien. Lara, elle, avait enfilé une robe noire, très moulante, et elle avait offert à Séléné, qui ne pouvait tout de même pas se rendre à une soirée en tenue de dominatrice en latex, un ensemble très élégant, en noir et rouge, et en cuir. De fait, l’habillage avait été un peu plus long que prévu, puisque les deux femmes avaient fait l’amour entre-temps.

Quand la voiture arriva, Lara embrassait d’ailleurs avec appétit sa Maîtresse. La jeune femme n’avait eu qu’à passer quelques coups de fil pour être inscrite sur la liste. Sa voiture passa par l’arrière, longeant les grandes maisons de Knightsbridge, jusqu’à rejoindre un portail à l’arrière. Il s’ouvrit à leur approche, et la voiture passa sous une arche pour rejoindre une cour intérieure, avec une grande fontaine en marbre au centre. Des domestiques en costume l’invitèrent à se garer sur le côté, à côté d’autres voitures de luxe.

« Il y a du gratin par ici. »

Les domestiques les guidèrent vers l’intérieur de la maison, et Lara précisa aux gardes que Marishka les accompagnait. Elle ne tarda pas à sentir la présence d’un autre vampire psychique à l’intérieur. C’était cet Eliphas dont sa Maîtresse lui avait parlé tantôt… Mais sa cible restait Werner von Coy !

L’exposition privée portait sur des trésors archéologiques qu’Eliphas exposait, en vue d’une vente aux enchères ensuite. Il y avait donc du beau monde. Beaucoup des trésors exposés avaient été récupérés par un chasseur de trésors que Lara connaissait bien, puisque c’était son ex-petit-ami, qui ne tarda d’ailleurs pas à se manifester.

« Ça alors ! Tu ne vieillis pas, Lara ! J’ai été surpris de voir ton nom sur la liste, tu es plutôt du genre à fuir ce genre de cérémonies… »

Chase Carver ! Ancien membre des Navy SEAL, Carver était beaucoup moins scrupuleux qu’elle.0 Il observa la femme qui accompagnait Lara, Séléné, puis Marishka, et sourit.

« J’interromps quelque chose ?
-  Carver… Je cherche Von Coy.
-  Le Boche ? »

Lara fronça les sourcils. Chase n’avait jamais caché son hostilité envers les Allemands, ni, de manière générale, son mauvais comportement. Il regarda encore Séléné, louchant sur sa poitrine, mais surtout sur le diadème qui s’y trouvait.

« Et vous êtes ?
-  Séléné… Ma mécène. »

Mieux valait éviter de révéler publiquement qu’elle était sa Maîtresse, après tout !

« Oh… J’avais entendu des rumeurs comme quoi tu étais avec… Euh… Nathan Drake ?
-  Est-ce que tu sais où se trouve Von Coy ? »

Carver haussa les épaules.

« Nan. »

Lara grommela, et s’écarta.

« On devrait se séparer, ce sera plus simple pour le trouver. La première qui me trouve me prévient, il me parlera plus facilement qu’à vous… Enfin, je pense. »

Difficile de dire si Marishka allait le faire, ou si elle allait préférer rester avec elle. Quant à Séléné, sa présence n’avait pas échappé au maître des lieux, car, dès qu’elle commença à s’écarter, deux agents de sécurité s’approchèrent d’elle.

« Madame ?
-  Monsieur Eliphas souhaiterait instamment vous voir. Voulez-vous bien nous accompagner à l’étage ? »

L'assistante de Lara refusant de porter une belle robe et de faire des manières, l'archéologue décida de la faire passer pour un chauffeur et garde du corps. Il n'était pas sûr qu'elle serait convaincante, mais plus en tout cas que dans le rôle de quelqu'un ayant appris à vivre en société. Pour Selene, Lara prépara aussi une tenue, une robe de soirée qui lui permettrait sans doute de passer plus inaperçu que ce qu'elle portait actuellement. À croire qu'elle oubliait que la sorcière pouvait se changer d'un simple geste de la main, à moins qu'elle ne doute que la mutante sache ce qui se portait en société au vingt-et-unième siècle, ou que ce n'était qu'une excuse pour la séance de détente qui se passa entre le moment où elles avaient enlevé ce qu'elles portaient et celui où elles avaient enfilés leur tenue de soirée.

Le trajet se fit en voiture. C'était sans doute le moyen le plus normal d'arriver, mais pas le plus rapide. La demeure de Lara se situait près de Londres, mais il fallait encore aller jusque là, puis se frayer un chemin dans les rues encombrées de la ville. Mais elles finirent par arriver. Selene ne connaissait pas forcément grand monde dans cette soirée, mais Lara disait qu'il y avait du gratin. Il fallait dire que la mutante fréquentait plutôt le beau monde des Amériques, à part les Braddock, bien sûr, qui, malgré leurs racines anglaises, passaient pas mal de temps aux USA. Mais ils n'étaient pas là, l'Antiquité ne devait pas être leur passion.

Après leur arrivée, elles tombèrent vite sur une connaissance de Lara. Il avait fait un effort vestimentaire pour la soirée, mais ça se voyait qu'il n'était pas vraiment de ce monde. Quoi qu'il en soit, la discussion tourna court, l'archéologue l'orientant constamment sur la personnes qu'elles étaient venues voir. Et, finalement, la jeune femme proposa de se séparer, pour retrouver plus facilement l'homme en question. Ça ne devait pas être si dur, elles avaient pu voir à quoi il ressemblait dans le magazine que Lara leur avait montré, et il devait sans doute être en train de faire la discussion quelque part. Mine de rien, les archéologues et autres chercheurs n'avaient pas forcément souvent l’occasion d'être en présence de gens ayant plus d'argent qu'ils ne pouvaient en dépenser. Même si il avait déjà un mécène, il devait sans doute essayer de vanter ses travaux et leur intérêt au plus grand nombre. Avec un accent teuton, apparemment.

Mais, à moins qu'il ne le fasse près des petits fours, il y avait peu de chance que ce soit la cinquième roue du trio qui le trouve. Ce serait sans doute Lara puisque, à peine séparée des autres, Selene fut abordée par la sécurité. Sécurité qui lui confirma que l'organisateur de cette soirée n'était pas juste un sosie d'une vieille connaissance, en le nommant directement par le nom par lequel il était connu il y a pas mal de siècles. Il voulait parler à la mutante. La sorcière n'en avait pas spécialement envie, mais elle n'était pas là pour faire de l'esclandre. Il ne manquerait plus que le professeur disparaisse si les choses se gâtaient. Et puis, il était peut-être avec son mécène, on ne savait jamais. Même si cette manière de l'inviter était un peu rude, la sorcière suivit donc la sécurité, jusqu'à l'étage où se trouvait le propriétaire des lieux.

"J'ai souvenir de t'avoir condamné à ne plus jamais me revoir. Mais je suppose que comme c'est moi qui suis venue chez toi, je peux laisser passer."

Selene n'était pas spécialement rancunière, à vrai dire, elle pouvait très bien s'allier avec des gens lui ayant mis des bâtons dans les roues il n'y a pas longtemps. Mais dans le cas d'Eliphas, c'était par son incompétence qu'il avait fait échoué son plan. La mutante l'avait donc purement renié et, pour rendre son châtiment plus dur, avait fait en sorte qu'il dure au-delà de la ridicule espérance de vie de l'époque. Il était vrai que, comme cette soirée était la sienne, elle se devait de faire preuve de diplomatie, mais ça ne voulait pas dire qu'elle devait se radoucir, elle avait ses principes.

"J'ai à faire, dis-moi vite ce que tu veux, Eliphas. Ou Eli Bard, j'ai cru comprendre que tu te faisais appeler comme ça, maintenant."

Marischka est surprise. Elle s’attendait à devoir batailler concernant cette histoire de robe. Mais voilà que les deux femmes abdiquent et lui font alors porter une tenue pratique. C’est-à-dire celle d’un garde du corps. (accessoirement chauffeur. En deuxième position. Parce que combattre est plus honorant que tenir un volant).

Bref, Marischka est habillée. Elle a dû attendre que les deux femmes finissent de se bécoter et se mettre des doigts. Pourquoi faire ça maintenant alors qu’elles partaient en mission ? Marischka n’a pas compris. Alors, les bras croisés, adossée au mur, elle a tapé du pied jusqu’à ce que les « demoiselles » soient en robe et prêtes à partir.

Oui, autant dire que la conduite a été un peu… « sportive » ? Brusque ? Bon, pour Lara, Marischka a fait des efforts. Elle a levé le pied. Elle a respecté tous les signaux lumineux et ces autres traits de peinture un peu partout. Elle a même réussi à manœuvrer d’une façon convaincante une fois arrivée sur les lieux.

A l’intérieur, première altercation. Si Lara n’avait pas été si vive à répondre au pot-de-colle, c’est elle qui aurait pris l’initiative. Finalement, ça se termine et l’information n’est toujours pas obtenue. Marischka, pendant ce temps, a déjà observé toutes les issues possibles et probables. Le nombre deportes, fenêtres, escaliers et probables endroits dissimulés. Elle observe les gens. Et surtout les armements.

« Se séparer ? OK. »

*Te prévenir ? Ca, on verra selon la situation. *

Selene est déjà retenue ailleurs. Lara s’en va de son côté. Marischka se retrouve toute seule sans savoir comment agir dans cette inutilité de paillettes et de champagnes. Les bras croisés, l’air mauvais, les gens la contournent. Elle est un obstacle gênant dans la foule. Alors un « confrère » vient à sa rescousse.

« Je ne suis pas une princesse à sauver. »

Garde du corps : « Je n’ai pas dit ça. Je suis seulement là pour t’aider. C’est ta première fois ? »

« Tu dis ça parce que je suis une femme ? »

Garde du corps : « Mais non, pas du tout. Seulement, tu sembles être comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Bref, allons droit au but. Tu sembles être ce genre de nana. Tu cherches qui ? »

« Un type nommé Von Coy. Les deux femmes que je… protège en ont besoin. »

Le garde du corps lui indique la dernière position vue de la cible. Il ne faut ensuite pas plus de deux minutes à Marischka pour pister et retrouver Von Coy.

C’est un doigt tendu et une voix forte (qui dérange les gens en robe et les autres en smoking) qui interpelle l’homme recherché.

« VON COY ! Bouge pas ! Il faut qu’on te parle. Viens avec moi qu’on retrouve Lara et l’autre. »

« Séléné ! Je dois admettre que je suis surpris de te voir ici… Si loin de ta jungle. »

Le bureau d’Eli Bard était assez confortable, avec une porte-fenêtres donnant sur Hyde Park. Dans un impeccable smoking sur mesure, il accueillit avec un grand sourire celle qui fut jadis sa Maîtresse, et dont la familiarité était assez surprenante.

Eli Bard s’appelait jadis Eliphas. Il était un simple soldat romain abandonné par sa femme et errant comme un vaurien dans les rues de Rome quand il avait croisé la route de Séléné. Elle lui avait offert de grands pouvoirs et lui avait ordonné de pratiquer un rituel consistant à sacrifier les habitants de Rome pour que sa Maîtresse atteigne la divinité. Un acte qu’Eliphas aurait pu réussir, mais dont il fut empêché par la présence de Claudia, une jeune esclave avec qui il s’était lié d’affection lors de son errance à Rome. Furieuse de son échec, Séléné l’avait abandonné, non sans lui absorber sa magie, faisant de lui une sorte de monstre hideux. Elle avait refusé de le tuer, estimant que la mort serait trop douce pour lui. Il était alors un amoureux transi, véritable fanatique de Séléné…

« Je sais que tu t’es terrée dans les fins fonds de l’Amazonie. Je sais beaucoup de choses sur toi. Nova Roma… Amusant, n’est-ce pas ? Je me demande si, au fond de toi, tu ne regrettes pas l’époque antique. Il est vrai qu’on pouvait baiser et boire beaucoup plus facilement que maintenant, mais le monde moderne offre aussi ses avantages. Tu veux un peu de vin ? »

Eliphas se déplaça vers un minibar, et sortit du scotch. Il en remplit deux verres.

« D’aucuns pourraient croire à une coïncidence… Mais je suis assez fataliste. Nous étions destinés à nous retrouver. La Maîtresse et l’Élève. »

Eliphas sourit doucement, et s’assit sur un fauteuil du côté du living room. Il semblait étrangement détendu.

« Tu es toujours aussi belle… Mais je dois admettre que je suis… Assez déçu. Ce que tu m’as fait à Rome m’a mis dans un état catatonique. J’ai émergé bien des siècles après, et j’ai été surpris de voir que la femme que je vénérais tant n’était toujours pas la Déesse qu’elle voulait être… Et, pire, qu’elle s’était dissimulée au fin fond de l’Amazone. Je suis déçu. Sincèrement. »

L’homme se releva lentement, et se déplaça, observant la fenêtre, tournant ostensiblement le dos à Séléné.

« Toutes ces vies, tout ce potentiel… Et toi qui n’en fais rien. Tu es faible, Séléné. Je t’ai aimé, je t’ai vénéré… »

Il se rapprocha d’elle, et sourit lentement.

« Quand j’ai repris mes forces, la première chose que je voulais faire était de te retrouver. J’ai voyagé jusqu’au Nouveau Monde, où j’ai croisé des Apaches. C’est eux qui m’ont… Scellé. J’ai été enfermé, maintenu dans une sorte de stase entre la vie et la mort pendant plusieurs siècles, jusqu’à ce qu’on me libère. On m’a offert un nouveau pouvoir. Ma première option fut de refuser. Je me rendis à Nova Roma, convaincu que tu étais enfin devenue une Déesse. Et j’ai vu une femme qui gaspillait ses pouvoirs, qui vivait recluse au milieu de larbins amorphes… On m’a retrouvé, et j’ai accepté le don. »

Eliphas sourit doucement.

« Ce que je veux est assez simple… Ce rituel que tu souhaitais organiser… Je vais le faire. Je vais devenir ce que tu rêvais d’être, puis je te ferai subir ce que tu m’as fait subir. Je t’humilierai. Je te mettrai à genoux. Mais je ne te transformerai pas en monstre, non. D’abord, je te baiserai. Et je te baiserai encore. Puis je te briserai. Et je te reconstruirai, pour te baiser à nouveau. Crois-moi, j’ai largement eu le temps d’imaginer tout ce que je pourrais te faire subir pour m’avoir rejeté, et je suis très curieux de voir jusqu’à quel point ma fertile imagination pourra se développer avec toi. Est-ce que cela te plaît comme plan, ma chérie ? »

Le sourire d’Eliphas s’élargit légèrement, pour devenir malsain, empreint de cruauté…

…

En contrebas, Werner von Coy sursauta quand il entendit une femme l’appeler. Le vieil archéologue allemand était en pleine conversation avec une diplomate anglaise, lui parlant de ses explorations en Égypte. Werner omettait évidemment de dire qu’il avait été pendant un temps l’avatar de Seth, et qu’il avait été sauvé de ce sinistre sort par Lara Croft. Un lien très fort l’unissait donc naturellement à la jeune femme, et il se retourna vers l’espèce de garçon manqué en costume qui se rapprocha de lui.

« Oui, Fraülein ? Vous… Vous dites que Lara Croft est ici ? »

Werner von Coy semblait sincèrement surpris. Ils avaient été bons amis dans le temps, mais leur relation s’était détériorée suite aux évènements en Égypte. La femme face à lui – Marishka – semblait assez pressée, et il s’empressa de la suivre, boitillant avec sa canne. Elle voulait retrouver Lara, et partir d’ici.

« Je… Je suis confus, Mademoiselle, Lara ne souhaitait plus me parler… »

Ils rejoignirent une galerie, s’éloignant un peu des convives. Marishka semblait capable de pouvoir repérer la position de Lara. Tandis qu’ils se déplaçaient, des bruits de pas résonnèrent derrière eux. Surpris, Werner se retourna, et vit plusieurs agents de sécurité.

« Désolé, nous sommes peut-être dans un endroit interdit ? »

Les agents de sécurité portaient tous des lunettes de soleil, et des yeux rouges s’illuminèrent derrière. En souriant, ils révélèrent des crocs de vampires.

« Le Maître souhaite s’occuper en personne de Séléné… Mais, en ce qui concerne ses suivantes…
-  Celle-ci a l’air d’avoir bon goût… »

Werner se recula nerveusement, tandis que les vampires se déplaçaient lentement, leurs ongles s’étirant dangereusement pour former de longues griffes acérées…

Eli ne tint visiblement pas compte de ce que venait de dire Selene. Bien sûr, il commença par lui dire pourquoi il l'avait fait venir, mais il tourna bien longtemps autours du pot avant ça. De toute évidence, il avait beaucoup de choses à dire à la mutante, même si celle-ci n'en avait pas grand chose à faire. Ses errances, ses opinions, le fait qu'il croie que le scotch était un vin, l'inconvénient d'être immortelle, c'était que la sorcière ne pouvait pas mourir, même d'ennui, et même si elle le souhaitait pour ne plus avoir à écouter son monologue. Malgré tout, ce discours contenait quelques informations, pas forcément très utiles néanmoins, mais on ne savait jamais. Et enfin, la conclusion arriva, elle devait sans doute inquiéter Selene ou la déstabiliser, mais elle était surtout soulagée d'en avoir fini avec ce déballage. De toute évidence, des avantages du monde moderne dont il parlait, Eli n'avait pas entendu dire qu'il était possible d'aller voir un psy, plutôt que d'embêter les autres avec ses problèmes.

"Dois-je te rappeler à cause de qui je ne suis pas parvenue à mes fins? Tu as été incapable de réussir alors que je t'avais confié la partie la plus simple du rituel, et tu penses y arriver par toi-même? Il y a tant de choses que tu ignores à ce sujet, le simple fait que tu penses qu'il m'aurait suffi de recommencer n'importe où n'importe quand le prouve bien."

Selene prit le verre que Eli lui avait servi, et passa lentement le doigt sur sa surface. Contrairement à son interlocuteur, elle ne s'assit pas, mais restait debout. Elle n'allait pas le ménager, elle ne l'avait déjà pas fait dès son arrivée, et ce qu'il disait ne donnait pas spécialement envie de se montrer plus aimable.

"Je suis loin d'être devenue faible, Eli, mais, toi, tu sembles être devenu stupide. Peut-être ces périodes de sommeil et d'enfermement ont-elles laissé à ton cerveau le temps de pourrir. À l'époque, tu savais bien que rien n'est gratuit, je t'ai demandé beaucoup, mais je t'ai offert beaucoup aussi, ce qui ne t'a pas empêché de me décevoir. Et maintenant, quelqu'un te libère, s'obstine à t'offrir un don pour que tu puises obtenir ce que tu veux, par pure philanthropie? Allons, personne n'est assez naïf pour y croire."

Si Eli restait concentré sur Selene, même si il lui avait tourné le dos pendant une partie de son discours, la mutante, même si elle lui parlait, ne lui prêtait pas forcément la même attention. Elle pencha son verre, en observant le contenu ambré, comme si la discussion n'était que secondaire, puis le reposa finalement sur la table.

"Tu as toujours été un pion, Eli. Au moins, moi, j'ai été sincère à ce sujet. Je ne sais pas qui a pu penser que tu pourrais être utile, ni ce qu'on t'a donné dans l'espoir que tu pourrais en faire quelque chose, mais ton plan sent tellement l'échec que n'importe qui s'en rendrait compte, même avec le nez bouché."

Selene reprit son verre, s'éloignant un peu de son interlocuteur, passant à nouveau son doigt sur le bord, sans pour autant commencer à en boire. Elle avait dit à Eli ce qu'elle pensait de son plan et, clairement, elle ne l'aimait pas. Ce n'était pas vraiment ce que Eli comptait faire qui la dérangeait dans cette histoire, plutôt le fait que, encore une fois, il n'était qu'un pantin dont quelqu'un avait récupéré les ficelles. Ce n'était pas parce que la mutante avait jeté un accessoire qu'elle était d'accord pour que n'importe qui l'utilise au besoin.

"Voilà mon plan. Tu continues de profiter de ce monde moderne, dont tu sembles appréciés les avantages, et tu restes loin de mes affaires. Je ne t'ai pas laissé grand chose, mais tu devrais t'en contenter, plutôt que de m'inciter à te l'enlever aussi."

Face à Séléné, Eliphas avait du mal à masquer ses émotions. Il avait aimé cette femme… Oh oui, il l’avait aimé ! Et il l’aimait toujours, en soi ! L’amour avait viré à la haine quand elle l’avait renié, mais cet amour était toujours là. Il l’avait délibérément provoqué, et la Séléné dont il se souvenait l’aurait sans aucun doute dû tuer pour de telles réflexions… Mais elle n’en fit rien, se contentant de hausser les épaules, de traiter cela avec dédain, le décrivant à nouveau comme un pion, aux services d’un autre maître. Un sourire amusé orna les lèvres d’Eliphas, qui se redressa encore, peinant à conserver son calme.

« Je t’aime toujours, tu sais… C’est la seule raison pour laquelle je te fais cette proposition, ma chère Séléné. Joins-toi à moi. »

Un changement de ton et d’habitude par rapport à ses provocations salaces.

« Ce n’est pas mon plan… Tu ignores vraiment ce qui se passe, hein ? »

Eliphas sourit doucement.

« Ne vois-tu pas les pièces qui se mettent en place ? Toi qui sors de ta jungle alors que le Phénix revient, et que les Olympiens sont tombés… Était-ce simplement un hasard si tu es tombée sur cette aventurière, et qu’elle ait réussi à te convaincre de sortir de ta douce retraite ? Des forces supérieures te manipulent sans même que tu ne t’en rendes comptes, ma chère. Une guerre approche… Je l’ai vu dans mes rêves. Des feux détruiront le monde, les corps s’amasseront dans les rues, des villes réduites en cendres… Des représailles. »

Difficile de savoir de quoi il parlait précisément, tant son propos ressemblait à celui d’un mystique.

« Tu n’as pas le choix, ma chère… Soit tu es avec moi, et tu auras une chance de survie quand Ils viendront… Soit tu t’obstines dans ton arrogance, et tu seras balayée. Les choses que j’ai vus, Séléné, les êtres que j’ai aperçus… Tu n’as aucune idée de leur potentiel. Mais peut-être veux-tu te faire une idée ? »

Eliphas releva alors la manche de sa chemise, et dévoila son avant-bras. Il était vierge… Mais Eliphas n’eut qu’à se concentrer pour qu’une marque des plus sinistres se forme, taillée magiquement dans la chair d’Eliphas, une marque qui ne pouvait que mettre mal à l’aise, tant elle semblait susciter chez les gens des peurs primaires, préhistoriques :


« Touche… Touche, et tu sauras. »

Oh oui. Oui ! OUI oui oui !

« Enfin ! »

Von Croy était soudain la plus belle chose qui lui soit arrivé depuis qu’elle avait mis les pieds dans cette mission ennuyeusement aristocratique. Ces… choses qui mettaient des lunettes de soleil A L’INTERIEUR d’une mission alors que le SOLEIL s’était couché. Etaient-ils stupides à ce point ?

« On va tellement s’amuser vous et moi ! »

Elle souriait. Putain oui, elle souriait de joie anticipée !

« Von Machin. Tu restes derrière. »

Elle se retourna pour lui faire face. Juste le temps de lui dire une dernière chose.

« Ah. Une dernière chose. Tu n’as pas intérêt de mourir ou je te tuerais, COMPRIS ? »

Manque de logique ? Qui s’en fiche ici alors qu’une bataille débute ? Marischka laisse ses tentacules sortirent de ses avant-bras. Des lianes qui fusent comme des serpents affamés. Mais ça ne suffit pas. Elle n’est pas simplement une copie cassée de la célèbre Poison Ivy. Elle est plus que ça. Alors les extrémités de ces tentacules se recouvrent de métal liquide avant de devenir de mortelles lames aiguisées.

« Tu ne me mangeras pas le cannibale ! »

Marischka n’avait pas percuté qu’elle faisait face à des vampires. Trop ivre de pouvoir se lâcher et faire saigner l’agent de sécurité qui voulait la goûter.

Car, elle avait beau être folle, brisée ou peu importe le terme qui vous passait par la tête : Marischka était une survivante d’un monde bien pire que celui-là. Un monde post-apocalyptique dirons-nous qui ne lui avait pas offert l’amour de ses parents. Un monde où elle avait vécu toujours toute seule et où, les seules fois où elle avait cru en l’amitié ou ce genre de conneries : elle avait dû tuer parce qu’elle avait été trahie par derrière…

Alors oui, Marischka était « une petite chose brisée » mais elle excellait dans l’art de survivre. Et, par conséquent, de TUER !

Le ton d'Eliphias changea. Selene imaginait bien que ça arriverait, après qu'elle lui aie répondu, mais elle s'imaginait plutôt que ses propos le mettrait en colère et le rendrait encore plus agressif. Au contraire, il se montra plus diplomate, proposant à la mutante de se joindre à lui, plutôt que de subir ses projets. La sorcière avait du mal à dire si il craignait les événements qui viendraient ou si il avait envie de les concrétiser, mais en tout cas, il véhiculait une prophétie plutôt apocalyptique. Et bien sûr, il restait nébuleux, parlant de forces supérieures, de "ils", comme si ça lui aurait coûté plus cher d'être précis, pour se faire plus clairement comprendre. Enfin, pour plus d'informations, la sorcière pouvait toucher la marque qui venait d'apparaître pour son bras, apparemment. Est-ce que ce n'était pas comme ça que fonctionnaient certaines arnaques téléphoniques?

À vrai dire, Selene aurait pu toucher cette marque par curiosité, pour savoir exactement de qui était le plan bancale d'Eli. D'une certaine manière, il devait s'agir de quelqu'un ayant assez de pouvoirs pour laisser quelqu'un d'autre profiter du rituel, mais pas assez pour pouvoir se passer de celui-ci dans ses plans. Autant chercher un nombre supérieur à cent mais inférieur à quatre-vingt, en somme. Le plus logique était donc de partir du principe que la réussite d'Eli n'était pas le plan réel de son bienfaiteur.

"Tu es bien renseigné, Eli, mais seulement sur peu de choses."

Il serait difficile de faire croire à Selene que Lara pouvait avoir été envoyée pour la faire sortir de Nova Roma, puisqu'elle l'avait déjà quittée depuis un certain temps, et elle n'y serait peut-être plus passée depuis si l'arrivée de l'archéologue n'en avait perturbé le calme. Mais la mutante devait admettre qu'elle n'était pas réellement ici de son propre chef. Elle n'avait pas encore résolu le mystère de la transformation de Lara, et celle-ci l'avait menée jusqu'ici. L'archéologue avait semé quelques pistes, sans pour autant en mené une à bien, pour finalement l'amener ici. En dehors du fait d'éliminer l'idée de chercher des réponses en Chine, Lara semblait avoir aussi complétement oublié qu'elle voulait faire analyser de la poussière trouvée dans la chambre magmatique de Nova Roma. Si la sorcière devait chercher comment elle aurait pu être manipulée, on pouvait dire que l'archéologue aurait pu l'appâter avec la puissance du phénix, tandis que, en prétendant vouloir faire le rituel lui-même, Eli la forcerait à réagir, face à une concurrence. Si quelqu'un avait besoin que le rituel se fasse, ça pouvait être parce qu'il ne pouvait pas le faire lui-même. Ça pouvait se concevoir, Selene le connaissait et l'avait adapté pour elle et, bien qu'il devait pouvoir se trouver dans l'une des pages infinies du livre des Vishanti, elle était donc peut-être la seule à pouvoir le mener à bien. Le plus probable, donc, serait que le "commanditaire" d'Eli souhaite la pousser à le faire, très probablement pour en profiter lui-même. Mais, dans ce but, l'informer qu'elle était manipulée n'était pas vraiment la manœuvre la plus habile, et le changement de ton d'Eli pouvait aussi être le signe d'un changement de stratégie. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas vraiment efficace pour convaincre la sorcière.

"Tu as dit que je n'avais pas le choix, mais tu m'en as donné un. Jouer les larbins dans un monde en ruine est moins attrayant que tu ne sembles le croire, je vais plutôt tenter ma chance de mon coté."

D'une certaine manière, ne pas entrer dans le jeu d'Eli était sans doute la meilleure manière de tenter sa chance. Si effectivement sa collaboration était nécessaire, elle n'avait pas réellement à s'inquiéter de ce que Eli venait de lui annoncer. À la place, elle devrait plutôt se reconcentrer sur ce qu'elle faisait elle-même et, pour cela, il faudrait sans doute quelques éclaircissements de la part de ce Von Coy. Et de Lara aussi. Et peut-être aussi de l'autre, avait-elle seulement dit comment elle s'appelait?

"Alors, si tu n'as rien d'autre à me dire, je pense qu'on en a fini."

Eliphas ne put que sourire devant les réticences de Séléné.

« Le monde est déjà en ruines, tu sais. Y compris notre propre race. On peut dire que tu as fait fort. »

Elle n’avait pas voulu tenir sa main, ce qui ne lui avait pas échappé davantage.

« Au fond de toi, tu le sens, n’est-ce pas ? Cette force qui t’effraie depuis que tu es toute petite… Ce besoin compulsif que tu as de rechercher à ce point de la puissance… Nous n’en avons pas totalement fini, en réalité. Vois-tu, j’ai eu beau gagner des pouvoirs, je ne suis pas encore de taille contre toi, ma belle. Mais lui, en revanche… »

La porte s’ouvrit alors. Une silhouette émergea derrière, et Séléné put peut-être ressentir la présence malfaisante qui se trouvait derrière, et dont les yeux rouges la fixèrent dans la pénombre. Il portait un grand manteau et un lourd chapeau, et se rapprocha, devant courber la tête pour passer derrière la porte.

« Séléné… Quel heureux hasard ! Mais nous ne sommes plus des enfants qui croyons au hasard, ma douce enfant. »

Une voix grave et sinistre s’échappait des lèvres de la créature. Sans doute avait-il jadis été humain, mais, au son du craquement de ses os dans son corps, on pouvait constater que cette créature ne l’était plus depuis longtemps.

« Une heureuse rencontre, oui… Ce pauvre enfant était tellement perdu quand sa mère l’a abandonné. Pardonnez son enthousiasme, tout enfant est heureux de pouvoir rivaliser avec sa mère. Moi, voyez-vous, mes motivations sont bien différentes. Vous arrivez trop tard pour contrecarrer nos plans, jeune femme. »

La silhouette massive du monstre émergea tandis qu’Eliphas s’écarta prudemment. Des mains griffues apparurent, avec des griffes interminables, tandis qu’un visage hideux et grimaçant, révélant des dents longues, pointues et pourries se dressaient. Deux ailes se pointèrent alors dans son dos, achevant de déchirer son costume.

« Je m’appelle Arnold Leach… Et toi, tu es mon dîner ! »

La main de Leach fusa alors, et attrapa Séléné à la gorge, puis la plaqua lourdement contre le mur. Leach commença alors à aspirer sa force vitale, comme Séléné aurait pu le faire.
Les vampires appartenaient au culte d’Arnold Leach. Des vampires. Des démonologues. Une secte néfaste et malfaisante qui organisait des sacrifices rituels de masse. Une secte qui avait ses origines dans les années 1980’s, aux États-Unis, et qui eut pour conséquence de déclencher à l’époque une peur américaine majeure, la peur d’un complot satanique qui chercherait, par des rituels sataniques dans les crèches et les écoles, à s’emparer du pays pour le servir à Satan. On avait recensé plus d’une dizaine de milliers de cas au cours de cette décennie, même s’il est aujourd’hui impossible de s’assurer de la véracité de ces cas. Mais c’est ainsi que naquit la secte de Leach.

Et les deux hommes qui faisaient face à Marishka et à Von Coy appartenaient à cette secte. Marishka se défendit rapidement, déployant ses tentacules métalliques, fondant vers les deux vampires. Des coups qui auraient dû être mortels, mais que les vampires esquivèrent en semblant se téléporter sur place, laissant derrière eux de la traînée noire.

« Elle croit nous faire peur avec ses pouvoirs…
-  Une enfant terrorisée par la nuit…
-  Le Maître s’amuse avec ta Maîtresse, mais nous a laissé les desserts… »

Werner von Coy tremblait nerveusement. Les deux vampires se déplacèrent encore, se rapprochant de Marishka… Quand deux détonations retentirent à droite et à gauche du visage de Marishka.

*BANG ! BANG !*

Ayant profité du chaos ambiant pour changer à nouveau de look, Lara avait remis sa combinaison moulante en latex, tout en rééquipant ses magnums, armés de balles en argent. Plus rapides que les tentacules, les balles éclatèrent les crânes des deux vampires, qui poussèrent des sifflements de douleur en tombant au sol. Lara regarda Werner, puis Marishka.

« Tu as retrouvé Werner !
-  La-Lara… ?!
-  Plus tard, Werner ! La Maîtresse est en danger ! »

Évitant de revenir par la salle principale, Lara invita Marishka à la suivre, et le duo grimpa un escalier qui les approcha du bureau d’Eliphas. Ce dernier était parti, tandis que Leach aspirait l’énergie de Séléné. N’écoutant que l’urgence de la situation, Lara demanda à Marishka de défoncer la porte à l’aide de ses tentacules, puis elle fit irruption… Et tira une balle en pleine tête de Leach.

*BANG !*

Surpris, Leach s’affala sur le sol, répandant son sang derrière lui. Séléné était un peu titubante, et Lara se rapprocha d’elle, l’aidant à se redresser.

« Maîtresse ? J’ai un mauvais pressentiment, il faut partir d’ici ! »

En contrebas, Eliphas venait de rejoindre la salle principale, et émit un sifflement suraigu… Qui amena tous les convives vampires à attaquer leurs proches, pour leur offrir, à eux aussi, le don du vampirisme…

Elle ne l’a pas dit à voix haute mais Marischka n’a pas apprécié que Lara tue les deux vampires. C’était SES proies. A elle. Si elle n’est pas efficiente en combat, qu’est-ce qui lui reste ?

« Ouais, je l’ai retrouvé. Je te l’avais dit que je mettrais la main dessus. »

L’action. Les deux femmes et Von Coy ruent vers le bureau où Selene est en train de mourir lentement. Pas une grande perte, se dit rapidement Marischka. Mais elle sait que Lara serait effondrée. Sans compter qu’elle n’a pas envie/ne sait pas jouer les épaules qui consolent. Alors, elle va l’aider.

Pendant que Lara s’occupe de Selene, Marischka pose un genou à terre, à côté de la tête ensanglantée de la chose. C’est l’instinct qui la pousse à trifouiller le crâne d’une de ses lianes. Elle récupère la balle et recouvrer la liane. Ainsi, ce n’est plus du fer aiguisé : mais pas de l’argent tueur de vampire.

Et Marischka découvre très vite, et avec un sourire pleinement satisfait, que son instinct est sa meilleure arme. En effet, après être ressortie du bureau et avoir découvert une foule de vampires visiblement pas contents : Marischka découvre l’effet de l’argent sur ses nouveaux ennemis.

Commence alors une danse létale de coups de fouets végétales et de récupération de toutes les cartouches tirées par sa nouvelle amie. Plus elle combat, plus elle devient redoutable. Plus elle combat, plus elle plonge dans cette frénésie sanguinaire, laissant les deux femmes et Von Coy derrière elle.

Et oui, elle n’en sort pas indemne. Oui, les griffes lacèrent sa peau. Et accessoirement le déguisement que Lara lui avait refilé pour s’infiltrer dans cette fête de bourges. Mais Marischka est propulsée par l’adrénaline. LA, elle est dans son élément. LA, elle est utile. LA, elle se sent bien et à sa place.

« Faudra quand même m’expliquer ce qu’est ce bordel quand on sera sorties d’ici ! »

Un instant d’inattention. La vieille servante à la peau davantage plissé qu’un Shar Pei. Toute rabougrie avec le dos qui ploie sous le poids des âges. Marischka ne l’a pas vu. Cette femme faible d’apparence qui a pourtant le cou ensanglanté par un vampire vorace.

Qu’est-ce que ça donnerait ? Si elle se faisait mordre. Ça ferait d’elle un double vampire ? Psychique et traditionnel à la fois.

Le discours d'Eli semblait de moins en moins cohérent. Ce n'était pas vraiment l'histoire du monde en ruine qui motivait le refus de Selene, plutôt le coté larbin. Par contre, elle ne comprenait pas pourquoi il disait qu'elle avait fait fort, elle n'avait pas fait grand chose pour que le monde s'effondre, ce n'était pas comme si c'était sa faute. Et la mutante ne comprenait pas non plus cette histoire de puissance qu'elle craignait, surtout depuis qu'elle était toute petite. Bien sûr, elle se savait dépassée par certains, mais elle ne voyait pas le rapport avec la conversation. Quoi qu'il en soit, Eli fit entrer un nouvel invité, qui se révéla vite ne pas être vraiment humain. Personne ici ne l'était, dans un sens, mais le nouveau venu l'était clairement moins que les autres. Après un petit monologue, aussi vide de sens de celui d'Eli, il attaqua, la plaquant au mur.

Dès que la main de son agresseur fut en contact avec elle, Selene sentit qu'il aspirait sa force. Ça pouvait expliquer son nom, Leach, leech, bref, c'était l'un des types d'adversaires les plus désagréables à combattre, la mutante le savait d'autant plus qu'elle en faisait partie. Mais, même si son adversaire était fort et partageait son type de capacité, il était un peu tôt pour dire que ça le rendait capable de vaincre la sorcière, elle avait bien des atouts et des manières de combattre, et elle était prête à se défendre. Mais elle n'eut pas à le faire, à peine le combat avait-il commencé que Lara, et sa comparse, débarquèrent dans la pièce, avant que l'archéologue abatte Arnold d'une balle dans la tête. C'était plutôt anticlimactique, comme conclusion.

"Partir d'ici? D'expérience, je peux te dire qu'en laissant derrière soi un problème en train de grossir, on a de fortes chances de le retrouver plus gros sur son chemin."

Ce n'était pas la gratitude qui étouffait Selene, c'était vrai. En même temps, Lara avait juste épargné à la mutante l'effort de montrer qu'ils la sous-estimaient, et plus qu'un peu. Et la sorcière n'était pas fan de l'idée de partir, même si les choses se gâtaient, vu que Eli et ses amis comptaient mettre des bâtons dans ses roues, il valait mieux étouffer leur groupe dans l’œuf, surtout puisqu'ils avaient commencé à augmenter leur nombre, peut-être juste pour couvrir la fuite de l'ancien sénateur.

"Contente-toi de tirer, je me charge du reste."

Bien sûr, le nombre pourrait commencer à poser un problème, les gros calibres comme ceux de Lara n'ayant pas forcément un nombre élevé de munitions, et souvent aussi une cadence de tir peu rapide, mais Selene pouvait combler ce problème. Parmi les applications de ses pouvoirs, il y avait ce qu'elle pouvait désigner comme un contrôle absolu sur la matière non-vivante. Après tout, il n'était pas forcément nécessaire d'avoir un gros calibre pour leur perforer la tête, une fois les balles tirées, la mutante pouvait bien les diviser, pour les diriger vers plusieurs cibles, voir reprendre celles qui sortent de l'autre coté du crâne, pour les propulser dans un autre. L'assistante de l'archéologue aussi pensait à récupérer les balles, d'ailleurs, elle pouvait apparemment les utiliser pour "argentiser", un peu comme l'Absorbing Man. C'était bon de savoir qu'elle pouvait faire ça, et aussi qu'elle pouvait enfin se rendre utile. En effet, même si elle était loin d'être futée, elle était efficace pour le travail manuel, une description qui correspondait à pas mal de mutants, ce qui rendait ironique que l'école destinée à les recueillir se cachait sous le terme de "pour enfants surdoués".

« Maîtresse ? »

Werner von Coy observa Lara, sans trop comprendre ce qu’il avait entendu. La situation était critique, et, quoi que Séléné ait vu, cela l’avait motivé à s’impliquer, finalement. Le trio rejoignit le grand hall où ils se tenaient quelques instants auparavant, mais l’ambiance avait bien changé. Les hurlements s’étaient mélangés aux bruits de la fête, les vampires attaquant les humains, transformant ceux-ci en vampires quand ils ne les tuaient pas. Le sang jonchait le sol ou les murs. Certains avaient été tout simplement tués, et, quand le trio débarqua dans le grand hall, Lara déglutit en voyant les vampires les observer. Les vampires étaient nombreux, et Lara pointa alors ses flingues. Elle commença à tirer, et abattit un proche vampire, qui venait tout juste de rouvrir les yeux. Une balle en argent lui éclata le crâne, envoyant gicler une partie de son cerveau sur le sol. Eliphas s’était matérialisé ici, et pointa un doigt furieux vers elles.

« Tuez ces salopes ! »

Lara comprit vite que sa Maîtresse souhaitait se charger d’Eliphas. Elle tira sur les vampires, et l’un d’eux évita une balle, avant de tendre sa main, envoyant une onde de choc vampirique. Une espèce de lame sanglante qui jaillit de sa paume ensanglantée, envoyant Lara heurter un pilier. Marishka déploya alors ses tentacules, et frappa dans le vif. Là, un tentacule arracha la jambe d’un des vampires, et elle le fouetta violemment sur le torse, manquant le trancher en deux. Il ne fallait toutefois pas croire qu’elles affrontaient de simples zombies. Séléné se déplaça rapidement vers Eliphas, et le repoussa sans difficulté. Malgré toutes ses fanfaronneries, Eliphas lui restait encore inférieur. Le choc renversa Eliphas, qui tomba sur le sol.

« Quel dommage que tu aies refusé notre offre, Séléné… »

Elle pouvait l’achever… Quand une force émergea brusquement du plafond, et atterrit à côté d’elle.

« Alors… Où en étions-nous ? »

Leach venait de revenir ! La balle en argent de Lara ne semblait lui avoir rien fait.

« On dit de toi que tu es l’une des dernières Externelles en vie. Fais-moi mal ! »

Lara le visa encore, et tira à nouveau. La balle fusa droit vers la tête de Leach… Qui l’intercepta cette fois en faisant preuve d’une vitesse surhumaine, et en tenant la balle entre ses doigts.

« Tu n’as pas appris la discipline à tes laquais ? »

Arnold Leach repoussa la balle d’un claquement de doigts… Et celle-ci repartit alors à la vitesse à laquelle elle était venue, et frappa Lara au torse. Celle-ci hurla de douleur en sentant la balle la traverser, et partit en arrière, atterrissant contre Werner von Coy, qui l’aida à rester debout.

« LARA ! Vous ne pouvez rien faire contre lui, il faut partir ! »

Arnold Leach reporta son attention sur Séléné. Son aura malfaisante emplissait toute la pièce, effaçant totalement celle d’Eliphas, ramené au simple statut de laquais.

« Alors, où en étions-nous ? Avec ta tenue en latex, je suis sûr que tu dois aimer faire mal, non ? Excite-moi, ma chérie, viens danser avec moi ! »

Déployant ses ailes, Leach bondit vers elle en ricanant, ses mains griffues glissant sur le sol, déchirant la moquette, avant qu’il ne s’élance vers Séléné…

Affronter uniquement des humains ? Ça aurait été une boucherie pour Marischka. Combattre toute une bande de nouveaux vampires, ça aussi ça aurait pu passer. Avec l’effet de surprise additionné du fait qu’elle combattait avec sa toute nouvelle amie. Mais la présence d’Eliphas et d’Arnold Leach renversaient totalement le rapport de force… Et Marischka détestait être dans le camp des perdants !

« Ferme ta gueule, l’allemand ! Mon amie n’est pas faible ! »

Marischka sentait la rage agiter son cœur. Ses lianes recouverts d’argent s’occupaient de ses ennemis de façon inconsciente. Elle n’avait d’yeux que pour cette enflure qui avait blessé par balle sa nouvelle amie. Lui et uniquement lui devenait son ennemi. Il devait être tué !

« Sois utile et occupe-toi de Lara. Si elle meurt, ce sera ta faute et je reviendrai te tuer. »

Le regard. L’intonation de la voix. Tout tendrait à indiquer que Marischka fait partie des rangs des vilains. Et pourtant, son alliance va avec Lara Croft.

Le Vert recouvre très rapidement son corps. Les lianes glissent et s’entortillent autour de ses bras, ses jambes, son torse. Une armure végétale qui prêterait à rire. Une démonstration qui appellerait plutôt à une manifestation GreenPeace plutôt qu’autre chose.

Excepté que c’est l’étape numéro une. S’ensuite la deuxième. Le métal liquide vient former une seconde couche. Marischka avance vers Arnold Leach recouverte d’une armure de métal et vivante par la volonté de la Nature.

« Moi je ne sais pas danser mais je peux te jurer que je suis une spécialiste de la douleur. »

Marischka se jette alors sur Arnold Leach. Une danse mortelle qui ne s’arrêtera qu’au moment où le cadavre refroidira la gueule face à terre. Les lianes métalliques fusent vers celui qui a osé retourner l’arme de son amie contre elle. Si c’était un pouvoir, Marischka serait alors actuellement en mode « berserker ». Folle furieuse !