« D’accord... Je ne sais pas trop si je dois te croire, mais... Tu as l’air honnête. Et puis, tu m’as sauvé la vie. Cependant, il est aussi possible que... Qu’Élise ait changé. De ce que je sais, elle était la seule à pouvoir contrôler ses araignées. De plus, le fait qu’elle ait mentionné le Roi Cramoisi ne me dit rien qui vaille. Sais-tu qu’on le surnommait ‘‘Seigneur des Araignées’’ ? La particularité de son clan était de se battre avec des hordes d’araignées, que ses hommes chevauchaient, sans parler de la soie d’araignée. Les armures que le clan fabriquait faisaient partie des plus résistantes et des plus souples qui soient. »
Aoife se mordilla les lèvres, se taisant en réalisant qu’elle était en train de donner un cours d’Histoire. La soie de l’araignée, en réalité, avait des propriétés incroyables, aussi bien en terme de rigidité, que d’élasticité. De manière plus générale, au-delà de son aspect repoussant, l’araignée était une créature fascinante à bien des égards.
« Enfin bref... Je ne connais pas beaucoup d’individus capables de contrôler intuitivement autant d’araignées. Quant à ce Hamleigh... On m’en a parlé. Un individu redoutable, d’une cruauté incroyable. »
Elle en avait entendu parler, oui, et elle pensait même que, tôt ou tard, l’homme serait jugé parmi ses pairs. Il avait, pour l’heure, réussi à échapper à un procès en neutralisant tous les serfs voulant porter plainte. Les nobles n’étaient pas intouchables, et, sur ce point, le droit lumenien avait influencé bien des royaumes. La philosophie de Lumen était de considérer qu’un grand pouvoir impliquait davantage de responsabilités, et que, en conséquence, un noble, en ce qu’il avait de hautes fonctions, se devait d’être jugé en conséquence. Les procès étaient cependant rares, car, même si la théorie le permettait, en pratique, les nobles commettant des abus de pouvoirs savaient se protéger. Il était bon de signaler que, sur ce point, Lumen avait fait de gros progrès, généralement sous influence religieuse. Quand un serf voulait se plaindre des abus de son seigneur, il n’en référait pas au bailli ou au prévôt, car ils dépendaient du pouvoir temporel, mais ils allaient auprès de l’église, afin de soulever les autorités religieuses. C’était par ce biais que, peu à peu, la Cour royale lumenienne avait jugé les nobles, en s’appuyant initialement sur les dispositions du droit canonique, avant qu’une ordonnance royale ne vienne développer toute une législation sur ces aspects.
Aoife avait appris cela lors de sa formation, et elle savait que ce rayonnement avait impacté la plupart des royaumes alentour, généralement car il s’agissait d’un moyen d’empêcher les jacqueries et autres révoltes populaires. Mais, là encore, il fallait dissocier théorie et faits. Si, en théorie, il était possible de condamner Hamleigh, dans les faits, l’homme se protégeait. Et, maintenant, il était de toute façon très probablement mort.
« Quant à rencontrer la Reine de Lumen... Je dirais que nous verrons ça plus tard. Je vais partir du principe que tu dis la vérité. Il nous faut donc savoir ce qu’il est advenu de la première Élise. Mais, si j’étais toi, j’éviterais de montrer ton médaillon. Il n’y a pas que les araignées... Depuis quelques mois, une sorte de secte sévit dans tout le pays. Les Arachnistes. Ils ont un médaillon similaire au tien, et capturent des gens pour réaliser des sacrifices rituels. Les prisonniers sont massacrés avec du venin d’araignée. »
Le chevalier secoua ensuite la tête, avant de se la gratter.
« Le mieux est que nous restions ensemble, en fait... Mais, dis-moi... Même en supposant que tu trouves Élise, qu’est-ce qui te fait dire que tu rencontreras si facilement Sa Majesté la Reine ? »
Sur ce point, Aoife ne pouvait pas savoir que Shad et la Reine se connaissaient personnellement...