The Multiversity

Cet endroit ressemblait à une sorte de sinistre cauchemar, de maison hantée. Plus ils avançaient, et plus les sensations revenaient, comme si l’adrénaline qui battait dans ses veines stimulait également sa matière grise. Ils venaient de rejoindre une autre aile, plus ancienne. Des draps blancs recouvraient certains meubles, comme des fauteuils, et quelques bibliothèques poussiéreuses se tenaient là, abritant d’antiques ouvrages. Cahir laissa la jeune femme se rapprocher des toiles d’araignée, avisant certaines araignées, et prononça une étrange phrase. Cahir, quant à lui, s’était approché d’une table poussiéreuse, avisant plusieurs parchemins sans intérêt, cherchant des pistes.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Mais Shad ne put pas répondre, car son pied heurta soudain un faux plancher, une trappe qui s’ouvrit brusquement. En la voyant disparaître brusquement, l’apatride se rapprocha précipitamment.

« Shad ! » s’exclama-t-il brusquement.

Il se rapprocha de la trappe, mais fut trop lent, et eut à peine le temps de réaliser ce qu’il venait de dire.

*Shad…*

C’était son nom. De l’autre côté de la trappe, l’Okami releva la tête vers lui. Elle n’était tombée que d’un étage, et il y avait eu plus de peur que de mal, mais, tandis qu’elle le regardait…

« SHAD ! » avait-il hurlé.

Elle dansait sur lui, nue, et griffait son torse. Lui aussi était nu, et posait ses mains sur ses hanches, avant de la regarder, comme obnubilé. Il ne regardait même plus le décor, et, si le feu crépitait encore dans l’âtre de la cheminée, il était encore faible. Là, tout ce à quoi il pensait à elle, c’était à elle, comme un moyen de s’abandonner devant ce village infernal…

…Elle lui parla, lui signalant qu’elle allait bien, et lui mit un peu de temps à réagir, comprenant que… Qu’ils étaient visiblement suffisamment intimes pour avoir fait l’amour à un moment. Pour autant, il ne se voyait pas être marié à elle. Troublé, l’homme attendit un peu, et caressa machinalement son torse, sans toutefois sentir les traces des griffures de Shad sur sa peau, puis revint à lui. Prudemment, Cahir choisit de garder pour lui-même ce souvenir, et sauta en contrebas.

Il atterrit à côté d’elle, et l’observa encore, espérant déclencher un autre souvenir… Mais rien ne vint. Cependant, elle avait probablement dû l’entendre par son nom, mais, avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, des bruits se firent entendre. Ils étaient dans une pièce ovale, avec une statue au centre, une statue assez indiscernable, comme une sorte de corps tentaculaire. Des inscriptions runiques entouraient la statue, et Cahir posa un doigt sur ses lèvres, faisant signe à la femme de se taire, et se rapprocha de la porte entrouverte par laquelle les bruits s’échappaient.

Ils remontèrent le long d’un petit couloir sombre, jusqu’à s’approcher d’une porte grillagée, et virent les lueurs d’une lampe à huile. Deux hommes marchaient, encapuchonnés.

« La mutinerie a cessé, mais plusieurs prisonniers sont encore en fuite…
-  Ce n’est que partie remise, ils ne peuvent pas s’échapper, et nous en avons besoin… Surtout de l’Okami et du noble Mijakien. Leurs sangs sont de qualité supérieure, et la Machine appréciera leur sacrifice. »

Cahir les vit se rapprocher, et s’écarta prudemment. Il frémit en voyant qu’un bras de l’un des cultistes était… Un amas de tentacules. Ils s’avancèrent ensuite, dans ce qui ressemblait à des catacombes, ou à des cryptes.

« As-tu la moindre idée de ce dont ils parlent… Shad ? »

Shad…

Etait-ce là son véritable nom ? La Louve hésitait mais cela lui semblait si familier…Cahir et elle devaient donc s’être échangés leurs identités avant d’arriver ici. Mais, mise à part un sentiment de réalité, rien, aucun autre souvenir de traversaient l’esprit de l’Okami. Du moins, exceptés ces minces réminiscences de voix murmurant son nom, ou le hurlant mais elle n’arrivait nullement à déterminer qui en étaient les auteurs. Etait-ce Cahir ou bien d’autres humains rencontrés par le passé ? Non une forme possédait une apparence bien plus surnaturelle, démoniaque même…Quelles étaient la vérité derrière tout cela ? Ces quelques pensées étaient floues et elle décida donc de les garder pour elle-même, d’autant plus que des pas se faisaient entendre.

Hochant la tête en signe d’affirmation, la Lycane suivit donc l’apatride et put ouïr en même temps que lui les quelques paroles énoncées par les cultistes. Cette fois, ils purent apprendre qu’elle n’était pas la seule recherchée et que lui aussi avait son importance dans la conception de leur plan macabre. A l’énonciation de la « Machine », la Louve ne put réprimer un frisson et elle se tourna vers Cahir :

« O.Oui…Enfin je crois. Elle est alimentée en sang et sert à …à  - elle fronça ses sourcils, cherchant dans sa mémoire mais rien ne vient encore une fois !  Poussant un long soupir, elle regarda Cahir – Je n’arrive plus à me souvenir mais je sais qu’elle ne doit pas être activée… »

Rien de bon ne pouvait venir avec du sang ! Et même si la Louve n’arrivait pas à en déterminer l’objectif final, son corps, mue par un souvenir ancré en lui, ne pouvait s’empêcher de trembler face aux pensées liées à la Machine. Qu’avait-elle pu bien voir ? Elle ferma de nouveau les yeux, se concentrant, cherchant à calmer le flot de ses pensées, prenant une longue inspiration et expirant doucement, tout en ouvrant les yeux et en prononçant un nom :

« Shub- Niggurath…. »

Cette fois elle cligna des yeux, comme surprise de ce qu’elle venait de dire. Son regard perdu se porta sur Cahir duquel elle espérait avoir des réponses mais elle savait également qu’il ne pourrait malheureusement pas lui en donner. Elle abaissa donc ses oreilles et repris :

« Je crois que…Cette machine est liée à cette chose mais…Ca reste encore flou…En tout cas, on ne peut pas rester ici ! Enfin, on peut pas les laisser faire ! »

Bien qu’elle eût grandement envie de partir de ce lieu morbide, un autre sentiment prenait le pas : Celui d’arrêter ces fanatiques avant que leurs sombres desseins ne soient accomplis.

« La mémoire reviendra en temps voulu Cahir…Mais je sais qu’au fond de moi, il faut les arrêter…Et… - elle marqua un temps d’arrêt – tu es un noble ? »

Oui cette question venait d’être prononcée subitement mais il y’avait de quoi être surpris également !  Et étrangement, quelque chose disait à la Louve que ce mot avait une certaine importance.

Shub-Niggurath… Un nom aux sonorités froides, anciennes, évoquant les cauchemars des temps anciens, évoquant de sinistres démons qu’on imaginait se dissimuler dans les recoins. Cahir commençait à sentir la mémoire lui revenir, et, quand Shad lui demanda s’il était noble, il fronça les sourcils.

« Je… »

Il ferma les yeux, et se vit… Ailleurs. Dans ce qui ressemblait à une grande pièce décorée, richement ornementée, avec une femme qui l’aidait à se coiffer. Sa mère ? Une domestique ? Mais… Cahir secoua encore la tête, et se passa machinalement la main sur le menton. Il sentait encore sa barbe, ce qui l’étonnait… Car il avait plutôt l’habitude de ne pas sentir de poils ici. L’homme, après quelques instants d’intense réflexion, se retourna vers Shad, et haussa les épaules.

« Je n’en sais absolument rien, Shad, je… Je n’arrive pas encore à combler les blancs, et à comprendre vraiment ce que je suis. Mais, là où je te rejoins, c’est sur ce lieu. J’ignore qui sont ces gens, mais tout cela ne m’inspire rien de bon, Shad. »

Effectivement, ils se devaient de réagir, de faire quelque chose, de régler ce problème. Quelle que soit cette Machine, quelle qu’elle puisse être, Cahir ignorait ce qu’ils faisaient ici, mais il fallait y mettre un terme. Il eut alors une nouvelle vision en se retournant.

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Une vision où Shad était avec lui, et où elle s’habillait dans ce qui ressemblait à une auberge. Des éclairs déchiraient la fenêtre, et l’eau de pluie s’égouttait sur le toit et sur les carreaux de la fenêtre. Elle lui expliquait d’où elle venait, montrant du doigt son médaillon arachnéen, et lui présentait une lettre cachetée. Il se vit récupérer la lettre, et vit le sceau royal qui illuminait la lettre.

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« Ton talisman… »

Cahir se retourna vers Shad, et désigna son cou.

« Je me souviens de toi… En train d’enfiler un médaillon autour de ton cou, un collier avec un talisman représentant une sorte d’araignée sur le dessus. »

Visiblement, cette scène avait eu lieu au matin, après qu’ils aient fait l’amour, puisque lui-même s’était vu allonger dans un lit. Toutefois, l’homme préféra conserver cela pour lui-même.

« Il avait l’air important pour toi, et… Il brillait quand tu le touchais. Est-ce que ça te dit quelque chose ? »

Sans trop savoir pourquoi, Cahir avait le sentiment que ce talisman était important, plus important qu’il n’y paraissait de prime abord.

Concernant l’importance de mettre fin aux lugubres agissement régnant dans cette bâtisse délabrée, Cahir et Shad étaient sur la même longueur d’ondes. Pour l’heure, les souvenirs demeuraient floues même s’ils revenaient petit à petit. Cependant, aucun moyen de se souvenir comment et pourquoi ils étaient arrivés ici. Leurs identités revenaient progressivement tout comme d’épouvantables souvenirs pour l’hybride. Des restes de sa mémoire qui mettent l’accent sur le fait d’arrêter la Secte qui résidait en ces lieux.

« Mon médaillon ? A..Attends voir…

Cahir venait justement de lui en faire part. Plongeant sa main au niveau de son cou, la Louve sentit en effet un objet sous ses doigts. Le sortant de sous la bure, elle le contempla quelques secondes, son pouce «  caressant » l’araignée qui régnait en son centre. Mais il ne brillait pas. Cahir s’était-il trompé ? Possible…Leurs souvenirs étaient encore sans dessus-dessous. S’apprêtant à le ranger, la Louve stoppa soudainement son geste.

  « Il…Enfin elle…l’araignée…elle vient de bouger ! »

Non, cela devait être son imagination ! Tenant le médaillon dans sa paume, elle le présenta à l’apatride afin que ce dernier puisse également voir l’araignée qui prenait vie et qui à présent monter le long du bras droit de l’hybride. Elle s’arrêta au niveau de son épaule et agita ses pédipalpes avant de bondir sur Cahir et de courir le long de son corps, finissant sa course au sol et filant vers une direction, laissant derrière elle un fil de soie que Shad parvenait à voir. Et sans réfléchir, elle attrapa la main de Cahir afin de l’entraînée dans cette course poursuite atypique.
…

Et elle se vit lui serrer également la main. Ses doigts s’entrelaçant aux siens tandis que leurs lèvres s’embrassaient et que leurs corps étaient l’un contre l’autre.

La Louve lui lâcha inconsciemment la main et ralentit un peu le rythme de sa course, portant deux doigts à ses lèvres rougissant légèrement. Se connaissaient ils bien plus que ses souvenirs laissaient présager ? Elle secoua la tête pour remettre ses idées en place et décida de ne pas lui en faire part, n’étant pas certaine si cela c’était réellement passé ou non avant de noter que le fil de soie semblait disparaître sous le plancher en dessous d’un tapis de fort mauvais goût.

«  Je me souviens que l’autre fois…Il avait fallu descendre dans les profondeurs...Mais peut on vraiment suivre une araignée ?

Descendre…Toujours plus profondément dans les abymes de ce château semblait les conduire peu à peu vers des horreurs innommables Mais…avaient-ils le choix ?.

Cahir fronça les sourcils en voyant que Shad avait le talisman. Est-ce qu’elle l’avait eu dès le début ? Il avait souvenir qu’ils s’étaient réveillés nus l’un et l’autre… Mais peut-être pas, finalement… Il vit celle-ci triturer le talisman. Une araignée était gravée dessus, et, alors que rien ne semblait se passer, l’araignée s’anima brusquement. Une lueur spectrale s’en échappa, et une araignée mystique émergea alors, sortant du talisman. Elle grimpa sur le bras de Shad, puis sur son épaule, avant de sauter au sol. Shad lui attrapa ensuite la main, l’invitant à la suivre. Cette fois, il n’eut aucune vision, mais observa l’araignée, assez fasciné. Elle laissait de fines traînées brillantes derrière elle.

« Ok… Je… Je ne suis pas sûr d’avoir vraiment compris ce qui vient de se passer, mais… Au moins, nous n’avancerons plus à l’aveugle. »

Ce château était labyrinthique, et Cahir suivit donc Shad. L’araignée fila sous une porte qu’ils poussèrent, celle-ci s’ouvrant dans un antique grincement. Le décor devenait vraiment très sombre, avec des murs poussiéreux, des bibliothèques ancestrales, semblant rongées par les mites. Les livres étaient jaunâtres, et certains semblaient si vieux que Cahir avait peur de les briser juste en les attrapant. Le duo continua à suivre l’araignée, qui arpentait les couloirs. Tout était vieux et isolé. Ils descendirent une volée de marches, la moquette et les murs en pierre disparaissant pour du bois. Le plancher grinçait sous leurs pieds, et Cahir invita Shad à faire attention.

Les marches semblaient en effet si instables qu’elles risquaient de s’effondrer sous leurs poids. Ils rejoignirent ainsi un couloir plus étroit, semblant les emmener dans des espèces de mines. L’air devenait un peu plus étouffant, plus chaud, et Cahir dut parfois courber le dos, continuant à suivre l’araignée.

« Merde, elle ne voit pas que nous ne sommes pas de la même taille qu’elle ? »

L’araignée fila finalement à travers une ouverture minuscule, les laissant seuls dans cette espèce de grotte. Cahir pesta silencieusement, avant de poursuivre, n’ayant après tout nulle part ailleurs où aller. Leurs pas les menèrent jusqu’à une nouvelle porte, plus lourde. Cahir la poussa lourdement, et le duo débarqua alors dans un couloir en béton.

« Et bien… »

Il s’avança le long du couloir, où le mur devenait en partie grillagé. De l’autre côté, il y avait une vue sur une sorte de grande cour interne, ressemblant… À un hall de prison. Une grande cour se trouvait en contrebas, avec, au-dessus, un plafond naturel fait de rochers. Des gens erraient en bas, nus, avançant lentement, mollement, rasés et sales.

« Nous venons de là, Shad… J’en suis sûr, nous avons dû être capturés, et séquestrés ici. Je… J’ignore ce qui se passe, mais... J’ai un très mauvais pressentiment. »

Sous le château, il y avait une étrange prison. Cahir l’observa silencieusement, convaincu qu’ils n’étaient pas encore au bout de leurs surprises ici…

La Louve observait en silence la foule qui se déplaçait en contre bas. S’ils venaient réellement de cet endroit, Cahir et elle, comment avaient-ils fait pour récupérer leurs esprits ? A voir la démarche trébuchante des prisonniers, ces derniers semblaient avoir subi un parfait lavage de cerveaux, ne laissant ainsi que des êtres amorphes et sans désir de se battre. Placés ici et là autours des prisonniers, certaines silhouettes ne bougeaient pas, encapuchonnés dans des toges d’un violet sombres et menaçants. De temps en temps, on pouvait apercevoir un tentacule qui sortait de l’une de leur manche avant de disparaître dans l’obscurité de cette dernière. Ces êtres, quelque qu’ils soient et même s’ils furent humains par le passé ne l’étaient plus à présent. Il n’était guère difficile de comprendre que ces « créatures » faisaient offices de gardien. Si un seul prisonnier tentait de s’écarter ne serait-ce qu’un tout petit peu du groupe il était rapidement remis à sa place, poussé à l’aide d’une lance afin qu’il rejoigne rapidement le « troupeau ».

« Comment…-chuchota l’hybride- comment avons-nous pu sortir de là ? »

Comment en effet ? Cette salle semble particulièrement bien gardée ! Et d’un autre côté…Comment avaient-ils pu atterrir dans une cellule à part ? Etaient-ils les seuls dans cette situation ou y’avait il encore d’autres prisonniers importants pour leur « sacrifice ? ». La Lycane continuait à observer attentivement, si l’araignée les avaient menés jusqu’ici c’était bien pour une raison ! A moins que cela n’était que le fruit de son imagination ?  L’une de ses oreilles était tournée vers l’arrière afin d’être à l’affut du moindre bruit qui pourrait signifier la venue d’un cultiste dans leur direction. Rien de particulier ne se passa pendant les quelques prochaines minutes, l’hybride observait chaque recoin de la salle qui lui était possible de voir, cherchant le moindre indice, la moindre information. Et ce jusqu’à ce que le bruit sinistre d’une grille, qui à l’oreille semblait rouillé, ne soient plus fortes que les lamentations des prisonniers. Un petit groupe de cultistes arriva rapidement et s’approchèrent des prisonniers, les dévisageant avec attention. Dernier eux des masses informes restaient dans l’ombre.

Un premier prisonnier fut inspecté et après un ordre fut amené à l’écart du groupe, entourée par deux « gardes » qui psalmodiait des paroles incompréhensibles.  Mais rare étaient ceux qui connurent ce même destin.  Certains prisonniers étaient violemment jetés au sol tels des déchets. Sitôt fait, les créatures dans l’ombre bondissaient sur lui pour le dévorer vivants, des créatures bipèdes à l’apparence de porc...Et tout cela sans qu’il n’y ait la moindre réaction de la part des autres prisonniers qui continuaient à déambuler mollement dans la salle. A la vue du monstre porcin, la Louve fit un pas en arrière. Non ce n’était pas le fait que l’homme qui se faisait dévorer vivant n’avait aucune réaction, juste un regard vide et hagard mais plutôt que cette créature…lui semblait familière. Bien plus que celles qu’ils avaient déjà pu croiser dans ce maudit château.

« Cahir…ces choses…je suis sûre…de les avoir déjà vus. »

Oui mais où ? Et surtout quand ? La Lycane fronça les sourcils avant de se retourner vers l’humain :

« On devrait continuer…voir où est aller celui qui a était épargné… »

Mais avait-il eut réellement de la chance ou est ce qu’un destin plus funeste ne l’attendait pas ? Par chance le couloir où ils étaient n’étaient pas sans issus et un autre couloir adjacent, caché dans l’obscurité, n’attendait qu’à être pris pour dévoiler d’autres sombres secrets. Avant d’y rentrer, par réflexe et instinct, la Louve huma l’air mais ne perçu rien qui pourrait indiquer la présence d’une quelconque créature. Elle murmura à nouveau :

« Nous devons mettre tout ça au clair. C’est impossible d’aider les prisonniers dans l’immédiat…Mais nous pouvons toujours continuer à chercher des indices et comprendre ce qui se trame ici »

Tenter de sauver tous ces malheureux dans l’immédiat ? Ce ne serait que pur suicide ! La seule option était de continuer les recherches, à la foi pour comprendre quelle sombre magie était à l’œuvre ici mais également pour tenter de trouver une porte de sortie. La Louve observa une dernière fois l’entrée du couloir sombre et demanda à Cahir :

« Crois-tu que ce soit une bonne idée de continuer par-là ? »

Une voix intérieure lui criait que non, des horreurs les attendaient sans nul doute. Peut-être allaient-ils être capturés à nouveau. Mais ils avaient également plus de chance de s’en tirer s’ils ne restaient pas stoïques.

Et provenant du fin fond de cette grotte,  des chants incompréhensibles et un cri inhumain percèrent le silence….

L’endroit était solidement gardé, et Cahir commençait à avoir des réminiscences supplémentaires en voyant cette zone. Il se rappela dans la grande cour centrale, observant les lieux, cherchant comment s’enfuir. Shad, elle, observa les sinistres hommes-porcs, des hommes massifs avec des têtes de porcs qui avançaient lentement, poussant les prisonniers. C’était une vaste prison, et, en se déplaçant, le duo rejoignit l’entrée d’un couloir plongé dans la pénombre. Shad hésitait à s’y rendre, et Cahir hocha doucement la tête.

« Nous n’avons pas vraiment d’autres options, Shad. »

Cahir s’avançait lentement, à travers un couloir sombre et froid. Les voix s’accentuèrent, et le duo arriva donc à hauteur d’une grande pièce. Ils étaient dans des gradins, et, en contrebas, un homme était attaché sur une table. Il était nu, entouré par des hommes en toge. Un livre était ouvert sur un guéridon devant la table, et un homme murmurait de sombres mélopées, une langue d’outre-tombe aux accents gutturaux qui fit se grincer les dents de Cahir.

« Iä, Iä, Cthulhu fhtagn… » marmonnait le prêtre.

Le corps du prisonnier avait été lacéré, découpé. On l’avait torturé avec des lames, formant des symboles magiques et cabalistiques sur lui. Il hurla encore, et se crispa sur place, avant de commencer à muter. Cahir entendit des craquements sinistres. Des pustules et des furoncles se formèrent sur le corps de l’homme.

« Mettez-les en cellule !
-  Il commence à se transformer ! »

L’homme fut traîné au sol par des gardes massifs, faisant plus de deux mètres de haut, et la pièce se vida ensuite. Glacé sur place, Cahir descendit en contrebas. Les cultistes avaient repris leur livre. Cahir constata alors que le cultiste-en-chef, celui qui avait lu le livre maudit, avait un bras tentaculaire. Il avançait droit devant, ses tentacules traînant sur le sol. Cahir fit signe à Shad de se taire, et, quand le groupe s’éloigna, ils remontèrent ensuite, les suivant.

Depuis la salle d’expérience, ils rejoignirent une antichambre grisâtre avec des gibets, des cages suspendues en l’air et sur le sol. Des grilles métalliques se trouvaient en contrebas, et Cahir vit du sang qui filait, dans des espèces de canaux souterrains filant sous le sol.

« Bordel… Qu’est-ce que c’est que ce merdier ? »

Les cages abritaient des cadavres entassés les uns sur les autres. Ils passèrent ensuite par une porte, qui les amena devant une nouvelle pièce encore plus sinistre.

C’était une sorte de chapelle, et un cultiste marchait.

« Réjouissez-vous, mortels, car votre sang impur servira à nourrir la bouche des Dieux Supérieurs ! Votre sacrifice ne sera pas négligeable ! »

La chapelle était macabre. Pas de lieux de culte, mais des rangées d’hommes et de femmes, attachés au-dessus des cages métalliques. Ils étaient retenus par les poignets à des espèces de piloris. Des lames métalliques venaient régulièrement les saigner, et le sang filait par les trappes métalliques, venant ainsi dans ce canal sanguin qu’ils avaient vu dans l’antichambre. Ils gémissaient faiblement, trop épuisés et trop amenuisés pour parler.

Tout ça était terriblement glauque, et affreusement macabre…

Ils avaient finalement traversé ce sombre couloir et vue par la suite des horreurs sans nom. La  Lycane était resté quelques secondes à observer le sang qui fuyait dans ces fameux tuyaux, cherchant dans sa mémoire où elle avait déjà pu voir une telle infamie mais…rien. Pourtant elle sentait au fond d’elle-même que ce n’était pas la première fois qu’elle rencontrait un mécanisme aussi sordide. Suivante Cahir en silence, elle fut victime de la scène sanglante qui se passait dans ce « faux » lieu de culte.  De nombreuses personnes étaient accrochés au plafond et saignés, leur sang venant alimenter ce tuyau, tel des veines qui alimenterait une…machine. Elle écarquilla subitement les yeux, la mémoire lui étant revenue sur ce point, du moins en partie. Tirant sur la toge de Cahir pour attirer son attention, elle murmura à voix basse :

« J’ai déjà vu ça…Ils alimentent une machine par le sang.Je…Je ne sais plus pour quelle raison mais je sais que l’on doit les arrêter…Mais…comment ? »
.
Oui comment ? Ils étaient que deux. Et des cultistes étaient toujours à leur recherche. Celui présent dans la pièce continuait ses paroles, parlant de « vrais dieux » et de « renaissance ». Mais aux vues ce que la Lycane pouvait voir, elle doutait réellement que ces fameuses divinités soient bénéfiques. Elle frémit sur place, réfléchissant, cherchant une solution avant de se tourner vers Cahir :

« Nous ne pouvons rien faire ici mais peut être qu’il y’a d’autres prisonniers que nous pouvons essayer de libérer ? Ils ont besoin de sang et ces prisonniers sont leurs matières premières…- elle le regarda- comme nous. Nous devrions être à leur places… »

Car ils étaient « d’importants sacrifices ». En quoi leur sang différait de celui des malheureux ici présents ? La Louve ne pouvait le dire. Pas encore du moins. Mais ils devaient essayer de les arrêter ! Un homme porc entra subitement au sein de la chapelle et se mis à renifler l’air, poussant d’horribles grognements avant de poser son regard vers l’emplacement où se trouvaient les deux fuyards. Un puissant cri sortant de sa gueule immonde et il s’élança vers l’endroit où étaient Cahir et Shad. Cette dernière recula d’un bond et jura. Il fallait partir et se cacher ! Malgré son apparence difforme, la créature était agile et rapide…Elle n’allait pas tarder à arriver droit sur eux…

Cet endroit était terrifiant, comme les entrailles d’une horrible bête affamée. Cahir sentait son pouls s’emballer nerveusement au fur et à mesure que le temps passait. Ces malheureux excisés… D’où venaient-ils ? Était-ce là le sort qui leur avait été réservé, à eux ? La jeune Shad parla d’une « machine » qui était alimentée par le sang, ce qui ne manquait pas de surprendre Cahir. À quoi faisait-elle référence, précisément ? Tout ce que Cahir voyait, c’était une machinerie infernale, une mécanique diabolique et cruelle. Tandis que le cultiste s’éloignait, un homme-porc se rapprocha brusquement. Un horrible homme-porc, au pelage sombre, arborant une tête de cochon, qui se rapprocha rapidement. Cahir chercha autour de lui une arme quelconque, tandis que les pas de l’homme-porc résonnaient fortement sur le sol.

« Shad… » murmura Cahir à voix basse.

Puis l’homme-porc fut ensuite devant eux. Cahir se rua alors vers lui, dans un élan désespéré, et le monstre poussa un grognement. Il l’attrapa par la gorge, et le plaqua violemment au sol, lui arrachant un gémissement de douleur. La salive de l’homme-porc lui tombait dessus, et la gueule abyssale du monstre s’ouvrit, fondant vers lui. Cahir déglutit sur place… Quand une louve bleue jaillit alors, et mordit l’homme-porc dans le dos. La bête poussa un grognement de douleur en se tortillant sur place.

« Shad ? »

L’homme-porc repoussa la louve en grognant, sa peau s’avérant bien plus épaisse que prévue. C’était bien Shad, qui grognait dangereusement face à lui, une louve bleue et noire. Un changement inattendu. Cahir savait toutefois qu’ils n’avaient aucune chance contre cette bête, et fit signe à Shad.

« Cours, Shad ! »

Cahir fila sur la gauche, partant dans un couloir, et la louve le suivit. Ils filèrent dans un couloir, tandis que l’homme-porc, fort heureusement peu rapide, hurlait encore. De terribles rugissements, qui allaient attirer bien du monde. Cahir vit des lueurs devant eux, et un cultiste émergea au fond du couloir. Il les observa, et des tentacules émergèrent alors de son visage, semblant jaillir de sa bouche, mais aussi de son ventre. Cahir bondit sur le côté, là où il y avait une porte, et la referma précipitamment. Il renversa un meuble devant, tandis que des tentacules supplémentaires heurtaient violemment la porte, cherchant à l’arracher sur place.

Le cœur battant furieusement dans sa poitrine, Cahir observa brièvement la louve, avant de se rapprocher du fond de la pièce. Une grille se trouvait là, menant à un chemin assez étroit, et il l’ôta, ce qui ne fut pas très difficile, car la grille était usée. Une fois ceci fait, Cahir rampa à l’intérieur, laissant Shad passer devant. Le conduit était très étroit, et s’étalait sur plusieurs mètres. Et, alors que Shad sortait dans une nouvelle pièce, Cahir se rapprocha encore… Quand un tentacule s’enroula autour de sa cheville.

« Merde ! »

Sentant le tentacule commencer à le traîner, les ongles de Cahir raclèrent sur le sol, cherchant une prise quelconque, tout en se sentant tiré vers l’arrière…

« Shad ! Aide-moi ! »

L’abomination était déjà sur eux. Tandis que Shad s’était reculée, Cahir quant à lui avait été plus courageux et s’était rué sur l’homme-porc, pour une confrontation perdue d’avance. La Lycane observait la scène sans un mot, elle vit la bave couler contre le visage de l’apatride, et sa gueule béante du monstre s’ouvrir afin de n’en faire qu’une bouchée. Elle ne réfléchit plus bien longtemps et sauta sur la créature. A la différence près que son apparence avait changé, l’hybride arborait à présent la forme d’une grande louve au pelage bleu et noir. Elle mordit le dos de la créature, ses crocs râpant contre son épiderme épais, véritable armure naturelle.  L’homme-porc hurla et d’un mouvement brusque, fit descendre la louve de son dos qui se plaça entre lui et Cahir, babines retroussés et crocs apparents, ses poils hérissés et un long grognement résonnant dans la pièce. Mais quant l’humain lui cria de courir, elle cessa de faire face et lui suivit. Par chance l’homme-porc était lent mais ses cris…ses cris étaient audibles à des kilomètres à la ronde. Il ne fallut guère attendre bien longtemps avant qu’un cultiste n’arrive et ne projette sur eux des…tentacules ? Fuyant vers une pièce annexe et la bloquant avec un meuble de fortune, le duo continuait sa progression, entendant sans mal les appendices visqueux frapper contre la porte.

Le temps jouait contre eux et apercevant une grille au fond de la pièce, l’apatride la retira laissant passer l’hybride, toujours sous sa forme animale en première. Le meuble et la porte de la pièce volèrent en éclat et des tentacules vinrent se refermer autours des chevilles du Mijakien, le tirant en arrière. Entendant son appel, la Lycane attrapa en premier lieu le bras de Cahir dans sa gueule et se mis à tirer, mais le rapport de force était inégal, plus de tentacules venaient tirer le malheureux.  Une solution, il fallait trouver une solution ! Le passage était bien trop étroit pour qu’elle puisse passer au-dessus de lui et s’attaquer directement aux tentacules, de plus en faisant cela elle risquait également de se faire prendre !  La Louve tourna sur place, ses griffes résonnant sur le sol dans un tintement de panique puis d’un coup, elle se retourna pour faire face à Cahir, ouvrit sa gueule juste au-dessus de sa tête et laissa échapper un puissant jet de flammes qui au contraire de brûler ce dernier, s’attaqua aux tentacules qui lâchèrent leurs prises.

« Cahir ! »

Elle avait hurlé son nom, voulant qu’il se hâte, ses flammes continuant de leur offrir une couverture. Une fois que l’apatride s’était extirpé, la Louve s’arrêta et se dirigea rapidement vers l’autre porte, la traversant sans attendre un instant de plus, surtout que les tentacules arrivaient de nouveaux sur eux. La porte donnait cette fois vers un long couloir et au bout de ce dernier un escalier qui montait.  Ouvrant la marche sous sa forme animale, l’hybride s’arrêta au pied du dit colimaçon et émit un grognement tandis qu’elle humait l’air. L’odeur était pestilentielle. Mais plus que l’odeur, elle pouvait ouïr la présence de bons nombres d’individus. Derrière eux, le bruit d’une porte qu’on déloge de ses gonds se fit entendre ainsi qu’un grognement d’outre-tombe. L’homme-porc et le cultiste seraient sur eux d’un instant à autre et en hauteur...d’autres les attendaient. Déjà des tentacules filaient vers eux…

La situation était critique, et ne permettait pas de s’imposer le temps de réfléchir. Il fallait fuir, fuir ces monstruosités cauchemardesques, cet homme-porc anthropophage, et ces hommes tentaculaires. En sentant un tentacule autour de sa cheville, glacial et redoutable, Cahir se crispa sur place. Shad, qui s’était transformée en une puissante et élégante louve, posa ses crocs sur son poignet, et planta légèrement ses dents. Une douleur superficielle, mais la louve constata rapidement qu’il lui serait impossible de tracter Cahir. Au lieu de ça, ses dents entaillèrent plus profondément la chair de l’homme, qui gémit de douleur, tandis que d’autres tentacules s’enroulaient autour de sa cheville.

Une terreur sans pareille s’instillait en lui, tandis qu’il entendait les bruits de reptation d’autres tentacules. Paniqué, Cahir essaya encore de pousser en avant, mais sentit ceux-ci tirer en arrière. L’un des ongles se brisa sur une interstice, et, alors qu’il pensait disparaître dans le noir, Shad se pencha brusquement en avant… Et se mit à cracher du feu. Des flammes étincelantes jaillirent de sa gueule, et fusèrent par-dessus lui. Cahir baissa instinctivement la tête, sentant les flammes frôler sa peau, tout en enflammant les tentacules. Loin derrière, un homme poussa un hululement de douleur et de surprise, et Cahir sentit la prise des tentacules sur sa cheville se défaire.

« Bordel ! »

Sans guère attendre, il bondit brusquement en avant, récupérant l’usage de sa jambe. Shad ouvrit rapidement une porte, et galopa à quatre pattes. Là encore, Cahir n’avait pas le temps de poser des questions, et la suivit rapidement, non sans noter au passage la présence d’une épée dans la pièce. Celle-ci semblait être une sorte d’établi avec une lame rapiécée qu’il attrapa instinctivement. Ils coururent ensuite dans un couloir, se rapprochant d’un escalier en colimaçon qui filait en hauteur. Ils s’arrêtèrent devant l’escalier, et des tentacules se rapprochèrent.

N’écoutant que son courage, Cahir tournoya sur place, et, plus par réflexe mimétique qu’autre chose, avança son épée. La lame trancha les pointes des tentacules, faisant hurler le cultiste de rage. Deux hommes-porcs venaient d’arriver, et se rapprochèrent.

« Okay… Cours, Shad ! »

Les tentacules du cultiste repoussaient lentement, et le duo gravit les marches. Ils arrivèrent ensuite à un couloir, et se précipitèrent vers une porte entrouverte, donnant sur une sorte de laboratoire sinistre. Des corps s’entassaient sur de multiples tables en pierre, sortes de cobayes d’expériences génétiques sinistres. L’odeur pestilentielle que Shad ressentait venait de là. Cahir observa ces corps, médusé, y discernant là une sombre et terrible alchimie. En se rapprochant d’un corps, il vit les yeux de l’homme se révulser dans ses orbites… Et ce alors que son torse était ouvert de la tête au nombril, sa peau retenue par des épingles plantée sur la table. Des espèces de furoncles verdâtres poussaient sur ses jambes, et l’homme tenta de parler, chose difficile dans la mesure où ses lèvres étaient bloquées par une sorte d’horrible appareil noirâtre de torture nichée dans sa bouche.

Cahir ne savait plus où donner de la tête. Dans un coin, il y avait une grande table avec plusieurs livres ouverts, et des bocaux remplis de liquides fumants, de couleur verdâtres, noirâtres, oranges…

« Mais qu’est-ce qu’ils fabriquent ici ? »

Les hommes-porcs les poursuivaient, et il se dépêcha d’avancer vers une porte au fond. Une porte solide. Cahir appuya fortement jusqu’à l’ouvrir, et débarqua dans une autre pièce sinistre, sombre. Il se déplaça lentement, quand des bruits remuèrent sur la droite… Et un individu lui sauta dessus, le poussant contre le mur. Des yeux verdâtres, un corps déchiqueté, des dents particulièrement pointues qui claquèrent devant son nez, des mains griffues cherchant à le planter. Cahir repoussa l’individu, et vit d’autres paires de yeux verdâtres s’illuminer dans la nuit.

Des zombies se trouvaient là !

*Quel enfer, quel enfer !*

Plus ils s’aventuraient dans ce château, et plus l’atmosphère devenait sinistre !

« J’en ai pas la moindre idée » souffla t’elle en guise de réponse.

Cette salle représentait la nature de ces cultistes…abjectes et sans morales. La puanteur qui régnait dans ces lieux entraînait des hauts le cœur, mais Cahir et Shad n’avaient nullement le temps de s’arrêter ! Ils devaient donc prendre sur eux et observer avec effroi les expériences qui avaient été commises. L’important nombre de corps entassé les uns sur les autres, tous plus mal en points que les autres prouvaient que ces cultistes cherchaient à atteindre un but. Mais quoi ? Quelle était leur sombre machination ? Un corps gisant sur une table semblait toutefois vivant et ceux malgré l’état déplorable dans lequel il se trouvait. Cherchaient-ils à les transformer en monstre ?
L’homme ne pouvait parler mais la Louve croisa son regard et put y lire de la douleur et surtout de la peur. Le malheureux était dans l’inconnu et ne pouvait deviner ce qui l’attendait. Et tandis que l’apatride regardait dans une autre direction et continuait son exploration de ce sinistre laboratoire, la Louve grimpa sur le malheureux et planta sans crier gare ses crocs dans sa jugulaire, serrant fortement sa mâchoire jusqu’à entendre un craquement précis.  Elle le relâcha par la suite et rejoignit rapidement Cahir juste au moment où le cultiste et deux hommes porcs arrivaient dans la pièce.

Une autre porte fut poussée et avec elle, les ténèbres. Malheureusement, les deux évadés étaient loin d’êtres seuls car déjà une créature abjecte venait de sauter sur Cahir, cherchant à le griffer et à le mordre. Et comble du bonheur, elle n’était pas seule ! D’autres yeux verdâtres luisaient dans les ténèbres. Derrière eux, la porte vibrait également, signe qu’on cherchait à l’ouvrir de force.  L’hybride sauta sur le zombi le plus proche de Cahir et se retint au dernier moment de le mordre, le repoussant plutôt en arrière. Qui sait ce qui pourrait arriver si elle ingérer un peu de son sang ?  Son regard se posa sur l’épée qu’il avait ramassé et elle se plaça contre la porte, poussant de tout son poids contre pour la retenir au mieux :

« L’épée ! Utilise-la ! Tue en quelques-uns pour que nous puissions passer ! Je ne ferais pas longtemps le poids ! »

Oh non la force qui se trouvait de l’autre côté de la porte était bien plus colossale, elle ne tiendrait guère longtemps, mais juste assez pour que Cahir puisse au moins défaire un à deux opposants. Pourtant, leur nombre ne semblait pas décroire et l’urgence de fuir devenait palpable. La Louve jura et s’élança en avant, heurtant l’humain pour le faire tomber sur son dos avant de détaler en vitesse. Juste à temps car la porte venait d’être ouverte. Les zombis poussèrent de long gémissements plaintifs et lugubres mais en comparaison du cri de l’homme-porc, ceux-ci ne faisaient pas le poids.

« Merde, merde, merde ! » Jura-t-elle alors qu’elle cavalait dans le noir.

Sous ses pattes, elle pouvait sentir un sol dur et froid qui se transformait peu à peu en un sol plus…visqueux. La marche fut également plus difficile, chaque mouvement demandant de plus en plus d’effort. Par chance leurs poursuivants semblaient également impacter. En baissant son museau vers le sol, l’hybride émit un grognement.

« Du sang…Nous marchons dans du sang Cahir… »

Et tout ce sang semblait affluer vers un seul et même lieu. Un bruit de vieille tuyauterie au-dessus de leurs têtes résonnaient…Tous deux  semblaient se diriger vers le cœur.

Dans la paume de sa main, l’épée semblait si légère, si fine… Elle était pourtant lourde, et Cahir sut instinctivement que ce n’était pas une lame très bien forgée. C’était l’une de ces lames que les forgerons fabriquaient en masse, sans y mettre le raffinement et la sophistication qu’il convenait. Devant lui, Shad repoussa plusieurs zombies, tout en lui demandant d’agir. Il vit un zombie se ruer vers lui, et l’esquiva alors, faisant un pas de côté, et frappa avec la lame d’un coup à la taille, un mouvement vertical de haut vers le bas. Le zombie heurta le mur, et un autre hurla en se ruant sur Cahir. Ses mains froides se posèrent sur ses épaules, et Cahir le repoussa du pied, puis…

…Se vit ailleurs, dans le hall d’un immense temple, affrontant des nuées de zombies. Il portait son armure noire en ébonite, et, en compagnie d’autres Mijakiens, affrontait les monstres. Mais il portait cette fois une épée beaucoup plus raffinée, bien plus équilibrée.

« N’oubliez pas ! hurla un homme. Il faut les brûler ! Ou les décapiter ! »

Cahir vit des Liches s’envoler, tandis que l’armée de zombies et de Draugrs s’élançait vers eux…

Sa lame décapita un zombie, frappant son cou, et fit sauter la tête de ce dernier. Tout autour de lui, le chaos régnait. Un autre zombie se rua, et Cahir bondit en arrière, évitant les griffes du zombie, et frappa encore avec sa lame, lui arrachant plusieurs griffes. Une porte s’ouvrit alors, et un homme-porc fit irruption. Cahir vit alors les zombies se retourner vers ce rayon de lumière, poussant des hurlements supplémentaires. Shad bondit en avant, et renversa un homme au passage. Cahir s’élança derrière elle, profitant du tumulte pour échapper aux adversaires, aux monstres et à toutes ces horreurs.

Le duo se mit à courir rapidement. Ils dévalèrent des escaliers, et arrivèrent dans un couloir sombre. Cahir pataugea rapidement dans une substance visqueuse, et constata, comme Shad le constata également, qu’il s’agissait de sang. Une sorte de couloir de sang qui convergeait vers le fond. Deux gros tuyaux rouillés filaient en hauteur, jurant avec l’aspect médiéval des lieux. Cahir les observa sans rien dire, et suivit ensuite Shad.

« Je n’aime pas Shad, je n’aime vraiment pas ça… »

Au bout du couloir, il y avait une sorte de grand précipice, un puits gigantesque qui semblait se perdre dans les profondeurs du monde. Un courant d’air frais les frappa tous les deux. Les murs étaient nus, en pierre, et d’autres couloirs se trouvaient à différentes parties, relâchant également du sang. Les tuyaux, eux, partaient vers une sorte de grosse structure centrale, ressemblant à une sorte de pyramide suspendu dans les airs, accessible par de grands ponts suspendus métalliques.

« Sacrée installation… »

Il regarda encore Shad.

« Est-ce que tu peux reprendre forme humaine ? Il va falloir escalader un peu… »

Elle n’avait sans doute qu’à se concentrer. Pendant ce temps, deux hommes-porcs remontaient le couloir de sang, leurs rugissements rebondissant contre les parois. Cahir partit le premier, s’appuyant à un tuyau situé en-haut avec ses mains, ses pieds se posant sur un autre. Une position instable, précaire, mais la seule qu’il avait. Il se déplaça ainsi, cherchant à rejoindre l’un des couloirs menant à cette pyramide centrale.

C’était visiblement le cœur de cette structure infernale…

Sacrée installation...c’était peu dire ! Tout cet endroit empestait la mort à pleins nez et sans compter que du sang coulait sans fin juste sous leurs pieds et pattes ! La Louve s’approcha en premier lieu du puit sans fond et outre le fait de sentir un air frais lui frapper le museau, elle pouvait aussi ouïr les flots de sang qui se déversaient dans ses profondeurs…combien donc de litres il y’avait-il là-dedans ? Mais à la place de descendre dans ces entrailles peu rassurante, Cahir fut plus tenté de s’approcher de l’espèce de pyramide qui trônait plus en hauteur, lui conseillant par la même de reprendre sa forme humaine. Pour toute réponse, elle émit un petit grognement venant dans un premier temps l’aider à monter plus facilement en se plaçant sous lui pour qu’il puisse prendre appuie sur son dos. Une fois qu’il eut une prise, aussi précaire soi-elle, la Louve tenta de reprendre une apparence humaine mais n’y parvint pas dans l’immédiat. Elle redressait son corps, ses pattes avant venant se placer contre le mur, glissant sur ce dernier tandis que ses griffes raclaient la surface.

L’impatience et l’urgence de la situation gagna l’hybride qui se mis à tourner en rond tel un lion en cage. Au loin, les grognements des hommes-porcs se faisaient plus audibles, il était donc urgent d’agir et de changer rapidement de formes avant qu’il ne soit trop tard ! Par chance, l’escalade ne semblait pas être trop difficile car Cahir avait déjà gagné quelques mètres. La Louve observa le mur et se mis à reculer afin de prendre un peu d’élan. Autant jouer le tout pour le tout, en réalité, elle n’avait pas vraiment de plan, elle espérait juste une sorte de…réaction innée ?

Prenant appui sur ses pattes arrières, elle s’élança par la suite et bondit aussi elle qu’elle le put. Ses pattes antérieures touchèrent le mur mais s’arimèrent rapidement dedans, ou plutôt des griffes tranchantes s’y plantèrent.  Instinctivement pendant son saut, l’hybride avait revêtu une autre de ses apparences, celle de la lycane.  Mi humaine, mi animale, elle releva le museau en direction de Cahir, le fixant de ses yeux ambrés et se mis à gravir avec facilité la paroi, ne laissant pas le loisir à l’humain de répliquer quand elle se mis à le traîner de force, le forçant à s’accrocher à son dos.

Plus bas, les hommes porcs criaient de mécontentement et leurs hurlement énormes se répandaient dans tous le puit. Autant dire qu’une chute n’était guère permis à cet instant. Pendant leurs ascensions, l’hybride pris la parole :

« Désolé je n’ai pas su reprendre ma forme humaine…C’est à n’y rien à comprendre… »

C’était tout de même assez déconcertant de redécouvrir des aspects de son propre corps que l’on ne connaissait pas. Fixant les ponts métalliques, la lycane reprit :

« On ne sera pas seuls là haut…J’ai…. »

Peur ? Oui, et c’était tout à fait normal ! Qui n’aurait pas peur dans de telles situations ? Qui n’aurait pas peur de ne pas savoir où il se dirigeait ni même de savoir ce qu’il était en réalité capable de faire ? Elle émit un grondement continuant de gravir ce mur qui semblait étrangement sans fin avant de poursuivre :

« Laisses moi essayer de reprendre forme humaine après…je devrais réussir…si on a le temps… »

Et ça c’était encore moins sûr ! La Louve s’arrêta subitement avant de se déplacer rapidement vers un coin plus sombre, cessant tout mouvement. Même ses arabesques se firent plus sombre. A quelques mètres au-dessus d’eux un groupe de cultistes étaient en train de traverser une passerelle en pierres. Certains semblaient en pleines prières, des mots incompréhensibles sortant de leurs bouches tandis que d’autres entamaient une discussion. Jouant la carte de la sécurité, la Louve opta pour rester sur place et écouter et..surtout attendre que la voir soit libre également.

Dans ce château sinistre, Cahir sentait qu’ils approchaient d’un endroit important. Mais, plus ils s’enfonçaient dans le château, et plus Cahir réalisait que le château lui-même n’était que la partie supérieure d’une structure souterraine beaucoup plus profonde. Tandis qu’il avançait, il vit alors Shad se transformer encore, reprenant, non pas sa forme humaine, mais une forme hybride… Lycanthropique. Surpris, Cahir la vit se rapprocher, plantant ses griffes dans le mur. Telle une araignée, la Louve le rejoignit aisément, et l’attrapa. Cahir se retrouva dans son dos, et s’agrippa à elle.

« Tu ne manques vraiment pas de surprises » lui glissa-t-il, agréablement surpris.

Elle poursuivit sa progression, plantant régulièrement ses griffes, se rapprochant de la passerelle, quand elle s’arrêta brusquement. Au-dessus, il y avait une autre passerelle, et un groupe d’ennemis passa par là. Difficile d’entendre ce qu’ils disaient, mais il fallait surtout éviter qu’ils ne soient repérés. Cahir tendit l’oreille au maximum, mais son ouïe était moins bonne que Shad, qui put percevoir plus aisément quelques bribes de conversations :

« Deux prisonniers en fuite… Honnêtement, ce n’est pas la première fois que des prisonniers s’enfuient.
-  Nous les retrouvons d’habitude plus rapidement.
-  Il n’y a rien à craindre, ils ne peuvent pas sortir du château, et, d’après l’agitation dans la prison, ils sont plutôt revenus sur leurs pas qu’autre chose.
-  Le Maître a raison d’exprimer ses inquiétudes. Ces deux individus ne sont pas comme les autres. Le médaillon que nous avons vu sur cette louve… Tout laisse indiquer qu’elle a été sciemment envoyée ici, et qu’elle est liée à ceux qui combattent nos confrères à Lumen.
-  Allons, vous savez comme moi que Mandus était un faible, quelqu’un qui ne croyait pas à notre message ! Ce n’est pas la position du Maître. Ce n’est qu’une okami ! Et lui, un apatride renégat, un bon-à-rien.
-  Peut-être, mais nous aurions dû les tuer, plutôt que de leur faire subir le traitement standard réservé aux sacrifiés habituels.
-  La potion d’Amnésie est très efficace, ce n’est qu’un problème passager, et… »

Ils s’étaient désormais trop éloignés pour que même Shad les entende. Cahir lui fit signe de continuer, et la louve se déplaça encore, jusqu’à sauter sur la plus proche passerelle, avec un accès direct vers la pyramide centrale. Là, Cahir la relâcha. Le duo pouvait, soit s’éloigner de la pyramide, soit entrer à l’intérieur. Avant cela, Cahir demanda néanmoins à Shad ce qu’elle avait entendu, et celle-ci lui répondit donc. À l’évocation de la « potion d’Amnésie », Cahir fronça les sourcils, sentant un autre souvenir le saisir…

…Une vision où il se trouvait dans ce qui ressemblait à une boutique crasseuse remplie de livres, de fioles, d’élixirs, le refuge d’un alchimiste, en compagnie de Shad. Elle portait une tenue bien plus complète, avec une armure rouge et dorée, une capuche, une épée… Le duo se rapprochait de l’alchimiste, un homme légèrement trapu qui semblait paniquer.

« Rentrer dans le château ? Mais c’est suicidaire !
-  C’est ce qu’il faut faire, l’oppression d’Alexander von Brennenburg n’a que trop duré.
-  Mais vous ne réalisez pas !
-  Ce que je réalise, c’est qu’il nous faudra un élixir contre la potion d’Amnésie une fois que nous serons à l’intérieur… »

Cahir papillonna des yeux en revenant à la réalité. Petit à petit, il sentait que les pièces du puzzle s’imbriquaient les unes dans les autres, dessinant la toile d’ensemble de leur aventure ici.

« Nous sommes venus ici volontairement, Shad… La potion d’Amnésie doit être un traitement que les geôliers de cet endroit inoculent à leurs prisonniers, mais… Nous avions cherché un antidote. Peut-être est-ce grâce à ça que nous avons réussi à nous évader ? »

Il envisageait à voix haute les hypothèses possibles, avant de la regarder encore.

« Qu’est-ce qu’on fait ? On rentre dans la pyramide ? Personnellement, j’ai très envie de voir ce qu’il se passe dedans… »

« Si nous avons trouvé un antidote contre cette potion, j’ose à espérer que ce dernier fera rapidement effet. Nous avons retrouvé certains pans de notre mémoire mais il reste encore des zones floues…notamment sur notre présence ici. »

Certes leur mémoire leur revenait, ; plus rapidement à l’apatride qu’à l’hybride mais petit à petit les pièces du puzzle se remettaient en place. Ils avaient principalement besoin de déclencheurs qui pourraient leur servir à faire resurgir des souvenirs du passé. Et malheureusement pour cela, ils devaient avancer au sein de cet endroit sordide. Fixant l’entrée de la pyramide, la Louve poussa un soupir, sa queue s’agitant nerveusement derrière elle, puis elle émit un léger grognement, qui pouvait sans autre mesure être considéré comme de la crainte.

« Si nous sommes bien venus ici de notre plein gré, c’est qu’il doit y’avoir une raison ! Et nous l’avons peut-être devant nous. Cet endroit n’est pas fait pour être découvert par des prisonniers…Mais je doute que l’on puisse se promener sans souci là-dedans. »

A ces mots, elle s’approcha doucement de l’entrée et tendis l’oreille. Pendant quelques secondes elle n’entendit rien, puis divers sons lui parvient : bruits de pas, cris étouffés ressemblant à des murmures…et des grognements de porcs ?  La Lycane se recula et se tourna vers Cahir :

« C’est bien ce que je craignais, si nous rentrons là-dedans, ce sera sans filet. – elle posa son regard par la suite sur son apparence et  observa ses pattes munies de griffes tranchantes – je dois dire que sur le coup…Je préfère essayer de garder cette apparence. »

Entre être à moitié nue sous une robe de cultiste sans arme et avoir un corps robuste munies de griffes et de crocs…le choix était vite fait ! De plus n’étant pas en position quadrupède, elle ne risquerait pas de se retrouver de nouveau coincée comme précédemment avec le mur à escalader. Finalement le choix était arrêté : direction l’antre de la pyramide ! La Lycane s’y engouffra, mettant tout ses sens en alerte. Certes elle entendait des fois des signes de présences, mais ces derniers, par chance, étaient bien trop loin pour que cela puissent les inquiéter. Le duo traversa un simple couloir, sans fioritures, rien de bien marquant, jusqu’à arriver à une première porte. Aucun passage que ce soit à gauche ou à droite n’étaient visibles.  Encore une fois, ils s’assurèrent que personnes n’étaient à proximité avant de la pousser dans un grincement sinistre. Ce qu’ils trouvèrent de l’autre côté ne pouvaient être confondu avec une pyramide antique..

« Mais…où sommes-nous encore arrivées Cahir ? »

Souffla Shad tandis qu’elle observait l’immonde tuyauterie qui filaient le long des murs. Du sang s’échappait par endroit des tuyaux et glissaient le long des murs où l’on pouvait y discerner des arabesques, des fresques représentants des…monstres gigantesques et tentaculaires ?  L’aspect de la bête était immonde, incompréhensible, et la Louve écarquilla soudainement des yeux, frappée par un souvenir enfoui dans les tréfonds de son être :

Elle se vit à Lumen, accompagnée par une femme à la chevelure rousse, au cœur d’un complexe souterrain, entourée par ces mêmes tuyaux alimentés de sang et surtout…elle revit le monstre qui avait été invoqué. Cette aberration d’un autre monde qui se nourrissaient de sang et de magie pour venir dans leur réalité…

Et tout portaient à croire qu’ils tentaient de nouveau de renouveler cet « exploit »

«Un Grand Ancien ! Ils…veuillent faire venir un Grand Ancien ! - elle se tourna vers Cahir, sa pupille fendue, ses poils hérissées et sa queue battante nerveusement ne pouvaient que confirmer la crainte dans ses paroles – nous devons les arrêter ! On doit être là pour ça ! Il faut…détruire cet endroit ! »

Mais comment ?

La pyramide centrale s’avérait particulièrement sinistre. En y entrant, Cahir et Shad virent une série de tuyaux filant vers une structure plus centrale. Nerveux, Cahir s’avança devant lui. Ayant conservé sa forme lycane, Shad était relativement impressionnante, et en tout cas plus grande que lui. Cahir soupira doucement, et ils grimpèrent une série de marches, rejoignant alors une pièce centrale, cylindrique. Les tuyaux se regroupaient tous là, à hauteur du plafond, filant dans un trou au centre du plafond. Cahir nota de nombreux fauteuils installés dans la pièce, avec des corps attachés, des intraveineuses partant de leurs corps. Shad, elle, observa plutôt les tuyaux, et vit d’étranges figures le long des murs. Cahir se retourna vers elle, puis vers le mur, essayant de comprendre ce qui se passait. Son esprit fonctionnait à vive allure, essayant de comprendre et d’analyser tout ce qu’il voyait.

Shad lui expliqua alors que cette structure avait pour but de faire venir un Grand Ancien.

« Qu… Quoi ?! »

Quelques souvenirs fugaces émergèrent dans l’esprit de Cahir, des souvenirs d’une femme, sa mère (ou sa gouvernante) lui contant des histoires antiques sur des monstres cyclopéens et redoutables bannis par les Dieux. Des mythes religieux destinés à renforcer la ferveur des gens.

« Mais… Cela n’a pas de sens… »

Les souvenirs revinrent encore, plus récents.

Cahir avançant à cheval dans la forêt… La panique, le souffle de l’adrénaline, des mains serrées autour de sa taille. Une femme qu’il avait récupéré en traversant une forêt, revenant vers Mijak, vers cet endroit d’où il avait été exclu.

« Je n’ai pas le droit de revenir ici, mais, après ce qui s’est passé à Lumen, je crains que mes parents n’aient été tués… »

Flash-back, avance rapide l’amenant dans une auberge. Le feu crépitait, et Shad était là, se réchauffant, lui parlant de Shub-Niggurath, de la Machine d’Oswald Mandus, et lui montrant une missive royale écrite par Elena Ivory, la Reine de Lumen, faisant état d’une conspiration à l’échelle de la planète, une organisation séculaire. Elle lui expliqua qu’elle revenait du même royaume que lui, le royaume de Koldoue, ravagé par une invasion d’araignées géantes, par ceux-là mêmes qui avaient offert à Oswald Mandus les moyens de fonder la Machine de Lumen.

« La Monarchie de la Rose… »

Les signes sanguins évoluèrent alors, et Cahir déglutit en reconnaissant le signe, l’Œil Pourpre :


Des bruits de pas se firent alors entendre depuis le fond de la pièce.

« Et bien, je n’aurai cru que vous seriez allé aussi loin… »

Dans le dos de Cahir et de Shad, plusieurs hommes-porcs se rapprochaient, et, au fond de la salle, un homme élégant et âgé, portant un cardigan rouge, venait d’arriver, accompagné de cultistes tentaculaires. Il portait de fins gants blancs en soie ainsi qu’une canne d’apparat. Chichement vêtu, il se dégageait néanmoins du baron Alexander de Brennenburg une impression fatiguée, lessivée.

« Je suis le maître de ces lieux, le Baron Alexander de Brennenburg, dernier héritier de la digne lignée des Brennenburg. Et vous… Vous n’êtes pas de simples prisonniers. Je crains qu’en vous ayant invité ici, mes hommes aient répété la même erreur que les Troyens dans les récits antiques, laissant pénétrer en ma demeure des nuisibles. »

Le baron se déplaça lentement.

« Vous n’espériez tout de même pas pouvoir vous rendre jusqu’ici sans que je m’en rende compte ? Rassurez-vous, si je voulais juste vous tuer, vous seriez déjà morts. Je voulais m’assurer que vous soyez bien ce que je sais maintenant que vous êtes, jeune Shad… L’une des Élues de la Tour, une Immortelle. »

L’œil cramoisi apparu et la Louve ne put retenir un mouvement de recul. Elle n’arrivait plus, pour le moment à se rappeler de l’importance de cet œil, de sa symbolique mais elle ressentait au fond de son être qu’il n’était qu’annonceur de malheur. Et ses doutes furent rapidement confirmés quand un homme vint à faire son apparition. Et il était loin d’être seul ! Des cultistes se tenaient à ses côtés tandis que dans leur dos, des grognements lui confirmaient que des hommes-porcs s’approchaient, les prenant de ce fait en tenaille. La Lycane émis un grognement, tournant une de ses oreilles vers l’arrière afin de se tenir prête si une attaque devait arrivée. Son regard d’ambre se porta sur l’humain, sur celui qui semblait être le propriétaire de ce château : Alexander de Brennenburg. Pourtant, malgré son apparence fatiguée, la Louve n’avait nullement envie de se baser là-dessus et considérait l’homme comme un individu très dangereux. Après tout, si des cultistes et même des hommes-porcs lui obéissaient, c’était bien qu’il devait bien cacher son jeu non ? Mais pour l’heure, que pouvaient-ils bien faire à part l’écouter ?

« Invités ? »

Ce mot tiqua à l’esprit de la Lycane. Venait-il de dire que Cahir et elle-même furent invités en ces lieux ? Qu’on venait de tout mettre en œuvre pour les attirer jusqu’ici ? Si ces derniers connaissaient le passif de l’Okami, ils devaient bien savoir qu’elle avait mis en mal une de leur machine à Lumen. Dans ce cas pourquoi l’amenaient ici avec Cahir si ce n’était pour une autre sombre raison ? D’autant plus que selon ses dires, il aurait aussi bien pu les tuer à tout instants, évitant ainsi aux cultistes un précieux temps perdu. Tout cela n’avait aucun sens…Et les dernières paroles du Baron encore moins…

« Je me fiche de savoir ce que vous pensez ce que je suis ! Vous en revanche êtes fous ! Ramener un Grand Ancien signerait notre fin à tous ! »

Non pour l’hybride, cette mention « d’immortelle » n’était là que pour la déstabiliser. Et elle ne comptait nullement baisser sa défense. Dans son dos, elle pouvait sentir le souffle putride des hommes-porcs et il était facile de deviner que ces derniers attendaient soit le bon instant, soit un ordre de la part du baron pour se jeter sur eux. Pourtant, la Louve gardait son regard sur le maître des lieux et émis un nouveau grognement :

« Expliquez vous Alexander…Expliquez toute cette folie ! »

Car oui…Il devait bien y avoir une raison à tout cela ! Aucun être doté de raisons n’iraient consciemment cherché à invoquer sur son propre plan d’existences des êtres capables de le réduire à néant et de tout plonger dans la folie et la démence…

Alexander les regarda lentement. Aucune fuite possible, aucune échappatoire. Les hommes-porcs les rejoignaient, et Cahir ne pouvait rien faire. Était-ce donc terminé ? Il était malgré tout intrigué. Ils étaient au niveau inférieur de la pyramide, mais tous les tuyaux et les canalisations de sang menaient à l’étage. Quel sombre dessein se trouvait donc au-dessus ? Le baron se déplaça lentement, ne répondant pas immédiatement aux interrogations de Shad.

« Je suis condamné, ma chère Shad. Comme nous tous. Ma peau se dégrade, l’âge me tue autant que mon cancer. Tous les élixirs ne peuvent plus rien pour moi. Ils n’ont fait que retarder l’inévitable. Mon cancer me tue à petit feu. Je le sens remuer en moi, détruisant toutes mes cellules. La magie blanche n’a pu que le retarder, mais pas le tuer. La mort, Shad… Elle est notre lot à tous. Qu’on le veuille ou non, tôt ou tard, la mort nous emportera tous, et, de notre existence, il ne restera rien. ‘‘C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière’’, ainsi que l’enseigne les érudits des Enseignements. »

Le baron se déplaça encore, et observa les prisonniers attachés. Les appareils pompaient leur énergie magique, sous la forme d’un liquide bleuâtre, de la mana. Cahir ne savait toujours pas quoi dire, tandis que l’homme leur exposait ses sombres motivations.

« Tous mes héritiers sont morts. La guerre… Une épidémie dans la région… À ma mort, ma demeure tombera dans le bien public impérial, et sera récupéré par mes rivaux. Je refuse cette fatalité. Je refuse ce cycle éternel perpétué par la Tour et par les Dieux. »

Cahir hocha doucement la tête.

« Vous parlez de lutter contre la Mort ?
-  Contre la destinée. J’ai reçu de l’aide, Shad. Tout comme feu Monsieur Mandus. Vous en avez sûrement entendu parler à Lumen… Le Magicien. »

Cahir ignorait si ce mot allait déclencher quelque chose chez Shad, mais lui tiqua doucement, en fronçant les sourcils. Un nouveau souvenir émergea alors.

« Vous n’êtes qu’un pion dans un jeu qui vous dépasse, Cahir, une intrigue qui implique vos parents. Cintra n’était qu’un leurre, un piège pour amener Emhyr à renoncer à ses ambitions impérialistes. Tout cela est l’œuvre du Magicien ! »

Qui lui avait dit ça ? Les souvenirs étaient confus, semblant plus anciens que ceux avec Shad… Tout en étant relativement connexes. Il secoua encore la tête, essayant de retrouver sa contenance.

« Le Magicien m’a fait une offre, une offre que je n’ai pas pu refuser. Les Grands Anciens ne sont pas nos ennemis, Shad. Ils nous ont créés. Ils sont nos véritables maîtres. Sans eux, nous errons comme des chiens sans but, à nous comporter comme des animaux. Tout ce que notre science nous a permis de faire est de développer de nouvelles techniques pour s’entretuer, sans arrêt. En son for intérieur, l’Homme n’est pas fait pour la liberté, il n’en veut pas, et la redoute. Car il ne cesse de s’inventer de nouvelles chaînes. Je le vois, je l’ai vu à travers les autres mondes. Plus la technologie évolue, et plus l’Homme s’asservit. Jamais il ne s’affranchit, toujours il obéit, et obéit encore. Car, en notre for intérieur, nous recherchons nos anciens Maîtres, ceux qui nous ont permis d’évoluer et de penser. Vous les voyez comme des tyrans car vous avez été endoctrinés par des années de mensonge, mais ils sont notre destinée ! »

Plus le baron parlait, et plus il semblait exalté. C’était un fanatique, un illuminé… Un absolutiste, les plus dangereux.

« Le Magicien m’a permis de survivre. Je devrais déjà être mort, mort et enterré. Je… »

Comme pour justifier ses propos, Alexander éternua alors. Une toux sèche et bruyante, qui l’amena à se serrer le cœur, et à détourner le regard. En fronçant les sourcils, Cahir vit alors la peau du baron se friper sur place, se froissant, comme si elle se décomposait rapidement de seconde en seconde. Ses éternuements devinrent alors d’étranges sifflements rauques, bruyants et stridents. Il sembla ensuite se calmer, s’épongeant le front avec un mouchoir.

« Je ne mourrai pas ainsi, non, non… Quand les Grands Anciens reviendront, notre destinée pourra enfin s’accomplir. Notre véritable but, celui de ne faire plus qu’un avec nos créateurs, nos créateurs qui ont été dupés par les Dieux. Il n’y aura plus de vie, plus de mort, il n’y aura que la félicité éternelle ! Nous ne souffrirons plus, nous ne connaîtrons que le bonheur…
-  Vous délirez, Alexander !
-  Je suis au contraire parfaitement lucide. Finalement, que savons-nous sur les Grands Anciens ? D’où tenez-vous cette prétention qu’ils seraient nécessairement mauvais, et que votre vie mérite d’être vécue ? À quoi bon mener une existence vide sens ? Une vie où, en définitive, tout ce qu’il restera de vous, ce sera… De la poussière. Nous aspirons tous à un plus grand avenir. Et ce plus grand avenir ne peut être offert que par eux. »

Alexander affirma cela avec ce qui semblait être la plus grande sincérité du monde.

Cet homme était fou ! C’était là la seule explication tangible ! Lors de l’évocation du « Magicien » la Louve ne put s’empêcher d’émettre un long grognement. Ce mot, cette appellation, venait de lui faire revenir quelques souvenirs où elle se souvint d’une vieille cité…d’un livre ancien et…d’une bataille sans aucune mesure. Malheureusement ses souvenirs étaient encore confus mais elle était sûre que la personne qui osait lire dans cet ouvrage antique se faisait appeler le « magicien » et qu’il portait également un autre nom…

« Flagg… » souffla t’elle.

Cette fois, ils étaient littéralement encerclés, et l’hybride ne put remercier intérieurement le fait qu’elle ne s’était pas retransformée. Elle doutait pouvoir faire face aux pouvoirs occultes des cultistes mais au moins, elle était plus en mesure de se battre contre les hommes-porcs, dont elle pouvait sentir leur souffle contre son pelage d’ébène. Cela ne faisait aucun doute qu’ils attendaient le moment opportun pour les tuer, Cahir et elle. Mais le vrai danger, le véritable danger, résidait en la personne d’Alexander Brennenburg…Ce fou qui pensait que les Grands Anciens sauraient le sauver ! Si encore il était seul à souffrir de cette folie mais au contraire il entraînerait avec lui bons nombres d’innocents…Et le regard de la Louve se porta quelques instants sur les malheureux dont les forces magiques avaient été presque ponctionnés et où leurs corps ne ressemblaient plus qu’à un corps défraichi.

« Vous êtes fou Alexander ! Les Grands Anciens ne vous sauveront pas ! Tout cela n’est qu’un mensonge dicté par le Magicien ! Et vous…vous êtes tombés à pieds joints dedans car vous avez...peur de mourir ! Vous craignez tellement votre mort que vous êtes prêt à la faire subir à ceux qui s’extasient encore de vivres !  - ses arabesques sur son pelage se mirent à luirent plus intensément, en réponse à une colère sourde qui l’animaient- Vous n’êtes qu’un fou, qu’un détraqué ! Et vous n’arriverez pas à vos fins ! »

Il était hors de question que ses plans sordides ne parviennent à leurs objectifs finaux…Discuter avec un tel individu n’était qu’une perte de temps ; non la seule solution ici était de…tout détruire. D’empêcher que plus de sangs ou de mana n’alimentent l’odieuse « machine ? » qui était présente à l’étage supérieur. Et n’attendant pas que les hommes-porcs lancent en premiers leurs assaut, la Louve se retourna et frappa de ses griffes ; tranchant cette fois avec plus de facilité que sous sa forme animale, la chaire de l’ennemi, faisant sortir ses boyaux avant que son autre patte ne frappe violemment au niveau du cou et face sauter la tête hors du corps. Les discutions étaient à présents terminées :

« Cahir ! »

Juste un simple appel pour le prévenir de se tenir prêt. La contre-attaque ne se fit pas attendre : les autres hommes porcs hurlèrent de rages et se mirent à charger tandis que les cultistes venaient de faire apparaître des tentacules de sous leurs toges, tentacules qu’ils envoyèrent vers Cahir et Shad dans l’objectif de restreindre leurs mouvements. Les griffes de la Lycane tranchaient celles qui s’approchaient de trop près mais elle ne pouvait voir celles qui arrivaient dans son angle mort et faisait donc confiance à l’apatride pour le surveiller. Quant à Alexander…ce couard prenait la fuite !  Un autre regard rapide vers les malheureux dans les cuves permis à la Louve de voir qu’ils étaient complétement vidés de toute force magique et vitale et que…d’autres venaient de prendre leurs places…hurlant de peur et de douleur.

Cette folie devait prendre fin ! Et un sentiment d’urgence se mis à naître dans l’esprit de l’hybride…quelque chose d’horribles étaient presque sur le point d’arriver. Au diable cette énonciation d’immortelle et d’élues de la Tour ! Il y’avait plus important sur le feu en cet instant !