The Multiversity

Kroggan régnait par la terreur sur ses hommes, mais il était au bord de la cyber-psychose. Les implants qu’il avait mis étaient trop nombreux, ce qui impactait son équilibre mental, son humeur et son comportement. Quand cet équilibre était rompu, le sujet rentrait dans ce qu’on appelait la « cyber-psychose », un état de démence profonde où le sujet perdait pied avec la réalité, et devenait alors un tueur inarrêtable, qui massacrait tout ce qui bouge, sans même en avoir conscience. Cet état, Kroggan flirtait toujours avec, et il aurait normalement dû depuis un certain temps avoir franchi la limite. Cette attaque en plein cœur de son siège risquait peut-être de le faire définitivement basculer. Il s’éloigna de la table de billard, et se dirigea ensuite vers la sortie.

Quand il rejoignit le parking, Kroggan avisa le bâtiment en face. C’était leur garage, mais aussi le lieu où il y avait le bordel. Il grogna en se rapprochant, accompagné par plusieurs hommes, tandis que les autres à l’intérieur s’équipaient à leur tour. Kroggan rentra à l’intérieur du garage, et grogna en voyant de premiers cadavres, près d’un coin détente avec un poste de télévision. Il se déplaça lentement, sa démarche lourde le rendant néanmoins assez peu discret. Kroggan avait mis sur ses yeux des lunettes thermiques, supposées l’aide à identifier d’éventuels cibles. Il balaya la zone autour de lui, et vit une concentration de sources thermiques derrière un mur. Il fit signe à ses deux hommes de s’approcher lentement, tout en relevant son arme et en l’orientant depuis sa position vers les fins murs de cette pièce.

À l’intérieur de la pièce, les prostituées apeurées regardaient CA.lcium sans comprendre ce que celle-ci leur voulait. Elle venait de tuer une prostituée, et les autres hurlaient, tandis que le sang de la première prostituée défunte fusait en l’air.

« SALOPES ! ALLEZ CREVER EN ENFER !! »

Kroggan venait d’hurler, et tenait à deux mains une monstrueuse gatling. Il était accompagné de deux autres bandits, et visa le mur de la pièce. L’arme commença à vrombir, les canons se mirent à tourner de plus en plus vite, et la gatling se mit à rugir. La prostituée à qui Kazue parlait se reçut une rafale qui déchiqueta son corps comme du couteau tranchant du beurre. Les balles de lourd calibre passaient à travers le mur, les traversant. Les prostituées se mirent à hurler de plus bel, mais sans aucun espoir de pouvoir s’échapper. Les balles de la gatling perçaient les murs de la chambre, fauchant les femmes comme des blés, transformant la pièce en une véritable scène de carnage. Des corps éclatés, des membres explosés… Un vrai massacre !

Les pas lourds de Kroggan. La lente mise en fonctionnement de la gatling. Autant de paramètres qui permirent au Projet CA.lcium de lancer quelques calculs internes et ainsi adopter la meilleure attitude à avoir. D’un seul coup, ses jambes de métal s’écartèrent l’une de l’autre pour finir en grand écart. Son ventre s’allongea sur le sol. Il n’y eut pas un seul instant où une émotion s’infiltra en elle. Ni quand les prostituées se firent hacher. Ni quand les balles passèrent au-dessus. Le sang-froid était à son maximum d’efficacité. Le tireur fou de l’autre côté du mur ne tirerait jamais en direction du sol. Qui plus est, ce n’était qu’une question de secondes avant que le chargeur soit vide et qu’il y ait un temps de latence avant la prochaine manœuvre de son ennemi.

Là ! Maintenant. Le Projet CA.lcium se releva aussi facilement qu’une personne quitte sa position assise pour se mettre debout. Le corps en partie cyborg était si élaboré et si acrobatique que le Projet CA.lcium fusait déjà sur les roues de ses jambes vers les deux subalternes qui balayaient la pièce trouée et ensanglantée à la recherche… de personne. D’un seul mouvement de la faux-bras, leurs têtes furent tranchées et s’en étaient finis pour eux.

Restait Kroggan. Dans un monde scénarisé et de guerriers emplis d’égo, il y aurait eu une discussion entre les deux. Mais le Projet CA.lcium n’était pas une guerrière. Et elle ne souffrait pas de dysfonctionnement émotionnel (enfin… en tout cas, rien qui l’oblige à parler et provoquer son adversaire). L’objectif avant tout. Kroggan n’était qu’un sous-point à traiter. Comme on biffe une tâche après une autre d’une to-do list.

Alors elle rua vers son ennemi. Soudainement, elle se retrouva sous la gatling et brandit son bras cyborg vers l’arme de destruction. On pouvait croire que le bras à rallonge du Projet CA.lcium devenait un handicap pour un combat rapproché au corps-à-corps. Mais c’était une erreur de penser ainsi. Celui qui prenait le temps de bien regarder découvrait un nombre impressionnant de points de rotation. Bien plus qu’un simple bras de chairs d’être humain.

Le mouvement se finit dans le dos de Kroggan. Le Projet CA.lcium se releva et toisa son ennemi. Sa tête se pencha sur le côté. Incompréhension. La gatling tombait en morceaux par terre dans un lourd fracas. Les griffes au bout de ses doigts avaient coupé avec la propreté et la précision d’un laser. Mais le Projet CA.lcium ne comprenait pas. Pourquoi avait-elle priorisé la destruction de l’arme ? Elle aurait pu tuer l’être humain dès le début. Comme elle l’avait fait avec les deux subalternes.

Cherchait-elle… la confrontation ? Y avait-il finalement chez elle une espèce « d’âme de guerrière » ? Ou était-ce le fruit d’un calcul inconscient qui lui avait permis d’éradiquer la menace prioritaire en premier pour optimiser ses chances de survie ? Non, pas de survie. Cela aurait impliqué qu’il y avait un risque qu’elle (meurt ? soit détruite ?) Non, ses risques d’endommagement. Elle ne voulait pas coûter de l’argent en réparation pour sa « Maman ».

Kroggan hurla en tirant, et il était presque sûr qu’il était en train de bander. Avec la détonation infernale de son arme, impossible d’entendre les hurlements des femmes à l’intérieur. Quand il eut terminé, il ordonna à ses deux hommes d’aller voir. De la fumée s’échappait du rotor de la gatling, ainsi que dans tout le couloir. Il y avait également une odeur d’essence. Le mur s’était transformé en gruyère, avec de multiples trous. Les deux mercenaires de Kroggan se rapprochèrent de la porte, un peu nerveux. L’un l’ouvrit d’un coup de pied en pointant son fusil à pompe. Tout ce qu’il vit fut un corps découpé en plusieurs morceaux gisant dans une mare de sang, une tête à moitié éclatée avec l’un des yeux qui avait jailli d’une orbite pour flotter au sol, comme un morceau de fruit qui trônerait dans un cocktail à vous donner envie de vomir… Puis il poussa un hurlement en voyant une silhouette mortelle fuser vers lui. Son doigt appuya par réflexe sur la gâchette du fusil à pompe, qui tira dans le plafond. Son hurlement se termina rapidement quand la lame le décapita. Son comparse hurla également, mais n’eut pas le temps de tirer, avant que sa tête ne roule dans le couloir. Surpris, Kroggan vit cette tête, puis le mur affaibli explosa brusquement, libérant une sorte de frêle femme. Il pointa sa gatling, mais des étincelles dansèrent devant ses yeux. Avec ses griffes métalliques, la femme avait découpé la gatling.

« Bordel, mais qu’est-ce que t’es comme saloperie, toi ?! »

Devant lui, une espèce de gamine cybernétique avec des yeux rouges et un bras métallique se terminant par des griffes et pouvant se déployer en faux lui faisait face. Kroggan hurla en s’élançant vers elle, et tenta de donner un coup de pied, mais la cyborg bondit sur le côté, et le frappa dans le dos. Le sang de Kroggan jaillit en l’air, et le mercenaire grogna, la douleur explosant dans son corps. Il  serra le poing pour se faire une injection d’antidouleurs, et grogna en sentant le liquide se diffuser dans son épiderme. Sa vision devint floue, verdâtre, et il se retourna vers la femme.

« Bande de sales putes, tu débarques ici, et tu crois que tu pourras me hacher ! Saloperie de salope ! »

Kroggan banda les muscles, mais lui aussi avait quelques surprises en stock, notamment un redoutable Sandevistan. Ce module permettairt d’augmenter fortement la sécrétion d’adrénaline et le système sanguin. Ses battements cardiaques s’affolèrent, et il put ainsi aller plus vite, surprenant visiblement le cyborg. Sa main attrapa Kazue au cou, et il la plaqua violemment au sol.

« Moi aussi, j’suis chromé, pétasse ! Je vais t’éclater ta gueule de pute ! »

Kroggan pointa son autre main vers Kazue, et sa peau autour de son poignet se recourba, libérant ainsi son implant : une série de canons ! En l’occurrence, un lance-flamme ! Kroggan ricanait et délirait, de la bave lui coulant des lèvres.

Sur ce point, les renseignements de GWC étaient incomplets. Si elles avaient su que Kazue risquait d’affronter un cyber-psycho, la mission aurait été annulée. Dans un réflexe nerveux, la faux de Kazue se déploya pour se planter dans le torse de Kroggan, ce qui le fit reculer. Le lance-flammes cracha ainsi ses flammes mortelles juste au-dessus de sa tête. Le sang coulait joyeusement du torse de Kroggan, qui vomit également quelques gerbes de sang. Cela aurait dû le déstabiliser, mais, dans son état, il ne percevait même plus la douleur. Il hurla en déclenchant un autre implant : Gorilla, ou « Bras Gorilles ». Le mastodonte bondit en avant, et son poing fracassa le mur derrière.

« HAHAHAHAHAHAHAHA !! »

Les yeux du Projet CA.lcium allait sans cesse d’un point à un autre. Comme par exemple le point de son ennemi avec les dégâts du mur. Ou encore les blessures sur son torse ou le sang sur son menton. Autant d’informations qu’elle engrangeait dans le but de calculer un résultat pour savoir quoi faire ensuite. Car, si Kroggan était dans tous ses états, le Projet CA.lcium continuait à conserver son sang-froid. De toute façon, son programme internet fonctionnait 24h/24 pour bloquer les émotions. Il n’y avait que sous sa forme de « Kazue » qu’elle pouvait pleinement expérimenter la complexité humaine. Sous sa forme actuelle, elle se devait d’être opérationnelle et efficiente à 100%. Elle voulait même aller au-delà. Excéder les résultats optimums et dépasser les limites de son corps et des barrières que son esprit fabriquait.

« Tu es déjà mort. Avec ou sans mon intervention, tu vas mourir. »

Mais Krogga, continuait de rire, insulter, taper tout en présentant les signes d’une érection forte. Il ne pouvait pas y avoir pire comme ennemi. Une espèce d’hyper stéréotype d’un mâle boosté aux joujous de cette ère. Un cerveau reptilien équipé d’armes modernes. Absolument aucune chance de pouvoir entrer dans une conversation. Tout ce que le Projet CA.lcium parvenait à faire : c’était un monologue. Elle décida alors que son ennemi lui faisait perdre un précieux temps.

Une nouvelle esquive d’un poing destructeur. Le Projet CA.lcium recula sur les roues de ses jambes noires et prit de la distance avec son ennemi. Elle porta la main gauche à hauteur de son visage et referma les doigts squelettiques. Comme pour vérifier qu’ils étaient fonctionnels. Les os, malgré l’absence de tendons et d’épiderme, étaient maintenus grâce à la technologie. Un liquide commença à suinter. Le Projet CA.lcium dut à nouveau esquiver un coup de poing destructeur.

Puis elle entra dans l’ouverture que le combattant lui laissa. Sa main gauche alla se saisir de la verge en érection. La poigne déchira le pantalon et écrabouilla l’organe génital. Malgré l’apparence faiblarde d’une main de mort, la puissance physique était au-delà des normes des êtres humains. Au-delà de la force physique de base des femmes militaires. Mais ce n’était pas tout. Les doigts suintèrent un poison destructeur. Il se répandit à travers les fluides de Kroggan. Sang et sperme. Le poison remonta à grande vitesse sur les voies, comme une voiture sur la piste la plus à gauche d’une autoroute. La destination finale ? Le cœur.

Pour venir à bout de Kroggan, Kazue eut recours à une sorte d’ultime technique, en l’émasculant. Ou, plutôt, en frappant violemment sa verge. Kroggan ne pouvait toutefois plus ressentir la douleur à ce stade, et le poison de Kazue, s’il pouvait marcher, déclencha une hausse d’adrénaline chez Kroggan. Ses yeux étaient injectés de sang. Il saignait du nez aussi, ses vaisseaux sanguins éclatant dans ses yeux. Il attrapa Kazue, et la projeta à travers un mur, l’envoyant voler hors du bâtiment. La jeune femme atterrit sur le parking, où elle se mit à rouler sur le sol, tandis que Kroggan déclenchait un autre de ses implants, le Sandevistan, qui lui permettait de se déplacer très rapidement en accélérant la production sanguine. Il s’élança ainsi vers Kazue, et la frappa encore, la projetant à travers la fenêtre du Red Dirt. La jeune femme atteignit finalement l’intérieur du bar, et heurta la table de billard sur laquelle, auparavant, Kroggan jouait. Elle souleva la table, et vit devant elle deux malfrats pointer leurs armes sur sa tête…

Quand leurs têtes explosèrent en partie. Kroggan venait de leur tirer dessus depuis le parking, et se mit alors à vomir du sang. Le poison était en train de le tuer, mais son corps convulsait. Les cyberpsychos étaient malheureusement très instables.

« Putain, il a tourné !
-  ’Faut appeler la Max-Tac, c’est un cyberpsycho ! »

Tout d’un coup, même Kazue devenait une menace secondaire. Kroggan hurla encore, semblant complètement possédé, et totalement insensible à la douleur. Cela portait un nom clinique : insensibilité congénitale à la douleur. Une affection naturelle extrêmement rare, particulièrement dangereuse, mais qui était un corollaire de la cyberpsychose. Kroggan était assurément en train de mourir, mais il allait faire des étincelles !  Il usa encore de son Sandevistan, ce qui lui fit encore vomir du sang, et fila à l’intérieur du Red Dirt. Sa main attrapa la tête d’un homme, et il la broya sur place, fendant les os comme le couteau fendait le beurre. La tête du malheureux éclata dans une gerbe de sang et de cartilages osseux.

Devant Kroggan, un gangster attrapa son fusil à canon scié, mais, avant qu’il ne puisse tirer, Kroggan déploya son lance-flammes à la main, faisant flamber l’homme qui poussa des hurlements de douleur.

« HAHAHAHAHAHAHA !! » continuait à hurler Kroggan.

Des rires qui ne témoignaient d’aucune forme d’humour, mais plutôt d’un esprit complètement éclaté. À l’image de son corps tombant en morceaux, l’esprit de Kroggan se fracturait par pans entiers…

La formidable puissance de calcul du Projet CA.lcium se retournait contre elle. Les résultats étaient pourtant clairs : son ennemi aurait du mourir. Oui, elle avait eu à l’esprit qu’il y avait une petite probabilité qu’ils survivent malgré l’écrabouillement de sa virilité conjuguée à certains freins pour la diffusion du poison. Mais en aucun cas, le calcul avait déployé un tel scénario. Son ennemi était plus puissant que jamais.

Le sang-froid lui avait permis de réagir efficacement à chacune des manœuvres surprenantes de son ennemi. Mais après avoir été frappé plusieurs fois, envoyés dans des murs et finalement dans cette table de billard : le Projet CA.lcium était obligé de tirer plusieurs conclusions. Si elle ne paniquait pas, elle n’avait plus de sang-froid. Le super calculateur qui remplaçait le modèle standard de cerveau des êtres humains buguait. Autre chose également. Si le Projet CA.lcium bridait ses sentiments lorsqu’elle était en mission, elle découvrait que l’arrogance ne disparaissait pas. Elle se croyait supérieure. Elle l’était, elle en était toujours certaine. Mais l’écart entre ses scénarios mentaux et la réalité était très loin du gouffre qu’elle avait imaginé.

Ainsi, les erreurs 404 de son cerveau allié à son arrogance, ne lui permettait pas de réagir correctement. Heureusement pour elle, son ennemi était entré dans une espèce de transe berserker et déployait sa rage sur ce qui était alors ses alliés.

*Je réinitialise mon système pour purger les éléments qui me ralentissent ? J’appelle à l’aide ? *

La première solution présentait un risque insensé de destruction pour elle-même. Elle rejeta la possibilité. La seconde solution était la meilleure. Mais sa partie humaine ne pouvait l’accepter. Cette partie liée à son arrogance. Appeler à l’aide serait décevoir Maman Rossa. Ce serait également décevoir la Déesse de la GWC. En poursuivant cette chaîne, c’était également statuer officiellement que le Projet CA.lcium était inférieur au Projet Manhunt. Donc un projet inutile. Donc un projet à détruire.

Devant l’impossibilité du système à prendre une décision, la partie animale du Projet CA.lcium entra en action de sa propre volonté. Des nuées de cafards sortirent de partout et nulle part. Ils étaient si nombreux que ça formait des rivières de ténèbres aux reflets de carapace. Des flux visibles à l’œil humain qui se dirigeaient vers le Projet CA.lcium pour la recouvrir entièrement. Formant alors une armure vivante et grouillante.

(après tout, le cafard est le plus résistant des êtres. Capable même de survivre au vide de l’espace ou à l’explosion nucléaire)

Mais ce n’était pas tout. L’invasion de cafards se propagea également vers Kroggan. Si une bonne partie remontait sur son corps et cherchait à le recouvrir pour former une grouillante Vierge de Fer : l’autre partie des insectes recherchaient chaque orifice du corps pour y pénétrer et provoquer des dégâts internes. Le lecteur se passera d’une description plus détaillée…

Pour Kroggan, ce n’était plus qu’une question de temps, et le mieux à faire était de ne pas l’affronter. Les bandits cherchaient ainsi à fuir du bar, ou à se cacher au fond, tandis que Kroggan tuait absolument tout ce qu’il voyait, sans distinction. Même Kazue semblait être devenue secondaire pour lui. Maintenant qu’il était dans sa transe, Kroggan était devenu excessivement dangereux. Les gangsters cherchant à fuir par devant furent interceptés par Kroggan, qui en jeta un au sol, et sépara sa tête du reste de son corps, avant de la projeter contre un mur en ricanant de manière démente.

« Dans le bunker, vite !
-  Il faut foutre le camp de là ! »

Ils partaient vers l’arrière, rejoignant l’entrée secrète qui menait à la partie souterraine du complexe. Kazue, de son côté, déploya sur Kroggan des cafards artificiels. Quand celui-ci les sentit grimper sur sa jambe, il ne tarda pas à réagir. S’il était insensible à la douleur, il perçut néanmoins cela, et se déplaça rapidement.

« Raah, lâchez-moi, lâchez-moi !! »

Son regard se porta sur Kazue, et il utilisa l’un de ses implants, tirant un missile à bout portant. Le tir était trop proche pour pouvoir l’éviter, et le missile explosa au contact de l’armure de cafards de Kazue. L’explosion fit trembler le Red Dirt, et la déflagration souffla Kroggan et Kazue. Le chef des Cyber-Tigres heurta une banquette, tandis que le plafond se fissura, et que les douches anti-incendie se déclenchèrent. Kazue fut également repoussée par l’impact, et toutes les vitres du Red Dirt furent également balayées et brisées par l’explosion. Le temps pour Kazue de reprendre ses esprits, et elle put voir que Kroggan s’était relevé… Mais se tenait immobile debout, bras ballants. Son torse était noirci, et il sifflait lentement, du sang s’égouttant de ses lèvres, semblant à ce stade plus mort que vivant. L’armure de CAL.cium avait protégé celle-ci de l’explosion, mais Kroggan n’avait aucune protection de ce type. Il était vaincu. De manière définitive ? Kazue allait-elle prendre le risque de relancer le combat, ou allait-elle accomplir sa mission, et se diriger vers le bunker ?

« Réévaluation de la situation en cours. »

Le Projet CA.lcium leva la tête vers le ciel. Il n’y avait pas de moyen de transport en vue, donc sa conclusion était que la mission n’était pas interrompue. Ce qui signifiait qu’elle devait poursuivre malgré l’irruption surprise de ce super-criminel combiné au fait qu’elle avait accusé le coup d’une explosion à courte distance.

« Evaluation parallèle de l’intégrité de ce corps et de sa capacité à poursuivre la mission. Double calcul en cours. »

Son ennemi était debout. La mort aurait dû s’emparer de lui mais il persistait à rester debout. D’où lui venait cet ersatz d’énergie impossible. La technologie avait outrepassé les limites de son corps. Son armement internet était tel qu’il pouvait encore contenir de quoi se faire exploser lui, mais potentiellement une large zone dans les environs. Sans compter que le poison de Projet CA.lcium devait toujours circuler en lui. Le souffle de chaleur de l’explosion n’ayant pas pu faire office d’antidote.

« Calculs terminés. Analyse de la situation. Lecture des résultats. Poursuivre la mission en laissant un ennemi doté de tant d’irrégularités et de surprises est un risque trop important. Attaquer de front l’ennemi présent un risque trop important également. L’option la plus sécurisée est donc de s’en débarrasser en l’éloignant un maximum. Demander de l’aide à la GWC n’est pas une option étant donné les configurations de la mission. Solution alternative découverte. Mise en application de la solution alternative. »

Le Projet CA.lcium a déjà pratiqué de nombreux coïts lors de ses missions. Résultat l’apparition de monstres plus ou moins identiques à leur « mère ». Alors le Projet CA.lcium se mit en chasse de ses victimes. Les hommes de Kroggan qui n’étaient pas encore morts de sa dernière explosion ou de ses excès de colère. Les prostituées en pleurs qui n’avaient pas eu la force de quitter les lieux. Le corps du Projet CA.lcium fit ériger une verge et viola toutes ses personnes. Elle était comme de ces créatures qui pondent des œufs dans d’autres animaux pour que ces derniers deviennent bouclier et source de nourritures aux futurs bébés. Dans ce cas ? Les humains allaient se faire parasiter. Devenir des « zombies » ayant pour objectif de porter le corps de Kroggan et l’emmener dans une zone déserte (ou suffisamment chaotiques pour que personne ne pleure de nouvelles morts). S’il y avait des armes ? Couteaux, guns ou explosifs ? Ils devraient s’en servir. S’ils n’en avaient pas ? Les « zombies » entreraient alors en mode cannibale.

Ce problème traité, le Projet CA.lcium pourrait alors avancer l’esprit serein (mais encombré des nouveaux fluxs d’informations de ses « zombies ») vers le continument de sa mission : à savoir l’invasion du bunker.

Personne n’ayant prévenu les autorités ou la Max-Tac, la mission de Kazue ne fut pas annulée. Elle choisit prudemment de s’éloigner de Kroggan, et passa un certain temps à violer les quelques personnes encore sur place. Son sperme jaillit dans le corps de ses proies, et les contamina, en faisant des zombies qui se relevèrent, et marchèrent vers Kroggan. Cette opération macabre prit un certain temps, tandis que, dehors, la situation s’était calmée. Kroggan vaincu, les Cyber-Tigres étaient regroupés dans le bunker. Toutefois, il restait encore de nombreux criminels à l’intérieur, ainsi que Wasabi. Le netrunner observait en ce moment même Kazue à travers les caméras de sécurité encore indemnes du Red Dirt. Il grimaça en voyant ce qu’elle faisait, les copulations sauvages.

*Décidément, ces salopes de GeoWeapon Corp. ne reculent jamais devant rien…*

Wasabi était suffisamment intelligent et cultivé pour reconnaître dans cette femme l’une des créations monstrueuses des mégacorporations. Il fit pivoter son fauteuil, et examina depuis un écran le robot de combat que les troupes de Kroggan avaient capturé.

*J’en étais sûr, que ce machin était un piège…*

Avec la mort de Kroggan, la situation allait se compliquer rapidement. Les Cyber-Tigres étaient paniqués, se barricadant à l’intérieur. Ils se retranchaient, armant des tourelles de défense automatiques, empilant des caisses et des lits.

« Elle arrive ! Cette salope veut nous buter !
-  On va la défoncer, cette pute ! »

Wasabi savait qu’ils n’avaient aucune chance. Il recommença à pianoter sur son clavier, travaillant à nouveau sur le robot de combat, pour pouvoir mieux accéder à ce dernier. Le temps jouait contre eux, mais le netrunner  comptait bien se sortir de ce cauchemar en vie !

Le Projet CA.lcium était une femme. De base. Et on n’entrera pas dans le sujet d’une question de genre, d’identité ou autre sujet à problématiques. Le point étant : oui, le Projet CA.lcium est genré féminin mais est capable de déverser du pseudo-sperme dans ses victimes. Car appellons-les comme ça, étant donné que le consentement n’est pas une donnée laissée au choix du corps qui se fait violer. Le Projet CA.lcium n’est absolument pas une super-héroïne parfaite sous toutes mesures. Au contraire, et c’est ce qui la rend efficace et dangereuse.

Donc, après avoir parasité nombreuses victimes et ordonnée de s’occuper de finir Kroggan : le Projet CA.lcium reprend sa progression vers le bunker. Et vers le robot de combat que la GWC s’est laissée voler pour ce stupide test.

Les précédents coïts n’avaient pas simplement servi à créer des « ouvrières » à son service. Un commando kamikaze étant donné leur mission. Les coïts avaient également permis au Projet CA.lcium de récupérer des informations concernant les lieux, la direction qu’elle devait prendre et l’emplacement du bunker.

Elle s’y rendit et trouva l’escalier qui menait à la réserve. De là, il y aurait un prolongement vers le bunker. Mais le Projet CA.lcium décida d’exploiter cet endroit. L’escalier tournait à ce niveau à 180°. En somme, ça formait un angle mort et elle se trouvait juste sur le palier où ses ennemis arriveraient. Car il y en aurait.

« J’AI TUE KROGGAN ! »

Ce n’était pas un cri. Sa voix avait été augmenté via un système de haut-parleur se trouvant dans son corps de cyborg. Une simple provocation doublée d’un endroit où elle pourrait affronter une armée. Car elle se trouvait dans un goulet d’étranglement et c’était parfaite pour la guerrière seule qu’elle était.

Le programme ? Son bras cyborg allait découper encore et encore. Jusqu’à ce que la voie soit libérée. Ou que ses adversaires prennent peur et se pleutrent. Ou, et c’était la pire des possibilités, jusqu’à ce que le robot de combat la force à changer radicalement de stratégie. Mais le cerveau cyborg calculait déjà des possibilités et divers scénarios à respecter pour atteindre une efficience maximale.

La bataille entre les Cyber-Tigres et Kazue tournait en sens unique. Pour le dire simplement, ils n’avaient aucune chance. Beaucoup d’entre eux étaient déjà morts au Red Dirt, et ceux qui restaient, entre le sous-effectif et la panique, n’opposèrent à Kazue qu’une résistance acharnée, mais désespérée. Depuis le poste de contrôle, Wasabi pouvait sentir cela. Dire qu’iol paniquait ne serait pas faux. Il n’avait pas envie de mourir ici, dans ce trou à rats, mais il savait que l’androïde de combat n’épargnerait personne. Il se concentra donc sur les protocoles de cryptage du robot de combat. Dans le bunker, les détonations rugissaient, s’accompagnant de hurlements de douleur, et de projections de sang. Les communications étaient plus difficiles à obtenir de la part de GWC, qui suivait désormais Kazue à l’aide d’une vue satellite et d’ondes radar. Si la PDG se faisait plaisir avec ses invitées, et avait remplacé la chaîne par une autre, l’état-major suivait avec nervosité et enthousiasme ce qui venait de se passer. Kazue avait après tout réussi à vaincre un cyber-psycho, un exploit rare qui confirmait sa dangerosité.

« Serait-il possible de la dupliquer ? De fabriquer d’autres androïdes ?
-  Kazue est un programme très spécial, vous savez… Reproduire son mode de fonctionnement nécessitera du temps.
-  Les cyber-psychos représentant un problème constant, rappela Scarlett. Puissants, sauvages, incontrôlables et meurtriers… Certes, nous disposons de la Max-Tac, mais ceux qui y travaillent sont également susceptibles de devenir des cyber-psychos à tout moment. Avec Kazue, le risque est minimal.
-  Bien sûr, il faudrait améliorer sa programmation… »

La démonstration de force de Kazue s’avérait finalement très satisfaisante, et devrait aboutir à une meilleure dotation budgétaire pour le programme du docteur Rossa. Du positif, en somme ! Kazue, de son côté, continuait sa progression, jusqu’à se retrouver confrontée à une tourelle de combat lourde près d’une énorme porte menant à l’entrepôt. Une demi-douzaine de Cyber-Tigres s’étaient accumulés autour de cette dernière zone de défense, l’un d’eux manipulant la tourelle lourde. L’arme se mit à rugir, crachotant des flopées de balles très puissantes vers Kazue… Le dernier rempart avant le robot de guerre, que Wasabi s’efforçait à débloquer aussi vite que possible…

Dupliquer le Projet CA.lcium était une hérésie. D’abord parce que le Projet était hautement instable. Son équilibre mental tenait à vraiment peu de choses. Il ne fallait pas oublier que son cerveau était à la confluence de sa voie mentale d’humaine, de données informatiques constantes et d’un babillement d’insectes. Que l’armée veuille toute une unité de Projet CA.lcium était… folie.

Qui plus est, le Projet CA.lcium lui-même aurait détesté cette idée. Pour la simple et bonne raison que, derrière sa froideur, se tenait toujours des sentiments et une personnalité. Qui aurait voulu d’un clone lui ressemblant en tout point ? Le Projet CA.lcium ne souffrait pas de narcissisme à ce point. Elle aimait être unique dans le sens où, elle aurait détesté être partagé avec d’autres aux yeux de Maman Rossa. Elle voulait être sa fille unique.

Mais tout cela n’était que philosophie. Actuellement, le Projet CA.lcium était en pleine observation après s’être retranché suite au tir nourri de la tourelle de combat lourde. Derrière la poutre en acier IPN, le Projet CA.lcium attendait. Elle écoutait la musique sentiments et des balles. Les jurons et les cris de détresse lui permettaient d’apprendre le nombre et la force de ses adversaires humains. La cadence de tir et les rechargements, la symphonie du rythme des attaques. Tout cela lui permettait de connaître les pauses à exploiter. Elle calculait déjà le ballet mortel qui allait s’ensuivre.

Et puis ce fut fini et elle fit face à la porte. Comment ? Tout cela a été trop rapide ? Effectivement. Mais une fois le Projet CA.lcium lancé, tout se termina très rapidement. A regarder, ce fut beau. Une économie de mouvements. De belles courbes de progression. Une mise au silence progressive tandis que les têtes tombaient les unes après les autres, privant les doigts de contrôle sur les gâchettes des flingues. Quand on savait où se positionner pour esquiver les balles, même une lourde tourelle de combat devenait inefficace.

En résumé, ça n’avait été que des mathématiques couplées avec un corps puissant pour mettre en exécution les résultats calculés.

Le Projet CA.lcium frappa à l’énorme porte. Les sons se répercutèrent. Pour un humain isolé, ce devait être terrifiant. Car ce silence, cette proximité du toquement et la réverbération signifiait qu’il était seul et pris au piège.

« Il n’y aura qu’un avertissement. Rendez-vous et vous serez peut-être épargnés. Rendez-nous ce que vous avez volé et vous ne serez peut-être pas poursuivis en justice. »

Ce n’était que mensonges. Le Projet CA.lcium avait essayé de jouer une carte de diplomatie. La réalité était qu’elle éliminerait tout le monde. Qu’on se rende ou non, elle était juge, jury et bourreau. Et la sentence était la mort pour tous.

« Je dois admettre que je suis impressionné. Les corpos ne cessent de créer de nouvelles machines à tuer décérébrées. Il y a une partie organique en toi. J’ignore ce que tu es, et je n’ose imaginer ce qu’ils t’ont fait subir, mais je n’envisage pas de mourir ici. »

Les derniers Cyber-Tigres s’élancèrent dans un combat désespéré contre Kazue tandis que Wasabi terminait de configurer le robot de combat. Il était suffisamment calé pour savoir que les corpos avaient leurs propres esclaves, qu’elles utilisaient comme des cobayes. Les Cyber-Tigres n’avaient absolument aucune chance contre Kazue, et Wasabi se déplaça vers le robot de combat, entendant les hurlements des bandits derrière. Il pianota sur des terminaux reliés au robot de combat, et entendit une explosion supplémentaire. Il tourna la tête vers le bout du hangar, et la vit. Kazue venait de rejoindre le hangar, frappant, fauchant, tuant, et éviscérant.

« Désolé, mais j’compte pas crever ici, bordel… ! »

Le robot était roulé en boule, inactif, et se mit à vibrer, s’illuminant lentement. Wasabi se redressa, et vit Kazue qui se rapprocher. Il sortit un pistolet de sa ceinture, et fit feu à plusieurs reprises, dans le seul but de la retenir, puis le robot vrombit alors. De la fumée s’échappa de ses réacteurs, et Wasabi se mit à courir.

« Tu voulais jouer, hein ? Eh bien, va jouer, salope ! »

L’énorme robot de combat se redressa devant Kazue. Massif et dangereux, il était très impressionnant. Un canon sur son épaule s’illumina, et projeta un puissant laser explosif. L’onde de choc frappa Kazue, et fit trembler tout le hangar, la projetant plusieurs mètres en arrière. Le robot se déplaça alors, et se remit en boule, puis tournoya vers Kazue. Il était extrêmement rapide et polyvalent pour un tel mastodonte, ce qui confirmait son caractère expérimental. Autrement dit, un ultime affrontement pour Kazue qui était à la hauteur de ses espérances !

Des Cyber-Tigres, il ne restait que des cadavres. Le hangar avait presque été étreint dans un silence mortuaire annonçant la fin de sa mission. Mais non, il restait un rat qui avait tiré quelques coups. Un pistolet de puissance inférieure. Le Projet CA.lcium n’avait pas compris. C’était une provocation ? C’était tout ce qu’il restait à cet homme pour tenter de ralentir sa mort inéluctable ? C’était ridicule. Pitoyable. Et le Projet CA.lcium s’était fait avoir. Au lieu de maintenir la complexité de ses calculs et poursuivre son carnage : elle avait perdu du temps.

Résultat : elle faisait face à un énorme robot de combat. Tandis que le rat se carapatait.

Le Projet CA.lcium se redressa après avoir accusé le premier tir dévastateur. Elle ralentit la puissance de calcul à éliminer le dernier rat qui avait réveillé le robot de combat. Elle ne devait pas sous-estimer son avant-dernier adversaire. C’était une création GWC.

« Analyse en cours des failles dans la défense du robot de combat… »

Le robot de combat se projeta à grande vitesse vers le Projet CA.lcium. En boule, il était impossible d’atteindre les organes mécaniques. En boule, c’était une forteresse inviolable. Le Projet CA.lcium sut déjà qu’il lui faudrait attendre le moment où il se déploierait pour l’attaquer avec son laser et ses autres armes greffées ici et là.

« Prioritarisation des scénarios basés sur le modèle expérimental du sujet. Expérimental signifiant faiblesses. Calcul en cours… »

Le Projet CA.lciul détesta alors la suite. Pour vaincre cette chose de plusieurs tonnes, elle allait axer sa stratégie sur les erreurs des concepteurs de GWC. Ce qui signifiait qu’il y aurait un feedback qui corrigerait les défauts et rendrait le robot de combat encore plus létale. Ce qui lui compliquerait d’autant plus la tâche lors du prochain faux-vol et vrai-test qu’on lui ferait subir. Elle détestait ces machinations. Mais elle n’avait pas le choix. Le danger roulait une nouvelle fois à toute vitesse vers elle.

« Je suis le Projet CA.licum. J’existe pour détruire le Projet Manhunt. »

Il y avait une part d’égo à ne pas négliger. Si le Projet CA.lcium n’était pas le meilleur, il était obsolète et bon à envoyer dans le destructeur. Bon à reconvertir en four à micro-onde ou vulgaire godemichet à vibrations.

« Calcul de son déplacement, vitesse et rotation en cours… Calcul terminé. »

Le Projet CA.lcium prit de la hauteur et sauta sur le robot de combat en mode boule. Elle allait utiliser l’effet gyroscopique. Elle allait courir dans la direction opposée telle une artiste de cirque sur un ballon en mouvement. Le robot expérimental n’aurait pas d’autre choix que de reprendre une forme humanoïde. A ce moment-là, le Projet CA.lcium serait sur sa tête et son bras de Faucheuse déconnecterait définitivement son cerveau informatique.

Manhunt ! Le nom n’échappa pas à Wasabi, qui s’était éloigné, tandis que Kazue affrontait le robot de combat. Le robot était aussi un exosquelette, mais Wasabi ne savait pas comment le piloter. Il préféra donc opter pour le programme automatique. Wasabi assista alors à un drôle de numéro de cirque quand la Gynoïde infernale sauta sur le sommet du robot en mode sphérique, et se mit à courir dessus. Elle restait à son sommet, faisant preuve de sens surhumains, car la boule filait très vite. Le robot heurta les parois, faisant trembler ces derniers, s’envolant dans les airs, mais Kazue s’adaptait, se déplaçant pour rester accrochée au robot. Celui-ci finit par changer de forme. Il se déploya, et Kazue bondit alors en hauteur, et déploya une lame énergétique, qu’elle utilisa alors pour trancher la tête du robot. Le robot se mit à chanceler, sans sa tête. Il fonctionnait toujours, mais sa tête lui servait de pilotage, et il finit par s’écrouler au sol.

Wasabi avait profité de ce moment pour fuir par un tunnel de maintenance. Le netrunner savait qu’il avait très peu de temps avant que la Gynoïde ne le retrouve. Il courait donc, s’aidant de ses implants pour se repérer, cherchant un point bien précis. Le Projet Manhunt… Qui n’en avait pas entendu parler ? L’un des projets les plus ambitieux de GeoWeapon Corp., un cobaye qui s’était échappé, et qui était l’équivalent d’un dieu cybernétique, capable de pirater n’importe quel système. Pour beaucoup, c’était une légende urbaine. Wasabi se mit donc à fuir, et verrouillait derrière lui des portes coupe-feu, qui n’avaient que vocation à ralentir Kazue. Il finit par atteindre une antique porte de maintenance, et l’ouvrit. Elle donnait lieu à une station de métro abandonnée, qui servait de tunnel de contrebande.

*Vite, vite…*

Le netrunner fila vers l’ancien quai, et aperçut un tramway. Cette station était utilisée par les Cyber-Tigres pour convoyer les objets de contrebande. Il grimpa dans le tramway, et démarra ce dernier, puis fit s’abaisser une énorme paroi vitrée qui séparait le rail du quai. Il vit ensuite la Gynoïde débarquer, tandis que le tramway démarrait.

« Inutile, tu ne briseras jamais cette vitre à temps ! Mais tu veux un conseil ? Si tu veux retrouver ton Manhunt, va chercher du côté de Night City ! »

Le tramway accéléra ensuite, et s’éloigna de la station abandonnée. Wasabi soupira lentement. Il avait survécu de justesse…

*Je vais devoir filer vers Night City, ces salopes vont me traquer, maintenant que je connais leur petit secret… Et puis, les Cyber-Tigres sont morts, aucun autre gang ne viendra m’aider.*

Quant à Kazue, elle reçut un ordre de mission, lui signalant d’arrêter la traque du fugitif. La mission était terminée, et elle devait retourner sur le parking du Red Dirt pour exfiltration avant que les autorités n’arrivent.

L’insubordination avait manqué être plus puissant que l’obéissance aux nouveaux ordres. Le Projet CA.lcium ne comprenait pas de devoir laisser un faible humain avec une si forte information sur le Projet Manhunt. Sa NEMESIS ! Sa raison d’être. Alors oui, sa partie humaine s’était gonflé de données d’égos et de données de colère. Mais l’allégeance à Maman Rossa et à la GWC avaient triomphé.

« Ordre reçu. Non accord avec le nouveau ordre. Mais soumission à celui-ci. »

L’avantage, et inévitablement l’inconvénient, du Projet CA.lcium était son caractère. Ce n’était pas le parfait petit soldat dont le cerveau avait été méthodiquement lavé dans tous ses recoins. Un tel cerveau n’était pas capable de folie et donc d’imprévisibilité et donc de fortes possibilités de triompher d’un excellent Projet comme celui du Manhunt. Donc le Projet CA.lcium ne conserva pas pour elle son ressentiment. En soit, ce n’était rien d’autre qu’une information. Et il fallait avoir le maximum d’informations pour créer le meilleur scénario. Et ça valait autant pour elle que pour la GWC.

« Itinéraire en cours de calcul pour retourner sur le parking du Red Dirt pour exfiltration. Est-ce que l’itinéraire doit prendre en compte la destruction ou la récupération de matériels ? J’entends principalement par là le robot de combat. »

Le Projet CA.lcium attendit parfaitment immobile la réception des informations demandées. Suite à quoi, elle obéit et retourna vers le parking comme demandé. Selon le temps d’arrivée des autorités, elle marcherait ou courrait. En soit, le Projet CA.lcium ne redoutait pas les autorités. Et donc, elle était totalement prête à effectuer un nouveau carnage. Donc soit elle retournerait en marchant soit en courant vers le parking, selon les ordres.

Dans sa tête, des recherches et des calculs étaient lancés. Pourquoi l’humain connaissait le Projet Manhunt ? La plus forte probabilité de réponse visait à un statut de netrunner et à d’excellentes connaissances en récupération d’informations. Soit via des recherches solo. Soit via un réseau efficace. En parallèle, le cerveau modifié du Projet CA.lcium superposait les données de Night City avec les planques potentielles du Projet Manhunt et également les raisons qui expliqueraient sa présence. Tout cela était en cours et demandait une certaine puissance de calcul. Le Projet CA.lcium commençait à être pressé de rentrer pour se brancher sur le réseau de la GWC pour amplifier ses propres capacités.

Le projet CA.lcium devait rester confidentiel. Qu’un simple netrunner de second rang en soit au courant n’était pas une menace, car GWC comptait bien s’occuper de lui. Mais, si les autorités découvraient Kazue, le secret serait alors bien plus difficile à conserver. Le choix était donc logique. Quand Kazue demanda si elle devait partir en détruisant ou en récupérant du matériel, la réponse fut négative ; elle devait juste partir ! La bataille du Red Dirt avait été entendue, et les autorités se rapprochaient. Quand elle s’extirpa du bunker et rejoignit l’intérieur du bar, les sirènes de police se faisaient déjà entendre. Elle parvint néanmoins à s’éloigner, et retrouva sans trop de difficulté le point d’extraction. Une navette se posa sur place, et Kazue put grimper dedans. Elle put voir un visage familier qui lui sourit : la Lieutenante Ashley Peters.

« Mes félicitations, Kazue, tu as été exceptionnelle. Partons d’ici, avant que la police n’arrive. »

La navette décolla rapidement, ne tarda pas à rejoindre le centre-ville, une forêt de gratte-ciel lumineux, de publicités holographiques, et de véhicules qui fonctionnaient à toute heure. La navette se dirigea vers l’imposante GeoTower, qui se dressait avec force au milieu des autres tours. La navette se posa sur l’un des derniers héliports, le penthouse personnel de Miranda. Une grande terrasse se trouvait là, avec plusieurs piscines, un jardin, et une  véranda massive permettant de rejoindre ce luxueux penthouse. Quand Kazue rejoignit la zone, ce fut pour être accueillie par Amina Vanah. Des traces de sueur ornaient le corps et l’uniforme moulant du capitaine, qui portait uniquement son haut. Les scanners de Kazeue n’auraient aucun mal à discerner l’activité sexuelle résiduelle de la jeune femme, qui invita Kazue à la suivre.

Elles passèrent devant une chambre où plusieurs femmes étaient endormies, dont une curieuse dame en tenue en latex rose moulante. Vanah conduisit Kazue jusqu’à un salon, où, à l’intérieur, Miranda était en train de boire du vin avec Scarlet.

« Ah, voilà la plus belle ! s’exclama Scarlet. Tu nous as offert un spectacle incroyable, ma chérie ! Je ne pensais pas que tu tomberais sur un cyber-psycho, on a été à deux doigts d’annuler la mission, mais la manière dont tu t’en étais sortie… Je dois le reconnaître, tu m’as surpris ! »

Miranda était elle aussi particulièrement ravie. C’était un franc succès, après tout !

« Tu as vraiment été très talentueuse, Kazue… Mais, dis-moi, comment te sens-tu après cette première mission ? On aurait dû t’emmener normalement faire un check-up complet, mais je tenais à te féliciter moi-même. »

Le Projet CA.lcium avait été absolument silencieux depuis le moment où il avait reçu l’ordre de « juste partir ». Son visage était fermé. Plus que d’habitude. Elle était allée de mauvaise surprise en mauvaise surprise. Tout du moins, elle avait observé nombre de choses qui lui déplaisait. Et voilà qu’elle se retrouvait face à la supérieure de sa Maman. Des calculs se lancèrent dans sa tête quant à savoir avec quelle stratégie elle répondrait.

« Cette chambre n’est pas un lieu de réunion stratégique. Tout comme les femmes que j’ai vu ne sont pas des personnes hauts placés. Mais eu égard à vous, Miranda Forge et à votre question directe, j’en conclus que je peux parler franchement. »

Ce n’était pas une question rhétorique.

« Alors laissez-moi reprendre depuis le début où j’ai reçu cet ordre simple de partir. Je n’ai pas été d’accord avec celui-là. C’est pour cela que j’ai déployé mes cafards afin de retrouver ce netrunner que je n’ai pas eu le temps de tuer.

Je reviendrais dans quelques instants sur ce qu’il s’est passé avant cet événement. Je vais poursuivre le cours du temps et poursuivre également mon rapport. Lorsque la Lieutenante Ashley Peters est venue me récupérer, elle m’a félicité. C’est inutile. Je ne fonctionne pas aux compliments.

Lorsque je suis arrivée ici, j’ai été accueilli par Amina Vanah à moitié nue sortant d’un rapport sexuel. Si cela ne me touche pas personnellement, je réitère le fait que ce n’est pas une façon convenable de se présenter. Sommes-nous au siège de la GeoWeapon Corp ou sommes-nous simplement les putes d’un bordel ? »

Le pire dans le rapport du Projet CA.lcium était peut-être justement ce manque de ton. Elle parlait d’une voix froide et toujours sur la même tonalité. A cet instant, il y avait une majorité d’ordinateur par rapport à son humanité.

« Qui plus est, j’ai remarqué des inconnues endormies. Si je croise les données par rapport à l’état excité d’Amina Vanah, le temps de ma mission et entre autre le fait que cette femme en latex rose endormie : j’en conclus qu’elles étaient toutes présentes au moment de ma mission. Si j’extrapole, je dirais qu’il y ait une forte probabilité qu’elles soient au courant de ma mission. Cela en ferait donc des cibles à éliminer.

Maintenant que mon rapport est arrivé à ce moment présent, je peux revenir dans le passé et parler du passé. Comment je me sens par rapport à ma première mission officielle ? Mes sentiments sont superflus. Par contre, j’ai de nombreux commentaires à faire par rapport à cette mission. Le fait d’avoir confié une unité lourde à ces criminels de bas étage par exemple. C’était une stupide erreur. Cette unité pourrait être effroyable d’efficacité. Sa forme de boule est excellente mais présente un terrible point faible. Celui de devoir reprendre forme pour attaquer. Si les criminels avaient été assez intelligentes pour y ajouter une autre unité à distance pour se combiner et ainsi pallier à cette faiblesse, je… »

Le rapport se termina sur cette phrase que le Projet CA.lcium ne terminerait pas. Elle ne pouvait admettre qu’il y avait une possibilité où elle aurait échoué. Où elle ne serait pas revenu et aurait laissé sa Maman sans elle…

Kazue avait beaucoup de remarques à faire, et était très observatrice. Miranda la laissa parler librement, notant sa frustration et sa désapprobation. Elle avait en travers de la gorge la survie du netrunner, et le fait que ses supérieures aient laissé ledit netrunner jouer avec leur arme de combat. Elle reprochait aussi à Miranda son manque de sérieux, le fait qu’elle ait préféré s’adonner à des activités sexuelles, plutôt que de regarder ce qui se passait. Miranda la laissa parler, s’amusant de voir que, même si elle faisait beaucoup d’efforts pour paraître froide, Kazue avait visiblement beaucoup d’émotions. C’est d’ailleurs la première chose que Miranda fit observer, en s’asseyant sur un fauteuil :

« Tu es plus émotive que tu ne souhaites l’admettre, Kazue… Et tes sentiments m’ont l’air bien moins superflus que ce que tu prétends. »

Miranda soupira lentement en avalant un peu d’alcool. Il était fort ! Elle reposa ensuite le verre sur une table basse, puis poursuivit :

« Pour commencer, moi, je suis la PDG, je ne supervise pas les opérations militaires. Donc, je n’ai aucune obligation d’assiduité. Et, ce soir, j’avais des invitées. Le capitaine Vanah ne faisait pas non plus partie de la réunion stratégique destinée à t’observer. Nous étions simplement des invitées. Mes invitées ne risquent pas de divulguer quoi que ce soit, elles n’habitent même pas sur cette planète, et elles ont cru que c’était une fiction. »

La PDG se redressa encore. Elle marcha, et répondit encore aux remarques de Kazue :

« Scarlet a dû t’expliquer que ce robot de combat était un prototype, avec un verrouillage de sécurité. Tu crois vraiment que nous laisserions des bandits avec ce type d’armes ? Et, pour l’homme qui t’a échappé… Disons qu’il faut aussi que tu apprennes qu’il y aura toujours des imprévus dans une mission, et que tu ne pourras pas tout contrôler. »

Une leçon difficile, mais nécessaire !

Kazue avait envie d’être violente avec la Boss de sa maman. Non, pardon, le Projet CA.lcium avait très envie de… et bien d’être violente envers la PDG de la puissante GWC.

« Il faut cesser de me nommer Kazue. Je suis le Projet CA.lcium. Kazue n’est qu’une facette que je dois jouer pour prétendre à une vie sociale sans intérêt et complètement absurde. Seul compte l’éradication du Projet Manhunt. »

Mais, visiblement, la seule qui allait croire à ce « mensonge » était Kazue/Projet CA.lcium elle-même. Oser lui pointer du doigt un défaut dans sa conception. Oser l’abaisser à traîner dans les sécrétions et les fluides corporelles comme ces femelles pas très loin des animaux peu évolués.

« Vous devenez faible, Madame Forge. Apprendre à laisser le Chaos s’immiscer dans mes plans parfaits ? Accepter que je ne pourrais pas être assez intelligente, puissante, équipée et nombreuses pour ne pas pouvoir tout contrôler ? »

Le Projet CA.lcium eut un léger bug au niveau de son masque émotionnel. Elle avait utilisé le verbe « pouvoir ». C’était ouvrir la porte aux possibilités. C’était déjà marcher dans la direction que la PDG avait raison et elle tort. Inconcevable. Irrecevable ! Terriblement inadmissible…

« Très bien. Si vous êtes trop occupé à votre débauche, dirigez-moi vers la véritable personne en charge. J’irai faire mon rapport à cette personne. Il doit bien y avoir une femme dans ce bâtiment assez sérieuse et impliquée, oui ? »

Pour s’auto-convaincre de ces « défaillances », le Projet CA.licum admettait une certaine fatigue. Ainsi qu’un certain scénario qui l’avait conduit dans « certains » de ses retranchements. Mais il n’y avait pas d’approchement à certaines limitations personnelles : il n’y avait que des pistes de progrès. Voilà ! C’était ça la véritable version. D’ailleurs, il était connu que c’était les vainqueurs qui écrivaient l’Histoire. Et elle était celle qui avait vaincu.

*J’espère que Maman Rossa sera fière de mon travail… *