The Multiversity

[Mrs Claus]

Les deux femmes vivaient dans deux époques différentes. Du point de vue de Mrs Claus, Bayonetta vivait dans le passé. Les traditions orales étaient quasiment une espèce en voie d’extinction. Le papier faisait foi aujourd’hui. Il n’y avait qu’à voir la suprématie de l’administration. Elle était partout. Elle se développait. Elle se virtualisait. Plus personne ne pouvait quoi que ce soit sans avoir un papier à signer, à récupérer, à remplir, à parapher, etc.

Mrs Claus soupira tout de même. Pas vraiment pour la remarque de Bayonetta concernant le fait que c’était insultant. Plus parce qu’elle réalisait (à nouveau) à quel point elle avait changé. Quand elle était encore jeune, innocente et non musclée : elle était une autre personne. Aujourd’hui, elle était à la tête du Chalet. Et, suivant l’ère du temps, elle aussi était tombé dans l’Abime de l’Administration.

« Je te remercie, Bayonetta. Ici, dans ce monde, le papier est devenu plus important que la promesse orale. Et, je vais être franche avec toi, ce n’est pas quelque chose qui me plaît. Pour autant, je n’ai pas le choix. Je dois jouer avec ces règles pour évoluer, voire parfois simplement survivre. »

Il était encore bien trop tôt pour ne serait-ce que l’évoquer mais… Mrs Claus savait qu’il existait des documents écrits signés de la main du Père Noël et… de Krampus. Des contrats avaient été passés entre les deux légendes. Avant qu’elle ne devienne la « Mère Noël ». C’était le machiavélique Krampus qui lui avait appris l’existence de ces papiers. Une introduction avant de lui demander de mettre au point un contrat entre eux deux. Le Cornu avait eu pour toute réponses des poings et beaucoup, beaucoup de violence.

« Le papier est encore plus précieux, ici, dans le Chalet. Ce n’est pas qu’une signature sur un vulgaire morceau de feuille. La Magie de Noël imprègne chaque fibre de cette feuille et chaque goutte d’encre. Tu pourrais, effectivement, me tromper et me trahir. Mais tu aurais des conséquences réelles à faire face. »

Mrs Claus signa à son tour le contrat. Elle donna une copie à sa nouvelle alliée et enroula l’original dans un tube qu’elle glissa dans un conduit. Le contrat s’en était allé dans les profondeurs du Chalet via tout un réseau de tubes et d’air comprimé.

« Parfait. Nous voilà donc administrativement des alliés. Une chose de fait. Une de moins à faire. Encore une légion à traiter. »

Et parmi la légion de tâches qui les attendaient, il y avait la question de la sécurité de Rovaniemi aka « le village du Père Noël ».

« Je te fais confiance quand tu me dis que la prochaine cible sera Rovaniemi. Je te propose qu’on s’y rende et qu’on prépare la prochaine bataille. Je préférerais un bon bouclier qui repoussera la Baleine. Mais je m’attends toujours au pire donc aux vies menacées. Peut-être qu’il serait donc bon qu’on se rende au poste de police pour planifier une évacuation. A moins que tu aies une autre idée sur la question, Bayonetta ? »

[Bayonetta]

La passion des humains pour le papier était un grand mystère pour Bayonetta. Elle, comme elle l’avait indiqué à Mrs Claus sans détour, elle préférait la voie orale. Une promesse orale engageait votre voix, votre parole, c’était le poids de la parole donnée. On pouvait signer n’importe quel papier pré-imprimé avec un démon, seul comptait finalement ce qu’on disait. Mais Bayonetta ne voulait pas se froisser avec Mrs Claus, qui admit néanmoins à demi-mot qu’elle n’était pas une grande fan de la bureaucratie et de la paperasserie. Aucune réponse de la part de Bayonetta, qui se contenta d’un imperceptible haussement de sourcils. Mrs Claus alla ensuite à l’essentiel, annonçant qu’il faudrait sans doute prévenir les autorités locales de Rovaniemi, ce qui laissa Bayonetta assez insensible.

« L’expérience que j’ai avec les… Moldus… Montre qu’ils n’ont pas généralement tendance à me croire. Et, même s’ils nous croyaient, une évacuation générale ne ferait que compliquer les choses. Enfin, tu fais comme tu veux, mais je pense que ce sera plus simple que nous y allions toutes les deux, et que nous empêchions les Anges de Lumen d’invoquer un Portail. »

Mrs Claus avait toutefois peut-être des contacts particuliers avec les autochtones. Bayonetta, de son côté, allait juste se contenter de faire ce qu’il fallait.

« Est-ce qu’il faut encore que je signe des papiers, ou est-ce qu’on peut y aller ? J’ignore où est passée cette baleine, mais tout indique qu’elle va aller vers Rovaniemi. Plus vite nous y serons, et plus vite nous pourrons réagir, et éviter une catastrophe. »

[Mrs Claus]

« Non, c’est bon. J’ai ce qu’il me faut en paperasserie. »

Mrs Claus réfléchissait. Bayonetta n’avait pas tort. Impliquer les moldus dans une affaire de cette importance était toujours source de complications. Il y avait une alternative mais ça allait en coûter au Chalet.

« Je vais avoir besoin du formulaire Noël tiret 247 et tiret 512. Je vais également avoir besoin de déclencher les protocoles Rudolphe et Hiver en boule. »

C’était incroyable, les lutins semblaient apparaitre de nulle part à chaque fois que Mrs Claus requérait quelque chose. Des papiers allèrent et revinrent. Le crayon de Mrs Claus cocha plusieurs cases, remplit quelques lignes d’informations et apposa plusieurs fois sa signature.

« Tu as raison, Bayonetta, nous allons régler cette histoire sans la coopération des habitations de Rovaniemi. Mais nous n’allons pas régler cette affaire à deux. Ce serait prendre trop de risques. Prends tes sucettes comme en-cas et vérifie tes chaussures, nous partons randonner en pleine forêt. »

Elles s’enfoncèrent dans la forêt. Les arbres devenaient davantage majestueux. Des titans de hauteur qui retinrent bientôt toute la luminosité de l’astre solaire. Mrs Claus n’avait aucune hésitation. Malgré le peu de visibilité et les pièges naturels d’une forêt tels que les racines : elle avançait d’un pas décidé. Elle savait exactement où elle allait.

Auprès de ce sapin de taille modeste. Ces branches couvertes d’une neige éternelle. Enveloppé d’une aura doucement lumineuse et dont quelques lumières surnaturelles s’allumaient et s’éteignaient, telle une guirlande de LEDs commerciale.



« Nous sommes arrivées. Si mes lutins sont aussi efficaces que d’habitude, nous ne devrions pas attendre trop longtemps leur arrivée. »

Les 9. Un sobre intitulé pour une équipe d’élite. D’abord, il y eut des bruits dans la forêt. Pas grand-chose. Et, étonnamment, le bruit semblait être provoqué de manière délibéré. Comme si ces êtres qui approchaient pouvaient être aussi silencieux que des ninjas.

Ensuite vint une lumière rouge. Diffuse d’abord. Puis pendouillant au bout d’un sceptre fait dans un vieux bois.

« Voici le premier des cerf-garous. Voici Rudolphe. Il maîtrise la magie. »

Ce qui expliquait « le nez rouge » qui illuminait le chemin des 8 autres qui… les entouraient parfaitement. Aucune échappatoire. Pas même dans les airs car là-haut était posté un archer. Mrs Claus vit que Bayonetta l’avait repéré. Alors elle le présenta.

« Cupidon. Un archer qui pourrait rivaliser avec les meilleurs snipers humains de la Terre. Mais c’est aussi un grand romantique qui n’avait jamais trouvé son âme-sœur. »

Un renne-garou majestueux s’approcha de Mrs Claus et Bayonetta. Il semblait le plus sage de tous car sa fourrure était blanche et ses cheveux longs.

« Voici Tonnerre. C’est le Chef des 9. Merci d’avoir répondu présent, Tonnerre. Merci à tous d’être venus. Si je vous ai demandé, c’est parce que les événements qui vont arriver nécessite les meilleurs. Pour que vous sachiez tout, le Chalet va souffrir d’une surconsommation de la Magie de Noël. En effet, je vais demander à la Verrières d’entrer en action. La zone « no man’s land » entre le monde traditionnel des humains et le plan de la Magie de Noël va se répandre. L’hiver tombera. Les habitants de Rovaniemi ne seront plus que des silhouettes floues et quasiment en sécurité. Car n’oubliez pas que s’ils reçoivent des coups, ce n’est pas leur corps physique qui en pâtira. Au mieux, ce sera quelques nuits de cauchemars. Au pire, ce sera des séquelles psychologiques. »

Mrs Claus se tourna vers Bayonetta. Elle devait avoir des questions. Ce devait faire beaucoup d’informations nouvelles d’un seul coup.

[Bayonetta]

Mrs Claus décida de retourner en forêt, et Bayonetta la suivit. Elles sortirent donc, et Bayonetta s’avança, ne semblant pas sensible au froid glacial de cette région. Le duo rejoignit ainsi un énorme sapin lumineux en plein cœur de la forêt. Les sifflements du vent résonnaient tout autour d’elles, et Bayonetta croisa les bras en observant le sapin, avant de rehausser du bout des doigts ses lunettes sur son nez. Ce sapin n’était pas ordinaire, tout comme les énormes arbres alentour, bien trop hauts pour une forêt de ce type. Bayonetta observa donc le sapin, et entendit alors des bruits. Des mouvements… Mrs Claus invoquait des personnes, et, peu à peu, une petite assemblée se forma autour du sapin. Neuf personnes émergèrent de la forêt, sans sembler vraiment méchants. Des gardiens ? Des protecteurs ? Les esclaves de cette femme musclée ? Bayonetta, qui pour une fois ne mastiquait pas une sucette, les regarda lentement, puis se retourna vers Mrs Claus.

« Au cas où cela t’aurait échappé, les sorcières ont pour habitude de travailler seules. »

Bayonetta observa tout ce petit groupe, et posa un doigt songeur sur sa joue.

« Enfin, soyons sociables… Tu me fais les présentations ? Car je suis sûre que tu n’as pas réuni la fine équipe pour rien… Alors, qu’est-ce qu’on va faire de tous ces gens ? »

[Mrs Claus]

« Dans mon monde, ton comportement est archaïque. Les sorcières travaillaient en solitaire il y a quelques centaines d’années parce que c’était le meilleur moyen de survivre. Aujourd’hui, avec la mondialisation et le nombre quasi infini d’écrans, même les sorcières se sont regroupées. »

Les cerfs-garou patientaient. On ne les convoquait pas pour rien. L’affaire était forcément importante.

« Bayonetta, Tornade. Tornade, Bayonetta. »

De profonds yeux verts. Des bois majestueux. Il n’était pas étonnant que Tornade ait été le leader de ce groupe avant d’être remplacé par Tonnerre.

« Tonnerre était trop rapide pour le reste du groupe. On pourrait dire que c’est un esprit pressé, voire solitaire. Il me fait penser à toi, Bayonetta. C’est pour cette raison que je t’ai présentée à lui pour commencer. »

Tonnerre : « Je suis toujours aussi rapide. Aujourd’hui, je suis l’éclaireur du groupe. Ainsi, je peux aller devant sans pénaliser les 9. »



Le doigt de Mrs Claus pointa un cerf-garou qui détonnait dans le groupe. Pour la simple raison qu’il n’était pas habillé comme un personnage sortant d’un jeu d’heroic-fantasy. Non, celui-ci était solidement ancré dans la modernité avec son costume élégant tout de noir.

« Voici Fringant. Fringant, Bayonetta. Bayonetta, Fringant. »

Il y avait quelque chose de presque dérangeant chez Fringant. La stature d’un homme d’affaire. Le museau relevé comme s’il appartenait à une famille aisée. Ses bois qui rappellaient les arbres tout tordus des forêts hantés. Fringant avait l’apparence du Judas, de celui qui allait trahir.

« Evite de plonger dans ses yeux couleur or. Fringant se sait beau et en joue. Ah, et ne fais pas attention à ce qu’il dégage. Fringant est totalement loyal aux 9. Ce qui ne l’empêche pas d’exceller à charmer ses victimes pour les dépouiller. Bien qu’il sache aussi se marier aux ombres pour passer complètement aperçu tel le voleur qu’il est parfois. »



Le cerf-garou en costume noir se rapprocha de Bayonetta. Son intention était de lui prendre la main et de lui faire un baise-main pour finaliser sa présentation.

Tonnerre : « Nous pourrons finir les présentations plus tard. Mrs Claus, pourquoi sommes-nous ici ? »

Mrs Claus lui fit le résumé de sa bataille avec Bayonetta. La présence d’anges ennemis. Le déplacement de cette baleine cosmique qui allait stationner au-dessus de la ville de Rovaniemi.

« Je souhaite aller voir la Verrière pour qu’elle active son sortilège. Recouvrir toute la ville sous la neige et protéger quasi intégralement la ville et ses habitants. Nous ne serons pas dérangés par leur présence et l’obligation de les protéger tout en combattant nos ennemis. J’ai besoin de vous car nos ennemis sont inconnus de ce monde et nombreux. Est-ce que je peux compter sur les 9 ? »

Tous les cerfs-garous hochèrent positivement de la tête.

« Parfait. »

[Bayonetta]

Elle, archaïque ? Oh, ce qu’il ne fallait pas entendre, parfois ! Bayonetta ne dit rien, et se contenta d’attraper l’une de ses sucettes, pour la fourrer dans sa bouche, et la fit rouler contre sa langue. Mrs Claus s’évertua à lui présenter ses cerfs-garous, comme elle les appelait. Une congrégation de mages en forme de boucs destinés à protéger la Laponie. Toute aide était bonne à prendre, bien sûr, mais Bayonetta estimait surtout qu’elle perdait du temps. Il y avait des urgences à faire, là-dehors ! Elle regarda donc Mrs Claus sans rien dire pendant quelques instants, puis les cerfs-garous. La femme musclée lui présenta Tornade, puis Fringant. Bayonetta, qui avait l’impression de voir les nains de Blanche-Neige et les Sept Nains transformés en bouc, hocha la tête, et, quand Fringant lui proposa un baise-mains, elle sourit, et retira d’une main la sucette de sa bouche, avant de tendre l’autre.

« Comme vous voulez, noble bouc… »

Ce fut un chaste baiser sur le gant de Bayonetta. Mrs Claus expliqua ensuite que les Neuf allaient former une barrière destinée à protéger la ville. Ce sortilège devait être lancé par la « Verrière ». Mrs Claus avait déjà mentionné cette créature, et Bayonetta trouva que c’était l’occasion parfaite pour satisfaire sa curiosité :

« Et c’est quoi exactement, cette Verrière ? Ou qui ? Par ailleurs, je n’ai pas l’impression que toute cette assemblée soit très moderne. Une réunion d’hommes-boucs dans une forêt, voilà qui sonne aussi très… Archaïque, ma chère Claus ! »

Mine de rien, Bayonetta avait de la répartie !

[Mrs Claus]

« Aie. Toucher ! »

Mrs Claus restait un vieux débris malgré son apparence. Et elle n’était pas sourde au point de ne pas savoir regarder la réalité en face. Même si le terme « hommes-boucs » était mauvais, tout ça était bien entendu des méthodes d’un autre temps. Archaïque, donc.

Un sourire confirma qu’elle avait entendu la répartie et l’acceptait dans la bonne humeur.

« La verrière est une femme. Pour les gens de Rovaniemi, c’est une artisane. Pour les touristes, c’est la femme qui créer de petites miniatures et qui les enferment dans des boules de Noël transparentes. Un peu comme ces miniatures de bateau en bouteille, si tu veux. »

Mrs Claus croisa de nouveau ses énormes bras musclés l’un dans l’autre. Elle ne put s’empêcher de remarquer que Bayonetta suçotait une énième sucette. Cette femme semblait addict à cette drogue comme un fumeur. Et que dire alors de ces dents ? N’avait-elle aucune carie ? Devait-elle demander conseil à la Fée des Dents ?

« Aux yeux de la Magie de Noël, la Verrière est une Gardienne. Elle activera ses boules de Nöel pendue à différents sapins tout autour de Rovaniemi. Elle emprisonnera la ville dans une inter-zone. Ni sur Terre. Ni dans leur univers. Quelque part qui n’existe pas et où on sera tout de même. Une protection pour les innocents. »

Il y avait de l’impatience chez Bayonetta. Mrs Claus comprenait bien que tous ses dossiers papiers, toutes ses rencontres, tout était un moyen de perdre du temps pour sa lutte. Pourtant, une fois lancée dans une bataille, il n’y aurait plus le temps pour agir. Elles ne feraient plus que réagir. Il fallait prévoir en avance. Anticiper. Même la femme la plus puissante pouvait dégringoler à cause d’un flocon grippant la grande machinerie. Enfin, l’expression était plutôt un grain de sable dans l’engrenage.

« Une question, Bayonetta. Es-tu impatiente de caractère ou es-tu au courant d’événements qui vont advenir et qui te mettent dans un tel état ? »

D’un signe de tête, Mrs Claus et les 9 communiquèrent. Ils pouvaient y aller. Ils savaient où se rendre pour combattre. En fait, ils s’occuperaient également de prévenir la Verrière. Mrs Claus s’occupait de Bayonetta. Après tout, elles étaient le fer de lance de la contre-offensive contre les Anges et Krampus.

[Bayonetta]

La sucette magique de Bayonetta roula contre ses dents et sur sa langue tandis que Mrs Claus lui expliquait que La Verrière était en réalité une sorcière, une sorcière qui allait pouvoir enfermer Rovaniemi dans une sorte de dimension alternative, de monde-tampon, pour en protéger ses innocents. Bayonetta haussa légèrement les sourcils, puis re haussa ses lunettes quand Mrs Claus l’interrogea sur son empressement. Elle retira alors la sucette de sa bouche. Celle-ci brillait doucement. Pour avoir des caries, il faudrait encore que cette sucette soit une sucette ordinaire, et contienne du sucre. Tel n’était pas le cas des sucettes de Bayonetta.

« J’en dis qu’une baleine céleste est en train de récupérer des forces pour ouvrir un Portail, un Portail que votre… Krampus… Va sûrement utiliser pour se manifester, comme il l’a fait tantôt. À mon humble avis, la priorité devrait plutôt être de retrouver cette baleine et de la sceller. »

Elle remit sa sucette dans sa bouche, la suçotant.

« Ceci étant dit, votre Verrière pourra peut-être nous aider à localiser la baleine… Et, par ailleurs, si je souhaite agir vite, c’est précisément pour empêcher votre Krampus de revenir… Mieux vaut prévenir que guérir, non ? »

La sorcière se déplaça ensuite. Puisqu’il était temps d’aller voir La Verrière, autant y aller, non ?

« Je vous suis, les garçons… Allons voir cette artisane. »

[Mrs Claus]

« Aaaah, Mrs Claus. La personne que j’aime le plus haïr sur Terre. Comment se porte notre Père Noël ? Toujours aussi mal, je suppose. Parce que moi, je vais bien. Très bien, même ! Ah ah ! »

Sur la route pour aller rejoindre la Verrière, une créature poilue et humanoïde de plus de deux mètres venait de s’interposer. Certains pourraient le voir comme une sorte de mutant à base d’ADN de chèvre. Ses cornes torsadées étaient certes impressionnantes mais le personnage en lui-même n’avait rien d’effrayant. Et pourtant… pourtant il exhalait de Krampus une aura malaisante. Ses yeux de chèvres. Ses yeux typiques avec une pupille ressemblant à une ligne horizontale. Ses yeux étaient ceux d’un Mal personnifié.

« J’aime bien quand je vois les veines de tes muscles gonflées. Tu vois, pour moi, c’est comme si un gars avait une érection devant une belle femme. Plaisant. »

Tirant sa longue langue rouge pour narguer Mrs Claus, cette dernière remarqua alors la présence de chaînes sur corps de sa Némésis. Deux sangles qui maintenaient contre son dos une espèce de hotte. Comme si Krampus se prenait pour le Père Noël…

« Ah. Oui. J’allais oublier. Merci de me le rappeler avec ce regard si insistant sur mon corps à poils. »

La hotte glissa sur le corps entièrement recouvert de poils pour qu’une main aux longs ongles crochus récupère un cadeau. Le papier cadeau était rouge. Mais ce n’était pas une couleur chaude comme le Père Noël s’en parait. Non, c’était une couleur pour dissimuler quelque chose.

« Attrape ! »

Mrs Claus le rattrapa. Elle ressentit une humidité dans le dessous de la boîte. Quand elle regarda une de ses mains, elle découvrit que c’était du sang. La colère revint comme une marée montante en elle.

« Allez, ouvre ! Je suis tellement excité de voir ton visage quand tu découvriras ma surprise. Ah ah ! »

Un vent violent souffla alors. Un mur de neige blanc dissimula seulement un instant le terrible Krampus. Quand le calme revint, il n’était plus là. Mrs Claus et Bayonetta étaient de nouveau seules. Et il y eut un cri terrible. De la colère pure pour sa Némésis.

A l’intérieur du cadeau se trouvait la main de la Verrière. Plus jamais l’artisane ne pourrait fabriquer quoi que ce soit…

[Bayonetta]

Bayonetta ressentait la magie de cette forêt…  Une forêt ancienne, qui n’avait encore pas été souillée par les hommes. On trouvait encore des forêts de ce type un peu partout.  La Finlande abritait un morceau de la massive forêt boréale, appelée encore chez les russes taïga. C’était une vaste et immense forêt, qui recouvrait toute la partie extrême-nord de l’Europe et de l’Amérique. Une preuve supplémentaire, selon certains, de la dislocation des continents. Certains géologues et scientifiques affirmaient que la forêt boréale était l’un des derniers héritages de la Pangée, le nom donné au continent originel, celui dont les différents continents étaient issus en se disloquant. La magie était donc encore puissante dans certaines parties de ce qui fut jadis une immense forêt. Bayonetta pouvait le sentir tandis que les deux femmes s’avançaient à travers un paysage verglacé et noirâtre, propice à tous les cauchemars, ou à tous les rêves. Les deux femmes s’enfonçaient dans cette forêt, jusqu’à ce que la sorcière sente un courant d’air verglacé plus froid encore que les autres.

Elle se mit sur la défensive quand une sorte d’énorme créature émergea d’entre les bois. Deux yeux rouges annoncèrent sa présence, et Bayonetta frémit, reconnaissant l’énergie de celui qui l’avait griffé alors qu’elle affrontait les Anges monstrueux de Lumen. Elle resta sur la défensive, mais Krampus n’était venu que pour les railler… Et pour montrer à Mrs Claus que la Verrière était visiblement morte. Bayonetta se pinça les lèvres, tandis que la silhouette de Krampus disparut, et que le vent verglacé s’évapora également.

« La Verrière… »

Bayonetta regarda encore Mrs Claus, puis se pinça les lèvres.

« On ne devrait pas rester là, Claus, Krampus n’est pas venue nous provoquer pour de rien… »

Et, pour le dire simplement, Bayonetta avait un mauvais pressentiment…

[Mrs Claus]

Son poing se serra. Mrs Claus ne put répondre de suite à la proposition de partir de Bayonetta. Il y avait une telle rage en elle qu’elle devait contenir…

Encore une fois, Krampus l’avait devancé. Comment pouvait-il avoir tant de connaissances ? Et ça semblait si facile pour lui de lui mettre des bâtons dans les roues. Mrs Claus avait déjà considéré la possibilité que certains de ces lutins pouvaient être des traîtres. Consciemment ou non. Elle avait pris des mesures. Résultat inefficace. Elle avait même pensé que l’étrange connexion entre le Père Noël et Krampus était peut-être le problème. Alors Mrs Claus l’avait « enfermé » encore plus bas. Loin de toute l’agitation du Chalet. Mais ça aussi se révélait inefficace.

« Oui. Nous devons bouger. »

Il était évident que Mrs Claus était en furie. Elle faisait d’énormes efforts pour contrôler le ton de sa voix. Mais ni elle ni Bayonetta ne seraient trompées.

« Krampus est un être vil. Parfois, il apparait comme un terrible « mastermind ». Le genre de personnes capable d’anticiper des dizaines de tours autour d’un plateau de jeu d’échecs. Mais parfois, il est comme un sale gamin. Un démoniaque gamin qui prend plaisir à me faire CHIER ! Pardon. Il est comme ces gamins qui découvrent que la loupe peut faire brûler les insectes. Les enfants sont innocents. Ce qui ne les empêche pas de faire pareille chose. Et pourtant, ils ne pensent pas à après. Ils ne pensent pas au coup d’après. Kramps est… versatile. Imprévisible. C’est pour ça qu’il est aussi vivant. Aussi résistant qu’un cafard. »

Mrs Claus se remit finalement en marche. En direction de la ville du Père Noël : Rovaniemi. Là-bas, ils ne bénéficieraient pas du sort de la Verrière. Tous les habitants et tous les touristes seraient en danger de mort lorsque la Baleine surviendrait. Lorsque les Anges du monde de Bayonetta attaqueraient. Lorsque ce foutu Krampus rirait à gorge déployé pour répandre la peur. Car c’était son armement. La peur. Les menaces. Les cauchemars. Des poisons invisibles qui causaient bien plus de dommages que les poings ou les armes. Et le genre de poison qui se répandait comme un éclat de rire dans un wagon de train.

« Aujourd’hui, ce n’est pas de la neige qui va nous tomber dessus. C’est une foutue pluie de merde. »

[Bayonetta]

Mrs Claus était affectée. Bayonetta n’avait rien à dire là-dessus, et elle ne cherchait pas à faire preuve de son ironie mordante. Des pertes, la sorcière en avait connues, elle aussi. Elle avait perdu sa mère, pour commencer… Et sa propre vie, elle qui avait été scellée pendant des siècles. Mrs Claus finit par se relever, et expliqua à Bayonetta que Krampus était dangereux, qu’il avait parfois plusieurs coups d’avance. Cela fit réfléchir Bayonetta, tandis qu’elles se rapprochaient d’un traîneau. Rejoindre Rovaniemi à pied n’était pas envisageable, et elles étaient perdues dans une partie de la forêt qu’on ne trouverait sur aucune carte. Le duo rejoignit donc un traîneau, et Bayonetta put voir plusieurs cerfs, ainsi qu’un lutin, qui se chargeait de guider le traîneau.

« Bonsoir, Patronne ! J’emmène vos jolis petits culs chez La Verrière ?!

Le lutin sembla vite comprendre, au regard de Mrs Claus, qu’il fallait changer de destination. Il jura entre ses lèvres. Bayonetta comprit vite que les cerfs n’étaient pas des cerfs ordinaires. Leurs bois s’illuminaient d’une lueur bleuâtre. Bayonetta caressa l’un des bois, et frotta entre ses doigts la poussière spectrale qui s’en échappait.

« Nos cerfs sont originaires du troupeau d’Eikthyrnir, c’est le patron qui les a achetés à Odin y a des années de ça ! »

Eikthyrnir… Dans la mythologie nordique, c’était un cerf qui se nourrissait auprès de Laeradr, un arbre qui avait poussé dans les racines d’Yggdrasil. La légende disait que les gouttes d’eau s’échappant des défenses d’Eikthyrnir servaient à nourrir Hvergelmir, la source d’eau à l’origine des fleuves du monde entier. Bayonetta grimpa sur le traîneau, et le lutin partit donc. Bayonetta était toutefois inquiète.

« Krampus n’a aucune raison de nous provoquer ainsi… Je pense que nous devrions aller voir le manoir de La Verrière pour voir ce qu’il en est, et comprendre à quoi il joue. »

C’était curieux, car c’était Bayonetta elle-même qui avait demandé à se hâter, mais elle avait un mauvais pressentiment3. Le ltuin haussa les épaules, et fouetta les cerfs, qui s’ébrouèrent alors. Bayonetta constata vite que les cerfs ne se déplaçaient pas à travers l’espace, mais aussi à travers le temps. Ils avancèrent à travers un décor surnaturel, perçant les dimensions. Bayonetta put voir d’autres silhouettes qui se déplaçaient.

« Restez dans le traîneau ! »

Au loin, Bayonetta pouvait deviner d’énormes racines, qui semblaient être à l’origine d’un arbre colossal… Yggdrasil. Et, à vrai dire, elle constata que le traîneau avançait sur une sorte de chemin noueux et fait de bois.

*Une racine d’Yggdrasil…*

Finalement, le traîneau ressortit de cet espace, et s’arrêta dans une autre partie de la forêt, devant une sorte de maison magique… Faite de bonbons et de chocolat.

Elle l’observa lentement.

« Et oui, Joli-Cul, cette maison appartenait à une sale sorcière avant qu’elle ne soit chassée ! Vous savez, celle de ce conte qui mangeait les enfants perdus dans la forêt… »

Hansel et Gretel. Bayonetta soupira lentement. La Verrière avait repris cette maison, peut-être pour la purifier. Le lutin resta là, tandis que Bayonetta s’avança. Des bonbons magiques avaient poussé dans le jardin, similaires à ceux de Bayonetta, mais avec des effets magiques beaucoup plus néfastes. La porte de la maison avait été fracturée.

« Pourquoi Krampus l’a attaqué ? C’est qui exactement, cette Verrière ? »

Malgré le chagrin de Mrs Claus, Bayonetta allait avoir besoin d’elle…

[Mrs Claus]

Une maison faite de bonbons colorés et de chocolat appétissant. Normalement, c’est le genre d’image qui oblige le sourire à se montrer. C’est le genre de maison qui va chercher l’âme d’enfant qui a été enseveli par les conneries d’adulte. Mais aujourd’hui ? En ce jour ? C’est flippant. Ce genre d’architecture impossible ne devrait pas exister. Les branches des arbres semblent se courber et pleurer. Les extrémités semblent devenir des doigts longilignes pour attraper, retenir, violenter voire tuer.

« Une femme qui a souffert du monde. Mais une femme qui avait beaucoup trop grand cœur pour complètement l’abandonner. Alors elle a décidé de se retirer en périphérie. Agir, sauver les êtres humains sans être en contact avec eux. Autant une joie de donner qu’une torture de ne jamais recevoir. La Verrière est une femme compliquée. »

Le choc de la dernière phrase plombe le moral de la puissante Mrs Claus. Elle doit corriger à regret.

« Etait une femme compliquée… »

Un choc sourd.

« CHUT ! »

*Qu’est-ce que je viens d’entendre ? *

Le silence est étrange dans ce lieu de conte de fées. Et à nouveau un choc sourd. Ca vient de dedans la maison. Et le bruit semble émaner de la porte.

*Du bas de la porte !! *

« Oh merde ! Et si ?! »

Mrs Claus se précipite et violente la poignée dont une partie lui reste en main. Ca ne l’arrête pas et elle se jette à terre en découvrant le corps d’une vieille femme. Elle est épuisée. Elle halète. Elle est en sueurs. Pire que ça, une traînée de sang la suit.

« Krampus t’a laissé en vie ?! »

La Verrière.

Mrs Claus prend la vieille femme délicatement. Il y a de la douceur chez cette femme au corps d’haltérophile. Elle la retourne et découvre un bandage fait à la va-vite.

« Ta main… »

Plus jamais la magie opèrera pour la Verrière. Mais elle pourrait vivre ! Mais… aura-t-elle encore la volonté ? Rien n’est moins sure. Des larmes commencent alors à couler le long des joues de la femme du Père Noël. La Verrière hisse de douleur. Entre son moignon ensanglanté et la poigne de Mrs Claus, tout son être est en douleur.

« Pardon. Excuse-moi. Tout est de ma faute… Si seulement j’avais réussi à le tuer. »

La Verrière : « Chut… Tu sais bien que tu ne peux tuer Krampus. Tu tuerais le Père Noël également. »

« Oui. Mais… Si seulement j’avais réussi à le neutraliser. L’emprisonner… »

[Bayonetta]

Bayonetta constata avec soulagement que, finalement, La Verrière était toujours en vie. Elle avait un moignon ensanglanté. Bayonetta examina les lieux, et constata que la maison était plutôt en bon état. La bataille avait dû être courte, et avoir lieu à l’extérieur.

« Vous vous êtes réfugiée ici avant que Krampus ne vous attaque ?
-  Plus ou moins… Il m’a piégé. Cette maison servait jadis à piéger les enfants perdus. Ceux qui venaient ici étaient dévorés par une sorcière maléfique. Elle a été chassée par des enfants, et je me suis accaparée ce lieu pour protéger les enfants perdus. J’étais persuadée que des enfants s’étaient perdus, mais c’était un piège de Krampus. Il m’a poursuivi jusqu’ici, mais n’a pas pu percer les défenses de cette maison. »

Bayonetta hocha la tête, et tendit à La Verrière l’une de ses sucettes vertes. La Verrière l’attrapa, et la suça. Sa peau commença à cicatriser. Bayonetta commençait à comprendre que cette forêt était magique, et qu’elle était bien plus grande que ce qu’elle pensait.

« La forêt boréale n’est donc pas un mythe…
-  Tout juste, ma belle. Cette forêt existait il y a bien longtemps, quand tous les continents ne faisaient qu’un, et que la magie était puissante. Puis elle s’est séparée quand les continents se sont séparés, mais cette forêt continue à exister. Parfois, des gens s’y perdent, ils voyagent entre les dimensions. C’est ce qui était arrivé à Hansel et Gretel… Il y a des monstres dans cette forêt. La Vilaine Sorcière qui habitait ici, Baba Yaga, ou le Grand Méchant Loup… Ces figures de contes sont à l’origine des êtres maléfiques qui habitent cette forêt.
-  Pourquoi Krampus vous a attaqué ? »

En regardant le mobilier, Bayonetta nota avec amusement la présence d’une statue dédiée à la Déesse Sha. Elle la caressa du doigt, et nota surtout un grand tableau, représentant une tortue géante sertie de bonbons :

« Ce sont les enfants perdus qui l’ont peinte. Ceux qui se perdent et que je ramasse rêvent de la Tortue, la Tortue qui sauve leurs âmes.
-  Maturin… »

Ce nom disait quelque chose à Bayonetta, lui rappelant de lointains souvenirs.

« J’accompagne depuis ce chalet les enfants perdus jusqu’à Maturin. Krampus est l’inverse du Père Noël, il déteste les enfants, il est donc l’ennemi de Maturin. Il veut détruire la magie de Noël, car cela affaiblira Maturin.
-  Krampus ne peut pas attaquer directement le Père Noël ?
-  C’est son intention… Mais il compte réunir des alliés. Je vous ai parlé du Grand Méchant Loup, c’est très certainement sa cible. Avec mon moignon, il espère pouvoir le rallier à sa cause. »

Le Grand Méchant Loup… Celui dont le souffle avait fait voler en éclats les maisons de deux des Trois Cochons.

« Et bien, je pense que nous avons encore un détour à faire avant d’aller à Rovaniemi, Mrs Claus… »

Peut-être allait-elle cependant vouloir rester ici pour soigner son amie ?

[Mrs Claus]

Mrs Claus n’avait jamais percée complètement le mystère Père Noël/Krampus. Mais elle était certaine que les liens intriqués entre les deux figures étaient plus complexes que ce qu’exposait la Verrière. Attention, Mrs Claus ne disait pas qu’il y avait mensonge. Seulement que c’était une première couche de vérité et qu’il y en avait d’autres en-dessous. Comme le Chalet dissimulait des étages souterrains en-dessous d’autres étages souterrains.

« Si Krampus cherche à se rallier au Grand Méchant Loup, il me semble que je devrais convoquer les Cinq Légendes. »

L’appellation vous est familières ? C’est possible. Il existe un film d’animation du même nom qui voit se réunir le Père Noël, le lapin de Pâques, la Fée des dents, le Marchand de sable et un gamin en plein évolution du nom de Jack Frost. Derrière toute histoire se cache une vérité. Tout comme le Grand Méchant Loup, la Fée des dents existe. Et ces derniers ne s’apprécient pas. Que serait le loup sans ses dents ? Pas grand-chose. Un Grand Méchant Loup en dentier perdrait de sa superbe…

Mrs Claus est partagée. Son histoire avec Krampus était déjà compliquée. Mais aujourd’hui, il semblait que le pseudo-Diable avait déballé une sacrée hotte de mauvaises surprises…

Mrs Clauis était partagée entre le soulagement de savoir que la Verrière vivrait, la douleur de la savoir handicapée jusqu’à ses derniers jours et la colère qui tambourinait dans sa large poitrine.

« Bayonetta, tu penses que nous devons aller intercepter Krampus et affronter le Grand Méchant Loup, c’est bien ça ton plan ? »

Plus cette histoire progressait et plus le temps semblait assujetti au chaos du temps. Est-ce qu’une heure représentait encore une heure ? Et si oui, pour qui ? Les urgences d’il y a une heure semblait ne plus en être maintenant. Est-ce que Krampus jouait à un jeu réellement machiavélique avec elles deux ? Etait-ce la magie de Noël qui ralentissait les terribles plans de sa Némésis ? Mrs Claus ne savait plus quoi penser. Mais elle savait une chose : sans action, rien ne progresserait.

« La Verrière. Désolé de t’abandonner ici. Mais tu m’as l’air suffisament en forme pour survivre par toi-même. Sans compter que la magie de Bayonetta et celle de Noël semblent bien veiller sur toi. Nous allons essayer de récupérer ta main et de foutre mon poing dans la gueule du Loup. Je ne te promets rien. Mais… »

Malgré toutes les merdes, Mrs Claus parvint à faire élargir un sourire sur sa large mâchoire.

« Mais je ferai en sorte que le Père Noël t’envoie un joli paquet cadeau avec une belle main en son sein. »

Mrs Claus se retourna vers Bayonetta.

« En route ! Allons casser de la gueule. »

[Bayonetta]

Le Grand Méchant Loup… Bayonetta en viendrait presque à regretter de ne pas avoir d’enfants ! Les contes pour enfants, elle ne les connaissait pas spécialement, mais elle comprit vite que cette créature fantasmagorique semblait être visiblement très dangereuse. La Verrière sourit doucement quand Mrs Claus s’excusa de la laisser dans cet état.

« Si vous pouviez récupérer ma main, ce serait pratique. Je pourrais en refaire une, mais rien ne vaut l’original. »

Bayonetta observa encore une dernière fois le curieux tableau de la Tortue, convaincue qu’il y avait là plus qu’un simple tableau. Elle avait le sentiment que cette figure lui parlait, mais, ayant été scellée pendant plusieurs siècles, ses souvenirs étaient encore diffus. Mrs. Claus avait parlé de convoquer les « Cinq Légendes ». Elle disposait déjà de ses hommes-boucs. Ayant que Bayonetta ne puisse vraiment l’interroger, des secousses résonnèrent. Elle entendit des rires moqueurs venant de dehors, et des projectiles heurtèrent les fenêtres de la maison. Des jets d’œufs pourris.

« Krampus surveillait la maison… Je crois que tu es tombée dans un piège, Mrs Claus. »

Dehors, des flammes s’élevèrent, comme si plusieurs arbres brûlaient. Des silhouettes ombragées se déplaçaient dans la nuit, et les rires continuaient.

« Des esprits frappeurs ?
-  Il me semblait vous l’avoir dit… Je recueille les esprits errants dans cette forêt pour les conduire à la Tortue… Mais je ne peux pas recueillir tous les esprits errants, et ceux qui ne sont pas sauvés sont corrompus… Ou corrompus par d’autres. »

Bayonetta se pinça les lèvres. La magie noire envahissait les lieux. Dans le jardin de la maison, des déchirures se formèrent, puis des mains noircies émergèrent, comme si des zombies sortaient de sous terre.

« Les enfants tués par la sorcière qui habitaient ici avant moi… »

La sorcière vérifia ses pistolets, tandis que des éclats supplémentaires résonnaient sur la maison. Les sortilèges de la Verrière la protégeaient encore, mais Bayonetta sentait une force terrible qui sortait des bois. La maison continua à trembler, comme si quelqu’un tapait violemment dessus. De la poussière tomba du plafond, et plusieurs cadres sautèrent de leurs encoches pour tomber au sol.

Byaonetta se dirigea vers la sortie, et ouvrit la porte. Elle s’avança sur le jardin, et vit plusieurs créatures décharnées… Des zombies végétaux la fixaient lentement, mais elle déglutit surtout en voyant, au fond, une énorme silhouette sinistre qui s’avançait. La créature ressemblait vaguement à un cerf monstrueux.

« Qu’est-ce que c’est que ça ?! »

Le monstrueux cerf n’avait pas de tête. En lieu et place d’une tête, il y avait un torse humain inversé, dont les jambes se terminaient en branches noueuses. Plusieurs bras pendaient vers le bas, et, entre les bras, deux yeux lumineux regardaient la zone en sortant d’un abîme noirâtre insondable. Et, à chacun de ses pas, la créature répandait autour d’elle des flammes. Ses vertèbres jaillissaient de sa colonne vertébrale, à l’air libre, renforçant son aura effrayante :

C’était un jötunn, une créature semi-démiurge des temps anciens… Moder ! Moder les observa lentement, puis souleva ses sabots avant, et frappa violemment le sol avec… Deux lignes de feu jaillirent vers le jardin, et frappèrent violemment la maison de la Verrière, mettant à rude épreuve ses boucliers, tout en enflammant son jardin. Les zombies floraux s’élancèrent alors vers les deux femmes, et Bayonetta commença à faire feu. Elle en atteignit un à la tête, mais sans que cela ne le stoppe. Celui-ci s’élança vers elle, et étira son bras en un long tentacule noueux, fait de bois et d’écorces. La sorcière l’esquiva en bondissant sur le côté, et fit encore feu, ses balles atteignant la créature, mais peinant à la faire tomber.

[Mrs Claus]

C’était le bordel. Ça y était : elles avaient atteint un point de non-retour. Le chaos commençait à se déchaîner. Mrs Claus n’avait plus aucun doute que les tentacules allaient se propager et se multiplier à partir de maintenant. Les temps de repos se feraient rares. Et de plus en plus courts.

Il n’y avait plus qu’une seule chose à faire dorénavant : combattre.

Terrasser ses adversaires. Jusqu’à l’inévitable et énième bataille contre Krampus…

*Concentration. Concentration, bordel ! *

Les poings serrés, Mrs Claus se tenait sur le pas de la porte de la maison en pain d’épices. Le spectacle devant elle avait tout du film d’horreur qu’on ne voudrait pas vivre. Affronter des esprits mauvais dans des corps délabrés à l’odeur de la terre pourrie était une chose. Quand la hauteur et l’apparence étaient ceux d’enfants : c’en était assurément une autre…

Un pas se posa devant elle. Le rythme était lent mais l’intention était déjà clairement définie : froide.

« Je suis désolé, les enfants. »

Elle qui était la femme du Père Noël et qui avait pour mission d’apporter les cadeaux, les sourires et la magie le jour de Noël. Aujourd’hui, elle souffrirait plus que ceux qui recevraient ses coups de poing.

*Foutu Krampus… *

Sa grosse main attrape une canne à sucre géante qui formait une sorte de barrière sur le petit chemin menant à la maison de pain d’épices. Le monde étant celui de la réalité et non celui de films édulcorés : l’extrémité enterré du bâton n’était pas propre et parfaitement coupée. Non. L’extrémité était sale, plus foncée et surtout nanti de sortes de racines. Des racines magiques qui allaient s’entourer autour du poing de Mrs Claus. Grimper sur son avant-bras de taureau. Se répandre comme une Witchblade de mauvais Noël.

Le premier coup de canne à sucre, utilisé comme une vulgaire batte de baseball, décapita et envoya loin la tête d’un de ses « zombies ».

« Bayonetta ! Tu t’occupes du géant ! Moi je m’occupe des enfants et autres âmes errantes. »

La Verrière avait perdu sa main créatrice. Rovaniemi était sur le point de succomber à une sorte d’apocalypse angélique. Rien n’allait. Tout échappait au contrôle de Mrs Claus. Alors si elle pouvait apporter un semblant de paix à toutes ces âmes errantes, elle allait s’en occuper. Elle le devait à la Verrière qui ne pourrait probablement pas les aider avant un bon moment.

[Bayonetta]

Mrs Claus se chargea des zombies, tandis que Bayonetta devait s’occuper du géant, le jötunn. Elle acquiesça de la tête, mais les zombies ne l’entendaient pas forcément de cette manière. Tandis qu’elle se mettait à courir, la sorcière fit face à plusieurs zombies floraux, qui s’élancèrent vers elle. Ils bondissaient rapidement, et l’un d’eux tendit sa main vers elle. Sa main se transforma en une longue branche noueuse qui claqua vers elle comme un fouet. La sorcière bondit dans les airs, esquivant l’impact en tournoyant élégamment sur place. Elle avait sauté trop tôt pour déclencher une bulle temporelle, et se pinça les lèvres, mécontente d’elle-même. Elle se rétablit sur le sol, et courut encore, se transformant en panthère noire. Elle se déplaçait ainsi plus vite, et avisa de multiples troncs d’arbres qui se déplaçaient. Le Jôtunn avait convoqué des Tréants infernaux, des arbres animés avec de sinistres gueules édentées et des paires de yeux jaunâtres. Ils étiraient leurs branches sur Bayonetta, qui esquiva de justesse une branche, figeant le temps autour d’elle. Elle prit appui sur la branche avec l’un de ses pieds, reprenant sa forme humaine, et bondit dans les airs, tournoyant en dégainant ses pistolets. La tête en bas, elle visait le jötunn, prête à faire feu… Quand le jötunn déclencha autour de lui une violente onde de choc.

« Argh ! »

La bulle temporelle générée par Bayonetta éclata, et elle tomba sur le sol, tandis que l’onde psychique du jötunn se mua. La créature hurla à la nuit, et enflamma les végétaux autour de lui, incendiant les Tréants, sans guère de subtilité. Bayonetta se releva, et sentit l’attention du jötunn sur elle. Le vide abyssal sur son « tronc » s’illumina de plusieurs points, et Bayonetta sentit un froid glacial la saisir.

*Des Lumières-Mortes…*

Autour de Bayonetta, des visions de chaos commencèrent à se former, montrant la destruction du clan de l’Umbra quand le clan de Lumen les avait attaqués avec l’aide des Anges de Lumen, Bayonetta secoua la tête.

« Sors de ma tête, saloperie ! »

Elle s’élança vers le monstre, et tournoya dans les airs, avant de générer avec elle son fouet-serpent, Kulshedra. Le fouet fusa avec force vers le jötunn, mais l’une des mains humaines de Moder se redressa, générant un bouclier contre lequel Kulshedra se fracassa.

« Une sorcière de l’Umbra… Intéressant, je croyais votre clan éradiqué…
-  Pourquoi un être comme toi sert Krampus ?
-  Ne m’insulte pas, sorcière.  Ce sont les bois qui me servent. Krampus n’a fait que me dire que je disposais enfin du moyen d’attaquer le jardin de la Verrière. »

Bayonetta serra les dents, comprenant qu’elles avaient été manipulées par Krampus. Il avait piégé Mrs Claus pour qu’elles viennent ici, et que Krampus les attaque. Ceci étant dit, et à bien y réfléchir, c’était Bayonetta elle-même qui avait proposé de venir ici.

*Peut-être ai-je fait une connerie…*

Il allait maintenant falloir assumer, et trouver un moyen de survivre à ce combat !

[Mrs Claus]

Les zombies floraux ne sont pas forcément si fort. Mais ils sont nombreux. Le jötunn lui est puissant. Mais il est seul. Quelques mots qui semblent dépeindre une réalité simple. Ce qui est loin de la réalité. Les zombies ne sont pas faibles, c’est Mrs Claus qui est puissante. Mais les ennemis abritent des âmes d’enfants. Toujours difficile de frapper les enfants. Quant au jötunn, il semble nanti de pouvoirs. Ce qui complique sévèrement la bataille de Bayonetta.

*Foutu Krampus. Quand je vais lui mettre la main dessus, je vais lui en coller une puissante dont il se souviendra longtemps ! *

La forêt elle-même s’ajoutait dans la bataille. Quand le décor devenait paysage, il fallait commencer à se méfier de tout. Est-ce qu’on posait réellement le pied sur le sol ou ce dernier allait s’ouvrir sur du rien. Un vide qui ferait chuter infiniment… Heureusement, ce n’était pas la première bataille de Mrs Claus. L’expérience lui permettait de surmonter les pièges que son cerveau imaginait là où il n’y avait rien.

« Repose en paix ! »

Son poing explosa la poitrine d’un enfant zombie qui tomba au sol sans se relever.

Les arbres qui avaient pris vie brûlaient. Les alliés du jötunn brûlaient par l’action de leur invocateur. Ce fut probablement la goutte de trop. Celle qui réveilla un des Trois Gardiens de cette partie de la forêt.

La forêt autour de la Maison de Pain d’épices grondait d’un bruit sourd et grave. Quelque chose s’extirpait du sol même. On entendait la Nature tirer. Les arbres gronder qu’on les dérange de leur activité immobile. Les branches s’écartaient. La canopée cherchait à conserver son espace et ne surtout pas entrer en contact avec le reste. Car, quand on lève la tête vers le ciel, on remarque toujours comme une bordure invisible entre chaque arbre.

Un tronc énorme se rapprochait. Il semblait que c’était un arbre fort ancien qui venait s’ajouter aux nombreux acteurs de la Bataille de la Verrière. Mais ce qui était en-dessous, parmi les racines qui formaient son titanesque corps était encore plus impressionnant. Une créature séculaire. Une sorte de dragon au corps tâché du vert de la forêt. Des cornes distordues sur le crâne. Des racines comme une toison royale. Une barbe de mousse. Mais surtout des crocs et des griffes tranchant et faisant abdiquer les tréants. Le « Roi » avait parlé.



Le jötunn oserait-il affronter l’un des Trois Gardiens ? Au risque grand de finir carcasse écrasée sur le sol, véritable festin pour les mouches et autres créatures charognards et nécrophages ?

Mrs Claus se rapprocha de Bayonetta. Ce qui était rendu possible car même les zombies végétaux semblaient douter, attendre le choix de ces deux titans qui se faisaient face.

« Krampus a beau s’allier avec tous les monstres qui acceptent de se faire trahir, malmener, manipuler. Il n’empêche que Krampus collectionne les ennemis. Et il s’en est fait un sacré paquet depuis les centaines d’années qu’il sévit. A faire chier autant de monde, on paie. Et nous, on se retrouve avec des alliés. »

[Bayonetta]

Moder s’élança encore vers Bayonetta, poussant un hurlement psionique strident. La sorcière sentit sa combinaison se déchirer sur place, et l’onde de choc la souleva, tout en déchirant le sol. Sa combinaison était magique, elle était faite à partir de ses cheveux. La sorcière s’envola dans les airs, et chuta vers le sol, avant de déployer ses ailes de papillon. Elle put ainsi amortir sa chute, et atterrit sur le sol, une main posée à terre. Moder se concentra encore. Ses deux mains sous sa « tête » remuèrent, formant des signes magiques, et un rayon énergétique noirâtre jaillit alors. Bayonetta bondit de justesse sur le côté, et parvint ainsi à ralentir le temps autour d’elle. Le rayon noirâtre frappa violemment des arbres, déclenchant un incendie supplémentaire autour de la cabane de La Verrière. Bayonetta courut, et se transforma encore en panthère noire. Elle se rapprocha de Moder, et perdit ensuite son accélération. Moder se concentra, et Bayonetta bondit au bon moment, car, juste après, des racines et des ronces jaillirent du sol autour de Moder, formant une barrière végétale destinée à le protéger.

Bayonetta reprit sa forme normale, et déploya Shuraba, sa puissante épée démoniaque. Elle ciblait le dos de Moder, mais, alors qu’elle se rapprochait, des tentacules noirs jaillirent de son dos. L’un d’eux fouetta violemment Bayonetta au ventre, et, alors qu’elle était propulsée en arrière, un autre s’enroula autour de sa cheville, et la fit tournoyer dans les airs. Moder la balança alors vers un arbre. Une trajectoire mortelle, mais Bayonetta profita de cet élan pour tournoyer dans les airs, et concentra sa magie. Un sceau se forma à hauteur de ses jambes, et elle rebondit dans l’autre sens sur l’arbre, découpant ce dernier en deux. Pointant ses pistolets, Bayonetta fit feu à plusieurs reprises.

« Tu es très vive, sorcière de l’Umbra. »

Les balles auraient pu faire du dégât, mais l’abîme noirâtre les absorba. Les balles furent aspirées à l’intérieur, et ressortirent sous la forme d’arcs électriques noirâtres très violents. Bayonetta se protégea derrière un bouclier, car l’un des éclairs la frappa violemment juste après. Son bouclier vola en éclats, tout comme une bonne partie de sa combinaison. L’éclair la repoussa sur plusieurs mètres, et elle s’écrasa sur une énorme canne en sucre d’orge dans le jardin de la Verrière. Du sang s’échappait de ses lèvres, et l’abîme noirâtre se mua alors en vortex, aspirant la matière devant lui. Bayonetta se sentit aspirée, quand Mrs Claus s’interposa, et qu’une énorme apparition émergea.

Un Gardien de la Forêt, massif et puissant. Moder reporta alors son attention sur lui.

« Cernunnos…
-  Moder. Tu t’allies avec des démons comme Krampus ?
-  Ne m’insulte pas. Mais je ne pouvais rester inerte… Elle porte l’Œil Gauche !
-  Ce territoire est sous ma protection, jötunn. »

Pour seule réponse, Moder concentra un rayon d’énergie entre ses mains, et, alors qu’il le projetait, Cernunnos réagit en ouvrant la gueule, et avala le rayon, avant de le recracher en levant la tête. Une énorme langue de feu jaillit de sa gueule, illuminant la nuit, puis Cernunnos rugit, furieux. Face à combat titanesque, Bayonetta était bien peu de chose…