The Multiversity

« Non, non, non, ne t’en fais pas pour moi, je vais travailler avec toi! Tu oublies que j’ai subis des millénaires d’esclavagisme et d’abus. Je serai une employée dont tu vas être super fière, j’en suis sûre. Et si jamais je m’ennuie trop… Je pourrai déléguer quelqu’un de confiance pour faire mon boulot. C’est-à-dire… MOI! C’est pratique d’avoir une copie de soi sous la main, tu ne trouves pas? Mois si! »

HOURRA! Je vais pouvoir faire quelque chose de productif de mes journées… Enfin. Une version de moi. Je n’aime pas être omniprésente mais des fois, vous savez, j’aime faire plus d’une chose en même temps. Une copie de moi, si vous voulez, un point d’ancrage A auquel je retourne comme avec un téléporteur! Je fais apparaitre cette fameuse copie et nous commençons à avoir une conversation sur des sujets très « entreprise » comme la bourse, le recrutement, la production, l’intégration ERP pour une meilleure gestion des ressources d’entreprise et tout… En clair, c’est un échange que personne, non personne, ne s’attendrait à ce que j’ai. C’est mature, responsable, logique, sensé… Sérieux, même! Et pour bien faire les choses, une jolie paire de lunettes pour avoir le look intellectuelle. Tout est dans le détail, mesdames et messieurs. Absolument tout!

Et pendant que je discute avec moi-même, inconsciemment, je change le décor de mon monde. Le décor de fantaisie laisse place aux gigantesques gratte-ciels, imposantes tour en verre et l’ambiance des conseils d’administration et tout ce qui va avec. Je suis motivée, que voulez-vous! Je n’ai pas vraiment d’amis ou de contacts et trop souvent, je m’ennuie et qui dit ennuie dit idée loufoque pour le faire partir. Forcément que ça finit par embêter des gens! Pas moi. Jamais. Je m’amuse bien trop pour me formaliser de ce genre de choses. C’est clair que si je reste concentrée sur quelque chose, un projet, par exemple, je serai de un plus facile à surveiller et de deux moins encline à faire quelque chose de complètement rocambolesque. Je ne dis pas que je vais devenir sage du jour au lendemain! Je ne fais pas ce genre de promesse. Mais au moins, il n’y aura pas de plaintes aux ressources humaines.

Des plaintes pour quoi, au juste? Course de chaises dans les locaux, photocopieurs parlants, midi disco avec gicleur d’incendies utilisés au son d’une musique beaucoup trop forte… La liste est longue. TRÈS longue. Donc vous voyez que je peux faire des efforts. Quant à ce que je sais faire… Qu’elle me dise ce dont elle a besoin et je me donnerai les compétences pour le faire! J’énumère un certain nombre d’idées (qu’elle pourra entendre sans problème grâce à sa super ouïe) et ça va de CIO à CTO en passant par CFO, RH, finances, comptabilité, marketing et même… BARISTA! Le café est le nerf de la guerre de toute entreprise, plus encore que l’argent! Une armée de cadres caféinés correctement peut tout faire. Tout, je vous dis! C’est important d’avoir les bonnes armes pour triompher de la compétition! Ou alors… Je pourrais être la secrétaire personnelle de Power Girl!

Mais si je dois devenir la secrétaire personnelle de Power Girl, je dois absolument faire des altérations à mon apparence pour être bien certaine d’être l’arme de distraction massive idéale. Je me donne plus de formes, je synthétise en une seule apparence des décennies de fantasmes collectifs sur la secrétaire sexy. Et il faut dire que quand je fais quelque chose, je le fais bien. Disons simplement que je suis courtement vêtue, avec des formes capables d’en donner pour son argent à Power Girl elle-même et que les volontés les plus tenaces ne sauraient résister éternellement à mes charmes. Je ne suis pas une séductrice par nature mais il faut ce qu’il faut pour jouer son rôle à la perfection. Si on est prêt à me donner une chance, je suis prête à tout faire pour que ça réussisse. Je fais disparaitre la copie de moi et m’approche de ma future patronne d’une démarche aguicheuse à vous faire avoir des pensées par forcément en accord avec les principes de l’église de votre choix.

« Je pense que c’est plus efficace pour jouer le rôle de la secrétaire tel qu’idéalisé par la société moderne, tu ne penses pas? Toute compagnie a besoin d’un arsenal diversifié pour gagner la guerre des affaires : autant en faire partie. Et tu verras que je peux être extrêmement reconnaissante aussi. Tu vas te rendre compte que j’ai de multiples talents, certains qui ne demandent qu’à être découverts… »

Évidemment que je prends mon rôle très au sérieux! Et si elle ne veut pas que je fasse la secrétaire sexy, elle me le dira! C’est presque un réflexe, des fois. Pensez-y. Vous trouvez une lampe magique. Vous demandez pour quoi? La paix dans le monde? Qu’il n’y ait plus de pauvreté? De maladie? Si seulement. Plus du deux tiers des vœux sont de nature sexuelle. Alors j’ai la manie de souvent assumer que quelque part, dans ce que veut autrui, cela tourne autour de cet axe. Je ne nie pas que j’ai encore beaucoup à apprendre des mortels, je dis juste qu’il y a des tendances qui semblent ne jamais changer d’un univers à l’autre, d’une dimension à l’autre. On trouvera bien comment utiliser au mieux mes talents. Deux têtes valent mieux qu’une et au besoin, j’invoquerai ma copie pour un troisième avis. Qui a dit que je n’étais pas préparée? Pas moi!

Qui aurait cru que l’idée de travailler dans une entreprise, dans un cube de verre, puisse enthousiasmer à ce point Jeannie ? Pour certains, cela ressemblait plutôt à un cauchemar kafkaïen, comme une plongée dans les coulisses du bâtiment administratif où Astérix devait affronter la terrible bureaucratie romaine pour récupérer le laissez-passer A38… Le décor évolua encore, et elles se retrouvèrent au milieu d’un centre d’affaires, avec une série de gratte-ciel chromés et métalliques filant vers un ciel blanchâtre. Des jardins éclairaient les lieux en contrebas, avec des hommes en attaché-case et des femmes dans des tailleurs serrés. Puis elles se retrouvèrent au milieu d’une grande salle de réunion. Une grande table en bois se trouvait là, et Karen put voir que Jeannie avait encore changé de forme, délaissant la belle femme blonde pour une séduisante brune aux formes pulpeuses, avec de petites lunettes sensuelles, et des lèvres qui semblaient luire sous son nez. Karen l’observa sans rien dire, clignant des yeux, sentant un parfum d’ésotérisme se détacher d’elle.

*Cette femme va me rendre folle…*

Karen en était même légèrement déstabilisée. En même temps, Power Girl était loin d’être l’égérie de l’héroïne pieuse et chaste. Mais Jeannie s’accrochait à l’idée de devenir sa secrétaire personnelle, de lier le plaisir et le travail, deux domaines qui étaient séparés, mais qui représentaient pourtant un fantasme éternel. Et celui de la secrétaire nymphomane était un grand classique du genre. Karen la regarda donc, essayant de savoir jusqu’à quel point cette femme était sérieuse ou non.

« Je dois admettre que je ne m’attendais pas à ce que cette conversation devienne ainsi… Je comprends mieux ce que mon père ressentait. Vu comme ça, tu as en tout cas le bon profil, mais… Travailler dans mon cercle personnel, c’est très particulier, Jeannie. Le siège de mon entreprise se trouve sur une petite île isolée du Japon, et j’ai développé auprès de mes collaboratrices et secrétaires un environnement de travail parfait, harmonieux et voulant respecter toutes les humeurs… Appelons ça mon feng shui personnel, si tu préfères. »

Power Girl se pinça les lèvres. Cette femme était surprenante, mais l’intégrer dans son entreprise… C’était tout de même un peu risqué !

« Mais on peut te soumettre à une période d’essai… Cependant… Tu parles de ‘‘multiples talents’’… Je peux savoir à quoi tu fais référence, exactement ? Parce que, honnêtement, de ce que j’ai vu jusqu’à présent, je ne vois pas ce que tu ne serais pas capable de faire. »

« Oh il y a environ deux cent soixante quinze mille formes de tortures diverses que je serais bien incapables de faire. En fait, la torture en général mais si tu veux vraiment une liste exhaustive, je peux bien te fournir un truc. Les autopsies, aussi. Ou la chirurgie. Je n’aime pas le sang et la mort, en fait. Je préfère claquer des doigts et soigner les gens que de vraiment me pencher sur le cas comme vos médecins le feraient.

Quoi d’autre… Tuer, bien entendu. Blesser volontairement… Il faudrait me pousser à bout. Me battre. Si je mets de la musique et que c’est plus comme de la danse, à la rigueur… Par contre ironiquement, je cartonne dans les jeux de bastons. Ah oui. Rester stoïque en regardant un film d’horreur. Je risque de pousser un long cri strident et me planquer derrière le divan le plus proche. Les films tristes, je gère, par contre. Et aussi… »

Quoi? Elle m’a explicitement demandé ce que je ne peux pas faire et moi, toujours prête à aider, je le lui fais savoir. Ce n’est quand même pas de ma faute si les gens posent des questions ou passent des commentaires auxquels ils ne veulent pas réellement de réponse! On ne pourra jamais me reprocher de manquer de transparence, ça c’est moi qui vous le dis. D’ailleurs, mentir fait partie de la liste des choses que je fais très mal ou dont je suis incapable. Non vraiment, je suis une bonne personne, je ne comprends pas comment elle pourrait en douter encore. Et j’ai hâte de commencer à travailler. La vie d’un salarié régulier. Voilà qui sera novateur pour moi. Parfois, justement, ce qui est simple et routinier pour vous est une véritable aventure pour d’autres. Et je suppose, naturellement, qu’il faudra que j’essaie le plus possible de ne pas utiliser mes pouvoirs… Je crois.

Quand on y pense, il y aurait une part de logique : si les autres ne sont pas supposés savoir que je suis une déesse, il ne faudrait pas trop que des incidents commencent à se déclencher, dont les causes seraient inexpliquées. Cela va donc demander de faire bien attention. Ça va être dur. Incroyablement dur. C’est comme si je vous demandais de respirer par une seule narine, de regarder le monde avec juste un œil ou de parler en remplaçant toutes vos voyelles par des U. Pas facile. Non vraiment pas. Mais je veux sincèrement essayer et il y a un je ne sais quoi de profondément captivant dans le fait pouvoir expérimenter avec Power Girl ce que mon ami de la Cinquième Dimension a expérimenté avec Superman. Le parallèle est fort intéressant bien qu’il y ait de très nombreuses différentes. Mais bon. C’est sans importance. Je suis simplement heureuse d’avoir quelque chose à faire.

Oh! Oh! J’ai oublié de répondre à la partie principale de sa question. Ce que j’entends par de multiples talents. Alors, je divise le tout en catégories. La première traite la partie uniquement « business ». Comptabilité, marketing, relations publiques, finances, ressources humaines… La totale. Ensuite, j’y vais avec les aptitudes complémentaires. Faire le thé, le café, la cuisine, le ménage, des massages, jouer au chauffeur, aller faire les courses, jouer au vigile, et j’en passe. Et enfin, je termine avec la catégorie divers qui va de ce qu’on attendrait de la secrétaire dans un environnement de bureau ou plutôt ce qui se passe sous le bureau à des trucs plus ésotériques comme simulation dimensionnelle de scénarios coûts-bénéfice ou capture de fantômes ou encore espionnage des employés, à la Rayman contre les lapins crétins. Mais si, le mini jeu avec le lapin patron qui…

Je pense que Power Girl s’est étouffée avec son verre rendu à la description de cette catégorie précise. La catégorie divers, pas les lapins crétins. Quoi? Je ne sais pas ce que c’est, véritablement, le métier de secrétaire tel que réellement attendu dans l’entreprise. J’ai vu des films, j’ai lu des livres, j’ai vu des pornos avec des secrétaires et des podcasts sur le métier, quand on veut se documenter sur un monde comme la Terre, il faut puiser dans la réalité et dans la fiction car souvent, ce qui est présenté dans l’un trouve écho dans l’autre. Jeannie, franchement, tu es un peu naïve et innocente des fois, non? Combien de fois devrais-je le répéter? Je REFUSE de toucher à nouveau à l’omniscience, ce qui demande par conséquent des méthodes alternatives pour apprendre. Tout simplement. Au moins j’essaie. On ne peut pas m’enlever ça, c’est clair et net. Après… Bon…

« Bah quoi? Je n’ai jamais prétendu être parfaite, de un et de deux, j’ai manqué de perdre la tête à cause de l’omniscience une fois, je ne compte pas répéter l’expérience une seconde fois. J’y tiens, à ma tête, et à la relative santé mentale dont je dispose. Je pense que c’est un objectif réaliste. Enfin. Je crois. J’en suis persuadée. Tout ça pour dire que je comprends ton hésitation mais bon, je suis motivée, tu vois?

Si ça t’arrange, tu peux m’isoler des autres pour commencer. Je parle très bien les langues terriennes, je peux aller travailler ailleurs, aussi. Chine, Japon, Allemagne, France, Angleterre, Mexique, Portugal et j’en passe. Le but c’est encore que tu gardes un œil sur moi, non? Quoi je ne vais quand même pas te suivre, menottée à ton bras histoire que l’envie ne me prenne pas d’aller faire des farces aux gens! Est-ce que ce serait une meilleure idée? »

Est-ce que des fois j’en fais trop… Fort probablement!

Cette femme allait sûrement finir par la rendre folle. Comme dans le clip d’Aladdin où le génie se présentait, Jeannie faisait encore évoluer le décor, tout en énumérant ses capacités. Elle commença d’abord de manière générale, avant de se concentrer sur le métier de secrétaire, parlant de termes techniques, propices au monde du travail, pour enchaîner sur les « compétences diverses ». C’était comme un CV interactif, qui devint un peu plus graveleux, la séduisante Jeannie évoquant l’espionnage de salariés, la capture de fantômes, ou…

*Les Lapins crétins ?*

Karen ne voyait pas trop quoi rajouter face à ça, et laissa Jeannie s’exprimer, lui parlant subitement de « l’omniscience ».

« Oui, ça, je le vois… Mais il est hors-de-question que je te laisse aller comme ça dans l’une de mes filiales, Jeannie. »

Power Girl n’était tout de même pas folle à ce point ! Cette femme était bien trop instable pour ça, et bien trop encline à semer le chaos autour d’elle. La laisser seule, c’était prendre le risque de la voir foutre le boxon en moins de temps qu’il n’en faut pour le réaliser. Alors, Karen préférait la conserver près d’elle.

« De plus, mon entreprise dispose de méthodes internes qu’il faudra aussi que je t’apprenne. Espionner mes employés n’est clairement pas quelque chose que je fais. En revanche, et comme je te l’ai dit, j’ai créé autour de moi un environnement de travail très particulier, où vie privée et vie professionnelle sont étroitement liées. Rien d’exceptionnel à cela, puisque le siège de ma compagnie se trouve sur une île privée, et que les maisons dans lesquelles mes employés vivent ont été construits par moi. »

Karen pouvait abattre le travail d’une centaine de maçons, et elle s’y connaissait en construction. Quand elle était sur Earth-2, en compagnie de son père adoptif, Kal-El, elle avait aidé ce dernier à bâtir un chalet dans les forêts du Minnesota. Karen avait donc bâti, à l’aide de drones et de robots, tout le village où ses employés vivaient paisiblement, dans des maisons de haut confort. Mais il était important que Jeannie comprenne ça, et où Karen voulait en venir.

« Ce que je veux dire, Jeannie, c’est que tu devras t’insérer dans cet environnement, car je ne veux pas d’un élément perturbateur qui viendrait gâcher l’ambiance. C’est très important, car je suis une femme qui, comme tu t’en doutes, est très occupée. Starr Industries est une compagnie florissante, et je gère de nombreux problèmes liés à cette société… Sans compter mes activités en tant que Power Girl, ou ma relation conjugale. »

C’était même parfois à se demander si Karen ne devait pas réussir à se dédoubler !

« Donc, voilà, tu devras suivre mes formations, et te conforter à mes ordres. Autant que ce soit bien clair d’emblée de jeu avant qu’on n’envisage vraiment de t’embaucher comme ma secrétaire. Es-tu d’accord avec ces conditions ? »

« Je n’obéis aux ordres de personne. C’est terminée l’époque où j’étais l’esclave forcée de faire contre son gré. Je peux adhérer à tes suggestions, je peux suivre tes conseils, je peux considérer tes demandes mais jamais je n’obéirai à tes ordre. Et ce n’est pas négociable. Jamais. Et nee vient pas me dire que ça revient au même. Il y a une énorme différence. Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes. »

Je me rends compte que j’ai dit ça avec un peu trop de colère dans ma voix. Et de douleur, surtout. Quand on veut toucher à ma liberté, je monte direct aux barricades. C’est comme plonger un fer rouge dans une vieille blessure. Elle aura remarqué ou non qu’instinctivement, j’ai mis ma main gauche sur mon poignet droit comme pour… Mais bon. L’ambiance qui s’était soudainement assombrie redevient plus légère mais elle a perdu de sa bonne humeur. Pourquoi, Power Girl, est-ce que tu continues à me faire du mal alors que tout ce que je veux, c’est une nouvelle amie? Est-ce que tu es cruelle à ce point? Ça te fait plaisir de me rappeler parmi les pires moments de mon existence? Le temps guéri toutes les blessures. Foutaise, foutaise et refoutaise, voilà ce que j’en dis, moi! Si c’était vrai, depuis le temps, ce serait guéri. Et ce n’est clairement mais alors là clairement pas le cas.

Mais bon. On va partir du principe qu’elle n’a pas voulu faire exprès. Je change encore d’apparence, devenant une rousse sulfureuse, non, carrément volcanique et je me rapproche d’elle, prenant ses mains dans mes mains et la regardant droit dans les yeux. Oui je suis dans sa bulle, et alors? Comme si j’en avais quelque chose à faire. Je veux bien faire des efforts. C’est sûr. Mais je doute pouvoir y arriver seule et manifestement, de nous deux, on dirait qu’il n’y a que moi qui y croit réellement. C’est un peu triste, quand même. Elle devrait m’encourager, non? J’essaie de ne plus faire de bêtises, il me semble que c’est un noble objectif, je me trompe? Je ne demande pas une médaille, juste un peu de confiance. C’est toujours le premier pas le plus difficile, après tout. Enfin. C’est ce qu’on dit. Des fois je me dis que ce sont les suivants, les pires. Quand on se rend compte que…

« Écoute. Je sais que tu n’as aucune raison de me faire confiance et que probablement, à tes yeux, je n’en vaux pas la peine. Ce que ça va te demander en adaptation et en patience… Je veux juste qu’on me laisse une chance. Et j’ai l’impression que tu me traites comme si j’étais une bombe à retardement menaçant d’exploser à tout instant. PeeGee… Je peux t’appeler PeeGee? Tu oublies une chose fondamentale, je crois.

Bien que ce fut pendant une courte période de ma vie, j’ai été une déesse bienveillante chargée d’aider un monde complet à se développer, une planète entière avec des milliers de formes de vie. Et j’ai réussi. Je l’ai fait. Parce qu’en quelque part, j’ai suffisamment cru en moi pour me donner une chance et tenter l’aventure. Dis moi franchement, est-ce que tu crois que bosser pour toi va me demander plus de responsabilité que… Bah…

Faire ce que j’ai fait? Combien d’employés tu gères? Quelques milliers? J’ai forgé le destin de millions d’individus. Alors si je te dis que je peux le faire, je peux le faire. Arrêtes de me considérer comme une sorte de menace ou une gamine. De nous deux, tu es définitivement la plus jeune. Je doute que tu aies même le siècle. Je te demande une chose. Me faire confiance. Est-ce que tu peux au moins faire cet effort pour moi? »

Je ne dis pas ça pour me vanter pour me lancer des fleurs, c’est juste la réalité des choses. Ai-je fait ce que j’ai dit que j’ai fa? Oui! J’ai vraiment eu ma phase « je suis la déesse d’un monde et c’est ma responsabilité de le protéger ». Il y a eu du bon, il y a eu du moins bon mais au final, quand je suis partit, j’ai laissé derrière moi quelque chose de prospère et fonctionnel. Je sais que c’est difficile à croire puisque c’est de moi dont il s’agit mais bon. Je peux faire preuve d’une étonnante maturité par moment. Je ne dirais pas étonnante, en fait. Simplement, j’en ai marre d’être sérieuse. On finit par se laisser à force d’apparaitre, écouter avec la plus grande attention un vœu, exaucer un vœu, expliquer pourquoi il n’est pas en tout point conforme à la volonté de celui qui l’a demandé, se faire copieusement insulter, recommencer avec les vœux deux et trois, retourner dans la lampe…

Certainement que la vie d’une PDG ne doit pas être facile. Je le comprends. Je le conçois. Mais je refuse obstinément de croire que c’est plus compliqué qu’administrer un monde complet. Un monde entier. C’est pour cette raison que je suis intéressée à découvrir quelque chose de beaucoup plus simple. Il y a tellement plus à juste avec des pouvoirs carrément surpuissants. Les Humains ont bâti des villes sans avoir le millionième de ce que je possède. Autant des fois, ça donne envie de les prendre de haut à cause de leurs conneries, autant des fois on se dit que bon, s’ils y arrivent, c’est qu’il doit y avoir une leçon à en tirer quelque part. On me dira si j’ai raison ou si j’ai tort mais je pense que c’est une analyse qui tient la route. Et encore là, comment peut-on juger objectivement de quelque chose de purement qualitatif? Enfin bon, bref. On en est là, au final des finals, non? Oui.

’ai fait mon plaidoyer. On verra bien ce que ça donne…

Arrêter de la considérer comme une menace… Était-ce une forme de plaisanterie ? Bien sûr que Karen la voyait comme une bombe à retardement ! Tout ce que Jeannie avait fait jusque-là ne cessait de le démontrer ! Elle avait harcelé et persécuté un type parce qu’il avait critiqué le Nutella ! Si Jeannie avait eu un glorieux et divin passé, celui-ci semblait bel et bien révolu… Et, de toute manière, les Dieux n’étaient pas forcément très connus pour être sages ou raisonnables. La mythologie olympienne était un florilège d’incestes, de disputes conjugales, de rivalités d’égos, provoquant des milliers de morts entre les fidèles de Dieux bien trop humains. Karen ne savait donc pas sur quel pied danser, et fronça les sourcils devant la jeune femme, qui demanda que Karen lui fasse confiance. Difficile de demander ça à Power Girl, qui aimait tout contrôler autour d’elle, tout cadenasser, et avoir la maîtrise de tout ce qu’elle faisait. C’était une conséquence du fait d’être une Kryptonienne, d’avoir grandi parmi les humains, et de pouvoir tuer n’importe quel humain si elle ne faisait pas attention à elle-même.

Face à cette femme, Karen ne pouvait pas se permettre de flancher, et choisit de contourner le problème :

« Tu te méprends, Jeannie… Mais peut-être que je me suis mal exprimée. J’ai en horreur le piston, tu sais. Ma compagnie n’est peut-être pas centenaire, mais c’est une grosse entreprise, avec des processus de recrutement interne et des possibilités d’évolution de carrière. Je ne peux pas juste mettre à un poste à responsabilités une jeune femme qui n’a pas eu l’occasion de faire ses preuves. Les autres employés seraient fondés à y voir un traitement de faveur, et c’est un principe auquel je suis radicalement opposée. Et je ne te propose pas non plus n’importe quel poste… Encore que, tu devras réussir les entretiens et les tests de sélection. Secrétaire de direction, ce n’est pas la standardiste au téléphone. C’est un poste qui t’amène au sommet du pouvoir, et qui ouvre la voie à des évolutions de carrière. Tu veux être indépendante ? Gérer ta propre équipe dans l’un de mes sites ? À toi de prouver que tu es capable de le faire ! »

Sans avoir l’esprit start-up ancré en elle, Karen savait manier le langage des hommes d’affaire, ce mélange de volontariat et d’ambition personnelle. Elle ne dirigeait pas une fonction publique, mais bien une société privée, fondée sur la recherche du bénéfice, et ce même si elle consacrait l’essentiel de ses bénéfices personnels au bénévolat et au mécénat, que ce soit pour des associations caritatives… Ou pour financer l’équipement de pointe de Huntress et de Power Girl.

« Pour le reste, je ne te parlais pas de servitude, non… Mais, si tu veux travailler dans une société, il te faut bien accomplir les missions qu’on te donne, non ? C’est ça que je voulais dire. Alors, tout ça n’est pas négociable, Jeannie. Je te propose un poste dans la seule partie où je peux proposer des candidats sans que cela ne soit trop suspect, à savoir mon entourage proche, et, si tu arrives à faire tes preuves, et que tu souhaites aller voir ailleurs, je pourrais appuyer tes demandes d’évolution interne. »

De cette manière, et sans mentir, Karen esquivait le problème du déficit de confiance, qui restait réel. Elle n’aurait jamais laissé une bombe comme ça, capable de changer d’apparence, d’altérer la réalité d’une pensée, se balader librement dans son entreprise ! Certes, ce n’était pas parce que Karen était à côté d’elle qu’elle pouvait l’empêcher de faire ça, mais… Au moins, elle serait là pour gérer une hypothétique crise ! Et, si Jeannie arrivait à la tromper en lui montrant qu’elle savait bien se comporter, ça ne serait que des points positifs pour elle !

L’un dans l’autre, Karen n’avait donc rien à perdre, tout comme Jeannie.

Elle ne te fait pas confiance, dit la petite voix dans ma tête. Et elle n'a pas tort, de cela je suis convaincue. Car rien de ce qu'elle a dit ne vient confirmer qu'elle me fait confiance. Rien dans ce qu'elle a dit ne s'approche de cette réalité. Et donc, encore une fois, à tort ou à raison, je suis jugée sur ma nature excentrique. Je comprendre le principe de faire ses preuves. Je comprends la logique de la première impression, tout ça. Mais ce que je ne comprends que difficilement, millénaires d'existence ou non, c'est qu'à un moment donné, si personne ne donne de chance à personne, comment vous voulez bâtir quelque chose de durable? Ce qui en revient à ce que je comptais faire tôt ou tard: profiter du fait que je puisse faire une copie de moi et aller voir ailleurs. Ainsi, je pourrai continuer de profiter de ma vie tout en apprenant quelque chose de nouveau. En expérimentant quelque chose de stimulant pour moi. Et pour vous, c'est... Commun. Routinier, même.

Je vais y mettre du mien, bien entendu. J'ai hâte de tenter cette nouvelle aventure. Mais une part de moi refuse de m'enlever de la tête que c'est plus ou moins une répétition de situations passées. Je sais que je peux avoir un comportement impulsif et que pour vous, certaines de mes actions sont immatures. Pourtant, quand on y regarde plus en détail, il n'y a jamais de réel danger pour personne. C'est comme si vous avez une super force et que vous devez refermer votre main autour d'un oeuf sans le briser. Pour un être humain normal, facile. C'est à peine un effort musculaire digne de ce nom. Mais pour vous, cela demande de la volonté. Une certaine discipline. Contrôler quelque chose qui dépasse l'entendement. Ce qui est facile pour le commun des mortels et qui semble facile pour vous est loin de l'être dans la réalité. Et c'est exactement la même chose dans mon cas. Et c'est ce que je voudrais qu'elle réalise. Mais je suppose que c'est trop demander, malheureusement.

Je suppose que le temps sera mon meilleur allié dans cette situation. Combien... Allez savoir. On verra, je suppose. Je retourne m'asseoir et je ne cache pas ma déception. Je suis très franche dans ce que je dis, pense et vis. Je n'ai jamais prétendue être douée à dissimuler ces choses et ce n'est pas quelque chose que j'ai particulièrement envie de développer. Tant pis, en un sens, je suppose. Ce n'est pas moi qui sortirai perdante de tout ceci. On apprend tout le temps, à chaque seconde de chaque jour. Je sais que je me répète mais c'est nécessaire parce que je ne veux plus retoucher à l'omniscience. Et ultimement, j'éclate de rire. Spontanément. Sans crier gare. Peut-être que ça va solidifier pour elle cette idée concernant mon instabilité mais j'ai toujours cru qu'il vaut mieux rire que pleurer. Vous ne pensez pas la même chose? Je préfère et de loin la joie à la tristesse. C'est un sentiment bien plus constructif pour un être pensant que des idées noires voire carrément destructrices...

« On va faire comme tu veux alors. Ai-je vraiment le choix? Tu ne veux pas me faire confiance. Je vois deux moyens de régler le problème. 1: manipuler la réalité et tenter de te forcer à me faire confiance, ce qui serait non seulement tricher et pas qu'un peu mais prodigieusement stupide. Ce qui me laisse l'option 2: faire mes preuves. Ou une option cachée que je ne souhaite pas prendre: t'envoyer promener et juste continuer à vivre ma vie. Ce serait par contre très contre-productif, tu ne crois pas? Moi je crois que oui.

Ce qui m'amène à penser... Que faire, que faire, du vilain Ellison... Je ne suis pas encore à ton emploi donc j'ai encore le temps de m'amuser avec lui mais en même temps, tu sembles vouloir qu'il te révèle un certain nombre de choses... Ce qui veut dire que, madame la femme d'affaires, pour cet aspect bien spécifique des choses, il va falloir négocier. Qu'est-ce que je gagne à te le livrer sur un plateau d'argent pour que tu puisses avoir ce que tu veux considérant que moi je perds une source d'amusement? »

Je sais qu’Ellison est pour moi une distraction mineure. Il est indigne de mon attention, dans la réalité et je confesse que si à ce moment précis, je n’avais pas été en train de bailler à m’en décrocher la mâchoire en me disant que c’est interminable, l’éternité, probablement que malgré son commentaire anti Nutella, je n’aurais strictement rien fait. À ma défense, il faut dire que même sans le commentaire, c’est un individu particulièrement détestable qui me rappelle bien trop de mauvais maitres pour que ma rancune ne refasse pas un brin surface. Je maintiens que je ne lui ai fait aucun mal. Je l’ai trollé. D’accord, sans doute était-ce stressant mais au vu de sa position sociale dans le milieu des affaires, je suis convaincue qu’il a enduré plus éprouvant que quelques farces, même inexpliquées, contre sa personne. Enfin. J’espère. Sinon ses nerfs sont fait en quoi, je me le demande.

Pour être honnête, je ne sais pas si, maintenant que Power Girl est arrivée dans l’équation, je vais avoir envie de continuer à le tourmenter. Non mais c’est vrai, il y a bien plus intéressant à faire désormais que de perdre mon temps avec un mauvais joueur. C’est sûr que jouer quand on ignore les règles, c’est un poil compliqué mais c’est assez intuitif, en fait. Il continue de faire le con, je continue de lui faire des mauvais tours. Il arrête de faire le con. J’arrête de lui faire des mauvais tours. Action. Réaction. Simple comme bonjour. Ou alors il est tellement habitué à ce que ce soit lui qui soit en contrôle qu’il ne sait pas comment réagir face à quelque chose contre lequel il ne peut ni tricher ni gagner. Ah non. Dans une telle situation, la grande gagnante, c’est moi. Hum? Vous vous demandez pourquoi je ramène ce type sur la table? Il me semble que c’est pourtant simple.

Quoi, vous pensiez que je l'avais oublié, celui-là? Aucune chance. Vraiment aucune.

Karen pouvait se montrer dure en affaires quand elle le voulait, et elle ne souhaitait surtout pas mettre la vie de son personnel en danger… Ou, tout du moins, leur intégrité psychique ou physique. Avec une femme excentrique dotée de pouvoirs cosmiques, c’était une hypothèse à ne pas écarter trop rapidement. Face à elle, Jeannie semblait le comprendre, et Karen fit quelques précisions :

« La confiance, ça se mérite, Jeannie. Mais je ne me lancerai pas dans cette expérience avec toi si je n’accordai pas le bénéfice du doute. Et, pour être totalement transparente avec toi, si j’avais voulu continuer à t’affronter, je serai allée voir des magiciens expérimentés pour m’aider à trouver une solution contre toi. »

Il n’était pas dit que Karen en aurait trouvé une, mais elle en savait assez sur la magie pour savoir que celle-ci suivait ses propres règles. Et ses règles ancestrales avaient vocation à s’appliquer continuellement. Power Girl ne croyait pas au mythe de la créature invincible. D’une manière ou d’une autre, Jeannie devait avoir des faiblesses, et, si elle ne pouvait le faire par elle-même, Power Girl savait qu’il existait sur Terre des magiciens très puissants. Le Docteur Strange, le Docteur Fate… Zatanna ou même Constantine, dans une moindre mesure. Mais Karen n’était pas partie vers cette optique, et avait au contraire choisi de négocier avec cette femme.

Jeannie accepta donc l’idée de lui obéir, en tant qu’employée, avant de revenir sur le sort d’Ellison. Karen, qui ne l’avait pas oublié, croisa lentement les bras, avant de lui répondre :

« Et que pourrais-je offrir à une femme qui peut déjà tout avoir, Jeannie ? Je tiens à sauver Ellison, oui, car c’est un humain, et il ne nous appartient pas de le juger à la place des hommes. »

Sa position était calme. Elle se déplaça alors, et s’assit à côté de Jeannie.

« La vraie question, donc, c’est de savoir ce que tu souhaites avoir en échange de Jeannie. Que pourrais-je donc offrir à une femme qui a déjà tout, et qui peut potentiellement déjà tout avoir ? »

Sachant aussi que Karen n’était pas spécialement douée pour les surprises ou les coups de théâtre, ce dont Jeannie s’était sans aucun doute déjà rendue compte…

Parce qu’elle croit vraiment que je vais lui sauter au cou en disant « merci, merci, merci » en boucle? Mais va les voir, tes magiciens, si ça te chante. Tu vas perdre ton temps et eux le leur. Pourquoi? Parce que par le temps que vous trouviez quelque chose sur moi, un, je me serai lassé d’Ellison et deux, il va falloir retrouver ma trace et à ce moment-là, qui sait, je serai peut-être sur Albion. Ou Azeorth. Ou Sanctuary. Ou Terratus. J’ADORE le jeu vidéo Tyranny. D’accord, je serais bien incapable de tuer qui que ce soit mais l’histoire, les choix, les implications derrière… Je viens de compléter ma treizième partie et je me dis qu’il y a encore tellement de combinaisons que je n’ai pas exploré! C’est que voyez-vous, en partant du principe que… Que en fait je ne vais rien vous dire. Tyranny. Par Obsidian Entertainment. Publié par Paradox Interactive.

Je soliloquais sur quoi, déjà? Ah oui! Que par le temps qu’ils trouvent une solution, les chances que je sois encore sur Terre étant quasiment nulles, il faudrait alors attendre que je revienne, en partant du principe qu’ils sont capables de me retrouver, ce qui mènerait à une confrontation inutile où tout le monde, moi exclue, se trouverait bien con vu que je suis, je le répète, globalement inoffensive. Mais bon. Si ça lui fait du bien de me confier cette vérité comme si c’était l’affaire du siècle, libre à elle. Moi? Ça me laisse franchement indifférente. Ce n’est pas une marque de confiance, c’est montrer qu’on est une horrible personne qui juge sans chercher à connaitre la personne en place. Vraiment pas impressionnée, là, Power Girl. Vraiment pas. Déçue, même. Mais ça, on ne va pas le lui dire. En fait, on ne va pas réagir à sa remarque. Oh non. J’ai mieux. Beaucoup mieux.

De ce que je peux voir, c’est une femme qui est ancrée dans le concret. Qui aime être en contrôle. Imposer ses conditions. Donc, si je veux vraiment profiter de l’avantage que j’ai en ce moment, il va falloir la sortir de sa zone confort « professionnelle » et l’amener en terrain moins connu. C’est dommage, quand même. C’est encore une dynamique de super héroïne devant une super criminelle théorique et non pas entre deux futures bonnes amies. Je vous le dis moi. Je ne demande que ça me faire des nouveaux amis. Ça rend l’existence moins ennuyante. Alors… Que demander et surtout, comment le demander. Les langues humaines sont très riches de mots et certains ont tellement de sens différents tout dépendamment de la phrase dont il font partie. Comment faire pour désarçonner au moins un minimum Power Girl? Oh, voilà exactement le genre de casse-tête que j’aime!

Chaque mot devra être soigneusement étudié et la phrase construite de façon à être volontairement ambiguë. Que choisir. Que choisir. Oh. Je sais. J’ai trouvé la phrase parfaite. En fait, c’est tellement brillant que j’aurais presque envie de m’auto congratuler. Mais je me dois de rester calme car si je laisse ma nature joueuse prendre le dessus trop vite, ça va tout gâcher. La rousse sulfureuse que je suis devenue pose son doigt sur ses lèvre, plongée dans une profonde réflexion avant de me pencher vers elle et de susurrer LA phrase qui risque de lui faire perdre de sa superbe. Oh, faites que ce soit le cas. Parce que je jure sur ma tête que je vais faire une photo mentale de son expression incrédule et que je vais la mettre dans un cadre sur mon bureau quand je serai à son emploi. Mais oui, ces petits cadres pour photo de famille, vous voyez le genre? Parole de Jeannie!

« Tu sais, ce que tu viens de me demander c’est comme un chèque en blanc. Tu pourrais ne pas aimer le montant que je vais y inscrire, comme tu pourrais ne pas aimer ce que je vais répondre parce que tu me laisse la porte grande ouverte quant au choix. Tu dois vraiment, vraiment, vraiment vouloir Ellison pour me laisser tant de latitude. Voici ce que je veux et c’est non négociable : prendre mon pied avec toi. »

HA HA HA! Vous ne l’aviez pas vu venir celle-là! Avouez le! Mais avant de hurler au scandale, laissez moi clarifier une chose. Pour ce faire, je vous invite à consulter le wikitionnaire. Étymologiquement, la phrase que j’ai utilisée vient du latin pedem tollere soit prendre son pied. L’expression aurait son origine dans l’argot des pirates et corsaires. Prendre son pied, c’est partager le butin mesuré à l’aide du pied, l’unité de mesure, d’où le sens de plaisir partagé. Il s’ensuit que prendre son pied tout seul est une absurdité étymologique. Maintenant, dans le jargon populaire : Prendre beaucoup de plaisir (principalement sexuel). Ce que je viens de demander a tellement de sens : aimant m’amuser, on parle de plaisir partagé. Ce peut autant être aller manger une glace, regarder un film, jouer à un jeu vidéo que ce à quoi vos esprits mal tournés ont immédiatement envisagé!

« Alors? Est-ce que tu vas tenter de revenir sur ce que tu as dit, me donner quelque chose que je n’ai pas déjà ou est-ce que tu vas y aller dans le sens de ma requête? Je t’avoue que je suis extrêmement curieuse. J’ai été génie. Je sais très bien que la parole des gens ne vaut absolument rien. Pas plus qu’une entente écrite d’ailleurs. Ce sont des mots qui n’engagent que ceux qui y croient. Ma confiance est dans les actions. Elles sont concrètes, elles. Alors, Power Girl, est-ce que tu vas me laisser prendre mon pied avec toi? »

Karen savait ce qu’elle risquait avec cette femme. Elle jouait depuis le début à la roulette russe, mais la question était sincère. Sur le coup, Power Girl était perplexe, car elle ne voyait pas quoi offrir. La réponse vint finalement d’elle-même, quand Jeannie se pencha vers elle, et murmura qu’elle prenait des gros risques, et demanda ce qu’elle voulait…

…Prendre son pied.

Les yeux de Karen se haussèrent sous la surprise, et ses lèvres s’entrouvrirent pendant quelques secondes. Elle décroisa les bras en la regardant, mais celle-ci semblait sérieuse, sauf que… Sauf que cette femme était, de ce que Karen en avait compris, un ancien génie. Et, avec les génies, ou, de manière plus générale, les exécuteurs de vœux, il fallait peser soigneusement chaque son mot. Le décor changea encore autour des deux femmes, prenant une teinte plus sensuelle, Jeannie se retrouvant assise sur le rebord d’un séduisant lit rouge. Comment interpréter la notion de « prendre son pied » ? Il y avait, bien sûr, l’approche sexuelle, mais Karen sentait que ce n’était pas forcément ça que Jeannie s’y recherchait.

Elle regarda donc encore autour d’elle, et commença à réfléchir, avant de finalement trouver une idée. Elle s’assit à côté de Jeannie, sur le lit, leurs genoux se frôlant l’un à l’autre, dans une posture qui avait tout de sensuelle.

« C’est entendu. Voilà donc ce que je te propose, Jeannie, pour que tu prennes ton pied… »

Power Girl laissa sa phrase en suspens, et glissa doucement sa main gantée dans celle de Jeannie, avant de la regarder. On aurait presque pu croire qu’elle allait l’embrasser, mais, au dernier moment, Karen lança alors sa proposition :

« …Un concours de jeux vidéos ! »

Cette fois, c’était peut-être au tour de Jeannie d’être surprise ! Mais difficile pour Karen, en observant le décor changeant du monde de Jeannie, de ne pas y voir les multiples références au gaming.

« Mais je te préviens, je suis redoutable. C’est… C’est comme ça que j’ai appris à contrôler mes nerfs. J’ai cassé un nombre incalculable de manettes et broyé un nombre un peu moins élevé de consoles en me frustrant devant des parties de jeux vidéos, ça m’a appris à rester zen. »

Mais Jeannie accepterait-elle de relever le défi ?

« Mais je ne veux pas de triche, cela va sans dire. Tu te sens capable de rivaliser avec moi ? »

C’était un sacré défi qu’elle lui faisait, et, fort heureusement, Karen connaissait un assez bon catalogue de jeux.

Le décor avait été posé, la demande faite et il restait à voir jusqu’où Power Girl était prête à aller. Moi? Je vous l’ai déjà dit. De un, je n’ai jamais aimé, le concept m’est totalement étranger. L’amitié, pour moi, c’est rechercher la compagnie des autres pour ne pas être seuls. Il y a une certaine notion de possessivité mais pas forcément de loyauté. On peut vivre des millénaires sans avoir nécessairement réussi à se développer socialement, vous savez. Et le sexe… Je pense avoir déjà dit suffisamment de fois qu’un génie esclave de sa lampe, contrairement à ce que le génie d’Aladin veut faire croire, n’ont pas de restriction sur les vœux qu’ils peuvent exaucer ou non. Nous n’avons pas le choix, point final et ce quel que soit le vœu. Tirez vos propres conclusions, moi je refuse d’en dire plus. Je n’ai pas forcément envie de me remémorer un nombre conséquent de…

On va dire de mauvais souvenirs et ne pas aller plus loin. Donc, disais-je. La phrase est dite, volontairement orientée dans une direction. Une perche tendue, l’évidence même… Et j’espère, j’espère qu’elle va voir plus loin que ce qui est devant son nez. Je ne dis pas que ce ne serait pas plaisant. Je dis juste que ce n’est pas ce que je veux. Et je vous attends passer vos commentaires lubriques sur Power Girl et sortir vos idées de fanfiction. Je ne dis pas qu’un duo Power Girl / She Hulk ne serait pas… Intéressant… Je dis juste que moi, personnellement, avant que vraiment je ne prenne plaisir aux relations intimes, il va d’abord falloir me détraumatiser… Si c’est un mot… Ou m’aider à comprendre ce qui est supposé être agréable. On va voir si elle va tomber dans la facilité. Ou pas. Mais c’est le plaisir de la découverte, non, de l’inconnu? Je… Oh Oui… OUI! HAAAAA!

HA HA HA HA HA! J’éclate de rire et c’est quelque chose de tellement spontané, de tellement vrai que si elle n’en reste pas honnêtement surprise, je serai moi-même dans cet état. Au cours de nos échanges j’ai ri. J’ai souri. Mais ça fait un peu partie du personnage. De Jeannie. Je le pense, bien sûr. Mais sans être un automatisme, c’est quelque chose de… Si commun, si… Routinier? Non. Le terme serait trop fort. Mais là, par contre, ce rire vient de moi. De la personne, de l’être derrière les farces, derrière le masque. Je lui saute au cou et lui donne un énorme câlin (Et il est chaste ce câlin, bien que nos corps soient… JE VOUS DIS MERDE!) avant de me lever d’un bond pour choisir le jeu. Un des nombreux jeux en fait. Et si elle pense que je suis du genre à jouer compétitive… Oui, cela m’arrive mais je prends bien plus de plaisir dans le travail d’équipe. Je n’ai jamais vraiment su pourquoi.

C’est vrai, quand on y pense, le travail d’équipe demande de la confiance. Ce n’est pas quelque chose que j’arrive à donner facilement. Je dirais que cela dépend des individus mais ce n’est pas nécessairement un automatisme. On pourrait s’attendre à ce que ce soit le cas au vu de ma nature joviale mais non. Il y a beaucoup de blessures derrière ce vernis joyeux et plein de malicieuses farces. Un concours de jeux vidéo. Elle n’a pas dit contre qui. Elle semble indiquer contre elle… Mais elle oublie que je suis une ancienne génie et que tout ce qui n’est pas clairement dit est sujet à interprétation. Rivaliser avec elle peut vouloir dire en termes de score. De stratégie. De porter leur équipe à la victoire. Et je connais le parfait jeu pour tester notre synergie. Keep Talking and Nobody Explodes! Ne me dites pas que vous ne connaissez pas ce jeu, quand même? Non? SÉRIEUSEMENT?

C’est facile. Un joueur est devant une bombe. L’autre devant un manuel. Le premier doit décrire au mieux à l’autre ce qu’il voit et l’autre doit trouver le bon plan pour lui dire comment la désamorcer. Simple en apparence mais je vous jure que si vous avez des amis qui « pognent souvent les nerfs », pour utiliser mon québécois, ça peut mal finir très vite. On va voir si elle est aussi zen qu’elle le prétend, la Power Girl. Première partie : elle a le manuel et j’ai la bombe. Et je me rends compte d’un truc : quand je me mets vraiment à fond à un jeu, genre VRAIMENT à fond, j’abandonne l’anglais pour la première langue terrienne que j’ai apprise : le français canadien (québécois, pour être exact). Il n’existe pas exactement de langue universelle, de toute façon et j’aurai beau raconter ce que je veux, la vérité vraie c’est que mon premier passage sur terre a finit avec une overdose de sucre.

Mais c’est une histoire pour une autre fois car là, je ne sais pas si un, Power Girl parle français, deux, comprend les régionalismes québécois et trois, est capable de suivre un verbomoteur qui décrit la bombe dans ses plus petits détails pour s’assurer de ne rien manquer. ÉVIDEMMENT que la bombe a explosé lors de la première partie. On change de place pour la deuxième partie. Échec. Mais la troisième partie (de retour avec la bombe) : succès! Je me lève, saute partie, fais deux copies de moi et on fait la danse de la victoire de Kirby. Bah quoi? Je suis aisément surexcitée, vous n’allez quand même pas me blâmer pour ça, toujours? Dans votre intérêt, non. Parce que sinon je vous garantis que je vais être extrêmement désagréable avec vous. Non mais sans blague! On ne vient pas casser le fun d’une Jeannie qui s’amuse! Ce devrait être criminel, rien de moins!

« OH YEAH! C’ÉTAIT TROP COOOOL! C’est quoi le prochain jeu? »

La proposition de Karen surprit et amusa Jeannie, qui alla lui faire… Un câlin. Ceci semblait être une bonne chose… Du moins, c’est ce que Karen se disait, ou espérait. Avec Jeannie, il était assez difficile de la comprendre, car la femme disposait de pouvoirs surnaturels, et Karen ignorait jusqu’à quel point elle les contrôlait, sans compter ce côté sociopathe en elle qui n’hésitait pas à attaquer des gens pour des raisons futiles. Mais l’idée la ravit, et, rapidement, le décor changea, prenant la forme d’une grande pièce de jeu, avec des consoles s’étalant dans un énorme meuble avec des néons bleuâtres. Sans rien dire, Karen observa cela, notant également l’apparition d’une série de bibliothèques avec de nombreux jeux vidéos.

*Et bien, c’est une vraie gameuse, cette Déesse…*

Pour première expérience, Jeannie lui proposa un jeu indépendant, « Keep Talking And Nobody Explodes », tandis que Karen songeait à tout cela. Elle était dans sa tenue de super-héroïne, avec la cape, et s’assit donc sur un fauteuil. Karen n’avait encore jamais parler de ce jeu, consistant à désamorcer une bombe en jouant à deux. L’une des deux devait manipuler la bombe, tandis que l’autre l’assistait avec un manuel pour désamorcer la bombe. Karen se pinça doucement les lèvres, échoua la première fois, puis la seconde en inversant les rôles. Ce fut finalement la troisième tentative qui s’avéra la bonne, au grand plaisir de Jeannie.

Karen sourit doucement devant la joie enfantine de la femme. Toutefois, ce n’était pas ce genre de jeux qui avaient tendance à l’énerver. Elle proposa ensuite à Jeannie de choisir, sachant que Karen disposait d’une vidéothèque infinie dans ce monde. Se pinçant les lèvres, elle réfléchit un peu.

« Jouons à un classique et à un défouloir, alors… »

Elle laissa Jeannie sonder son esprit pour matérialiser la console, le jeu, et apprendre les règles.

« Burnout Revenge », sur PS3. Une série de jeux de voiture, classique de la PlayStation 2. Revenge était l’un des derniers Burnout, un jeu de « course » ressemblant plus à de la destruction urbaine massive. Dans les Burnout, le joueur conduisait dans une ville urbaine, et le concept avait peu à peu été développé au fur et à mesure des opus pour devenir un jeu de courses très violent, puisque les voitures de course devenaient des espèces de chars d’assaut pouvant pousser les voitures roulant dans leur sens pour les projeter sur les adversaires, ou même se rentrer dedans afin de détruire le véhicule adverse.

Chaque destruction de véhicule adverse formait un takedown, et permettait au joueur d’augmenter sa jauge de Boost, lui permettant d’accélérer violemment. Autant dire que, dans ce genre de jeux, la priorité n’était pas tant d’être le premier que de ne pas faire se détruire, et de grappiller du Boost en frôlant les voitures, en volant dans les airs à l’aide de tremplins, ou en multipliant les takedown, le tout servi avec une musique de pop rock émanant principalement de groupes britanniques du début des années 2000, ou encore de rock metal.

Le jeu proposait principalement trois modes de jeux :

La course, qui n’avait rien de particulier, puisqu’il s’agissait d’une course en plusieurs tours sur un circuit prédéterminé,
Le Road Rage, un mode spécifique à Burnout consistant à jouer sur un circuit prédéterminé et à faire le plus de takedowns possibles,
Le mode Crash, consistant à catapulter sa voiture explosive en plein milieu d’un carrefour bondé afin de faire le plus de dégâts possibles.

Karen choisit un tournoi sur plusieurs cartes différentes avec des modes variables, et la première épreuve qui fut choisie fut une course sur Motor City, le circuit étant des plus simples à comprendre :

« Tu es prête, Jeannie ? »

OH!!! On change de jeu, on change de style et on change d'approche? Ah mais je relève le défi, moi! Il ne sera pas dit que je suis couarde ou que je n'aurai pas défendu chèrement ma peau! Le seul endroit où je suis capable d'infliger du mal à autrui c'est dans les jeux vidéo car il n'y a rien de vrai là-dedans. Tout est simulé. Et c'est tant mieux d'ailleurs. Ça permet de taper les collègues sans briser des amitiés. Ou des os. Ou les deux. Toujours est-il que je sens que je vais m'amuser. D'accord, je ne vais pas modifier le code source du jeu pour me donner un avantage mais personne n'a dit que je devais faire abstraction de réflexes surhumains. Ça ne serait pas très équitable que je joue avec deux handicaps. Non mais c'est vrai. Je n'ai pas appris à manipuler la réalité. Je suis née avec cette habileté. Et normalement, ce qui est inné n'est pas de la triche.

Le circuit est choisi. Le défi est lancé. Et je vais le relever, de cela vous pouvez être absolument certaine. Et clairement que, comme toute bonne stratège qui se respecte, je ne vais pas jouer toutes mes cartes dès le premier round. Dès la première course. Non. Je vais jauger la compétition et réagir en conséquence pour une finale épique et digne de ma personnalité éclatée. Quand même. Vous me prenez pour une noob? Alors là clairement pas. J'ai quelques tournois à mon actif, quand même. Jamais sous mon vrai nom et je m'arrange pour que ce ne soit pas trop publicisé. Quoi que… Ça dépend du tournois. Et des enjeux. Et de la compétition. De plusieurs facteurs, en fait. Mais c'est de peu d'importance dans la situation actuelle. On va voir ce qu'elle vaut. Elle n'aurait pas proposé cette activité sans avoir de très bonnes compétences dans le domaine. Bah non.

Ah oui. Petit truc peu connu sur moi. J'ai renoncé à l'omniscience. J'ai gardé une mémoire photographique. Alors les niveaux, je les connais par cœur. Les trucs aussi. Les glitches. Chaque virgule de chaque « patch notes ». Et tous les jeux de cette librairie, j'y ai joué et je les ai terminés. Pas tous à 100%, pas encore mais c'est en chantier. Le truc pour me prendre au dépourvu,c'est ce qui set généré aléatoirement. Ça, aucun moyen de savoir sur quoi on va tomber. Mais ce n'est pas le cas ici. Ici c'est ordonné. Prévisible. C'est quelque chose qu'on peut étudier. Mémoriser. Autrement dit, en plein dans mes cordes. Et je vais naturellement ruser. Je donne l'impression de chercher le moins possible la confrontation. Tout le monde essaie de détruire tout le monde et moi je garde mon rythme. Tout le contraire de moi au quotidien, en fait, l'hyperactive de service. Surprenant, non?

Elle, je suppose qu'elle va jouer agressif. Très agressif. On jette les gants et on fonce. Pourquoi se priverait-elle de le faire, au juste? Ce ne serait pas en phase avec son profil type. J'ai quand même pu l'observer pas mal. Elle aime être en contrôle. Prendre le dessus. Et dans un jeu comme ça, pour s'imposer, il faut défoncer son adversaire. Je joue défensif. Et je joue bien mon style. Moins de vitesse. Moins de points. Moins de risques de se faire sortir et de prendre du retard également. Je sais ce que je fais. Je suis une professionnelle. N'essayez pas de faire ça à la maison. En fait si, vous pouvez essayer mais vous risquez plus de vous planter qu'autre chose. Première course : elle finit en tête. Je finis troisième. C'est un choix stratégique, vous voyez? Deuxième course. Faire le plus de destruction possible. Je surclasse toute compétition. Je les connais mes angles.

Et mes vélocités, aussi. Et… Bref. Je finis première. Troisième course. Takedown. Je suis détestable. Vraiment. Je ne me laisse pas approcher, c'est un jeu de chat et de souris où je fais des points en attaquant les ennemis qui ne sont pas attentifs. Une vraie anguille. Non. Un poisson chat dans un tonneau de vaseline! Voilà! Évidemment que je me fais démolir quelques fois. On ne peut pas TOUTES les gagner. Mais on peut en gagner beaucoup. C'est une chaude lutte, une dure lutte. Je défend chèrement ma peau. Je suis une gamer. Compétitive… Pas nécessairement mais motivée à souhait par contre. Et je n'ai pas triché, je le précise. Tout ce que j'ai fait, c'est utiliser mon talent. Je mets au défi quiconque de me mettre en défaut… Parce que je n'ai rien fait de mal. Zéro une barre. Je joue franc jeu. Pour quelle genre de personne me prenez-vous au juste?

Et tout le long, je ris, je fais des « OH! » et des « AH! » et j'agite un poing vengeur quand je me fais sortir de piste. Mais le plus important de tout, je m'amuse. Vraiment. Sincèrement. Il n'y a pas de vraie rivalité ou de désir de nuire à l'autre. Juste une jeune femme (en apparence) qui passe du bon temps avec sa future bonne amie. En me regardant en ce moment, jamais il ne vous viendrait à l'esprit que je puisse manipuler la réalité. Je ne suis pas différente de vous ou de n'importe qui d'autre quand on me voit ainsi. Et c'est justement mon point. Je n'ai jamais cherché à ce qu'on me voit comme quelque chose de différent de qui je suis et non pas ce que je suis. La différence est importante. Très importante. Oh et qui a gagné? Si on me demande, moi, d'une courte tête. Est-ce qu’elle dira que c’est elle? Peut-être. Je ne sais pas. Je ne suis pas elle. Je suis moi.

« Et au final, une console de pétée. Est-ce que c’est toi ou est-ce que c’est moi? Peu importe! J’en fais apparaitre une autre et on continue! Je veux jouer à Planetary Annihilation : Titans! Tout détruire, tout casser, si tu aimes, c’est parfait. Oh allez quoi, j’adore les jeux de stratégie en temps réel! Dis oui! Dis oui! On ne va pas que jouer à Burnout quand même! Ou non! On joue à Perfect Dark en coop! Le remaster sur X360! Ou… CASTLE CRASHERS! »

L’avantage de ce type de jeux était qu’il générait énormément d’informations à l’écran. Il fallait donc se concentrer, et savoir tempérer ses émotions au profit d’une analyse intuitive et réactive, faute de quoi on se mangeait continuellement des voitures. Karen sentait ses vieux réflexes revenir en roulant sur l’asphalte, les pneus de sa voiture de sport brûlant sur le bitume. Bifurquant sur la gauche lors d’un virage, elle tamponna une voiture qui se transforma en un projectile meurtrier, et coupa la course d’une voiture commandée par une IA, la faisant exploser. Elle accéléra ensuite, filant à vive allure, devant aussi esquiver, même dans son sens, les véhicules lourds, comme les bus ou les camions. Très rapidement, on comprenait vite que le crash était une chose évidente, et, même en se crashant, le joueur pouvait toujours piloter son épave, ou faire exploser son moteur à l’aide de la nitroglycérine utilisée pour le Boost, en espérant bien sacrifier quelqu’un d’autre au passage.

C’était du chaos mécanique, du défouloir à l’état pur servi par des groupes comme Yellowcard, Funeral For A Friend, All-American Rejects, ou même Apocalyptica. Autant dire que, quand son père adoptif était venu proposer de l’aider à canaliser et à contrôler ses pouvoirs en se servant d’une console de jeux vidéos, la démarche avait beaucoup surprise Karen. Clark s’était toujours avéré terriblement humain. En sa compagnie, Karen avait eu droit à une véritable enfance, considérant progressivement son jeune cousin comme son véritable père.

Le tournoi dura cinq épreuves, incluant également une épreuve de Crash, consistant à foncer dans le trafic. Les joueurs disposaient de plusieurs essais pour faire le plus grand carambolage possible. Jeannie s’impliquait à fond là-dedans, et ne semblait pas être particulièrement mauvaise joueuse. Finalement, ce qui aurait pu s’annoncer comme un affrontement épique et homérique entre une Kryptonienne et une Déesse omnipotente se transformait en un après-midi gaming. La vie, pour ainsi dire, révélait ses surprises !

À la fin de ce tournoi, Jeannie proposa de changer de jeu, mais sans trop savoir quoi prendre, hésitant entre « Planetary Annihilatin : Titans », un STR, « Perfect Dark », un FPS old school qui avait fait partie des quelques jeux-cultes de la Nintendo 64, ou un jeu d’action de style retro plus récent, l’inénarrable « Castle Crashers ». Karen se massa l’arrière du cou, sans oublier son objectif initial.

« Ça me fait penser que j’ai un cosplay de Joanna Dark chez moi, signala alors Karen. Mais je crois que je vais me laisser tenter par les chevaliers, si tu ne peux pas choisir entre les trois. »

Elle faisait référence à « Castle Crashers », un sympathique jeu de combat en 2D sur un écran se déplaçant de la droite vers la gauche. Le joueur incarnait un petit chevalier affrontant une armée de monstres et de bandits, et devant remplir une série de tableaux en affrontant divers Boss. Il y avait un léger côté exploration dans le sens où, à chaque victoire, on arrivait sur une mappemonde où on pouvait choisir où aller, certains niveaux étant toutefois bloqués tant qu’on ne récupérait pas un item spécifique. Jeu issu de la scène indépendante, « Castle Crashers » avait su se faire un nom, puisqu’il avait fait l’objet de plusieurs rééditions.

Tout en récupérant une manette, Karen ne pouvait s’empêcher, en elle-même, de sourire devant la singularité du moment.

*C’est bien la première fois que je résous une crise de cette façon…*

Mais ce n’était pas pour la déranger. Dans l’absolu, elle préférait même ça au fait de devoir régler un problème en dévastant la moitié d’une ville !

Un cosplay de Joana Dark? Trop cool! Mais… La Joana Dark de Perfect Dark ou la Joana Dark de Perfect Dark Zero? Pas la même chose. Pas la même chose du tout, même! En fait, s’il faut être plus précis, c’est comme regarder deux personnages différents. La Joana Dark du Perfect Dark de la Nintendo 64 (et du remaster sur X360) et de la version sur la Gameboy Color est une brunette et la Joana Dark de la X360 est une rouquine… Et en fait c’est sans importance. Je pose quand même la question à Power Girl, curiosité oblige mais je ne m’attends pas à débattre sur la question. Nous avons une partie de Castle Crashers à faire, après tout! Du niveau 1 au dernier niveau, rien de moins! Je charge ma sauvegarde et… Je deviens rouge pivoine jusqu’aux oreilles. Pourquoi, demandez-vous? Euh… C’est que voyez-vous… C’est-à-dire que… Euh…

TOUS les personnages, armes, animaux et le reste sont débloqués… Et tous les personnages sans exception sont au niveau maximum. Ce qui implique beaucoup trop d’heures de jeu pour que ce soit considéré comme sain d’esprit. Et quand on considère que certains personnages sont plus récents que d’autres (Pink Knight, Blacksmith et Hatty Hattington viennent en tête), cela veut dire que j’ai revisité le jeu un nombre incroyable de fois et que si je ne le connais pas par cœur, je ne dois pas être loin du compte. Et pour jouer à ce jeu, c’est PC, sur Steam, ou rien du tout. Mes cartes à jouer, mes succès… À chacun ses préférences. Moi je dis PC Master Race, vous direz bien ce qui vous fait plaisir. Bref, Je marmonne que je vais prendre Alien Hominid comme personnage. Hum? Quoi? Vous allez remettre mon choix en cause? Et en se basant sur quoi, je vous prie, hein?

Il a quand même des attaques de fou quoi que certains vont dire que Industrialist ou Fencer sont les meilleurs personnages mais je l’aime mon Alien, ok? Et oui, des fois je joue King avec la Key Sword pour en faire un personnage « Unlock » et comme c’est le seul healer du jeu… Est-ce que je suis vraiment en train de justifier mon choix de personnage? J’hallucine. Je joues ce que je veux et puis c’est tout. Fin de l’histoire! Si ça vous dérange, c’est votre problème. Pas le mien. On ne va quand même pas me faire un procès! Ce serait quand même… Inusité, ça je vous le concède bien volontiers. Enfin bon. J’ai fait mon choix. À Peegee de faire le sien. Ceci fait, la partie commence. Et qui dit personnages de niveau maximum veut dire la plus haute difficulté possible sinon… C’est trop facile! Je fais apparaitre croustilles, maïs soufflé, crottes de fromage et autres grignotines…

Sans oublier la réglisse, les jujubes, les boissons gazeuses et le reste. Il faut refaire des provisions! Reprendre des forces pour la tâche titanesque devant nous! Je suis excitée comme une armée de puce en surdose de Red Bull! Cela faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas amusée ainsi! Je vous l’ai dit, hélas, ma vie est principalement solitaire. Et… Je le fais… Je le fais pas… Quoi, vous vous demandez? Je ne peux pas exactement le dire sans ruiner la surprise, en fait. Mais disons que… Si je le fais, il risque d’y avoir des conséquences pas forcément… Cool, on va dire. Allez Jeannie. Tu es une femme d’action… On va dire… Alors prends la décision, agis, et on verra bien ce que ça donne dans l’absolu. Qu’est-ce qui pourrait si mal finir, franchement? Un tas de trucs mais on y reviendra plus tard, si on a à y revenir éventuellement. Ce que je n’espère pas forcément.

Je claque des doigts et tout d’un coup, je suis dans le jeu. Je suis l’alien. Je suis mon personnage. Et Power Girl aussi est dans le jeu et est devenue son personnage. Évidemment, elle n’a pas sa super force, sa vision thermique et le reste. Elle a les habiletés de son personnage. Moi j’ai mes pouvoirs, je veux dire, c’est moi qui ai orchestré tout ceci, c’est normal, mais je ne les utilises pas. J’utilise les habiletés de mon personnage et quand je me prends un coup, je le ressens pour vrai. Plus comme un vilain choc électrique que comme une lame d’épée qui me traverse le corps mais c’est un incitatif à ne pas faire n’importe quoi. Nous ne sommes pas des noobs, après tout. Enfin. Pas moi. Qui a dit que les jeux vidéo ne pouvaient pas être plus vrais que vrais? C’est encore meilleur que la réalité virtuelle, ce n’est rien que de le mentionner, en fait. C’est trop… Génial!

Ce sera quand même particulier quand va arriver l’inévitable phase de duel entre les joueurs mais bon. Je ne suis pas du genre à reculer devant un défi, quand même. Si c’était le cas, j’aurais été d’une nullité catastrophique en tant que génie à l’époque et au contraire, pour le meilleur ou pour le pire, j’ai toujours été la meilleure. Cela dit, si vous pensez que ça m’empêche de foncer dans la tas et de tabasser mes adversaires… Vous avez tout faux. Je vous l’ai dit : dans la vie de tous les jours, je suis incapable de violence. Mais c’est un jeu vidéo. Je fais ce que je veux. Personne ne meurt vraiment et personne n’est vraiment blessé. Conclusion, c’est ok que de faire quelque chose qu’autrement on ne ferait pas. Bon allez. Premier boss. Vous savez, la machine de guerre avec les boulets de canon et qui charge partout dans l’écran? Je ne sais pas pour vous mais j’ai comme l’impression qu’on va s’en prendre, des chocs électriques…

Karen n’était pas une grande spécialiste de « Castle Crashers », mais elle l’avait tout de même fini. Elle y avait joué un peu avec Helena, mais Karen avait surtout joué en Solo. Ce type de jeu lui rappelait son enfance, les jeux de combat chevaleresques de la Super NES, principalement « Legend », un jeu d’action jouable à deux où on incarnait des chevaliers intrépides dans un royaume dévasté affrontant une armée d’ennemis et des monstres mythologiques jusqu’à défier le grand seigneur ennemi. Simple, basique, mais non moins efficace. « Castle Crashers » reprenait ce concept simpliste, mais avec quelques subtilités et approfondissements, comme un pouvoir spécial variable selon le personnage choisi. Le jeu bénéficiait toujours d’une bonne communauté donnant lieu à de nombreux DLC débloquant de nouveaux personnages, ce que d’aucuns appelaient des attrapes-gogos.

La Kryptonienne haussa les sourcils en voyant que tous les personnages du jeu avaient été débloqués, et étaient tous à niveau maximum. Qui aurait cru qu’une Déesse omnipotente trouverait son accomplissement dans… Le gaming ? Il y avait sûrement là de quoi donner des idées à Karen sur le futur investissement professionnel de Jeannie. Sa passion semblait vraiment être le jeu vidéo, et elle poursuivit, générant autour d’eux ces bouffes rapides que les joueurs mangeaient entre deux repas, reconstituant une véritable ambiance d’adolescents en train de jouer un Samedi après-midi.

« Hum… Je ne tiens pas à savoir le nombre d’heures que tu as dû passer sur Steam, toi… »

Elle-même prit l’un des chevaliers de base, le Chevalier rouge, disposant du pouvoir de feu. Le premier niveau commençait dans le château-fort assiégé par des hordes d’ennemis. Les personnages étant tous au Niveau maximum, la difficulté prit Karen comme un fouet, lui rappelant que, bien que le jeu soit assez facile au début, la difficulté augmentait graduellement. Karen vit rapidement Jeannie s’élancer, bondissant joyeusement, frappant fort, faisant monter son scoring. Karen se lança à son tour, jusqu’à se rappeler des commandes, et poursuivit ainsi sa route.

Le premier niveau se déroulait d’abord dans la salle du trône, puis dans l’enceinte de la ville fortifiée, et sur les remparts. C’est à ce stade que Karen sentait le décor évoluer… Et, le temps qu’elle comprenne ce qui se passait…

…Elle se retrouva à l’intérieur du jeu vidéo.

« QUOI ?! »

Sa voix était celle d’un chevalier, étouffée sous son heaume. Elle regarda autour d’elle, voyant une forêt tout en pixels enfantins. Devant elle, Jeannie se déplaça, et affronta les monstres. Le Chef Barbare, le Boss de fin de niveau, était parti avec les Princesses, et Karen constata vite que, quand un ennemi la touchait, la douleur était peu forte, bien moindre qu’un véritable coup d’épée.

« Tu aurais pu me prévenir avant de faire ça, Jeannie… J’ai été surprise ! »

Elle se déplaça, constatant qu’elle n’avait pas ses super-pouvoirs, mais que le changement de réalité ne la limitait pas forcément dans ses mouvements. Elle pouvait ainsi se mouvoir librement, sans être restreinte par le gameplay du jeu. En revanche, les règles du jeu s’appliquaient encore, notamment au niveau de la mappemonde, des règles de survie. Le duo courut le long des remparts, Karen défiant les ennemis, jusqu’à dévaler les marches. Une boutique se tenait là, qu’elles passèrent rapidement, pour quitter la première partie du niveau, et rejoindre ensuite l’aire du Boss.

Un véritable géant leur faisait face :

Karen soupira doucement.

« Beurk, qu’est-ce qu’il est moche ! »

Le Chef Barbare hurla rageusement, tandis que les deux femmes se trouvaient dans une espèce d’arène boueuse, entourée par des fortifications en bois.

*Si je me souviens bien, il se bat avec la grosse planche située dans son dos…*

Mais, là, dans le jeu vidéo…

…Ce monstre était particulièrement impressionnant !

Je rigole en lui disant que si je l’avais mise en garde, cela n’aurait plus été une surprise! Évidemment, comme je joue l’alien, ça me donne une voix bizarre mais c’est encore compréhensible. Je suis une farceuse et une adepte des jeux vidéo. Je le redis, je suis une GamGeeNer (Gamer / Geek / Nerd) et je m’en vantes. Évidemment que c’est mon genre de pousser l’expérience coop à ce niveau. C’est tellement plus cool, aussi! Naturellement, je me lance à l’assaut de l’ennemi et je m’amuse. Avec les stats au max, ça permet de tirer pas mal de projectiles avant de tomber à court de mana. Après, il y a encore l’arc pour tenir l’ennemi à distance… Puis l’épée. Notre progression avance bien et nous nous retrouvons vite devant le premier boss. Que je charge en poussant un grand cri de guerre, un de ceux qui est passé à l’Histoire avec un grand H.

LEEEEERRRROOOOOYYYYY JEEEEEENKIIIIINS! »

Et soudainement, je me retrouve à aller dans la direction inverse de l’avant parce que je me suis prise un coup de bouclier en pleine tronche. Quel superbe vol plané, quand même, on peut apprécier la « beauté » du geste. Je heurte la palissade avec violence avant de tomber lourdement au sol. Les règles du jeu font qu’on ressent moins les impacts et les coups mais je vous jure que je l’ai senti passer, celle-là. La vache. Il a un sacré punch. Mais c’est ce qui rend le jeu plus intéressant, pas vrai? Si c’était si simple, personne ne voudrait jouer et seuls les noobs y prendraient plaisir. Tout le génie de Castle Crashers est dans son approche et dans son gameplay. On apprend de ses erreurs. On ne gagne pas forcément du premier coup et oui notre petit chevalier va mourir. Plus qu’une fois. Mais c’est ça le jeu. On continue d’avancer dans la tempête!

Évidemment, dans notre cas, on ne va pas réellement mourir. Juste se prendre un vilain choc sur le popotin en guise de punition. Ça force à la prudence. Enfin. Pas du tout. Des fois, le risque en vaut largement mais alors là largement la peine. Une fois de nouveau sur pied, je suis prête pour un round deux! Et je ne suis pas seule dans mon combat, le chevalier rouge est avec moi! À nous deux, nous sauverons le royaume. Pendant qu’elle tape le gros, je m’en prend à tous les « adds » assez cons pour venir nous défier. Oh non. C’est notre combat. Dégagez le passage et allez voir ailleurs si j’y suis! Allez, PeeGee la rouge, botte lui le cul à ce gros barbare mal fichu! On va lui montrer c’est qui qui commande ici! Spoiler Alert : C’est nous! C’est vraiment trop cool. C’est une chose que d’aller s’amuser dans un jeu vidéo, c’en est une toute autre que de le faire avec une amie!

Évidemment, en général, j’y vais avec ma stratégie. Chaotique. Entropique. Imprévisible. Tenter de toujours forcer mes adversaires à deviner. Mais ici, pour que ça fonctionne, il faut travailler ensemble et je me dis : Jeannie, PeeGee, elle va devenir ta patronne, non, si tu bosses pour son entreprise? Alors pourquoi ne pas lui donner le rôle de « party leader » et voir ce qu’elle vaut en leadership, si elle sait utiliser ses ressources à leur plein potentiel? Appelez ça un test de confiance, si vous voulez. C’est important de savoir si on peut se fier aux autres et j’ai remarqué que bien souvent, dans les loisirs, consciemment ou non, le masque tombe. Alors, quel genre de femme es-tu réellement, PeeGee? Je suis bien curieuse de le découvrir et on va voir aussi comment ça va se passer pendant le duel. Quel duel, demandez-vous? Mais vous n’avez jamais joué à Castle Crashers ou quoi?

Chaque fois qu’un boss est battu, un vrai boss, pas un de ceux qui garde un item ou un accès, on libère l’une des quatre princesses et il faut se battre pour savoir quel chevalier aura le droit de l’embrasser. C’est un peu… Comment dire… Macho comme approche mais bon, c’est fait dans un esprit bon enfant. C’est la partie PVP du jeu, si on veut. Bah quoi? Il est battu le boss. Ah il nous en aura foutu des coups mais nous sommes plus coriaces que lui alors la partie duel va commencer. En garde, chevalier rouge! La princesse est à moi! Je suis venue d’une autre galaxie pour combattre le mal alors j’ai le droit à cette juste récompense. À L’ASSAUT! Les épées s’entrechoquent! Les étincelles fusent! C’est un combat de titan entre deux alliés devenus temporairement des ennemis! À ma la victoire! À ma la princesse! À moi… NOOOOON! Cruelle défaite!

« J’ai mal partout et j’ai l’impression de sortir de sous une cloche géante mais c’était GÉNIAL! Et ça s’est joué sur une affaire de point de vie! Au singulier. Mais je te concède la victoire. Et la princesse. À toi l’honneur de recevoir son baiser, noble chevalier rouge. Oh et comme je suis sympa, la princesse va ressembler à la personne que tu as envie d’embrasser, c’est moins impersonnel. Mais pas de tripotage hein!

Ce n’est pas dans le script du jeu! Et sinon? Tu as aimé l’expérience? C’était tellement cool! Et je peux le faire pour n’importe quel jeu vidéo en plus. Quoi que… Il y en a que je ne touche pas. Superman 64 par exemple. Je l’ai fait une fois. Plus jamais. J’ai cauchemardé d’anneaux pendant deux jours de temps. Tu es douée pour mener à bien une stratégie en tout cas. Ce n’était pas chiant de suivre tes consignes. C’est bien! »

Karen n’était pas vraiment une grande spécialiste de « Castle Crashers ». Certes, elle l’avait terminé, mais elle n’avait que des souvenirs lointains. Elle se souvenait néanmoins du premier Boss, ce géant avec sa foutue porte, et du nombre de fois où elle avait fini là-dessous. Réfléchissant lentement, elle ignorait vraiment quelle stratégie adopter, si ce n’est taper comme un bourrin en espérant que ça passe. Dans ce genre de jeux, c’était un peu ce qu’on attendait de vous, non ? Mais là, elle jouait son propre personnage, ce qui était un peu déstabilisant. Jeannie, elle, se reçut un mauvais coup, et s’envola comme une fusée, venant rebondir violemment contre une palissade. Une grimace traversa les lèvres de Karen sous son heaume.

*Et ben merde…*

Ceci étant dit, tout ce qu’elle voyait était une copie, une reproduction d’un jeu vidéo dans le monde de Jeannie. Et elle pouvait tout à fait modifier les règles du jeu, réécrire le jeu, comme des sortes de Mods extrêmement développés. Autrement dit, Karen devait s’attendre au pire.

« Ça a dû faire mal, ça, quand même… »

Face au Boss, Karen réfléchissait. Le Chef barbare avait globalement deux mouvements spécifiques : soit il frappait sur le sol avec sa porte et bondissait ensuite en l’air, soit il la positionnait devant lui, générant des pointes acérées. Dans les deux cas, il était inutile de parer, il fallait esquiver, et attaquer ensuite. Karen se déplaça donc, telle David contre Goliath, évitant la charge. Le sol trembla, et la poussière s’envola autour de la porte, jusqu’à sa visière. Elle frappa alors, sa lame entaillant la fourrure du monstre, mais, rapidement, d’autres soucis vinrent, avec de petits ennemis venant soutenir le chef.

Karen se pinça les lèvres, et se déplaça encore, tournoyant le long de l’arène, bondissant sur place, et vit Jeannie revenir vers elle.

« Tu le maîtrises mieux que moi ! Je m’occupe des mobs quand ils arrivent, et toi, tu t’occupes du gros balourd. Ensuite, on se le fait à deux, l’une fait diversion, et l’autre attaque dans l’autre sens ! »

La stratégie, simpliste, venait naturellement. Se débarrasser des mobs était très facile, et les deux femmes continuèrent à affronter le Chef barbare, tandis que, pendant ce temps, les quatre Princesses étaient progressivement enlevées. Finalement, le Chef barbare réussit à mourir, ce qui amena Karen à se rappeler que, à chaque fin de Boss, les joueurs s’affrontaient dans un PvP imprévu et rapide.

*Merde !*

Jeannie se rua sur elle avec fureur, et Karen para avec son bouclier. Elle contre-attaqua ensuite, poussant en avant, et frappa, avant de bondir sur le côté, jouant sur l’esquive, et frappa encore. La bataille se voulait courte, mais intense, et Karen, à sa grande surprise, triompha. Le décor revint ensuite, et la Princesse fut là. Jeannie modifia alors le jeu, et la Princesse prit lentement forme sous les yeux de Karen, se matérialisant au fur et à mesure. Bien sûr, elle aurait pu lui donner l’apparence d’Helena, mais… Elle réfléchit un peu, et décida de perturber Jeannie.

L’apparence qui se forma fut… Tout simplement celle de Jeannie. Karen l’embrassa alors, avant de s’écarter, et se retourna vers Jeannie. Le décor changea à nouveau, les emmenant dans une sorte de vortex blanchâtre ressemblant aux écrans de chargement des premiers « Assassin’s Creed ».

« Ton avatar a un léger goût sucré, j’ignore si tes lèvres ont le même goût. »

Elle réfléchit ensuite à un autre jeu.

« J’ai envie de me défouler. Qu’est-ce que tu dirais de faire une Arène du Massacre sur Borderlands 3 ? Comme… Euh… Massacrator 3000 ? »

Question stratégie, ça allait être difficile de réfléchir longuement avec un jeu-défouloir… Et, petit à petit, Karen espérait bien apaiser ses relations avec Jeannie…

Clairement qu’elle a fait ça pour… Me provoquer? Me déstabiliser? Fort possible. Mais on ne déstabilise pas si facilement la farceuse chaotique que je suis. Je lui réponds aussi sur le ton de la provocation en lui disant qu’elle n’a qu’à venir vérifier et je lui fais un bec soufflé. J’écoute ensuite sa requête et je me dis que… Pourquoi pas. On peut bien aller se défouler dans une des arènes de Borderlands 3. Mais bien évidemment, mon chez moi, mes règles. Ce sera comme dans Castle Crashers. On va être dans le jeu. Et je veux augmenter la mise. Je me sens plus téméraire au fur et à mesure que j’embarque à fond dans mes jeux. Tout à l’heure, bon, d’accord, ça pince et ça coupe le souffle et on se fait malmener mais là, il serait peut-être temps que ce qui se passe dans le jeu soit aussi ressenti par le joueur. Voir et entendre c’est bien mais là on va rajouter le reste des sens, ce qui implique aussi la douleur.

Je ne suis pas masochiste mais par contre, j’aime, quand je joue, que la mise en vaille la peine et le récompense à empocher aussi. Si tu te prends une balle, tu vas le sentir. Si l’explosion te souffle, ça aussi tu vas le sentir. Et si tu te prends une lame dans le ventre? Ça aussi tu vas en baver. On ne peut pas mourir au sens classique du terme, quand on meurt dans Borderlands on se fait reconstruire et on continue mais quand même. J’enlève les gants blancs. On va jouer pour de vrai. Et si on va par là, pourquoi ne pas aussi forcer un peu les choses. Elle a parlé de se défouler dans l’univers de Borderlands 3. Elle n’a jamais dit que nous étions limités par les personnages jouables de ce jeu. Et en plus, c’est moi qui décide des règles du jeu alors… C’est à prendre ou à laisser. Alors voyons voir. Super force et des pouvoirs impressionnants, une Kryptonienne, non? Si je regarde l’ensemble des personnages féminins présents dans Borderlands 3 ou mentionnés…

Elle sera Moze! Ou Amara! Je lui laisse le choix parce que je suis sympa. La Mech Trooper ou la Tigresse de Partali? Décision, décision et c’est… Moze. Hum. Un peu déçue, personnellement mais… Moze ce sera. Si elle est plus confortable avec ce perso, ainsi soit-il! J’accepte! Et moi, qui vais-je jouer? Il me faut un personnage chaotique, badass et comique. Ça me laisse le choix entre deux candidates. Gaige, bien sûr, et son anarchie ou… Not So Tiny Tina! Voilà comment elle aurait dû s’appeler dans Borderlands 3. C’est ce que les fans demandaient, bon sang! Ils auraient pu nous le donner quand même! Mais non. Carton jaune, Gearbox. Carton jaune. Évidemment, il va falloir que je lui invente un skill tree de zéro mais ce sera clairement basé sur les explosifs donc les grenades et comme élément… Le feu, bien sûr. Et l’électricité ça fonctionnerait aussi. Et pour faire l’annonceur, bien sûr, l’inénarrable Mister Torque, qui d’autre!

L’arène en question est aussi custom. Parce que bon, tant qu’à se défouler, autant le faire en grand quoi. C’est un gigantesque cratère duquel on ne peut pas sortir avec peu d’éléments derrière lesquels se mettre à couvert. Et nos ennemis sont un mélange de créatures, de COV et de troupes de Maliwan. Les trois grandes catégories d’ennemis du jeu, en somme. Ça promet d’être du sport. Pour les armes, avant de commencer, on a une liste qu’on peut sélectionner. 4 armes au total. Je prends donc : un lance-roquette, un fusil de précision mais qui peut tirer en semi-automatique, un fusil à pompe et un classique de Borderlands 2 : le Infinity! On couvre ainsi toutes les distances et les cas de figures. J’ai mon mod pour les grenades, pour mon bouclier, mes reliques… Je suis équipée pour faire la guerre! Une fois que PeeGee… Je veux dire Moze a fait son choix, nous voilà prêtes au combat. Et pour la musique? Boss round de Underdome Riot.

Mais si, Borderlands 1! Enfin. Un DLC de Borderlands 1. Vous devriez connaitre si vous êtes fans. Sinon… C’est bien triste pour vous. Pas mon DLC préféré. La Robolution était bien plus drôle à mon avis. Ou Secret Armory. Mais bref. Bref. Nous avons l’ambiance sonore. Nous avons le décor. Nous avons nos personnages et nos armes. Et quand elle parle ou je parle, ce ne sont plus nos voix mais celles de nos personnages. Qui n’a jamais rêvé d’incarner tel ou tel figure iconique d’un jeu? Là c’est possible. Et après une introduction en règle, la première vague arrive et ce n’est pas pour un échauffement. C’est un mix de COV (donc pas mal de psychos) et d’une avant-garde de bestioles bien vilaines. Les tirs fusent, l’ennemi commence à mordre la poussière et ça fait environ trois minutes qu’on se bat quand je vois le bouclier de Moze foutre le camp. Un psycho kamikaze qui s’est fait exploser dans son angle mort. Pas cool ça.

Le temps que son bouclier se régénère, je tente de lui offrir un tir de couverture tout en couvrant mes propres arrières mais elle se fait prendre pour cible par un ennemi et si elle s’est prise une balle, elle va se rendre compte que un, ça fait mal et que de deux, là on joue pour du sérieux avec une vraie mise. Comment ils disent déjà? Go big or go home, je crois. La première vague repoussée, un gros bouton apparait avec un écran. Ça permet de baisser la difficulté… Si c’est ce que veut PeeGee. Oh je ne la jugerai pas si elle veut un challenge moins intense. Simplement, elle va se rendre compte que la petite déesse au chapeau, si elle le veut vraiment, peut être une redoutable combattante. Mais pas dans le monde réel. Seulement dans la fiction. Je laisse aux autres le « plaisir » de faire du mal aux autres dans le monde réel. Je la regarde avec un sourire en coin. Qu’est-ce que tu choisis? On continue ou tu dilues la difficulté?

C’était une boucle sans fin. Elles continuaient à jouer, et Karen ne savait plus trop où elle en était. Son objectif initial était d’apaiser cette femme aux pouvoirs cosmiques, de l’amener à se montrer plus raisonnable. Mais Karen commençait à sentir le contrepoids de ces sessions en réalité virtuelle. Elle avait beau être Kryptonienne, même elle pouvait se fatiguer, surtout face à ce genre d’expériences. Cette session sur « Borderlands 3 » risquait donc de la surprendre à plus d’un titre, surtout que, par sa nature de Kryptonienne, elle avait toujours eu un rapport particulier avec la douleur. Il était difficile de faire mal à Karen. Partant de là, la douleur avait toujours été une sensation très particulière chez elle, quelque chose qui l’attirait autant qu’elle la repoussait. Sa notion de « douleur », elle la tenait toutefois surtout de ses expériences avec la kryptonite verte… Et ce n’était clairement pas agréable.

Karen se retrouva dans la peau d’Amara, la nouvelle Sirène du jeu, une femme dotée de pouvoirs psychiques. Karen aurait pu s’en contenter, mais…

« La magie et les Kryptoniens, ça fait deux. De plus, n’oublie pas que je suis férue de technologies. »

Elle remplaça donc le choix de la Sirène par Moze. Une jeune femme en apparence anodine, mais qui représentait l’Artilleuse du groupe, et dont le pouvoir spécial consistait à générer un mecha, l’Ours-De-Fer. Karen prit donc le corps de Moze, et, sans surprise, se retrouva encore dans le jeu vidéo. Elle regarda autour d’elle, et se rapprocha du distributeur d’armes de Marcus. Jeannie lui offrait une belle panoplie de choix d’armes, et Karen fit son choix pour en sélectionner quatre. Elle récupéra un pistolet lance-flammes, un fusil à pompe explosif corrosif, un fusil à lunettes semi-automatique, et un lance-roquettes portable à une main lançant une série de roquettes. La jeune femme prit ensuite le temps de choisir ses compétences. Choisir Moze était aussi un choix logique, puisque c’était avec l’Artilleuse qu’elle avait fini le jeu. Elle opta donc pour donner à l’Ours-De-Fer un double minigun, améliorant le robot en fonction de cet élément, et se donnant également quelques capacités passives pratiques, notamment celle permettant de recharger automatiquement les munitions.

Une fois prête, Karen se rapprocha de Jeannie, qui avait opté pour jouer Gaige, un personnage dont elle ignorait les facultés. De mémoire, Gaige n’était même pas dans « Borderlands 3 », signe que Jeannie s’amusait encore à altérer le jeu. Elle la suivit donc, et le duo rejoignit une arène créée par elle, une sorte de grand cratère avec peu d’éléments de couverture. Karen, qui se souvenait très bien du défouloir géant des Arènes, mais aussi de leur difficulté, regarda brièvement Jeannie.

« Tu as envie qu’on se fasse défoncer, c’est ça ? »

Quand elle faisait les Arènes du Cauchemar en Solo, Karen devait toujours s’abriter. Il y avait tout simplement trop d’ennemis en un coup. Il fallait fuir, se replier, les canarder à distance. Mais là, Jeannie avait fait le choix d’une grande arène dans un paysage crépusculaire, apocalyptique. Le cratère lunaire abritait une ou deux stations de recherche avec quelques bâtiments préfabriqués se dressant solitairement. En levant la tête, Karen pouvait voir des astéroïdes traverser régulièrement le ciel, ainsi que le reflet de vaisseaux spatiaux se déchirant dans les airs.

Puis les ennemis apparurent. Un cocktail des différentes factions de Borderlands 3 : de simples monstres, les troupes des Enfants de l’Arche, et les troupes futuristes de Maliwan. Un joli consortium, mais le premier round leur évita les troupes de choc de Maliwan, au profit d’une brochette de psychos et de monstres, des Skags qui se ruèrent vers elles. Karen fit feu avec son fusil à lunettes semi-automatique. 15 balles dans le chargeur, avec les balles qui se régénéraient, ce qui faisait une arme excellente. Elle se mit à faire feu. Karen n’était pas une spécialiste des armes à feu, mais là, dans la peau de Moze, tout cela lui venait instinctivement, avec un sentiment d’adrénaline particulièrement jouissif, qui se dilua dans ses veines.

La première bataille se poursuivit donc, même si Karen sentait les impacts. Toutefois, la douleur ne venait que quand son bouclier était percé, révélant alors la jeune femme dans sa fragilité. Les balles la touchaient, et, si la douleur n’était pas similaire au contact d’une vraie balle, elle grogna quand même.

*Ça devient de plus en plus dangereux…*

Karen n’avait toutefois jamais été là pour une véritable partie de détente. Ces sessions de jeux n’étaient rien de plus que des défis personnels, comme quand elle affrontait des créatures surnaturelles ou des monstres. Alors, quand Jeannie lui demanda si elle était prête à poursuivre, l’intéressée haussa les épaules.

« Il semble qu’il reste encore des rounds, non ? »

Elle s’efforcerait de tenir… Car c’était là le prix de l’héroïsme.

The Multiversity

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