The Multiversity

Marmelade se retrouve toute seule. Mélona est partie avec Maman Lissandre. Mais ça va, elle n’est plus triste. Ici, il y a une chaleur de famille qui lui fait du bien. Et puis, elle est aussi dans une pièce qui sent trop trop bon.

Sa petite langue lèche la glace à l’italienne. Contente, ses cheveux longs s’entortillent comme la forme de la glace. La couleur rouge fraise de ses cheveux s’entortillent aussi de sortes de mèches épaisses de vanille. Marmelade pourrait jouer le rôle d’une mascotte pour une société vendant des glaces à l’italienne.

« C’est trop trop bon. »

Marmelade fait le tour dans la cuisine. Elle voit tellement de choses bonnes. Et elle n’a qu’une seule bouche ! C’est trop dommage. Alors elle décide de faire des provisions. Elle se créer une sorte de poche ventrale comme les kangourous. Mais étant une slime, les tranches de brioches, les éclairs rose et vert flashy ou encore la demi tablette de chocolat avec une couche de biscuit croustillant et une autre couche de lait : tout se voit à cause de son corps rose transparent.

« Par contre, je n’ai pas envie de rester toute seule. Mélona et Maman Lissandre sont occupées. Il faut que je retrouve la petite Iris. Ou peut-être l’autre Maman. Allez, à l’aventure ! »

Marmelade sort de la cuisine. Elle va retourner là où il y avait tout le monde tout à l’heure. Donc la chambre d’Iris. Mais elle n’y est pas. Maman Fönn non plus n’est pas là. Une sorte de jeu de cache-cache se joue. La maison est grande et tout le monde se cherche.

Marmelade se trouve à l’étage. Elle a ouvert la porte de la chambre d’Iris. Iris pas là. Elle a ouvert une autre porte et a découvert que c’était la chambre des deux Mamans. Mais il n’y a personne ici non plus. Plus loin, après quelques autres portes, Marmelade découvre une pièce vide.

« J’aimerai bien que ce soit ma chambre. »

Marmelade rentre dans la pièce. Elle s’assoie en tailleur par terre et elle lève les yeux vers le ciel. Un plafond. C’est bête mais ça la rassure. Elle qui a passé tant de nuits dehors à être toute seule. Elle est dans une maison avec des gens et un plafond au-dessus d’elle. Ça fait naître un sourire. Sa main touche sa poche ventrale. Elle sent toutes les bonnes choses sucrées. Ça fait naître des petites étoiles dans ses yeux. Marmelade est très contente.

Avant d’aller rejoindre Marmelade, Fönn alla naturellement voir Iris. Généralement, c’était l’heure de la coucher, mais, après cette séance avec « Méloboule » et « Mélochibi », Iris était tout excitée. Fönn soupira doucement, prenant conscience qu’il était vain de vouloir coucher Iris. Elle la prit donc dans ses bras.

« Tu es aussi énergique que ton Papa, toi… Il devrait venir prochainement, d’ailleurs. »

Fönn se déplaça vers les peluches d’Iris, et en attrapa une. C’était une peluche d’incube qu’elle montra à Iris. Une peluche conçue pour elle. Quand on appuyait sur le ventre, la poupée disait : « Je t’aime ». Alastar offrait aussi des peluches pour adultes, qui disaient des jurons à la place. Mais cela n’était pas approprié pour un bébé ! Iris attrapa sa peluche d’Alastar, et mordilla l’une des cornes, en gloussant doucement.

*La connaissant, elle a sûrement envie de jouer encore avec Méloboule…*

Mais, ce soir, Mélona était occupée à autre chose !

« Bon, allons retrouver la Slime rose. Tu veux bien m’aider, Iris ? »

Connaissant Mélona, et si Marmelade lui ressemblait, la cuisine était un bon point de départ. Lissandre et Fönn consacraient un très important budget aux sucreries, tant Mélona en était friande. Si sa copine était du même acabit, elles allaient enrichir tous les boulangers du coin. Fönn rejoignit la cuisine, mais constata qu’il n’y avait plus aucune Slime. Iris gazouilla, en se demandant si elle allait avoir de la crème chantilly. Fönn secoua la tête, et continua ensuite à marcher. La villa de Lissandre était grande, et elle ne savait pas trop où chercher.

« Marmelade ? Marmelade ? »

Elle n’eut aucune réponse, et continua sa progression. La villa était grande, avec plusieurs escaliers menant aux étages. Fönn décida donc d’explorer, se rendant vers les pièces encore inoccupées. Fönn ignorait encore pourquoi Lissandre avait choisi initialement d’emménager dans une villa aussi grande, mais, au moins, il y avait une piscine ! Elle devait prévenir Lucinda, mais, avant ça, elle souhaitait retrouver Marmelade. Ses pas la menèrent finalement à l’étage, et elle vit une porte entrouverte. Fönn s’en approcha, et, en penchant une tête, elle vit Marmelade, assise en tailleur en plein milieu, et elle eut une grimace en voyant de multiples sucreries qui flottaient en transparence dans le ventre de Marmelade.

« Tu ne devrais pas faire ça, c’est flippant, fit-elle en pointant du doigt le ventre de Marmelade. D’ailleurs, tu devrais prendre une apparence plus… Humaine. Si tu te promènes dehors, les gens vont vite te remarquer. »

Ceci étant dit, et à la réflexion, Mélona n’était aussi pas très discrète avec ses oreilles de lapin, sa tenue rose, et son soutien-gorge fait de mains.

« Enfin, qu’est-ce que tu fais là ? On a pas encore eu le temps d’emménager ces pièces, on les garde pour nos enfants à venir. Tu voudrais ta propre chambre ? Je me disais que tu voudrais peut-être aussi partager la chambre de Mélona… »

C’était d’ailleurs sa prochaine destination, vu que c’était là qu’il y avait le miroir permettant de rejoindre le monde de la Reine Noire…

Marmelade est interrompue. Elle ne comprend pas les réflexions de Maman Fönn. Qu’est-ce qui est flippant ? Comment avoir une apparence plus humaine ? Marmelade a une tête, deux bras et deux jambes. Sur la tête, il y a tout comme il faut. Deux yeux, un nez et une bouche. Non, vraiment, Marmelade ne comprend pas comment ressembler plus à une humaine. Elle ressemble à une petite fille mignonne.

« Ce sont mes vêtements ? Il faut que je porte les vêtements des humains et pas ceux que je fais avec mon pouvoir ? »

Innocemment, Marmelade observe Maman Fönn. La seule différence entre les deux filles, c’est le fait que Maman Fönn a un gros ventre. Alors elle fait pareil. Elle fait gonfler son ventre. Et c’est dans cette nouvelle protubérance que sa réserve de sucreries vient se déplacer. Heureusement, Marmelade ne pousse pas le vice de la transformation jusqu’à former une sorte d’embryon dans son corps de slime…

« Si je suis dans la même chambre que Mélona, ce ne sera plus la chambre de Mélona alors. Et puis, Mélona fait des choses bizarres. Marmelade ne comprend pas ses choses. Ce n’est pas que Marmelade est idiote, c’est qu’elle ne comprend pas. Mais elle comprend que ça peut faire des bébés ces choses-là. Et Marmelade ne veut pas être dans la même chambre de Mélona quand Mélona fait ces choses-là. »

Il n’y a qu’à écouter la façon dont Marmelade parle d’elle à la troisième personne pour comprendre qu’elle est très loin des considérations sexuelles. Peut-être parce que son évolution a été stoppé par le fait d’avoir littéralement manger sa mère ? Enfin, sa mère d’adoption étant donné qu’elle était humaine. Un mystère qui restera très probablement à cet état encore un long moment…

« Mais Marmelade veut bien aller dans la chambre de Mélona. Pour voir à quoi elle ressemble. Marmelade aime bien Mélona. Alors peut-être que Marmelade pourrait faire la même chambre de Mélona pour Marmelade ? »

Donc oui, Marmelade veut avoir cette pièce pour en faire sa chambre. Mais pas de problème pour elle à se rendre devant le miroir et rencontrer la Reine Noire.

Marmelade ne voulait pas vivre dans la même chambre que Mélona, car elle ne voulait pas être là quand Mélona ferait l’amour. Cela surprit un peu Fönn. Néanmoins, elle ne fit aucune objection.

« En fait, Mélona ne fait pas ce genre de choses dans sa chambre. Il faut être deux, tu comprends, alors, quand elle le fait avec nous, c’est dans notre chambre. Ceci étant dit, je comprends que tu souhaites ta propre chambre. »

Marmelade serait donc la seule Slime asexuée connue de Fönn… Elle était aussi la seule qu’elle connaisse qui ne vienne pas du château de Lucinda. Est-ce que la perversité sexuelle de ces Slimes venait de Lucinda ? Difficile à dire… La Reine Noire leur avait dit que les Slimes n’étaient pas faciles à créer ni à contrôler, qu’ils étaient les descendants des redoutables shoggoth, des créations ancestrales émanant des Grands Anciens. Fönn avait vu Marmelade gonfler son ventre, une vision qui lui avait donné envie de vomir, car elle fit ressortir tout ce qu’elle avait engouffré en elle. Marmelade ne semblait rien réaliser, et, avant de la faire sortir, il allait sans doute falloir lui apprendre un minimum sur le fonctionnement de la vie normale.

Fönn rejoignit donc la chambre de Mélona, qui n’était pas très éloignée de celle d’Iris. Son bébé commençait à soupirer, ses yeux devenant lourds. Elle était fatiguée, et Fönn se promit d’aller la coucher ensuite. Elle entra en tout cas dans la chambre. C’était une chambre ordinaire, avec un lit, un bureau, une fenêtre… Et des murs peints en rose pastel. Une chambre kawaii avec de multiples peluches un peu partout, y compris sur des étagères. Il y en avait partout, avec de gros poufs roses, et une grande maison de poupée sur le bureau. Mélona en prenait soin.

« On a offert cette maison de poupée à Mélona. Les figurines qu’elle met sont supposés correspondre aux membres de la famille. Il y a Mélona, Lissandre, moi, et Iris pour le moment. Mélona avait prévu deux figurines supplémentaires pour nos bébés. Oh, il y a aussi la figurine de Lucinda, la créatrice de Mélona. Il faudra désormais rajouter une nouvelle figurine… Toi. »

Fönn lui sourit. La chambre disposait aussi d’un coffre à jouets.

« Il y a des figurines là-dedans, ainsi que d’autres trucs. Mélona désespérait de trouver quelqu’un avec qui jouer. Heureusement que tu es là, n’est-ce pas ? »

« Elle est jolie la chambre de Mélona. Trop mignon ! »

Tout ce rose. Marmelade trouve ça apaisant. Elle se sent bien ici. Elle voudrait que Mélona soit là. Pour que Mélona lui parle de sa maison. Qu’elle lui parle de tous les gens à l’intérieur. Pour les faire bouger. Les faire vivre. Les faire parler. Oui, c’est dommage que Marmelade soit seule. Enfin, sans Mélona. Parce qu’il y a Maman Fönn. Et Bébé Iris.

« Bébé Iris ! »

Oups ! Rien qu’au regard de Maman Fönn, Marmelade comprend qu’elle doit faire moins de bruits. Bébé Iris a besoin de dormir. Même si elle a très très envie de jouer avec elle, elle sait qu’elle doit respecter le sommeil des humains. C’est comme ça. Ils en ont besoin. Elle, c’est différent. Elle le fait surtout parce que sa première maman le faisait, Marmelade croit. Surement. Elle a dû le faire parce qu’elle s’ennuyait toute seule.

« Marmelade va attendre que Mélona revienne alors. Marmelade est très excitée de jouer avec tous les jouets de Mélona. Mais elle va attendre. Marmelade a longtemps attendu de trouver des gens comme Mélona ou Maman Fönn ou Bébé Iris. Elle peut attendre encore un peu. »

Marmelade commence à fouiller dans le coffre à jouets. Elle découvre une tenue de princesse rose. L’habit finit par terre. Il faudra qu’elle l’essai tout à l’heure. Il y a pleins de miroirs dans cette maison. Des normaux contre les murs. Mais des bizarres aussi au plafond ou par terre. C’est surement pour les choses que les adultes font, et Mélona, mais que Marmelade ne fait pas. Elle hausse les épaules. Pas grave. Elle n’a pas à être comme les autres. Elle est unique. Elle est Marmelade.

Elle trouve aussi une machine bizarre qui permet de fabriquer de fausses pâtisseries. Les couleurs sont jolies. Elles sont flashy. Mais tout ça sent le plastique. Alors Marmelade oublie très vite cette fausse bonne idée. Il n’y a que les vraies pâtisseries qui sentent le sucre qui sont intéressantes.

Marmelade se retourne alors vers Maman Fönn. Elle semble bien embêtée.

« Si Mélona continue à faire autant ces choses bizarres avec Maman Fönn, Maman Lissandre et les autres : ça veut dire que Mélona sera bientôt Maman Mélona. Je n’ai pas envie. Parce que je veux jouer avec Mélona. Si Mélona devient Maman Mélona, il faudra qu’elle s’occupe d’un bébé elle aussi. Et Marmelade ne veut pas être toute seule. Mais même si ça arrive, Mélona restera pour s’occuper de Bébé Iris. »

Iris n’avait plus vraiment envie de jouer, elle commençait à être fatiguée, et Fönn voulait en profiter pour la coucher avant que l’envie de jouer ne la reprenne. Tandis que Marmelade examinait les jouets du coffre, Fönn alla donc dans la chambre adjacente. Cette zone était ce qu’elle appelait « l’aile pour enfants ». Mélona y avait sa chambre. Fönn coucha Iris, et lui sourit doucement, avant de lui déposer un bisou sur le front. Iris soupira doucement, puis Fönn alluma les petites lumières du carillon suspendu. Il était composé de petites guirlandes, et se mit à remuer lentement, émettant une petite musique faite de cloches. Fönn sourit encore à Iris, actionna le babyphone (indispensable, tellement ce manoir était grand !), puis sortit. Elle ferma doucement la porte, et, pour éviter que Mélona ne soit tentée de venir, retourna un écriteau sur la porte qui indiquait ceci :


La Norvégienne retourna ensuite voir Marmelade, qui s’était rapprochée du jouet fabriquant de faux aliments. Un instrument incompréhensible pour Mélona, qui avait aussi plusieurs poupées de bébés. Des poupées qui étaient conçues initialement pour les futurs parents afin d’apprendre les gestes élémentaires. C’était comme ça que Fönn avait appris à Mélona à changer des couches, et à tenir convenablement Iris. Marmelade lui expliqua qu’elle avait très envie de jouer avec Mélona, mais qu’elle redoutait que, à force de faire l’amour, Mélona finisse par être enceinte.

Fönn sourit alors, tout en se demandant si les Slimes avaient eux aussi conscience de leur propre nature. La Reine Noire lui avait dit combien ces créatures étaient curieuses, défiant les lois de la nature.

« Je te rassure, Mélona ne peut pas tomber enceinte… En tout cas, pas comme moi. Elle ne peut pas concevoir d’enfants. Enfin, je suppose qu’elle pourrait fabriquer un clone d’elle en forme de bébé et en se donnant l’illusion que c’est un bébé, mais ce serait un peu bizarre… Et Mélona n’est pas aussi talentueuse que d’autres Slimes en ce qui concerne la fabrication de clones. »

En disant cela, Fönn repensait à Erubetie, la Slime bleue de Lucinda, effectivement capable de générer des centaines de clones d’elle-même, à tel point qu’il n’y avait aucun corps « originel » d’Erubetie.

« Après, le sexe n’a rien de bizarre, tu sais. Pour Mélona, ça lui est également vital. C’est comme ça qu’elle a été conçue. Sa conceptrice, la Reine Noire, n’arrivait pas à faire de Slimes qui n’aient pas envie de la dévorer. Alors, elle a conçu ce Slime avec la magie rose. Quand on veut faire l’amour à quelqu’un, on n’a pas envie de le manger. Sans ses rapports sexuels fréquents, Mélona serait une Slime affamée. »

Curieuse, elle lui posa ensuite une question :

« D’ailleurs, pourquoi tu trouves ça bizarre ? »

« Parce que c’est bizarre. »

Et oui, Marmelade a l’âge d’un cerveau d’un enfant. Il ne faut pas trop lui en demander.

« Marmelade aussi fait des choses bizarres quand elle est affamée. Elle devient très grande. Très dangereuse. Et il faut qu’elle mange beaucoup pour redevenir gentille. Alors Marmelade comprend ça. »

Marmelade remarque que Bébé iris n’est plus dans les bras de Maman Fönn. Mélona partie. Iris partie. Il ne reste plus personne pour jouer avec Marmelade. Elle perd soudain tout intérêt pour le coffre à jouets. A quoi bon trouver des choses rigolotes si elle ne peut pas les utiliser. Elle n’est pas comme ces chats qui arrivent à s’amuser tout seuls. Elle a pourtant déjà essayé de se faire pousser une queue au-dessus de ses fesses et de tourner pour essayer de l’attraper. Mais elle n’a pas compris pourquoi les chats aimaient bien faire ça.

Mais, à quoi elle pensait juste avant ça ? Marmelade s’assoit sur le bord du lit et commence à jouer en levant et baissant ses jambes l’une après l’autre.

« Je trouve ça bizarre parce que je ne comprends pas à quoi ça sert. Et puis, ce sont des choses d’adultes. Et puis, ce sont des choses d’humains. Moi je ne suis pas adulte. Et je ne suis pas humaine. Ça, je le sais. Après, je ne sais pas trop ce que je suis non plus. »

Elle se lève alors et se met debout sur le lit. Elle ouvre ses cuisses et montre son entrejambe tout lisse. Enfin, lisse à l’extérieur. Car avec cette peau sucrée et surtout en partie transparente, on voit les espèces d’organes de la slime. Qui pourrait s’apparenter à de drôles de caillots de sucre cristallisés s’il n’y avait ces petits détails organiques.

« De toute façon, Marmelade n’est pas faite pour les choses bizarres. Je peux changer mon corps. J’ai déjà changé mon corps pour avoir ce drôle de trou. Mais je ne comprends pas. C’est bizarre. Bizarre dans le sens où ça fait rien. »

Marmelade hausse les épaules. Décidément, c’est moins drôle d’être toute seule avec Maman Fönn. C’est ça être une adulte ? Parler. Et parler de choses bizarres ?

« Marmelade aime bien les gens, par contre. Tu as dit qu’il y en avait d’autre comme Mélona ? Marmelade voudrait les rencontrer ! »

Marmelade semblait un peu déprimée. Fönn l’écouta parler, sans vraiment savoir quoi dire. Elle était gynécologue, elle, pas psychiatre… Et encore moins psychiatre de Slimes ! Depuis qu’elle avait croisé Lissandre, sa vie, qui était déjà assez mouvementée avant, ne cessait d’évoluer ! Maintenant, elle allait devoir gérer deux Slimes… En plus du symbiote de sa femme, d’un père incube, et d’une « belle-mère » sorcière et Reine d’un univers d’heroic fantasy. Marmelade était un peu la cerise sur le gâteau… Une Slime asexuée, qui lui expliqua juste que le sexe ne l’intéressait pas. Pour autant que Fönn s’en rappelle, si le sexe plaisait à Mélona, c’était parce que Lucinda l’avait conçu ainsi, et pour que le rapport sexuel amène ses Slimes à ne pas l’attaquer. Marmelade avait eu un fonctionnement différent, et, quand elle indiqua à Fönn que, lorsqu’elle elle avait faim, elle devenait « très dangereuse », Fönn frémit.

*Qu’est-ce qu’elle veut dire par là ?*

Sans trop pouvoir se l’expliquer, elle ressentit une pointe d’inquiétude suite à ce que Marmelade venait de dire. Néanmoins, la Slime l’interrogea ensuite sur les autres Slimes de Lucinda.

« Oh… Euh… Pour être honnête, je ne pense pas qu’elles te plairont. Mélona est la plus gentille de ces Slimes. Non pas qu’elles soient méchantes, mais elles ont un comportement très différent. »

Fönn avait pu en croiser deux : Erubetie, et surtout Naven. Cette dernière était la plus puissante Slime de Lucinda.

« En fait, Lucinda a utilisé le désir sexuel pour pacifier ses Slimes. Mélona est sa première Slime réussie… Ensuite, elle a infusé un peu de l’ADN de Mélona dans les autres Slimes pour les pacifier. Cela a marché, mais elles ne joueront pas à la poupée avec toi, si tu veux que je sois claire. »

La jeune Norvégienne rejoignit Marmelade, et s’installa sur un pouf.

« Tu sais, tu ne fonctionnes pas comme les humains. Ta gourmandise ne répond pas à un besoin physiologique comme chez les humains, c’est la personne qui t’a créé qui t’a inculqué ça. Donc, celle-ci ne t’a pas inculqué de désir sexuel. C’est normal que tu ne comprennes pas ça. Je suppose que Lucinda pourrait t’examiner et modifier cela, mais je crois que le choix t’appartient. Trouver sa place dans le monde… Tu sais, qu’on soit Slime ou humain, je crois qu’on se pose tous cette question. »

Marmelade fronce les sourcils. Ce n’est pas facile de suivre tout ce qui lui dit Maman Fönn. Pourtant, elle a l’impression que c’est une bonne conversation. Maman Fönn ne la voit pas comme un monstre. Maman Fönn ne lui parle pas comme une enfant. C’est agréable. Rien que pour ça, Marmelade fait des efforts pour comprendre. Même qu’elle a envie que cette conversation continue. Alors elle cherche comment répondre.

« Je ne crois pas Marmelade a envie d’être modifié. Surtout par quelqu’un qu’elle ne connaît pas. Marmelade commence à penser qu’elle évoluera quand elle recevra une sorte de signal. Alors, à ce moment-là, Marmelade évoluera. Peut-être en ayant un corps plus grand. Mais pas comme celui qui est dangereux. Plutôt un corps plus grand comme les petits bébés ont plus tard. Comme Bébé Iris sera grande un jour ! »

Marmelade réfléchit. Elle en est sure et certaine. Les choses du sexe ne l’intéressent toujours pas. Elle ne veut pas faire un bébé Marmelade. Elle n’a pas besoin de léguer quelque chose au monde pour le jour où elle ne sera plus là. Marmelade veut par contre avoir une famille. Ça, OUI, elle le veut beaucoup !

« Maman Fönn fait les choses bizarres du sexe pour avoir le ventre qui s’arrondit ? Maman Fönn fait ça parce qu’un jour elle va mourir et qu’elle veut laisser un… un héritage ? C’est ça le mot, je crois. »

Le sujet est tout sauf plaisant. Pourtant, il n’y a aucune malveillance dans le ton de la slime. Au contraire, elle pose des questions. Elle poursuit la conversation. Elle est intéressée par ce que lui raconte/apprend Maman Fönn.

« Si ça peut rassurer Maman Fönn, Marmelade protégera Bébé Iris même quand elle ne sera plus un bébé. Et Marmelade sera encore là pour protéger le bébé de Bébé Iris qui ne sera plus bébé. Et puis tous ceux qui viendront après. Marmelade est… très vieille. Mais très jeune. Il y a un mot pour ça. Immortelle ? On a déjà dit à Marmelade qu’elle était immortelle. Mais Marmelade n’a jamais cherché à l’être. Ou à vérifier qu’elle l’était réellement. »

Fönn ne savait pas trop où cette conversation allait la mener. À ce stade, elle ne savait même plus trop pourquoi elles tenaient à appeler Alastar ! Marmelade se mit à lui répondre, et Fönn frissonna quand la petite Slime évoqua le sujet de sa propre mortalité, et le besoin qu’elle avait de faire des enfants. Marmelade lui indiqua qu’elle était « immortelle », ce que Fönn savait. Mélona leur avait dit que le temps avait sur elle une influence différente que chez les humains. Elle n’avait pas de cellules qui vieillissaient. Pour autant, Mélona n’était pas immortelle. Mais, sous bien des aspects, les Slimes étaient très puissants. La Reine Noire leur avait dit que leurs ancêtres, les shoggoths, étaient des créatures colossales, très puissantes. Fönn savait donc que Marmelade ou Mélona avaient le potentiel d’être très dangereuses.

« Il y a de ça, oui… Mais il ne s’agit pas que d’assurer la continuité de ma lignée, Marmelade. Avoir un enfant, c’est quelque chose de merveilleux aussi en soi. C’est une forme d’accomplissement. Les humains sont biologiquement conçus pour avoir envie de donner la vie, tu sais. Le sexe, c’est le seul moyen que nous ayons pour nous reproduire. Les choses sont différentes pour toi, mais, pour moi, avoir un enfant, c’est le plus bel accomplissement auquel je puisse penser. Iris est ma descendance, oui, mais elle est aussi ma force, ma raison de me lever chaque matin… »

La jeune Norvégienne réfléchit un peu, puis reprit :

« Maintenant, il y a Lissandre… Quand j’ai eu Iris, je ne la connaissais pas encore. Vivre en couple, ça ne me motivait pas, je trouvais ça trop ennuyeux… Et je voulais conserver mon indépendance. Je ne pensais jamais trouver quelqu’un comme Lissandre… Ça aussi, c’est quelque chose que les humains cherchent beaucoup : l’amour. Je ne pourrais pas vraiment te définir ce que c’est, car cela fait des millénaires que les poètes et les philosophes cherchent à comprendre le phénomène amoureux. Tout ce que je peux te dire, c’est que je suis contente d’avoir une famille, et d’avoir une femme sur Lissandre sur qui je peux compter, qui pimente ma vie, et en qui je peux avoir confiance. »

Fönn conclut ensuite :

« Les Slimes ne fonctionnent pas vraiment comme nous. Les humains sont des animaux sociaux avant tout, nous avions besoin de compagnie, car on ne peut pas tout faire tout seuls. Mais vous, vous êtes différents. Je veux dire, Mélona a envie d’une famille, mais, dans l’absolu, elle pourrait tout à fait vivre toute seule. J’ai le sentiment que, pour la rendre plus docile, Lucinda l’a humanisé, en lui donnant ce besoin de vie en communauté… Mais toi, je ne sais pas si tu ressens ça aussi… Enfin, je suppose que oui, puisque tu es venue ici. »

Marmelade ne comprend pas tout ce que lui raconte Fönn. Attention, elle comprend le sens des mots mais la portée au-delà : pas forcément. Ce serait comme expliquer ce que les femmes expérimentent (ou l’inverse) aux hommes. Dans l’absolu, on peut s’imaginer, se représenter les choses. Mais sans être soit même femme et vivre ces expériences uniques au genre : impossible de mesurer véritablement la portée des explications.

« J’ai longtemps vécu toute seule. Ca ne me dérangeait pas au début. Enfin, je crois. Je ne me posais pas beaucoup de questions en fait. D’ailleurs, je ne comprenais pas pourquoi les humains se posaient autant de questions. Moi, de mon point de vue, c’était comme s’ils se torturaient tout seul. Comme s’ils se créaient des problèmes alors qu’il n’y avait qu’à… vivre, en fait. Tout simplement. »

Marmelade sourit.

« Les humains sont stupides. Les animaux ont tout compris. Les animaux vivent, point. Les humains ont beau les étudier. Ils ne comprennent pas que ce qu’ils ont sous les yeux est la solution. En tout cas, Marmelade croit à ça. Enfin, elle croit. Disons que Marmelade n’est pas très forte à se poser des questions et à trouver des réponses. Mais elle le fait de plus en plus. Je dois être comme Mélona. J’ai dû être humaniser comme tu as dit. »

En fait, si Fönn le remarque, rien qu’entre sa rencontre et ce moment, Marmelade n’est plus la même Marmelade. Elle parle davantage. Elle montre des capacités de raisonnement. On pourrait même croire qu’elle abrite une profonde philosophie en elle. Mais Marmelade a un physique d’enfant. Et elle s’exprime d’elle-même à la troisième personne. Une curieuse slime, assurément.

« Moi je veux que Mélona, Bébé Iris, Maman Fönn et Maman Lissandre soit ma famille. Je n’ai plus envie d’être toute seule. Je veux continuer à vivre à plusieurs. Ça a l’air amusant. »

Marmelade change de position et va s’asseoir sur les cuisses de Fönn.

« Si Maman Fönn aime tant que ça avoir des enfants, alors est-ce que Marmelade peut essayer de lui en faire un ? »

Une question choc. Sans compter que l’innocence de Marmelade l’a empêché de penser que c’était physiologiquement impossible. D’un, parce qu’elle n’a pas le matériel de reproduction. De deux, parce qu’elle a très bien expliqué que les choses du sexe étaient bizarres pour elle. Et pas intéressantes.

Vraiment : curieuse slime…

Fönn avait droit à une discussion surréaliste. Aurait-elle pu s’imaginer un jour se retrouver dans cette situation ? D’un autre côté, c’était ce qu’elle disait chaque jour. Entre Lissandre et Mélona, elle n’avait pas de quoi chômer. Ramener une nouvelle Slime, voilà bien une excentricité typique des Verrières ! Fönn se prenait néanmoins au jeu. On pouvait sans doute mettre cela sur son instinct maternel. Fönn n’aurait jamais cru devoir évoquer Aristote et son concept d’homme comme « animal social » et « animal politique » face à une petite Slime bouillonnante. Difficile de dire ce que Marmelade avait compris, puisqu’elle signala ensuite que « les humains sont stupides ». Fönn la laissa parler, puis haussa les sourcils, surprise, quand Marmelade alla s’installer sur ses cuisses. Elle confirma vouloir faire partie de leur famille, puis surprit une dernière fois Fönn en indiquant qu’elle souhaitait lui donner un enfant. Fönn sourit, et caressa les cheveux de Marmelade.

« Cela me semble compliqué, trésor. D’une part, je suis déjà enceinte. Et, surtout, tu ne ressens aucun désir sexuel, donc ce n’est pas comme si tu pouvais faire l’amour. C’est une condition indispensable, pour avoir des bébés. »

Cela aussi, Marmelade ne semblait pas le comprendre. De plus, Fönn n’était pas sûre que le sperme d’une Slime puisse l’enfanter. En tout cas, Mélona n’avait jamais évoqué l’idée, ni la Reine Noire.

« Le désir sexuel est commun à toutes les espèces qui ne peuvent pas se reproduire seules. Tu vois, j’ai besoin d’un partenaire pour tomber enceinte, et il faut que ce soit quelqu’un de l’autre sexe… Enfin, il faut que des fluides sexuels différents se rencontrent. Sous l’effet du désir, mon corps produit des ovules, et, si l’un de ces ovules est fécondé par un spermatozoïde, cela donne à terme un bébé. »

Voilà que Fönn se retrouvait à faire un cours d’éducation sexuelle ! Quand on pense que ce qu’elle avait prévu initialement pour cette soirée était de regarder une série Netflix sur le canapé… Elle sourit à Marmelade.

« Et puis, je ne pense pas qu’une Slime puisse féconder une humaine. Mélona ne l’a jamais fait, en tout cas… Mais tu pourrais être un peu comme la grande-sœur d’Iris. Je pense que tu pourrais prendre l’apparence d’une vraie petite-fille. Après, je ne sais pas si on t’emmènera à l’école, je ne suis pas sûre que les Slimes soient conçus pour rester assises des heures à écouter des professeurs parler… »

Marmelade n’est pas contente. Ça se concrétise par une bouille renfrognée en écoutant Maman Fönn. Elle n’arrête pas de lui dire que ce n’est pas possible. Qu’il faut absolument faire ses choses bizarres et en ressentir d’autres pour faire grossir le ventre des humaines. Ça dépasse complètement Marmelade… Et ça commence même à l’énerver, en fait !

« Je SUIS la grande sœur de Bébé Iris ! »

Maman Fönn est obligée de ressentir un changement dans la slime. Si c’est bien un caprice typique d’un enfant, il y a un ton derrière ces mots. Un ton… monstrueux. Littéralement, d’un être qui est un monstre.

Marmelade pousse alors sur la poitrine de Maman Fönn pour la faire tomber sur le dos dans le lit. Ce n’est plus seulement une impression : Maman Fönn découvre que la petite slime a gagné quelques centimètres. Qu’elle pèse un peu plus lourd. Que son corps est un peu différent. Elle doit alors se souvenir de ce qui l’a fait peur avant, quand Marmelade avait parlé d’une forme titanesque qu’elle pouvait prendre.

« Je m’en fiche de tout ce que tu dis. Je me fiche de tes explications concernant les choses bizarres, les désirs et les trucs avec les ovules-machins. »

Son visage se mit à noircir. Ses yeux à se colorer entièrement de jaune. Sa bouche perdait son apparence humaine pour devenir une sorte de déchirure dans la peau slimesque. Une sorte de bouche cartoon avec des dents en pointe.



« Marmelade a dit qu’elle ferait un enfant à Maman Fönn. »

Plusieurs paires de cornes poussent sur son crâne. Son corps contine de gagner quelques centimètres. Son poids augmente de kilo en kilo. Une longue queue pousse derrière elle tandis que ses jambes rétrécissent.

« Maman Fönn va mourir un jour. Marmelade sera toujours là. Marmelade veillera sur son Héritage. Sur Bébé Iris. Sur le Bébé que je vais mettre dans ton ventre. Marmelade sera très gentille avec l’Héritage de Maman Fönn. »

La situation ne tarda pas à changer, et à prendre une tournure tout à fait inattendue. Le ton restait badin, et Fônn, après avoir expliqué à Marmelade le fonctionnement de la procréation, vit celle-ci évoluer. Son corps s’agrandit, s’étira, prenant une forme plus monstrueuse, et elle la repoussa alors. Fönn tomba sur le sol, et se mit à ramper en arrière, en voyant Marmelade grandir encore, devenant finalement plus grande qu’elle, et aussi bien plus monstrueuse. Fönn heurta finalement le mur en reculant, et déglutit lentement, tandis que Marmelade, ayant pris la forme d’un énorme monstre rose et noir, se mit à dire qu’elle était la grande sœur de Iris, et qu’elle la protègerait après la mort de Fönn.

« Euh… Marmelade, qu’est-ce qui t’arrive ? »

Dans l’esprit de Fönn, l’incompréhension se mélangeait à l’angoisse, à la peur. Marmelade venait de se transformer en un gros monstre ! Et Fönn, même si elle pouvait se transformer en démone, n’avait en soi aucun moyen concret de la stopper. Regardant autour d’elle, elle avisa la porte, et courut rapidement vers elle. Passant de l’autre côté, Fönn la referma derrière elle, avant de la fermer à clef. Fönn recula ensuite lentement, tremblant nerveusement.

*Bordel, mais où est-ce que Mélona a été la chercher, celle-là ?!*

Elle tremblait nerveusement, et s’efforça de se calmer. Fönn rejoignit la chambre d’Iris, et ouvrit précipitamment la porte. En voyant sa mère la prendre dans ses bras, et alors qu’Iris commençait à dormir, son bébé se mit à pleurer.

« Du calme, Iris, Maman est là ! »

Elle se précipita vers la chambre nuptiale, là où devait se trouver Lissandre et Mélona. Fönn ouvrit là aussi très rapidement la porte, et alluma la lumière, interrompant Mélona et Lissandre en plein acte. Mélona, surprise, se retourna, ses tentacules flottant dans les airs.

« Mélona ! Ta copine s’est transformée en un gros monstre, et a évoqué ma mort ! »

Marmelade ne va pas être arrêtée par une porte. Alors elle défonce la porte. Mais aussi le bâti de la porte. Et une partie du mur qui était collé au bâti. Elle est si grande sous cette forme titanesque. Elle est à l’étroit dans cette forme pour évoluer dans le couloir. Elle doit rattraper Maman Fönn. Pourquoi Maman Fönn la fuit ? Elle veut lui faire plaisir. Lui donner un nouveau Bébé !

« MAMAN FÖNN ! Reviens voir Marmelade. »

Marmelade retrouve Maman Fönn. Elle ne voit que son dos qui fuit pour aller encore ailleurs. Maman Fönn fait des bruits désagréables. Les bruits ne ressemblent pas à la voix de Maman Fönn. Ça lui fait penser à Bébé Iris. Mais Marmelade ne réalise pas que Bébé Iris est bel et bien dans les bras de Maman Fönn. Il y a tout de même un instinct qu’elle écoute qui lui dit de ne pas faire tomber Maman Fönn a l’aide d’un tentacule titanesque et sucré.

« MAMAN FÖNN ! Marmelade a besoin de toi. »

Marmelade retrouve Maman Fönn. Et elle retrouve aussi Mélona et Maman Lissandre. Un doigt titanesque pointe du doigt l’acte sexuel.

« Marmelade fera aussi un bébé à Maman Lissandre. Comme ça, les deux Mamans de Marmelade seront très contentes. Elles auront un Bébé de plus à s’occuper. Des Bébés que Mélona et Marmelade prendront grands soins. Même une fois Maman Fönn et Maman Lissandre mortes. Et Marmelade et Mélona s’occuperont des Bébés des Bébés qui ne seront plus des Bébés. »

Marmelade baisse la tête. Son corps n’est plus celui d’une humanoïde. Elle a bien une tête, un torse et deux bras. Mais ses jambes ont disparu, remplacé par une sorte de queue de limace d’un rose mignon. Alors deux moignons de jambes poussent. Puis une sorte d’éclair avec un délicieux (mais aussi flippant) nappage rose apparaît au centre des deux moignons. Ça ne va pas. Marmelade secoue la tête. L’éclair disparait et est remplacé par un sexe de bébé masculin. Mais ce n’est toujours pas ça. Les adultes n’ont pas ça. Mais elle ne se souvient pas de ce qu’ont les adultes humains. Elle se souvient de la forme du sexe d’un cheval. Sauf que c’est mélangé à une pâtisserie. Et c’est d’une proportion qui dépasse le mignon pour entrer dans l’horreur. Tout ça sous les yeux de sa nouvelle famille.

« Voilà ! Marmelade a un sexe. Je commence par Maman Fönn ou Maman Lissandre ? Il faut que je fasse quoi avec ? Je mets ça dans le trou et je fais passer un bout du corps de Marmelade à travers ce sexe dans Maman ? Et ça fera un Bébé ? Il sera là quand ? Dans un jour ou deux ? »

Mélona était en pleine transe avec Maman Lissandre. Après avoir été dessus, elle était dessous. Elle avait replié ses tentacules, simplement pour le plaisir de voir Maman Lissandre danser sur elle. Sa combinaison crissait joyeusement, et Mélona observait la scène avec passion. Elle caressait les hanches de Maman Lissandre, serrant sa combinaison, et sentait le lit grincer sous elle. À ce stade-là, plus rien ne pouvait perturber la quiétude de Mélona. Elle flottait dans son petit univers de bonheur et de douceur sexuelle, à entendre les gémissements de Maman Mélona, à soupirer elle-même… Quand la porte s’ouvrit brusquement. Mélona jouit au même moment, mais son orgasme fut de très courte durée. Elle vit en effet Maman Fönn entrer, et il suffisait de voir son regard pour constater que celle-ci était… Paniquée. Mélona observa la scène, sans trop savoir quoi dire, surtout quand Maman Fönn mentionna Marmelade.

*Marmelade ?*

Et, effectivement, une sorte d’énorme monstre rose et noir se mit à entrer. Mélona releva la tête, en comprenant que Marmelade n’était plus attentive. Elle comprenait mieux pourquoi celle-ci semblait avoir déjà tué son ancienne propriétaire. Mais était-ce vraiment si surprenant ? Maîtresse lui avait parlé de l’origine des Slimes, des monstrueux shoggoths, et du fait que, mis à part elle, les Slimes créés par Maîtresse étaient monstrueux. Et elle-même pouvait parfois… Mélona réagit donc. Depuis l’épisode où Mélissandre était devenue un siphon de luxure, et avait failli absorber l’intégralité du monde magique de Maîtresse, celle-ci avait pris ses précautions. Mélona se déplaça à quatre pattes, puis s’interposa entre Maman Fönn et Marmelade, tenant à la main un objet qu’elle avait récupéré dans son corps.

« MARMELADE ! Tu dois te maîtriser, tu fais peur à Mamans Fönn et Lissandre ! Ce n’est pas comme ça qu’on fait des enfants ! »

Mélona brandissait un curieux objet. C’était une sorte de petit bâton rose aux bords blancs qui aurait vaguement pu ressembler à ces bâtons de magical girls qu’on voyait dans les animes japonais. Mais elle appuya surtout sur un bouton, et une trappe sur le fronton du bâton rose s’ouvrit, libérant un cristal particulier. À son contact, le corps de Marmelade commença alors à rapetisser. L’aura magique s’échappant du cristal était redoutable, et sûrement très douloureuse pour Marmelade. Mélona la rompit au bout de plusieurs secondes. Et, à voir ses mains, elles-mêmes avaient commencé à se disloquer.

« Mélona est désolée, Marmelade, mais tu devais te calmer… »

C’était un cristal en dymérite, un matériau très rare, qui avait la capacité d’annihiler les pouvoirs magiques en absorbant la magie environnante. Sur son monde natal, la Reine Noire avait conçu une mine en dymérite, dont l’accès était très étroitement gardé. C’était le seul moyen qu’elle avait trouvé d’apaiser ses Slimes. Les Slimes étant à la base des créatures magiques, la dymérite était pour eux ce que la kryptonite était à Superman : un matériau mortel, qui absorbait leur vitalité. Les mains de Mélona commençaient à se reconstituer, et elle se rapprocha de Marmelade, s’agenouillant devant elle pour lui caresser les cheveux.

« Tu as pris une forme énorme, Marmelade, cela fait peur aux humains. Tu allais les dévorer, alors Mélona devait t’en empêcher. »

Cette dymérite, la Reine Noire ne l’avait confié qu’à Mélona, signe de la confiance forte qu’elle vouait à cette Slime. Après tout, elle était un peu la grande sœur de Marmelade et de Mélissandre, donc il semblait normal qu’elle intervienne pour ça. Elle se retourna vers Maman Fönn en souriant.

« Maman Fönn ne craint plus rien, Mélona veillera toujours sur ses Mamans ! »

Mélona ne s’en rendit pas compte. Mais ce qu’elle venait de dire était effrayant. Car c’était une variation très similaire de ce qu’avait dit Marmelade concernant Maman Fönn et Bébé Iris. Qui plus est, Mélona était plus intelligente et désormais équipé d’un artefact mangueur-de-magie. Etait-ce donc vraiment rassurant ?...

Marmelade a mal. Elle se sent malade. Elle ne sent pas bien. Désorientée. Confuse. Elle a presque des difficultés à reconnaître Mélona. Elle a dit quoi ? Elle allait dévorer qui ? Non, pas qui. Impossible ce qui. Ce devait être quoi. Donc, Marmelade allait dévorer quoi ? Elle ne se rappelle plus. Son cerveau reste… bloqué. Peut-être que si Marmelade a erré si longtemps en restant dans ce corps si jeune avec un intellect si peu développé : peut-être est-ce parce qu’elle est victime d’un sortilège ? Malédiction ? Traumatisme ? Qui sait ?...

« Mélona ? Je… Je ne me souviens pas comment je suis arrivé ici. Je… j’étais dans ta chambre, je crois. Ou la mienne ? Je ne sais plus. »

L’estomac de Marmelade gronda alors. Il n’y avait pas réellement d’estomac comme on l’entendait chez un être humain. Mais la slime avait bel et bien faim. Se transformer en tit-… En quoi ? Marmelade ne savait déjà plus. Mais elle avait faim. Et elle retrouvait le sourire. Retrouver une bouille si innocente après avoir découvert qu’était caché un terrible monstre là-dessous… C’était véritablement effrayant.

« La chambre de Maman Lissandre et Mélona est cassée. Mais Marmelade a faim. On va dans la cuisine, Mélona ? »

Marmelade ne reconnaît donc pas ses propres dégâts. Son cerveau recréer la réalité autour d’elle. Pire, elle l’efface carrément pour ne pas à avoir à porter ce poids. C’est ainsi que Marmelade parvient à toujours sourire. Un vrai sourire puisse qu’elle ne cache rien consciemment. Oui, Marmelade est bel et bien un monstre.

« Sauf si tu as encore besoin de faire ces choses bizarres avec Maman Lissandre. Marmelade ne comprend toujours pas pourquoi tu aimes faire ça. Marmelade croit en avoir parlé avec Maman Fönn. Mais ce devait être une conversation compliquée. Je ne me souviens pas de tout. Mais je crois que j’ai dit que je protégerais toujours Bébé Iris, hein, Maman Fönn ! »

Mélona fronça les sourcils devant les « explications » de Marmelade. Visiblement, sa partenaire avait… Tout oublié. Mais c’était impossible ! Mélona n’était pas une grande psychologue, mais elle comprenait qu’il y avait chez Marmelade un côté sombre. C’était aussi le cas pour elle. Ses Mamans n’avaient jamais vu Mélona s’énerver, mais, quand on la traitait de « monstre », il lui arrivait de partir en vrille… Elle se rappelait toutefois de ce qu’elle faisait. Marmelade se retourna vers Maman Fönn, qui sursauta. Elle était restée proche de Maman Lissandre.

« On va aller à la cuisine, Marmelade… Mais il va falloir que tu rencontres ma Maîtresse. »

La Slime lui sourit doucement. Elle ne voulait pas brusquer Marmelade, ni utiliser encore son bâton magique. Les mains de Mélona avaient repris une apparence normale, mais l’utilisation du bâton était douloureuse pour elle. Toutefois, alors qu’elle se rapprochait de la porte, Mélona entendit un sifflement. Elle avait fait l’amour avec Maman Lissandre pour invoquer Tonton Alastar… Et le glyphe sur le sol s’était illuminé, brillant pendant que Mélona était occupée à apaiser Marmelade. Les bougies dispersées autour s’enflammèrent à nouveau, diffusant de la fumée tout autour… Et une silhouette émergea au milieu du glyphe.

« Bonsoir, mes beautés ! »

Le Diablotin venait d’arriver ! Nu comme à son habitude, il sentit l’absence de liens dans le glyphe pour le retenir, et sortit de la brume. Sa main caressa les cheveux de Mélona, et il vit Fönn et Lissandre, couchées sur le lit… Ainsi qu’une autre jeune fille.

« Oh… Tu… Tu n’es quand même pas ma… ? Iris serait devenue si grande ?
-  Ce n’est pas Iris !
-  C’est Marmelade, c’est mon amie, Tonton Alastar ! »

Alastar cligna des yeux, et entendit alors Iris pleurer. Les cris du bébé semblèrent surprendre tout le monde, et Alastar se rapprocha d’elle, venant la prendre dans ses bras.

« Et ben alors ! Il est un peu tard pour toi, non ? Les humains sont si fragiles, surtout quand ils sont si petits… »

Il renifla alors autour de lui, sentant les effluves de sexe.

« Mais pourquoi elle est ici, au fait ? Tu sais, Fönn, et ça ne devrait pas venir de moi, mais Iris est encore un peu jeune pour ce genre de choses… »

Comme si la situation n’était pas assez surréaliste ainsi. Voilà maintenant que Lissandre entendait des « Tonton Alastar » pour parler d’un démon. Mais également un démon qui était incapable de faire la différence entre une petite humaine et une slime. Il y avait pourtant d’énormes différences qui sautaient aux yeux ! Rien que la peau pleine d’Iris et la peau disons, pudding, de Marmelade.

« Tu es excellent comme amant, Alastar. Mais tu es vraiment un père pitoyable. »

S’il n’y avait pas eu Iris dans les bras d’Alastar, Lissandre l’aurait surement giflé. Elle aurait accusé les phéromones de la grossesse, bien entendu.

« Ça ne doit pas tourner rond dans ta tête pour croire que le bébé de ma Fönn ait grandi si vite. Et je te préviens ! »

Le doigt était accusateur et pointé vers le joli minois tout droit venu des Enfers.

« Tu as tes responsabilités là en bas, c’est un fait. Tout comme je n’ai pas envie de t’asservir à jouer la maid et t’occuper de nos futurs enfants à naître. Et tu remarqueras à quel point ce moment se rapproche. Bref, tu n’as pas intérêt à venir ici tous les dix ans. C’est bien compris ? »

A lire, ça pouvait faire sourire. Une pauvre et faible humaine s’insurgeant contre un démon aux pleins pouvoirs ? Certes. Mais faire face à une mère enceinte, subissant les altérations de la création de vie, devant gérer une nouvelle slime adorablement terrifiante : tout ça rendait cette femme très effrayante. Elle n’avait pas la capacité de se transformer en démon comme sa femme, mais son regard était si intense que même Alastar devrait douter…

« Mélona. Sois un amour et va emmener Marmelade à la cuisine comme elle l’a demandé. Tu fais bien en sorte qu’elle se remplisse l’estomac, d’accord ? On ne voudrait pas que… qu’elle recommence à faire peur à Maman Fönn et Bébé Iris, entendu ? »

Lissandre observa les deux slimes disparaitre. Et son regard s’attarda quelques instants sur le trou autour de la porte. Dans un dessin animé, ça aurait épousé parfaitement la forme titanesque de Marmelade. Dans la réalité, ça n’augurait rien de bon pour la stabilité structurelle de la maison.

« Alastar. Nous avons un problème. Non, deux maintenant. Bien que les deux se rejoignent. C’est… compliqué. »

Même si ça n’embêtait pas Lissandre de se balader nue chez elle, une discussion si sérieuse dans cet état la fit douter un instant. Non, elle n’allait pas dire à Alastar de s’habiller ni faire une pause dans cette conversation pour aller enfiler… une nuisette sexy et transparente. Ca ne cacherait rien. Et ça ne ferait qu’exciter leur amant.

« Marmelade. La nouvelle slime dans notre maison. Elle et Mélona ont flippé après avoir rencontré un certain Baron Kowai. Si on t’a appelé, c’est pour savoir si tu connais ce type ou non ? Et autant te dire qu’une maman enceinte est capable d’arracher une portière de voiture pour sauver son bébé des flammes d’une voiture. Tu as forcément du entendre parler de cette légende urbaine ? Mais imagine alors une maman enceinte portant une combinaison symbiote de slime et une autre capable de se transformer par magie. »

Le démon était venu avec l’idée d’une nuit de sexe ? Il allait sévèrement déchanter.

« Hey, je plaisantais ! Par rapport au fait que vous, les humains, vous grandissez si vite… Un démon ne devient adulte qu’au bout d’un siècle, au moins. »

Lissandre n’était pas d’humeur pour les plaisanteries, tout comme Fönn. Elle ne savait pas trop ce que Mélona avait fait, mais revoir Marmelade se transformer en monstre ne pouvait que l’inquiéter profondément. Alors, elle laissa Lissandre tancer le démon. L’image pouvait en effet prêter à sourire. Alastar était un incube puissant et dominateur, il manipulait la magie avec talent, et il aurait sans problème pu les étrangler à distance… Mais, face à une mère en colère, même le puissant Diablotin se couchait sur place ! Il n’osait pas parler, jusqu’à ce que Lissandre ne vienne à évoquer la raison de sa venue : non pas une nuit de débauche comme on aurait pu s’y attendre, mais qu’il leur parle du baron Kowai. N’y aurait-il eu cette séance avec Marmelade que Fönn aurait été d’humeur à jouer avec Alastar, et à sentir sa puissante queue la labourer, mais l’ambiance n’y était pas.

« Le baron Kowai ? Des Slimes ? On peut dire que vous ne chômez pas, vous deux. Vous vous êtes aussi rapprochées de la Reine Noire, hein ? J’ai entendu parler d’un incident catastrophique impliquant un énorme shoggoth rose… Enfin, je ne suis pas vraiment un spécialiste en la matière, vous savez. Il faudrait que je vous présente à Samara, elle s’y connaît mieux… Et elle est très jolie, aussi. Maintenant qu’elle est guérie de sa phobie des hommes, j’ai envie qu’elle porte mon bébé…
-  Dis-nous ce que tu sais, Alastar ! »

Alastar s’était assis sur un fauteuil, et haussa les mains. Il avait sans doute croisé la Reine Noire par l’intermédiaire de Mélona, puisqu’il connaissait la Slime.

« Bon, bon, on se détend, les filles. Le baron Kowai… Laissez-moi réfléchir… Les démons portent toujours des surnoms. Même Alastar, c’est mon nom humain, mais pas mon nom démoniaque. Si vous le connaissiez, vous pourriez m’ordonner tout ce que vous voulez. »

Fönn lui expliqua ce que Mélona leur avait dit, à savoir que le baron Kowai se trouvait dans une fête foraine, et qu’il commandait une sorte de train, et capturait les enfants. Ce fut l’évocation du train qui stimula Alastar.

« Cela me rappelle un conte pour enfants… Charlie Le Tchou-Tchou. Enfin, un conte… C’est une façon de parler. »

Alastar se releva, puis se concentra un peu. Il invoqua un livre entre ses mains, et les deux femmes purent voir une double page du conte :


Une image a priori rassurante, si ce n’est le sourire grimaçant de la locomotive. Fönn tourna les pages, et y vit une sorte de conte qui ressemblait un peu à un mélange entre Peter Pan et Pinocchio. Dans ce conte, une locomotive, Charlie, pilotée par le baron Kowai, emmenait les enfants sur son île enchantée la nuit. Ils en revenaient au petit matin.

« On trouve des itérations de ce conte sur Terra avec de grandes calèches. Le domaine du baron Kowai est décrit comme une île enchantée.
-  Ce baron existe vraiment, Alastar.
-  Il emmène bien les enfants… Une fête foraine est un lieu de joie, le baron Kowai s’y manifeste. Ce n’est pas un démon ordinaire, mes chéries, plutôt une sorte de mauvais esprit qui attire les enfants pour dévorer leurs âmes. »

Fönn observa la quatrième de couverture, et chercha des informations sur l’auteur : Beryl Evans. Il n’y avait rien de concret, ce qui ne manqua pas de l’étonner.

« Comment on le combat ? Il a attaqué Mélona et Marmelade…
-  Je crois surtout que ces deux Slimes se sont retrouvées par erreur auprès de lui. Elles ont un rapport avec la magie que les humains n’ont pas, elles ont dû sentir que le baron s’était installé là pour identifier des cibles potentielles.
-  Si autant d’enfants disparaissaient, cela se saurait…
-  Le baron ne prend qu’une âme à chaque séance. Tous les autres enfants reviennent, et ne se souviennent pas de cette nuit… Sauf lorsqu’ils dorment. Ces enfants deviennent ensuite des enfants perturbés, violents, et finissent souvent mal. Je devrais pouvoir trouver des gens pour vous aider à en savoir plus, mais, avant ça… Vous aviez mentionné deux problèmes. Quel est le second ? »