The Multiversity

Karen ne nota pas l'altération de la réalité, ou le changement de discours de Nakamura.  Lorsqu'il se mit à parler, et à tourner les talons, le temps s'inversa, recula, et les propos de Kim changèrent légèrement. Suspecte, Karen l'était toujours... Mais la police souhaitait aussi avoir son aide. Karen était naturellement prête à coopérer, et accepta d'aller voir la scène de crime. Elle demanda à ce que Mrs. Smith l'accompagne, ce qui surprit Kim. Karen insista toutefois, et Kim finit par acquiescer.

*C'est curieux, j'ai eu une impression de déjà-vu...*

Lorsque l'officier de police s'était exprimé, elle avait l'impression d'avoir déjà vécu cette scène, mais sans pouvoir se rappeler précisément où. Il avait expliqué que le SHIELD était en train d'arriver, mais que la police avait besoin de l'avis de Power Girl, car, si elle était potentiellement suspectée, aucun de ses pouvoirs ne permettait de faire ça. Helena, en revanche, choisit de rester à distance, et Karen rejoignit donc la salle du crime. Elle s'envola, tout simplement, et arriva bien avant Kim.

« Beurk... »

C'était un commentaire instinctif. L'intérieur du panier à salades ressemblait à une boucherie. Les criminels étaient toujours menottés, mais leurs sexes avaient explosé, répandant des tripes et des gerbes de sang sur le sol. Ils avaient succombé de cette douloureuse hémorragie, vomissant également du sang par la bouche. Karen ne vit aucune trace d'impact sur les murs du camion, et les analysa à l'aide de sa vision spéciale, examinant les cadavres. Les autopsies seraient plus précises, mais elle ne constata aucune trace d'un quelconque empoisonnement.

Karen n'arrivait pas à s'expliquer rationnellement comment leurs sexes avaient pu exploser. Elle tourna la tête quand Jeannie, blême, demanda à s'éloigner, et Karen lui fit signe de s'écarter. Elle avait encore un dernier test à faire, et dut avant cela rejoindre son laboratoire... Un aller-retour qui ne dura que quelques minutes, le temps qu'elle revienne. Kim était alors là, et la vit arriver avec un curieux appareil, un détecteur qu'elle posa devant le fourgon.

« Qu'est-ce que c'est que cette chose ?
-  Un détecteur de tachyons.
-  Hein ?
-  Ce sont des particules quantiques aux propriétés encore méconnues, résuma grossièrement Karen. Les tachyons ont la particularité de pouvoir se déplacer plus vite que la vitesse de la lumière, et, quand il s'observe des phénomènes surnaturels, comme des brèches dans l'espace-temps, on trouve des flux de tachyons. »

Kim n'était pas spécialement plus avancé, mais Power Girl n'avait pas vraiment envie de lui expliquer. Elle n'avait pas le temps pour ça. Elle déclencha l'appareil, et constata, avec surprise, que des flux de tachyons émanaient de la scène de crime. Elle avait la confirmation de ce qu'elle supputait.

*La réalité a été altérée pour les tuer...*

Elle se retourna vers Jane Smith, et se dirigea vers elle.

« Jeannie... Il faut qu'on parle. »

Karen laissa la police en plan, et s'envola avec Jeannie, rejoignant un toit à proximité. Elle expliqua alors à Jeannie ce qu'elle avait constaté.

« Ils ont été tués par une force supérieure, capable d'altérer la réalité. Jeannie... Es-tu sûre de toujours réussir à contrôler tes pouvoirs à la perfection ? »

Je me fais des idées, c’est sûr. Il ne pourrait subsister de traces de moi près de ce fourgon, je n’ai jamais été proche de ce fourgon. Oh. Je sais. C’est très simple à expliquer, en fait. C’est probablement quand une de ces brutes m’a attrapé! Sans doute que sous l’effet de la peur, de la panique, j’aurai simplement laissé une sorte de… Trace… Plus forte. Comme un parfum, si vous voulez. D’où cette impression de familiarité. Vraiment, des fois, je m’inquiète pour un rien. Ce n’est pas comme si j’avais, je ne sais pas, une sorte de moi maléfique qui se promène en liberté sans aucune surveillance. HA HA HA! Ce serait ridicule! Comment aurais-je pu commettre pareille négligence, vous voyez bien que c’est une théorie vide de sens mais alors là complètement vide de sens. Comme si c’était mon genre! Bon, il y a plusieurs siècles, peut-être…

Mais… je m’en serais rendue compte si j’avais créé quelque chose après tout ce temps. Non. Non. Je m’inquiète avec un rien. Ce sont de grotesques suppositions, point final. L’explication rationnelle a été trouvée. Il n’y a rien d’autre à dire sur la question. Je laisse PeeGee faire ce qu’elle a à faire et j’attends sagement. On ne va pas se mentir : une scène de crime, en vrai, c’est bien moins cool que dans les séries télé. J’ai vraiment hâte qu’on s’en aille, en fait. Ça n’a rien de « cool » ou de stimulant. Et comme pour répondre à ma demande, PeeGee revient vers moi… Avec un drôle d’air et elle m’appelle Jeannie au lieu de Jane. Et avant de pouvoir poser une question, nous voilà sur le toit d’un bâtiment non loin. Sa question me laisse sans voix. Qu’est-ce que c’est que cette interrogation ridicule? J’hésite entre rigoler, c’est forcément une blague ou la prendre au sérieux.

« Attends, tu plaisantes j’espère. Évidemment que je maitrise mes pouvoirs. Je ne me serais pas risqué à quitter mon coin de dimension, autrement. Et puis bon, on ne se connait pas depuis des années mais tu as compris, je crois, que je ne tue pas et que j’essaie au maximum de ne pas blesser autrui. Là? Ces gens sont morts. Clairement, je ne vais pas pleurer pour ça mais… Je ne suis pas une tueuse non plus. Certainement pas.

Et puis comment tu peux me demander une chose pareille? Tu le prendrais comment, toi, si je débarquais en te demandant si tu maitrises toujours tes pouvoirs de kryptonienne? Bonjour la confiance, oui! Et en plus, j’étais assise devant toi! Bon, techniquement, j’aurais pu manipuler la réalité à ton insu, comme je l’ai fait pour que le flic te lâche et cesse de t’accuser d’un crime que tu n’as clairement pas commis mais ce n’est pas le point!

Tuer n’est pas et ne sera jamais dans mes principes. Donc même si j’avais voulu me venger de ces criminels, même si je n’ai aucune foi dans votre système de justice, j’aurais trouvé autre chose. Tout ce sang… BEURK! Quoi que si j’avais eu à tuer de cette façon, c’est ce que j’aurais fait. Je hais le gore. Et je dis ça de façon hypothétique. Leur mort fait de moi le parfait suspect. Qui est suffisamment stupide pour s’auto incriminer?! »

Il y a forcément une autre explication plus logique. Admettons que la modification de la réalité soit réellement en cause. Je ne suis pas la seule entité capable d’un tel prodige. Et oui, je confesse que le timing de ces morts est problématique, en un sens mais je le redis. Pourquoi commettre un crime qui automatiquement vous condamne? Il n’y a absolument aucune logique là-dedans. Je ne prétendrai jamais être la personne la plus intelligente qui soit mais je maintiens que j’ai un cerveau fonctionnel. Non. Ce n’est pas moi. Je le saurais si c’est moi. Et elle peut dire ce qu’elle veut, ce n’était pas de la manipulation de la réalité. Cela a une signature bien distincte. C’est autre chose, de cela je suis absolument certaine. Hum… Si ce n’est pas la bonne signature… Pourquoi alors… Non. Ce n’est pas la bonne question à se poser et définitivement une fausse piste.

« Et je ne sais pas d’où tu sors cette idée farfelue que la manipulation de la réalité est en cause. J’aurais reconnu une telle signature. Manipulation de la matière, peut-être. Magie, plausible. Mais manipulation de la réalité, certainement pas. De cela je suis absolument certaine. Si j’avais manipulé la réalité, l’explosion aurait juste ciblé leurs parties génitales et n’aurait rien affecté d’autre. Ce qui n’est pas le cas ici… Et en plus…

Je n’arrive pas à croire que tu m’accuses! C’est scandaleux! Comme ça, hop, parce que je peux manipuler la réalité! C’est du… Du profilage, madame la super héroïne! Une honteuse discrimination basée sur les pouvoirs et habiletés d’un individu! Du racisme dimensionnel! Venant de toi, en plus, après tous tes beaux discours sur la justice? Je suis presque sans voix! Sans voix, tu m’entends? Tu ne veux pas me passer les menottes?

Amène-moi au poste et interroge moi un coup partit! J’ai failli me faire violer en jouant à l’humaine sous TES conseils pour TE faire plaisir, les types responsables de cette odieuse tentative décède et soudainement, sur un résultat d’analyse clairement foireux, je ne suis plus une victime, une employée ou une amie mais une suspecte à envoyer à la guillotine! Tu me brises le cœur, PeeGee! Je te faisais confiance, moi, tu sais! »

Jeannie nia toute causalité avec ces trois meurtres, et, à la surprise (ou, plutôt, demi-surprise) de Karen, elle ne tarda pas à s'énerver, à lui reprocher de l'accuser. Karen battit rapidement en retraite, et posa ses mains sur les épaules de Jeannie.

« Woow, woow, on se calme, okay ? Je ne t'accuse pas ! »

Elle allait devoir plus préciser le fond de sa pensée. Karen se pinça les lèvres, mais attendit un peu, voulant que Jeannie la regarde dans les yeux, et qu'elle comprenne que Karen ne mentait pas. Oui, elle était sincère. Karen ne cherchait pas à la piéger, mais à raisonner.

« Je... Je réfléchis juste, d'accord ? Tu as beau être une Déesse, Jeannie, il... »

Karen soupira encore. Elle savait que Jeannie altérait la réalité, presque sans le savoir, et surtout quand elle commençait à s'énerver, pour s'apaiser. Mais est-ce que la psyché pouvait fonctionner ainsi ? Toute la frustration de Jeannie, tout son ressenti, toutes ses émotions négatives... On ne pouvait pas juste les effacer d'un coup de baguette magique. Rien ne disparaissait jamais vraiment, et les analyses que Karen avait faite dans le fourgon...

« Écoute, j'ai fait des prélèvements dans ce fourgon, je vais devoir les analyser dans mon laboratoire.  On... On devrait attendre de voir ce que tout ça donne, je... J'ai besoin de comprendre ce qui a pu provoquer ça. »

La Kryptonienne ne pouvait pas encore parler trop librement à Jeannie de ce qu'elle envisageait. Elle rejoignit donc son laboratoire, et commença les analyses des tachyons. Tout cela était un peu compliqué, mais elle avait aussi, avec elle, quelques analyses des tachyons qui se dégageaient autour de Jeannie quand elle usait de ses pouvoirs. Elle lança les deux analyses auprès de son superordinateur, utilisant des instruments technologiques très avancés, conçus avec la technologie kryptonienne, puis laissa la machine tourner.

Les résultats arrivèrent demain matin, sous la forme d'un énorme fichier de plusieurs centaines de pages détaillant les résultats précis. Mais, ce qui intéressait surtout Karen, c'était la synthèse. Elle consulta les données...

...Et les présenta ensuite à Jeannie, plus tard, dans son bureau.

« Les chiffres ne mentent pas, Jeannie. Les flux de tachyons que j'ai relevé hier sont extrêmement similaires à ceux qui arrivent quand il t'arrive d'altérer la réalité. Ils ne sont pas totalement similaires, mais il est temps que je t'exprime ma théorie, Jeannie... Et je te remercie de ne pas m'interrompre avant que je termine. »

Karen se leva lentement, et se déplaça, réfléchissant doucement.

« Il t'est déjà arrivé d'oblitérer tes propres sentiments, Jeannie... Quand tu t'énerves trop, tu as naturellement tendance à t'effacer cette colère de ton esprit. Je pense que c'est un réflexe instinctif que tu as dû intuitivement développer pour éviter de faire des bêtises... Mais t'es-tu jamais demandée ce qui arrivait de cette colère ? De cette rage que tu t'effaçais ? Je ne suis pas psychologue, Jeannie, mais je sais que tout esprit dispose d'une partie consciente(/i] et inconsciente, et que cette partie inconsciente influe sur notre psyché sans qu'on ne le réalise. »

Elle avait eu le temps d'y réfléchir, et son raisonnement lui semblait compréhensible, d'un point de vue strictement logique.

« Là où je veux en venir, Jeannie, c'est que je pense que toute ta rage a fini par... S'exprimer. Peut-être en suis-je en partie responsable ? En développant le programme Acting Human, ton esprit a appris à créer des avatars de lui-même, comme Jane Smith... Alors, peut-être qu'il existe, quelque part, un autre avatar de toi... Un avatar maléfique, issu de ton inconscient, et dont tu ignores l'existence. »

Karen se tut pendant quelques secondes, avant de se rasseoir, et croisa le regard de Jeannie, avant de l'interroger :

« Est-ce que cela te paraît envisageable ? »

« C’est probablement la chose la plus terrifiante que j’ai entendu de ma vie. Enfin. Ça et pénurie de Nutella. Admettons que ce soit possible. Admettons qu’il existe une moi maléfique, là, dehors. Pourquoi alors je ne m’en serais pas aperçu? Tentons un parallèle. Si tu avais un enfant kryptonien et que tu lisais le journal et que tu voyais des articles parlant d’une dévastation qui concorde avec ce que seul… Bien…

Un kryptonien peut faire, tu te poserais des questions, non? Donc, mon moi maléfique, logiquement, altèrerait aussi la réalité. Et ce n’est pas le genre de chose qu’on peut faire sans que quelqu’un d’autre qui manipule la réalité n’en ait pas un écho. En théorie. Tu as sûrement entendu parler de Mister Mxyzptlk? Quand il vient sur Terre et qu’il altère des trucs, je m’en rends compte. Comme dit, une sorte d’écho. Mais encore plus que ça.

L’écho perçu serait similaire au mien donc me ferait encore plus réagir car la signature, si on veut, serait familière. Je puis t’assurer sans l’ombre d’un doute que ce n’est pas la signature d’une manipulation de la réalité. C’est autre chose. Donc si c’était moi ou mon double maléfique, nous aurions forcément utilisé les mêmes outils. Pour en revenir à l’exemple de ton enfant kryptonien, il aurait des pouvoirs de kryptoniens, pas de martien.

Et j’ajoute que ta théorie fonctionne si tu suis les lois de la troisième dimension. Or comme tu le sais… Je ne joue pas avec vos règles. Plus celles de Mister Mxyzptlk, s’il faut donner une référence. Donc Newton et compagnie, ça ne fonctionne pas dans mon cas. En plus, et c’est la partie la plus effrayante de ta théorie… Si ce que tu avances était possible, et ça ne l’est pas, faute d’altération de la réalité, tu imagines la puissance du double maléfique?

Je purge mes mauvais sentiments depuis que je me suis jurée de ne plus jamais détruire un monde. C’était il y a des siècles de cela. Des millénaires, même. Si chaque mauvaise pensée venait l’alimenter… Non. C’est presque aussi épeurant que la pénurie de Nutella. Si une telle entité existait, on le saurait. Elle aurait tenté de détruire le monde, de conquérir le monde, de faire… Quelque chose de mal avec le monde. Et là, le monde ne semble pas plus illogique que d’habitude. Enfin. Je crois. Je ne suis pas du coin, donc… Voilà quoi.

Et je… OOOOOH! Attends! Je sais! Je sais! Tu te souviens? Le policier t’a demandé de regarder la scène de crime et je t’ai accompagné. Pour m’éviter de vomir en voyant la scène, j’ai modifié la réalité pour éviter, justement, de rendre mon repas et contaminer la scène de crime. Donc… Serait-il possible que c’est ce que ton appareil a capté? Tu es arrivée avec le détecteur APRÈS! Ça expliquerait pas mal de choses, non? »

C’est bien trop terrifiant d’imaginer qu’il puisse exister une Jeannie maléfique en liberté. Forcément, c’est l’hypothèse que je présente. Il faut que ce soit ça. J’ai altéré la réalité sur les lieux du crime avant que PeeGee reviennent avec l’appareil. Donc j’ai dû par inadvertance contaminé la scène de crime malgré tout… Quand même, je savais qu’écouter toutes ces séries policières finiraient par payer! Détective Jeannie est dans la place. Comment ça, désireuse de trouver une explication? Évidemment! C’est absolument effrayant de penser qu’il pourrait y avoir mon double maléfique en train de répondre le chaos au travers le monde. Je continue de dire ce que je dis. Si la réalité avait été altérée, je m’en serais rendu compte. Ceux qui ont ce pouvoir ne sont pas affectés par les changements effectués. Ils les remarquent, en fait. Donc non. Ce n’est pas ça.

Une belle théorie qu’elle a eue mais je suis sûre qu’elle est erronée. La mienne est bien plus logique d’un point de vue multidimensionnel. Tant que je n’aurai pas de preuve irréfutable, je refuse de croire à la théorie de PeeGee. C’est quelque chose de vilain qui a causé la mort des criminels, définitivement. Mais ce n’était pas de la manipulation de la réalité. Est-ce que je devrais, enquêter, est-ce que je devrais m’en mêler davantage? Pas sûre que ce soit une bonne idée, en fait. Mieux vaut oublier cet incident et passer à autre chose. Des criminels sont morts, c’est le karma qui s’est vengé, je ne sais pas moi. Je trouve qu’on se concentre trop sur ce problème et pas assez sur d’autres choses. N’importe quelle chose, en fait. La viscosité de la résine de synthèse? La longueur moyenne d’un grain de riz basmati? Le nombre de bulles dans un verre de Pepsi? N’importe quoi!

« Question : pourquoi se mettre martel en tête avec cette histoire? Tu as dit que les juges… Jugent… Et les policiers enquêtent. Si ce n’est pas ton rôle ou ta fonction, laisse faire les professionnels, non? Je suis certaine que le SHIELD doit avoir un tas d’experts et qu’ils vont trouver la clé du mystère. Et si je te payais une gigantesque coupe glacée pour ton beau travail de déduction, bien qu’erroné? Ça doit chauffer les neurones!

Et si tu veux, je garderai les yeux et les oreilles grands ouverts. Si jamais notre meurtrier mystérieux frappe à nouveau, on pourra l’identifier, le traquer et tu le traineras en justice. Si tu veux mon avis, et c’est juste un avis, c’est sans doute une ancienne victime qui a profité du fait qu’ils étaient tous au même endroit et hop! Peut-être même un antihéros ténébreux qui ne croit pas dans le système de justice. Une sorte de… Paladin noir dans sa croisade du mépris pour les odieux criminels! »

Quoi? C’est possible… Au nombre de personnes qui cherchent à se faire justice!

Jeannie nia toute implication dans ce drame, et expliqua que les mesures de Karen devaient être faussées par le fait qu'elle avait altéré la réalité sur place. Karen resta silencieuse, devant bien admettre que ce domaine-là la dépassait totalement. Elle était une super-héroïne, certes, mais, avec Jeannie, on s'aventurait vers les pouvoirs divins, magiques. À nouveau, elle songea à l'éventualité de contacter le Docteur Strange, le Sorcier Suprême de la Terre. Elle-même ignorait totalement quoi faire, et ne pouvait, à ce stade, qu'émettre des hypothèses.

« J'ai appris à me méfier des coïncidences, Jeannie... Peut-être qu'effectivement, tu contrôles à la perfection tes pouvoirs, mais un cerveau reste un cerveau. Même si les règles physiques de ta dimension diffèrent des nôtres, cela ne change rien à ce que je dis. Tu me parlais des lutins de la Troisième Dimension, non ? Et bien, même un individu comme Mister Mxyzptlk dispose d'un inconscient, de raisons profondes au fait qu'il vienne régulièrement importuner Superman. Ce que je veux dire, Jeannie, c'est que toute action entraîne des conséquences, et que j'ignore comment tes pouvoirs fonctionnent, ou ce qui se passe quand tu altères la réalité... »

Elle avait conscience qu'elle marchait sur des œufs, alors elle fit rapidement plusieurs précisions :

« Je ne t'accuse de rien, Jeannie, que ce soit clair. Je sais que tu n'es pas responsable de ce triple homicide. Mais, sans vouloir nier à la police ses talents d'investigation, je ne vois pas comment on peut expliquer ça... Des hommes qui succombent dans un fourgon cellulaire parce que leurs verges explosent... Je sens la magie, Jeannie. »

Jeannie était toutefois sûre d'elle... Ou cherchait-elle plutôt à s'en convaincre ? Car, au fond, peut-être même qu'elle-même ignorait tout de cela. Karen soupira doucement.

« Enfin... Je voulais juste être honnête avec toi, Jeannie. Évidemment, cela ne change rien à notre relation. Et tu as raison, je ne suis pas policière, mais cela m'a impliqué, indirectement. Je vais donc enquêter, et tenter de comprendre qui pouvait en vouloir à ce point à ces trois types pour les tuer comme ça. »

Un justicier solitaire façon Punisher ? Karen comptait demander à Helena, qui était une meilleure enquêtrice qu'elle, d'investiguer sur cet élément. Mais elle continuait à conserver dans sa tête l'idée de rencontrer un magicien qualifié. D'un autre côté, elle n'avait jamais été voir le Docteur Strange, elle en avait juste entendu parler.

*Peut-être est-il temps que je me rapproche de la Justice League ?*

Karen s'était efforcée d'agir discrètement, off the radar, pourrait-on dire... Mais elle sentait que les événements commençaient à lui échapper, et cela ne datait pas que de Jeannie. Même avant de la rencontrer, elle et Helena avaient été en Afrique pour y affronter Desaad. Elle n'ignorait pas qu'elle était une réfugiée, une femme qui avait fui Earth-2 suite à l'invasion massive des forces de Darkseid, et n'ignorait pas non plus le risque toujours réel que les envahisseurs de sa planète viennent également sur ce monde.

Elle sortit de ses pensées en croisant encore le regard de Jeannie.

« Bref... Réfléchissons-y, et je te laisse retourner travailler. Au fait, tu as réfléchi à ce dont on avait parlé là-dessus ? Tu te souviens... Le concours interne pour faire partie de mon équipe. Je compte lancer ça, alors, surveille bien les annonces internes qui paraîtront sur ton mail pro. »

« Cinquième Dimension, en fait, PeeGee. La troisième, c’est la vôtre. Et j’en ai fait des trucs pas possibles dans ma vie de déesse. J’ai voyagé dans les réalités, les dimensions, dans l’espace et même le temps. Sérieusement, les voyages dans le temps? Horriblement surfait. Il faut faire attention à tout. Tout, je te dis! Tu vas dans le passé, un pet de travers et tu peux changer le futur! Et ça, le multivers d-é-t-e-s-t-e.

Tu as peut-être vu retour vers le futur, quand ils ramènent un almanach trouvé dans le futur dans le passé et que ça change tout? J’ai exploré le futur à quelques reprises et j’ai accidentellement ramené, une fois, quelque chose que je n’aurais pas dû … Le multivers n’était vraiment pas content. Comment aurais-je pu savoir que j’avais ramené du futur un virus mutant extrêmement dangereux? Sans parler du phénomène de fragmentation…Bref.

Je ne sais pas si je t’en ai déjà parlé mais à mon avis, le multivers en soi est une entité. Si tu fais quelque chose qui va contre l’ordre des choses que lui veut… Est-ce que tes parents t’ont déjà fait les gros yeux? Tu sais, ce sentiment d’être toute petite voire insignifiante devant quelque chose de beaucoup plus puissant, expérimenté que toi et aussi, plus sage? Bah c’est exactement l’effet que ça me fait chaque fois que je fais quelque chose du genre.

C’est aussi pour ça que je remets en doute que je sois impliquée dans ces meurtres. C’est le truc pour lequel le multivers me gronderait car c’est aller contre ma nature et donc le genre de chose qui pourrait lui déplaire… Et je te jure, ce n’est pas le genre de petit défi idiote que je tenterais après avoir trop bu. Enfin. Je suis soulagée que tu me crois. Ça m’aurait fait énormément de peine, sinon. Je te considère comme… Une amie. »

Quand vous êtes Chadz’Gitwljym’Bevfknops’Qrux (c’est moi, si vous avez oublié mon véritable nom… Mais je ne vous en veux pas) et que vous avez énormément de difficulté à faire confiance à cause de siècles d’abus, utiliser dans mon vocabulaire le mot « ami » est quelque chose d’extrêmement rare. Presque… Sacré, même, j’ai envie de dire. Jamais je n’utiliserai ce mot à la légère. Ni maintenant. Ni jamais. Mes amis sont très peu nombreux, pour ne pas dire inexistants. Une de mes plus grandes craintes, c’est la trahison. De me rendre compte que quelqu’un à qui je faisais confiance m’a trahi. Ce n’est pas le genre de chose que j’aimerais. Combien de maitres m’ont jadis promis ma liberté sans jamais tenir parole? Non. Ce n’est vraiment pas quelque chose que je veux revivre. La trahison. C’est probablement dans mon top dix des trucs indésirables.

Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi PeeGee s’obstine à vouloir continuer cette enquête mais c’est son choix, j’imagine. Si elle juge que c’est nécessaire pour quelque sentiment de justice que ce soit, qu’elle s’amuse. Ce n’est pas moi qui irai lui reprocher d’avoir des convictions, en tout cas. C’est important d’en avoir, autrement l’existence n’a pas de sens. PeeGee me rappelle ensuite le concours interne dont elle m’a parlé et je réitère mon intérêt pour la chose. Je ne laisserai pas tomber Acting Human. Il m’est arrivé quelque chose de regrettable mais je ne suis pas fragile et sans défense. J’ai réagi avec cette intensité à cause des mauvais souvenirs, des traumatismes passés. Mais j’ai purgé ces mauvaises pensées et maintenant, je suis prête à reprendre le travail où je l’ai laissé. Clairement.

Je dis à PeeGee que je ne la laisserai pas tomber et je retourne au travail. Comme c’est ma pause diner, je me dis, autant geeker un peu. Je retourne lire ce que j’ai commencé à lire hier. Heroes of Might and Magic III (et ses expansions, bien entendu) est un classique et c’est une abomination que d’avoir ressorti une version HD SANS les expansions. Bref, bref, je relisais sur l’ultime événement qui a mis fin à Enroth, le monde présent dans les premiers jeux de la saga. The Reckoning. Deux puissantes épées qui se percutent et dont l’effet fut de causer la fin du monde? Quand même… Il fallait que ce soit deux créations d’une puissance extraordinaire et… Oh? Qu’est-ce que c’est? Un joueur dans ma guilde sur World of Wacraft a fait un sondage. Which Dragonflight are you? Hum… Bonne question. Vert, bronze ou bleu je dirais. Dans les classiques, bien entendu. Pourquoi?

Vert : les rêves. Manipulation de la réalité… Bronze, le temps. Temps / réalité / dimension… Et bleu, la magie. Je ne fais pas de magie mais c’est un pouvoir bien badass quand même. Sinon dans ceux rajoutés plus tard dans le lore…  Aucun, en fait. Ils sont presque tous maléfiques, quoi que le Infinite Dragonflight a une histoire intéressante… Mais le Twilight Dragonflight (qui a des origines dans le Netherwing Dragonflight) est absolument terrifiant! Enfing. Vert, je décide de mettre et une fois ma lecture terminée, j’ouvre un autre fichier. ACTING HUMAN PROJECT. AUTHORIZED PERSONNEL ONLY. J’entre mon mot de passe et je commence à faire le compte rendu de ce qui s’est passé hier. Je conclus mon rapport en disant que malgré l’incident, ma détermination n’a jamais été plus forte que de voir ce projet arriver à son terme. Je te fais cette promesse, PeeGee.

Je ne te décevrai pas… J’ai encore beaucoup à apprendre. L’aventure ne fait que commencer…