The Multiversity

Avec tout ce qu’y vient de lui être craché dessus ? Alma devrait être passée en mode furie. Elle le sait. Akane le sait. Et pourtant… pourtant, elle hésite. Elle ne comprend pas. Cette colère dont elle était si fière, au final. Oui, cette colère lui complique méchamment la vie. Mais Alma croit vraiment que cette colère est son moteur d’énergie. Sans la colère, elle n’aurait pas survécu. Sans cette colère, qui est-elle ? Et pourtant… pourtant elle hésite à se mettre en colère. Elle finit par détourner le regard d’Akane après avoir ouvert la bouche comme un poisson le fait hors de l’eau.

*J’ai failli lui dire OK. J’ai manqué lui dire d’appeler Shayne pour qu’elle prenne ma place. Alors… alors pourquoi ? Pourquoi je ne vais pas au bout ? Tout ce que j’ai dit et tout ce qu’elle vient de me dire : tout tend à inverser les rôles. Alors pourquoi ?... *

Elle a pourtant eu des images très claires dans sa tête. Ses lianes fusant vers le cou d’Akane. Le Vert se retirant, laissant deux énormes trous dont des quantités folles de sang jaillirait. Un meurtre commis sur l’instinct. Et pourtant… pourtant Alma n’a pas déchaîné son pouvoir. Elle n’a même pas appelé le Gris pour se forger une armure qui lui aurait permis d’échapper à l’emprise de sa garde du corps/futur quart de déesse ? Elle n’en sait rien.

Elle est si complètement paumée, Alma…

« Tu dois avoir raison. Je dois être pathétique. Faible. Et tout ce que tu as dit d’autres. Peut-être que Shayne m’a surestimé ? Peut-être que je me suis surestimé ? Peut-être que je ne suis finalement qu’une petite fille qu’un monde a transformée en monstre aveugle. Un monstre aveugle atterri dans un autre monde dont les codes sont radicalement différents. Peut-être… »

*Ne le dis pas. Ne le dis pas. *

« Peut-être que je mérite la mort ? Ou pire. Une soumission totale entre tes mains. Ta chose écervelée. J’en sais foutrement rien de rien… »

Elle hésite. Elle se pose des questions. Elle est entourée de personnes qui comble ses faiblesses. Elle devrait passer un coup de téléphone. Demander l’avis implacable de la cyborg à coup de pourcentages.

Sa main récupère son téléphone portable. Son doigt appuie plusieurs fois jusqu’à trouver le contact de Shayne. Puis elle montre l’écran à Akane.

« Si tu veux vraiment ma place, j’appelle Shayne. Mais tu ne tiendras pas. Je n’ai jamais été une femme délicate. Combien de fois Liliane m’a dit que j’étais violente. Malgré ça, j’ai progressé. Parce que j’ai utilisé ma tête. Bref, je commence à raconter n’importe quoi. Perdons pas de temps. Ce que je veux te dire, c’est qu’il faut utiliser sa tête. Il faut essayer de faire des trucs subtils. D’autres intellectuels. D’autres relationnels. Et toi, tu m’as dit que tu avais une destinée de seigneur de monde sur notre monde de naissance, n’est-ce pas ? »

Le doigt se rapproche du bouton pour débuter l’appel avec Shayne.

« Alors, je l’appelle ? » »

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Tu sais très bien que Shayne ne m’acceptera jamais comme sa fille adoptive et héritière. Mais vas-y, appelle, je suis certaine qu’elle sera très contente que tu la déranges avec une telle idée. Qu’elle sera très contente des mots que tu as prononcé à son égard, des accusations que tu as proférées à son encontre. Comme si je voulais de ce quart de divinité. J’ai compris où était ma place et je l’ai accepté.

Je ne vais pas aller contre la volonté d’une demi-déesse. Mais s’il faut que je te tabasse pour te faire rentrer dans la tête que c’est ton futur, devenir un quart de déesse… Je le ferai. Je sais très bien que je n’ai et n’aurai jamais la tête pour diriger un culte. Je suis parfaitement au courant de mes propres faiblesses. C’est pour cela que nous sommes plusieurs à t’épauler. Chacune comble une de tes lacunes, une de tes faiblesses.

Tu sais c’est quoi ton problème? Tu n’es pas une adulte. Tu es une adolescente. Une sale gosse. Shayne a voulu trop bien faire, te donner un avant-goût de ce que ce serait d’être au sommet. Et au lieu d’en faire quelque chose de constructif, tu gaspilles ce qu’elle t’a donné. Combien de fois t’es-tu entrainée avec Giana pour qu’elle teste les limites de tes pouvoirs? Zéro fois. Tu continues de stagner avec des pouvoirs que tu ne maitrises pas pleinement.

Combien de fois as-tu demandé à Liliane de t’aider côté relations publiques, te préparer à gérer ton culte naissant? Zéro fois. À la place, tu acceptes des fanatiques comme Cérès et tu l’as amené dans un événement qui n’est pas le tien sans consulter l’organisatrice, qui est ta petite amie et qui déteste les fanatiques. Combien de fois as-tu demandé conseil à Shayne, au-delà du fichier Excel?  Tu as un tas de ressources que tu gaspilles. »

Je pense qu’il est temps de vraiment enseigner une leçon à Alma. Quelque chose qui va, j’espère, lui ouvrir les yeux. Est-ce cruel? Oui. Cela pourrait très certainement la traumatiser. Mais j’en ai plus qu’assez de la voir se comporter comme elle le fait. Je vais lui donner une bonne leçon. Je n’ai pas envie de le faire. Mais je pense qu’à ce stade, c’est inévitable. Avant qu’Alma puisse vraiment réaliser ce qui se passe, un portail s’ouvre et elle se fait passer un collier autour du cou. Sa fonction? C’est un inhibiteur de pouvoir. Alma vient d’être brutalement coupée du vert et du gris. Elle n’est plus un quart de déesse en devenir. Elle est une vulgaire humaine avec ses maigres capacités. Je fais mon entrée et clairement, maman Shayne n’est pas contente. Je fais signe à Akane de quitter le hangar et d’attendre dehors. Si Alma pensait m’avoir déjà vu en colère… Oh que non.

« Tu veux renoncer à devenir un quart de divinité? Soit. Alors je vais te priver de ta grandeur. De tes pouvoirs. Tu ne peux pas enlever ce collier. Et tu ne peux plus utiliser tes pouvoirs. Akane et Giana ont ordre de ne pas t’aider à l’enlever. En fait, sans tes pouvoirs, tu n’es plus d’aucun intérêt pour Giana alors ne compte pas sur son aide. Et Akane a trop peur de moi pour me défier. Alors dis moi Alma, c’est quoi ton plan, hum?

Tu voulais une solution facile? Il n’y en a pas. Te voilà sans pouvoir. Sans support. Et bientôt à la rue si tu ne te ressaisis pas. Qui tu vas aller voir? Liliane? Ou sa demi-sœur, Abigail? Ou vas-tu aller voir Cérès et les autres fanatiques, qui vont t’abandonner car tu n’es plus la sainte aux plantes? Espèce de sale petite ingrate. Sale gosse gâtée qui n’a AUCUNE reconnaissance pour tout ce que j’ai fait pour toi! J’aurais dû l’anticiper.

Que Liliane serait une mauvaise influence pour toi. Alors comme une mère doit le faire avec son enfant indiscipliné, je te retire ton jouet. Je te retire Liliane. Plus de pouvoirs. Plus d’aide. Plus de Liliane. Ah tu seras dans un superbe état pour la visite des agents du gouvernement, c’est certain! Tu veux cracher sur ce que je t’ai donné et m’accuser de noirs forfaits? Soit. Tu vas avoir ma colère en récompense. Je devrais te renvoyer d’où tu viens!

Une semaine sur ton monde de merde avec ta famille qui te néglige. Te montrer sur quoi tu as craché. Te faire regretter ton attitude capricieuse et immature. Et quand je vais te ramener? Tu vas m’embrasser les pieds, orteil par orteil, en suppliant pour mon pardon.  C’est ça que tu veux, Alma, te faire complètement humilier, détruire, tuer définitivement Marishka et repartir de zéro? Parce ce que si c’est ce que tu veux, je vais te le donner.

Mais je te promets un tourment psychologique comme tu n’en as jamais eu et qui fera passer ton psychotage comme des vacances paradisiaques. Si tu ne veux pas de mon amour comme mère adoptive, je serai alors la demi-déesse à la place, c’est tout. Tu vas regretter amèrement tes paroles. Trop longtemps je t’ai laissé agir sans te punir, en pensant que je faisais la bonne chance. La récréation est terminée. Sauf, bien sûr, si tu veux déjà implorer mon pardon… »

Ce vide. Ce néant est si… total. Ça arrive comme une confirmation. Elle n’est rien et elle n’a personne. Elle est complètement seule. Privée de sa connexion spéciale avec le Vert et le Gris, elle est mortelle. Elle n’est plus qu’une… jeune femme. Et bizarrement ? Ça la rassure un peu. En fait, ça lui enlève carrément un poids sur ses épaules. Si elle n’est plus destinée à être un quart de déesse, elle n’a plus à gérer toute cette pression. Elle n’a plus à s’inquiéter de ses responsabilités présentes et futures. Elle est… uniquement Alma. Une fille paumée dans un monde à la dérive. Un mouton dans une meute se dirigeant tous ensemble vers la fin. Oui, Alma esquisserait presque un sourire.

Mais devenue soudain « humaine », elle se sent alors toute petite et honteuse face à la terrible Shayne. Alma est vraiment une adolescente qui a fauté et qui reçoit l’ire de sa mère. Impossible de sourire. Il n’y a plus qu’à baisser la tête. Encaisser la colère. Attendre que ça passe.

*Déjà implorer son pardon ? *

« Je ne veux pas retourner sur mon monde. Je veux… »

Qu’est-ce qu’elle veut Alma ? Si sa destinée n’est plus celui de la grandeur, alors quel est son nouvel objectif ? Rien. Rien ne lui vient. Mais c’est aussi ça d’être une vulgaire humaine. En fait, il n’y a pas de temps à consacrer à des rêves. Il faut déjà passer son temps à travailler pour conserver le socle de base : avoir un toit au-dessus de la tête et de la nourriture dans l’assiette. Donc…

« Je crois qu’il ne me reste plus qu’à trouver un travail ? Parce que je dois être revenu à un rang comme celui d’Akane. Qui demande à trouver soi-même son propre argent pour payer tout ce qu’il y a à payer. »

Est-ce vraiment Alma ? Où est l’égo de celle qui accepte de devenir inconnue parmi tous ? Où est la fierté de celle qui jamais ne ploierait le genou (à moins qu’on lui brise) et accepterait maintenant de travailler à l’usine ? Où est la colère qui animerait celle qui est unique et qui doit se battre contre le groupe qui croit avoir raison parce qu’ils ont l’argument du nombre ?

« Et ce collier, ça veut dire que je dois me soumettre ? A qui ? A Akane qui pourra abuser de moi ? Est-ce que ça veut dire que c’est à moi de lui obéir maintenant ? »

Liliane : est-ce seulement elle qui plonge Alma dans un tel état lamentable ? Ou est-ce que tout ça couvait depuis si longtemps qu’il lui fallait un élément déclencheur. Alma devrait peut-être se rendre en ville. Consulter un médecin. Se faire diagnostiquer un burnout et avoir un congé maladie. Ça fonctionne un congé maladie quand le « travail » est de devenir un quart de déesse ?

Pff… Cette Alma est affligeante. Insupportablement affligeante. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Shayne devrait tout simplement la jeter aux ordures. Mais la demi déesse a beaucoup trop investi en elle. Pas seulement en temps, énergie et ressources. Le principal problème ? Elle s’est beaucoup trop investi émotionnellement.

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

OH QU’ELLE EST ENRAGEANTE! Elle ne comprend RIEN! C’est consternant! Comment peut-elle être aussi… Aussi… RAAAAAH! Du calme, Shayne. Du calme. De la psychologie. Oui. C’est ça. De la psychologie. Ne lui répond pas. Avec Alma, on dirait que les mots ne servent pas toujours à quelque chose. Montre-lui. Oui. Oui… Si je lui montre ma vision… La faute est en partie mienne. J’ai trop épargné Alma. J’ai été faible. Trop de passe-droit. Trop de fois où j’aurais dû la punir, la discipliner. Oh je sais dire que j’ai été faible. Que j’ai commis une erreur. J’ai un égo gros comme la Terre mais j’ai appris il y a longtemps que si je veux un jour prendre la place de Jeannie… J’ai intérêt à être ma plus impitoyable critique et devenir experte de l’autoévaluation. Ne pas reconnaitre ses torts, c’est ne pas évoluer. Et l’immobilisme est un danger mortel.

J’ai été trop permissive avec Alma. J’aurais dû la soumettre au même traitement que mes autres élus et la garder sous surveillance par ma télépathe. Mais là, la récréation est terminée. Ma patience a atteint ses limites. Ma fille adoptive va voir ses privilèges significativement restreints jusqu’à ce qu’elle fasse la preuve qu’elle en est digne. Et donc, j’ordonne à ma télépathe d’enfermer Alma dans sa propre tête. L’envoyer réfléchir dans sa chambre comme le ferait un enfant ordinaire avec son parent ne fonctionnera pas. Alma se retrouve soudainement dans le noir. Elle sait qu’elle est dans sa tête. Ou quelque chose du genre car au lieu de flotter, elle se retrouve peu après sur une sorte de plateforme. Ici il n’y a rien. Il n’y a qu’elle et cette noirceur oppressante autour d’elle. Alma finit par voir quelqu’un approcher. Shayne? Non. Il y a quelque chose de très, trop, familier…
Et finalement, se révèle aux yeux d’Alma… Alma. Mais une Alma bien différente. Une sorte de vision idéalisée d’Alma? Non. Une Alma « Prime », au sommet de sa puissance. En pleine possession de ses moyens. Une Alma musclée, sculptée, forte d’une saine alimentation et de sommeil régulier, porteuse de tatouages stylisés qui pourraient être une création de Liliane ou peut-être Abigail… Et au lieu du vert ou du gris, le tatouage qui semble dominer est celui d’un dragon. Cette Alma devant elle maitrise les trois ordres. La Alma « actuelle » ne peut que se sentir intimidée. Inférieure. Face à cette vision devant elle. Car ce qu’elle voit, c’est ce que je vois en elle. L’expression de son plein potentiel. Ce qui se tient devant Alma est un quart de déesse. Pas cette adolescente capricieuse qu’est ma fille adoptive en ce moment. Et ce n’est pas tout. Alma peut voir autre chose.

Un culte. Son culte. Une ville, sa ville, où le Vert a retrouvé sa place. Une ville où il fait bon vivre. Une ville placée sous sa protection. Le rire des enfants, le sourire des habitants de SA métropole… Elle peut voir Liliane, souriante, en train de réaliser une gigantesque murale dans le parc que voulait créer Alma. Elle peut voir Giana, avec une ombrelle, en train de superviser la construction d’une installation pour donner de l’internet gratuit à tous. Elle voit Akane en train de s’occuper d’animaux abandonnés et de leur trouver un maitre compatible. Elle voit Abigail, dans le hangar d’Alma, heureuse, en sécurité, en train de créer des œuvres d’art pour le parc d’Alma. Il y a aussi des gens qu’elle ne connait pas. Autant elle voit ses fidèles que ses citoyens. Ceux qui ne font pas partie de son culte mais qui font partie de son monde. C’est ÇA que je veux qu’elle voit. Ce à quoi je la destine.

Ce pourquoi je la pousse autant, demande autant, exige autant. Je veux qu’elle comprenne. Elle ne peut pas nier ce qui est devant elle. Elle ne peut pas interpréter différemment les choses. Elle ne peut plus se trouver d’excuse. Je n’ai pas surestimé Alma. Elle se sous-estime. Elle confond confiance et arrogance. Tant et aussi longtemps qu’elle ne sera pas capable d’admettre une erreur, tant qu’elle ne sera pas capable de reconnaitre la défaite, tant qu’elle va rester dans cette mentalité stupide et bornée qui l’empêche d’évoluer, comme Marishka avant elle… Il n’y a RIEN de positif dans son futur proche. À part tout perdre. Est-ce que c’est ce qu’elle veut? Tout perdre? Abandonner? Est-ce que c’est l’aboutissement de tous ces efforts, toutes ces ressources? J’ai travaillé trop fort pour abandonner. Sur ce point je suis obstinée. Peut-être même trop. Mais j’aurai ce que je veux. Qu’Alma le veuille ou non.

Si elle continue de refuser? Bien… Si maintenant elle sera traité comme les autres… Un peu de lavage de cerveau pourrait être dans son futur…

Est-il possible de tomber amoureuse de sa propre personne ? Parce que cette Alma Prime qu’observe Alma, elle vient de directement toucher quelque chose dans son cœur. Ca a été puissant. Ca a été comme un tremblement de terre qui a tout secoué. Secouer cette dépression en naissance. Ca a aussi été comme l’explosion d’une bombe nucléaire. De l’énergie coule à flots dans son sang. Enfin, dans le système énergétique de ce corps imaginaire. Peu importe. Ce qu’a entrepris Shayne semble avoir remis Alma sur les rails.

Elle décide de s’asseoir sur un banc. Ce n’est pas simplement un meuble sorti d’usine et posé là. C’est une œuvre d’art. C’est aussi l’expression la plus naturelle du Vert. C’est à la croisée de tant de choses. Entre bois et métal. Entre construction artificielle et croissance naturelle. C’est con à dire, mais ça la fait chialer. Ce banc. Si ce banc existait dans la réalité : alors elle aurait réussi tellement de choses. Comment un stupide banc peut la secouer autant de l’intérieur ? C’est incompréhensible.

Alma ne veut pas sortir de sa tête. Elle ne veut pas non plus y séjourner éternellement. Mais ce qu’elle observe ? C’est la concrétisation de rêves abstraits. C’est observer ce qu’elle va devenir. Tout du moins, une version de ce qu’elle pourrait devenir. Car commencer à croire que tout ça est son futur serait en quelque sorte insupportable. Elle accepte d’être manipulée pour être conduite sur le plein potentiel qui couve en elle. Mais elle refuse que la Vie soit 100% prévisible. S’il n’y a pas matière à être surprise par le développement des choses : alors à quoi bon vivre ?

Des enfants courent devant elle. L’un d’eux tombe. Mais il n’y a aucune moquerie. Les petits camarades l’aident. L’un lui donne un câlin. Un autre lui tape sur l’épaule. Après les larmes reviennent le rire. C’est également bête d’assister à pareil spectacle. Mais ça fait naître tant de choses en elle. Sans chercher à devenir une super-vilaine ou une super-héroïne, elle peut devenir cette personne qui permet aux autres de vivre et d’embrasser à leur tour leur plein potentiel. Un monde où les enfants rient et ne luttent pas pour survivre. Car si Alma a le pouvoir de changer les choses, alors elle ne veut que plus jamais les enfants à venir expérimente son triste et douloureux passé.

Des enfants. Son regard retrouve Liliane. Sa Liliane. « Sa » ? Est-elle en droit d’être possessive ? Oui. Parce que ses deux femmes qu’elle observe, chacune possède le cœur de l’autre. Elles s’appartiennent l’une l’autre. Elles représentent réellement le surnom de « moitié » qu’on peut donner à l’autre. Des enfants, donc. Dans ce futur, Alma voudrait d’une famille. Sa main touche son ventre. Gonfler et faire croître la vie. Oui, elle croit qu’elle aimerait ça. Porter l’enfant de Liliane. Mais… uniquement dans un tel monde. Pas celui du présent, au dehors de sa tête. Il y a encore trop de choses à modifier pour qu’elle soit prête psychologiquement.

« J’ai compris. »

Trois mots adressés à Shayne. Car Maman écoute forcément, oui ? Maman attend impatiemment que sa fille comprenne enfin.

« Je ne promets pas d’être ce quart de déesse dont je suis si inférieure. Je ne promets pas de cloisonner ma colère et mon égo. Mais j’ai compris que je pouvais être cette femme. J’ai compris que je pouvais donner naissance à ce monde. Pas par mégalomanie. Pas parce que j’abrite un profond vide qui doit être rempli à cause de ma possessivité. Je ne veux pas d’un culte simplement pour avoir des gens qui me valuent. Mais je veux donner naissance à ce monde. Je veux voir cette Liliane épanouie. Je veux voir la famille de Liliane donner libre cours à sa créativité et sourire. J’ai envie de voir cette Giana. Cette Akane. Et toutes ces autres personnes qui me semblent familières alors que je ne les connais pas encore. »

Alma a ce potentiel. Tout comme elle sait qu’elle ne connaît pas encore les réponses à toutes les problématiques de sa vie. Concilier Liliane et culte ? Aucune idée. Mais ce qu’elle voit devant elle lui prouve qu’il existe un chemin. Elle se doit de le trouver.

« Je veux devenir cette Alma. Je veux donner naissance à ce monde. Si j’ai le pouvoir de détruire le monde qui m’a créé, alors je veux m’en emparer. Je veux que tu sois fière de moi en accomplissant ce que tu as vu la première fois où tu as découvert la chose brisée que j’étais. »

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Alma se sent… apaisée. Oui, c’est un bon mot pour décrire son état quand elle quitte sa tête et revient dans la réalité. Et quel étrange (et chaleureux ?!) retour. Maman Shayne qui lui donne un câlin. Alma est bien trop surprise par cette action pour faire ou dire quoi que ce soit. Le temps de se « réveiller », Maman Shayne disparaît déjà dans un portail.

« Merci. »

Prononcé à voix haute. En espérant qu’elle l’ait entendu d’une façon ou d’une autre.

Puis Alma décide de ne rien faire. Rien entreprendre. Pour savourer les derniers reliquats du « rêve » qu’elle vient de faire. Pour se contenter des émotions positives qui transitent dans son corps. Avant que son cerveau ne reprenne son train infernal. D’ailleurs, elle le ressent. C’est lent à redémarrer mais les pensées commencent à revenir. Réaliser qu’Akane attend toujours au-dehors. Avoir l’impression que son téléphone portable vibre. Se souvenir de la visite des agents du gouvernement. Et tant d’autres choses encore.

*Je ne veux pas penser. Non, c’est inexact. Je sais que j’ai besoin de penser. Mais je sais aussi que je suis impatiente. Et je ne guérirais pas de ça d’une minute à l’autre. Je dois gérer mes problèmes l’un après l’autre. Je ne peux pas m’occuper de tout en même temps. J’y perds mon énergie et y gagne en colère. Je dois changer ma façon de penser. *

Shayne. Liliane. Abigail. Giana. Cérès. Tant de personnes différentes et tant de problèmes différents. Il y a aussi Akane. Si proche d’elle. D’un point de vue géographique, chronologique mais aussi au niveau de leur passé commun.

Alors Alma sort au-dehors. Elle voit Akane. Cette dernière la vue en première. Alma l’a ressenti. Avant même qu’elle ne pose ses yeux sur la garde du corps, elle savait. Alors Alma la regarde. D’un nouveau regard. Puis Alma regarde les deux dragons d’Akane. Et elle se souvient du tatouage d’Alma Prime. Ca semblait être la manifestation (et la maîtrise !) du Rouge. Alma a vu très clairement Akane s’occuper des animaux perdus et abandonnés. Pourtant, elle n’a pas pu s’empêcher de penser qu’Alma Prime avait absorbé Akane.

« Akane. J’ai besoin de toi. Je m’excuse du pitoyable spectacle dont tu as été témoin. Avoir évolué si haut m’a fait redescendre si bas… Je sais aussi que mon évolution n’est pas si haute que ça. Je dois apprendre à arrêter de surestimer mes forces. Par exemple, tu es clairement plus puissante que moi. Et cette force que tu as, je dois l’utiliser. Pas chercher à la diminuer ou la faire mienne. L’utiliser. Bref. Désolé de parler pour ne pas dire grand-chose. »

Elle soupire. Son petit passage dans sa tête ne l’a pas changé d’un claquement de doigt. Tout reste si difficile.

« J’ai besoin qu’on se bastonne. Ou qu’on baise. Ou les deux, je m’en fous. Je te laisse les rênes pour les quatre prochaines heures. Pourquoi ? Parce que je veux que tu me siphonnes le cerveau. Je suis impatiente et je sais que ce n’est pas parce que je le veux que ça arrivera plus vite. Alors je vais me concentrer sur le problème des costards-cravates. Une fois que ce premier problème sera réglé, je compte faire appel à la cyborg. J’ai besoin de son intellect pour définir quelques plans pour la suite. Je sais que je peux compter sur ces pourcentages. Quant au reste, je laisse ça en suspens. J’espère que j’aurai des pistes de réponses une fois ma rencontre avec Giana passée. »

Elle s’est projetée trop loin. Elle secoue la tête en le réalisant.

« Je parle du gouvernement puis de Giana et du reste. Je parle comme si tu allais faire exactement ce que je viens de dire. Mais tu as ton mot à dire, Akane. Alors, es-tu d’accord pour distraire mon cerveau pendant quatre heures ? »

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Sur le trajet vers le restaurant, Alma reprend peu à peu pleinement possession de son corps et de son esprit. Baiser a été la solution parfaite. Car c’est bien ça même si le mot est cru. Baiser et non faire l’amour. Au fur et à mesure qu’elle roule, elle réalise également que son corps est une arme. Bien sur, elle peut tuer avec ses poings. Mais elle comprend aujourd’hui que le sexe est une autre façon. Elle l’a réalisé quand elle a découvert ce point sensible appartenant à la géante toute en muscle. Derrière son armure d’épiderme semblable à du cuir épais : Akane reste une femme. Une mortelle avec sa sensibilité et ses fragilités. Mais ça, elle ne lui dit pas alors qu’elle la regarde. Elle se contente de la remercier pour son boulot accompli. En lui disant que ça a été pleinement efficace et qu’elle compte bien récidiver à chaque fois qu’elle en aura besoin.

*De toute façon, elle n’a que mon cul. Et Liliane mon cœur. Un cœur que je ne pense pas être prête à récupérer de si tôt… *

Mais, au lieu de la plonger dans un nouveau temps de déprime, Alma est surprise de découvrir que ça semble lui aller. D’abord parce que ça repousse un problème à régler. Mais aussi parce que ça lui simplifie la vie. Et elle a besoin de reconsolider sa base avant de reconstruire des choses plus merveilleuses mais plus compliquées à gérer.

(clap clap clap !)

Pourquoi on l’aplaudit ? Alma accuse un temps de retard avant de comprendre. Ca lui parait si loin ce combat contre l’idiot au poison. Alors que non. C’est encore très frais pour tous ces étudiants et habitants de la ville. (sa ville ? Non. Pas encore.)

« Je, non. Liliane ne mangera pas ici ce soir. Elle est… occupée. Et puis, je suis là disons pour affaire professionnelle. »

Le propriétaire n’a pas pu s’empêcher de remarquer que la petite amie de leur sauveuse n’était pas là. Son visage a également clairement exprimé pendant une seconde l’incompréhension de voir Alma au bras d’une autre. Certes, il y a une distance entre les deux femmes et rien n’indique qu’il y a relation amoureuse entre les deux. Mais le propriétaire tient un restaurant. Quoi de plus normal que d’être plongé dans un monde de commérage ?

« C’est moi qui paie. Alors explose-toi la panse, Akane. On va dire en récompense pour le service que tu m’as rendu tout à l’heure. »

L’estomac d’Alma s’est réveillé lors des dernières minutes du trajet. Mais maintenant qu’elle est assise dans la banquette du restaurant (faisant un coucou ; donnant un sourire ; répondant à une question idiote), la faim n’est plus son intérêt premier. Ce sont les costards-cravates. Alma n’a rien préparé. Elle ne sait pas de quoi on va lui parler. Est-ce qu’elle aurait dû préparer des arguments ? Peut-être qu’elle aurait dû faire en sorte de voir Giana AVANT ce rendez-vous et non après comme elle l’a prévu.

*Puis merde ! On va gérer ça comme je le peux. De toute façon, mon caractère ne va pas changer d’un claquement de doigts. J’ai effectivement buté l’autre sorte de super-vilain devant un max de témoins. Comment ça pourrait tourner mal ? *

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Waouh. Juste : waouh. Alma n’en revient pas. Tous ces gens qui parlent pour elle. Et ils parlent tous d’elle en BIEN ! C’est presque… dérangeant. Malaisant. Elle n’est tellement pas habituée à ce qu’on la complimente. Certes, Liliane avait commencé ce travail. Mais il y a une énorme différence entre recevoir des compliments d’une seule personne qui vous connaît et qui (douleur au cœur !) vous aime (ne pas se concentrer sur cette partie maintenant !) et recevoir des compliments d’une foule d’inconnus.

Super-héroïne. Protectrice. Alma se redécouvre à travers les yeux de tous ces gens qu’elle ne connaît pas. Elle qui n’avait entendu parler d’elle que sous le titre de « Sainte aux plantes » et qui devait monter au classement des « cultes ». Elle croyait qu’elle devait trouver sa place en devenant une leadeuse de sectes ou associés. Il y a d’autres possibilités. C’est comme dans sa vie personnelle, en fait. Il y a le sexe et l’amour (nouvelle douleur au cœur !). Il y a la violence et la tendresse (il faut vraiment qu’elle arrête de penser à des trucs qui lui font penser à Liliane…).

Par comparaison, Marischka est née comme un vulgaire caillou de couleur sang. Mais peu à peu, elle se découvre comme une pierre précieuse et polie. Capable de reflets et de milles subtilités de couleurs. C’est… perturbant. Mais extrêmement encourageant !

Alors elle se lève d’un seul coup maintenant que les costards-cravates sont partis !

« MERCI ! Merci à vous tous ! Il y en a énormément parmi vous que je ne connais pas. Je suis désolé. Mais sans vous, je… Bref : MERCI ! »

*C’est bien. Il ne faut pas trop que je parle. Je suis mauvaise à ça. J’aurai surement dit de la merde à un moment ou à un autre. Et… *

Nouvelle pensée. Dérangeante. Si Alma a soudainement le vent en poupe, c’est parce qu’elle a dézingué le pseudo-super-vilain. Sans lui : pas de notoriété. En fait, c’est comme les « vrais » super. Sans leur Némésis, ils ne sont rien. Alors… Alma est obligée d’envoyer un SMS à Maman Shayne qui complote toujours dans son dos et lui prépare 1001 épreuves. SMS : « Est-ce toi qui m’a envoyé l’autre débile qui me forge une réputation de super-héroïne ? » Mais Alma n’y croit pas trop. Elle est passée trop près de la mort. Shayne avait trop à y perdre. Alors elle envoie de suite un deuxième message. Deuxième SMS : « Je suis donc en train de me demander. Est-ce qu’il faut que je me créer des Némésis à tuer de temps à autre pour rappeler à mes, à tous ces gens que c’est moi leur protectrice et super-héroïne ? » Une pensée étrange. Orchestrée des batailles à mort pour gagner en popularité comme des matchs de catch chorégraphiés.

Alma se rassit. Elle donne un dernier sourire, un dernier coucou de la main et un poing levé en l’air avant de se reconcentrer sur son assiette. Et sur Akane.

« Merci. Merci à toi de t’être dressée entre moi et eux. Je sais que c’est ton « travail ». Mais je sais aussi que notre relation est plus que ça. Sera plus que ça. Après tout, on est toutes les deux les seuls réfugiés de notre monde de merde. Ça créer un lien unique. »

Le programme maintenant ? Finir de manger. Donner des forces à sa garde du corps. Puis retrouver Giana. Elle doit reparler d’elle et de son futur. Et clairement, si Alma en doutait encore, Giana est plus que compétente pour lui trouver des solutions. Elle doit redéfinir qui elle est, son image, son lien avec son culte, avec sa ville, avec son statut de super-héroïne. Doit-elle en devenir une ? Avec un costume et tout ? Et (mais ta gueule, foutu cœur ! On a dit qu’on esquivait le sujet de Liliane pour le moment. Tout le reste doit être réglé avant...)

(…)

(Et si tout le reste prend trop de temps et que Liliane refait sa vie entre temps ? Sans Alma ?...)

(…)

(TA GUEULE !... Snif. Ta gueule… … …)

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize. 

Je me contente de lui répondre « rien de ce qui vaut la peine ne s’acquiert sans effort ». Autrement dit : non. Je n’ai rien à voir là-dedans. Et comment elle peut penser que j’aurais fait une telle chose? Ou penser à une tactique si ridicule? Enfin non. Pas ridicule. Mais il y a quand même un énorme risque à « arranger » un combat. À arranger les choses. Que la vérité soit découverte. Qui a dit ça? Qui a dit comme avec Liliane? Alors à toi je te réponds : ta gueule. Juste ta gueule. Tu ne sais pas de quoi tu parles et il y a CLAIREMENT une ÉNORME différence. La discussion est close. On change de sujet. MAINTENANT. Alma, donc, est encore sur son nuage, aimée des gens dans le restaurant. Pouvant goûter aux fruits de ses efforts sans dépendre de fanatiques. Elle ne va pas devenir une super héroïne, ne soyez pas ridicule. Mais une protectrice de la ville…

Protéger peut prendre bien des formes. Les super héros sont trop… Gentils. La plupart refusent de tuer leur ennemi. Batman et le Joker, par exemple. J’ai toujours dit que c’est pour justifier ce qu’ils font. Plus de Joker, contre qui Batman va se battre? Mais Alma n’est pas et ne sera jamais comme ça. Elle vient d’un monde où elle sait ce qui arrive si vous laissez votre ennemi vivre. Lui ne vous donnera pas la même courtoisie. Mais bon. Ce n’est pas trop le temps de penser à cela. Alma mange. Akane engloutit. Clairement, si Alma dit à sa garde du corps « C’est moi qui paie. Alors explose-toi la panse, Akane. On va dire en récompense pour le service que tu m’as rendu tout à l’heure. », Akane ne va pas se gêner. On pourrait penser qu’elle ferait preuve de retenue pour les finances d’Alma… Mais apparemment non. La garde du corps est encore sauvage, au risque de se répéter.

Elle est suffisamment… Dressée… Domestiquée… Pour comprendre qu’elle sert Alma désormais et qu’elle n’a pas le droit de la tuer. Oh elle mange proprement, elle se lave régulièrement et n’a rien d’une chose sale vivant dans un environnement négligé. Mais elle a encore la mentalité de « manger quand on peut car on ne sait pas si on va manger demain ». Et Akane mange beaucoup. Garder cette prodigieuse machine de muscles et de puissance brute fonctionnelle demande du carburant. Non qu’Alma ira s’en plaindre, elle a eu quelques heures pour en admirer l’efficacité. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, Akane n’est pas exclusivement carnivore. Elle préfère la viande mais il y a une généreuse portion de légumes également. Au commentaire d’Alma sur son intervention et sur ce qu’elles sont, la garde du corps se contente d’un grand rire et de lever le pouce.

Alma ne sera pas à la tête de la plus grande ville des États-Unis ou la plus prospère, c’est vrai. Elle n’a pas une ville au nom unique. Il y a énormément de villes qui s’appellent Franklin. Mais est-ce qu’elle a besoin d’une ville comme Washington D.C. ou New York pour être satisfaite de ce qu’elle a construit? C’est l’erreur de plusieurs chefs de culte. Voir trop grand par arrogance. Alma est là où elle peut faire une vraie différence. Plus la ville est grande, plus il y aura des forces pour s’opposer à elle. Le gouvernement. La grande industrie. Les lobbies. D’autre cultes…  Cette ville est bien située. Elle a accès à l’eau. Elle a accès à des terres agricoles. Et il y a même une grande forêt. Et je ne lui ai pas dit mais le sol regorge de ressources minérales cachées… Si vous vous donnez la peine d’investir et de creuser. Ce n’est pas une corne d’abondance… Mais cela peut clairement être davantage développé.

« Ils sont cons, quand même, les types du gouvernement. Au lieu d’essayer de se faire de toi une alliée, ils ont cherché à t’intimider. Et puis tout le monde le sait, les super héros majeurs ne s’intéressent pas aux petites villes. Moins de public. Moins impressionnant. Qui va vraiment applaudir si les journaux disent : Superman sauve la ville de Trouperducity, dix mille habitants? Non. Ils veulent des grands noms. Los Angeles. Las Vegas. Chicago. New York… »

Alma ne parvient pas à se représenter des villes comme celles que vient de citer Akane. Combien de temps lui faudrait-il pour traverser New York d’un bout à l’autre ? Trente minutes de plus que sa ville ? Deux fois plus ? Dix fois plus ? Elle n’en sait vraiment rien. Et puis, elle se demander si Akane pense à autre chose avec son commentaire. Alma la regarde manger. Non : engloutir. Cette femme est une brute. Elle fait les choses de la manière la plus directe. Si elle avait eu quelque chose à lui dire, elle lui aurait dit.

« Je sais bien que je ne devrais pas penser à ça. Pas tout de suite. Mais ça me fait chier de penser que je n’ai pas les épaules pour avoir une de ces grandes villes. J’ai l’impression que ça fait de moi une sorte de second rôle qui ne pourra jamais briller sur le piédestal. »

Maîtriser son égo. Ne pas chercher à atteindre des objectifs inatteignables. Ne pas se mettre à psychoter pour ce genre de sujet qui ne mérite pas que ça l’épuise mentalement. Et ne pas (toujours) se jeter sur la machine sexuelle en train de faire le plein devant elle.

*Être positive. Penser de façon à avancer. Même si ça paraît ridicule. Même si on dirait un pas de bébé sur une distance de marathon. *

« Ca t’intéresserait d’aller visiter New York avec moi ? »

Maintenant qu’elle y pense, Alma a soudain l’impression de vivre dans une prison à ciel ouvert. On ne lui a jamais dit qu’elle ne pouvait pas sortir de Franklin. (c’est marrant ça aussi, parce que pendant un très long moment, elle aurait été incapable de donner le nom de la ville dans laquelle elle apprenait à vivre…) Bref, Alma se fait la réflexion que personne ne lui a jamais interdit d’aller voyager. Pourquoi ? Est-ce qu’elle va psychoter en hypothésant qu’elle a été manipulé ? Non. Il ne vaut mieux pas penser à ça. Alors elle se persuade que ça venait d’elle. Elle n’avait goût à rien. Alors un endroit ou un autre ? Tous pareils et rien d’intéressant. Mais aujourd’hui. Aujourd’hui, Alma n’est plus la même. Et elle sort d’un épisode traumatique. Pour le moment, elle est animée d’un second souffle. Peut-être que voyager est une bonne idée.

« Je n’ai aucune idée de ce que j’irais y foutre. Pour commencer, je crois que je la traverserais en moto d’un bout à l’autre. Vu que c’est la question qui m’a amené sur cette idée. Ensuite, on pourrait aller manger si tu veux. Voir si la nourriture dans une grande ville est meilleure qu’ici ? Après, j’en sais rien. Faire quelque chose en rapport avec nos Domaines ? Genre visiter un parc animalier pour le Rouge et Central Parc ou je ne sais pas quoi pour le Vert. Je n’en sais rien. Peut-être que je suis en train de blablater pour rien dire. De toute façon, je n’ai plus rien de prévu depuis que… Alors, vu que je suis privée de danse, peut-être qu’on pourrait s’essayer à un club de strip-tease à New York ? Ca t’intéresserait ce genre de truc ? »

Jeannie incarne :


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Est-ce que ça m’intéresse… Pas forcément. Veilles habitudes, tu vois. Si tu t’absentes de ton territoire, quand l’alpha n’est plus là, les opportunistes pointent le bout de leur nez. Tu n’es pas encore la maitresse de Franklin et tu sais que ces connards du gouvernement sont mécontents parce qu’ils ne peuvent pas t’intimider. Qu’est-ce qui les empêcherait d’envoyer un de leurs précieux supers ici?

Après, si tu me dis une fois que tu auras fermement établit ton contrôle, c’est une autre histoire. Là c’est envisageable car tu auras des gens pour veiller sur ce qui t’appartient. Quitte à mourir en le défendant. Et si tu veux un strip tease, je peux t’en donner un. J’ai un corps musclé, d’accord. Ça ne veut pas dire que je ne peux pas être plus sensuelle si je le désire. Si ça t’intéresse. Peut-être que tu veux découvrir ce côté d’Akane? »

Comptez sur Akane pour dire ce qu’elle pense, sans filtre, et proposer, sans honte. En effet, laisser Franklin sans surveillance à ce stade-ci des choses pourrait s’avérer risqué. Sur ce point, Akane a parfaitement raison. Après, si Alma veut vraiment aller à New York, elle PEUT le faire. Rien ne la retient ici. Je ne la retiens pas ici. Je ne lui ai jamais ordonné ou imposé de rester ici non plus. Elle est libre d’aller et venir à sa guise. Le seul problème c’est que techniquement Alma n’a pas de papiers pour voyager. Elle n’existe pas dans les bases de données du gouvernement. Une fois qu’on vous fiche là-dedans, c’est pour toujours alors… Tout ce qu’elle va acheter devra être payé cash, par exemple. Et New York, ce n’est pas la porte d’à côté. On me dira que tout est relatif, c’est certain, mais… Dans ce cas-ci, cela se prouve avec un itinéraire complet et des données concrètes.

Franklin, enfin, cette Franklin est plus dans le centre des États-Unis et proche de la frontière avec le Canada. Donc, ce n’est pas comme se rendre dans la ville d’à côté. En moto, c’est clairement plusieurs longues heures sur la route. On parle d’une bonne journée de trajet facilement. S’il n’y a ni trafic ni construction, il va de soi. Autrement dit, ce ne sera pas un allez retour rapide d’une part et d’autre part, il faudrait rester au moins quelques jours pour que le trajet veille la peine. Trois à quatre jours minimum. Alors disons une semaine loin de Franklin… Il peut s’en passer des choses, en une semaine. Mais encore une fois, c’est à Alma de prendre ses décisions. Les bonnes comme les mauvaises. Cela fait partie de son apprentissage. Elle a vu la vision que j’ai de son futur. À elle de voir comment rendre ce dernier réalité. Je ne serai pas toujours là pour lui sauver les fesses, ça c’est certain.

Et il y a l’autre point soulevé par Akane. Elle. Qui fait un strip tease. Assurément, elle n’aura pas cette étincelle artistique, cette brillance qu’aura Liliane ou cette sexualité qu’elle peut dégager… Mais en même temps, voir quelque chose de plus… Physique? Ou assurément différent… Pourrait titiller la curiosité de la sainte aux plantes. Ou peut-être qu’elle sera sage et qu’elle veut vraiment que son premier strip tease soit celui de Liliane. Difficile à dire, considérant que le contrôle n’a jamais été la force de ma fille adoptive. Et ne sera peut-être jamais son point fort non plus. En même temps, une faiblesse n’en est plus vraiment une si on sait qu’elle existe et qu’on travaille à la corriger donc c’est à son avantage, en quelque part. De toute façon, Akane n’a pas encore finit de manger donc… Rien ne va se faire dans la seconde, sauf si Alma l’ordonne…

« Je… »

Alma réfléchit à la proposition de strip-tease d’Akane. Oui, une partie d’elle le veut. On lui a proposé : alors elle veut le prendre.

« Non. Je ne veux pas découvrir ce côté d’Akane. Pas que je ne veux pas, mais je ne veux pas commencer à complexifier les choses. Pas maintenant. J’ai besoin de… stabilité. Voilà, oui. Donc je veux une Akane bourrine. Brute. Physique. Je ne sais pas comment le dire bien. Et je pense que tu te fiches que je trouve le mot politiquement correct. Bref, tu as dû me comprendre. »

Ce problème réglé, Alma recommence à penser au fait de sortir au-delà de Franklin. Pour être honnête, la question des papiers ne lui traverse pas du tout l’esprit. Elle se fait plutôt la réflexion qu’elle s’est emprisonnée toute seule dans cette ville. A vouloir devenir quelque chose qu’elle n’est pas, elle s’est créer des contraintes. Elle pourrait presque voir des chaînes qui la retiennent dans un certain périmètre…

« J’ai failli me faire avoir. Enfin, ce que je veux dire c’est que ton raisonnement quant au fait de sortir est bon. Le côté alpha, surveillance, tout ça. Je peux le comprendre. Mais dans le fond, je… putain, ça me fait chier de l’avouer à voix haute : je ne suis pas cette alpha. La cyborg me l’a assez répété. Je ne suis pas la propriétaire de cette ville. Oui, je dis toujours « ma » ville. Mais la vérité ? Je ne suis qu’une personne parmi des milliers ou des millions de gens ici. Oui, j’ai ma petite popularité qui grimpe ici et là. Mais je ne suis pas du tout cette alpha. »

Alma avait abandonné l’idée de road-trip. Mais elle revient ! Oui, elle est quasiment certaine maintenant : elle va partir. Alors elle se demande si elle devrait envoyer un SMS à Liliane pour la prévenir. Pour ne pas qu’elle s’inquiète. Sauf que si Liliane lui répond… Non. Elle ne va pas lui envoyer de message. Si Liliane lui répond, elle va retomber dans ses schémas précédents. Cette idée de voyage est justement intéressante parce qu’elle cherche à se redéfinir : à évoluer.

« On va partir. Oui, c’est décidé. Et tu sais quoi ? S’il y a un opportuniste, un glandu ou un super qui commence à faire son affaire dans ma ville pendant qu’on s’est absentées ? Je dis que ce sera une bonne occasion d’en profiter. Soit dans les ombres et c’est toi qui t’amuseras à lui refaire le portrait de tes poings. Soit ce sera moi et ça me fera une publicité supplémentaire dans le sens où je deviens la protectrice de Franklin. Ouais, en fait, c’est tout bénef’. »

SMS pour Giana : « Je pars en voyage. A priori pour New York. Si tu as des propositions de choses à faire, à voir, à manger là-bas : je prends. » Est-ce qu’elle doit envoyer un message à Maman Shayne ? Nul doute qu’elle sera rapidement au courant. Mais, oui, la meilleure chose à faire est tout de même de communiquer. SMS pour Shayne : « Je pars pour New York. J’ai besoin de voir autre choses. Je crois que c’est important pour mon développement. » Puis elle décide d’envoyer un second SMS à Giana : « Je n’ai rien dit à Liliane. Je ne peux pas la prévenir. Ce serait sympa de garder un œil sur elle. Ce n’est pas un ordre, je sais que tu n’es pas sous mes ordres. Alors, voilà. Je ne sais pas si c’est la bonne façon de faire. Je crois que c’est assez politiquement correct. Je ne sais même pas si « politiquement correct » est la bonne expression à utiliser ici » Il n’y a même pas de point pour finir la phrase. Parce qu’Alma a réalisé qu’elle commençait à blablater dans le mauvais sens.

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Si Alma était « excitée » à l’idée de partir en road-trip (attention, elle s’attendait à des déceptions plus qu’à faire de grandes découvertes), soudainement, elle devient blême et immobile. Ce SMS qu’elle vient de recevoir… Pourquoi maintenant ? Pourquoi alors qu’elle avait pris sa décision ? Elle devait fuir quelques jours et revenir. Elle ne… peut plus ? Alma fuit alors. Elle sort précipitamment de table sous le regard d’Akane et rue dans les toilettes. Elle se jette pour finir agenouillée par terre et rendre ce qu’elle vient de manger. Le pire ? Elle sait que ce n’est pas encore fini. La partie vomissement, mais aussi la partie Liliane. Elle ne pourra échapper à aucun des deux. Les deux la font attendre en sachant qu’elle va souffrir encore un peu. Souffrir jusqu’à affronter le problème. Jusqu’à se vider complètement avant de retrouver une stabilité.

Agenouillée, on pourrait presque croire qu’elle lance une prière à un dieu quelconque. Mais quel genre de déité reçoit un message quand l’autel est des chiottes ? Alma en serait presque à pleurer, à régresser à l’état de vulgaire adolescente déboussolée. Mais elle ne peut pas se le permettre. Elle ne peut plus depuis qu’elle a vu Alma Prime.

*Il y a un chemin. OUI, c’est ça. Il existe un futur où je réussis à concilier tout et à garder Liliane. Ce n’est qu’une épreuve. Ce n’est qu’un SMS. *

Alma crache une dernière fois, se relève et va se laver les mains. Elle s’asperge également le visage d’eau fraîche avant de se regarder dans le miroir. Elle a peur, c’est certain. Mais son regard a retrouvé son intensité.

SMS pour Liliane : « Où et quand ? »

De retour à sa table, elle reprend place face à Akane. Etrange comme elle ne perçoit plus la puissance brute et aphrodisiaque de la géante. Les subtilités d’un potentiel strip-tease ont été effacé de sa conscience. Akane est redevenue la garde du corps. Les pensées d’Alma tendus vers Liliane.

« Fini de manger. Rapidement. Il va falloir partir. Et pas pour New-York. »

Son ton n’est plus celui de la conversation. C’est celui d’une alpha qui désire se faire obéir et qui a une tâche à accomplir. Maintenant ? Alma attend la vibration fatidique. Elle n’a plus lâché son téléphone portable qu’elle tient fermement serrée dans sa main.

*Partir combattre l’estomac vide. Ca faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivée. *

Parce qu’elle ne se fait pas d’illusions. Parler avec Liliane sera douloureux. Il lui faudra être concentrée pleinement. Réfléchir à chacun de ses mots et ne pas laisser les silences se retourner contre elle. Mais en est-elle capable ? Et quelle est la réponse ? Laisser la volonté de Liliane la dominer ? Ou faire d’elle sa chose comme Akane le lui a proposé ? Non, il doit exister une troisième voie. Il va lui falloir la trouver !

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Alma n’était déjà pas bien à l’idée d’affronter Liliane. Mais les circonstances du rendez-vous poussent le compteur de son anxiété encore plus loin… Elle n’aime pas sentir le chronomètre lui gueuler à l’oreille qu’elle n’a plus le temps de réfléchir. Ce n’est pas non plus facile de se poser quand, en levant les yeux, on découvre une pure femme d’action en la personne d’Akane. Donc quoi ? Quoi ? Et bien forcément de la prévisibilité. Comment Alma pourrait faire autrement que payer l’addition, donner l’adresse à Akane (et oui, elle n’a pas sa moto. Nul besoin d’en préciser la raison) et se laisser conduire au point de rendez-vous.

*Pourquoi elle veut me rencontre dans une église ? En plus, c’est un lieu abandonné. Et puis, on y n’est jamais allé. Je pense même qu’elle ne m’en a jamais parlé. *

« MERDE ! Fait chier. »

L’anxiété grimpe et Alma ne peut pas s’empêcher de donner un coup de pied dans le plancher. Qu’est-ce qu’elle doit faire ? QU’est-ce qu’elle peut faire ? Absolument rien. Elle est obligée d’attendre d’avoir atteint sa destination. Parce qu’impossible de demander à Akane de la baiser. D’un, parce qu’elle conduit. De deux, parce que ça ne doit pas devenir une habitude. Et donc une forme de drogue à l’avenir. Alma Prime n’était pas asservie par ce genre de drogue. Elle doit se fier à son modèle.

*Ca ne sert à rien d’y réfléchir de toute façon. Alors, le mieux que je puisse faire, c’est… de ne rien faire. *

Alors Alma regarde le paysage. Elle essaie de juste regarder le paysage. Ne pas réfléchir. Ne pas… psychoter…

« Mais bordel ! Pourquoi elle veut me faire subir ça ?! Je dois vraiment la dresser comme tu me l’as dit ? Non. Ne me réponds pas. Ce n’est pas la solution. Je sais que ce n’est pas la solution. Il ne faut pas… »

Pauvre petite Alma. Ton Soleil te fait tant souffrir, n’est-ce pas ?

« Tu resteras dehors. C’est une conversation que je dois avoir avec Liliane. Juste entre elle et moi. Si tu es là, nous ne nous parlerons pas comme nous le devrions. Même si ce n’est pas le genre de conversation que je veux savoir… Bref ! Tu restes dehors et tu ouvres l’œil. Une partie de moi ne peut pas s’empêcher de penser que c’est un piège. Ça serait tellement plus simple que ce soit un piège. J’en viendrais même à vouloir que Liliane ait été kidnappé. On aurait qu’à faire couler le sang. Je revêtirais mon rôle de protectrice et… Non. Je dois arrêter de rêver. Chier… Chier chier chier… »

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Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Akane se contente de répondre d’un grognement. C’est toujours libre d’interprétation, d’une part et d’autre part, elle n’a pas envie de débattre avec Alma. Sa protégée n’est pas dans un état mental, en ce moment, pour écouter un argument rationnel. Elle a juste besoin qu’Akane conduise et laisse entendre qu’elle écoute ce qu’Alma dit. Tant que le cerveau d’Alma a l’impression que ce qu’elle dit n’est pas dans le vide, comment Akane « formule » sa réponse est sans importance. En moins de temps qu’Alma voudrait et quelques grognements plus tard, elles sont arrivées à destination. C’est une église tout ce qu’il y a de plus classique, en fait. Rien qui sorte de l’ordinaire, ce n’est pas une gigantesque cathédrale gothique comme Notre Dame de Paris ou quelque chose d’extravagant. C’est juste… Une église abandonnée. Le banal de la chose est presque…

Insultant? Pourquoi Liliane voudrait la rencontrer ici? En tout cas, la blonde n’est pas venue toute seule. Assise sur les marches se trouve une autre blonde. Abigail. Qui regarde Alma. Et si Abigail ne parle pas, son regard accusateur en dit long. Si seulement Liliane avait eu cette réaction au lieu de rester calme, n’est-ce pas, Alma? Elle pointe Alma puis la porte et ensuite Akane et l’escalier où elle se trouve. Alma peut entrer. Akane doit attendre dehors. Quand Alma entre dans le bâtiment, elle se rend compte que bien qu’abandonné, quelqu’un a pris le temps de tout vider à l’intérieur. Il n’y a plus de banc, de mobilier ou autre. Juste un grand bâtiment vide et une sorte d’autel qui n’a pas pu être déplacé car en pierre donc personne ne s’est donné la peine de déplacer cette masse de roche taillée qui ne sert à rien, vraiment. Normalement, on s’attendrait à le voir recouvert d’un morceau de tissu.

Et dessus, des icônes religieuses ou des objets du culte, ce genre de choses. Mais non, il n’y a rien de cela. Juste une masse de pierre relativement lisse. Quand il fait soleil, les rayons passent au travers du vitrail pour l’illuminer. Dans cette nuit avec une lune visible dans le ciel, l’impression n’est pas la même. Alma étant Alma, je suis presque certaine qu’elle n’a pas encore deviné pourquoi elles sont ici spécifiquement. Moi? Évidemment que je sais. C’est moi qui ai mis, ou plutôt fait mettre, ces souvenirs dans la tête de Liliane. Et qui ai fait le nécessaire pour que sur place, il reste une « preuve » de ce qui s’est passé. Vous avez oublié? Liliane n’existe pas naturellement. Son passé est ma création. Et pour lui donner de la crédibilité, il a fallu créer un certain nombre de choses autour d’elle. Avant même qu’Alma puisse dire quelque chose, Liliane s’est retournée vers elle.

« C’est sur cet autel qu’on a tenté de me sacrifier. Bon, ce soir-là, il y avait énormément de croix inversées et un pentacle mais soit les cultistes, soit les autorités ont tout enlevé. Tout sauf la marque du couteau sacrificiel dans la surface de cet autel. Quand ils ont tenté de me poignarder et de me sacrifier à je ne sais quel démon ou créature. Mais qui, franchement, peut trouver de la logique chez les fanatiques, en fait? Hum?

Les fanatiques. Souvent plus dangereux que le chef de culte lui-même. Ils peuvent avoir l’air raisonnables ou calme mais c’est un masque. Tôt ou tard, leur folie finit par être visible aux yeux de tous. Des animaux sauvages à abattre. Des monstres. As-tu déjà été enchainée nue à un autel, Alma, à supplier pour ta vie en te demandant ce que tu as bien pu faire pour mériter cela? Un des cultistes qui m’a attaché? Pendant deux ans, jour après jour, je lui amenais un sandwich et un café le matin. Un sans-abri.

Et il n’a jamais regretté son geste. Jamais hésité. Il s’est suicidé comme les autres, ultimement. »