Une journée de baise et de défonce avec Vaas : quelque part, c’était peut-être bien ça, le bonheur. L’alcôve qu’ils parvenaient à construire autour d’eux commençait à lui être précieuse ; sentiment qui l’apaisait autant qu’il l’effrayait. S’attacher, ça lui faisait toujours un peu peur – et c’était probablement le lot quotidien des membres de la pègre. Là où Vaas faisait la différence, c’est qu’il était fait du même cuir qu’elle : ils étaient tous deux assez durs à buter.
Pour être la plus somptueuse des
lady, elle s’était fait livrer des vêtements – un beau tas de vêtements. Il s’agissait de ceux qui avaient survécu à la destruction de sa planque ; du moins, de ceux qui dormaient, jamais portés encore, quelque part dans un coffre oublié dans une cave. Shin possédait des tonnes de vêtements, et en portait à peine la moitié ; aussi gardait-elle précieusement dans des coffres en acajous remplis de morceaux d’ambre, de oud et de santal ces tenues fantasques qu’elle ne sortait qu’à une seule occasion. Par ailleurs, cette occasion était également celle de les détruire ; bien souvent, ces tenues de lumière ne survivaient pas aux soirées où elle les portait, finissant ici à moitié brûlées, là tachées – et généralement arrachées.
Là, dans la chambre d’Aleksei – il serait bien incapable de reconnaître cette pièce vu le bordel qu’elle y mettait – elle les essayait devant Vaas, affalé sur le lit. Shin avait, à plusieurs reprises, demandé son avis, mais son amant n’était pas de bon conseil. Lors de chaque essayage, c’était une énième variation sur un même thème : « je veux te baiser dans cette tenue ». Alors, certes, ça flattait son ego, mais ça ne l’aidait guère. L’heure approchait, et il lui fallait trouver une tenue qui brûlerait les regards en s’imprimant sur les rétines.
Shin pianota sur un ordinateur qui traînait, faisant résonner dans la chambre une
musique qu’elle affectionnait, avant de se ruer sur un tas de vêtements, une clope au bec.
Un sourire ravi se mit à éclore sur ses lèvres quand elle mit la main sur ce qu’elle cherchait – et une fois sa tenue enfilée, elle put constater dans le regard brillant de concupiscence de Vaas qu’elle ne s’était pas trompée.
Aussi, c’est bien une Lady Shiny brillant de mille feux qui entra dans l’arène. Sous un vaste manteau de fourrure d’un blanc immaculé – ce blanc virginal qu’elle portait avec un plaisir ironique – , ce genre de manteau trop grand qu’elle rejetait derrière ses épaules afin de les dénuder, elle arborait une robe noire dont le décolleté laissait entrevoir son tatouage. Cette robe qui moulait parfaitement son corps était (bien évidemment) courte, dévoilant deux porte-jarretelles en cuir qui, enserrant délicatement ses cuisses, retenaient deux bas résilles. Aux pieds, elle portait ces sortes de grosses
boots qu’elle aimait tant, en cuir, compensées. Pour compléter sa tenue, elle tenait un porte-cigarette doré au bout de ses doigts ; des doigts recouverts d’un gant d’un noir laqué qui remontait jusqu’à la naissance de ses coudes. Et, comme à son habitude, des colliers dorés tombaient en cascade sur son buste.
Bien évidemment, elle attira bien des regards. Même en cavale, elle aimait être regardée avec cette fascination et ce désir violent.
Lorsqu’elle s’installa dans sa loge avec Vaas, elle ôta les énormes lunettes de soleil qui lui mangeaient le visage, dévoilant son habituel
smokey eye imposant. Elle sortit de sa poche un rouge à lèvres, s’en remettant avec précaution, avant de se tourner vers son amant :
- J’espère que je suis bonne.
La manière dont il l’embrassa pour lui répondre ne souffrait aucun commentaire supplémentaire.
Et puis, le combat.
Durant toute la durée de l’affrontement, Shin n’eut d’yeux que pour Aleksei. Quand il entra, torse nu, elle sentit un incendie s’embraser sous sa peau. Putain ce qu’il lui donnait chaud. Avec l’attente, le désir avait atteint un degré assez élevé, le genre qui pouvait la rendre dingue. Elle passa tout le combat la bouche entrouverte, commentant chaque geste avec un gémissement – parfois déçu, lorsque le Russe était en difficulté, et très souvent ravi, lorsqu’il reprenait l’ascendant sur son adversaire. Elle acquiesça, silencieuse car fascinée, à la remarque de Vaas.
Tout, dans ce qu’il lui donnait à voir, nourrissait son appétit dévorant pour la violence. Était-ce la Terre qui l’avait corrompue, ou l’était-elle à l’origine, si bien qu’elle était faite pour s’épanouir sur cette planète ? Cette question restait sans réponse. Sa seule certitude, c’était ce qui pulsait sous sa peau quand elle regardait Aleksei combattre : un désir puissant, affamé d’exulter.
Aussi, alors qu’il se tournait vers elle, cherchant sa décision, Shin n’eut aucune minute de réflexion et aucun scrupule : abaissant son pouce, elle ordonna la mise à mort de l’adversaire – puis se reput de chaque seconde de celle-ci. Ce spectacle la frappait exactement là où l’excitation naissait. Sous son épiderme, un brasier la dévorait, la rendant impatiente de désir. Ce corps qui venait d’en brutaliser un autre,
elle le voulait avec une ardeur furieuse. Putain ce que ça l’enivrait.
Shin embrassa longuement Vaas avant de quitter la loge.
Quelques minutes après avoir quitté l’arène, alors qu’il était seul dans ce qui semblait une salle de repos – une sorte de vestiaire – Aleksei put sentir une odeur qu’il ne connaissait pas encore – ou, du moins, qu’il n’avait pas encore eu l’occasion d’associer à Shin : celle, chaude et pesante, du oud qui se mêle au bois de santal – une odeur qu’elle trouvait particulièrement sensuelle. Nul doute néanmoins qu’il reconnut la voix de la jeune femme. Derrière lui, appuyée contre l’encadrement de la porte, elle le regardait (ou plutôt, elle le dévorait du regard). Ah, elle avait bien essayé de se contenir, de faire un peu genre, mais c’était tout bonnement impossible.
- C’était donc ça, ce que tu me réservais, Aleksei, dit-elle, en écho à leur conversation de la veille.
Elle ne resta pas bien longtemps contre le mur, avançant d’un pas félin vers lui pour saisir une de ses mains ; une main dont les jointures, rougies par l’effort, étaient couvertes d’un sang même pas sec. Oh, elle restait encore à bonne distance ; une distance qui, en séparant leurs deux corps, instaurait une tension sourde entre eux. Dans les yeux qu’elle leva sur lui ensuite, il n’eut aucune difficulté à
lire cette excitation puissante qui l’animait. Elle leva son visage vers le sien, comme pour l’embrasser, mais se ravisa – juste pour le frustrer un peu, oui ; le sourire joueur qui se dessinait sur ses lèvres rouges en était la preuve.
- Peux-tu seulement te douter du sort qui t’attend à présent ?
En tête, circulaient en boucle les paroles de cette petite musique sur laquelle elle s’était habillée si
indécemment :
Closer I get
Can you resist?
It's relentless
It's why
I wanna feel the rush
I wanna taste the crush, I wanna get you going
I wanna lay you down
I wanna string you out, I wanna make you mine