The Multiversity

[Élise]

« Euh... Non, je ne tiens pas à le revoir, inutile de te donner cette peine ! »

Une réponse un peu trop précipitée, avec une certaine rougeur notable sur les joues. La jeune Aoife se mordilla doucement les lèvres. Femme au caractère trempé, elle avait toujours placé son sens du devoir et de l’honneur avant tout, ce dont ce vil Incube avait su profiter. Quand elle l’avait surpris en train de coucher avec cette femme, il était revenu la voir, alors qu’elle était dans une chambre, et ils avaient, effectivement, fait l’amour. En vain, elle avait essayé de le repousser, et, quand Shad avait glissé qu’il était un « très bon amant », elle avait songé à leurs ébats.

Ce diable d’Incube l’avait pris dans tous les sens possibles. Elle aussi, elle avait perdu sa virginité anale avec lui, et il avait continué à coucher avec elle, jusqu’à ce qu’elle s’effondre dans ses bras. Au réveil, l’Incube était parti, en laissant une rose rouge dans un grand verre. Aujourd’hui, elle conservait toujours cette rose, repensant généralement avec amusement à ce souvenir.

Shad désigna alors un panache de fumée visible au loin, et Aoife fronça les sourcils.

« Nous sommes dans une région sécurisée, des brigands seraient surprenants... »

Il ne s’agissait effectivement pas de brigands, mais d’une colonne de troupes militaires qui remontaient vers La Redonnière. Aoife et Shad s’écartèrent prudemment sur le côté, les laissant passer.

« Il va falloir s’habituer à ce spectacle, ma chère. »

La vision de soldats risquait en effet de devenir routinière ici.

*
*  *

Plusieurs jours après...

Les deux chevaux chevauchaient tôt le matin, après un voyage qui avait amené Shad et Aoife à se reposer dans des auberges. Partout, les informations sur le front se répandaient, et, avec effroi, Shad et Aoife avaient vu que les villages environnants s’étaient progressivement vidés, les villageois fuyant à l’annonce de l’arrivée d’araignées. Ainsi, après les soldats, elles aperçurent des colonies de réfugiés remontant vers les grandes villes du royaume. Les routes, cependant, n’étaient pas aussi sûres que ce qu’Aoife pensait, et, régulièrement, elles durent affronter des brigands ou des monstres.

Cependant, en approchant de Koldoue, Aoife eut une vision d’horreur.

Immense, des camps de réfugiés se dressaient tout autour de la ville, et les portes de Koldoue étaient closes. Aoife et Shad se mélangèrent aux gens, et comprirent vite que, devant l’afflux de personnes, la ville avait fermé les portes, et traitait chaque demande d’asile dans des camps insalubres.

« C’est ridicule, on ne va pas passer des semaines à attendre ! »

Elle avait beau être un chevalier de Lumen, ceci ne lui conférait aucun statut particulier, vu qu’elle n’avait, avec elle, aucun document officiel faisant office de passe-droits. Alors, Aoife et Shad commencèrent à se renseigner sur une certaine « Médonée ». Hélas, les officiers publics n’avaient guère envie de discuter, et la plupart des gens étaient des réfugiés désespérés. Aoife avança au milieu des tentes, voyant des lieux de culte dressés de manière sauvage, et finit par apprendre que certains gardes offraient des passe-droits.

« Toutes les garnisons sont occupées à surveiller les réfugiés, leur expliqua ainsi un sergent. Ceci fait que nous n’avons pas assez d’hommes pour sécuriser la région. »

Le sergent, qui les accueillit dans sa tente, leur parla ainsi d’un village abandonné, s’appelant Sarkith.

« Nos hommes soupçonnent qu’Éric-le-Bossu s’y est réfugié. C’est un criminel notoire qui dirige une bande de pillards. Des types dangereux, et peu recommandables. Alors, voilà mon offre... Rapportez-moi sa tête, et je vous filerais la prime qui pèse sur sa tête... Ainsi qu’un passe-droit. »

[Shad]

Une chasse à l’homme pour obtenir un passe-droit. Sur le coup, la Lycane avait surtout l’impression qu’on les utilisait pour faire la sale besogne, mais d’un autre côté, si elles avaient la possibilité de pénétrer dans l’enceinte de la cité sans attendre des semaines, mieux valait accepter l’offre qui venait de leur être offerte. Et puis, ce n’était pas comme si elles n’avaient pas eu de destination précise et qu’elles devaient chercher dans toute la région. Sarkith….Ainsi se nommer leur prochaine destination. La Louve observa attentivement la carte déployée sur la carte du sergent qui les avait accueillis dans sa tente, tentant de mémoriser une grande partie de sa topographie.  Et pendant ce temps, elle laissa Aoife régler les dernières modalités, suivant par la suite le chevalier en dehors de la tente. Se faisant, elle se tourna vers elle.

« Le village est à une demi-journée de marches. Je ne sais pas combien d’hommes se sont réfugiés là-bas avec ce fameux  Eric –le-Bossu  mais le fait qu’il y’ait une montagne sur l’un de ses flancs nous offres un petit avantage. Rien ne nous empêche d’utiliser les massifs pour les prendre par surprise, après…rien ne les empêche également d’utiliser ces derniers pour se replier et se terrer comme des rats. »

L’inconvénient avec les collines, montagnes et autres joyeusetés rocheuses, c’est qu’elles offraient bon nombres de possibilités. Aussi bien qu’en tant qu’attaque et d’embuscade qu’en tant que moyen de replis efficace. Marchant au milieu des réfugiés, la Lycane désigna d’un mouvement de tête le soleil qui finissait sa course dans le ciel, les tons crépusculaires remplaçant déjà peu à peu les couleurs du jours.

« On devrait peut-être nous arrêter une petite heure, juste de quoi manger rapidement avant de repartir. De plus, la nuit sera tombée d’ici là et le temps que nous arrivons au village, le gros des troupes devrait être quelque peu fatigué d’une nuit de garde. Après.. ce n’est qu’une simple hypothèse, après tout, le chevalier c’est toi. »

Et dans un sens, ce que la Louve essayait de faire comprendre à sa compagne de route était le fait qu’elle devait être bien plus apte pour élaborer un plan.  Sahd ne faisait que proposer quelques idées, rien de plus. D’un autre côté, repartir dans la foulée sans laisser les bêtes se reposaient un minimum serait également mal avisé. Les chevaux avaient presque galopaient la journée durant et devaient être à présent éreintées. De plus, cela ne faisait pas réellement longtemps qu’ils étaient à l’arrêt.  Autant dire que partir de suite risquait de tuer les bêtes à la tâche. A moins qu’on ne leur en prête d’autres mais cela…c’était fort improbable. Le regard de la lupine se glissa subitement vers le bracelet en forme de serpent qui entourait l’un de ses avant-bras. Cela pourrait  peut-être être une solution après tout…

« Je peux te proposer de faire appel à mon corbeau de l’effroi pour nous rapprocher de Sarkish le plus rapidement possible. »

Avoir une monture volante, ne voulait pas spécialement dire devoir l’utiliser à tout bout de champs. Surtout que la monture de l'Okami avait une certaine fierté que Shad essayait de préserver au mieux. Elle fut soudainement prise d’un doute :

« Au fait, nous avons une description physique de notre homme ? A moins que son titre «  le Bossu » en soit une à part entière. »

Car sur le coup, la Louve se voyait mal ramener toutes les têtes de ceux qu’elle aurait à combattre avec Aoife dans ce village abandonné.

[Élise]

Pour rejoindre Koldoue, les deux femmes n’avaient pas chômé. Elles avaient chevauché pendant des jours entiers, et leurs montures étaient effectivement fatiguées. Ainsi, quand Shad proposa de se reposer, Aoife ne fut pas longue avant d’accepter. Son regard se porta ensuite sur tous ces réfugiés. Koldoue était entourée par un lac, et les tentes se dressaient tout le long du lac, campements de fortune abritant des populations entières fuyant la menace arachnéenne.

« Je ne pensais pas la situation si dramatique… »

Lumen avait dû ressembler à ça, jadis, quand les Mijakiens avaient envahi la cité-État pour la première fois. Les récits historiques parlaient de dizaines de milliers de réfugiés fuyant les campagnes et villes externes de l’État pour se réfugier, soit directement dans la cité-État, soit auprès de forts annexes. Ce que ces habitants vivaient ici devaient être un peu similaires. Néanmoins, et malgré toute la compassion dont Aoife pouvait faire preuve, elle voyait bien les regards envieux de certains.

« Méfie-toi, Shad, ces gens sont affamés, désespérés… Nos chevaux doivent leur sembler très intéressants. »

Le chevalier lumenien s’avança donc, cherchant un endroit où parquer leurs bêtes, et finit par les déposer dans une écurie d’un des camps militaires, en compagnie d’autres chevaux. Inutile de vouloir espérer s’avancer dans le camp avec eux, et, comme Shad l’avait dit, elles avaient besoin d’informations avant de battre la campagne. Aoife ignorait tout du Bossu, mais elle espérait bien pouvoir dénicher des informations auprès des réfugiés… Et peut-être aussi des éléments sur les Arachnistes, ou sur Médonée.

Aoife rejeta donc le corbeau de Shad, du moins pour le moment. Et c’est suite à cela que les deux femmes quittèrent le camp militaire pour retourner le long des tranchées. Ces tentes hirsutes avaient été bâties le long du lac, formant des espèces de tranchées, de longues ruelles hérissées de tentes. Des vendeurs ambulants offraient n’importe quel bric-à-brac possible, de nombreux enfants faisaient l’aumône, des bébés pleuraient, des gens hurlaient, criaient… Une véritable fenêtre sur la misère sociale.

La jeune femme avançait donc, cherchant une sorte de lieu de vie, et finit par voir une construction plus importante que les autres, avec des murs en bois et un toit de paille.

« L’auberge locale… »

Aoife gravit les quelques marches y menant, et entra dans un endroit mal isolé, mal insonorisé, surveille, non pas par des gardes, mais par des hommes ayant tout de voyous et de bandits notoires. Quand Aoife entra, les regards se tournèrent vers elle, ainsi que vers Shad. L’aubergiste était un homme grand et élancé, chauve avec une mine patibulaire et des mains d’ours.

« Holà, étrangères ! Que venez-vous faire ici ? »

Le chevalier de Lumen tourna lentement sa tête, avant de s’avancer.

« Nous venons quérir des informations… Sur Éric-le-Bossu. »

Un frémissement silencieux sembla traverser la salle.

« J’ai vu ces nanas sortir du campement militaire, signala alors un homme sur le côté.
-  Que voulez-vous au Bossu ? »

L’issue de secours venait de disparaître ; les deux hommes montant la garde à la porte d’entrée se tenaient maintenant dans l’embrasure de la porte, et d’autres se levaient sur les côtés.

« Messieurs, il me semble inutile d’en venir aux mains…
-  Ah oui ? Et pourquoi donc ? avança alors l’aubergiste. Parce que les gardes ne laissent plus rentrer personne à Koldoue ? Parce que, sans l’intervention du Bossu, toutes ces familles dehors crèveraient de faim ? »

Aoife le regarda alors.

« Vous savez donc où il est ? On nous a parlé de Sarkith, et je… »

À côté d’elle, un homme se redressa subitement, tenant une bouteille de bière à la main, qu’il chercha à abattre sur le crâne d’Aoife. Cette dernière fut plus rapide, et tendit sa main, envoyant une onde d’Air qui souffla le malandrin, l’envoyant voler de l’autre côté de la table.

Ce fut le signal pour que les autres hommes s’élancent…

[Shad]

Les tavernes…Des lieux où bon nombres de personnes se regroupaient pour discuter autour d’une bière ou d’une toute boisson alcoolisée. On y trouvait souvent quelques informateurs pour qui savaient poser les bonnes questions. Et sur le coup, l’auberge où étaient rentrées les deux femmes semblaient bondée d’informateurs zélés. Le seul inconvénient était que ces derniers ne semblaient pas trop enclin à parler et peu après leur arrivée au sein de l’établissement, les deux femmes s’étaient misent toute la clientèle à dos. Toute ? Non. Un petit groupe restait dans son coin, ne semblant pas vouloir prendre part au combat qui commençait à faire rage. Quelques personnes dont la Louve nota la présence et qui lui fit éteindre les flammes qu’elles venaient de faire apparaître dans le creux de ses mains. Au contraire de la magie du vent utilisée par Aoife pour repousser l’importun, celle du feu risquait de faire bien plus de blessés et au vue des futures batailles qui s’annonçaient, mieux valait éviter le plus de perte possible. Surtout que brûler cet établissement lors de cette querelle risquait également d’être mal vu.

S’abaissant rapidement, la Lycane vit passer au-dessus de sa tête une bouteille en verre à moitié brisée qui alla tout simplement s’exploser contre le mur derrière elle. Les bris de verres qui jonchèrent le sol créèrent une zone à éviter pour quiconque ne portait rien d’assez résistant aux pieds. Et c’est sans vergogne que la Louve poussa l’un des hommes qui se trouvait être pied nu vers cette fameuse zone. Les cris de douleurs et les jurons ne tardèrent pas à jurer mais sautillant sur un pied et tenant l’autre de l’autre main, l’homme était hors d’état de se battre. Levant son bras pour bloquer une attaque,  Shad entendit crisser contre l’une de ses épaulières la lame d’un couteau qui avait eu pour objectif  une autre partie de son anatomie. Mais cet objectif ne fut pas atteint.  Pivotant sur elle-même pour assigner un coup de poing dans la mâchoire de son attaquant, la Louve remarqua au dernier instant qu’elle avait sorti sa lame dissimulée sous le poignet et que cette dernière allait égorger l’homme en face d’elle. Elle parvient à la rétracter juste assez pour ne laisser qu’une éraflure. Une légère blessure où le sang suinta mais qui ne serait pas mortelle. Son poing cependant frappa sa cible, juste de quoi lui faire cracher une ou deux dents.

Profitant du fait que l’homme porta une main à sa bouche meurtrie, la Okami chercha du regard Aoife. Mais dans ce tumulte, cela était loin d’être chose aisée.  Elle ne vit pas  un troisième homme qui s’approcha via son angle mort et qui abattit une bouteille contre son crâne. Le choc la figea une seconde sur place et du sang se mit à couler le long de son front, suivant l’arête de son nez, passant sur ses lèvres où une langue vint y récolter quelques gouttes avant de finir par goutter depuis le menton.  Ça faisait mal. Horriblement mal Et si l’Okami n’était pas plus résistante, ce coup l’aurait envoyé sucrer les fraises.

« Enfoiré… »

Qu’il y’a-t-il de plus difficile que de se battre contre des personnes voulant votre mort alors que vous, vous faites tout pour ne pas les tuer ? Et pour la Lycane, cela devenait difficile.  Depuis le début, elle s’efforçait de retenir ses coups pour préserver le plus de soldats potentiels qui pourraient se dresser contre Elise. Mais en réalité, elle avait du mal à faire cela. Il fallait aussi dire que cela faisait des mois que chacun de ses combats étaient ponctués par une mise à mort. De ce fait, elle avait pris quelque peu l’habitude de tuer ses adversaires quand ces derniers cherchaient à faire de mal avec elle Créant une boule de feu, elle l’envoya contre celui qui l’avait frappé mais la fit exploser juste avant qu’elle ne l’atteigne, la déflagration envoyant son assaillant contre un mur de plein fouet et l’assommant. Un regard rapide dans la salle et Shad put voir que bon nombres avaient encore des bouteilles en mains pour la plupart tandis que d’autres tenaient fermement dagues et autres armes blanches de petites tailles.  Un grognement s’extirpa du fond de sa gorge tandis qu’elle cherchait du regard le chef de l’établissement, ou du moins le barman, celui qui semblait avoir le plus d’informations à leur donner. Claquant des  doigts, elle créa une sensation de brûlure chez leur opposant, la réaction attendue ne se fit pas attendre. Par réflexe, leur main sursautèrent et les doigts s’ouvrirent, laissant  tomber leur prise au sol.

« Il est à toi Aoife ! »

En effet, leur cible n’était qu’à quelque mètre du chevalier et était à  présent désarmé comme tout le reste de l’auberge. La Louve comptait sur la rapidité du chevalier pour en finir rapidement et que cette querelle stupide qui leur fait perdre un temps précieux ne soit plus qu’un lointain souvenir. Gardant un œil sur la salle, l’Okami empêchait quiconque de ramasser son arme à terre, les tenants d’une certaine manière en joue. Mais surveiller toute une auberge n’était pas quelque chose de facile et plus vite le chevalier aurait atteint sa cible, mieux ça serait.

[Élise]

Il était fascinant de constater combien, alors qu’une menace terrible s’approchait, les humains pouvaient se montrer égoïstes. Élise et sa terrible armée d’araignées s’approchait à toute allure, il était impératif de retrouver cette Médonée, et Aoife se retrouvait à débusquer du brigand en affrontant des poivrots dans une auberge sinistre. Elle pouvait au moins voir le bon côté des choses ; tout ça lui donnait l’occasion de se défouler.

Du pied, elle frappa le ventre d’un des hommes, l’envoyant basculer sur une table ronde, qu’il renversa sur son poids. Un autre homme se rua vers elle dans son dos.

« Attends, salope, tu vas voir un peu !
-  Chope-là ! »

Aoife se retourna, bondit sur le côté, et fit tout simplement un croche-pattes, envoyant l’homme s’étaler sur le sol. Le troisième, devant elle, l’attaqua en hurlant. Du poignet, elle para son coup, et lui décocha un uppercut, entendant le nez de son adversaire craquer. Il fallait dire qu’Aoife portait des gantelets renforcés, et se battait en armure. Une armure légère, néanmoins, ce qui lui permettait des mouvements amples et précis. Shad s’en sortait aussi très bien contre ses adversaires. Les deux femmes étaient comme deux diablesses, affrontant des types ivres et plutôt maladroits.

L’un d’eux se rua néanmoins vers Aoife, et la saisit à la taille, envoyant la femme se renverser sur une longue table en bois, l’haleine de poivrot du type lui agressant les narines. Il saisit sa gorge, une lueur profondément vicieuse et malsaine dans le regard. Aoife attrapa un verre qui traînait sur la table, et le fracassa sur le crâne de l’homme, explosant l’objet dans des bris de verre qui firent saigner l’individu. Elle le repoussa, et un autre tenta de l’attaquer. Aoife attrapa son bras, et le fit passer par-dessus d’elle, l’envoyant se fracasser sur une chaise, qu’il brisa sous son poids. Elle attrapa alors une autre chaise, et s’en servit pour l’abattre sur le dos d’un autre type.

Shad intervint alors, et usa de sa magie, faisant chauffer les bouteilles, surprenant les truands. Aoife saisit bien évidemment l’opportunité, et fondit sur le tenancier, plaquant ce dernier au sol, un genou au milieu des côtés. D’une main elle tira ses cheveux en arrière, et, de l’autre, récupéra la dague du tenancier, l’appliquant contre sa gorge.

« Bon, on arrête les conneries, maintenant !
-  Okay, okay ! Putain, je me rends, mais je me rends, quoi !! »

Les hommes de main du truand semblèrent hésiter, et Aoife en profita.

« Alors, comment trouve-t-on le Bossu ?
-  Aaagh…
-  Tu crois que j’hésiterais à te tuer ?! »

Elle tira un peu plus fort sur ses cheveux, et la lame commença à rougeoyer. Des larmes de nervosité s’échappèrent des yeux du malfrat.

« La… La forêt ! Filez… Filez au bout du ghetto, et suivez le sentier qui remonte par la forêt. Vous… Vous arriverez à un croisement, avec… Une statue de l’Homme-Jésus. Prenez sur la droite, remontez jusqu’à une maison abandonnée… Ravagée après un incendie… Y a une putain de trappe… Vous y trouverez les hommes du Bossu.
-  Ah oui ? T’es sûr de ça, petit merdeux ?
-  Putain ! Putain, ouais, merde ! J’en sais pas plus ! Je rencontre les hommes du Bossu par là, le soir… Ils me fournissent en gnôle et en fisstech. »

Aoife hésita un peu, avant de se demander si elle n’avait pas trouvé un bon filon.

« Il y a des réquisitions, on est en quarantaine, comment le Bossu obtient ces marchandises ?
-  C’est pas un simple criminel, okay ? Il est très influent à Koldoue, merde… Il… Il se rapproche des réfugiés, il leur fournit ce dont ils ont besoin…
-  Il pourrait retrouver des gens ?
-  Putain, mais j’en sais rien, merde !! »

Aoife se tut pendant quelques secondes, puis poussa un grognement, et planta la dague dans le sol. Cette dernière se mit à vibrer pendant quelques secondes, puis la femme se releva, relâchant le corps endolori de son adversaire. Elle regarda néanmoins une dernière fois l’homme, puis les autres bandits, et esquissa un léger sourire.

« Les gars… Votre chef s’est fait dessus. »

Le chevalier sortit ensuite en compagnie de Shad.

La piste se poursuivait.

[Shad]

Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule afin de vérifier qu’aucun des hommes dans l’auberge ne tenterait de les assaillir par derrière, la Louve finit par hausser les épaules et reporté son regard vers devant, marchant aux côtés d’Aoife. Leur enquête avait porté ses fruits et elles avaient à présent une destination précise. Pourtant, cela ne plaisait pas réellement à la Okami. Certes le plus gros des troupes d’Elise étaient encore loin de leur position actuelle mais rien ne disait qu’elle n’avait pas envoyé quelques éclaireurs. Pourtant…c’était un risque à prendre. Pour le moment, elles étaient encore dans le ghetto, se dirigeant doucement mais sûrement vers l’orée de la forêt. Et outre les araignées potentielles, la menace la plus probable était une embuscade de la part des troupes du Bossu. Et cela s’il venait à être prévenu de leur arrivée. Mais au vue de l’état dans lequel le chevalier avait laissé le chef de l’auberge et de la bande s’y trouvant, cela était très peu probable. Cependant, le risque n’était pas à écarter.

« J’ai cru entendre que le Bossu était assez influant ici…et qu’il connaissait une bonne partie des réfugiés…penses-tu que l’on devrait en quelques sortes se lier à lui pour atteindre plus rapidement notre objectif ? Car nous ne savons pas si les gardes ont véritablement un registre des réfugiés et même si nous avons accès à la ville…Rien ne dis que trouvé Médonée sera facile. »

Suivre les directives des militaires et ramener la tête du bossu ou trahir ces derniers et conclure un marché avec le bossu ?  Pouvaient-elles seulement le faire d’ailleurs ? Soupirant, la Louve croisa ses mains derrière son dos,  pénétrant dans la forêt avec Aoife.  Tendant l’oreille, elle resta aux aguets, prête à réagir en cas de besoin, mais mise à part les bruits habituelles de ces environnements, il n’y avait rien de suspect. Elles arrivèrent finalement au croisement où la fameuse statue de l’Homme-Jésus était présente.  A droite. Voilà la direction qu’elles devaient prendre et c’est ce qu’elles firent, emprunté le nouveau sentier pendant plusieurs minutes avant d’arriver devant la fameuse maison abandonnée.

« Finalement…Il nous a pas menti….Pourtant pour une planque où il est censé avoir pas mal de mondes c’est bien calme. »

Trop calme même, et l’Okami n’appréciait pas réellement cela.  Posant sa main contre le pommeau d’une de ses épées, elle se mit à regarder autour d’elle, marchant doucement en direction de la maison calcinée. Poussant la porte qui émit un léger grincement, elle pénétra à l’intérieur, les planches de bois servant de plancher craquant et grinçant à chacun de ses pas.  Là encore personne. Après quelques pas, elle atteignit la fameuse trappe qui était étonnement entre-ouverte. Hors il était peu probable qu’un des hommes de Bossu ne fasse une erreur aussi absurde.  Elle se retourna donc vers Aoife.

«  Je vais te le dire franchement…Je n’aime pas la tournure que cela prend. »

Cependant, il n’y avait qu’un seul moyen pour savoir ce qui se tramait ici et c’était de descendre dans cette cave secrète. Attrapant le cercle de la trappe, la Louve tira dessus et l’ouvrit entièrement. Un escalier se dévoila devant elles. Passant en première, la Lycane descendit dans cette cave servant de repère, posant sans trop y réfléchir sa main contre l’un des murs. Main qu’elle retira de suite.

« C’est poisseux ici. »

Sans doute de l’humidité.  Finalement, elle se mis à marcher aux côtés d’Aoife cherchant les hommes du Bossu ou ce dernier. Pourtant, jusqu’à maintenant, aucune trace d’eux. Où pouvaient-ils bien être ?

[Élise]

La réponse aux interrogations de Shad ne tarda pas à venir quand une sinistre odeur remonta à ses narines. Étant une Okami, elle avait des sens plus affutés qu’Aoife, et put donc sentir, avant elle, l’odeur de la chair en décomposition. Une odeur qui gagnait en intensité, alors que la cave avait été percée. Une portion de mur avait été abattue, rejoignant une sorte de crypte souterraine, probablement le caveau du village, à en juger par les tombes et les murs en pierre. Même Aoife ressentit l’odeur, et vit ensuite, sur le sol, des traces de sang.

« Diable… »

Elle posa sa main sur l’une des traînées. Le sang était encore relativement frais. Elle se redressa ensuite, et marcha plus lentement, utilisant une boule lumineuse pour y voir dans l’étouffante et moite obscurité du caveau. Les traces de sang remontèrent à un cadavre niché contre un mur, les intestins à l’air. Aoife fronça lentement les sourcils, comprenant que l’homme avait dû ramper, ou être tiré en arrière. Il était indubitablement mort, les yeux révulsés.

« Ce n’est pas une araignée qui a fait ça, il a été lacéré au ventre. »

Aoife se redressa donc, et s’avança plus lentement. Dans ce genre de crypte, il arrivait parfois que des créatures nécrophages émergent, comme des goules… Voire un graveir. Mais Aoife savait que ces monstres n’avaient pas de griffes suffisamment profondes. Tout en s’avançant, elle subodora, dans sa tête, que, du fait de l’invasion d’Élise, beaucoup de créatures sinistres avaient dû fuir vers des terres moins hostiles. Visiblement, la planque du Bossu avait attiré l’une de ces créatures, qui avaient rapidement fait place nette. Tout ce que la jeune femme espérait, maintenant, c’était pouvoir mettre la main sur le Bossu, afin de retrouver la fameuse Médonée.

Pour l’heure, le duo s’avançait, et Aoife vit une tête sur le sol, arrachée à un corps qui avait été traîné contre un mur, avant de s’étaler sur le sol. Plus loin, deux autres cadavres gisaient sur le sol, des archers défendant une porte grillagée défoncée qui conduisait à un escalier, ce dernier étant encore éclairé par quelques torches. Aoife regarda brièvement les cadavres. L’un des archers avait été gorgé, et gisait dans une épaisse flaque de sang, tandis que l’autre avait été attaqué aux jambes puis visiblement tué ensuite en tombant au sol, transpercé à hauteur du torse.

Le monstre avait visiblement d’épaisses griffes, et des dents très tranchantes. Aoife s’approcha lentement des marches, voyant, le long des murs et desdites marches, des traînées sanguines supplémentaires. Puis, après quelques hésitations, elle entama sa descente, rejoignant les parties inférieures de la crypte. L’escalier, en colimaçon, conduisit les deux exploratrices vers un autre couloir, où elles purent alors entendre des grognements, des soupirs, et des bruits de chair qu’on éclatait. La guerrière de Lumen croisa silencieusement son regard avec celui de Shad, main sur le fourreau de son épée, et s’approcha lentement de la porte au bout du couloir.

Elle donnait sur une grande pièce, et Aoife vit, de dos, une silhouette au fond de la pièce, qui était affairée sur un autel, soupirant et gémissant en… En mangeant un cadavre. Une créature ayant une belle silhouette, de longs cheveux noirs, mais une peau verdâtre. Elle dévorait un cadavre situé sur une table, et se retourna soudain, la bouche pleine de sang, avant de leur hurler dessus, dévoilant de longues canines.

« Oh non… C’est une brouxe ! »

La brouxe était un vampire assez particulier, un vampire qui avait succombé à ses bas-instincts, se rapprochant alors plus de l’animal que de l’être civilisé. La créature siffla dangereusement, et ses ongles ensanglantés poussèrent alors, devenant d’épaisses griffes, longues d’une bonne dizaine de centimètres. Aoife avait déjà combattu des brouxes, et le combat n’avait jamais été simple… Ce que la brouxe prouva en devenant subitement invisible.

« Attention, Shad, elle est… »

Aoife n’eut pas le temps de terminer ce qu’elle avait à dire que la brouxe fonça vers elles à toute allure. Aoife bondit sur le côté, évitant les griffes de la brouxe, qui frappèrent dans le vide, et fit tournoyer son épée, tout en se déplaçant elle-même, et la frappa dans le dos. L’invisibilité de la brouxe disparut en même temps que la créature grognait de rage et de douleur, l’épée ouvrant son dos. Hélas, la brouxe était gorgée de sang, et sa blessure était déjà en train de cicatriser tandis qu’elle fondit sur Shad…

[Shad]

Ce massacre était loin d’être l’œuvre d’une araignée. Car si telle aurait été le cas, les corps auraient plus eu un aspect rachitique, vidés de tout fluide vital que purement et simplement avec les boyaux à l’air. Cela rassura en partir la Okami, au moins, les « forces » d’Elise, même en petite troupe n’avait pas encore atteints la région. Mais cela ne voulait pas signifier que leur ennemi n’était pas aussi dangereux que ces bêtes à huit pattes qui terrorisaient le territoire. Délaissant le corps pourrissant, la Louve suivit Aoife dans son exploration macabre, rencontrant sur leur chemin encore quelques malheureux qui avait succombé face à l’étrange créature.  Elles finirent par atteindre un lieu où des bruits de soupir et de mastications se firent entendre. Après un petit moment d’hésitation, les deux femmes décidèrent de concert de voir de quoi il en retournait. Pour la Louve, c’était là la première fois qu’elle voyait une telle créature. A croire que Terra était plus peuplée d’être abjecte près à vous découper en morceaux que d’êtres civilisés.

« Une quoi ? »

L’étonnement la gagna quand elle vit disparaître soudainement la créature sous ses yeux.  Bondissant sur le côté opposé à celui d’Aoife, l’Okami évita également un coup de griffe mortelle. Elle se retourna rapidement, dégainant l’une de ses épées et se mis en garde tandis que la brouxe fonçait droit sur elle.  Au départ visible, elle  redevient sans crier invisible, obligeant la Okami à être encore plus sur ses gardes. Mais comment combattre un ennemi que l’on ne pouvait pas voir ? Emettant un léger grognement de frustration, Shad se mis à tout simplement utiliser son ouïe pour suivre le bruit des pas de l’ignoble vampire. Le sang encore frais présent à certain endroit de la pièce  permettait également de suivre en partie à la trace leur adversaire.

« Aoife attention ! »

Bien que suivant ses plus bas instincts, la brouxe avait su jouer sur la feinte et avait changé de cible. Remarquant que cette dernière était dangereusement proche du chevalier de Lumen, la Louve n’avait pas hésité une seconde pour l’interpeller et pour envoyer droit dans le dos de la créature l’un de ses couteaux de lancer. La lame pénétra dans la chair verdâtre et fit comme pour le précédent coup de lame d’Aoife, hurler la bête de douleur.  Pourtant, sa plaie commençait déjà à se refermer à une vitesse fulgurante et l’arme blanche était petit à petit poussée hors du corps.  Sifflant de rage, la brouxe se mis à foncer vers les deux femmes sans réelles distinctions,  frappant l’air de ses griffes acérées. Et encore une fois, elle rendit son corps invisible, augmentant la difficulté du combat..

Et de nouveau, la Louve utilisait ses autres sens pour la traquer, servant ainsi de détecteur.  Shad indiquait au chevalier l’emplacement le plus probable de la brouxe ou la prévenait si elle était trop proche d’elel,s ervant pour ainsi dire de radar. Cependant, la créature se déplaçant relativement vite, elle ne pouvait pas se battre convenablement tout en localisant sa position. Ainsi, l’Okami laissait à l’humaine la tâche de pourfendre la vampire verdâtre non sans l’aider dans sa tâche. Une sorte de travail d’équipe fut donc mis en place et à chaque fois que la brouxe fut touchée,  plus elle mettait de temps à se soigner perdant le sang qu’elle avait ingurgité. La bataille risquait de durer plusieurs longues minutes mais à termes, les deux femmes avaient leurs chances. Sauf si un imprévu vint à leur rencontre ou que la brouxe change encore soudainement de techniques.

[Élise]

La brouxe était particulièrement puissante, car elle venait de se gorger de sang, d’où sa rapidité et sa réactivité. Ses pouvoirs magiques, en revanche, variaient d’une brouxe à l’autre. Difficile de dire ce qu’était cette créature à la base. Une brouxe était un vampire qui, peu à peu, avait perdu la raison. Une sorte de vampire sauvage qui, s’il pouvait toujours faire preuve d’une certaine forme de lucidité, notamment quand il était abreuvé en conséquence, restait tout de même, dans l’ensemble, un être sauvage, cruel, et incontrôlable.

Leur adversaire fondait sur les deux femmes, et les attaques de Shad, comme celles d’Aoife, la blessaient sans la tuer.

« Il faut continuer, Shad ! »

De toute manière, leurs options étaient plutôt limitées. Aoife vit le monstre la charger encore, et ferma ensuite les yeux. Plutôt que d’utiliser sa vision, elle préféra utiliser son ouïe pour voir d’où viendrait l’ennemi. Une technique de combat qu’elle avait appris lors de sa formation à Lumen, mais qui n’était pas facile. Elle reposait sur les enseignements d’un maître-chevalier aveugle, quelqu’un qui se battait toujours avec un bandana autour des yeux, pour dissimuler sa malformation visuelle. Malgré les apparences, il avait la réputation d’être invincible, car il utilisait les  vibrations sonores pour repérer ses ennemis, et même, à partir de ces vibrations, anticiper leurs attaques. Aoife était évidemment bien loin de posséder un tel talent, mais elle se débrouillait tout de même.

Ainsi, tandis que la brouxe chargeait, elle bondit sur le côté, et frappa dans son dos, faisant hurler la bête, qui en fut déstabilisée, permettant à Shad d’user de sa rapidité pour la charger, et lancer deux couteaux de lancer qui se plantèrent dans le torse du monstre, repoussant la brouxe contre un mur. La guerrière de Lumen chercha alors à tirer profit de son avantage en s’élançant vers sa proie, tournoya sur place, et abattit la lame sur elle… Pour que cette dernière heurte le mur, la brouxe évitant la charge. Ses griffes transpercèrent ainsi le plastron de l’armure d’Aoife, la faisant hurler, et la brouxe la renversa sur le sol, approchant ses canines pointues de son cou.

Shad intervint à ce moment, repoussant la brouxe en la frappant au visage, et Aoife roula sur le sol, se redressa, et sa main s’illumina, puis une langue de feu en jaillit, frappant la vampire, qui hurla de rage en sentant les flammes lécher son corps.

*Il faut en finir !* se décida-t-elle.

Remuant nerveusement des bras, la brouxe était blessée, et Aoife s’élança vers elle, et frappa avec sa lame de loin, lui sectionnant deux doigts. La bête rugit encore, et Aoife laissa ensuite Shad accaparer l’attention de la brouxe… Pour lui porter un coup final en tournoyant sur place, son épée s’abattant sur la nuque de la brouxe, la décapitant violemment. Un coup sec, puissant, et tranchant, qui fit sauter la tête du monstre, cette dernière s’envolant dans les airs pour retomber à quelques mètres du reste du corps.

Aoife termina ensuite son mouvement en plantant sa lame dans le corps du monstre, faisant ressortir cette dernière de l’autre côté, puis poussa le cadavre du pied, qui s’agita encore nerveusement, traversé par des spasmes nerveux, avant de, peu à peu, se calmer, s’affaissant lentement sur le sol, laissant les deux guerrières haletantes, le souffle court.

« Quelle saloperie… » commenta alors Aoife.

Elle soupira longuement, et regarda Shad.

« Comme quoi, on croise tout type de réfugiés par ici… Raison de plus pour nous montrer vigilantes. »

[Shad]

« Je ne te le fais pas dire… »

La Louve regarda la dépouille de la brouxe qu’elle venait de combattre de concert avec Aoife. Ce vampire qui avait décidé de suivre ses plus bas instincts avait été un adversaire redoutable mais avec force et patience, les deux femmes avaient réussi à en venir à bout.  S’accroupissant à côté du cadavre verdâtre, la Lycane approuva d’un hochement de tête,  observant quelques instant la brouxe :

« Et sans doute pire que cette créature que l’on vient de combattre….En tout cas si c’est elle qui a fait le carnage que l’on a vu en arrivant jusqu’ici…on peut être sûres qu’elle n’a pas tué le Bossu…car je me rappelle pas  avoir vu son cadavre…. »

Une bonne nouvelle en soit, car au moins leur cible était pour le moment encore potentiellement vivante. Soupirant, la Louve se releva,  alla ramasser ses couteaux de lancer qui gisaient ici et là sur le sol et retira également ceux présents dans le corps de la brouxe. Récupérant ainsi ses effets, elle se tourna vers Aoife et désigna d’un mouvement de tête la porte menant vers un autre couloir qu’elles n’avaient pas encore visitée.

« Allons-y ? »

Après tout, avaient-elles réellement le choix ? Délaissant ainsi le cadavre purulent de la créature, le duo se remis en marche, continuant à explorer cette cave sordide qui était liée à une crypte souterraine. Une crypte souterraine ! Pourquoi diable fallait-il que la cache de ces bandits soit près d’une foutue crypte souterraine lieu de résidence de quelques charmantes créatures telles que  des goules ou encore de brouxe ?  La Lycane soupira se demandant si des fois, ces personnes réfléchissaient à leur acte.  Continuant à marcher, la lupine  était aux aguets, se demandant surtout où pouvait se trouver le bossu. Elles arrivèrent ainsi devant un escalier délabré, menant encore plus bas dans les entrailles de cet endroit sordide.

Descendant prudemment les marches, la Okami et le chevalier arrivèrent dans une salle remplie d’ossements. Des dizaines, non des centaines de cadavres étaient entreposés là.  A chacun de leur pas, Shad ou Aoife marchait sur un ossement dont le craquement que produisait leur poids dessus résonnait dans toute la pièce. Niveau discrétion on aura fait mieux.  Bien vite, des créatures humanoïde et rachitique se mirent à sortir des recoins sombres de la pièce, soupirant et sifflant, leurs mains griffues se refermant sporadiquement, leur gueule barbouillé de sang séché.  Dans des mugissements rauques, ces créatures s’avançaient vers le duo.

« Des monstres, des monstres et toujours pas de  Bossu ! »

Créant des sphères de flammes  dans les paumes de ses mains, la Louve n’attendit pas plus longtemps pour les lancer sur les goules qui s’avançaient dangereusement, les faisant devenir de véritables torches humaines. Mais même ainsi, ces bêtes continuaient leur progression, faisant fi de la douleur, avançant inlassablement tant qu’elles en avaient la possibilité.  Point positif, le fait d’avoir leur chair brûlé à vif rendait leur progression difficile et offrait aux deux femmes de parfait angles de frappes pour les achever d’un coup sec.

[Élise]

Après ce rude combat contre la brouxe, le repos n’était pas encore pour tout de suite. Aoife et Shad devaient toujours retrouver le Bossu et ses hommes, mais, visiblement, les deux allaient de Charybde en Scylla. En effet, après la mort de la brouxe, elles constatèrent que des créatures nécrophages, attirées par l’odeur de la putréfaction, de la chair en décomposition, s’étaient rapprochées. Elles étaient restées en repli, loin de la brouxe, mais, maintenant que la vampire était morte, Shad et Aoife tombèrent sur ces monstres dans une grande pièce au sein de la crypte, où les monstres avaient ouvert les tombes et les caveaux, les forçant, afin de les manger. Généralement, les prêtres de l’Ordre Immaculé mettaient sur les tombes une onction particulière, une eau bénite qui repoussait les monstres. Ici, Aoife soupçonna rapidement que les contrebandiers avaient utilisé des techniques pour récupérer ce précieux liquide, qui était utilisé par les alchimistes.

C’est ainsi que les deux femmes tombèrent face à des goules, épaisses et violentes, tandis que, à côté de ces gros monstres, d’autres monstres s’avançaient, avançant à quatre pattes, grognant et hurlant.

« Des nécrophages ! Souviens-toi que le feu est leur faiblesse, Shad ! »

Shad retint bien la leçon, et balança des boules de feu, repoussant les monstres, tandis qu’Aoife, afin d’économiser sa mana, préféra sortir de sa ceinture une huile magique, et en recouvrit la lame enchantée de son épée. Les runes s’illuminèrent, et un halo enflammé ne tarda pas à recouvrir sa lame, la faisant flamboyer. La femme fit alors tournoyer sa lame, et décapita une goule qui tentait de l’attaquer, avant de s’attaquer à une grosse goule. Elle fléchit les genoux, évitant son poing, et trancha le poignet de la goule, pivota sur place, tournoya, et abattit la lame à hauteur de la tête du monstre, la faisant sauter comme un bouchon de champagne.

Le feu faisait reculer les monstres, mais l’un d’eux réussit quand même à griffer Aoife dans le dos, la faisant grogner. Elle tituba sur place, et se protégea in extremis d’une autre attaque en envoyant une onde d’Air, qui repoussa le monstre, puis elle se concentra, et les flammes autour de son épée s’intensifièrent... Jusqu’à ce qu’elle frappe avec sa lame dans le vide, envoyant une espèce de vague de feu qui frappa plusieurs goules. Avec leur chair craquelée et faible, ils prenaient feu très facilement.

Les créatures hurlaient et gesticulaient, mais, alors que la situation semblait devoir se stabiliser, Aoife entendit soudain des bruits de pas massifs, et vit une puissante main frapper une goule au visage lui bloquant le passage, balançant le monstre contre le sol... Puis un hurlement suraigu frappa alors Aoife, la faisant hurler de douleur, tout en lui crevant les tympans, et en l’étourdissant. Une immense bête avec des bras interminables bondit alors sur elle, faisant un saut prodigieux, et la griffa au plastron, faisant ripper ses griffes, et Aoife tomba sur le sol, et eut la présence d’esprit de former un bouclier, contre lequel les griffes de la bête s’abattirent avec la force d’un gorille. Le bouclier explosa, mais repoussa la bête, laissant le temps à Aoife de rouler sur le sol... Pour voir une goule face à elle, qui l’attrapa par la gorge, et approcha ses crocs de son cou...

Aoife, par réflexe, attrapa une dague à sa ceinture, et la planta dans l’un des yeux du monstre, le faisant hurler de douleur. Il lâcha prise, non sans griffer au passage la gorge de la femme, qui se retourna ensuite vers l’autre monstre.

Après la brouxe, leurs aventures avaient attiré un autre monstre.

*C’est pas possible, c’est un cauchemar...*

La créature était un redoutable garkain, un monstre puissant et solide, une créature nécrophage capable de balancer des ondes ultrasoniques.

La situation était en train de se compliquer... Quand des torches s’allumèrent dans une grande porte dans un coin, puis des bruits de pas précipités se firent entendre.

Aoife eut à peine le temps de tourner la tête qu’elle vit des hommes en armure, des spadassins accompagnés d’arbalétriers, s’approcher, lançant des carreaux explosifs sur les monstres, tandis que les spadassins frappaient.

Ce n’était sûrement pas l’armée locale.

*Peut-être qu’il reste encore des troupes au Bossu, finalement...*

[Shad]

Située à l’opposé de la pièce où se trouvait Aoife, la Louve combattait ses adversaires morts-vivants et anthophages. Utilisant son habilité à manier les flammes, elle ne se gênait pas pour immoler facilement le corps sans vie et pourtant actif de ces créatures. Evitant les coups de griffes, la Lycane tranchait également la tête de ces adversaires, les achevant dès qu’elle en avait l’occasion en plantant la lame de son épée dans leur crâne pourrissant. Une goule lui attrapa fermement le bras, la tirant en arrière et ramenant sa prise près de de sa mâchoire prête à mordre.  Déstabilisée, la Louve attrapa rapidement un de ces couteaux de lancer et le balança droit dans l’œil de la créature qui relâcha sa prise dans un hurlement de douleur. Ne lui laissant pas de répit, la Okami créa une sphère incandescente qu’elle envoya sur la goule qui explosa à l’impact.  Bien que le combat risque d’être long, tout se passait pour le mieux et leur chance de survie était loin d’être déplorable. Jusqu’à ce qu’il arrive…

En réalité, Shad ne vit pas le nouveau monstre arriver, trop occupée à se défendre et à se battre de son côté. Cependant, elle entendit son cri. Ce hurlement suraiguë qui lui explosa les tympans et lui fit poser un genou à terre tandis que  ses mains se portaient à ses oreilles.  Cette bête lui avait vrillé les tympans et de ce fait, la Louve venait de perdre pendant quelques instants son sens de l’équilibre. Lorsqu’elle tenta de se relever, ce ne fut que pour mieux retomber sur le sol, avec une impression d’avoir une mauvaise cuite. Réussissant malgré tout à s’entourer d’un bouclier de flammes pour garder ses ennemis à distance, la Lycane devait bien s’avouer que sur le coup, elle était dans la merde. D’autant plus que la bête ne se gêna pas pour relancer un second cri encore plus perçant que le précédent.

« Tirez ! »

Des dizaines et des dizaines d’hommes en armures et armés arrivèrent en toute hâte dans la pièce, triant des carreaux de feux sur les goules, les spadassins allaient directement à la mêlée et renvoyer ces créatures de là où elles étaient venues. L’imposante goule fut aussi prise en joue et contre toute attente, ses cris ne provoquaient aucune réaction de la part des nouveaux arrivants. Ces derniers portaient en effet une protection auditive et étaient ainsi donc insensible à ses ondes ultrasoniques. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le garkain fut mis en déroute et son sang gicla sur les ossements de la crypte.  Retirant sa protection, la Okami commençait à entendre des bribes de voix,  levant par la suite son visage pour voir qu’un spadassin la tenait en joue. Les effets de l’onde ultrasonique n’étaient pas encore dissipés et elle était pour ainsi  dire quasiment vulnérable. La joie d’avoir une ouïe sensible…

« Emmenez-les et vérifiez qu’aucun de ces monstres ne soient encore vivants »

La voix provenant d’un chevalier en armure de plate, son visage caché par le casque qu’il portait.  En  toute l’occurrence le chef de cette escouade qui venait de leur prêter main forte. Sentant une poigne puissante lui agripper le bras pour la soulever de terre, la Lycane ne fit pas de gestes brusques se relevant, titubant au début avant de regagner peu à peu son équilibre après quelques pas. Elle sentit néanmoins une main la pousser dans le dos, l’incitant à aller plus vite.

« Ça va ça va j’avance ! »

Regardant le soldat par-dessus son épaule, elle en profita pour chercher du regard le chevalier de Lumen. Dans un même temps, elle observa brièvement ceux qui les entouraient, notant la présence sur certaine armure des insignes des gardes de la ville de Koldoue. Etait-ce la milice qui les avait retrouvés ? Non, certains hommes ne semblaient pas venir de cet endroit. Dans ce cas, serait-il possible que le Bossu soit en réalité plus influant qu’elles ne le pensaient ?

[Élise]

Désespérée, la bataille venait de se renverser par l’arrivée de ces multiples guerriers. Le feu se mit à crépiter dans la zone de combat, contraignant ces créatures hideuses à fuir à bride abattue, à défaut de pouvoir espérer sérieusement réaliser contre un adversaire implacable. Le garkain se battit furieusement, et, malgré plusieurs carreaux qui transpercèrent sa chair, il réussit à faire un prodigieux bond en avant, et frappa avec ses deux mains les épaules d’un homme, broyant ses os, avant de balancer son cadavre contre un mur. Aoife, de son côté, tua plusieurs goules, avant de se ruer vers le garkain, qui était assurément le chef de cette meute. La créature continuait à se battre avec rage et fureur, mais finit néanmoins par succomber, s’écroulant sur le sol. De fait, sa mort mit fin à l’escarmouche, les goules achevant de partir.

La bataille terminée, Aoife eut juste le temps de pousser un léger soupir, avant de regarder autour d’elle, cherchant Shad. Étant une Okami, soit une femme dotée d’une ouïe très sensible, les attaques sonores du garkain avaient dû être particulièrement efficaces sur elle. Cependant, leurs sauveurs ne tardèrent pas à les mettre en joue, et un homme, qui semblait être leur sergent, ordonna qu’on les emmène. Plusieurs hommes à l’allure austère s’approchèrent ainsi d’Aoife, qui crut bon de préciser :

« Je m’appelle Aoife, je suis chevalier de…
-  ’M’en fous. »

Aoife ne trouva rien à ajouter. Parfois, les dialogues les plus courts sont les meilleurs, et elle suivit donc les hommes. La jeune femme ne tarda pas à retrouver Shad, et se rapprocha d’elle, en lui souriant brièvement, comme pour lui indiquer qu’elle allait bien, même après cette bataille éprouvante. Le duo avança donc, suivant les multiples gardes, filant à travers un couloir éclairé, s’enfonçant dans les profondeurs de la crypte, jusqu’à rejoindre une partie de la crypte où un mur avait été partiellement abattu, permettant ainsi de rejoindre des grottes.

*Encore et toujours des grottes…*

Comme si la vie n’était qu’un perpétuel recommencement, et qu’il fallait toujours passer par des grottes, Aoife s’y aventura. Le groupe traversa ainsi un chemin qui les amena dans une caverne un peu plus grande, où un camp de fortune avait été dressé. Une vaste caverne avec, en son centre, un énorme pilier rocheux qui s’enfonçait jusqu’au plafond. Ici et là, il y avait des sortes d’échafaudages en bois qui permettaient de monter jusqu’au plafond, où des échelles en bois s’enfonçaient dans ce dernier pour aller on ne sait où. La Luméenne eut ainsi l’étonnante surprise d’y voir qu’il y avait de nombreuses familles, qui se mirent à regarder le retour du groupe avec inquiétude.

*Qu’est-ce qui se passe ici ?*

La réponse à sa question vint de la part d’un homme, qui était au centre de cette grande pièce. Il avait un dos légèrement bosselé, et Aoife comprit, si l’homme était fidèle à sa réputation physique, qu’il devait s’agir du fameux Bossu. L’homme se retourna vers eux, et s’approcha lentement.

« La guerrière de Lumen et l'Okami… Vous formez un duo plutôt atypique, dites-moi. »

Visiblement, l’homme avait ses sources de renseignement.

« Je suis le Bossu, l’homme que vous recherchiez… Et, comme vous avez dû le constater, mes terres sont quelque peu envahies, ces derniers temps.  Ces hordes de monstres arachnéens attirent d’autres créatures dont je me passerais bien. »

Sur ce point, Aoife ne pouvait qu’être d’accord, après leurs mésaventures dans la crypte.

« Qui sont ces gens ? » demanda-t-elle.

Le Bossu haussa les épaules.

« Des réfugiés. Des gens qui veulent partir, et qui n’ont qu’une confiance limitée en la sécurité de Koldoue et de ses environs. Mais vous, vous n’êtes pas là pour ça, n’est-ce pas ? »

[Shad]

Cet homme était –il si sûr de lui pour faire venir devant sa propre personne  le duo qui avait été envoyé pour l’abattre ? La Lycane était quelque peu perplexe à ce sujet, un fou ne ferait pas cela sans avoir une garantie de se protéger d’une quelconque menace imminente. Pourtant, tout portait à croire que le Bossu ne craignait pas les deux femmes et ce n’était pas les soldats qui les entouraient qui auraient en réalité le temps de le protéger.  Aoife pouvait par exemple utiliser sa magie pour l’expulser  brutalement dans les airs  et faire en sorte que son corps  s’écrase  au sol, tout comme Shad pouvait aisément l’embraser et le faire devenir une vulgaire torche humaine. Et pourtant, pourtant, il ne les craignait pas, semblant avoir un atout dans sa manche.  Septique, la Louve observa un instant  la masse de réfugiés présent dans ce lieu souterrain. Et contrairement à ce qu’on leur avait dit, ce Bossu ne semblait pas faire régner une quelconque terreur.

« Ces réfugiés sont sous ma protection…Une bien meilleur que celle de ces gardes corrompues de Koldoue…Et je vous ai posé une question. »

Autoritaire en plus ! Mais ne fallait-il pas être de cette trempe pour confirmer sa puissance ?  Le Bossu s’approcha des deux femmes les fixant tour à tour, ses pupilles couleur amande se plongeant dans celles des deux femmes chargées de le tuer. Il savait, il avait été informé et malgré tout, il attendait qu’elle lui confirme les connaissent qu’il possédait déjà.

« Non effectivement….Mais ça…vous le savez déjà…. »

Leur cible continua de les fixer avant de se reculer d’un pas, de frapper doucement dans ses  mains pour applaudir d’une manière moqueuse avant d’écarter ses bras, présentant son torse sans défense.

« Et bien vous m’avez trouvé !  Mes sincères sincères félicitations ! – commença t’il d’un air  cynique avant de continuer plus sérieusement, balayant les réfugiés d’un signe de la main pour les désignés la masse de gens qui les regardaient de loin – mais allez-vous rendre la vie encore plus difficile à ces gens ?  Allez-vous aidez ces corrompues de Koldoue et les  faire revivre dans l’insuffisance ? Vous avez été envoyé pour me tuer ? Ces pauvres gens vous en voudront éternellement….Vous ne savez pas qui sont les vrais ennemis ici. Je ne suis pas votre ennemi. »

L’Okami émis un léger grognement avant de répondre :

« Comment pouvons-nous être sûr que vous ne contrôlez pas ces personnes ? Que vous n’avez pas un système de terreur pour les mater ? »
«  Ont-ils l’air d’avoir peur de moi ? Ouvrez les yeux bon sang ! Qui sont ceux qui n’ont pas ouvert les portes de leur cité ! Qui sont ceux qui les ont laissés dans leur merde ? Ce n’est pas moi ! Et à présent nous devons faire face à ces invasions d’araignées et de créatures nécrophages…-il marqua un arrêt – Et vous allez nous aider pour combattre cette menace imminente. Que vous le vouliez ou non. »

« Et qu’est ce qui nous oblige à faire cela ? »

« Votre vie ? Et puis….il semblerait que vous êtes à la recherche d’une personne. Je pourrais vous donnez les informations que vous cherchez…. »

Surprise, la Okami releva les oreilles, subitement intéressées. Comment savait-il ? Et avait-il réellement des informations sur Médonée ? C’était un risque à ne pas prendre, elle tourna son regard vers Aoife attendant sa réaction.

[Élise]

Aoife était une jeune femme toute encore empreinte d’idéalisme, une femme qui refusait de voir dans le crime organisé un « mal nécessaire », comme beaucoup le pensaient à Lumen. Pour elle, le Bossu était un homme redoutable, qui contribuait au délitement de la nation, et qui essayait de se dissimuler derrière des idéaux, en invoquant la prétendue corruption du régime. Aoife n’en croyait pas un mot, mais elle était aussi réaliste. Elles étaient seules contre toute une armée, et, dans ces conditions, capturer le Bossu ne serait pas simple. De plus, l’homme semblait savoir ce qu’elles cherchaient vraiment, ce qui ne manqua pas de surprendre, non seulement Shad, mais aussi Aoife.

« Quoi, vous êtes devin, en plus d’être le sauveur de la Nation ? »

Le ton ne manquait pas de mordant. Aoife se montrait très sarcastique, et l’homme sourit légèrement.

« Non, mais je connais votre compagnonne... Vous avez défendu la Forêt des Toiles contre Brahmin, les survivants de Brahmin m’ont parlé de vous... Une Louve de feu, capable de se transformer en une louve géante. »

Aoife cligna des yeux. Brahmin ? Elle avait entendu parler de ce mercenaire, de sa troupe redoutable, et regarda brièvement Shad, en se disant que cette dernière lui cachait visiblement bien des choses. Le Bossu, de son côté, était très bien informé, comme il l’expliqua ensuite, en se mettant à marcher. Outre son dos bosselé, il boitait aussi un peu.

« Je ne suis pas un guerrier, je ne suis pas un magicien... Mon pouvoir, c’est l’information. C’est comme ça que je suis deviné ce que je suis actuellement. Je vois bien, à votre regard, chère Luméenne, que vous me prenez pour ce que je ne suis pas. Si les autorités de Koldoue veulent me capturer, c’est parce que je sais bien des choses sur leurs petits secrets... Qui couche avec qui... Croyez-moi ou pas, mais, à la base, j’étais simple garçon d’écurie, récurant les latrines, nettoyant la merde devant les balcons de ces belles dames. J’ai appris à écouter, et à utiliser au mieux les informations dont je dispose. »

Pour le coup, Aoife se montra un petit peu plus attentive. Le Bossu savait lire sur les visages, il savait décrypter les émotions. Avec son physique ingrat, il fallait bien admettre que l’homme ne pouvait guère compter sur son physique pour impressionner.

« Brahmin avait été embauché par les Hamleigh pour renverser Élise. Du moins, c’est la théorie la plus en vogue. La réalité, c’est que, derrière cette attaque, il y a la main des Hamleigh. Ne vous trompez point, la deuxième Élise n’est pas là pour prendre le pouvoir, mais pour offrir le pays aux Hamleigh, comme ils l’ont toujours escompté, depuis la précédente guerre civile. »

Le Bossu se lança alors dans une explication historique, et leur confia que, il y a de cela une quinzaine d’années, environ, la famille royale en place avait été tuée... Lors de la naissance d’Elena Ivory. Le royaume, proche de Lumen, avait tenu à célébrer la naissance de l’héritière, une jeune Princesse tant attendue, et ils étaient morts là-bas. Si Lumen avait pu éviter la guerre civile, le royaume, lui, avait sombré en plein dedans, les grandes familles se dirigeant entre elles.

« Les Hamleigh ont perdu à ce jeu du trône, alors que, avant le naufrage, l’une de leurs filles était mariée au Roi. Ils estimaient donc être légitimes, mais n’ont pas réussi à obtenir le pouvoir. En désespoir de cause, William Hamleigh a choisi alors de nouer des alliances avec d’autres puissances... »

Pendant que le Bossu étalait sa science, Aoife ne pouvait s’empêcher de se demander quel était le rapport entre cette histoire et Médonée. Cependant, elle restait silencieuse, consciente d’avoir de la chance de tomber sur un bavard. S’il aimait parler, qu’il parle donc, elle ne chercherait nullement à l’interrompre ! Plus le Bossu en dirait, et plus ce serait mieux pour elle !

« Les Hamleigh ont beaucoup perdu dans cette guerre. Et, quand Lumen a avalisé le nouveau Roi, les Hamleigh se sont tournés vers d’autres puissances, afin d’obtenir leur soutien si jamais ils arrivaient au pouvoir.
-  Je vois... Alors, tout ça, ce serait...
-  L’attaque d’Élise, à mon sens, est une invasion mijakienne dissimulée, oui. Une fois le pouvoir vaincu, les Hamleigh prendront le pouvoir, et les colons mijakiens arriveront, et leur drapeau flottera sur les tours de Koldoue. »

Aoife médita silencieusement cette théorie, avant de choisir de revenir à l’essentiel :

« Et Médonée ?
-  Mes hommes l’ont récupéré en pleine forêt, avant que les araignées d’Élise ne jaillissent. Médonée est à Koldoue, mais... J’ai perdu sa trace. Elle était blessée, empoisonnée, mais le bâtiment dans lequel je l’ai mis a été attaqué par les Arachnistes. Ils ont tué mes hommes, et ont pris Médonée. »

La femme fronça les sourcils, en soupirant silencieusement.

*Le dossier est en train de se compliquer...*

Sensiblement.

[Shad]

L’Okami fut quelque peu surprise de savoir que des hommes de Brahmin avaient pu parler d’elle au Bossu. Et sur le coup, elle ne put s’empêcher de regarder brièvement autour d’elle, se demandant si certains de ces hommes étaient présents avec eux. Si tel était le cas, sans doute chercheraient-ils à se venger d’une manière ou d’une autre, n’avait-elle pas massacrée certains de leurs compagnons ?  Mais, ce n’était pas la seule menace dans cet endroit malfamé, tout homme présent pouvait en être, tout comme le Bossu malgré qu’il semblait en apparence sans défense. En apparence seulement, car le savoir lui apportait un certain pouvoir et si ce dernier avait eu vent des agissements de Shad par le passé et de quelques-unes de ses capacités, il était fort à parier qu’il avait de quoi les contrer. Elle laissa donc le Bossu parler, subissant avec Aoife son monologue sans fin.

Pourtant, des informations capitales – à savoir ce qui était vraies ou faux – venaient d’être dévoilées au grand jour.  Une attaque cachée de Mijak…sachant que le roi cramoisi était lié à cette région et sa capitale et que sa bête de prédiction était l’araignée, cela pouvait être tout à fait possible. Quant à Médonée, il semblerait qu’elle fut entre les mains du Bossu quelques temps avant d’être capturée par une troupe d’arachiste. Et pour une fois – comme par hasard – le Bossu ne semblait pas détenir les informations concernant le lieu de sa détention. Quelque peu las, la Lycane se tourna vers Aoife. Retrouvée Médonée allait sans doute les conduire au-devant de bien des dangers et leur temps était compté. Elise n’allait pas rester longtemps sans effectuer une nouvelle offensive et si le but de cette dernière était bien une invasion mijakienne dissimulée, ce n’était plus qu’une question de temps avant que l’assaut ne soit de nouveau lancé.

Mais un autre problème se posait actuellement. Sortir de ce trou à rat et aux vues des hommes qui étaient disposés ici et là dans la pièce, le moindre faux pas leur vaudrait sans doute d’être criblée de flèches.  Puis, l’Okami  se rappela que le Bossu leur avait presque sommé de les aidé à combattre l’invasion arachnéenne et de morts vivants. D’autant plus que celle concernant les créatures nécrophages et anthophage semblait être une menace bien plus imminente en ces lieux que celle des araignées géantes dirigées par une fausse Elise. Cependant rien ne les empêchaient de se faire relâcher tout simplement, qui ne tente rien n’a rien après tout !

« Si vous savez que Médonée peut nous aider à retrouver Elise, pourquoi ne pas nous relâcher ? Vous savez bien que le temps nous ai compté, et plus nous parlons, plus nous perdons de précieuses secondes… »

C’était un fait indéniable mais cela pouvait-il être seulement suffisant ? Malheureusement, la Lycane avait quelques petites attitudes pour attirer à elle les ennuis et se mettre dans l’impasse. Et dans le cas présent, elle était dans une impasse, cherchant à savoir s’il fallait essayer de sortir de ce lieu par la diplomatie et le marché plutôt que par la force brute et le carnage. Bien que, d’un certain côté, elle préférait que ce soit la première solution, tant que cette dernière ne lui apporterait pas son lot de malheur également. Car au vue des précédentes paroles du Bossu, cela ne l’étonnerait pas si ce dernier les enverrait nettoyer les cryptes des goules et autres joyeusetés sous le regard de quelques hommes armés pour s’assurer qu’elles ne tenteraient pas de s’enfuir. Mais là encore, elle pouvait se tromper. Le Bossu semblait connaître l’importance de Médonée, alors pourquoi les retenir ?

[Élise]

« Vous relâcher ? persifla le bandit. N’y voyez là rien de mesquin, mais, au vu de vos précédents succès, je me demande bien ce que vous ferez si je vous relâche, si ce n’est errer dans ces cryptes jusqu’à en mourir. »

C’était un coup, et il venait de porter. Touchée, Aoife grimaça légèrement. Le fait est que cette quête était en train de se complexifier sensiblement. Elle avait entendu parler de la troupe de Brahmin, et elle savait que, aux dernières nouvelles, le redoutable mercenaire avait été tué. Toutefois, elle ignorait que Shad y était liée, ce qui, en un sens, lui valait son plus grand respect. Brahmin n’était pas un homme à prendre à la légère. Sa horde avait été mise à prix, et la Couronne avait d’ailleurs promis une forte récompense à quiconque tuerait Brahmin, connu pour ses pogroms multiples et ses raids sauvages et sanglants. Peu de gens iraient regretter sa mort, et, tout comme elle apprenait son décès, elle était vraiment surprise, car elle savait aussi que Shad avait participé aux évènements qui avaient ensanglanté Lumen il y a quelques semaines, avec Oswald Mandus, et son fameux abattoir.

Aoife finit néanmoins par intervenir, désireuse de rappeler au Bossu qu’elle existait, et qu’elle servait à autre chose que porter des épées :

« Notre objectif est de retrouver Médonée pour mettre fin à cette guerre.
-  Je le sais très bien. Nos intérêts concourent, même si cela peut vous surprendre. La guerre est une chose horrible, mais elle sert les intérêts de bien des gens, moi y compris. Cependant, nous sommes en train de la perdre, et, si nous perdons cette guerre... Ça ne servira plus mes intérêts.
-  Ça coule de source. »

Le Bossu se redressa alors, et se déplaça un peu, s’aventurant le long de son camp. Visiblement, l’homme aimait bien étaler son savoir, et ne tarda pas à le prouver encore.

« Brahmin n’avait pas attaqué la forêt d’Élise par hasard. Ce que j’ai appris grâce aux hommes qui ont rejoint mon organisation, c’est que, peu de temps avant de venir, Brahmin se trouvait du côté d’anciens royaumes dévastés dans des massifs montagneux, explorant des ruines naines et d’anciennes forteresses pour y débusquer des trésors. Du moins, c’est ce que les hommes pensaient. La réalité est que Brahmin s’était rendu à une réunion... »

Une réunion qui avait lieu dans un ancien fort. La zone était vraiment très éloignée, à l’extrémité d’Mijak, à l’entrée des Malterres de la Discorde, un lieu connu pour être le siège du Roi Cramoisi. Une importante réunion, réunissant quantité de milices privées, de hordes de brigands et de bandits, avaient eu lieu dans l’un des châteaux frontaliers des Malterres, officiellement détenus par Mijak, mais dont la plupart étaient abandonnés, et entre les mains de la Monarchie de la Rose. Ils s’étaient rendus à Castle Thunder, un petit fort depuis lequel on pouvait voir, au milieu des Malterres, l’impressionnant Château Discordia, cœur des Malterres.

Castle Thunder était un endroit sinistre, portant ce nom en raison de son grand donjon, qui était une tour paratonnerre. On l’utilisait pour catalyser les éclairs. L’endroit était vraiment élevé, et Brahmin avait laissé ses hommes dans un haut-plateau, grimpant avec quelques fidèles.

*Tout ça est très intéressant, mais quel rapport avec notre histoire ?*

Aoife n’osa néanmoins pas l’interrompre, car tout ce qui traitait, de près ou de loin, aux Malterres, était toujours bon à prendre.

« Par la suite, Brahmin est parti vers la forêt d’Élise, et était accompagné par un homme sinistre. Vous devez sûrement le connaître, Aoife... C’est un renégat mijakien, un ancien Général qui a été limogé et déchu pour sa cruauté. Grissom. »

Le chevalier lumenien fit une grimace à l’évocation de ce nom. Grissom... Oui, ce terme lui était assurément familier.

« Grissom a été vu en compagnie de Brahmin, et, après sa mort, on l’a revu traîner aux alentours de la forêt, rejoignant le fort de William Hamleigh, dont l’animosité envers le pouvoir est bien connu. Et, enfin, et c’est là ce que je veux vous expliquer... »

Le Bossu fila dans une alcôve, et rejoignit une salle secrète, surveillée par quelques gardes. Il ouvrit la porte, donnant dans une petite pièce sombre avec un cadavre sur une table.

« C’est un Arachniste que nos hommes ont tué dans cette crypte. »

Chauve, l’homme était aussi tout nu, avec le ventre transpercé... Bel et bien mort. Cependant, le Bossu attira leur attention sur sa main, et la retourna, leur montrant ainsi un tatouage rouge situé dessus. Un tatouage aisément reconnaissable, et qui faisait le lien entre les Arachnistes et le Roi Cramoisi...

On avait tatoué sur sa paume l’Œil du Roi Cramoisi.

[Shad]

«Touchée….Enfoiré. " »

En effet, les mots du Bossu avaient fait mouche. Mais cela ne voulait pas absolument dire qu’il avait raison. Des lieux infestés de créatures anthophages qui n’avaient que pour seuls desseins de vous bouffer la gueule en moins de deux, la Louve en avait déjà visité plusieurs. Et même si  - elle ne pouvait le nier – il y eut des instants difficiles où la mort la talonnait de près, elle s’en était toujours sortie. Du moins pour le moment. Mais il voulait parler ? Soit ! Qu’il parle ! De toute façon, que pouvaient-elles bien faire à part écouter son monologue et glaner quelques informations ?  La Okami pris donc son mal en patience et attendit, écoutant le récit sans fin du Bossu.

« Grissom…Ce nom ne me dit rien, s’il a était avec Brahmin, il a dû le quitter juste avant l’assaut de la forêt des Toiles. » Pensa la Louve pour ne pas interrompre le Bossu

Non,  décidemment non, ce nom ne lui disait absolument rien. Avait-il été autre part pendant l’assaut sur le domaine d’Elise ? Missionné par Brahmin lui-même ? Voilà une tâche d’ombre qu’il lui faudrait éclaircir si la situation lui en était offerte. Car si cet homme était aussi redoutable que le prétendait que le Bossu et s’il avait bien été à côté de l’homme qui avait attaqué la Forêt des Toiles,  pour quelles raisons obscures avaient-ils étaient aux abonnés d’absents ?  A croire que tout ce qui tournait autour d’Elise, de Hamleigh et du Roi Cramoisi n’était qu’un concentré de mystères sans fin où obtenir une réponse engendrait un florilèges de nouvelles questions.

« Et, enfin, et c’est là ce que je veux vous expliquer... C’est un Arachniste que nos hommes ont tué dans cette crypte. »

Portant son regard sur le cadavre, l’Okami s’en approcha en même temps qu’Aoife et du Bossu tandis que ce dernier retournait la paume du macchabé pour désigner aux deux femmes la marque du Roi Cramoisi qui y avait été tatoué. Une marque qui confirmait la relation étroite entre les Arachnistes et le Roi Cramoisi sans que cela ne soit réellement évoquée. 

« C’est bien joli tout ça mais…Ce n’était pas vraiment étonnant que ces deux parties soit liée entre elles et à moins que ce cadavre puisse parler…il ne nous sert à rien. »

Sauf si bien sûr le Bossu avait dans ses troupes un nécromancien.  Ce dernier ne releva pas la phrase de la Okami, reprenant tout simplement la parole comme si de rien n’était.

« D’après les observations de mes hommes, le nombre d’Arachnistes ne fait qu’augmenter de jours en jours. Tout comme leur influence au sein des populations. Cet homme était à la recherche de quelque chose dans ses cryptes et vous allez découvrir de quoi il s’agissait. »

« Pardon ?! » s’exclama l’Okami par surprise

C’était un comble ! Dans un premier temps, cet homme leur disait qu’elles ne tiendraient pas  longtemps dans ces cryptes infestées et à présent voilà qui les envoyés aux casses pipe ? Un vrai moulin à vent….Gardant le silence, la Lycane se tourna vers Aoife, attendant de savoir  ce qu’elle comptait répondre au Bossu.  Cependant, dans un certain sens, si cette virée pourrait leur fournir plus d’informations…Ce n’était pas aussi une mauvaise chose de la faire. Dangereuse certes, mais utile sur plusieurs points.

[Élise]

« C’est un très vieux réseau de cryptes et de grottes, expliquait le Bossu. Cette brouxe que vous avez croisé... Elle vient des zones infestées par Élise, et je redoute que les Arachnistes ne mènent des excavations dans le but de creuser un passage pour les forces d’Élise. »

Le trio avançait dans une crypte, en compagnie de plusieurs gardes. Il était étonnant de voir des bandits porter des armures et des armes militaires. C’était bien la preuve que ce royaume était en souffrance, et que son armée était massacrée par les innombrables araignées d’Élise. Aoife était plus ou moins sûre que le Bossu avait obtenu cet équipement auprès des armureries et des forges royales, probablement en attaquant ou en corrompant les cochers des convois royaux. Le chevalier se garda de tout commentaire, s’étonnant des informations du Bossu. Elle voulait néanmoins tout à fait le croire, car, tandis qu’ils avançaient, elle voyait de multiples couloirs à gauche et à droite, qui avaient été emmurés. On pouvait le voir à travers la différence des parois entre les murs bruts et les parois mises pour bloquer certaines cryptes.

Au bout du chemin, il y avait, justement, un mur, qui avait été abattu. Le groupe arriva ainsi dans une grande pièce avec quelques tombes, et le Bossu leur indiqua que c’était là, en ces lieux, qu’ils avaient affronté les Arachnistes. Si plusieurs étaient partis, ils avaient réussi à en tuer un.

« J’ai fait appel à un médecin légiste de la capitale. Ce qu’il m’a dit sur le cadavre de l’Arachniste était... Aussi troublant que fascinant. »

Il leur expliqua que le sang de l’Arachniste était hautement contaminé, leur parlant de termes très scientifiques et assez incompréhensibles pour Aoife.

« Depuis la prolifération d’araignées géantes, le royaume a fait appel à des entomologistes, et j’ai pu en contacter quelques-uns, qui ont examiné ce sang. Il contenait de la robustoxine, une neurotoxine qu’on retrouve dans certains venins d’araignées. Ce qui est encore plus étonnant, c’est que ce venin n’était pas naturel, mais créé en alchimie. Cet Arachniste en avait du venin dans tout le corps, et était toujours en vie. »

Aoife fit une grimace.

« Vous voulez dire qu’ils s’injectent un composé chimique comprenant du venin d’araignée ?
-  Ben, vous savez, ces saloperies d’araignées sont fascinantes. Elles ont beau avoir huit pattes et être moches comme le cul de ma grand-mère quand elle a oublié de s’épiler, que ce soit leur toile d’araignée, ou leur venin, elles recèlent encore quantité de mystères. Pour vous dire, même ces salopes de mal baisées de Uatéennes les étudient. Et le venin d’araignée a des propriétés extrêmement variables en fonction des espèces. Ce que je veux dire, c’est que ces types reçoivent un mutagène extrêmement toxique, et qui améliore leur capacité, tout en paralysant leur système nerveux. Mon légiste a pu voir ça en examinant l’épaisseur des muscles, anormale pour un si petit gabarit. Ils améliorent leur capacité et la toxine permet d’annihiler la douleur pour un certain temps... Et, quand elle n’est plus là... Ben, vu la dose de toxicité qu’il y avait dans leur sang, j’crois que ces chacals doivent dérouiller un max’... »

C’était horrible, tout simplement. Aoife était sidérée par la folie humaine à chaque fois qu’elle la voyait sous le nez.

« C’est quand même fou, la Nature. Vous saviez qu’il existait des araignées croisées avec des scorpions dans le désert ? Une araignée dont le cul est long comme une queue de scorpion. Les solifuges... »

Le Bossu secoua la tête, et s’approcha d’une grande porte au fond.

« Mes hommes assurent la sécurité de cet endroit. Par là, vous irez sur la piste des Arachnistes.
-  Vous nous faites confiance pour les terrasser ? Pourquoi n’y allez pas vous-même ?
-  J’ai pas assez d’hommes pour ça. Écoutez... Les Arachnistes cherchent à créer un passage pour rejoindre discrètement la capitale. On a entendu des explosions ces derniers jours, par là. Je pense qu’ils doivent avoir creuser un trou dans cette zone. On passe sous la flotte du lac de Koldoue, alors, continuez votre chemin, et vous devrez trouver un moyen de monter. Une fois que vous serez dans la ville, rejoignez la boutique d’antiquités du Vieux Joe, sur la place marchande. Dites au Vieux Joe que c’est le Bossu qui vous envoie. C’est un contact, il vous aidera à localiser la planque de ces salopards dans la ville. Votre copine Médonée doit s’y trouver. »

Tout ce qu’il restait à faire, c’était de s’enfoncer dans ce couloir lugubre, pour filer sous le lac, et rejoindre la sortie faite par les Arachnistes.

*Ouais... Facile comme bonjour, quoi.*

[Shad]

Avaient-elles réellement le choix de rentrer ou non dans ce tunnel creusé par les Arachistes juste en-dessous du lac de Koldoue ? Pas vraiment. Si le Bossu disait vrai, les deux femmes arriveraient dans la ville après une petite séance de marche. Cependant, cela ne risquait pas d’être une partie de plaisir et la Louve mettrait sa main à couper que des problèmes allaient leur tomber sur le coin de la gueule sous peu. Pas assez d’hommes pour ça…Bien sûr que le Bossu en avait suffisamment, il ne voulait seulement pas les envoyer à l’abattoir.  La Lycane soupira reportant son regard vers le tunnel qui se prolongeait dans l’obscurité.

« Finissons-en »

La Okami s’enfonça dans le tunnel ombreux, quelque peu heureux de laisser derrière elle le Bossu. Cet homme commençait à l’exaspérer, même si, elle ne pouvait le nier, il leur avait donné des informations plus qu’intéressantes.  Marchant dans le tunnel creusé par les fanatiques adorateurs d’araignées,  Shad restait sur ses gardes, s’attendant à avoir une mauvaise surprise d’un moment à l’autre.  Pourtant pour le moment, rien, juste  le bruit de quelques gouttes d’eau chutant du plafond pour aller s’écraser sur le sol humide. L’eau du lac perçait le plafond par intermittence.  Ces fous avaient presque failli faire inonder la zone…. Ce qui signifiait que le tunnel était assez instable et mieux ne valait pas user d’une quelconque magie pour éviter d’être noyée sous plusieurs mètres cubes d’eau. Rester dans des flammes, aucun souci, mais respirer sous l’eau…impossible. Et mourir les poumons gorgés d’eau n’était pas vraiment une fin qui plaisait à la Okami.

« Je crois qu’on va oublier la magie…--souffla t-elle avant de reprendre – à propos. Cette histoire d’hommes qui se font injecter du poison d’araignées pour être plus résistants et plus musclés…Vous n’avez pas l’impression qu’il y’a plus en réalité ? Je veux dire, au point où ces fanatiques sont atteints de folie, cela ne m’étonnerait pas qu’ils ont quelques choses de plus précis en tête….J’ai vu des hommes porcs avides de chaires fraîches et difficile à tuer alors des espèces de mutation entre un homme et une araignée….-elle inspira avant de soupirer – enfin j’espère me tromper. »

Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Les troupes du Bossu n’étaient plus qu’un point à l’horizon et leur voix étaient imperceptibles. Au moins, ils surveillaient la zone comme ils l’avaient promis. A moins que ce n’était qu’une allusion, qui pouvait le dire ? L’Okami reporta son attention devant elle.

« Même si ça me fait du mal de le dire …ils ont quand même fait un bon boulot ces enfoirés…Il faudra penser à condamner ce foutu tunnel une fois que nous serons sor…tie ? »

Shad se figea, oreilles dressées sur la tête. Un bruit singulier, elle était sûre d’en avoir entendu un. Comme un son provenant de multiples pattes.  Inconsciemment, elle plongea l’une de ses mains dans la poche contenant son médaillon et l’effleura. Y’avait-il une horde d’araignées dans les parages ? Non, le son semblait provenir de quelques choses de bien plus…gros. Mais de quoi ? Avançant avec prudence, elle scrutait chaque recoin du tunnel avant de s’arrêter in-extremis devant une toile gluante qui leur bloquait la route et de lâcher un juron. A une seconde prêt, elle se serait retrouvée engluée. Un frisson lui parcouru l’échine et prise d’un doute elle se retourna pour voir descendre du plafond derrière elle une espèce de créature avec le corps d’une araignée et le haut d’un homme, qui en toute l’occurrence n’avait pas des desseins paisibles à leurs égards. Et comme si une ne suffisait pas, d’autres arrivaient encerclant les deux femmes. Elles voulaient savoir à quoi server le poison injecté ? Elles venaient de trouver la réponse.