The Multiversity

« Je ne m’attendais pas à ce que vous compreniez, jeune louve… Honnêtement, je n’ai jamais compris pourquoi le Magicien avait confié à Mandus, ce déséquilibré instable, le soin de gérer un tel prototype à Lumen. Il n’en était pas digne, il n’avait pas les épaules pour ça. Mais vous vous méprenez, ma chère… Ce que vous voyez ici n’est qu’une infime partie de la Machine, à laquelle vous allez désormais faire corps… »

Cahir sentait son instinct le démanger. La magie augmenta alors chez Sha,d inquiétant les hommes-porcs… Puis la Louve attaqua brusquement, frappant avec ses griffes. Elle déchiqueta l’un des hommes-porcs, lui ouvrant le bide, avant de l’égorger. Les autres rugirent de rage, et Alexander se recula prudemment, tandis que, à côté de lui, d’horribles monstres se déplacèrent, des espèces de zombies à la mâchoire brisée qui s’avancèrent rapidement vers eux.

Du pied, l’apatride frappa un monstre au ventre, le repoussant brusquement. Un autre s’élança alors, mais Shad… Cracha une boule de feu, enflammant le monstre. Un homme-porc heurta alors Shad, et la plaqua contre le mur. Sa gueule abyssale s’ouvrit, révélant des dents tranchantes, et il chercha à mordre la Louve au cou… Mais Cahir le frappa à l’épaule, le chargeant brusquement. Le coup déstabilisa suffisamment l’homme-porc pour que Shad contre-attaque, le mordant sur place. Regardant encore autour de lui, Cahir constata qu’ils n’avaient aucune chance d’en sortir. Un autre homme l’attaqua, ses longs doigts l’attrapant au cou, et il serra. Cahir grogna sur place, et posa ses deux mains sur la main de l’adversaire, bandant ses muscles, et poussa brusquement en avant, renversant le monstre au sol.

« Shad ! On ne peut pas rester là !
-  C’est inutile ! De vaines résistances ! Acceptez de faire partie d’une plus grande destinée ! »

Cahir aperçut une trappe au sol, et se rua vers elle. Les hommes-porcs étaient plus nombreux, et, malgré les jets de flamme de Shad, ils continuaient à se rapprocher. Cahir finit par attraper la jeune femme, et sauta dans la trappe.

Ce fut un plongeon vertigineux, une chute libre dans l’abîme, qui les amena ensuite dans l’eau. Cahir lâcha Shad, et dériva, emporté par le courant…

…Et se revit dans la campagne, observant au loin le Château Brennenburg. Il tourna la tête vers Shad.

« Nous ne pouvons pas y aller avec notre équipement, ou ils se douteront de quelque chose. »

Ils se retournèrent alors vers une silhouette, celle de l’alchimiste qu’ils avaient croisé tantôt, et qui leur avait fourni la potion d’Amnésie.

« Vous pouvez les entreposer ici… Même si je ne suis pas convaincu de la justesse de votre plan, si vous arrivez à ressortir de ce château infernal, vous saurez où les retrouver, dans mon atelier. »

L’eau les absorbait dans une sorte de canal noirâtre, un égout… Ou peut-être une rivière souterraine circulant sous les fondations du château ? Cahir bascula dans une cascade, et tomba en contrebas, les rapides continuant à l’emporter.

Ils étaient dans la prison, ensemble.

« C’est ici qu’ils regroupent ceux qui nourrissent la Machine… Cet endroit est ce que nous craignions, Shad, une zone-relais… Le Cœur de la Machine n’est pas ici. »

Ensemble, ils avaient planifié un plan d’invasion. Shad avait réussi à ramener avec elle le talisman magique, un talisman qui avait échappé aux gardes. Elle serra le talisman entre ses doigts, et la magie perla autour d’elle, retournant la renforcer, retournant accroître ses pouvoirs et ses capacités, ce qui lui permit d’attaquer le geôlier. Ils se mirent alors à courir, conscients que la potion d’Amnésie allait de nouveau faire effet, et qu’ils allaient progressivement perdre de nouveau leurs souvenirs…

Il éternua au bout de ce qui lui semblait être une éternité. Cahir se redressa, un peu groggy, et regarda autour de lui. Quelques rayons lunaires venaient de trous dans le plafond, lui permettant de constater qu’il était dans une immense grotte souterraine. Il vit une cascade devant, et un grand lac souterrain par où il était tombé. L’homme éternua à plusieurs reprises, recrachant quelques gerbes d’eau.

« Bo-Bordel… Sh-Shad.. ? Shad ! Où es-tu ?! »

Ils avaient quitté l’infernale pyramide… Et les souvenirs continuaient à affluer, de plus en plus clairs…

La situation devenait vraiment préoccupante. Les homme-porcs attaquaient de tous les côtés et de nouvelles créatures étaient apparus, espèce de zombies à la mâchoire tombante. La Louve n’avait pas la moindre idée d’où ils pouvaient provenir, et d’un autre côté, elle ne voulait pas le savoir ! Tout ce qu’elle savait en cet instant était qu’ils devaient se battre ou Cahir et elle allaient faire partie de la Machine. Du moins, d’une petite partie de la Machine car…la véritable Machine n’était pas là. Avaient-ils fait tout cela pour rien ? Non, bien sûr que non ! Même si ce n’était pas le cœur, cette chose devait être détruite ! Mais comment ? La Louve repoussa un autre homme-porc et envoya une boule de de feu sur un cadavre ambulant qui comptait prendre l’apatride en traitre. Pourtant, malgré leurs efforts combinés, les ennemis continuaient à affluer et ce fut surprise que la Lycane fut poussée dans une trappe où elle chuta sur plusieurs mètres avant que son corps ne heurte (par chance !) une surface visqueuse.

Mais cette dernière était loin d’être calme, et de puissants courant l’animait. Aucune chance de lutter contre, la Louve se faisait simplement emporter comme si elle ne fut qu’une petite brindille à la dérive. Elle gardait du mieux qu’elle le pouvait son museau hors de l’eau, mais bien vite, des chocs au niveau de ses pattes la firent glapir de douleur. Elle replia immédiatement ses pattes contre elle afin d’éviter d’autre choc. Par chance, si ce geste avait pu être réalisé, cela signifiait qu’il y’avait eu plus de peur que de mal…Et qu’en l’occurrence, rien n’était cassé. Une « vague » la submergea, lui faisant boire la tasse. Et quand elle fit ressurgir sa gueule à la surface, ce fut pour apercevoir la cascade…juste avant de tomber avec Cahir. Les rapides les ramenèrent par la suite hors de l’eau et continuèrent à les pousser sur plusieurs mètres et pendant tout ce temps, les souvenirs affluaient également dans son esprit. La Louve n’avait pas la moindre idée s’ils étaient encore au niveau du château ou loin…tout ce qu’elle pouvait se dire c’était qu’ils avaient pour l’heure un peu de répit. Finalement, leurs corps furent rejetés contre une berge.

Reprenant son apparence humaine ; Shad toussa, crachant de l’eau, levant une main faiblarde.

« Là…je suis là Cahir… »

Elle toussa de nouveau, avant de porter son attention à sa cheville. Cette dernière ne semblait pas casser, juste un peu rouge ; rien de bien grave, juste faire un peu attention à ne pas trop y prendre appui. Elle frissonna de froids, faisant glisser ses mains contre ses bras avant de subitement user de ses capacités pour s’enflammer et se réchauffer. Quant à Cahir, elle fit tourner une sphère incandescente autours de lui qui avait également le même but…le sécher au plus vite pour éviter toute hypothermie. Elle révoqua par la suite ses flammes, réalisant dans un même temps qu’elle arrivait mieux à maîtriser ce qui semblait être ses pouvoirs.

« Toi aussi….tu as vu des souvenirs ? »

Les pièces du puzzle commençaient à prendre forme ; bien sûr ils leurs manquaient quelques éléments mais le plus gros était là. Il ne restait plus à voir comment il allait être exploité.

Fort heureusement, Cahir ne resta pas seul trop longtemps. Le courant avait emmené Shad à côté de lui, et celle-ci ne tarda pas à générer une sorte de sphère argentée, venant les réchauffer mutuellement. Cahir fut indéniablement soulagé de la revoir, et un léger sourire parvint à égayer son visage, ce qui n’était pas peu cher, compte tenu de la situation actuelle. Il frissonna à plusieurs reprises, tout en hochant la tête quand Shad lui demanda si les souvenirs lui revenaient.

« O-Oui… »

Il se frictionna encore un peu les épaules, tout en sentant effectivement des souvenirs émerger en lui.

« Je… Je m’appelle… Ou je m’appelais… Cahir Mawr Dyffryn aep Ceallach. J’étais un soldat mijakien d’élite, mais j’ai été manipulé… Sacrifié par le Conseil Impérial pour permettre à celui-ci de coloniser un royaume, Cintra… Un royaume où je devais récupérer la Princesse héritière, la kidnapper pour qu’elle épouse Emhyr var Emreis, un Conseiller impérial influent, dans le but de lui permettre d’avoir la mainmise sur Cintra, et asseoir ses ambitions pour le trône impérial. Mais je n’ai pas réussi à l’avoir, et Emhyr m’a sacrifié, en me frappant d’apatridie. »

Cela n’avait rien à voir avec eux, mais, plus Cahir parlait, et plus il lui semblait que les souvenirs revenaient, se matérialisant.

« J’ai voyagé jusqu’à Lumen, sans but… Pour finalement revenir à Mijak. Je… J’ignore encore ce qui m’a poussé à venir dans cette région. Mais… Tout laisse à croire que mon histoire est, d’une façon ou d’une autre, liée à cet endroit. Espérais-je trouver des réponses ? Peut-être… »

Il se concentra encore.

« La… La Conspiration des Toiles… Oui, oui ! Je… J’ai entendu parler à Lumen d’une organisation, une… Une vaste organisation qui était responsable d’évènements potentiels impliquant un industriel fou, Oswald Mandus. Je… J’ignore comment tout cela s’est imbriqué dans ma tête. Je me souviens d’avoir accompli une quête dans les égouts de Lumen, et… »

Mais oui ! Désespéré et devant payer un logement minable dans les bas-fonds, il avait atterri à proximité de l’abattoir Mandus… Ou, plutôt, de ce qu’il en restait. La ville avait passé une nuit épouvantable, car d’horribles hommes-porcs avaient attaqué et ensanglanté les bas-fonds de Lumen. Depuis lors, les monstres avaient ressurgi dans les égouts, ainsi que les hommes-porcs, et les commerçants locaux avaient formé des corporations pour embaucher des sorceleurs potentiels en vue de tuer les hommes-porcs. N’étant pas sorceleur, Cahir avait accepté une quête.

Dans les égouts, il avait traqué l’une de ces bêtes. Les hommes-porcs se nourrissaient des carcasses de noyeurs, ne voulant pas sortir dehors. Il avait finalement trouvé leur refuge dans une grotte, depuis un trou dans la voûte d’un égout permettant de rejoindre des cavernes. C’est là que Cahir avait constaté que les mercenaires n’étaient pas les seuls à traquer les hommes-porcs. Il y avait aussi d’étranges individus, bien organisés, avec plusieurs magiciens.

« J’avais compris qu’ils n’étaient pas une simple guilde. Ils voulaient étudier les hommes-porcs, et évoquaient Mandus en parlant d’un ‘‘immense gâchis’’, et en parlant du ‘‘Baron Rouge’’, ainsi que de la venue prochaine du ‘‘Magicien’’… »

Des mots qui devraient résonner dans l’esprit de Shad. Toujours est-il que Cahir ne les avait pas attaqués, mais avait préféré les suivre. Il avait ainsi découvert que les hommes-porcs étaient convoyés dans un chariot mortuaire. Ledit chariot n’empruntait toutefois pas la route du cimetière, mais celle des beaux-quartiers de Lumen, et la demeure d’un riche notable luméen.

« J’aurai pu m’arrêter là, mais j’étais depuis suffisamment longtemps à Lumen pour savoir que la ville était un panier de crabes. J’ai appris en interrogeant les badauds que c’était la demeure d’un membre qui siégeait au Conseil royal luméen. »

S’y infiltrer n’avait pas été simple, mais Cahir était plein de ressources. Il avait ainsi pu surprendre un rassemblement de conspirationnistes.

« J’ignore qui étaient là, mais il n’y avait pas que des Luméens… Des Mijakiens, aussi. Ils commentaient le ‘‘désastre Mandus’’. Le Luméen indiquait que la Reine se doutait désormais de quelque chose, et soupçonnait ses plus proches alliés d’être de traîtres potentiels. Mais il avait bon espoir que l’enquête autour des liens potentiels d’Oswald Mandus n’aboutisse jamais. Et cela semblait tous les rassurer, car le Magicien avait assisté à cette débâcle, et des têtes risquaient sûrement de tomber. Ils ont également évoqué une conspiration à Mijak, la ‘‘Conspiration des Toiles’’… Un autre de leurs fils, manifestement. »

Cahir avait constaté qu’il s’agissait d’une vaste organisation souterraine, très influente, qui disposait également de Conseillers Impériaux. Ils prévoyaient de destituer l’Empereur, et avaient organisé les moyens de sa chute à travers un plan impliquant une ‘‘intervention divine’’... Cahir n’avait pas spécialement tout saisi, même s’il avait eu froid dans le dos en les entendant ainsi parler. Le pire fut toutefois quand ils parlèrent d’un de leurs précédents projets.

« La Princesse de Cintra… Cirilla. Ils ne digéraient toujours pas leur impossibilité d’avoir réussi à la capturer. J’en viens même à me demander si Emhyr ne fait pas partie de la Conspiration, et si tout cela n’est pas un complot en vue de le nommer Empereur. Mais toujours est-il qu’ils ont évoqué la débâcle de Cintra… Et ont ensuite précisé qu’ils avaient au moins eu le lot de consolation de se débarrasser des Caellach… »

C’était une simple phrase volée, mais qui était plus importante que tout le reste. Cahir avait ainsi compris que, d’une manière ou d’une autre, son existence était liée à cette mystérieuse organisation, la Monarchie de la Rose. Il avait ensuite choisi d’enquêter en allant voir ce fameux Baron Rouge, à Brennenburg.

« Et c’est comme ça que je t’ai croisé, Shad, à proximité de Brennenburg… Une rencontre fortuite dans une auberge… »

Était-il utile de préciser qu’ils avaient fait l’amour ensuite ? Sans doute pas. Cahir se rappelait aussi qu’ils avaient déjà combattu ensemble dans les environs de l’auberge, car il manquait d’argent, et avait accepté de tuer une bête qui rôdait dans le coin. C’était plus précisément comme ça que lui et Shad s’étaient retrouvés.

« Et toi ? J’ai la nette impression que tu es intimement liée à cette histoire de fous également… Non ? »

La Louve hocha la tête dans l’affirmative, au fur et à mesure que Cahir avait conté son passé, la mémoire était également revenue peu à peu dans l’esprit de l’hybride :

« En effet, et il semblerait même que certaines de tes expériences soient liées au mienne Cahir…Notamment celle ayant lieu à Lumen. »

Par où commencer ? Même la Louve avait du mal à tout se remémorer correctement de tout ce qui avait pu lui arriver…elle pris une inspiration et commença à son tour son récit :

« Je me nomme Shad, je n’ai pas de nom de famille ou du moins, je crois l’avoir abandonné. Je me rappelle avoir vécu sur Terre et être revenue sur Terra en étant capturée pour être vendue en tant qu’esclave.  Mais…j’ai toujours refusée d’être asservie et je m’échappais à chaque fois de mes geôliers, cela me conduisant à vivre dans les Provinces Libres où je fini par arriver dans une étrange forêt faites de toiles d’araignées… »

Bien sûr il manquait certains éléments entre ces deux évènements mais rentrer dans tous les détails n’étaient guère important ici :

« Je me souviens avoir fait la rencontre d’Elise et de Médonée…la première est une femme arachnéenne très puissante qui fut trahit par son ancien souverain quand elle était encore humaine…Mais la forêt fut attaquée par un certain Brahmim qui faisait partie de la Monarchie de la Rose…Nous arrivâmes à défendre les lieux et à défaire les troupes ennemies après cela, je me suis dirigée vers Lumen où je fus confrontée à l’abattoir Mandus. Mais contrairement à toi, je fus au cœur de l’action. Je crois même avoir vu et discuté avec la Reine… »

Elle fronça ses sourcils, cherchant dans sa mémoire, reprenant :

« Je fis équipe avec un homme, son nom m’échappe…mais nous avons mené l’enquête dans différents lieux et avons finir par découvrir la vérité sur Oswald Mandus…Nos pas nous menèrent dans un réseau souterrain un peu comme celui d’où nous nous sommes échappés et puis…il y’a eu cette invocation, cette horrible créature que nous avons pu repousser grâce à …à…merde…Adamante voià ! – elle jura et repris -  et l’abattoir fut détruit…Ca doit être après ce moment que tu as dû faire face aux hommes-porcs… Mais tout ne se calma pas par après…Je me retrouvais en Enfer pourchassé par un étrange champion…on apprendra plus tard qu’il servait ce fameux magicien…Flagg. »

Tout en récitant son récit, la Louve elle-même avait du mal à croire ce qu’elle racontait mais pourtant, au fond d’elle-même, elle savait que c’était la vérité :

« Je me suis…liée ? A un clan démoniaque.  Je crois même que j’avais une forme démoniaque à cette époque aussi mais je ne sais plus comment je l’avais obtenu…dans tous les cas, mes pas me menèrent à rencontrer de nombreux seigneurs démoniaques dont Lucifer lui-même…- Elle eut un petit rire nerveux – moi une simple hybride on dirait presque une vilaine blague ! En tout cas…- elle souleva légèrement son médaillon – je crois me rappeler que ce médaillon avait son importance car il nous mena à une ancienne cité et…provoqua l’arrivée d’un grand ancien …Hastur. »
Un frisson lui parcouru l’échine en repensant à cela.

« Flagg…Le Magicien était présent et malgré tout…nous avons pu repousser le Grand Ancien grâce au médaillon et…je crois avoir sacrifié une part de moi-même…cela devait être ma partie démoniaque qui n’était pas naturelle de toute manière… Je crois que toute cette aventure m’a valu à me faire des alliées …atypique au sein des Enfers »

La Louve leva un instant son regard vers le plafond de la grotte et repris :

« Tu as sans doute dû entendre de Koldoue…Ce royaume tomba face à une attaque de la Monarchie de la Rose…Encore eux oui. Je me demande s’ils ne sont pas en lien avec cette conspiration des toiles…dans tous les cas, ces deux organismes servent le Roi Cramoisi et tentent d’alimenter la Machine pour faire revenir les Grands Anciens dans notre monde…Mais ça..Alexander nous l’a confirmé….passons les différents détails des nombreuses batailles, je crois que ma route a fini par me conduire vers Brennenburg ..A moins que l’on m’ait envoyé ? Quoiqu’il en soit nous nous y sommes rencontrées et tu…connais la suite. »

Un rire nerveux lui échappa et elle regarda par la suite Cahir :

« Tout cela semble bien fou hein ? Nous avons tous les deux vécus de sacrées aventures même si je ne connais pas ce fameux royaume que tu as mentionné…- elle poussa un long soupir – nous ne pouvons pas les laisser faire Cahir…nous devons arrêter le Baron Rouge et vu que notre mémoire nous ait revenue nous avons plus de chance de réussir… »

Cahir écouta silencieusement le récit de Shad, et se rappela le scepticisme dont il avait fait preuve la première fois. Tout ça ressemblait au délire d’une personne alcoolique en train de potasser son vin, et inventant n’importe quel bobard pour masquer la réalité d’une vie fade et insipide. Mais, en son for intérieur, il savait qu’elle disait vraie. Oswald Mandus, l’abattoir, son séjour en Enfer, ce mystérieux talisman… Flagg… La Conspiration des Toiles, et la Monarchie de la Rose ! Cahir la laissa parler, et hocha lentement la tête.

« Nous ne pouvions pas entrer dans le château avec nos souvenirs… Alors, nous avons bu une potion d’Amnésie, et nous avons rejoint le convoi qui se rend régulièrement aux villages environnants pour y conduire des prisonniers. »

Un sort funeste qui les attendait dans les cachots de Brennenburg, avant de servir… De sang. Du sang pour alimenter la Machine. Cahir secoua encore la tête, et, sentant un vertige le saisir, s’assit sur une pierre polie, et posa sa tête dans ses mains.

« Oui, oui… La Monarchie de la Rose… J’en ai entendu parler. Une organisation qui sévit à travers tout Terra, qui fédère les milices et les seigneurs de guerre isolés. Une organisation qui capture des gens… »

Et le château Brennenburg s’inscrivait manifestement dans cette vaste toile. Quel était le rôle de la pyramide ? En se concentrant encore, Cahir se revit dans la prison. Les prisonniers travaillaient dans des mines, accessibles depuis la prison. Mais, très souvent, on en emmenait beaucoup dans un tunnel, derrière la Lourde Porte.

« Oui… La Lourde Porte… »

Curieusement, les souvenirs les plus récents avaient encore du mal à percer. Il se rappelait des bourreaux armés de fouets, de travailler toute la journée, de dormir dans des cellules surpeuplées, sans aucun respect pour lui, pour sa dignité. Ils n’étaient que du bétail, qu’on nourrissait par des abreuvoirs d’une sauce infecte. Ils étaient enchaînés tous avec un collier autour du cou, travaillant à la chaîne dans les mines, à casser des cailloux avec des pioches, se tuant à la tâche. Régulièrement, les geôliers désignaient plusieurs mineurs, les attachaient au pilori de la cour commune, et les fouettaient jusqu’au sang. Sans raison particulière, juste pour le plaisir. D’autres étaient suspendus à des gibets, mourant petit à petit de faim.

Le désespoir, l’effondrement, la peur… Les hommes-porcs veillaient sur eux, et ceux tentant de s’évader était rattrapés par les geôliers, et dévorés par eux. Cahir secoua encore la tête.

« Cet endroit est une sorte de point-relais… Pour le détruire, il faut retrouver les prisonniers. Déclencher une émeute... »

Cahir laissa les souvenirs affluer en lui.

« Oui, tu t’en souviens ? Nous avons fait le tour de la région, nous avons été dans chaque ville. Le Baron Rouge est le gouverneur de cette région, il tient la police et la justice locale entre ses mains. Mais les gens sont sur le point de se révolter. Nous nous sommes infiltrés pour ça… Un cheval de Troie pour… Ouvrir les portes de l’intérieur. »

Cahir secoua encore la tête.

« C’est ce qu’on voulait faire… Les libérer de l’intérieur, déclencher une révolte, et mettre fin au règne du Baron Rouge. Pour ça, il faut qu’on retourne à l’intérieur… Les mines mènent à ces grottes, mais… Je crois que nous ne sommes pas seuls dans ces cavernes. »

Qui sait quelles horreurs les profondeurs de ce château abritait encore ?

« Malheureusement…notre plan n’a pas marché comme il l’aurait dû. Nous l’avons vu de nous-même, aucune révolte semblait en cours et à présent nous en pourrions plus nous infiltrer comme avant… »

Il allait donc falloir ruser, user d’une autre stratégie pour galvaniser les foules et les pousser à prendre les « armes ». La Louve restait toutefois dubitative, comment diable cette solution avait-elle la moindre chance de marcher ? Et cette idée de s’infiltrer en buvant une potion d’amnésie…En y réfléchissant bien, ce n’était qu’après tout que pure folie ! A bien y réfléchir, c’était là une chance s’ils avaient pu s’en sortir vivant et l’Okami poussa un long soupir à cette pensée. Mais qu’est ce qu’ils avaient pensé à la fin ? Bien sûr, ils n’avaient pas dû faire cela sans raison, mais même en entendant les explications de Cahir, elle n’en voyait pas de logique pour l’heure. 

« Bon… »

Réfléchissons un peu. Comment accéder à ces fameuses mines via ses grottes ? La solution la plus plausible serait de retourner sur leurs pas, mais il n’y avait pas partout de la terre ferme et le courant était particulièrement puissant. La Louve s’approcha de la rivière, observant cette dernière s’écoulait, réfléchissant avant de subitement s’écarter. A l’emplacement de sa place une « marque » venait d’être mis sur le sol, comme une main venant d’une créature invisible.

« Et tu as bien raison Cahir ! Nous ne sommes pas seuls ! Nous devons éviter de nous approcher de l’eau j’ai…eu affaire à ces créatures dans l’Abattoir de Mandus. »

Par chance, ils « pouvaient » la voir si elles décidaient de sortir de l’eau, les gouttelettes la trahirait. Mais pour l’heure, mieux valait éviter la rivière. L’Okami désigna une entrée derrière eux, une sorte de passage se prolongeant dans les ténèbres.

« Ca doit être la seule solution pour l’instant…A moins que tu en vois une autre ? »

Des créatures invisibles et meurtrières dans l’eau et …qu’est ce qui pouvaient bien les attendre dans cette pénombre ? L’Okami s’approcha de l’entrée et huma l’air, reculant subitement et toussotant.

« Ça pue la mort par-là ! »

Définitivement non…Ce passage n’allait pas être de tout repos. Mais à présent, ils avaient retrouvé une partie de leurs mémoires et donc leurs facultés…Cela présentait un handicap de moins.

Cahir n’avait aucune autre piste. La mémoire revenait progressivement, comme si, à force de gratter ce coin de son esprit, il avait abaissé une trappe, libérant un flot de souvenirs. Il se souvenait également des griffes de Shad glissant sur son dos tandis qu’il la pénétrait, et qu’elle le retournait ensuite, s’empalant sur lui, faisant grincer le lit. Une vision enchanteresse, divine… Il se souvenait de son doigt filant sur le corps nu et en sueur de Shad, titillant le talisman arachnéen de la femme. Cahir revint à lui-même quand Shad désigna un passage, et hocha doucement la tête.

« Allons par là… »

Ils avancèrent dans un couloir assez étroit, une galerie sinueuse se recroquevillant parfois, jusqu’à former un goulot d’étranglement. Cahir devait alors se presser, et se félicitait d’être relativement maigre. Ils remontèrent ensuite un chemin, arrivant dans une caverne cristalline, éclairée par des champignons bleuâtres. Des stalactites ornaient dangereusement le plafond, les amenant parfois, surtout Cahir, à s’agenouiller, pour les éviter. Il suivait Shad, et dut même ramper à un moment.

Une progression laborieuse, qui les amena jusqu’à une sorte d’ancien abri. Un refuge de contrebandiers désert, avec des armoires abandonnées, et quelques cadavres sur le sol. Cahir inspecta rapidement les corps. Ils étaient squelettiques, certains portant encore des armures rapiécées, comme des côtes de maille dévorées par les rats et par le temps.

« Ils ont été tués… »

C’était une cache de contrebandiers, et, très rapidement, le duo avisa un petit ponton en bois construit le long d’une rivière souterraine. Pas de bateau, mais une corde découpée qui était encore faiblement retenue au ponton. Cahir se rapprocha ensuite d’un coffre, et l’ouvrit. Il y avait une forte odeur de moisissure, mais il trouva des armes, et les examina.

« Les lames sont légèrement émoussées, mais cela resta de l’acier… »

Il reconnaissait là des armes mijakiennes contrefaites, ou volées. Cahir tendit à Shad une dague tout en récupérant une épée assez lourde. Il s’amusa à la soulever en l’air, la faisant tournoyer, et fit quelques moulinets dans l’air, juste pour s’assurer que l’épée était solide.

« J’ignore qui a tué ces types, mais on ne devrait pas rester là pour attendre la réponse, Shad… »

Cahir se déplaça encore, et ils entendirent alors des bruits venant des profondeurs… Comme une série de cliquetis. Un peu de poussière leur tomba dessus, et l’apatride se pinça les lèvres.

« Merde, ils se rapprochent… »

Le duo se pressa un peu, et ils rejoignirent une autre grande pièce, une caverne là aussi éclairée par des champions phosphorescents. Cahir s’avançait encore, nerveux, notant la présence de grosses pierres rondes polies… Qui se déplacèrent lentement quand les deux guerriers se déplacèrent. Les bruits venant du dessus se précipitèrent encore, et Cahir se pinça les lèvres en voyant des ouvertures devant eux. Il s’attendait à voir des toiles d’araignée… Mais ce fut finalement une espèce d’horrible créature à six pattes qui émergea.

*C’est davantage un arachnide qu’une araignée…*

L’arachnide claqua des dents, et, dans le dos du duo, des lézards monstrueux se redressèrent, déployant une crête dorsale, qui se mirent à siffler ensuite dangereusement, s’apprêtant à bondir sur eux…

Réaffirmant sa prise autours de la garde de sa dague, l’Okami se mis dos à dos à l’Apatride. Certes ils avaient réussi à progresser mais ils devaient de nouveau faire face à des ennemis. Et tout portait à croire que ces derniers étaient plus des résidents des tréfonds plus que des serviteurs des Grands Anciens…Mais rien n’empêcher le fait que le Baron Rouge est pu mettre ces créatures là afin d’empêcher toutes fuites des mines par les grottes…Ce valétudinaire…Au moins les champignons luminescents leurs permettaient de ne pas être complètement dans la pénombre, c’était toujours ça de gagner !

Autre point positif : Avec leurs souvenirs revenant petits à petits, leurs capacités à se battre devenaient également plus sûre, plus maîtrisée…La position de leurs corps, de leurs pieds, leurs attentions démontraient que leurs corps récupéraient des souvenirs perdus et leurs permirent de ne pas mourir lors d’une première attaque des lézards. Le duo évita l’attaque, chacun protégeant l’angle mort de l’autre dans un commun accord. L’arachnide restait pour l’heure au plafond, courant sur celui-ci et attendant d’atteindre l’endroit parfait pour attaquer. Les lézards, si autant on pouvait les appeler ainsi, étaient plus directs : ils se ruaient sans réfléchir, cherchant à tuer le plus rapidement possible…Pourtant à un moment, l’autre créature émis un son et les lézards changèrent de technique, cherchant plus à surprendre le duo…

« Cet arachnide les contrôles…Mais ça tu l’as aussi compris hein…Attends, je vais essayer quelque chose pour la faire descendre, prépares toi à la tuer ! »

Repoussant une nouvelle attaque, la Louve se concentra et fit apparaître une sphère enflammée dans la paume d’une de ses mains. Le premier lancé fut peu concluant car la créature l’évita sans souci…Ayant vu venir l’attaque. Jurant tout en plantant sa dague dans le crâne d’un des lézards, Shad se mis à réfléchir à toute vitesse, comment donc l’atteindre si la bête pouvait se douter de l’attaque ? Réfléchir…Et surtout rechercher dans ses souvenirs…jusqu’au moment où une langue de feu jaillit de sa paume et vint frapper par surprise l’arachnide qui...réussit à se rattraper à une stalactite

« Merde… »

Mais cela n’allait pas l’abattre ! La Louve attaque de nouveau avant de subitement annuler son attaque et de jurer une nouvelle fois : Une odeur subtile de gaz venait de lui chatouiller les narines…par chance la teneur n’était pas assez forte pour que la présence des flammes provoque une explosion mais à présent mieux valait ne pas jouer le feu.  Au moins, la première attaque avait énervé l’Arachnide qui semblait se rapprocher de plus en plus du duo…A portée de l’épée de Cahir…

Face à l’arachnide et aux lézards, Cahir devait être prudent. Ce n’était de plus pas sa lame. C’était une épée mal équilibrée, ancienne, qui fonctionnait mal. Son épée lui manquait, une lame puissante qu’il entretenait régulièrement. Ceci dit, Cahir n’avait pas vraiment le luxe de pouvoir se plaindre. Avoir une lame, c’était déjà un miracle en soi ! Un lézard bondit vers lui, et l’épée traversa l’air, décrivant un mouvement transversal qui rencontra le lézard. La lame heurta la tête du lézard, et le cloua au sol, avec une profonde entaille qui fit jaillir son sang. Cahir tournoya sur place ensuite, évitant un autre lézard qui bondit dans son dos, et Cahir le frappa à son tour.

De son côté, l’arachnide, qui semblait les contrôler, restait prudemment à distance, en hauteur, avançant au milieu de nombreux stalactites. Shad se concentra alors, et puisa dans sa magie. Maintenant que la mémoire lui était revenue, Cahir la revit, dans la forêt de Brennenburg, déployer des jets de feu pour repousser des monstres. Hélas, l’arachnide était très efficace, et bondit sur le côté, évitant les boules de feu de la Louve. Cahir, de son côté, continua à repousser les lézards. Son pied frappa un lézard au visage, et sa lame frappa encore, tranchant une patte d’un autre lézard.

« Bordel ! »

Il transperça le ventre d’un autre monstre. Un lézard le frappa alors dans le dos, et Cahir trébucha lentement. Le lézard planta ses griffes dans son dos, et Cahir ne put s’empêcher d’hurler. Réagissant vite, il se recula, et heurta le mur, surprenant le lézard, qui relâcha ses griffes. Cahir en avait lâché son épée, et un deuxième lézard courut vers lui. L’apatride plia les jambes, et anticipa les mouvements de la créature. Quand celle-ci bondit vers lui, il l’esquiva d’un pas de côté, et courut rapidement, poursuivi par les deux lézards. Cahir roula sur le sol, attrapa son épée au passage, et pivota rapidement.

Agenouillé sur le sol, sa lame se pointa en avant, et heurta un lézard qui le poursuivait. Celui-ci lui sauta dessus, et heurta de plein fouet la lame. Restait le deuxième lézard, qui lui sauta dessus, et le renversa. Cahir réagit rapidement. Tandis que son dos heurtait le sol, il utilisa leur vitesse de déplacement pour soulever son genou, et poussa le lézard, le faisant passer par-dessus lui. Agissant toujours vite, faisant fi de la douleur qui lui tiraillait le dos, l’apatride récupéra à nouveau sa lame, et frappa encore, faisant couiner une ultime fois le lézard.

C’est à ce moment que l’arachnide, agacé par les boules de feu de Shad, et par la mort de ses petits, bondit du plafond. Shad l’esquiva en bondissant sur le côté, et le monstre heurta lourdement le sol. Après les boules de feu, la voûte de la grotte était bien plus sensible, et Cahir entendit clairement de multiples craquements venant du plafond. Des stalactites tremblaient sur place, commençant à se lézarder.

*Il est trop gros…*

Cahir aspira de l’air pour inciter Shad à la méfiance, mais l’arachnide cracha alors un jet d’acide sur Cahir… Qui para avec sa lame. Quelques gouttes le touchèrent toutefois au visage et sur le reste de son corps, et il gémit en sentant une croûte se former sur sa joue. L’arachnide s’élança alors vers Shad, menace prioritaire. Rapide avec ses multiples pattes, il ondula sur place, dans une sorte de pas de côté rapide, sa longue queue caudale se déployant pour viser Shad.

Cahir, de son côté, reprenait son souffle.

« C’est sa queue ! Il faut attaquer sa queue, Shad ! »

Tout le reste de son corps était protégé par une solide carapace chitineuse, mais pas la queue, qui était plus molle. L’arachnide s’en servait pour combattre, mais c’était aussi son point faible.

Il restait encore à l’atteindre, et, pour ça, Shad et Cahir allaient devoir se synchroniser !

Le son du craquement n’échappa aux oreilles fines de l’Okami qui jeta rapidement un coup d’œil vers le plafond, apercevant de ce fait l’imposant stalactite qui n’allait pas tarder à chuter. Mais encore fallait-il pouvoir lui donner un petit coup de pouce pour l’aider à se décrocher du plafond. Malheureusement la Louve ne pouvait plus utiliser ses capacités pyromanciennes, il leur faudra donc trouver une autre solution. L’acide qui frappa le visage de l’apatride fut soudainement germer une folle idée dans l’esprit de l’hybride. Ce sera cette créature qui allait encore plus fragiliser le plafond de la voûte…Après cela, il suffira juste de bousculer un peu le tout et…prier pour que cet imposant stalactite transperce la carapace chitineuse de l’arachnide.  La Louve indiqua la stalactite d’un mouvement de menton à Cahir, espérant qu’il comprenne où elle voulait en venir avant de prendre son apparence lycane, plus efficace pour ce qu’elle avait en tête, et de lancer à Cahir :

« Tu t’occupes de sa queue, je me charge de devant ! »

Et pour que la créature se concentre sur elle, la Louve s’en approcha dangereusement et la frappa de ses griffes, faisant crisser ses dernières contre sa carapace. Oh, elle ne chercha pas à la transpercer mais plus à faire en sorte que l’arachnide projette ses jets d’acides vers elle.  Malheureusement la cible de Cahir, sa queue, restait en mouvement perpétuel, il allait donc devoir attendre le bon moment pour l’atteindre par surprise.  Shad quant à elle se mis à bondir de parois en paroi, s’aidant à la fois de ses muscles et de ses griffes pour se mouvoir. Bien entendu, elle ne pouvait pas se déplacer aussi efficacement que son adversaire mais ce n’était guère un souci. Son objectif était que quelques de ses jets d’acides frappe la stalactite à fragiliser. Cependant, diriger un angle de tir d’un adversaire était une tâche ardue qui demandait d’être en mouvement constant. Rare était les fois où l’acide touchait la cible désirée et nombreuses sont celles où la Louve manqua de s’en prendre…si elle n’eut déjà pas quelques gouttes aux niveaux des épaules et du dos. Elle grogna de douleur mais n’abandonna pas !  Mais d’un côté, cela ne pouvait durer éternellement…il fallait donc tenter le tout pour le tout !

« Cahir, prépares toi ! »

Elle ne donna pas plus d’explication, le temps leur été compté, mais elle savait qu’il réagirait parfaitement en conséquence de ce qui allait arriver. La Lycane vint se placer contre une paroi, ses griffes transperçant la pierre et elle attendit. Elle attendit patiemment que la créature avance vers elle et quand cette dernière atteignit l’emplacement désiré, la Louve bondit de sorte à atterrir sur le dos de l’arachnide, mais au lieu de l’attaquer directement, elle poussa sur ses pattes arrière pour se propulser en l’air vers l’imposant stalactite. Au moment de l’impact, elle changea de forme, prenant son apparence animale et frappa le plafond de son dos, l’ébranlant encore plus et faisant enfin choir cette satanée stalactites…droit dans le dos du monstre, l’empalant sur place.

Mais la créature bougeait encore ! Sa queue s’agitait dans tous les sens, cherchant à briser ce roc qui la transperçait et également à tuer tout ce qui était à porter. L’hybride avait de nouveau changé d’apparence, accrochée une paroi, elle reprenait son souffle, laissant le reste à Cahir.

La bataille devenait de plus en plus difficile. Les deux venaient de réchapper à la mort, et tombaient maintenant sur une indescriptible abomination. Cette saloperie de scorpion géant les mettait à rude épreuve, et Cahir, qui pouvait se féliciter d’avoir trouvé son point faible, devait maintenant trouver comment l’attaquer. La bestiole les attaqua encore, mais, cette fois, ce fut au tour de Shad d’attaquer. Piégeant l’arachnide, elle bondit sur son dos, et s’en servit comme d’un trampoline, s’élançant dans les airs.

« Shad ! »

Voulant l’aider, Cahir fut interrompu en course par l’une des créatures accompagnant l’arachnide, ces gros lézards cyclopéens avec une crête le long de la moelle épinière. Le lézard lui sauta dessus, et renversa Cahir, qui attrapa sa gorge, l’empêchant de mordre, et le repoussa en arrière. L’apatride se redressa alors, et, plutôt que de se servir de son épée, para au plus rapide. Son pied alla frapper le crâne du lézard, le repoussant contre un rocher, où il put ensuite l’embrocher avec sa lame. Pendant ce temps, une stalactite supplémentaire tomba du plafond, et s’écrasa violemment sur l’archnide, le transperçant.

La stalactite perça son armure et ses plaques chitineuses. Le rocher s’enfonça sur plusieurs dizaines de centimètres, immobilisant l’arachnide, qui hurla de douleur, poussant des cris suraigus.

*Shad est complètement folle !*

Mais, toute aussi folle qu’elle soit, elle lui avait offert une ouverture ! Une ouverture que l’apatride comptait bien utiliser à bon escient. La queue de l’arachnide remuait sur place, fouettant le vide derrière lui. Cahir se déplaça lentement, attentif aux mouvements du monstre, et bondit alors en avant. Il évita la pointe de la queue en s’agenouillant, et bondit en avant, puis planta sa lame dans la base de la queue, s’enfonçant à l’intérieur. L’apatride sentit une chair molle et visqueuse dans laquelle il s’enfonça profondément. Cahir soupira fortement, et fit alors tournoyer sa lame, faisant couler le sang du monstre, ainsi que du pus.

Cahir maintint sa position ainsi, pendant un certain temps, jusqu’à ce que l’arachnide cesse de remuer. Le guerrier retira alors sa lame, et reprit sa respiration. Il ferma les yeux en sentant l’adrénaline redescendre. Le sang s’échappait de la gueule de l’arachnide, et les lézards, surpris, partirent précipitamment.

« Oh bordel, la vache… ! »

L’apatride vit Shad revenir, et lui sourit légèrement.

« Bien joué, tu es vraiment pleine de ressources, Shad… Mais je crains que nous ne soyons pas encore au bout de nos peines, si nous arrivons un jour à sortir de ces grottes… »

« Nous y arriverons Cahir, nous arriverons à sortir de cet enfer ! »

Le monstre était enfin battu et ses petits serviteurs s’étaient enfuis ! Cahir et Shad pouvaient reprendre leur souffle et laisser l’adrénaline redescendre. Bon sang, il s’en était fallu de peu ! Qui sait quelles autres créatures ils finiront par rencontrer au fil de leurs périples. La Louve frissonna un bref instant avant de sentir un liquide chaud contre son dos, y passant rapidement sa main, elle vit par la suite sur cette dernière du sang. Grimaçant, elle tourna le dos à Cahir :

« Tu peux regarder l’étendue des dégâts ? J’ai dû me blesser en me frappant contre le plafond de cette satanée grotte…Je regarderais aussi les tiennes après si tu veux. »

Et l’adrénaline lui avait permis de faire fit de la douleur, de l’ignorer complétement jusqu’à ce que tout redevienne calme.  En attendant que l’Apatride observe ses blessures ; l’hybride regarda autours d’eux. D’un côté le passage par lequel ils étaient arrivés et à l’opposé, un autre passage.  Exactement par là où les lézards avaient pris leurs fuites, mieux valait s’attendre à les rencontrer de nouveau par la suite. Un vent glacial, surgit de nulle part vibra soudainement dans la pièce, faisant hérisser les poils de l’hybride.

« Ce…C’était quoi ça ? »

Pas le temps d’avoir une réponse, qu’une étrange secousse fit tomber d’autres stalactites, bouchant de leurs masses l’entrée et s’apprêtant à condamner la sortie. Ne perdant pas plus de temps, la Louve se mis à courir avec Cahir vers cette unique sortie, parvenant à s’y insérer juste au moment où cette dernière se faisait condamner.  Mais loin d’être sec, le sol était glissant…très glissant même et perdant l’équilibre, l’Okami se mis à glisser contre la roche lisse, elle tenta bien de se retourner, de planter ses griffes mais rien à faire, la roche était trop glissante et la descente était donc inexorable. Il ne restait plus qu’à espérer que ce n’était pas un piège fait de piques qui les attendaient en contrebas. Par chance, ce fut de l’eau qui accueillit leur chute. Mais cette chance n’était qu’une trompeuse apparence et à peine la Louve avait remarqué où ils se trouvaient qu’elle se releva d’un bond et vint se placer sur…une caisse qui dérivait dans ce couloir inondé.

« Ne reste pas dans l’eau Cahir ! »

Si l’Apatride avait le moindre doute quant aux paroles de Shad, le bruit de pas dans l’eau devrait le faire réagir soudainement. Par chance, le couloir semblait être parsemé de caisses et mêmes de rochers en tout genre, permettant d’obtenir si besoin quelques places en dehors de l’eau. Il ne restait maintenant plus qu’à espérer qu’ils en trouveraient toujours, la Lycane observa l’eau et grimaça :

« Tu vois, cette fois pouvoir contrôler l’électricité aurait bien été pratique pour nous débarrasser de cette merde…on va devoir espérer ne pas tomber sur un cul de sac… »

Mais la présence de caisses devait également signifier qu’ils approchaient d’un lieu « habité ! »

Cahir inspecta consciencieusement le dos de Shad, et constata vite, fort heureusement, que les blessures étaient superficielles. Il ignorait où ces grottes allaient les conduire, mais l’homme était trop malin pour croire que cela allait se terminer ainsi. Alexander de Brennenburg, le Baron Rouge, était redoutable. Il disposait d’une armée de mutants anthropophages dans son château, et rien de tout ça n’était rassurant pour Cahir. En soi, il n’avait plus rien à voir avec Mijak, mais, pourtant… Tout ça lui manquait encore. Qui sait ? Peut-être qu’il finissait par devenir nostalgique ?

« Ça va, rien de grave. Tu es une dure à cuire, ma petite louve. »

L’homme lui sourit brièvement. Maintenant que sa mémoire lui revenait bien plus clairement, il se souvenait clairement qu’ils avaient fait l’amour. Ils avaient parlé, tous les deux. Shad avait rencontré du beau monde, mais, comme lui, elle n’avait aucun foyer. Aucune maison, aucune famille. Elle vivait au jour le jour, et, même si ses connaissances allaient jusqu’à impliquer la Reine de Lumen, elle n’avait toujours pas réussi à trouver chaussure à son pied. Ensuite, les choses avaient progressivement évolué, jusqu’à ce qu’ils fassent l’amour.

Il songeait fugacement à tout cela en observant son dos, se revoyant caresser son dos nu, l’embrasser là, tout en la prenant par l’arrière, allant jusqu’à mordre le creux de son cou, l’entendant hurler, ou se retourner ensuite pour le griffer sur les épaules. Elle était si sauvage, si furieuse, voluptueuse au lit… Cahir revint alors au moment présent, et se racla la gorge. Elle l’examina à son tour, mais ils s’en étaient plutôt bien sortis. Le duo se dirigea ensuite vers la sortie, s’aventurant dans une nouvelle galerie… Pour tomber sur un piège ! Le plafond se mit à trembler dangereusement, et Cahir vit une stalactite tomber devant eux, se fracassant sur le sol.

« Vite, Shad, cours ! »

Le duo s’élança rapidement à travers le couloir, évitant d’autres chutes, tandis que le plafond se fissurait. Shad vit une ouverture, et courut rapidement, Cahir la suivant. Un morceau de rocher tomba sur son épaule, et il heurta lourdement le mur, surpris, avant de la suivre encore, et bondit avec elle dans l’ouverture, évitant un effondrement violent de la voûte… Et le duo tomba alors sur un sol glissant et instable.

« BORDEL DE MERDE ! »

Attrapant Shad dans ses bras, il fila rapidement, heurta plusieurs cailloux, et chercha quelque chose, un endroit pour se retenir… Mais, finalement, ils tombèrent dans l’eau. Cahir tomba le premier, heurtant violemment le sol, et grogna… Avant qu’une stalactite s’explose juste à côté d’eux. Il éternua alors, au contact d’une eau poisseuse, et, tandis que Shad se relevait, l’homme nota la présence de caisses en bois flottant dans ce nouveau couloir inondé. Sur la gauche, il y avait une paroi ouverte en de multiples endroits, permettant de voir, entre les barreaux de roches, une caverne sombre et profonde… Avec des poutres en bois ici et là. Des plantes phosphorescentes émettaient une légère lueur verdâtre, et, tout autour d’eux, dans ce couloir, Cahir nota également la présence d’étaies et de poutres en bois, soutenant la voûte.

Ils étaient dans une galerie souterraine construite. Cahir observa les poutres, avant d’entendre des bruits de pas derrière eux. Il se retourna alors, mais ne vit personne… Si ce n’est que les bruits s’intensifièrent, comme de grosses flaques d’eau annonçant une menace imminente. Shad lui hurla alors de ne pas rester dans l’eau.

« Que… ? »

Une masse invisible déplaça l’air devant lui, et il bondit en retraite. Un réflexe inespéré, car des griffes lacérèrent  son bras, déchirant sa tenue, et griffant sa peau.

« Bordel ! »

Bondissant prudemment en retrait, Cahir grimpa sur une caisse, et le monstre invisible s’arrêta alors, des ondulations d’eau remuant sur la surface de l’eau pour signaler sa présence.

« Ça va, ça va, la blessure n’est pas profonde… »

Du sang s’écoulait de sa manche, et il grogna encore, sentant sa caisse s’avérer assez instable Il n’avait encore jamais rencontré un monstre comme ça ! Tournant la tête autour de lui, ses yeux s’habituaient peu à peu à l’épaisse obscurité, ce qui l’amena à voir, au fond du couloir, un chemin qui remontait, les éloignant ainsi de ce piège inondé.

Mais, pour cela, encore fallait-il réussir à atteindre cette zone…

Cahir en sécurité, même si ce n’était que sur une caisse instable, la Louve laissa échapper un soupir de soulagement. Bien sûr, leur équilibre était précaire mais ce n’était pas comme s’ils allaient rester des heures durant ici ! Une chance d’ailleurs que la créature n’essayait simplement pas de les faire chavirer. A moins qu’elle en soit capable mais qu’elle jouait tout simplement avec leurs nerfs, attendant la moindre erreur de leur part…L’Okami observa quelques instants l’autre salle avec la végétation phosphorescente et ne sachant l’expliquer, elle sentait que cette « lumière naturelle » n’était pas aussi clémente qu’elle semblait être aux premiers abords. Certes la maîtrise de l’électricité n’était pas son domaine mais peut-être qu’en usant de ses flammes sur une grande distance ? Non, les poutres en bois, dont certaines étaient en partie vermoulue, lui firent bien vite oublier cette idée.

« On n’a pas le choix, il va falloir nous diriger vers la sortie tout en allant de caisses en caisses et…assez rapidement pour ne pas être attrapé – elle observa tout autour d’elle – y’aurait pas, je ne sais pas, genre un appât dans le coin ? »

Pouvait-on simplement se jouer ainsi de cette créature ? Par chance, la vue de l’hybride dans le noir était bien plus développée que celle de l’Apatride et elle s’était bien plus vite adaptée à cette semi-pénombre. Son regard balaya du regard la surface de l’eau jusqu’à noter la présence d’un bras flottant à sa portée. S’en saisissant rapidement, elle ne put s’empêcher de penser que c’était le sort qui risquait de leur arrivée s’ils ne réagissaient pas rapidement ; la moindre erreur saurait leur être fatale.

« Bon, je ne sais pas si ça va marcher mais tiens toi prêt à courir…ou nager. »

Aucun moyen de savoir la profondeur de cette eau ! Mais ce n’était pas en restant perchés sur leurs caisses qu’ils allaient mieux s’en sortir également. Saisissant le bras dans sa main, la Louve finit par le lancer à l’opposé de leur direction et après un court instant, nota la présence de sillons dans l’eau qui se dirigeaient vers le bout de viande.

« Oh pu…COURS CAHIR COURS ! »

Ils n’avaient que peu de temps devant eux…La créature était déjà en train de manger le morceau d’un pauvre malheureux qui était tombé par le passé dans son piège. La Louve sauta dans l’eau et se mis à avancer le plus rapidement possible, entendant bien vite les bruits de pas de la bête qui se rapprochaient de plus de plus et même s’ils n’avaient fait que quelques mètres, peu en comparaison à la longueur du couloir, ils s’étaient approchés de la sortie. Cette fois les caisses étaient bien plus grandes et encore une fois la Louve chercha un morceau de cadavre, trouvant pour le coup une tête qu’elle montra à l’Apatride :

« Dit bonjour à Henry Cahir – puis elle la lança aussi loin qu’il lui fut possible – et dit aurevoir à Henry ! »

A peine la créature avait-elle entamé sa route vers ce nouveau repas, que l’hybride sauta de nouveau dans l’eau, courant vers la sortie. Cependant l’eau devint plus profonde et les deux furent obliger de nager…Mais la sortie était proche, si proche ! La Louve sentit par la suite quelque chose de visqueux s’enrouler autours de sa cheville et…la tirer d’un coup sec vers le fond…Elle parvint bien à remonter, l’espace d’une demi seconde,  a peine de quoi prendre une bouffée d’air que d’autres tentacules vinrent se plaquer contre son visage et l’attirer, cette fois plus solidement, vers le fond….Et l’autre bête continuait à approcher !

L’apatride n’avait encore jamais rencontré une créature de ce genre ! Des monstres invisibles, oui, des monstres qui attaquaient dans l’eau exclusivement aussi… Mais un mélange des deux, c’était inédit ! Cahir et Shad cherchaient un moyen de passer, quand Shad avisa un cadavre à proximité. Elle arracha un bras, et le jeta en contresens, ce qui éloigna le monstre. Sans attendre, le duo plongea dans l’eau, et courut rapidement. L’eau devenait toutefois de plus en plus profonde, mais aussi plus vaseuse, plus boueuse, les empêchant de marcher trop vite. Et, dans leur dos, le monstre s’élançait à nouveau à leur poursuite.

« Bordel de merde ! »

Ils avisèrent une grande caisse commune, et Cahir bondit dessus, puis attrapa rapidement Shad, l’aidant à se relever. C’était une grande caisse en bois, qui remuait lentement, et Cahir constata qu’il y avait encore d’autres cadavres qui flottaient à la surface. La situation devenait vraiment tendue, et Shad, sans doute pour dédramatiser, récupéra un autre cadavre, et, jouant la fossoyeuse, arracha une tête décrépie, qu’elle baptisa « Henry ». Cahir regardait autour de lui, et bondit ensuite. L’eau devenait malheureusement très profonde, et ils durent donc nager.

Le monstre se déplaça encore, et Cahir rejoignit la berge, voyant à côté la sortie. Soudain, Shad se mit à paniquer, et, en tournant la tête, Cahir la vit… S’effondrer.

« SHAD ! »

Des tentacules jaillirent de l’eau, et s’attaquèrent à Shad, l’une d’eux venant s’enrouler autour de son cou. Cahir plongea alors dans l’eau, et, en tournant la tête derrière lui, vit que le monstre invisible devenait visible, ressemblant à une sorte de gros saurien aquatique avec des tentacules à la place de jambes ! Une sorte de mélange improbable entre une pieuvre et un saurien… Et Shad, elle, était drainée par le fond par des tentacules jaillissant d’une faille. Cahir réagit rapidement, et se laissa tomber. Il se rapprocha de la faille, mais, au même moment, le saurien tentaculaire le frappa sur le torse, et lacéra son ventre.

Cahir gémit, tandis que son sang jaillissait de son corps, s’élevant dans l’eau. La situation devenait vraiment critique ! Blessé, il tomba vers le sol, et le saurien chercha encore à le mordre. Cahir le frappa au visage avec le pied, et attrapa un caillou. Impossible d’utiliser son épée dans l’eau, et il tenta de combattre le saurien avec le caillou, mais vit alors la gueule du monstre s’ouvrir, libérant des tentacules supplémentaires qui s’enroulèrent autour de son cou, avant de l’électrifier.

« Blll… Bllll… !! »

L’apatride se débattit, et releva encore sa jambe, frappant vainement la tête du monstre. La bestiole continuait à se rapprocher… Quand une lance la transperça soudain, ouvrant sa tête en deux. Une main attrapa également Shad, et la tira hors de l’eau. Cahir sentit la poigne du monstre se relâche,r tandis que l’air commençait à lui manquer. Une main jaillit dans son champ de vision, et l’extirpa hors de l’eau.

« Ramassez-les, vite ! »

Qui était-ce ? Le Baron Rouge ? Cahir éternua bruyamment en ressortant à l’air libre, et fut traîné sur le sol, tandis que des tentacules jaillissaient hors de l’eau. Plusieurs individus avec des côtes de maille rafistolées, des fourches, des lances et des épées, les repoussèrent alors.

« Bordel !
-  Éloignez-vous, éloignez-vous ! »

Deux hommes aidèrent Cahir en le soulevant.

« Il se vide de son sang !
-  Conduisez-le à Persifal, vite ! »

Persifal… Cahir se rappelait de ce nom. C’était l’apothicaire que Shad et lui avaient croisé, celui qui leur avait fourni la potion d’Amnésie.

« Vous allez bien, Shad ?
-  Cette eau est toxique ! Elle en a nécessairement bu !
-  Je croyais qu’ils devaient nous aider à rentrer, comment on va faire ?! »

Cahir éternua à son tour, avant de s’effondrer dans l’inconscience, et tomba lourdement au sol.

Les tentacules enserraient l’hybride, l’empêchant de faire le moindre mouvement. Ses flammes étaient inutiles dans l’eau et bien qu’elle aurait pu tenter d’ébouillanter l’eau, la vue de Cahir qui avait plongé vers elle et qui maintenant se débattait face à la créature invisible devenu visible lui fit retirer rapidement cette idée de la tête. Malheureusement, l’air commençait à lui manquer et l’eau commençait même à pénétrer dans ses poumons, commençant à la noyer. Quand une paire de bras vint à l’extirper de cet enfer, la Louve ne chercha même pas à se débattre, ne pouvant savoir s’il s’agissait d’amis ou d’ennemis. Mais à peine fut elle mise hors de danger ainsi que Cahir, qu’elle se mis à tousser et cracher des gerbes d’eaux sur le sol, son corps entier tremblotant. Elle parvint à saisir dans la voix de ceux qui l’entourait la panique mais nullement le sens de leurs paroles. Puis, elle tourna de l’œil et sombra à son tour dans l’inconscience.

Quand elle reprit enfin connaissance, la Louve put noter qu’elle était allongée dans un lit, un autre était présent à côté d’elle et contenait Cahir. Des soins et des bandages leurs furent apportés et Shad nota la présence d’un petit meuble où trônait un verre remplit d’eau à portée de main. Le contenu de ce dernier fut avalé en quelque gorgées rapide et elle reposa par la suite le verre, soupirant, tentant de se remettre les idées en place. Elle se remémora les derniers instants, se rappelant de la créature invisible, de leurs fuites dans cette eau croupie, les tentacules qui l’entraînait vers le fond et…un haut le cœur la pris de court. Attrapant une bassine posée non loin, sans doute à cet effet, la Louve vida une partie de son estomac, une substance verte y étant facilement visible.

« Tout le poison n’est pas encore sorti…Vous allez devoir rester encore quelques heures alitée. »

Une voix, la Louve releva ses oreilles et regarda dans la pièce, apercevant simplement en face d’elle un homme assis sur une chaise, bras croisés. Et dire qu’elle n’avait même pas remarqué sa présence lors de son réveil. Ce dernier soupira d’un air las et secoua la tête d’un air désapprobateur :

« Tout cela n’a servit à rien, nous ne parviendrons jamais à rentrer et à combattre ce monstre… »

L’hybride abaissa ses oreilles, il était vrai que leur mission première ne fut pas réellement un franc succès mais de là à dire que tout était perdu ; c’était abandonné la bataille bien trop vite ! Elle tourna sa tête vers Cahir :

« A…attendons qu’il se réveille à son tour. Nous avons quand même certaines…informations qui pourraient être…utiles. »
« Je l’espère…- soupira simplement l’homme avant de se lever et de saisir de la bassine pour la vider, conscient que l’odeur pourrait incommoder l’odorat sensible de l’Okami – mais vous ne sortirez pas d’ici avant d’être parfaitement remis, nous n’avons pas besoin d’éclopées pour la suite. »
« Je comprends. »

Mais avaient-ils réellement trouvés des informations importantes ? Ils avaient découvert les sombres desseins d’Alexander de Brennenburg mais un moyen pour pénétrer dans son château ? Il ne restait plus qu’à espérer que l’Apatride s’en souvienne….

« Nous ourdissons cette révolte depuis un certain temps, Shad… »

Deux personnes étaient derrière cela : Cronorias, l’alchimiste que Cahir et Shad avaient aperçu avant de rejoindre le château, et un jeune chevalier fougueux, Lance Vander. Alexander de Brennenburg était un individu dangereux, mais qui bénéficiait de soutiens au sein de la capitale, de sorte que, malgré ses mauvais traitements, il n’avait jamais été destitué pour tous les crimes qu’il avait faits.

« L’apatride va se remettre sur pied…
-  Je n’aime pas trop l’idée de travailler avec un traître… »

Cronorias secoua la tête, comme pour contester l’affirmation de son partenaire.

« Les choses ne sont jamais aussi simples, Lance Vander. Il n’y a pas plus fidèle à l’Empire que Cahir.
-  Hmmm…
-  Sa famille a été victime de la Conspiration des Toiles, exactement comme cette province… »

Le camp était installé dans l’ancienne mine. Il y avait plusieurs tentes, des sentinelles, et des hommes d’armes. Et tous semblaient obéir à Lance Vander. Cronorias inspectait régulièrement Shad et Cahir. L’apatride se remettait toutefois très bien, mais Shad dut avouer son impuissance.

« Je savais que ce plan était risqué, mais vous avez bien dû voir quelque chose, non ? La Machine… Est-ce que vous avez vu la pyramide ? »

Shad leur résuma ce qu’elle avait vu : le fort immense, les monstres de foire, la prison, la pyramide, et les rivières de sang… Lance Vander serra nerveusement les poings, et Cahir éternua alors, semblant peu à peu revenir à lui.

« Il… On peut rejoindre la prison par les mines », glissa-t-il alors.

Lance Vander fronça doucement les sourcils.

« Vous en êtes sûr ?
-  Je… On en avait parlé avec des prisonniers, pendant que nous étions là-dedans. Cet endroit n’est plus très solide, il y a des accès. Il suffit de remonter… »

Cahir se redressa doucement.

« Ces hommes avec vous, ces armoiries… C’est… C’est le clan Dowell, qu’est-ce que tout cela signifie ?
-  L’Empire est traversé par des querelles intestinales. L’Empereur est vieillissant, et les rumeurs sur un putsch vont bon train. On le dit très malade, empoisonné par des conspirationnistes qui rêvent du retour de l’Empereur Fou… La Conspiration des Toiles.
-  Je… J’ai déjà entendu parler de ces gens…
-  Le Baron Rouge conspire avec eux… Mais il n’y a pas que Mijak. C’est l’histoire que vous aviez raconté à Cronorias, Okami. Oswald Mandus, l’abattoir, et la Machine… Il existe un modèle similaire ici, dans ce château. Ceci signifie qu’il y a un lien entre Mandus, le Baron Rouge, et la Conspiration des Toiles… »

L’alchimiste hocha doucement la tête.

« La Monarchie de la Rose…C’est pour ça que le clan Dowell a accepté de financer cette expédition secrète… Et également pour étendre leur territoire. Le Baron Rouge a perdu la raison, il opprime son peuple depuis des années, il mène des expériences génétiques monstrueuses sur ses propres sujets. »

Lance acquiesça.

« Je n’aime pas ça… Nous n’avons pas reçu l’approbation du Conseil Impérial, nous agissons en douce… »

Un plan plutôt habile. Si ça échouait, le clan Dowell nierait toute participation en mettant ça sur le dos d’un excité qui, faisant fi des ordres du Conseil Impérial, avait décidé d’attaquer tout seul un seigneur mijakien. Si la révolte réussissait, le clan récupérerait de nouvelles terres.

« Vous pensez pouvoir vous battre encore ? Le simple fait que vous ayez survécu montre que vous en avez à revendre… »

« Il…est hors de questions que nous ne battons pas, pas après ce que nous avons vu… »

Se cacher, fuir après ce qu’ils avaient découvert au sein du château de Brennenburg ? Il en était hors de question ! Qui sait si cette machine n’allait pas également atteindre sa pleine puissance dans peu de temps ? La Louve se redressa sur son lit, observant les deux hommes :

« Si nous ne tardons pas trop, nous pourrions y arriver avant qu’il ne soit trop tard, Cahir a raison, nous pouvons remonter à travers les mines mais des créatures entraverons notre route, je vous ai déjà mentionné tout ce que nous savions à leur sujet. Une fois auprès des prisonniers nous devrons faire face à leurs gardiens puis nous frayer un passage jusqu’au Cœur si cela est votre objectif…détruire la Machine du Baron Rouge, à moins que vous ne vouliez détruire simplement son château et tout ensevelir sous des tonnes de gravats ? »

Dans les deux cas, le principal était que cette satanée machine soit détruite. L’Okami se remémora soudainement le fait qu’ils avaient trouvés des cartes plus tôt au sein du château et se tourna vers Cahir :

« Cahir, tu as encore les plans ? Ils pourraient nous être utiles…Mais avec nos passages dans les eaux souterraines, je doute qu’il en reste quoi que ce soit… »

Elle soupira alors d’un air las avant d’être prise par une petite quinte de toux. Autant ne pas nier que son état n’était pas des plus parfaits pour retourner au combat, surtout en sachant les horreurs qui les attendaient mais rester en retraire était également hors de questions ; elle regarda donc tour à tour Cronorias et Lance Vander :

« Bien messiers, quel est votre plan d’attaque ? »

Mieux ne valait pas perdre trop de temps ! Cahir et elle-même leur avait résumé au mieux ce qu’ils avaient vu et appris, il ne restait plus qu’à voir ce qu’ils allaient faire de ces quelques informations. Dans tous les cas, il était hors de question qu’un tel lieu reste debout.

Lance avait l’air de beaucoup ressembler à Cahir. Un chevalier intrépide, courageux, qui suivait son cœur et son sens du devoir. Il avait sans doute dû battre des pieds et des mains pour tenter de lutter contre le Baron Rouge, mais, à Mijak comme partout ailleurs, les noms importaient plus que les prénoms. Et Cahir, qui était issu de la haute aristocratie impériale, savait que le nom de Vance ne signifiait pas grand-chose, car il n’en avait pas entendu parler. Lance Vance avait finalement trouvé de l’aide, et Cahir était plus proche que jamais d’être arrêté par les autorités. Tandis qu’il reprenait ses esprits, des images continuaient à le saisir, lui rappelant les raisons l’ayant amené jusqu’ici.

- - - - - - -

« Oswald Mandus, votre limogeage de l’Empire… Même la Chute de l’Eld. Tous ces évènements sont liés entre eux.
-  Qui tire les ficelles ?
-  Des gens… Une organisation très puissante qui est parvenue à relancer la guerre entre Lumen et Mijak, une organisation qui a provoqué la chute de votre famille, et ourdit d’autres projets.
-  Pourquoi moi ? Pourquoi ma famille ?
-  La Chute de l’Eld, Monsieur Ceallach…
-  N’en déplaise à la propagande luméenne, jamais l’Empire n’a attaqué l’Eld !
-  C’est plus compliqué que ça. Vous savez comme moi que l’autorité du Vieil Empereur est déclinante. L’ennemi a infiltré les très hautes institutions de l’Empire, guerrier. Tout comme l’ennemi a tenté de faire éliminer la dynastie des Ivory, l’ennemi a corrompu jusqu’à certains Conseillers Impériaux pour organiser le génocide eldois.
-  Tout cela ressemble au délire de complotistes…
-  Entre le complot et la vérité officielle, on trouve la vérité réelle, Cahir. Fine, ténue, incroyable. Car je n’ai fait qu’aborder la surface de cette histoire. Cette guerre actuelle, toutes ces machinations, ne sont que les dernières répliques d’une guerre secrète, un conflit entre deux sociétés secrètes qui existent depuis des générations. L’Ordre de Maturin et la Monarchie de la Rose… Et, pour notre malheur, c’est la Monarchie qui a remporté le conflit. »

- - - - - - -

Cahir rouvrit doucement les yeux, tandis que Shad expliquait qu’ils avaient récupéré des plans… Mais répondit elle-même à sa question en indiquant qu’ils étaient sûrement inutilisables.

« Entre les chutes multiples et les nappes phréatiques, j’ai bien peur que nous ayons perdu cela. »

Lance haussa les épaules.

« On a récupéré les plans au cabinet d’architectes du château, donc ce n’est pas vraiment le problème. »

Pour le reste, ils avaient un semblant de plan.

« La stratégie que nous avons est risquée, mais vous devez comprendre que nous n’avons clairement pas assez d’hommes pour assiéger le château. Nous envisagions une infiltration. Nous avons ramené votre équipement, vous n’aurez qu’à l’utiliser pour remonter avec moi. Il faut ouvrir le corps de garde de l’intérieur.
-  Comme cela, nous pourrons envoyer le gros de nos troupes. J’ai conçu des élixirs pour vous aider. Initialement, le Chevalier Vance comptait y aller avec deux de nos meilleurs hommes, mais je crois qu’ils ne vous arrivent pas à la cheville. »

Cahir sourit doucement. Ce n’était pas là quelque chose qu’il allait contester… Même s’il fallait bien reconnaître qu’ils n’avaient pas été très brillants pour le moment. Néanmoins, son dernier souvenir l’interpellait un peu. Pourquoi était-il donc vraiment revenu à Mijak ? Il fallait encore sonder dans ses souvenirs pour comprendre les raisons l’ayant amené à se trouver ici…

«  Bien…il semble que nous n’ayons que peu de choix… » soupira la Louve en songeant que tout cela s’ apparentait à une mission de type suicidaire.

Mais malgré tout, l’Okami avait acceptée cette nouvelle mission, tout en ayant parfaitement conscience des risques qu’elle comportait. Ce n’était pas comme si Cahir et elle-même n’avaient pu avoir un aperçu du bestiaire des horreurs qui régnaient au sein du château de Brennenburg. Une prudence plus accrue sera de mise et il ne fallait pas omettre le Baron Rouge ! Qui sait ce que ce vieux sénile pouvait garder comme atouts dans sa manche ? Il serait même fort étonnant qu’il n’ait pas fait augmenter la sécurité après leur dernière altercation. Des suppositions…Voila tout ce qu’ils avaient. La suite des évènements n’étaient pas encore définit et elle pouvait tout aussi bien jouer en leur faveur…que de celle d’Alexander de Brennenburg.

Attrapant ses affaires, la Louve se changea rapidement, retirant la tenue de cultiste qu’elle portait sur elle. Pas le temps de se chercher un petit coin pour être dans l’intimité ! De plus être seule pouvait s’avérer dangereux avec la menace environnante. Tout en se changeant , elle avait demandé un résumé du plan, l’écoutant attentivement en faisant fi des quelques regards qui pouvaient se poser sur son corps dénudé. En sommes…l’idée était simple. Rentrer par les mines, remonter ses dernières  rejoindre les prisons…libérer les prisonniers avant d’ouvrir le corps de garde pour que le reste des troupes s’infiltre. Simple, basique, efficace. Quant aux potions…Mieux valait espérer qu’elle fonctionne comme prévue !


Quelques dernières préparatifs plus tard, le trio se mis en route s’engouffrant dans les mines. Utilisant sa part animale , l’ hybride était particulièrement aux aguets sur le moindre son ou d’odeurs suspectes. Les premiers monstres ne tardèrent pas à faire leurs apparitions, des goules, créature immonde espérant faire des vivants leur festin. Mais le destin fut tout autres et les corps putrides jonchèrent bien vite le sol. La Louve émit un léger grognement. Qui sait quelle ordre créature les attendraient au tournant ? De plus, une odeur lointaine de putréfaction lui parvint, elle se toyrna donc vers les deux hommes :

« Avons-nous une potion pour diminuer notre présence ? Mieux vaut économiser nos ressources pour le plus gros des troupes »

A savoir : les hommes-porcs, les cultistes et…Alexander de Brennenburg.