The Multiversity

[Marishka Auschwitz]

*Mensurations ? Préférences sexuelles ? Mais qu’est-ce qu’elle a bien pu dire ? Merde ! J’ai vraiment rien entendu et tout gâchée !! Merde merde merde ! *

Elle se lève d’un seul coup et se pince l’arête du nez entre ses doigts. Elle tourne sur elle-même et finit… par se rasseoir. Trop d’énergie dans ce corps pour simplement… parler assise le cul sur une chaise parfaitement immobile.

« Je suis désolé. J’ai l’impression que je vais passer le plus clair de mon temps à dire que je suis désolé. Et dire que je suis désolé m’énerve. Je n’aime pas avouer une faiblesse. Et plus je me le dis, plus je m’énerve. Et généralement, je fais plus de merdes. Et donc, bref, cercle vicieux. Mais ce n’est pas ça que tu veux entendre, j’imagine… »

Alma réfléchit à toute vitesse. Qu’est-ce qu’elle doit dire ? Qu’est-ce qu’elle veut faire ? Qu’est-ce qu’elle DOIT faire ? Bordel que c’est compliqué les relations humaines. Est-ce qu’elle veut jouer petit ou miser TOUT et GROS ? Une part d’elle veut conserver le peu qu’elle a réussi à gagner. Une autre part, suicidaire ? autodestructrice ? folle ? veut tout miser quitter à être déçue par la vie. Encore…

Alors elle prend une grande inspiration.

« Oui, je pensais à tes lèvres. »

*Maintenant que je suis lancée, autant ne pas s’arrêter. *

« Parce que tu es devenue mon amie. Parce que tu as dit que tu étais une lesbienne. Parce que je me demandais ce que ça ferait d’embrasser ma nouvelle amie sur ses lèvres ! »

Pourquoi doit-elle mettre autant d’énergie et de volume sonore dans ses phrases ? Alma s’en rend compte mais c’est plus fort qu’elle. Si elle ne le fait pas, elle a l’impression de ne pas mettre assez d’intensité, assez de conviction dans ses mots. Et il faut que Liliane comprenne à quel point c’est important. Le murmurer ne ferait pas le même effet, on est d’accord ? Alors voilà.

« Mais je crie, je raconte de la merde, je tourne en rond de peur de tout perdre. Je veux que tu sois mon amie. Je ne veux pas que tu t’en ailles. J’ai envie de t’embrasser pour l’expérience. Je ne crois pas que j’ai envie de devenir ta moitié, ton âme-sœur ou je ne sais pas quel terme il faut utiliser. Bref. Est-ce que c’est bizarre comme demande ? J’imagine. Mais si je ne le dis pas, si je ne propose pas, je sais que je vais m’en vouloir. Ca va bouillonner en moi et je vais finir par faire des conneries. Généralement de façon violente. Voilà. »

Elle l’a dit. Elle ne peut pas le retirer. Elle n’a pas de pouvoir de gomme magique de mémoire. Voilà. Merde merde merde. Il faut espérer que Liliane soit bienveillante et accepte. Peut-être même compter sur sa générosité ? Mais si c’est juste un acte de générosité, est-ce que le baiser sera intéressant ? Dans le fond, un baiser n’est ni plus ni moins que des lèvres qui se touchent. Des morceaux de peaux qui touchent d’autres morceaux de peau. Alors pourquoi se torturer les méninges et doper son corps de drogue naturelle pour une expérience si basique ?...

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Ma télépathe me regarde et je la connais suffisamment pour deviner ses pensées. Elle est certainement en train de se dire que j’ai le don de les choisir, mes élus. Alma est un personnage complexe. Très complexe. Quand on pense être en voie de régler un problème, un autre apparait dans la foulée. Un peu comme… Imaginez un tuyau avec une fuite. Vous en colmatez une et une autre apparait. Et vous répétez cette séquence, encore et encore. En même temps, j’aime les petites choses brisées. Donc Alma fait partie de ce dont j’aime récupérer pour mon propre bénéfice. Redonnez-leur une vraie fonction et un objectif qui les fait se sentir importantes et ces petites choses feront pratiquement des miracles pour vous. Je ne m’attendais pas à ce que sa première expérience sur le sentier tortueux de l’amitié soit un succès instantané. Bien sûr que non.

Je ne suis pas idiote. Je savais très bien que si je ne donnais pas à Alma quelqu’un de… Spécial… Ce serait un échec retentissant qui saperait probablement plus sa confiance en elle qu’autre chose. Avec Liliane, comme c’est une amie créée sur mesure pour les besoins de la cause, elle a plus de marge de manœuvre. Liliane est l’équivalent des roues d’entrainement sur un vélo. Elle est le tutoriel qui permet à Alma de s’y retrouver dans le monde (trop) complexe des relations humaines. Car ne nous mentons pas. Une personne normale aurait quitté les lieux depuis longtemps en traitant Alma de « crazy bitch ». Mais… Éventuellement… Quand le tutoriel sera terminé… Les roues d’entrainement vont tomber et ma fille adoptive va devoir faire face à la réalité. Le point positif c’est qu’elle est capable de dire ce qu’elle pense, ce qu’elle désire. Cela demande du courage.

Beaucoup de courage, même. Et elle ne facilite pas les choses. Elle veut une amie mais pas une amoureuse ou une amante, elle veut embrasser Liliane mais ne semble pas diriger les choses vers le côté sex friend et c’est assez rare de juste avoir la lubie de vouloir embrasser quelqu’un sans vraiment y donner suite. En même temps, de dire qu’Alma est dans la moyenne des personnes sur cette Terre… Ce serait un peu beaucoup mensonger. Elle semble suivre un schéma de pensées spécifique et elle cherche à s’y retrouver. Je suis curieuse de voir où cela va mener donc… Alma va avoir ce qu’elle demande. On verra bien ce qui se passe ensuite. Quand on y pense, un baiser, c’est juste un contact physique entre deux personnes. C’est la signification qu’on met derrière, l’intention qui le rend « spéciale ». C’est comme… Mettre une claque sur le cul de quelqu’un.

Ça peut être dans le cadre d’une fessée, pour punir. Ça peut être pour provoquer ou encore exciter. Mais vous ne mettez pas une claque sur le cul de quelqu’un juste « parce que vous vous demandiez ce que ça faisait ». Et c’est justement pendant ce moment de panique et de vulnérabilité que justement, Alma reçoit son premier baiser. Enfin. Avec Liliane, au minimum. Est-ce qu’elle va aimer, est-ce qu’elle va détester, est-ce qu’elle va en vouloir plus, aucune idée. Mais si on doit reconnaitre quelque chose à la blonde, c’est qu’elle sait quoi faire et quand le faire pour ramener Alma sur Terre et la sortir de la tempête de ses idées. Chose que je serais probablement incapable de faire. Alma ne me verra jamais comme elle voit Liliane, notre rapport n’est pas pareil et je serais bien incapable, je crois, d’avoir la patience de Liliane. Je ne suis pas exactement patiente…

[Marishka Auschwitz]

Et voilà. Blackout mental. Appui sur tous les interrupteurs qui font taire les alarmes dans la petite tête complexée et torturée d’Alma. Plus rien. Un grand vide. Un silence blanc. Puis le retour des sensations. Une seule en fait. Un contact chaud. Une certaine humidité. De vagues sensations qui s’échappent rapidement de ses pensées le temps de comprendre que toutes ces abstractions sont en réalité un baiser : Liliane l’embrasse.

*C’est… génial ? J’ai l’impression d’être connectée à elle. Pas seulement parce que nos corps se touchent de nos lèvres. Comment dire ? J’ai l’impression d’être liée à elle de façon relation humaine. C’est… je ne sais pas. Mais c’est quelque chose ! *

Mais forcément, le baiser cesse. Le petit moment de magie semble se terminer brutalement telle  une voiture qui sort du décor. Alors la machinerie redémarre. Péniblement, certes, mais elle cherche à redémarrer. Les alarmes dans la tête. La circulation sur plusieurs voies de ses pensées.

Alors Alma parle.

« Encore. S’il te plaît. »

Elle s’approche, elle, des lèvres de son amie.

« C’est comme une drogue. »

Et ça ne fait même pas une seconde que ça a cessé.

Ses lèvres continuent de s’approcher de celle de son amie. Tout va si lentement. La sensation de pouvoir arrêter cent fois son mouvement et de revenir en arrière, son dos collé contre le dossier de sa chaise.

« J’ai jamais eu l’impression d’être autant lié à quelqu’un de ma vie. »

Soudainement elle ferme les yeux et se projettent contre les lèvres de son amie. Ce baiser-ci, elle l’aura ! Et elle le prend (presque de force). L’arrivée est un peu brutale tant elle y met de l’intention. Elle récupère son second baiser, le cesse et revient en position assise pour redécouvrir le visage de son amie. Tout lui semble plus… lumineux ? Coloré ? Elle ne sait pas mais…

« Je suis sur que je suis en train de sourire comme une idiote, non ? »

Et c’est le cas. Elle sourit. Qu’est-ce qu’elle sourit ! Alma est sur un petit nuage. C’est incroyable les relations humaines. Elle a souvent connu les abimes sombres. Et parce qu’elle a connu de telles profondeurs de détresse, elle réalise à quel point ce moment de bonheur est parfait.

(ah ah ah… tu le sais déjà Alma… ah ah ah… la vie est une succession de haut et de bas… ah ah ah… là tu es tout en haut et… ça va forcément redescendre… ah ah ah !)

Quelle horrible voix dans sa tête. Alma fait tout pour ne pas l’écouter. Elle jette ses forces pour ignorer les visions prophétiques d’un futur plus ou moins proche. Elle s’en branle de sa propre voix défaitiste ! Elle vit cet instant présent. Et il est putainement délicieux !

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Je confirme, tu souris comme une idiote. »

Dans certaines circonstances, on pourrait penser que c’est dit avec méchanceté. Pas dans le cas présent. Le fait qu’Alma sourisse comme une idiote est une bonne chose. C’est une façon claire de voir quand elle est vraiment heureuse. Et considérant son passé, elle n’a pas été souvent heureuse. Et elle ne feint pas la chose non plus. Ma télépathe me le confirme. Je ne suis pas certaine qu’Alma soit vraiment douée pour cacher ce qu’elle ressent. Enfin. Pas dans ce genre de situation. Et bien que Liliane ait été créée sur mesure pour être l’amie parfaite pour Alma, cette dernière ne simule rien non plus et jusqu’à présent, nous n’avons pas eu vraiment besoin de l’influencer pour que les choses se fassent. Ce qui est intéressant à observer. Non pas que je m’attendais à devoir jouer avec un pantin, faire bouger la marionnette dans la direction que je désire mais… C’est…

Presque inespéré. Le moins nous avons à intervenir, le plus naturel les réactions. Et pour le moment, c’est 99.9% les réactions de Liliane. En même temps, si on regarde qui est Liliane, car si le corps a été modifié pour plaire à Alma et que certains souvenirs ont été altérés, le passé est réel. La tragédie qu’elle a vécue est réelle. Donc, consciemment ou non, Liliane cherche… Quelque chose. Et si ce quelque chose trouve écho en Alma… Tant mieux. Et parlant de ma fille adoptive, elle semble faire d’intéressants progrès. Ma télépathe note ce côté pessimiste chez elle qui cherche à se manifester mais Alma refuse de lui donner de l’importance. Ce qui, à mon avis, est un signe d’évolution. Il y a quelques semaines à peine, elle se serait dégonflée comme une baudruche. Mais pas maintenant. Pas aujourd’hui. Je ne sais pas à quels résultats nous arriverons au terme de cette…

Expérience… Mais je suis vraiment curieuse. Et disons que comme ma vision du monde a été forgée dans la noirceur des pires émotions, mon niveau d’optimisme frôle l’inexistant. On me dira que ce que je fais n’est pas bien. Que c’est de mettre Alma dans un scénario face auquel elle ne peut pratiquement pas perdre. Que Liliane est artificielle, qu’elle n’est pas vraiment une personne. On peut m’accuser d’un million de choses. Mais Liliane EST réelle. Modifiée, altérée, oui. Certainement. Mais en même temps, est-ce qu’elle est moins réelle parce que sa fonction est d’aider Alma à être heureuse? Et vous savez ce qu’on dit, n'est-ce pas? Jamais deux sans trois. La blonde se retrouve assise à califourchon sur Alma et elle l’embrasse à nouveau. Vous interprétez la chose comme vous voulez. Moi, je vois deux jeunes femmes qui veulent juste avoir un peu de bonheur dans leurs vies.

Et je ne vois rien de mal à cela. La réaction d’Alma risque d’être intéressante. Liliane est dans sa bulle. Assise sur elle. Presque collée contre elle. C’est une invasion sans permission de son espace personnel. Pourtant, je doute qu’Alma aura envie de la repousser, bien au contraire. Non, effectivement, je doute qu’Alma s’attache de façon romantique à Liliane. Je ne sais pas si son cœur a vraiment la capacité d’aimer dans l’état actuel des choses. Trop de haine, trop de vestiges de traumatismes passés. Éventuellement… Peut-être. Mais il ne faut rien brusquer. Ce qui doit arriver va arriver. Où, quand, comment… Personne ne sait. S’il y a quelque chose qui doit se jouer ici dans cette pièce, je reste convaincue que nous en serons témoins prochainement. En un sens, Alma est au bord du précipice. Si elle fait un pas de plus, elle risque de ne plus pouvoir reculer face à Liliane. Donc, que va-t-elle faire?

[Marishka Auschwitz]

Elle sourit comme une idiote. Ce n’est pas seulement dans sa tête. Et c’est… génial !

*Qu-qu-qu-quoi ?! *

Ce poids chaleureux sur son corps. Cet emprisonnement de sympathie. De nouveau, c’est un black-out dans les pensées d’Alma. Liliane s’est rapprochée ! Liliane s’est assise à califourchon sur ses cuisses ! Liliane l’embrasse encore !!

*Est-ce qu’on est finalement deux à être addicte à cette drogue ? *

Les bras d’Alma se tendent. Signe désemparée ? Appel à l’aide silencieux ? Non. Tout simplement une femme qui ne sait pas quoi faire de ces bouts de chairs quand ils ne servent pas à projeter ces lianes vertes. Que doit-elle en faire ? Elle ne peut pas les laisser éternellement pendre dans les airs comme ça, si ?

*Et si ?... *

Elle commence à les refermer… puis s’arrête. La machine à pensées connait une soudaine accélération : et si Liliane n’aime pas ce contact ? Et si ça rompt la « magie » du moment ? Ces mains sont si proches du dos de son amie. Pourtant la distance semble éternelle, interdite voire hérétique. Il y a comme un magnétisme attirant et une chaleur repoussante. Etrange…

*Puis merde ! *

Ses bras se referment dans le dos de son amie. C’est une véritable étreinte qui accompagne ce baiser amical.

(main qui envoie la caméra valser ailleurs ! « Donnez un peu d’intimité à ces femmes brisées, merde ! »)

(caméra qui revient après que les petits oiseaux aient disparu de l’écran, prenant dans leur sillage des arc-en-ciels s’étiolant. La luminosité revient normale après ce moment de bonheur sans mots)

« Tu… J’aime beaucoup ça, Liliane. Ce baiser. Toi assise sur moi. Tout ça, quoi. »

Qu’est-ce qu’elle se sent lourde à balancer des banalités et des évidences. Qu’est-ce qu’elle se sent mal dans sa peau à parler de ses sentiments alors que ses bras enlacent toujours le corps de son amie.

« Je ne sais pas pourquoi tu fais tout ça. Ce baiser. Cette patience avec moi. Tout ça et le reste. Mais j’apprécie à un point que tu ne peux même pas imaginer. Ça vaut plus que n’importe quelle richesse que ma mère pourrait m’offrir. Et, je ne sais pas si ton histoire est banale, normal, étonnante ou intrigante. Mais j’espère que tu resteras assez longtemps dans ma vie pour que je la connaisse. Peut-être même pour… l’améliorer un petit peu ?... »

Ce regard. Alma regarde Liliane avec les grands espoirs d’une gamine qui donne sa lettre au Père Noël en espérant avoir été assez sage pour recevoir les cadeaux désirés. Mais c’est trop puissant pour elle, trop intense : elle doit détourner son regard et le laisser tomber par terre.

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Ma télépathe me fait remarquer que ce que j’ai fait est un beau geste. Je la dévisage comme si elle avait été déguisée en cuisse de poulet rose fluo. Tu ne sais pas de quoi tu parles, que je lui dis. J’ai été créé à partir de sombres émotions. Il n’y a rien de bon en moi et je ne suis pas capable de faire des bonnes choses. Tout ce que je fais sert mes intérêts, mes projets. C’est un mensonge, évidemment. Le changement fait peur. Le chaos destructeur, ce poison qui circule dans mes veines, qui alimente ma rage et mon désir de vengeance, cette folie instable qui ronge inexorablement ma stabilité mentale (bien que depuis que nous travaillons ensemble, il semble avoir réussi à la neutraliser en grande partie), tout ce qui fait de moi une force négative et nihiliste… Le monde me voit comme un monstre et je veux que le monde me voit ainsi. Oh oui, tel est mon désir, mon souhait.

Qu’ils voient ce que Jeannie a créé, que la « petite déesse au chapeau » est la cause directe de mon existence. Que c’est une dangereuse hypocrite qui refuse de prendre ses responsabilités. Alors de considérer qu’il puisse y avoir autre chose? Que je pourrais abandonner cette quête qui dicte ma vie depuis des décennies? Non. Non je refuse d’y croire. J’aide Alma car elle est une brique de plus dans l’édifice que je dresse pour montrer à ma créatrice que sa chute est inévitable et que je deviens chaque jour plus forte. J’ai adopté Alma parce que je peux en faire une fanatique dévouée à ma cause qui donnerait sa vie pour moi sans hésiter. Parce qu’elle dispose de pouvoirs qui servent mes intérêts. Oui. La rendre heureuse est exclusivement pour mon bénéfice personnel. C’est un mensonge. Évidemment. Et ma télépathe le sait. Mais elle est trop loyale pour réfuter mes paroles.

Et pendant ce temps, dans cet entrepôt qui est le nid douillet d’Alma, deux jeunes femmes qui ont souffert à cause des injustices d’un monde se prétendant beau et plein d’espoir, Liliane est toujours assise sur Alma qui va sentir quelque chose de chaud et liquide contre elle. Des petites gouttes salées, des perles liquides qui coulent des yeux de la blonde. Liliane pleure. De joie? De tristesse? Difficile à dire. Mais pleurer fait du bien. Enfin. C’est ce qu’on prétend. Elle pose sa tête contre l’épaule d’Alma qui d’instinct frotte le dos de la blonde d’une main et caresse ses cheveux de l’autre. Elles sont bien, l’une contre l’autre. Et non. Il n’y a pas de nudité, pas de sexe, rien d’osé ou de potentiellement obscène. Juste deux jeunes femmes qui ont connu la tragédie, dont les chemins se sont croisés et qui trouvent un peu de réconfort dans les bras de l’autre et qui sait, peut-être éventuellement…

L’amour? C’est peut-être encore un peu tôt pour penser à cela par contre. Je pense que ce serait intéressant de la part d’Alma qu’elle continue d’offrir des caresses réconfortantes à Liliane et qu’elle utilise une de ses lianes pour délicatement essuyer les larmes de la blonde. Non seulement cela prouverait qu’elle peut utiliser son pouvoir pour quelque chose de trivial et « pacifique » mais aussi qu’elle se sent suffisamment confortable avec Liliane pour être Alma et non pas cacher ses pouvoirs et prétendre à la normalité. Ah oui… La blonde n’a toujours pas montré son pouvoir mais cela finira peut-être par revenir dans la discussion. Une chose est bien certaine. En se levant ce matin, jamais Alma ne serait attendue à vivre ce qu’elle est en train de vivre. De cela je suis absolument convaincue. C’est une preuve de plus que dans ce monde si différent du sien… Rarement, la vie peut faire un cadeau…

[Marishka Auschwitz]

Elle n’a rien dit. Alma a pourtant dit des choses justes, non ? Mais Liliane n’a rien dit. Pire, elle a posé sa tête contre son épaule puis… a… pleuré ? Alma est complètement prise au dépourvue. Elle ne comprend plus rien du tout. (l’idée l’effleure rapidement de fuir, de bouger : impossible, Liliane est assise sur elle) Qu’est-ce qu’elle a dit de mal ? Est-ce qu’elle parle trop d’elle ? Non. Enfin oui. Mais ce n’était pas le propos avant. Justement, elle cherchait à s’ouvrir. A vouloir connaître le passé de Liliane. Alors pourquoi ces larmes ? Alma n’en sait rien et elle commence à psychoter toute seule en imaginant une théorie puis une autre et ainsi de suite.

Essuyer une larme avec une de ses lianes ? Alma n’y pense pas. Comment pourrait-elle penser à une telle manœuvre ? Impossible pour elle.

*Je fais quoi ? Je fais rien ? Je dis quelque peut-être ? Mais quoi ? Elle n’a rien répondu juste avant… *

Alma hésite entre deux attitudes. Bourrine ou délicate. Elle pourrait utiliser son pouvoir pour soulever Liliane. Elles se retrouveraient ensuite toutes les deux debout pour… et c’est là le problème. Pour faire quoi ensuite ? Ou alors il y a la possibilité de parler et de lui demander directement pourquoi elle chiale. Mais Alma ne veut pas. Rien que le verbe est mauvais. Elle ne chiale : Liliane pleure. Ce n’est pas une gamine irritante. Ce sont de précieuses larmes. Elle le ressent. Ces larmes sont importantes et… intime ? Alma n’est pas sure du mot.

« Euh… Liliane ? »

*Bon, voilà. J’ai commencé à dire quelque chose. Et maintenant quoi ? *

« Est-ce que tu as mal quelque part ? Je veux dire, rapport à tes larmes. »

Ce n’est peut-être pas très subtile comme façon de demander. Mais au moins l’objectif est clair.

« En fait, j’avoue que j’ai peur que ce soit moi qui te fasse pleurer. Je ne veux pas te faire pleurer. Ça… ça me fait mal. A mon cœur, je crois. Je ne veux pas que mon amie soit triste ou souffre à cause de moi. »

Ses bras quittent le dos de son amie. Ses mains sont ainsi libérées pour se poser sur chacune des joues de Liliane. Alma veut voir l’expression sur son visage. Elle veut affronter ce que ces larmes représentent.

« Explique-moi, s’il te plaît. »

Est-ce que… oui, elle a envie de tester.

« Ou alors je te séquestre et je saurai pourquoi tu pleures. »

Oui ?... Oui ! C’est un sourire en coin. C’est le signe qu’Alma vient de s’essayer à faire une blague ! Mais… est-ce que ça va fonctionner. Est-ce que Liliane ne va pas faire une erreur dans le ton de voix et croire qu’Alma est sérieuse ? Alma regrette déjà…

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Ne ruine pas le moment Alma. Tu poses trop de questions et tu t’inquiètes pour rien. Il va vraiment falloir travailler là-dessus, tu sais? Je vais bien. Tu n’y es pour rien si je pleure. Parfois, les choses se produisent parce que... Et c’est tout. Et si tu me séquestres… Est-ce que cela veut dire que tu vas m’attacher et me donner la fessée aussi? Je ne savais pas que c’était ton genre de fantasmes, Alma. Coquine… »

Pour prouver à Alma qu’elle va bien, Liliane l’embrasse à nouveau, un mélange de tendresse et de passion. Elle sèche ses larmes et sourit à la jeune femme. Et oui, elle a compris la blague d’Alma, si on se fie à sa réponse. À bien y penser, c’est la première fois que je l’entends faire une blague. Quel intéressant développement. Ma fille adoptive continue d’évoluer et de grandir, je ne vais certainement pas m’en plaindre. Si elle peut devenir la personne qu’elle aurait dû être, si elle n’avait pas été forcée de vivre sur ce monde pourri avec des parents absents… C’est encore mieux. Finalement, créer une amie sur mesure à Alma se sera avéré être encore plus bénéfique que prévu. Je suis vraiment très satisfaite des résultats. Je suis curieuse par contre. Très curieuse, même. Ma fille adoptive doit bien se douter que je vais l’appeler pour qu’elle me raconte sa soirée.

Donc, je me demande ce qu’elle va me dire. Va-t-elle tenter de me cacher la vérité, omettre des détails. Refuser de répondre? Les possibilités sont nombreuses et plutôt intéressantes à considérer. J’espère clairement qu’elle ne va pas mentir mais… C’est notre prochain appel commun qui va déterminer ou non si c’est le cas. Et si jamais elle ment…. Il faudra que je fasse attention à ce que je dis. Si j’ai l’air d’en savoir trop, elle va poser des questions… Et ce n’est pas le genre de question auquel je vais avoir envie de répondre, ça c’est sûr et certain. S’il fallait qu’Alma découvre, maintenant ou plus tard, que Liliane existe sans réellement exister… Je me demande comment elle le prendrait. Je sais, c’est se répéter mais… Pour le moment, elles partagent un moment de tendresse et je ne vais certainement pas faire celle qui va vouloir mettre son nez dans tout ceci et ruiner le moment.

Je suis simplement observatrice. Un rôle qui pour le moment me convient. Liliane finit par quitter les jambes d’Alma pour reprendre sa place, les yeux encore rougis par les larmes. Elle reste souriante. Et elle réussi à être belle même après avoir pleuré. Ne pas porter de maquillage aide, sinon il coule et vous avez l’air ridicule. Mais pas Liliane, oh que non, la blonde réussi à garder une certaine prestance. Dit ainsi, cela a l’air facile. Je vous assure que ça ne l’est pas. Est-ce qu’Alma sait pourquoi Liliane a pleuré, non. Liliane lui a dit que ce n’était pas sa faute et qu’elle s’inquiétait pour rien. Est-ce que ma fille adoptive va être capable de lâcher le morceau ou est-ce qu’elle va s’acharner à vouloir savoir? Alma peut être… Rigide. Et oui, le savoir c’est le pouvoir… Mais à quel prix veut-elle avoir une information potentiellement insignifiante qui pourrait frustrer Liliane?

« Tu sais ce qu’il nous faudrait? De la crème glacée et un film. Quelque chose de bien nanardesque pour être certaines de rigoler. Comédie romantique? Vieux film d’action? Film de kung fu mal doublé? Il y a tellement de possibilités, en fait. Enfin. Si tu veux. J’ai envie de passer du temps avec toi mais je comprendrais si tu as d’autres choses à faire. Je ne veux pas monopoliser tout ton temps ou squatter chez toi et vider ton garde-manger… »

[Marishka Auschwitz]

« Je. Mais. Non. »

Elle rougit. Forcément qu’elle est embarrassée à l’idée de fesser Liliane. Mais son amie provoque un nouveau court-circuit en l’embrassant. Est-ce qu’elle va régler tous les problèmes comme ça à l’avenir ? La faire taire d’un baiser ? Alma est sceptique. Ça ne parait pas une mauvaise solution. Bon, ça fait dépendance. Et elle ne veut pas être une junkie, à quoi que ce soit. Même si…

*Mais CHUT, Alma. Profite du moment. Pas de bataille. Aucune situation complexe à gérer avec Shayne. Profite, merde ! *

Ah. Liliane a quitté ses jambes. Ca fait comme… un vide. C’est étrange. Ses jambes lui paraissent même froides maintenant que la chaleur de son amie n’y est plus. Et alors qu’Alma se demande si elle parle de chaleur physique ou de chaleur humaine, voilà que Liliane retrouve la parole et lui propose un plan pour le reste du temps à venir.

« Tu ne monopolises rien du tout ! »

Et voilà. Encore une réponse trop excitée. Alma se pince les lèvres, regarde par terre pour finalement revenir sur le visage de son amie. Les yeux rougis mais toujours beau. Elle reprend alors un ton normal.

« Je veux dire que tu peux rester. C’était le plan de toute façon. Après, je suis nulle pour tout ce qui est film. J’ai essayé des films de différents genres. Des séries aussi. Mais généralement, ne me juge pas s’il te plaît, je préfère les documentaires. Je crois que c’est parce que je n’ai pas trop d’imagination. Je préfère la… réalité. En tout cas, le frigo est rempli et… oui, voilà, je te mets au défi de le vider ! Ma mère prend tellement soin de moi que je ne manque plus de rien ici dans mon hangar. »

Peut-être étrange de mentionner Shayne dans la conversation ? Alma se pose la question et… parvient à l’envoyer se balader ailleurs ! Elle se torturera l’esprit plus tard. Elle saute alors pour se retrouver en position debout, file dans une pièce et revient avec trois cartons envoyés visiblement par des particuliers. Au vu du scotch ou encore des informations recouvrant un carton.

« Je traînais sur internet quand un jour, prise d’une pulsion, j’ai acheté des lots de DVD. C’est du quasi neuf mais ce n’est pas très important ça, j’aurai pu tout acheter neuf grâce à ma mère. Non, ce qui me plaisait, c’était le concept de lot. Il y en a plein de différents à l’intérieur et je voulais découvrir. Une sorte d’aventure sans bouger de chez soi. »

Le doigt d’Alma glisse sur la tranche des DVD serrés les uns contre les autres. Elle en sort un.

« Celui-là est réputé pour être absurde. C’est un pneu avec des pouvoirs psychiques. C’est ce genre de film qu’on pourrait regarder toutes les deux ? »

Rubber. Un film d’une heure et demie sur un pneu qui se réveille. Qui roule dans un désert américain. Qui découvre qu’en bloblotant, il peut faire exploser des choses et des êtres. Une petite pépite pour la personne en train de taper ces mots.

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Liliane pouffe de rire devant l’absurdité d’un tel film avant de dire que ce sera parfait. Pendant qu’Alma prépare le film dans l’espace salon, Liliane va préparer du popcorn. Évidemment qu’il y en a dans le garde-manger. Moi-même, j’adore le popcorn. Quand vous regardez les fruits de votre travail, toutes ces explosions, tout ce chaos, c’est toujours agréable de grignoter quelque chose en regardant le tout. Bientôt, une bonne odeur si caractéristique à cette gâterie associée au monde eu spectacle se fait entendre. Les deux jeunes femmes vont pouvoir regarder le film avec suffisamment de popcorn pour ne pas avoir à se lever et en refaire. Liliane ramène aussi deux bouteilles d’eau car le sel donne soif, après tout et boire du sucré n’étanche pas vraiment cette dernière. Le concept de bouteille d’eau, alors qu’il y a des infrastructures pour l’eau…

J’ai toujours trouvé cela aberrant. Si vos aqueducs fournissent de l’eau potable qui a déjà été traitée et filtrée, où est le besoin d’une bouteille d’eau? C’est une dépense futile, à mon avis. Mais… Il y en a quand même dans le frigo d’Alma au cas où l’approvisionnement en eau soit affecté. La prudence est mère de sûreté, tout ça, tout ça. Donc les deux femmes s’installent, assises côte à côte mais la bulle personnelle d’Alma se fait rapidement envahir quand Liliane décide de se blottir contre elle. De penser qu’il n’y a pas si longtemps, un tel contact aurait été impossible pour Alma, contrenature et faisant résonner toutes sortes d’alarmes dans sa tête… À cette distance, la blonde portant ses vêtements d’origine, ma fille adoptive peut très bien sentir la chaleur et l’odeur qui semble émaner de Liliane elle-même. Ce parfum agréable voire rassurant… Tiens d’ailleurs… Elle n’a toujours pas…

Non, non, Shayne. C’est à Alma de ramener le sujet sur la table. Éventuellement ou jamais, concernant le ou les pouvoirs de Liliane. Pour le moment, Alma doit avoir un rythme cardiaque plus élevé. Ce contact affectueux ne lui sera certainement pas désagréable. En quelque part, ma fille adoptive sait que j’ai une certaine affection pour elle. Mais Liliane lui montre bien plus que cela. Elle vient donner une valeur à Alma, en un sens. C’est contre elle que la blonde est blottie et pas une autre. C’est avec elle qu’elle a décidé de passer sa soirée et pas une autre. Et malgré la maladresse d’Alma côté social, c’est à elle qu’elle a décidé de donner une chance. Je ne dis pas que l’égo d’Alma va enfler comme une baudruche mais pour quelqu’un qui a passé une partie de sa vie à lutter pour survivre… De se faire reconnaitre une valeur intrinsèque… N’est-ce pas quelque chose de merveilleux?

Bon film, dit Liliane en donnant un baiser sur la joue d’Alma. Encore ce contact doux, une de ces petites attentions qui pourrait rendre l’ex Marishka accro. Oh définitivement, je ne définirais pas ma fille adoptive comme superficielle, non. Mais il y a quelque chose de presque primitif, instinctif voire animal dans le fait de se sentir bien quand quelqu’un que vous jugez meilleur que vous (que ce soit en force, en beauté ou en intelligence) vous donne de la valeur. Liliane est comme… Une ancre. Elle permet de cimenter la place d’Alma dans un monde qui autrement, du haut de ses plus de sept milliards d’habitants, se fout globalement d’elle. Elle existe car on lui donne de la valeur. Parce qu’on se souvient d’elle. Parce qu’elle évite ainsi de tomber dans l’oubli et l’insignifiance. Le film qu’elle va regarder est d’un nanardesque… Mais l’expérience sociale est la véritable récompense ici.

[Marishka Auschwitz]

« No reason » dit le gars de l’introduction du film. Des exemples de films et des choses de la vie collés à ce « No reason ». Encore et encore. Rien n’a de sens. Pourquoi renverser des chaises dans un désert avec une voiture ? Pourquoi sortir du coffre et ne pas être assis à côté du conducteur ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Ces cinq premières minutes du film sont absurdes. Alma sait que la vie est absurde mais là… Des gens ont travaillé sur ce film. Des gens ont été rémunéré par ce film. Des gens sont allés voir ce film. Tout ça file le vertige à Alma. Comme si… comme si ce que Liliane appelle un nanard se révèle être une nouvelle leçon.

[…] « because life itself is filled with no reason. » Cette phrase. Cette phrase en particulier que dit le flic dans l’intro du film. Elle résonne en Alma. Elle raisonne et a l’impression de toucher du bout des doigts une vérité.

Assise en tailleur sur le canapé, Alma est pleinement investie dans le film. C’est peut-être pour ça aussi qu’elle ne réagit pas quand Liliane vient se blottir contre elle. Ce mélange de chaleur humaine, de film absurde, de parfum enivrant et de leçon de vie. Alma ne s’attendait absolument pas à ce cocktail en se levant le matin. Ce matin qui lui parait soudainement à une éternité d’ici.

Puis le film se termine. Et Alma ajoute un sobre :

« Waouh. »

Ce n’est pas cette fin ouverte avec un pneu suivi de tricycle et autres joyeusetés qui émeut celle venant d’un autre monde. C’est ce pneu aux pouvoirs psychiques. C’est cette avalanche d’absurde. Les paroles de ce flic qui restent en écho dans sa tête.

« Je crois que j’aime bien les films, en fait. »

Il y a d’abord eu le Kintsugi. Cet art qui consiste à magnifier les défauts. Par exemple des bols sombres aux fissures pleines d’or. Et aujourd’hui vient s’ajouter Rubber : un pneu.

« Celui-là il est… débile. Et en même temps, tout ce que je ne comprenais pas jusqu’à maintenant, j’ai l’impression que ça en fait. « No reason ». La vie est absurde. Il n’y a aucun sens à tout ça. Aucune destinée. Les coïncidences sont vraiment des coïncidences et pas des signes venus d’ailleurs. Je… Je crois que je comprends plus ma mère, maintenant. Pas celle qui m’a donné naissance mais celle qui m’a adopté. Quoique, je pourrais presque lui pardonner si je décide que tout n’a vraiment aucun sens. Mais c’est impossible. C’est parce que je suis loin d’elle que je peux « philosopher ». Si je la voyais en face de moi, je sais que la colère remonterait direct. Peut-être même que j’essaierais de la t- »

Sa main se plaque sur sa bouche. Elle a failli dire qu’elle allait tuer sa mère. Même Liliane doit avoir des limites. Elle ne peut pas TOUT lui dire. Il faut qu’elle apprenne à s’imposer un minimum de limites.

« Désolé. Je parle beaucoup. Enfin, je monologue. Tu es là, à côté de moi, je devrais avoir une conversation avec toi. Profiter de toi. Apprendre à te connaître. J’ai presque l’impression d’en savoir plus sur ce pneu que toi. Bon, peut-être pas le passé du pneu, mais je sais au moins la nature de ces pouvoirs. Tiens, c’est vrai ça ! Tu ne m’as toujours pas dit ce que c’était tes pouvoirs. C’est honteux ou tu peux me dire ce que c’est ? »

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Est-ce que j’ai regardé le film avec Alma et Liliane? Non. Je vous rappelle, pour ceux qui ont oublié, que je suis une demi déesse, une cheffe de culte et que j’ai aussi plusieurs jolies compagnies écrans qui me rapportent d’intéressants profits. Alors non, je n’ai pas le temps de regarder un film. Enfin. J’ai regardé l’introduction, il va de soi. Mais guère plus. Je me fais la note mentale, par contre, que c’est une activité que je pourrais proposer à ma fille adoptive. Trouver des liens communs est important. Comment voulez-vous bâtir une relation digne de ce nom autrement? Donc pendant qu’Alma et Liliane regardent le film, moi, je fais autre chose. La vie n’arrête pas de suivre son cours pour autant. Je reviendrai voir ce qui s’est passé dans une heure et demi, soit la durée du film, de ce que je crois comprendre. Nous allons donc faire une petite ellipse de mon côté.

Quand je reviens voir ma télépathe, elle me regarde avec un air perplexe. Quoi, que je lui demande. Et donc, elle me raconte le scénario du film. Je me pince l’arrête du nez avant de dire que finalement, je ne veux pas savoir. Étonnamment, par contre, Alma semble parler d’un moment particulier qui aurait été une sorte de révélation pour elle. Tant mieux, j’imagine, si elle peut tirer une leçon même d’un quelque chose d’aussi inattendu. Je ne lui reprocherai pas de vouloir élargie ses horizons, quand même. C’est même une bonne chose qu’elle veuille en découvrir plus, en apprendre plus, en expérimenter plus. Définitivement, elle fait d’excellents progrès. C’est comme regarder quelqu’un de différent, en fait et ce n’est pas une mauvaise chose. L’évolution est la clé, après tout. Mon attention, toutefois, se porte sur la question qu’elle pose à Liliane. Son ou ses pouvoirs…

« Oh je peux te le dire, il n’y a rien de bien embarrassant, en fait. Je contrôle la perception des odeurs. Les gens ont souvent la pensée réductrice de dire : une odeur, c’est quand ça sent bon ou mauvais. Mais les odeurs sont bien plus que cela. Elles peuvent influencer la perception, les émotions, les réactions, rappeler des souvenirs ou des traumatismes et peuvent neutraliser quelqu’un à cause de la force de ladite odeur.

Pour ma part, mon odeur fait que les gens autour de moi ne vont jamais me percevoir comme une menace. Idem pour les animaux et les insectes, par exemple. Pour contrer cette réaction automatique du corps, il faut plus que de la bonne volonté. Parfois, cela fait en sorte que des gens développent une attirance mais je te parle surtout des gros lourds qui sont plus… Primitifs… Dans leurs perceptions. Ce que toi tu ressens est très différent.

Ce n’est pas aussi impressionnant que ton pouvoir, assurément mais c’est très pratique. Pouvoir changer son odeur et celles de son environnement… Je te dirais que ça facilite grandement la vie quand les gens n’ont aucune hostilité à votre égard. Souvent, même, ils vont se sentir… Rassurés. L’absence de danger EST rassurante. Et de savoir que vous ne serez jamais en danger à cause d’un autre être humain est une bonne chose. Je veux dire…

Je ne suis pas une adepte de la violence. Je préfère éviter la confrontation et mon pouvoir me le permet. Toujours avoir une odeur agréable ou réconfortante fait aussi que les gens vont au moins se rappeler d’un petit quelque chose de soi. Allez, vas-y, tu peux rire. Miss déodorant vivant, miss parfum d’ambiance, je les ai pas mal toutes entendues, les vannes et les railleries. Sors-le de ton système, ce sera réglé après, voilà ce que je dis. »

[Marishka Auschwitz]

Alma n’a pas envie de rire.

« Si tu voulais vraiment que je sorte les noms qui me viennent en tête, ce serait plutôt Mademoiselle Manipulation ou… bref. »

Pourquoi ? Pourquoi fallait-il que ce soit ça son pouvoir ? Alma s’en veut déjà de ce qu’elle vient de dire. Elle fait tout pour contrer cet air sérieux sur son visage. Cette expression de douleur. Ces lueurs de violence qu’elle repousse au fin fond d’elle.

*Est-ce qu’elle me manipule depuis le début ? Maintenant qu’elle le dit, je me suis fait plusieurs fois la remarque qu’elle sentait bon. Mais… c’était bidon ? MERDE ! *

« Merde ! »

*J’en sais rien, maintenant ! Pourquoi pourquoi pourquoi ? MERDE et merde ! *

Alma se recroqueville sur elle-même. Ses avant-bras sur les côtés de son visage. Autant pour compléter cette pose en devenir de fœtus que pour se protéger, ne plus rien entendre, ne plus la voir elle. C’est tellement compliqué, c’est…

(No reason)

L’image d’un pneu. D’un flic.

(No reason)

*Ce n’est pas son parfum qui a calmé mes ardeurs. Ce n’est pas quelque chose que j’ai senti avec mon nez qui a éteint mes pensées qui partaient à toute vitesse. C’est, ce sont… *

Ses yeux se baissent sur ses lèvres. A travers ses avant-bras qu’elle écarte un peu de son visage rabaissé, Alma redécouvre Liliane.

« Ce sont tes lèvres. »

*J’ai parlé à voix haute ? Merde, je voulais le penser. Trop tard. *

« Ce n’est pas ton parfum qui m’a désarmé. Désolé. Ce sont tes lèvres. Désolé. J’ai encore merdé. Je suis chiante à faire autant d’erreurs. Mais… je te le jure, je n’ai pas envie de me moquer de toi. C’est juste que, pendant un moment, j’ai cru que tu te foutais de moi. Que tu avais joué avec ton pouvoir sur moi. Que tout ça était bidon. Mais ce sont tes lèvres et non ton parfum qui fonctionnent sur moi. »

Elle se détend. Elle écarte ses bras. Elle relève le menton. Qu’elle se sent conne désormais !

« Tu es tellement plus subtile que moi. Tu joues avec l’invisible. Alors que moi je développe toujours plus de lianes et de carapaces de métal. Tu fais tout ce que tu peux pour éviter la violence alors que moi ça a toujours été ma solution. Régler mes problèmes dans le sang. Tu es… tu sembles mieux que moi. Meilleure mais… tu es aussi cassée que moi. D’une autre façon. Mais… »

Kintsugi. La beauté dans les fêlures.

Une gifle. Alma vient de se gifler.

« Pour m’être moquée de toi. Désolé. Et si je t’entends encore te dénigrer à cause de ces surnoms débiles, la prochaine baffe sera pour toi. Deal ? »

Quelle façon tordue de se rabibocher ! En tout cas, avec la joue rouge, c’est un nouveau sourire qui vient illuminer le visage d’Alma.

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Liliane pince les lèvres et lève les yeux au ciel. Apparemment, un commentaire comme celui d’Alma… Ce n’est pas la première fois qu’elle l’entend. Non, elle ne manipule pas les gens. Est-ce qu’un animal mignon manipule les gens pour qu’on le trouve, justement, mignon? Non. Il est juste comme ça et les gens utilisent leurs perceptions pour classifier. Liliane apparait comme étant inoffensive parce que son pouvoir, ce mécanisme de défense inné, fonctionne ainsi. Elle pourrait manipuler, oui. Utiliser son pouvoir pour avoir l’effet de phéromones. Mais ce n’est pas ce qu’elle veut. Liliane est… Liliane. Elle n’a pas envie d’avoir autour d’elle un culte, des groupies ou autres. C’est une jeune femme scarifiée par son passé qui ne veut plus souffrir. Qui ne veut plus être blessée par les autres. Qui préfère éviter de faire des vagues, tout simplement.

Et elle désapprouve de ce qu’Alma vient de faire. Elle lui fait des gros yeux avant de caresser sa joue rouge. La joue d’Alma, pas sa propre joue, si ce n’est pas clair. Ne refais plus jamais ça, dit-elle d’un ton qui n’admettra aucune contestation. Liliane n’est pas physiquement imposante. C’est une belle femme, une très belle femme. Mais on l’imagine plus mannequin, à poser pour des magazines ou des choses plus inavouables encore. Liliane qui fait peur, c’est plus comique qu’autre chose. Mais dans le ton… Dans le regard… Et même dans l’odeur, car c’est là le pouvoir de la blonde… Alma sent, ressent que protester serait une mauvaise idée. Liliane a été patiente et compréhensive, elle ne lui en a pas voulu sur bien des aspects… Mais ma fille adoptive semble avoir franchi une limite que la blonde ne tolèrera pas. Une leçon qu’Alma a intérêt à assimiler rapidement, donc…

« Non, je ne te manipule pas. Mais ta crainte était fondée. Si je veux manipuler quelqu’un, je peux le faire. Mais avoir l’air inoffensive est un mécanisme défensif passif de mon pouvoir. Le vice-roi est un papillon qui imite les couleurs du papillon monarque pour tromper les prédateurs qui savent que le monarque est dangereux. Est-ce que le vice-roi manipule volontairement les prédateurs? Il est ainsi fait.

Je peux accepter facilement cette réaction. Ce que je ne vais pas accepter, c’est que tu te frappes. Tu as dit que tu ne t’étais pas moquée de moi. Donc pourquoi avais-tu besoin de te gifler? Tu as été très claire en plus. Ce sont mes lèvres et non mon parfum qui t’ont séduite. Alors comme tu as réussi à surmonter toi-même ton doute, pourquoi ce besoin d’une punition physique que je n’ai certainement pas demandé? N’as-tu rien écouté?

Je n’aime pas la violence. Et nous avons eu des parcours radicalement différents. Tu utilises la violence car pour toi, c’est naturel, c’est quelque chose que tu comprends. Mais je ne veux pas que tu te fasses du mal parce que tu t’adaptes à quelque chose qui est nouveau pour toi, voire étranger. Est-ce que je me suis bien fait comprendre, Alma? La vie va se charger de te faire du mal, elle n’a pas besoin de toi pour faire le travail à sa place.

Tu veux te faire pardonner? Soit. Montre-moi la Alma qui veut être avec Liliane. Celle qui n’a pas besoin de recourir par défaut à la violence. Serre moi dans tes bras, montre moi ton affection. Embrasse moi et montre moi toute l’étendue de ta sincérité. Mais plus jamais, Alma, je ne veux que tu te frappes pour moi. C’est mon premier et mon dernier avertissement. Et je ne plaisante pas. Tu sais quoi faire si tu veux me perdre. »

[Marishka Auschwitz]

Elle n’a pas le droit de protester. Elle n’a donc pas le droit de dire quoi que ce soit. Réduite au silence. Impuissante alors que Liliane n’a même pas utilisé les poings ou un quelconque pouvoir offensif. Sa fragrance plus puissante que tout son monde de violence. C’est une terrible réalité pour Alma.

« Mais… Que… Je… »

Non, elle n’a pas le droit de protester. Liliane vient de la mettre devant un choix critique. Elle doit l’embrasser. Elle ne doit plus se frapper. Elle doit la serrer dans ses bras. Elle ne doit plus se torturer.

*Mais… Mais qu’est-ce que ça veut dire tout ça ? Oui, j’ai dit que ce sont ces lèvres qui ont du pouvoir sur moi et pas son parfum mais… Elle veut que je l’embrasse mais… est-ce tout ? Est-ce que ça va se limiter à ça ou… est-ce qu’elle pense au… sexe ? *

Alma est complètement perdue. Elle est comme un lapin, les yeux grands ouverts face à la lumière qui illumine, que projette Liliane. Comme un lapin, elle va aller là où la lumière la dirige sans plus rien comprendre à ce qui passe autour d’elle. La serrer dans ses bras ? Ok !

*Cette chaleur physique ! *

L’embrasser ? OK !

*Cette chaleur humaine ! Cette douceur dans ses lèvres. Cette douceur dans cette poitrine qui s’écrase contre la mienne. *

Alma est véritablement déboussolée. Est-ce le moment de franchir le pas ? Est-ce au nom de la curiosité ou d’un sentiment plus obscure que certains nomment « amour » ? Elle n’en sait véritablement rien. Mais elle se dit que si elle ne tente pas, jamais elle ne pourra obtenir cette réponse. Et vu que son parfum, ou le charisme naturel de Liliane l’oblige à ne rien dire et à agir, alors…

Ses mains descendent le long du dos de son amie Liliane. Voilà que ses deux paumes sont posées contre les fesses de cette femme qui pourrait ravir les podiums de beauté.

*Et après ? Je fais quoi ? Si seulement j’avais un mode d’emploi… *

Ses mains remontent, hésitent un court instant, puis redescendent. Cette fois, elles se glissent entre la culotte et la peau. Ses lèvres continuent d’embrasser avec toute l’ardeur de celle qui veut se faire pardonner, de celle qui est trop intense pour tenter de compenser l’inexpérience.

*Est-ce que je fais ça bien ? Est-ce que c’est ce qu’elle veut ? Qu’est-ce que je désire ? Et elle ? Merde Alma ! MERDE ! Tu te remets à psychoter toute seule ! *

Alma ne sait toujours pas ce qu’est l’amour. Mais elle sait qu’elle aime le toucher du baiser. Elle sait qu’elle prendre du plaisir à ressentir cette chaleur et à caresser ses fesses. Et c’est déjà un grand accomplissement personnel dans sa triste vie sociale !

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Encore une fois, il y a des progrès. Liliane fait douter Alma. Remettre en question ce qu’elle prenait pour certain ou inéluctable. Elle lui montre qu’il y a d’autres options. Évidemment que ce sera un long apprentissage. Mais il faut commencer quelque part et on a déjà vu bien pire que d’embrasser le sujet de son affection voir de son amour naissant. Liliane s’offre à Alma afin qu’elle puisse découvrir de façon saine et sécuritaire ce qui est en train de croitre en elle. Je ne dirais pas qu’Alma est pure et innocente. Deux mots qui ne vont pas bien avec ma fille adoptive. Ce que je peux dire, par contre, c’est que son désir de changer, de s’améliorer, est sincère. Et ça… C’est déjà un meilleur début que bien des scénarios envisageables. Elle écoute ce que la blonde a à dire au lieu de s’en remettre uniquement à son ressenti et à ce qu’elle connait. C’est bien.

Et Alma est sincère dans ses gestes et dans ses actes. Elle ne cherche pas à faire semblant ou à faire pour plaire à Liliane. Elle veut vraiment que cette relation fonctionne. Ma télépathe n’a presque rien à faire pour subtilement influencer la blonde. Je trouve ça remarquable, en un sens. Considérant d’où vient ma fille adoptive, des progrès aussi rapides sont presque stupéfiants. On pourrait être tenté de se dire que ce n’est pas possible, que son environnement initial et les premières années de sa vie auraient dû cimenter plus durablement la personne qu’elle deviendrait et que tout espoir de « réhabilitation » était une perte de temps mais… Non. Loin de là. Apparemment, elle est capable de changer, voire de changer encore plus que moi. Toutes les deux nous avons changé, oui. Mais il y a des éléments chez moi qui sont restés les mêmes. Dont mon objectif ultime, évidemment.

Liliane laisse le temps à Alma de s’adapter. De pleinement apprécier ce qu’elle fait, de faire taire les éventuels doutes dans son esprit. Elle ne rejette pas ce que ma fille adoptive fait. Elle la laisse explorer, découvrir et ce sans opposer de résistance. Oh naturellement, si Alma fait quelque chose avec laquelle elle n’est pas d’accord, elle lui dira. Mais pour le moment, il est important de laisser à la jeune femme le temps de s’adapter et d’arrêter de paniquer ou de trop se poser de questions. Ce n’est pas une question de si mais une question de quand. D’où la grande patience de Liliane. Si Alma se sent en confiance, dans un environnement qui lui est familier, elle risque de vouloir tenter davantage que si elle était, exemple, dans un lieu public. Pour quelqu’un qui y va plus ou moins à l’instinct et qui a tendance à trop penser, Alma s’en sort pas trop mal. Il faut un début à toute chose.

Le regard de Liliane, en tout cas, est encourageant. Il n’y a pas d’inconfort ou de désapprobation. Comme Alma a tendance à chercher… Je ne sais pas, une sorte de validation sociale? Dans cette nouvelle vie qu’elle se construit, cela devrait renforcer sa détermination, qu’elle est sur la bonne voie, que malgré son inexpérience elle se débrouille bien. C’est quand même… Étonnant à regarder. Alma, d’ordinaire pleine de colère et de bile, qui tue et fait couler le sang, en train d’embrasser avec fougue une jeune femme blonde tout en caressant les fesses de cette dernière comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Enfin. La plus naturelle du monde, c’est vite dit. Mais vous comprenez où je veux en venir. Les progrès sont là. L’évolution aussi. Et on dirait que Liliane la défie du regard d’en faire plus, d’aller plus loin. D’apprivoiser ce nouveau côté qu’Alma se découvre…

[Marishka Auschwitz]

Liliane ne dit rien. Elle ne fait que regarder Alma. Il semble que ses yeux l’invitent à continuer.

*Les yeux ne parlent pas. Et mon cerveau pourrait interpréter, sur interpréter ce que je veux ou ce que je crois vouloir. Mais… pourquoi elle ne dit rien ? Elle aime ou elle n’aime pas ? C’est agaçant ce silence ! *

Mais Alma ne dit rien non plus. Trop peur de casser la « magie » du moment. En demi-mesure, elle décide donc de redonner les fesses de son amie. Ses mains remontent alors dans le dos pour caresser tandis que ses lèvres plongent pour un second baiser.

*C’est comme les gens qui se font des câlins. Ça évite de voir les expressions sur le visage. Moi je suis en train de faire pareil. Au lieu de choisir le mouvement suivant, je retourne au baiser pour me donner le temps de réfléchir et… on ne peut pas dire que cette douceur, cette chaleur m’aide beaucoup à me concentrer. *

Elle rompt le baiser.

Elle rompt le câlin.

Tout cela un peu trop durement. Un peu trop sec. Le bon mot serait peut-être « nerveux ». Puis Alma s’éloigne de deux pas de son amie. Elle lui montre alors son dos. Mauvais signe. Se rend-t-elle compte qu’inconsciemment, elle se ferme ? Elle se replie ? Elle « boude » son amie ?

« Je me disais qu’on serait peut-être mieux dans ma chambre ?... »

Sa voix manque de volume. Pour une fois.

Alma se retourne et c’est impossible de ne pas remarquer à quel point elle est gênée. Les yeux qui semblent découvrir et s’aventurer sur le sol. Le visage rougi. La lèvre mordue.

« Rapport au fait que ce n’est pas terrible d’être debout. Puis il y a beaucoup de plantes. Et de fleurs, dans ma chambre. C’est, disons, plus beau. Pas que je n’aime pas le style métallique du hangar, bien sur que je l’aime, c’est mon deuxième pouvoir. Mais je me disais que les fleurs se seraient… mieux. Voilà. »

Pour le moment, Alma vit à l’intérieur d’une petite bulle. Elle est « presque » une autre dans cette bulle. Elle semble évoluer rapidement mais… quand sera-t-il lorsque la bulle ne sera plus ? Lorsque Liliane sera partie ? Lorsqu’une journée, puis deux puis d’autres passeront ? Comment fera-t-elle face à tous ces nouveaux souvenirs ? Nouveaux sentiments ? Nouveaux désirs peut-être même ! Mais surtout qu’en sera-t-il de ce manque ? Ce vide ? Cette…  nouvelle addiction à la sociabilité qui ne peut fonctionner de façon optimale car la vie place une quantité faramineuse d’imprévus et d’obstacles dans la vie des gens. Des tâches et des choses dans un planning.

*CHUT ! Si seulement j’avais le pouvoir de vous taire, petites pensées emmerdantes ! *

La main d’Alma se tend vers Liliane.

« Tu… tu m’accompagnes ? »

Alma va d’abord s’asseoir sur son lit. Si Liliane accepte son offre bien entendu. Puis elle va se relever brusquement pour vouloir lui faire la visite. Lui donner le nom des fleurs. Les noms latins. Leur lieu de naissance. Ce à quoi elles peuvent servir une fois transformées en médicaments. Etc. Et pendant tout ça, elle pensera à une possibilité : « et si je m’allongeais sous les draps avec mon amie ? Juste m’allonger ! »

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Et donc, Liliane accompagne Alma dans sa chambre, la laisse présenter son espace de vie, lui montrer ses plantes et leur « histoire ». Est-ce quelque chose qui l’intéresse spécialement? Non. Mais en même temps, ce n’est pas non plus le but. Le but est d’apprendre à connaitre sa nouvelle amie, à connaitre Alma. Ce qu’elle aime ou n’aime pas, ce qui la fait réagir et comment. Car la blonde n’est pas idiote. Elle sait qu’elle est plus ou moins en terrain miné. Alma ne lui fait pas peur à proprement parler mais elle devine que la jeune femme en a gros sur le cœur et elle se débat avec ses pensées et ses émotions. Ce qui peut donner quelque chose de très volatile. Ce n’est pas nécessairement sa faute (à Alma) mais ne pas provoquer une explosion par accident semble un bon plan. Donc elle va suivre Alma, elle va faire ce qu’Alma veut faire…

En la comprenant mieux, elle sera en meilleure position pour l’aider. Et si elle est en meilleure position pour l’aider, les progrès seront davantage positifs. Tout est lié en une belle ligne droite et sans détour. Propre. Net. Ordonné. Enfin. Pour le moment. Et comme son pouvoir implique odeurs et phéromones, ce qui est olfactif, elle a évidemment une certaine curiosité pour tout ce qui est fragrances et parfums. Elle sourit, elle écoute, elle hoche la tête, pose parfois une question ou passe un commentaire pertinent… Le silence de Liliane n’en est pas un de jugement mais d’observation. Il ne faut pas oublier que les deux jeunes femmes ne se connaissent pas depuis longtemps. C’est une présence agréable et pas uniquement grâce à son pouvoir. Un physique avantageux et une attitude positive aide également, c’est évident. Ce n’est guère étonnant qu’Alma soit tombée sous le charme.

Puis la visite et les explications se terminent, laissant les deux jeunes femmes devant le lit. Alma ne semble pas trop sûre de la suite… Mais Liliane se sent espiègle. Elle prend les mains d’Alma dans les siennes. « C’est un peu frais dans ton hangar, tu dois avoir froid aux mains, non? » Ce qui est une excuse de l’épaisseur d’une feuille de papier. Avant que ma fille adoptive ne puisse répondre, ses deux mains sont posées sur les rondeurs mammaires de la blonde. Et effectivement, elle sent bien la chaleur de ce corps devant elle. Liliane lui sourit. « Voilà, beaucoup mieux, non? » C’est ce qu’elle demande, avec un air presque angélique. Alma est peut-être nouvelle dans l’arène des interactions sociales mais il n’y a heureusement pas grande subtilité ou risque d’erreur d’interprétation ici. Il y a au strict minimum un espiègle complicité et au plus, une attirance plus que réelle entre elles.

Encore là, par contre, elles peuvent très bien jouer le jeu de la séduction sans dépasser « la limite ». Explorer, découvrir, sans jamais changer de zone, de amies à… Amantes? Liliane ne cherche pas à brusquer ou à pousser Alma à faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire. C’est évident. Elle l’amène à explorer, découvrir, remettre en question. Elle offre son amitié et une bonne dose d’intimité à ma fille adoptive. Partiellement parce qu’elle a été « conçue » pour répondre à cet impératif mais surtout parce que sans avoir besoin d’appuyer sur ces boutons, Liliane le désire réellement. Ce qui est intéressant car la création rempli son mandat sans avoir besoin de la contraindre à le faire, sans savoir que c’est là sa fonction. Ce qui rend donc encore moins plausible qu’Alma découvre un jour la vérité. C’est une conversation que je ne veux clairement pas avoir avec elle…

[Marishka Auschwitz]

Ses fleurs et les parfums de Liliane. C’est une combinaison qui fonctionne ! Alma est contente de cette trouvaille et prend donc plaisir à présenter ses trésors. Qui plus est, Liliane semble interessée. Bon, une petite voix dans sa tête se dit que c’est pour lui faire plaisir. Mais elle l’ignore. Presque. De toute façon, certaines de ces questions et remarques l’encouragent à continuer et à faire tout le tour. Et le tout est absurdement long pour une chambre. Alma n’a pas lésiné sur la quantité.

Puis ce silence. Cette inaction. Alma a du mal à ne rien faire. Elle aime avoir des objectifs. Du temps libre, c’est… indécent. Elle en avait sur son monde mais c’était différent. C’était parce qu’elle n’avait rien. Et chaque moment où elle ne faisait rien, elle faisait quand même quelque chose à être toujours aux aguets pour voir à temps le piège se refermer sur elle.

*C’est agréable. *

Ses mains sont sur la poitrine de son amie. Ah. Ok.

« C’est vrai qu’il ne fait pas très chaud chez moi. Désolé. Et, euh, c’est vrai aussi que mes mains me réchauffent. Désolé de te communiquer mon froid. Ce ne doit pas être très agréable pour toi. »

Alma est contente. Elle a réussi à ne pas dire une troisième fois « désolé ». Petite victoire, certes. Aussi petite que l’excuse espiègle de son amie.

Ses mains sont dons sur la poitrine de son amie.

*Je fais quoi ? J’explore comment ? *

Ses doigts pressent deux fois d’affilés la belle poitrine de son amie. Puis de nouveau l’inaction. Heureusement qu’elle a ce petit sourire d’enfant, autrement, la situation aurait pu être malaisante.

« Qu’est-ce que tu penses des piercings aux tétons ? »

La question est sortie d’elle ne sait où. Alma se demande maintenant si elle a bien fait de la poser. Elle-même n’en possède pas. Bien que certaines images sur internet l’ait fait se questionner plusieurs fois. Ce n’est pas franchement la douleur de les installer qui l’a rebuté. Juste l’inutilité de la chose. A part avoir deux bouts de métal dans les extrémités des seins, ça sert à quoi ? Alma s’est donc retranchée sur la position que ce serait une faiblesse en combat si son adversaire l’apprenait.

Jusqu’à aujourd’hui. Parce que maintenant qu’elle se trouve avec Liliane, elle repense à des images. A des vidéos. Ses seins piercés semblait donner satisfaction autant à la personne qui les avait qu’à la personne qui jouait avec. Comme si le fait d’être deux donnait une nouvelle signification à la chose. Comme si l’interaction sociale balayait l’absurde. Etrange. Intéressant, peut-être même.

« Sinon, si tu veux toucher mes seins, tu peux. Je n’aime pas beaucoup avoir des dettes. »

[Jeannie]

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Alma, la température était un prétexte parce que j’avais envie de ce contact intime avec toi. Si quelqu’un doit s’excuser, c’est moi pour t’avoir pseudo manipulé. Il va falloir t’enseigner la subtilité et le second degré j’ai l’impression. Tous les torts du monde ne te tournent pas autour, je te rassure. Et pour ma part, je préfère le froid au chaud. J’ai froid, je rajoute un vêtement. J’ai chaud… Une fois nue, tu enlèves quoi?

Quant à ta question de piercings… Je te dirais que personnellement, je ne suis pas fan. Tatouages, d’accord. Des seins tatoués, ça existe. Mais le piercing… Je trouve qu’il gêne. J’imagine que certains aiment et je respecte ça. Mais tu me donnes le choix entre avec et sans piercing, je prendrai toujours sans. Après, si toi tu en veux, tu prends ta décision pour toi, pas pour moi. La question à se poser c’est : est-ce que ça plairait à Alma. »

Hum. Liliane oublie de mentioner un point important. Est-ce que cela va plaire à maman Shayne. N’est-ce pas une sorte de droit inaliénable pour les parents de critiquer ce genre de décisions que veulent prendre leurs enfants? Qu’Alma veuille une moto, d’accord. Son propre domicile, d’accord. Je peux accepter bien des demandes. Mais un piercing? Ou des piercings? Dépense inutile, à mon avis. Des bouts de métal à arracher à son adversaire ou quelque chose de conducteur si vous utilisez de l’électricité. Oh c’est ça, accusez-moi de juger. Si vous saviez comme je m’en moque! Je suis une demi-déesse, l’opinion de vulgaires mortels m’indiffère. Non mais, pensez-vous que vous avez la moindre importance à mes yeux? De la chair à canon à sacrifier à ma gloire, voilà ce que vous êtes! Donc si maman Shayne dit pas de piercings… Voilà quoi. Fin de la discussion.

Je me demande parfois comment le cerveau d’Alma fonctionne pour sortir des questions aussi aléatoires… Je suppose qu’il faudrait que je demande à ma télépathe de se poser sur la question mais plus j’y pense, moins je trouve que c’est une bonne idée. Enfin bon. Au moins, Liliane a donné une réponse intelligente et montre qu’elle se préoccupe de ma fille adoptive. Sur ce point, elle se comporte comme elle devrait se comporter. Si ce « prototype » donne les résultats escomptés… Peut-être que je devrais construire un entourage à Alma de gens conçus sur mesure pour occuper certains rôles… Une idée à explorer, éventuellement, si je juge qu’elle a besoin de davantage d’aide pour se développer socialement. Chaque chose en son temps et un temps pour chaque chose. Tiens, on dirait que Liliane va reprendre la parole donc… Écoutons ce qu’elle a à dire.

« Tu as tout faux, Alma. Il ne faut pas voir dans mon geste un besoin de réciprocité. Si je veux m’offrir à toi, c’est ma décision consciente et volontaire. Donner n’implique pas de recevoir systématiquement en retour. Tu dois faire les choses, dans la mesure du possible, parce que tu VEUX les faire, pas par un sentiment souvent illusoire d’obligation. Les interactions sociales ne fonctionnent pas sur une… Je ne sais pas…

Formule mathématique, tiens. Ou une règle de science. Tu peux donner sans recevoir. Recevoir sans donner. Si tu veux toujours une sorte d’équilibre… L’interaction sera… Fausse. Creuse. Malhonnête, en un sens. Alors je te pose la question à toi. À Alma. Pas à la tête de Alma qui rationnalise tout. Alma, est-ce que tu veux que je te rendes la pareille, que je caresse aussi ta poitrine ou est-ce que tu as dit ça uniquement par obligation? »