The Multiversity

Carol ne s'était pas éclipsée. Sa brève description, de la bouche de l'indigène, faisait figure de preuve aux oreilles de Gine qui dut faire un effort pour se relever. Sur le moment, la Saïyajin ne songea pas à sa nudité sous les pans de cette couverture qu'elle maintenant serrée contre elle. Elle luttait surtout contre son état d'après réveil. Gine trouvait bizarre d'avoir encore sommeil. Comme si son corps, un peu ramollo, n'avait pas encore tout à fait éliminer le produit qu'on lui avait injecté...
T’lailah lui ouvrait la voie. La femme à queue de singe la suivit sans mot dire. Elle découvrait un nouvel environnement : une sorte de marais dans lequel on avait planté des habitations de fortune. Son regard se décrocha du mur d'arbres pour s'attarder sur la silhouette d'une figure ailée. Celle qui la guidait lui enseigna son nom - Syriel - et Gine adressa un timide salut de la tête à la nymphe volante. D'autres curiosités aimantèrent rapidement son attention. Des montures étranges, probablement utilisées autant pour se déplacer sur de longues distances que pour se battre, qui ressemblaient à des poulets et à des lézards.
Je ne suis décidément pas au bout de mes surprises avec cette jungle et ses alentours.
La super-héroïne n'était plus très loin. Gine l'aperçut au sommet d'un monticule rocheux. Ainsi dressée, elle avait l'air d'une sentinelle. Par ailleurs, il y en avait peut-être bien une, de vraie, qui l'accompagnait. Une femme à la longue crinière brune, bien faite de sa personne et couverte du strict nécessaire en matière de peaux.
La douce euphorie de Carol la prit de court. Pressant sa tête contre son épaule, elle lui rendit son étreinte.

- Et moi je suis contente de te savoir en vie - et en bonne santé.

Gine s'intéressa alors à la guerrière à la peau claire, à qui elle rendit son salut. En l'écoutant parler, elle eut l'impression d'avoir affaire à une chasseuse.

- Des conséquences ? releva-t-elle à mi-voix.

Pour avoir tué le Shantak ? La femme à queue de singe ne comprenait pas où elle voulait en venir.
Carol prit la relève et lui expliqua ce qu'il y avait à savoir. Zerrikania comprenait quelques tribus en charge de sa surveillance. Celle qui les avaient toutes les deux neutralisé s'occupait du Shantak. L'indigène mentionna la tribu H'wanu, qui vénérait un ancien dieu zerrikanien, à contrario de ses voisines adoratrices des soi-disant Gardiens Sacrés du Temple de la même région. Du coup, le meurtre du Shantak envenimait davantage leurs relations déjà bien tendues...
Gine, mal à l'aise, déglutit aussi bas que possible.

- Ça veut dire qu'on aurait pas dû intervenir ?

Carfax détailla alors son cas. Elle ne provenait pas de ce monde. Elle avait été projetée à travers une faille avant de rencontrer les H'wanu et de se familiariser avec eux. Depuis, l'étrangère sillonnait la jungle.
J'ai l'impression que je peux lui faire confiance. Carol, elle, a l'air de lui avoir accordé la sienne.
Gine hocha la tête avant de s'exprimer à son tour.

- Nos histoires comportent une similitude. J'ignore à quoi ressemble cette faille dans laquelle vous... tu es tombée, mais celle qui m'a conduite ici m'a permis d'éviter de mourir dans une catastrophe planétaire.

Ce n'était pas un bon souvenir. Elle s'accorda une petite pause, puis reprit moins difficilement :

- J'ai atterri dans la jungle et c'est bien mon amie Carol qui m'a permis d'en sortir indemne. Je lui dois cette nouvelle vie, à elle ainsi qu'à ses alliées. (Elle sourit amicalement à la concernée.) Depuis, je les aide dans leur entreprise. C'est un peu ma... raison d'être ici bas, oui. Et pour être honnête, je ne sais pas trop quoi faire d'autre. Il faut dire que je n'ai jamais été très douée pour grand-chose, ha ha...

Elle cherchait à se rendre utile. Quitte à devoir se mouiller... ou mouiller tout court, étant donné ses derniers rapports avec Poison Ivy et la Veuve Noire. En se souvenant de ce qu'elle avait aussi partagé avec Carol, les joues de Gine flambèrent d'autant plus fort.
Oh là là...
Elle ressentit comme une soudaine envie de se planquer sous cette couverture.

Un léger sourire orna les lèvres de Carol quand elle vit Gine rougir en évoquant Poison Ivy et Black Widow. La main de Carol glissa alors sur les cheveux de Gine, les caressant doucement.

« Tu m’as l’air d’avoir chaud… C’est pour ça que tu es nue là-dessous ? »

Elle s’amusa de voir Gine rougir visiblement encore plus. Comme quoi, même en ayant frôlé la mort, la Saïyen restait toujours aussi pudique ! Néanmoins, au-delà de ça, elle avait posé une question à Carfax, en ce qui concernait la mort du Shantak, et sa conséquence sur l’équilibre précaire de Zerrikania.

« Il n’y a pas d’Etat organisé à Zerrikania, mais un ensemble de clans et de tribus plus ou moins hostiles. Ces clans ont des politiques différentes. Certains peuvent se tourner vers l’extérieur, commercer, voire envoyer certains des leurs en-dehors de la jungle… D’autres sont plus traditionnalistes. Tous ces clans sont dirigés par un seigneur local qui est sous les ordres d’un clergé, généralement constitué d’une Prêtresse et de ses élèves. Toutes les tribus de Zerrikania vénèrent une divinité locale qui appartient à un unique panthéon commun à l’ensemble de ces tribus. »

Dit comme cela, et toute proportion gardée, cette société tribale ressemblait assez aux Amérindiens avant la colonisation et leur déportation massive.

« Fait plus notable, tous ces dieux sont considérés par les Zerrikaniens comme les facettes d’une unique entité, le dieu-dragon Raróg. Le Shantak, comme vous l’appelez, est donc considéré comme une facette de ce dieu. On pourrait croire que toutes les tribus vous en voudraient de l’avoir tué, mais ce serait méconnaître leur culture.
- En le tuant, nous avons offensé le clan qui vénérait cet Avatar. Ce clan est désormais en voie d’extinction. S’ils ne s’emparent pas rapidement d’un autre Avatar, leurs croyances affirment que Raróg en personne émergera de leur totem pour les détruire. »

Carfax lui expliqua que chaque village était structuré autour d’un totem, qui était le réceptacle de leur Dieu. Quand ce dieu mourait, son essence retournait dans le totem, et ils devaient alors prendre un autre totem pour absorber l’essence de ce totem. Autrement dit, quand un Avatar mourait, le clan ayant perdu son idole devait rapidement en récupérer un autre. Le clan où Carfax était allait être une cible privilégiée par le clan du Shantak.

« En vous recueillant, les guerriers de ce clan ont envoyé une déclaration de guerre au clan du Shantak. Ce clan ennemi les a déjà attaqués par le passé. Quand un clan s’empare du totem d’un autre clan, ce second clan devient son vassal. Mais eux se sont révoltés, et ont récupéré leur totem. On peut dire que vous arrivez au bon moment, car ils planifiaient une attaque contre le Shantak. Vous les avez aidés, et ils comptent sur vous pour les protéger de leur clan suzerain. »

Le commentaire de Carol ne l'aidait pas. Soucieuse de l'état de son amie, Gine n'avait pas pris la peine de se changer dans la hutte. Sa tenue, qui ne se résumait qu'à cette longue couverture, laissait quelque peu à désirer...
La honte.
Elle accepta tout de même la caresse sur la tête. C'était parti d'une bonne intention, non ?
Venant de Carol, Gine y croyait dur comme fer malgré sa timidité plus que tenace.

- Je me faisais du souci pour toi, marmonna-t-elle, gênée.

Cartax était bien informée. Après avoir entendu sa version, elle lui expliqua rapidement qu'il existait des croyances auprès des différentes tribus et des quelques clans zerrikaniens qui reposaient principalement sur un panthéon propre à cette immense région sauvage.
Je n'ai pas souvenir que nous ayons jamais vénéré quoi que ce soit, par chez nous.
A part peut-être le Tyran Démon du Froid que les saiyen craignaient plutôt qu'autre chose, et cette légende floue au sujet d'un "super-saïyan".
Mais en ce qui concerne les dieux, nous ne sommes pas au courant de grand-chose.
Une spiritualité très limitée, chez ses congénères.
Bref ! Toutes les tribus ne leur en voulaient pas pour avoir tué le Shantak - une prétendue facette d'une entité unique, dit le dieu-dragon Raróg. Sans quoi Carol et Gine seraient mortes aux mains de cette tribu qui avaient eu la "délicatesse" de les recueillir.
Pendant combien de temps ai-je dormi, déjà ?
Rapport à ses gènes de Saïyajin, on avait dû lui injecter une double dose...
Gine se recentra sur la conversation. Un Clan - celui qui vénérait le Shantak - était menacé d'extinction. Pour éviter cela, ils avaient pour obligation, dans leur coutume, de trouver un nouvel Avatar sans quoi l'entité unique émergerait de leur totem à des fins destructrices. Selon Carfax, seul un autre totem peut absorber l'essence d'un autre. Et sachant qu'il y en existait un pour chaque Clan...

- Nous voilà donc impliquées dans un conflit entre deux tribus, soupira la femme à queue de singe, qui reconnaissait bien malgré elle avoir contracté une dette envers la tribu H'wanu.

Mais à entendre Carfax, Carol et elle n'avaient fait que précipiter les choses : les deux tribus avaient déjà combattu par le passé.
De quoi sensiblement alléger le sentiment de culpabilité de Gine.

- Je pense avoir tout assimilé. Merci, Carfax, pour tout ce que tu viens de m'apprendre. Et à toi aussi, Carol, pour les compléments d'information. (Toujours ce petit sourire timide.) Je ne me battrai pas sans vous, les filles ! Si nous voulons protéger cette tribu, il va falloir que nous y mettions toutes du nôtre, d'accord ?

Elle tendit le poing dans l'espoir que ses alliées fassent de même. Un geste de camaraderie guerrière. Une belle marque de confiance entre amies !

- Maintenant, si vous le permettez, je vais aller me rhabiller.

Il avait beau faire chaud Gine, ainsi exposée, ne se sentait pas très à l'aise...

- En attendant, je vous laisse réfléchir à la meilleure stratégie à adopter, leur confia la Saïyajin tout en se détournant. Je promets de vous rejoindre au plus vite !

Pas question de reculer.

Tandis que Gine se changeait, Carol continua à se renseigner. Elle s’envola dans les airs, et constata que Zerrikania était… Étrange. Elle repensait vaguement à cette scène du Hobbit, quand Bilbon et les nains étaient emprisonnés dans une forêt maudite. La forêt était animée d’une conscience malsaine qui les faisait tourner en rond, et qui semblait bien plus grande que ce qu’on en pensait. Il n’y avait pas de satellite à Terra, mais Carol avait utilisé des drones pour survoler Zerrikania. Elle n’avait pas souvenir d’avoir vu ce village ou d’autres. Il y avait vraiment quelque chose de bizarre ici dans cette jungle, quelque chose qui lui rappelait les écrits de Lovecraft, avec cette ambiance réaliste et étrange. Carol continua à tourner autour du village. Il était monté au sommet d’une colline surplombant un marais infâme. De grands ponts en bois faits de cordes permettaient d’aller au-dessus du marais pour rejoindre une falaise. Des barques et des radeaux permettaient également de passer au-dessus du marais. On lui avait dit que ces marais étaient maudits, et qu’il ne fallait pas plonger dans cette eau vaseuse et sinistre. Encore une fois, Tolkien lui revint en tête, avec ce marais maudit que Frodon et Sam devaient traverser, un marais jonché de cadavres, et où Frodon, manipulé par l’Anneau, plongeait dedans, et manquait mourir.

Derrière le village où ils étaient, il y avait d’autres constructions. Elle comprit assez rapidement que la partie surélevée du village était un poste de défense, les soldats pouvant surveiller les environs depuis leurs miradors. Carol se rendit ainsi au vrai village, qui se trouvait à flanc d’une paroi. Elle se posa sur le sol, et sa présence attira rapidement la curiosité. Carol constata vite que ses cheveux intriguaient beaucoup les Zerrikaniens. Elle leur offrit plusieurs mèches, pour se faire bien voir.

*Il n’y a pas beaucoup de blonds par ici, je pense…*

Les Zerrikaniens avaient la peau basanée, portant de nombreux tatouages. Carol constata que le village était entouré de glyphes de protections et de sceaux installés sur des arbres ou sur des rochers. Ceci expliquait sans doute pourquoi les monstres de la jungle ne les attaquaient pas. Enfin, au bout du village, contre la paroi, il y avait une grotte qui s’enfonçait dans les profondeurs. Quand Carol s’en approcha, elle vit des peintures rupestres le long des murs, ainsi qu’une épaisse porte en bois barricadée. Les Zerrikaniens qui se trouvaient là lui parlèrent dans leur idiome local. Carol ne comprit pas ce qu’ils disaient, mais leurs gestes et leur ton étaient éloquents : il ne fallait pas s’approcher de cette porte.

Carol retrouva ensuite la place du village, avec un long totem représentant de sinistres figures grimaçantes. Malgré le calme apparent, il régnait une certaine tension dans le village. Les hommes et les femmes se préparaient, la guerre était imminente. Carol, elle, continuait à réfléchir.

*Shantak était de toute évidence l’un des Gardiens surveillant l’accès au cœur de Zerrikania… L’Alraune Noir que Ivy piste est-elle un autre de ces gardiens ?*

Plongée dans ses réflexions, elle s’envola encore, en se disant que ce serait sans doute le meilleur moyen pour que Gine la retrouve…

Gine dut se coltiner le chemin inverse jusqu'à la tente. Elle voulait faire vite, si bien que dans sa hâte elle se... perdit, oui. Les huttes avaient tendance à se ressembler. La femme à queue de singe ne brillait décidément pas par son sens de l'observation ; les nuances qui existaient entre chaque maison lui échappaient complètement. Elle dut donc demander son chemin et faire face au barrage de la langue. Ce qui la poussa à remuer les mains dans le maigre espoir d'arriver à se faire comprendre.
Trop compliqué.
Heureusement qu'elle se souvenait du nom de T’lailah !
Ce fut comme prononcer une formula magique : les autochtones à qui elle avait demandé des renseignements eurent alors tôt fait de lui indiquer la bonne hutte.
Gine, tu assures~
Il lui en fallait peu pour se réjouir...
Heureuse comme un poisson dans l'eau, la femme à queue de singe déboula dans les appartements de T’lailah. Celle-ci avait anticipé la raison de son retour : Gine put, en échange de son équipement, lui restituer sa couverture bigarrée. Elle la remercia du fond du cœur avant d'enfiler sa tenue et de prendre congé, direction...

- Ah, zut !

C'était par où, déjà ?
Gine, fronçant les sourcils, secoua négativement la tête.
Il te reste encore beaucoup de progrès à faire, ma pauvre...
Alors elle se souvint de quelque chose. D'une sensation éprouvée face au Shantak, en l'occurrence. De cette aura sinistre qu'elle avait captée à l'intérieur de son repaire.
En me concentrant, je devrais pouvoir localiser celle de Carol !
Ne lui était-elle pas devenue familière, à force de fréquentation ?
Avec cette idée en tête, la Saïyajin ferma les yeux et se mit à sonder les environs.
Au départ, elle ne perçut rien du tout. Puis, petit à petit, ce fut comme si plein d'étoiles s'étaient mis à briller un peu partout autour d'elle. Gine les étudia une à une. Elles se ressemblaient, plus ou moins. Les différences étaient minimes. Des forces qui se valaient, qui se situaient dans la même tranche de pouvoir. C'est alors qu'elle en remarqua une autre qui était en train de s'éloigner du lot. Cette "étoile" là avait vraisemblablement emprunté la voie des airs. Et son éclat était bien plus intense que celui des autres, accrochées pour la plupart au plancher des vaches.

- Je suis sûre que c'est elle ! s'exclama-t-elle, surprenant des autochtones qui passaient par là. Euh... je... euh... désolée !

Embarrassée, elle s'envola rapidement rejoindre son amie.
Il s'agissait bel et bien de Carol.
Oh, oui ! Ça, c'est du progrès~
C'est le sourire aux lèvres que la Saïyajin, toute pimpante, se présenta devant la super-héroïne.

- Me revoilà ! Mes excuses pour y avoir passé autant de temps. Je me suis...

Devait-elle vraiment le lui dire ?
Bouh... la honte. Encore une fois, oui.

- Je me suis perdue en chemin, voilà tout ! C'est ma faute : je n'ai pas été très attentive la première fois.

Elle écarta son explication d'un geste.

- Alors ? Quoi de neuf ? Les autres t'ont donné de nouvelles instructions ?

Avec son armure sur le dos, Gine avait l'air de se sentir beaucoup mieux !
Elle était de nouveau prête à passer à l'action~

Des questions à la tête, Carol en avait assurément beaucoup. Que se passait-il donc ici ? Cette jungle maudite était assez effrayante. Mine de rien, Carol ne pouvait s’empêcher de penser à Lovecraft en voyant cette jungle profonde. Lovecraft et les peurs ancestrales, la peur de l’océan, du Grand Nord, de ces endroits sauvages où la nature avait conservé ses droits, et abritait des créatures terribles, êtres innommables dont la simple évocation suffisait à vous terrifier.

*Un peu de cran, Carol ! se sermonna-t-elle. Tu as vaincu le Shantak, tu découvres qu’il y a des tribus alliées et hostiles à Zerrikania… Tout s’arrange, non ?*

Carol se déplaçait donc, et se dit que, finalement, Zerrikania ressemblait un peu à la Terre Sauvage. Cependant, elle avait toujours cette curieuse impression que la jungle était plus profonde et plus dense que ce qu’on croyait… Comme si, au fur et à mesure qu’on s’y enfonçait, la jungle s’étirait, révélant ses secrets les plus intimes et les plus affreux.

Tandis qu’elle voletait, elle entendit un bruit, et vit Gien foncer vers elle. La Saïyan avait retrouvé son armure, et son visage irradiait de bonheur. Carol commença par la saluer en la serrant dans ses bras. Un câlin doux et affectueux, puis elle lui sourit ensuite.

« Je suis heureuse de voir que tu vas bien, Gine. »

Elle avait souri en voyant que Gine s’était perdue. À son corps défendant, le village de la tribu H’wanu était plus grand qu’on ne le pensait de prime abord.

« Je n’ai pas encore d’informations de Ivy ou de Black Widow. Mais bon, Ivy doit sûrement être en train de communier avec la flore de Zerrikania… Quant à Black Widow, je suppose qu’elle communique avec la faune… Avec son fusil à lunette. »

Paradoxalement, Carol avait beau être la plus puissante du trio, elle pensait être la moins adaptée pour cette jungle. Ses pouvoirs ne lui permettaient pas de raser la jungle, et Natalia, avec son talent naturel pour l’infiltration, devait surprendre les gros prédateurs de la jungle.

Elle indiqua n’avoir pas obtenu grand-chose. Les deux femmes rejoignirent ensuite le sol. Leur vol avait atterri beaucoup de curieux, à savoir de nombreux enfants, moins craintifs que leurs parents. Carol en câlina plusieurs, et elle vit ces derniers s’émerveiller devant ses cheveux blonds, comme les autres. Elle les interrogea sur la position de T’lailah ou de Carfax, mais ce fut finalement un homme assez âgé, s’aidant d’une canne, qui leur parla :

« Les étrangers sont dangereux par ici. »

Carol le regarda lentement, et déposa une fillette qui glissait ses doigts dans ses cheveux.

« Que voulez-vous dire, Monsieur ?
- Vous créez de l’agitation, toutes les deux… Vous n’êtes pas les premières à venir ici. Suivez-moi. »

Plusieurs enfants entouraient le vieil homme, visiblement ses enfants… Ou petits-enfants. Carol put voir qu’il avait du mal à marcher, et ce n’était pas lié à la vieillesse. L’homme marcha vers les grottes, et Carol et Gine le suivirent. Instinctivement, Carol attrapa la main de Gine, la serrant dans le creux de la sienne.

Il les guida jusqu’à une sorte de pièce creusée le long d’une galerie souterraine. Il y avait beaucoup d’alcôves ici, avec des statuettes, des objets commémoratifs… Celle où les mena leur guide était un peu différente. Il y avait une carte, un journal rapiécé en cuir, et des tenues usées.

« Je m’appelle M’wenga, expliqua l’homme. Les H’wanu se sont toujours ouverts au commerce avec les étrangers. Des expéditions dans la jungle, il y en a, mais les étrangers ne s’aventurent jamais dans la Grande Jungle. Mais lui l’a fait… J’ai été son guide, son… Son sherpa, comme il disait.
- De qui parlez-vous, vénérable ancien ? »

Carol ignorait si ce titre était correct, mais, faute d’indications…

Une moue barra le visage de M’wenga, avant qu’il ne réponde :

« Mandus… Oswald Mandus. »

Aucune nouvelle de la part de leurs alliées ? Carol Danvers se montrait optimiste ; après tout, elle connaissait mieux Poison Ivy et Black Widow que Gine.

- Oui ! Elles doivent être bien occupées.

La Saïyajin avait prononcé ces mots sans arrière-pensée. Ivy avait sans doute fort à faire avec l'analyse de la faune tandis que sa compagne occupait très probablement le rôle d'éclaireuse. Gine se souvenait très des circonstances de leur rencontre. Aussi clairement que les épisodes suivants, oui !
En descendant, elles retrouvèrent le village et ses habitants. Ceux-là avaient-il rapetissé ? Non : il s'agissait ni plus ni moins des enfants des autochtones qui s'étaient agglutinés autour des héroïnes. Attendrie par toute cette marmaille, Gine, qui n'était pourtant pas mère, succomba à son instinct maternel en en serrant plusieurs entre ses bras. Si elle faisait de jeunes heureux, l'inverse n'était pas moins vrai. Toutes ces bonnes attentions la changeaient radicalement de son nouveau quotidien, basé sur la survie et les combats à mort.
C'est alors qu'un ancien apparut, aimantant par ses mots l'attention des deux étrangères à son peuple.

- Dangereux ? (Gine avait l'air soucieuse.) Nous ne voulons surtout pas déranger...

Avait-il une dent contre les étrangers ? Quoi qu'il en fût, il était lui aussi entouré d'enfants et leur avait demandé de les suivre. Carol fut la première à lui obéir. Gine ne mit guère longtemps à l'imiter, sa main se retrouvant tout aussi rapidement dans celle de la super-héroïne en qui elle avait le plus confiance.

- Des grottes, constata la femme à queue de singe en réprimant un frisson. Je n'aime plus beaucoup ce genre d'endroits...

Mais ces galeries étaient différentes. Eclairées, aménagées, et surtout sans aucun Shantak qui en avait fait son antre ! Statuettes et objets de culte accrochaient le regard curieux de la Saïyajin. Carol la guidait là où l'ancien faisait de même avec elle. Sous cette voûte rocheuse, Gine ressemblait presque à une gamine qui découvrait l'exotisme d'un monde à part.
Après les avoir amenées auprès d'une carte, d'un vieux bouquin et de loques vieillottes, l'ancien se présenta sous le nom de M'wenga, de la tribu des H'wanu, un peuple qu'il disait ouvert au commerce avec les étrangers.
Mais alors pourquoi sont-ils dangereux, à ses yeux ?
Il y en avait notamment un qui avait marqué son esprit. Un étranger qui le considérait comme son guide - son sherpa.
Carol l'interrogeait sur le sens de ces paroles. Il prononça alors un nom : Mandus Oswald.

- Est-ce le nom de cet aventurier ?

Elle regarda le journal et les vêtements usés.

- Vous l'avez aidé à se diriger dans la Grande Jungle que tout le monde prend soin d'éviter, récapitula-t-elle. Dans quel but ? Que cherchiez-vous qui ne puisse pas vous nuire ?

Parce qu'en Zerrikania, Gine s'était très vite rendu compte que la moindre plante avait le pouvoir de neutraliser les intrus. Sans les spores de Poison Ivy, la Saïyajin serait probablement déjà six pieds sous terre, ou en train d'agonir dans un buisson qui se nourrirait petit à petit de ses chairs.

M’wenga était plongé dans ses souvenirs. Il ne répondit pas directement à la question de Gine. Ce nom n’était pas inconnu à Carol, qui était en train de réfléchir à sa provenance.

« Oswald Mandus était un riche Luméen, qui a eu deux enfants, Ewin et Enoch, des jumeaux. L’accouchement a été… Terrible. La mère des enfants, Lily, est morte en leur donnant la vie. »

Carol écarquilla alors les yeux, tandis que les souvenirs revenaient. Dans le briefing, il était fait état de Mandus, et d’une sinistre tragédie survenue à Lumen.

« Ses affaires n’ont pas marché aussi bien qu’il le voulait. Mandus était très endetté, et peinait à rembourser ses dettes, les banques refusant de le suivre. Il a multiplié les recherches familiales. Les Mandus tiennent leur fortune de l’un des parents d’Oswald, qui avait fait fortune en multipliant les expéditions archéologiques et la vente d’artefacts magiques. Sans doute pensait-il trouver les traces d’un quelconque trésor indigène dans les notes de son grand-oncle… Il a trouvé l’obsession de ce dernier, le Temple de la Gemme-Lune. Les notes de son aïeul menaient directement à Zerrikania, et à la Cité Maudite. »

M’wenga était alors à cette époque un explorateur intrépide, un guide qui aimait l’exotisme et qui rêvait de s’extirper comme d’autres de ses congénères de la jungle. Il menait donc des expéditions dans la jungle pour certains touristes riches. La jungle n’était à cette époque pas aussi dangereuse qu’elle l’était actuellement.

« Oswald était venu avec ses jumeaux. Il voulait aller plus loin que tous les autres, dans les anciens temples situés au cœur de la jungle, un endroit où nous ne devons pas aller... La Cité Maudite. Mais l’or promis par Mandus, et ma soif du danger, m’ont voilé l’esprit. J’ai accepté de les y guider. »

Carol se dit que l’homme devait faire référence à ces structures qu’elle n’avait pas réussi à atteindre. C’était pour ça qu’elle avait défié le Shantak, car il était l’un des gardiens de la Cité Maudite. Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que cette cité devait être l’ancienne capitale du peuple zerrikanien, avant qu’il n’éclate entre diverses tribus. Carol repensa à ces théories d’archéologue sur les tribus amazones, où certains soutenaient que, à la base, ces tribus découlaient d’un même peuple, avant d’être divisés et séparés suite à des évènements inconnus.

M’wenga regarda brièvement Gine. Ce qu’il cherchait, il venait de le dire, de l’or, et peut-être la croyance que les anciennes superstitions étaient infondées. L’arrogance de la jeunesse, aurait-on pu dire. M’wenga connaissait des chemins discrets permettant de rejoindre la Cité Maudite en passant par des grottes. La Cité était entourée par un épais cour d’eau, mais des grottes permettaient de passer sous l’eau, et de remonter à l’intérieur. Carol vit le regard de M’wenga se voiler à l’évocation de ces souvenirs.

« Nous avons trouvé le temple… Et la Gemme-Lune qui s’y trouve. Mes parents, et les parents de mes parents, et leurs parents encore avant eux, disaient que ces temples avaient été marqués par une malédiction sinistre. Oswald a touché l’orbe… J’ignore ce qu’il y a vu, mais je me souviens encore de ses hurlements de dément. Il y eut une explosion de lumière, assourdissante. Quand je repris mes esprits, je pus voir que Mandus avait… Changé. Son regard était devenu noir, empli de rage, et ses vêtements étaient couverts de sang. Il se tenait sur l’escalier menant à la salle de la Gemme-Lune, les cadavres agonisants de ses enfants à ses pieds. Il avait pris la Gemme-Lune, et il emmena ses enfants avec lui. J’ai tenté de le stopper. Nous nous affrontâmes, et il me jeta dans le vide. J’ai atterri dans une nappe phréatique, mais j’ai conservé les stigmates de ce duel et de ma honte… »

Soulevant le pan de son manteau, M’wenga leur montra sa jambe. Carol grimaça légèrement en constatant qu’elle tenait par des attelles. Il avait été mutilé à vie, ses os brisés à cet emplacement.

« Avec le départ de Mandus, et ce qu’il a trafiqué pendant que j’étais inconscient, la Cité s’est refermée, et les monstres ont proliféré davantage, tandis que les gardiens de la forêt se sont détournés de nous. Depuis ce jour, la jungle est encore plus hostile qu’elle ne l’est. »

M’wenga grommela lentement.

« Les expéditions de touristes se sont amenuisées, et les étrangers restent désormais à l’orée de la jungle, n’osant plus s’aventurer dans la Grande Jungle. J’ignore ce que vous êtes venues faire ici, mais je tenais à vous raconter mon histoire pour que vous compreniez qu’il n’y a rien à faire. Tentez de rejoindre la Cité Maudite, et vous n’en reviendrez jamais. »

L'appât du gain ainsi que le goût de l'aventure avaient à la fois aveuglé et fait sombrer les archéologues et leur guide. Oswald Mandus, devenu fou au contact de la légendaire Gemme-Lune, avait tué ses deux enfants venus l'accompagner et poussé M'wenga dans une fosse. Ce dernier avait eu de la chance dans son malheur. Si sa jambe n'était plus en état de le déplacer correctement, il n'en demeurait pas moins encore vivant, contrairement aux jumeaux Ewin et Enoch.
Gine eut tout de même du mal à supporter la vision de ce membre abîmé que leur avait exhibé le conteur.
Même si c'est une chance qu'il ne soit pas mort, personne ne mérite d'endurer pareil supplice.
La Saïyajin s'imaginait mal continuer à vivre avec un tel fardeau accroché au corps. Son mental ne le lui permettrait sans doute pas. Celui de l'indigène était solide. Meurtri, assurément, mais fort - encore entier.
Elle déglutit aussi discrètement que possible, ses yeux noirs tendant à se lever sur le visage de Carol.
Que gagnerions-nous à pénétrer dans cette Cité Maudite ? La paix dans la jungle ? Sommes-nous à la hauteur de cette tâche folle ? L'une d'entre nous ne risque-t-elle pas de... mourir, ou pire encore : de perdre la tête et de s'en prendre à ses alliées ?
Comme elle l'avait fait en affrontant la super-héroïne. Si Carol n'avait pas été aussi forte et entreprenante, elles auraient toutes les deux été dévorées par le Shantak qui, plus tard, une fois sa régénération terminée, aurait commis de nouvelles atrocités.
Il en existe d'autres, des monstres de ce calibre.
Leur périple était loin d'être terminé. Aussi, même si Gine n'était pas du tout rassurée par le récit de M'wenga, elle ne voyait pas d'autre avenir que de celui dans lequel elle prêtait main forte à ses nouvelles alliées.
Elle baissa humblement la tête.

- Vous savez... je n'ai pas la prétention de m'imaginer capable de briser la malédiction qui pèse sur la région entière. Seule, j'aurais sans doute déjà renoncé à ce projet suicidaire et tourné les talons en quête d'un endroit paisible où écouler le restant de mes jours.

Elle leva le nez, observant son interlocuteur puis Carol, sur qui elle s'attarda un peu plus longtemps avant de lui délivrer un sourire.

- Mais j'ai rencontré des personnes exceptionnelles. Des combattantes prodigieuses, oui ! Des modèles de bravoure que je ne laisserais tomber pour rien au monde. Quelques soient les horreurs auxquelles elles font face, les membres de cette fine équipe ne reculent pas devant l'adversité ; elles se serrent les coudes, même à distance, et n'abandonnent jamais personne. Ce sont des images de droiture comme on en voit rarement.

L'air déterminée, Gine hocha la tête. Sa décision était prise !

- Pamela, Natasha et Carol - ici présente - méritent que l'on retienne leurs noms. Elles incarnent mes modèles. Alors si je dois rejoindre la Cité Maudite en leur compagnie, j'irai sans hésiter ! Nous péririons ensemble, ou bien nous l'emporterons main dans la main.

Nouveau regard à l'adresse de Carol.

- Je ne m'en prendrai plus jamais à toi comme je l'ai fait dans le repaire du Shantak, promit-elle avant de lui refermer les bras dessus. Je suis désolée de t'avoir causé du tort.

Elle avait envie de pleurer contre son épaule mais, en même temps, se l'interdisait. Gine voulait devenir forte, et cela commençait par un travail sur soi-même. En étant forte à l'intérieur, nul ne pourrait plus jamais exploiter sa puissance à leur encontre.

Carol sourit brièvement devant les compliments de Gine. Celle-ci promit de ne plus jamais se laisser manipuler. Un compliment sincère, mais un peu faussé. Carol n’était pas une héroïne de premier plan. Elle avait même été limogée des Avengers après avoir été surprise en mission en étant ivre, et avoir failli commettre des catastrophes. Elle suivait une thérapie pour cela, et vivait en elle un manque de confiance lié aux drames qu’elle avait vécu au cours de sa vie.

« C’est gentil, Gine, mais je ne pense pas être un modèle… De plus, nous ne sommes pas venues ici pour résoudre tous les maux de Terra. Nous avons été appelées par les Dieux olympiens, car ils ont perçu une force sinistre ici… Enfin, je pense qu’il y a toujours eu une force sinistre, mais plus forte que d’habitude. Est-ce que cela vous dit quelque chose ? »

Le vieux guide se borna à hausser les épaules.

« J’ai dit ce que j’avais à dire, veuillez me laisser me reposer, maintenant. »

Carol fut un peu surprise. M’wenga semblait bien lunatique. Pour autant, elle n’insista pas, et sortit donc. Avec Gine, elles sortirent de la galerie pour rejoindre le village. Où aller, maintenant ? Carol décida de retrouver Carfax. Plutôt que de voler, elle choisit de marcher à pied, se mélangeant à la population. La plupart des gens parlaient leur idiome local.

En prononçant le nom de Carfax, le duo finit par rejoindre le cœur du village, une hutte plus grande que les autres. Le chef du clan était là, H’tombe, discutant avec Carfax et d’autres officiels. Quand Carol et Gine se rapprochèrent, ils se turent, puis les observèrent silencieusement.

« La femme aux cheveux d’or et celle à la queue-de-singe… Les guerrières qui ont triomphé du Shantak. Vous êtes plus appréciées que moi, qui suis le chef de ce village… »

Carol resta silencieuse pendant quelques instants. Elle ne savait jamais trop sur quel pied danser avec les chefs politiques.

« Je crains de devoir à nouveau solliciter votre aide, Mesdames. Nos éclaireurs vous ont déjà aperçu en train de voler… De combattre les animaux de la forêt. Les Z’bambe ont dû être informés de la mort de leur Avatar, ils vont venir attaquer. »

H’tombe se leva, et pointa du doigt une colline très élevée.

« Quand la fumée s’élèvera du point de guet, c’est que les Z’bambe nous attaqueront. Mes sujets sont convaincus que vous êtes les émissaires du Dieu-Dragon, je sollicite votre assistance pour repousser nos ennemis. »

La modestie de la super-héroïne ajoutait à son crédit. Malgré ses pouvoirs avancés, elle gardait les pieds sur terre et ne se disait pas digne des éloges de la Saïyajin. Pourtant, elle était venue ici, sur cette planète, pour remplir une mission extraordinairement dangereuse confiée par des divinités olympiennes.
Je n'insisterai pas pour la convaincre de son importance. Toujours est-il que cela ne change strictement rien à mon avis la concernant.
M'wenga, qui en avait vraisemblablement eu assez de se projeter dans le passé, leur demanda de prendre congé.
La femme à queue de singe, contrairement à son amie, n'éprouva aucune surprise quant à son attitude. Un passé douloureux était éprouvant à remuer. Surtout aux oreilles de presque étrangères à son peuple. Gine comprenait cela. Le pauvre homme avait perdu la moitié de sa mobilité à cause d'une expédition dans les ruines maudites. Il eût été cruel de l'inciter à en raconter davantage.
Inutile d'élargir ses plaies. Il les a déjà bien assez ouvertes pour nous.
Avant de partir en compagnie de Carol, Gine le salua d'une respectueuse inclinaison du buste.

Dehors, elles s'en allèrent à pied retrouver Carfax. La concernée s'avérait être en plein milieu d'une discussion avec des personnages importants du village. Un homme d'âge mûr, chauve et au visage peinturluré faisait partie de ceux-là. H'tombe, le chef de clan en personne. Un silence presque inconfortable s'était installé à leur approche. L'esprit de Gine, un peu comme celui d'une gamine, s'était attendu à des réprimandes. Un réflexe de son ancienne vie de "faiblarde tout juste bonne pour la cuisine". La guerrière de l'espace dut faire un effort pour ne pas tasser les épaules ou se recroqueviller sur elle-même. Encore une fois, l'exemple de Carol, toute proche, l'aida à rester droite - quoiqu'un peu raide.
De la bouche du chef de village, Gine fut sincèrement surprise d'apprendre qu'elles étaient plus appréciées que lui auprès des membres du village.

- Ah bon ?

Elle regarda naïvement sa compagne, qui s'était gardé de s'exprimer.

- C-ce n'était pas vraiment prévu, se hâta-t-elle d'ajouter en désespoir de cause.

H'tombe ne leur en voulait pas. A vrai dire, c'était tout le contraire : il réclamait leur aide contre leur tribu rivale, les Z'bambe.
Gine eut vite faite de ce souvenir que la duplicité de ce peuple les concernait tout autant qu'eux. Elles avaient éliminé leur Avatar, la figure principale de leur culte, et ses fidèles au jugement obscurci en avaient maintenant après le totem des H’wanu.
Comme le chef pointait du doigt une colline où le signal d'une attaque ne devrait pas tarder à s'élever sous la forme d'une colonne de fumée, la Saïyajin, considérée comme une des deux émissaire du Dieu-Dragon projeta son regard tout là-haut. L'air déterminée, elle avait froncé les sourcils.

- Nous vous aiderons, décida-t-elle de but en blanc.

Ces gens les avaient bien traitées. Même si, avant cela, il s'étaient permis de les endormir à coups de projectiles empoisonnés. Gine avait d'ailleurs eu droit à une double dose qui l'avait fait dormir comme une masse et se réveiller un bon bout de temps après Carol. La Saïyajin ne leur en voulait pas, parce qu'elle savait qu'ils avaient fait ça pour leur bien. Et puis, la femme à queue de singe n'était pas revancharde.

- Nous vous soutiendrons, insista-t-elle en attrapant la main de Carol pour se donner davantage de courage, en repoussant vos assaillants jusqu'à leurs huttes. Ensuite, ce sera à vous et à vos conseillers d'engager des pourparlers. Si notre position nous oblige à nous battre au nom de votre peuple, la vôtre vous impose d'essayer de rétablir la vérité et la paix qui se cache derrière les blessés.

Les Z'bambe vivaient sous le joug de leurs croyances, mais ce peuple comptait sans doute des femmes et des enfants qui ne désiraient que s'épanouir en ce monde tortueux. Gine refusait de commettre un génocide pour un clan au détriment de l'autre. Sous l'attrait d'une farouche résolution, son poing libre demeurait aussi compact qu'un petit roc.

Les aider à combattre les Z’bambe, c’était une chose, mais les amener à faire la paix, voilà qui était hors de ses compétences ! Carol ne revint pas sur la suggestion de Gine, mais elle doutait qu’elles parviennent à faire changer leurs mentalités. Les Zerrikaniens tenaient à leur culture, une culture ancestrale et profondément ancrée en eux. Carol ne pensait pas pouvoir changer ça, mais, si elles parvenaient à pacifier un peu les choses à Zerrikania en triomphant des menaces qui la peuplaient, ce serait déjà ça.

H’tombe eut une petite moue sur le visage, puis hocha la tête.

« La paix ne s’obtient que par la force à Zerrikania. Nous apprécions votre aide. »

Carol acquiesça à son tour. Le village était sur le pied de guerre, mais Carol n’avait aucune idée de la date à laquelle les ennemis attaqueraient. Inutile d’aller dans les airs, elle ne verrait rien au sol, mais ferait de plus une cible facile. Quand elle et Gine sortirent de la tente, Carol réalisa qu’elles se tenaient encore par la main, et, après quelques hésitations, elle conserva la main de Gine dans le creux de la sienne.

Une fois dehors, elles ne tardèrent pas à être rejointes par Carfax, qui leur proposa de venir patrouiller avec elle.

« Je vais aller surveiller plusieurs zones pour voir si les Z’bambe se rapprochent.
- On te suit, Carfax. »

Le trio sortit du village en descendant un sentier qui menait vers les marias vaseux qui se trouvaient en contrebas. Il y avait des ponts en bois, et des barges, ainsi que des radeaux.

« Les Z’bambe peuvent utiliser des bateaux pour attaquer par là, expliqua Carfax. Ne tombez pas dans l’eau de ce marais, elle est toxique, et mouvante.
- Il y a des animaux dedans ?
- Certains gros dinosaures aquatiques peuvent se retrouver dans le marais, leurs écailles résistent à la concentration de poison dans les marais. Nous, nous allons remonter sur cette barge pour vérifier les avant-postes. »

Carfax désigna une barge sur laquelle plusieurs guerriers se trouvaient déjà.

« Nous pouvons voler au-dessus, vous savez… Comme tu le sens, Gine. »

Carol privilégiait la prudence, cette eau marécageuse l’inspirait fort peu !

La réponse du chef de clan laissa Gine sur sa faim. Les règles en Zerrikania lui évoquaient tristement celles de son monde dans le sens où personne ne pouvait vivre normalement sans avoir, un jour, à se battre.
Les bannières de la paix devaient-elles automatiquement être plantées sur les corps des victimes d'une guerre insensée ?
Les derniers mots de H’tombe n'annonçaient rien de bon.
Serai-je en mesure de retenir mes coups le moment venu ?
Elle était une Saïyajin, certes, mais son niveau de puissance n'avait rien de transcendant au sein de son peuple. Et la situation ne devait pas avoir beaucoup évolué depuis sa chute en Zerrikania, à travers ce portail impossible. Gine ne s'était pas entrainée comme une folle et, qui plus est, avait passé plusieurs années de sa vie dans les cuisines.
Plusieurs années gâchées comme l'auraient sans doute craché ses semblables...
Je ne devrais plus avoir à me soucier de leur mode de pensée. Combien de temps encore cela va-t-il me torturer l'esprit ?
En prenant congé, Gine et Carol retrouvèrent Carfax qui les invita à se joindre à sa patrouille. Sans daigner retirer sa main de la sienne, la première laissa la seconde décider pour elles sans rien ajouter. Elle était si préoccupée par les évènements que l'odeur des marais, à la sortie du village, ne la fit même pas froncer les narines. Pourtant, son odorat fonctionnait mieux encore que celui de l'espèce humaine.
Ses yeux noirs effleurèrent le pont et les embarcations auxquelles elles étaient attachées.
Carfax expliqua au duo que l'eau du marais était toxique et mouvante. Deux mots qui ramenèrent aussitôt la femme à queue de singe plusieurs épisodes en arrière. Depuis qu'elle avait posé pied sur ces terres, Gine avait expérimenté diverses sortes d'empoisonnements. D'abord par l'intermédiaire d'un fruit qu'un primate lui avait balancé en pleine tête. Puis à travers un accouplement avec Poison Ivy et Natalia, en vue de la protéger de l'influence néfaste de la flore zérrikanienne. Ensuite, face au Shantak : ce dernier ayant usé d'un gaz diabolique afin de la désorienter au point qu'elle confonde alliés et ennemis. Et pour finir, le coup des fléchettes tranquillisantes du peuple H’wanu - double dose pour sa pomme.
Si cela continuait ainsi, la Saïyajin allait finir par en développer un traumatisme.
Elle fit la grimace en regardant la barge que leur avait indiqué Carfax.

- Une eau malsaine fréquentée par de gros reptiles qui ne nous veulent pas du bien, résuma-t-elle, manifestement peu enchantée par cette combinaison mortelle.

Elle secoua la tête en coulant un regard d'assentiment à l'attention de Carol.

- Ces derniers jours, j'ai largement eu ma dose de poisons. Nous volerons dans leur sillage si toutefois la frondaison des arbres nous le permet ?

Bonne question ! Lorsqu'elles avaient engagé un combat aérien avec le Shantak, ceux de la jungle ne s'étaient pas montré très aimables avec les créatures volantes. La dernière chose que souhaitait Gine, c'était bien de se faire happer par une branche griffue avant de boire la tasse jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Carfax mit donc en mouvement la barge, tandis que Carol et Gine s’élevèrent, et suivirent la barge. Elle rejoignit une rivière qui s’éloignait du marais, filant dans une sorte de long canyon. La rivière était entourée de montagnes et de remparts rupestres. Elles voletaient au-dessus de la barge, suffisamment proches pour que Carfax puisse leur parler. Elle leur expliqua que ces remparts délimitaient les frontières du clan H’wanu. Tout était pour l’heure calme. Carol sentait Gine pensive, comme si elle réfléchissait à tout ce qui leur était arrivé. Carol pouvait la comprendre. Elles avaient affronté un monstre redoutable, le Shantak, une créature infernale qui, outre sa puissance physique, avait aussi des pouvoirs mentaux. Il s’était infiltré dans leurs cerveaux, les avait retournés contre elles, tout en leur faisant vivre leurs pires peurs, leurs traumatismes… Et, pour ne rien arranger, il y avait eu les explications du vieux guide, les secrets qui se terraient au plus profond de Zerrikania, Oswald Mandus… Oui, elles n’avaient pas eu le temps de chômer !

Voletant donc, Carol se rapprocha un peu de Gine, pour pouvoir converser avec elle.

« On a pas vraiment eu l’occasion de discuter depuis le combat contre le Shantak, Gine… C’était pas un combat uniquement physique, cette saloperie est aussi rentrée dans nos têtes. Enfin, dans la mienne, en tout cas… »

Elle attendit un peu, mais la manière dont Gine réagit lui confirma qu’elle avait visé juste. Elle y pensait, elle aussi. Carol n’avait jamais été une grande psychologue. À vrai dire, vu tous les traumatismes qu’elle avait vécu, c’était plutôt à elle d’en avoir besoin d’une ! On faisait néanmoins avec ce qu’on avait, et Carol avait le sentiment, fondé ou non, que Gine l’appréciait. Du peu qu’elle savait des Saïyen, ils appréciaient la force, et Carol avait su démontrer qu’elle était une femme puissante.

« Je ne sais pas ce que tu as vu dans cette grotte, ce que le Shantak t’a montré, mais… Sache que je suis très heureuse de t’avoir en ma compagnie, Gine. Pour une fois, le hasard a bien fait les choses, car tu es une partenaire valeureuse et forte… »

Carol rajouta ensuite avec un léger sourire :

« …Et une très bonne amante aussi… »

La barge glissait tranquillement le long de la rivière. Carol Danvers et Gine suivaient le mouvement depuis les airs. Il n'y avait pas de danger alentour. Ni sous l'eau ni parmi la rocaille. La végétation, elle, n'avait pas l'air suffisamment dense pour dissimuler efficacement d'éventuels assaillants. Situation favorable à la discussion qu'entonnait la flamboyante guerrière auprès de la douce Saïyajin.
Passablement gênée par l'analyse tout à fait exacte de sa compagne, cette dernière avait opiné de la tête.
Dans le mille ! Ç'aurait quand même étonnant qu'elle ne s'en soit pas aperçue alors que je m'étais jetée sur elle à corps perdu...
Sans la toxine du Shantak, la scène - la vraie, cette fois-ci ! - lui revenait plus clairement en tête. Gine n'avait qu'à fermer les yeux pour se revoir face à la super-héroïne. Devant son élan de sauvagerie, son embarras et sa culpabilité ne firent que croître. Elle ne tarda pas à secouer la tête, à rouvrir les yeux et SURTOUT à détourner son regard de la puissante guerrière qui avait fini par la tenir en respect.

- J-je t'ai confondue avec l'un des miens ! s'empressa-t-elle de dire. Puis j'ai réagi sous le coup de la peur... je suis vraiment désolée.

Pourtant, Carol Danvers ne la rejetait pas. La femme à queue de singe avait commis une bévue si grosse qu'elle avait failli provoquer leur propre destruction mais Carol Danvers, elle, ne lui en voulait pas d'avoir été manipulée comme une vulgaire marionnette !
Son incomparable bonté lui fit presque monter les larmes aux yeux.
Gine manqua même se les frotter alors qu'ils n'étaient pas encore humides.

- Valeureuse et forte... c'est comme ça que tu me vois ?

Mais il y avait aussi autre chose. Une certaine attirance que la blonde fantastique semblait éprouver à son égard. Il ne pouvait en être autrement étant donné que Carol Danvers l'avait qualifiée de "très bonne amante".
Ça, pour une nouvelle, c'en était une !
Plutôt que les larmes, ce fut le rouge qui s'installa à hauteur de ses pommettes.

- Hein ?! M-m-mais nous n'avons pas... Ah !

Il y avait d'abord eu les baisers en plein combat. Audacieux pour les deux, il faut le dire ! Puis l'attouchement précipité entre ses cuisses chaudes.
Alors que ce souvenir délicat lui colonisait l'esprit, on ne fut pas loin de voir une colonne de fumée jaillir de sa chevelure hirsute.
Je m'étais fait dessus !
C'était sensiblement différent : sous les assauts ciblés de sa compagne d'aventure, elle avait joui comme une pucelle.
Lui tournant le dos, Gine se cacha le visage entre les mains. Victime de sa timidité, elle avait viré cramoisi !
Bizarrement, cela ne l'empêchait pas de voler dans la bonne direction...
Un peu comme si son corps était resté connecté à celui de la splendide combattante.
Argh, non ! Je ne sais plus du tout où me mettre, moi !
Mal à l'aise, la Saïyajin se "dandinait" de façon incontrôlée - et en toute fébrilité.

- Uuurgh ! geignit-elle en se prenant la tête entre les mains. Pourquoi a-t-il fallu que tu me dises ça maintenant, Carol ?!

Si l'eau n'avait pas été toxique, la femme à queue de singe aurait plongé tête la première dans la rivière !
Les lèvres pincées, elle lutta pour ne pas fuir ses yeux bleus.

- Tu m'as prise par surprise ! Mais... c'était... euuh... (Grand bruit de déglutition.) ...Ce n'était pas... comment dire ?... désagréable (Regard hésitant, joues embrasées.) J-je n'ai pas... détesté quand tu m'as... euh... tu vois ce que je veux dire ?

Elle fit la grimace ; plus elle parlait, plus elle avait l'impression de s'enfoncer.

- Aaah, non ! Ça ne va pas du tout ! J'y arrive pas !

L'embarras ayant atteint son point culminant, Gine prit de la hauteur.
Ah, qu'est-ce que Carol n'avait pas fait pour la ramener à la réalité, celle-là !

La vile Carol avait perturbé Gine, qui passa des larmes de joie à la rougeur extrême. Cela ne put que la faire sourire. Ce n’était pas la première fois que Carol croisait les Saïyen, elle avait déjà affronté le Commando Gine quand elles étaient venues éprouver les défenses de la Terre. Elle n’était pas habituée à voir une Saïyen timide, qui se mit à rougir confusément. Carol sourit donc, et vola à côté d’elle.

« Hum ? Tu n’arrives pas à quoi ? Tu voles très bien… »

Il était tentant d’en rajouter une couche, mais Carol était en mission, et elle ne pouvait pas nier que l’ambiance à Zerrikania était pesante. Paradoxalement, c’était aussi cela qui l’amenait à badiner un peu, c’était un bon moyen de se détendre après tout ce qu’elles avaient vécu... Pour Carol, du moins. Elle se rapprocha de Gine, et glissa sa main sur les cheveux de Gine, la caressant doucement, tout en volant sur le flanc.

« Là, détends-toi… Je ne pensais pas au Shantak, tu sais, mais au début, quand tu l’as fait avec Ivy. J’étais là, tu sais… C’est là que tu as vraiment rejoint notre équipe. »

Carol n’était pas sûre qu’évoquer ce souvenir allait permettre à Gine de se détendre, mais cela permettait au moins d’éviter de se remémorer leurs affrontements contre le Shantak, jusqu’à ce combat terrible dans le refuge de ce dernier. Comme pour sortir Gine de son embarras, Carfax leur fit signe qu’elles approchaient de l’un des quais appartenant aux H’wanu. Carol put effectivement voir des constructions en bois, d’autres barges, ainsi que des constructions en bois avec des H’wanu. Les barges devaient servir à convoyer des victuailles le long de cette région. Carfax s’adressa aux gardes, tandis que les deux femmes purent se poser. Le repos allait être de courte durée, car l’un des H’wanu expliqua à Carfax que des tigres à dents-de-sabre avaient attaqué leurs cueilleurs.

« La disparition du Shantak attire des prédateurs… C’est mon rôle de chasser ce type d’animaux, vous voulez me suivre ? » proposa Carfax aux deux femmes.

Fuir en prenant de la hauteur n'était pas une solution et Gine, dans son inconscient, ne l'ignorait pas. Elle n'alla pas bien loin avant que Carol ne lui remette la main dessus. La super-héroïne badinait sur son dos, ce qui n'atténuait en rien son étouffante timidité. En revanche, le contact de ses doigts contre sa crinière noire contrebalança l'inconfort éprouvé par la Saïyajin qui, en l'écoutant parler, accusa une nouvelle bouffée de chaleur au niveau des joues. Le souvenir de son "rituel d'acclimatation" avec Ivy et sa superbe compagne manqua faire fondre sur place la pauvre combattante à queue de singe.

- Ah !... Euh... oui... cette fois là ?... Je... c'était... euhm... inoubliable... uuuhk...

Une élocution brouillonne, tremblante. Gine, le visage dissimulé derrière ses doigts, donnait l'impression de ne plus contrôler sa langue ni ses lèvres. Heureusement qu'il n'en allait pas de même pour sa capacité à voler. Mine de rien, la Saïyajin s'était améliorée depuis sa traversée du portail ; sur sa planète natale, dans cet état, elle se serait sans doute aplatie comme une crêpe sur la terre ferme ! Sans qu'elle ne s'en rende compte, sa maîtrise du Ki avait effectivement évolué. En même temps que son expérience sexuelle, oui.
Pour récupérer un peu de sa superbe, Gine dut se faire violence.
Quand bien même avait-elle un "peu" honte d'avoir été prise en sandwich ce jour-là, Carol marquait un bon point en mentionnant son appartenance à leur équipe.

- J-je sais que je n'en donne pas vraiment l'air mais... je suis contente de vous avoir rencontrées, toutes les trois.

Fort heureusement, Carfax attira leur attention sur la proximité d'un avant-poste H'wanu. Des barges se trouvaient là. Des indigènes aussi. L'un d'eux ne tarda pas à dialoguer avec la porte-parole du groupe. Avant même de les entendre, Gine comprit que les nouvelles n'étaient pas bonnes. En retrouvant le sol sous ses pieds, elle mit aussitôt de côté les souvenirs grivois qui lui avait colonisé le cerveau.
Carfax, la chasseuse et protectrice du clan H'wanu, les invita, Carol et elle, à repousser des prédateurs excités par la disparition du Shantak.
Gine n'attendit pas une seconde pour hocher la tête. A plusieurs reprises.
Qui paraissait le plus excité dans tout cette histoire ? La femme à queue de singe, ou bien les futurs adversaires de ce trio ?

- Je suis là pour vous apporter mon soutien - quoi qu'il arrive !

Se rendre utile auprès des autres ? C'était pour elle un excellent moyen de se purger de son embarras !
Elle eut un nouveau mouvement de tête affirmatif à l'attention de Carol qui, une fois de plus, eut l'occasion de lire sa détermination guerrière dans son regard qu'elle avait, quelques secondes plus tôt, vu trembler.
Un changement pour le moins radical !
Gine savait se mettre en condition quand il le fallait. Que ce soit dans une grosse fleur remplie de substances aphrodisiaques ou sur le champ de bataille. Son sourire transpirait d'une assurance renouvelée.

Comme on pouvait s’y attendre venant d’une Saïyen, la promesse du combat la sortait de sa nervosité. Quand Carol avait évoqué leurs aventures sexuelles, elle s’était amusée de voir Gine se ratatiner sur place. Visiblement, elle était plus à l’aise à l’idée de se battre qu’à faire l’amour ! C’était fascinant pour Carol, et très amusant. Elle savait de quoi les Saïyen étaient capables, elle connaissait leur sauvagerie et leur brutalité, elle s’amusait donc des réactions à rebours de Gine. Trêve de badinage, toutefois, car elles retournaient à l’assaut de la terrible Zerrikania ! Carfax mena la marche, s’aventurant le long d’un sentier.

« Vous avez des chasseurs-cueilleurs, c’est ça ? Pas d’agriculture ?
- Zerrikania ne se prête pas vraiment à l’agriculture, vous savez. »

À nouveau, Carol était assez confuse. Cette jungle lui semblait à chaque fois bien plus grande que ce qu’elle voyait depuis l’extérieur. C’était assez perturbant. Elle ne savait pas encore si c’était elle qui hallucinait en raison des spores de cette jungle, ou s’il y avait autre chose de plus profond. Carol repensait aussi à ce que ce vieux avait dit, sur Oswald Mandus. Elle décida alors d’interroger Carfax à ce sujet :

« Au village, on nous a parlé d’un certain Oswald Mandus. Est-ce que cela vous dit quelque chose ? »

Carfax avançait lentement, et déploya son arc, puis abattit un serpent qui se trouvait sur un arbre. Sa peau se confondait avec le décor environnant, et Carol ne put qu’admirer sa vigilance. Le cadavre du serpent tomba au sol, et elle se déplaça encore.

« Mandus… Je l’ai vu, oui. Et je connais son histoire. Les temples qui se trouvent au centre, la Cité interdite… Beaucoup de légendes circulent autour de ces temples. J’ai moi-même entrepris de m’y rendre… Et je vous déconseille d’y aller.
- Vous croyez à ces superstitions ?
- Ces palais sont la partie supérieure d’une ancienne cité engloutie. Des choses terribles ont eu lieu, mais ce n’est pas le genre de choses dont ils aiment parler. Ce que je sais, c’est que j’ai failli perdre la vie là-bas. Les H’wanu m’ont ramené de la grotte où j’étais tombée dans les vapes. Je ne peux pas vraiment vous dire ce qui s’est passé, car je ne m’en souviens plus. Tout ce que je peux vous dire, c’est de ne pas vous y rendre. »

Carol avait encore d’autres questions à poser, mais Carfax se dressa brusquement. Elles avaient rejoint une clairière avec des arbres et des lianes rouges qui serpentaient le long des troncs d’arbres. Carol observa lentement l’air ambiant… Quand Carfax pivota vers elle, et lança une dague par-dessus l’épaule de Carol. La dague se planta contre une plante carnivore monstrueuse qui avait tenté de l’attaquer par l’arrière.

« Une embuscade ! »

Du pollen jaillit alors des lianes. Elles étaient les racines organiques et monstrueuses de plantes carnivores qui ouvraient leurs pétales pour tenter de planter les femmes, tandis que des ouvertures monstrueuses le long des lianes projetaient un gaz odorant et hallucinogène, visant à les déstabiliser…

Après le badinage de la Dame de Feu, place à la chasse aux monstres de la jungle ! Gine était plus que motivée. Passée de la gêne à un état d'alerte, elle n'allait sûrement pas se laisser surprendre par un prédateur de ce biome infernal. Surtout pas après avoir pris conscience de la dangerosité de ses résidents. La Saïyajin, dont les yeux ne cessaient d'observer son environnement, écoutait d'une oreille distraite la conversation entre Carfax et Carol. Dans le processus, la première tua un serpent qui s'était admirablement bien camouflé dans le paysage. Une autre preuve que Zerrikania n'était pas un endroit idéal pour y passer ses vacances...
Quel sens de l'observation !
Oui : la chasseuse l'impressionnait. A côté d'elle, la guerrière de l'espace se sentait petite. De plus en plus petite, même. Une impression qui n'avait fait que croître depuis que Carol évoluait à ses côtés à la manière d'une égale. Gine ne chercha définitivement pas à s'incruster dans leur discussion. Pas même quand il fut mention du temps englouti, de la visite de Carfax et des circonstances étranges de son évanouissement.
Si même sa vigilance lui a fait défaut dans la Cité Interdite, quelle chance avons-nous d'en venir à bout ?
Un suicide : voilà ce qu'une telle expédition lui évoquait !
Gine baissa les yeux sur ses bottes avant de se souvenir que la Shantak n'avait pas été une partie de plaisir. Un combat qui les avaient opposées, Carol et elle, à une sorte d'incarnation de la mort et de la folie. Une bête légendaire qu'elles étaient pourtant parvenues à occire !
Ce souvenir, somme toute récent, redonna un peu de mordant à la timide Saïyajin.

- Vous avez eu de la chance de vous en sortir en un seul morceau, intervint-elle non sans empathie, mais cette histoire ne peut pas s'achever sur votre échec. Je n'ai pas particulièrement envie de m'y rendre mais s'il s'avère que c'est là le seul moyen que nous avons d'expulser le mal qui s'est attaché à cette jungle, alors nous... Hm ? Qu'est-ce qui se passe ?

A l'orée d'un clairière, Carfax eut une réaction bizarre. Comme celle d'un animal ayant perçu quelque chose d'anormal. Gine, coupée dans son élan, eut vite fait de ne plus rien dire. Elle sursauta en voyant la chasseuse pivoter sur ses pieds et projeter une dague en direction de Carol. L'arme blanche lui frôla la joue avant de se loger dans le... "corps" d'une énorme plante carnivore !

- Hé !? Mais... c'est quoi, cette horreur, encore ?!

Il n'y en avait pas qu'une seule. En plus de leurs lianes qui projetaient un dangereux poison volatil, les végétaux morbides possédaient une grosse fleur au bout d'une sorte de tentacule rosâtre. Au milieu des pétales pointait un gros dard suintant. La substance mielleuse qui s'en écoulait n'inspirait rien de bon à la Saïyajin. Celle-ci se fit fort de s'en écarter.
Pas question de me faire piquer par ces choses abjectes !
En raison de l'air saturé de pollen nocif, Gine bloqua sa respiration avant de foncer sur Carol. D'un tir de ki bien senti sur une plante voisine, elle lui épargna un empalement avant de trancher d'un revers de main la tête de cette fleur fautive. Son aura émergeante la protégea de l'effusion de ce liquide innommable. En poussant plus fort encore, la femme à queue de singe le fit s'évaporer presque instantanément. Là, sachant son adversaire sans défense, elle n'hésita pas une seconde à fondre dessus comme une balle. Gine, les poings en avant, traversa la plante carnivore ! A la fin de cette éclatante exécution, elle opta pour une trajectoire ascendante. Ce qui la fit se dresser en hauteur de sorte à ce que la majorité des végétaux la prennent pour cible.
Cette fois-ci, je ne perdrai pas la tête !
Elle avait retenu une bonne leçon de son affrontement avec le Shantak. Depuis ce jour, il n'était plus question pour elle de se laisser faire.
Des dards et des lianes se précipitèrent alors sur la guerrière ! Gine zigzagua entre ces multiples dangers. La Saïyajin, en écartant largement bras et jambes, déploya à nouveau son ki dans une explosion salvatrice telle qu'elle balaya l'herbe grasse, creusa le sol et fit voleter quelques mottes de terre comme dans une grande centrifugeuse.
Inspirant à pleins poumons cet espace d'air pur qu'elle avait ainsi créé dans un rayon on ne peut plus respectable, elle cria :

- Assainissons le périmètre !

Enveloppée dans son aura fluctuante, la Saïyajin reprit sa furieuse offensive aux côtés de sa plus redoutable alliée : Carol Danvers !

Si Carol aurait pu être touchée par l’admiration que Gine lui vouait, elle se focalisa surtout sur le moment présent, et sur les plantes carnivores. Elles rampaient comme des serpents sur le sol ou le long des arbres, cherchant à piquer les femmes. Leurs pointes toxiques étaient redoutables, même pour une Saïyen ou une justicière… Et sans doute même davantage que les Zerrikaniens. La toxine sécrétée par ces plantes était totalement inconnue de leur organisme, il valait donc mieux éviter son contact. Gine se déploya donc, tout comme Carol, qui tira sur les plantes, les enflammant au passage. Gine se battait également, particulièrement véloce. Carfax faisait moins de mouvements, mais Carol la vit esquiver en faisant un pas de côté sur une plante, avant de la décapiter. Le tentacule de la plante cracha un sang verdâtre. Toutes ces plantes semblaient être reliées au même organisme, les tentacules filant tous dans le même sens.

Face aux nombreuses plantes, Gine se déplaça en l’air, et écarta bras et jambes, avant de faire autour une puissante projection d’énergie. Carol se protégea, et Carfax s’abrita derrière un arbre, tandis que la projection d’énergie de Gine eut pour elle de massacrer la plupart des plantes sauvages.

« Bravo, Gine, voilà qui est… »

Un tentacule s’enroula alors autour de la cheville de Carol, et la projeta au sol. Carol fut attirée en arrière, et fila à travers les arbres. Elle sentit Gine la poursuivre, et Carol bascula dans un ravin. La tête en bas, elle parvint à trancher le tentacule, et se rétablit ensuite… Pour voir que les tentacules convergeaient tous vers un gros monstre qui se tenait de l’autre côté du ravin. La bête observa Carol, et poussa un sifflement strident, sa gueule monstrueuse s’ouvrant comme des pétales d’une fleur atroce, révélant une monstrueuse gueule édentée. L’horrible créature aux pattes empoisonnées projeta depuis son corps des tentacules supplémentaires, avant de bondir sur Carol. Celle-ci répliqua en envoyant une boule d’énergie qui explosa contre le torse du monstre en plein vol, l’envoyant se fracasser contre le rebord du ravin.

Cependant, derrière elle, un autre monstre descendait d’un tronc d’arbre, et bondit alors sur Carol…