The Multiversity

Le trio se mit donc en marche. À trois, ce serait mieux qu’avec tout le groupe, surtout dans des grottes sinueuses, où les menaces pouvaient venir de n’importe où. Cahir se sentait de plus fin prêt pour se battre. Il avait repris ses esprits, et tenait son épée en s’extirpant du lit de camp. Shad s’était aussi remise de leur fuite dans les grottes. Il fallait maintenant retourner dans le château, et affronter une nouvelle fois Alexander de Brennenburg. Le Baron Rouge veillait sur son domaine, et, en remontant, Lance et le duo affrontèrent rapidement quelques goules avec des putréfacteurs. Des monstres des cavernes habituels. La principale dangerosité venait des putréfacteurs, car ils explosaient en une gerbe d’acide au moment de la mort. Du pied, Cahir en repoussa un contre deux goules, faisant d’une pierre deux coups. Une goule l’attaqua ensuite dans son dos, jaillissant de depuis une tranchée, mais il se retourna alors, tournoya sur place, et frappa la goule avec un mouvement vertical du haut vers le bas, digne d’un sorceleur.

Quant à Lance, Cahir fut surpris de le voir… Utiliser avec la main le Signe d’Aard, un sortilège magique spécifique aux sorceleurs ! Une onde d’Air repoussa ainsi deux goules, qu’il tua ensuite à l’aide d’une bombe.  Lance reprit ensuite ses esprits, s’essorant le visage, et, avant que Cahir ne puisse l’interroger, Shad s’interrogea sur leurs potions.

« Vous pensez à une potion d’invisibilité, Shad ? Cela pourrait marcher, mais je pense que le château dispose aussi de protections magiques… Paradoxalement, utiliser des potions pourrait déclencher certains capteurs magiques. Et il n’existe pas non plus des élixirs pour faire tout ce qu’on veut. »

Lance reprit alors sa marche, tandis que Cahir l’observa silencieusement.

« Votre posture de combat…
-  Je savais que vous la reconnaîtriez. J’ai reçu une formation par les sorceleurs, mais je n’ai jamais été jusqu’au bout. J’ai abandonné avant l’Épreuve des Herbes. »

Cahir resta silencieux. Il savait combien les techniques d’apprentissage des sorceleurs étaient redoutables et violentes, se terminant par l’Épreuve des Herbes, ultime étape consistant à absorber des mutagènes potentiellement mortels. Cahir n’insista pas davantage, ne souhaitant pas compliquer les choses avec l’homme. Le trio continua à remonter, explorant des sentiers que Lance et ses hommes avaient repéré et identifié grâce à des fanions rouges. Ils grimpèrent ainsi, jusqu’à se rapprocher d’un mur d’enceinte.

Un mur de moellons leur faisait face, et Lance inspecta ceux-ci. Cahir avisa plusieurs pioches à proximité, et constata vite que les hommes de Lance avaient fait un trou.

« Voici donc notre accès…
-  Tout à fait. Nous n’avons pas encore exploré de l’autre côté… Il ne fallait pas attirer l’attention outre mesure. »

De l’autre côté, il y avait des égouts sinueux et vides d’eau, avec des moellons et des flaques d’eau ici et là.

Ils étaient finalement enfin revenus au Château-Brennenburg !

En d’autres termes : les élixirs ne seront à utiliser qu’en cas d’ultime recours. La Louve ne put réprimer un léger soupir face à cette révélation avant d’écouter d’une oreille attentive la conversation entre les deux hommes. Ces derniers semblaient en tout point partager un passé en commun ou du moins très similaire, mais tout comme Cahir, la Louve ne chercha pas à obtenir pour l’heure plus d’informations. Après tout, elle se devait de se concentrer sur leur principale mission ! Ils étaient revenus au sein du château de Brennenburg, et leur avancée devrait donc se faire plus doucement, plus prudemment : mais avant toute chose, la carte ! Prenant rapidement connaissance de celle-ci le trio put déterminer un nouvel itinéraire jusqu’à leur destination avant de se remettre en marche.

Pourtant un fait important sauta aux yeux de l’hybride et des deux hommes assez rapidement : Il n’y avait pas de monstres, rien, nada. Certes ils en avaient rencontré dans les mines mais à présent, l’environnement était devenu soudainement bien calme, il était même possible d’entendre l’eau goutter depuis le plafond jusqu’aux flaques jonchant le sol. Et la Louve n’aimait pas quand c’était bien trop calme, surtout quand elle était censée croisée des monstres en tout genre. Elle partagea son étonnement et sa crainte d’un simple regard avec les deux hommes avant de continuer à avancer prudemment, s’attendant à un quelconque piège, à une quelconque créature infâme…Pourtant rien.

« Ce n’est pas normal… »

Souffla t’elle à voix basse. Ils venaient de progresser sans heurt et se trouver à présent devant une lourde porte. Mais derrière celle-ci des gémissements et des plaintes parfaitement audibles pouvaient se faire entendre. Pourtant ce n’était pas encore les geôles. Mieux valait éviter d’attirer l’attention et chercher une autre voie jusqu’aux prisonniers. Un nouveau regard sur la carte et un chemin fut décidé, plus long, mais mieux valait user de prudence. Pourtant cette fois, plus ils progressaient et plus la Lycane avait l’impression d’être observée, épiée. Son instinct ne lui fit pas défaut car au bout d’un couloir plongé dans la pénombre une forme grotesque se dessina, celui d’un homme avec sur ses épaules une tête de porc. La créature hurla, bien vite rejoins par deux de ses congénères. Dans un autre hurlement à faire glacer le sang, elles s’élancèrent vers les intrus, ouvrant ainsi le bal aux hostilités.

Le trio s’avançait dans les égouts putrides et puants. Lance menait la marche, ce qui n’était pas pour déplaire à Cahir, car, même en revenant avec son épée et son équipement, il n’était pas assuré. Cet endroit avait été éprouvant, lui et Shad avaient failli mourir, et il s’avançait donc prudemment, lentement. Les égouts étaient beaucoup trop calmes, ce qui le surprit autant que Shad. Ils virent une grande porte fermée en béton, que Lance examina lentement. Fort heureusement, Lance avait obtenu une carte des égouts, qu’il suivait lentement, et, alors que le trio continuait à avancer, des grondements supplémentaires se firent entendre, et un homme-porc bondit alors sur eux. Cahir déploya sa lame, et entendit d’autres hommes-porcs arriver dans leur dos. Ils rampaient sur les tuyaux, et bondirent sur eux.

« Attention ! »

Cahir déploya sa lame en se positionnant devant Shad, tel le guerrier chevaleresque protecteur qu’il était, et la pointe acérée de sa lame trancha un bout de chair d’un monstre. Un autre homme-porc tenait une hachette dans la main, et tenta de l’abattre sur l’apatride. Cahir bondit prudemment en arrière, et la hachette effleura son corps, heurtant son armure. L’arme rippa dessus, et l’homme-porc sauta encore, repoussant Cahir en essayant de le mordre avec son museau. Le monstre était plus puissant que lui, et Cahir grogna sur place, sentant la redoutable masse musculaire du monstre.

Lance envoya une boule de feu vers l’homme-porc, et constata, à sa grande surprise, que l’homme-porc avait une peau résistante, sans doute ignifuge, car les flammes, si elles perlèrent bien, s’éteignirent assez rapidement. Cahir, de son côté, attrapa une dague à sa ceinture, et profita du fait que l’homme-porc cherchait à l’égorger pour planter sa dague dans son cou. Il sentit la pointe argentée s’enfoncer dans une surface molle, et l’homme-porc couina sur place, avant que Cahir ne puisse le repousser.

L’apatride soupira lentement, tandis que Shad attaquait un autre homme-porc. La porte qu’ils avaient croisé s’ouvrit alors lentement, dans un terrible grondement. Cahir entendit les hurlements se rapprocher.

« On… On devrait se tirer !
-  Proposition acceptée ! »

De l’autre côté de la porte, des Grunts émergèrent alors, et étaient relativement nombreux, une bonne douzaine ! Impossible de vouloir les affronter ici, surtout dans un espace réduit, et face à la présence d’hommes-porcs. Cahir se mit donc à courir, suivant Lance à vive allure.

Pendant que Cahir était occupé avec son adversaire, Shad s’attaqua au suivant, ne laissant pas le temps à ce dernier de s’attaquer en traître à l’Apatride. Elle changea simplement d’apparence, prenant celle liée à la Lycanthropie et usa de ses griffes pour blesser au mieux la créature. Malheureusement le cuir servant de peau de cette abomination était particulièrement résistant. Et Lance venait également de noter que le feu était inutile contre les hommes-porcs ou bien il faudrait une attaque constante ce qui abaisserait grandement les défenses du lanceur de sort. Cette perspective était loin d’être réjouissante. Grognant, la Louve évita un coup de machette de l’homme-porcs et planta ses crocs dans sa gorge, serrant fortement tandis que ses griffes lacéraient la peau, cherchant à la percer. Bien qu’immunisé en partie aux flammes à l’extérieur, ils n’en étaient pas moins sensibles à l’intérieur et tandis que la Louve sentit qu’elle avait fait une « percée », elle dilua une vague de flammes dans le corps de l’abomination, la faisant brûler de l’intérieur.

Relâchant le corps de la bête, la Lycane releva subitement ses oreilles en entendant d’autres grognements ainsi que le bruit caractéristique d’une porte que l’on ouvre. D’autres problèmes en perspectives…De nouvelles créatures émergèrent et il était également possible d’entendre des grondements lointain, caractéristiques des hommes-porcs. A ce rythme-là, le trio finirait par être submergé. D’un commun accord, les trois décidèrent donc de prendre la poudre d’escampette. Tout en cherchant à distancer leurs poursuivants, la Louve jeta un rapide coup d’œil au plafond ; se disant dans un même temps que son idée comportait bien trop de risques…Mais c’était un risque qu’elle était prête à prendre !

« Courez, n’arrêtez pas de courir ! »

Au même instant, l’hybride changea de nouveau de forme, optant pour sa plus imposante sous son apparence animale. Bien évidemment, les égouts étaient bien trop étroits pour qu’elle puisse de déplacer avec ou même réussir à se transformer entièrement mais ce n’était pas là l’intention de Shad. Son objectif était tout simplement de percuter violemment le plafond afin de créer un éboulement et de ralentir la progression des Grunts et des hommes-porcs. Malheureusement ce qu’elle redoutait se passa : le plafond continuait de se fissurer, menaçant de s’écrouler et de libérer des tonnes de gravats près à écraser les deux hommes. Il fallait sortir d’ici au plus vite !

« Cahir ! Lance ! Montez et accrochez-vous !»

Ayant pris son apparence animale, elle les avait rejoints en quelques secondes, ralentissant son pas de course à leurs hauteurs pour leur laisser le temps de monter et de s’accrocher avant de pousser sur ses pattes postérieures et de bondir en avant, puisant dans ses ressources, faisant travailler ses muscles pour aller au plus vite, tandis que derrière eux, le plafond commençait à s’effondrer. Une petite ouverture fit alors son apparition et la Louve s’y engouffra, pile au moment où un plus gros rocher avec des poutres vint à sceller la sortie. Par chance, les éboulements s’arrêtèrent également et la Louve repris son souffle, haletante.

« Ca…C’est pas passé comme prévu…- elle tourna son museau vers la sortie scellée- mais au moins...ils sont bloqués…Mais il n’est également plus possible de faire marche arrière… »

En d’autres termes : le trio n’avait pas d’autres choix que de continuer.

Face à toute une bande Grunts, il était inutile de vouloir se battre ! Cahir ignorait de quoi ils étaient vraiment capables au combat, ne les ayant pour l’heure croisés que pour fuir, mais ils étaient trop nombreux pour se risquer ! Par ailleurs, même s’ils ne couraient pas, il se déplaçaient pour autant très vite, et, dans ces égouts labyrinthiques, le trio était un peu désemparé. Cahir suivait Lance, tandis que les grognements des Grunts se rapprochaient. Ce château était un véritable musée aux horreurs, et ils n’avaient vu qu’une infime partie de celui-ci ! Cahir craignait que le Baron Rouge n’ait pas encore révélé l’intégralité des immondices peuplant le château !

Le trio continuait donc, quand Shad se transforma alors. Elle se mit alors à grossir, à enfler, prenant une forme bien plus massive. Surpris, Cahir bondit sur le côté, et heurta le mur, tandis que le dos de Shad heurta violemment le plafond. Plusieurs Gaunts la frappèrent, et Lance et Cahir pivotèrent alors, venant les repousser. La lame de Cahire frappa un Gaunt au torse, le repoussant, mais un autre jaillit alors, abattant son bras-lame. La lame de Cahir heurta la sienne, faisant s’entrechoquer les deux lames, et le bras du Gaunt libre jaillit alors, s’étirant sur place.

« Bordel ! »

Ce bras s’allongeait comme un tentacule, et se saisit de la gorge de Cahir, serrant alors. La queue caudale de Shad agit alors comme un fouet, et frappa le Gaunt, l’envoyant violemment s’écraser sur le mur. Le choc surprit le Gaunt, et Cahir vit alors d’épaisses fissures se former sur le plafond.

« SHAD ! »

C’était un plan délirant ! Mais le plafond était usé, et la voûte allait s’effondrer. Shad rétrécit ensuite, reprenant une forme de louve assez normale, quoique de taille humaine. Ils s’élancèrent sur elle, tandis que des bras tentaculaires s’élançaient vers eux. Cahir grimpa sur le devant, Lance juste derrière, et l’apatride constata que la fourrure de Shad était poisseuse, écarlate… Ensanglantée. Elle se précipita vers une sortie, tandis que le plafond se fissurait, et que toute une partie des égouts s’effondrait. La voûte se fracassa sur les Gaunts, et le trio survécut de justesse à l’éboulement en se réfugiant dans un couloir.

Shad reprit ensuite sa forme humaine, et trembla lentement. Cahir regarda derrière eux. Derrière les volutes de poussière, ils purent voir des blocs de pierre. Sans rien dire, l’apatride observa cela, puis regarda la jeune femme, et observa son dos.

« Shad… Tu vas bien ? »

Son dos présentait de nombreuses écorchures, et ses jambes des lacérations, des ecchymoses et des coupures, là où les Gaunts l’avaient frappé. Cahir lui tendit un élixir d’Hirondelle, qui aiderait son corps à cicatriser, tandis qu’elle avait perdu ses vêtements. La nudité ne semblait toutefois pas la déranger outre mesure, et, tandis qu’elle avalait l’élixir, Lance regarda devant eux.

Ils étaient passés par une sorte de faille résultant de l’érosion du mur. Un couloir pierreux se trouvait là, mais qui les conduisit rapidement à une sorte de crypte. Cahir reconnut les successions de tombes dans les caveaux, et Lance inspecta les lieux.

« C’est la crypte des Brennenburg… »

Cahir s’avança à travers le couloir, rejoignant des tombes de plus en plus récentes.

« Il a perdu toute sa famille, vous savez… Le Baron. C’est suite à ça qu’il a commencé à mener des expériences, des recherches sur l’immortalité, sur la mort. Il voulait revoir ses enfants. L’amour… La chose la plus folle au monde.
-  Hmmm… Et je suppose que rien n’a marché comme prévu ?
-  Alexander s’est allié avec un chevalier mijakien, Wilhelm von Gerich. Je gage que vous ne l’avez pas encore rencontré, il est chargé de la sécurité des lieux. Les Gerich font régner la loi du Baron sur la région, et sont chargés de la capture des autochtones pour les expériences cruelles du Baron Rouge.
-  Ce nom ne me dit rien. Je n’ai jamais entendu parler de la maison Gerich.
-  Parce qu’il n’y a rien de particulier à savoir sur eux… La maison Gerich a mené des expéditions près de Zerrikania. Les recherches du Baron l’avaient conduit jusque dans cette jungle infernale. »

Zerrikania… Les Gerich étaient-ils le chaînon manquant entre Oswald Mandus et Alexander de Brennenburg ?

« À dire vrai, les Gerich ont été suspectés de travailler de concert avec la colonie luméenne implantée à côté de Zerrikania, ce qui leur a valu mauvaise presse il y a quelques années. Vous n’avez pas vu le laboratoire du Baron, je suppose ?
-  Nous avons vu beaucoup de choses, mais rien qui ressemblait à un laboratoire.
-  Je ne suis pas surpris, cet endroit est un vrai labyrinthe. Et… »

Lance se tut brusquement quand il entendit le bruit d’une porte qui grinçait. Des bruits de pas se firent ensuite, et des hommes se rapprochèrent, sortant de la porte.

« Ils ont fait tomber tout un pan des égouts ! Quel merdier !
-  On aurait dû condamner l’accès à ces vieux égouts !
-  C’est la tanière des Gaunts, tu voulais vraiment aller les emmerder ?
-  J’aime pas ça. »

Lance grogna.

« Quand on parle du loup… Les hommes de Wilhelm. Des anciens chevaliers renégats. La maison Gerich était jadis une maison vassale du Comte Dowell… Mais elle est tombée en disgrâce, et la plupart de ses membres ont été bannis. Ce sont des malandrins, des violeurs, des assassins… Ils n’ont de chevaliers que le nom et l’apparence. »
Les choses ne semblaient cesser d’empirer ici !

« Merci et ne t’inquiètes pas pour moi Cahir… »

Souffla t’elle, tandis qu’elle prenait l’élixir d’Hirondelle qu’elle avala en quelques gorgées, sentant déjà ses bienfaits circuler dans son corps. Sa transformation n’avait pu être complète et elle avait subi les frais avec ces abominations. Par chance ces dernières semblaient être bien coincées pour l’instant, mais la Louve gageait que cela ne les empêcheraient pas de trouver une autre voie, si vivantes elles étaient tout du moins. La nudité ne la gênait pas plus que cela bien qu’elle fût quelque peu étonnée de ne pas avoir récupérée ses effets comme à l’accoutumée après sa transformation. Encore une fois, la Lycane mis cela sur le compte que sa transformation ne fut pas réellement complète. Elle poussa un soupir et rejoint les deux hommes qui venait d’avancer de quelques pas en avant, invoquant par la même occasion son armure et ses armes, écoutant les explications de Lance sur les découvertes qu’ils faisaient au fur et à mesure.

Le sang de la Louve ne fit qu’un tour quand le mot « Zerrikania » fut énoncé. Bien évidemment, elle en avait entendu parler de cette jungle maudite ! Mais de là à penser qu’elle avait un lien entre Oswald Mandus et Alexander de Brennenburg…Et pire encore, un troisième élément semblait relié le tout ! De quoi réellement donner un mal de crâne phénoménal quand on essayait de recoller les morceaux. Et tandis que Shad avait pour objectif d’interroger Lance sur ce fameux laboratoire, elle fut interrompue par la discussion de quelques chevaliers renégats ; qui en toute logique, étaient parfaitement aux courants de leurs avancés aux vues de leurs dires…Mais encore fallait-il pouvoir savoir si le Baron ne jouait tout simplement pas avec eux en cet instant, s’ils ne les guidaient pas petit à petit au sein de son château. La Louve se tourna néanmoins vers Lance :

« Si ce laboratoire contient des cobayes, nous devrions aussi les libérer si cela nous est possible mais pour l’heure, nous devrions rester concentrés sur notre premier objectif…Zerrikania…Ce n’est pas la première fois que j’en entends parler, et jamais en bien d’ailleurs…Mais chercher à avoir plus de renseignements maintenant ne serait que pure folie et nous n’avons guère le temps pour les leçons d’histoires. Ces hommes…savent que nous sommes là et je suis même sûre qu’ils savaient que nous n’étions pas si loin d’eux lors de leur passage…Je ne sais pas pour vous deux mais je flaire le piège à pleins nez. »

Et cela, l’Okami ne l’appréciait pas réellement ! Mais comment savoir à part avancer ? Certes il serait humain de passer par le laboratoire du baron mais dans un même temps, les troupes attendaient au dehors que les portes du château s’ouvrent pour mener l’assaut. Et chaque minute comptait. Mais pour l’heure, la Louve n’avait pas réellement l’impression que ce plan allait être mené à bien.

« Si nous n’atteignons pas notre objectif…A-t-on un moyen de repli, une solution de secours ? »

Car autant le dire, pour l’heure, tout semblait calme mais les apparences étaient trompeuses et Cahir tout comme Shad savaient très bien que des monstres pouvaient leur sauter dessus à tout instant...Et puis rien n’indiquerait qu’ils arriveraient à mener leurs missions suicidaires à bien !

Lance haussa rapidement les épaules quand Shad demanda s’ils avaient un plan de secours.

« Le suicide. Je préfère mourir que de finir entre les mains du Baron. »

Cahir ne pouvait que constater à quel point le plan de Lance était risqué, et même désespéré. Ils venaient de retourner dans la gueule du loup. Le Baron Rouge n’agissait pas tout seul, il y avait toute une organisation qui gravitait autour de lui, et Cahir prenait progressivement conscience que Lance ne leur disait pas tout. Il y avait des éléments que l’honorable chevalier mijakien taisait, et ne donnait que quand il le jugeait utile… Comme l’existence des Gerich, ou le lien avec Zerrikania. Ce mot avait d’ailleurs surpris Shad, lui évoquant sans doute de curieux souvenirs. L’apatride avait aussi entendu parler de cette jungle maudite, comme d’un endroit exotique, dangereux, mais il débarquait dans cet univers. Oswald Mandus, le Baron Rouge, Zerrikania… Cela faisait beaucoup à avaler !

Reprenant ses esprits, Cahir tourna son regard vers Lance en fronçant les sourcils. Les hommes de Wilhelm s’étaient éloignés progressivement, s’enfonçant dans les profondeurs de la crypte, ce qui leur permit de parler, mais aussi de continuer à marcher.

« Vous n’avez pas envisagé de nous en parler dans les mines ?
-  Je n’ai pas estimé que c’était utile… Le Baron s’est allié avec des humains, je pensais que vous l’aviez vu lors de votre séjour ici… Ou que vous vous en souveniez. Ce sont ces bandits et les hommes qu’il engage qui maintiennent sa loi dans le comté. »

Une explication qui n’était pas vraiment satisfaisante pour Cahir. Lance leur dissimulait des choses, il n’avait pas encore dit, mais, d’un autre côté, Cahir n’avait pas non plus le sentiment qu’il soit allié au Baron Rouge.

« Et qu’est-ce que vous pouvez me dire sur Zerrikania ? Sur ce réseau ?
-  Votre histoire est liée à celle-ci, Cahir… La Monarchie de la Rose, ne me dites pas que vous n’en avez jamais entendu parler, si ? »

Ils avaient eu l’occasion d’en parler lors de ce périple infernal.

« Il se passe des choses pas nettes à Zerrikania, qui remontent à… Longtemps. Probablement à l’époque où les Grands Anciens ont attaqué Terra. Il y a quelque chose, au plus profond de cette jungle, que Mandus a récupéré, un puissant artefact magique, une orbe magique que Mandus a utilisé pour concevoir la Machine… Et, en ce qui concerne votre famille… Nous en reparlerons plus tard, si vous le voulez bien. »

Cahir détestait ça, ce sentiment d’être manipulé, qu’on le jette dans une situation complexe et mortelle pour des enjeux qu’il ne comprenait pas entièrement. Le trio continuait à marcher, se rapprochant de la sortie de la crypte, lorsque les mercenaires se rapprochèrent.

« Merde ! » pesta Lance.

L’apatride les observa lentement.

« Il va falloir les tuer… Je n’éprouve aucun remords pour ces types, vu les saloperies qu’ils soutiennent ici…
-  Okay, on va attendre qu’ils se dispersent, et on les tue pas surprise, ils sont plus nombreux que nous. »

La Louve grimaça légèrement face à la réponse de Lance. Le suicide ? Pour sa part, elle n’avait pas réellement envie de mettre fin à ses jours et comptait bien se défendre griffes et crocs pour ne pas y rester ou que le Baron Rouge ne pose ses sales mains sur elle. Une pensée qu’elle devait également partager avec l’Apatride, mais elle devait cependant bien avouer que de ne pas avoir peur de mettre fin à ses jours était également une grande preuve de courage. Pour l’heure, elle gardait simplement le silence, écoutant la conversation entre les deux hommes tout en gardant ses sens à l’affut du moindre bruit, de la moindre odeur suspecte. Cependant elle n’hésitait pas à donner quelques informations au besoin ici et là :

« Nous n’avions pas réellement croisé des mercenaires lors de notre réveil, les hommes que nous avions croisés étaient plus des cultistes… »

Et pour l’heure, même si la mémoire lui revenait petit à petit, l’Okami n’arrivait pas à se souvenirs d’hommes « normaux » au sein de ce satané château. Mais avec le groupe de mercenaires qui venaient de passer, elle ne pouvait nier qu’ils étaient bels et bien là. Comment ces hommes pouvaient servir un être aussi abject si ce n’était que pour des promesses de richesses ? Les fous, leur cupidité les mèneras à leurs pertes. Mais tandis que le premier groupe s’éloignait, un autre vint à se rapprocher, pile au moment où ils allaient atteindre la sortie. La Louve acquiesça au plan donné et vint se placer dans un des recoins sombre de la crypte. Comme Lance l’avait prévu, les mercenaires se séparèrent à l’intersection, réduisant grandement leur nombre. 

Attendant patiemment que les groupes soient assez éloignés les uns des autres et surtout qu’un des mercenaires ne passe à proximité, la Louve sortit rapidement des ombres, plaquant une main contre la bouche de l’homme et utilisant une dague secrète cachée sous son poignet pour mettre fin à ses jours. En y songeant, Shad eut un léger rictus, voilà bien un moment qu’elle n’avait pas fait usage de cette arme ! Cependant le temps n’était pas aux souvenirs et elle tira rapidement le corps inerte dans les ténèbres de la crypte ; notant également au passage que Lance et Cahir avaient également fait subir le même sort à ceux qui s’étaient rapprochés trop près de leurs positions.

Le souci à présent ? L’absence de ces trois hommes allaient bien vite éveillés les soupçons et les survivants redoubleront de prudence. La sortie de la crypte était à portée de mains mais semblait encore si lointaine…Et quand un homme vêtu d’une robe de cultiste vint à arriver à hauteur de cette fameuse sortie, accompagnée par deux créatures difformes d’où on pouvait deviner des bras formés de tentacules sous leurs longues toges, la Louve blêmit. Dictant une phrase dans une langue incompréhensible, l’homme désigna le couloir où se trouvaient les trois intrus, envoyant les deux créatures l’inspectait. Cela ne prévoyait rien de bon et la Lycane jeta un regard vers les deux hommes, cherchant à voir s’ils avaient une moindre idée, car face à de telles immondices, ils ne resteront pas bien longtemps tapis dans les ténèbres…

Marchant lentement, Cahir se dissimula derrière une alcôve, et observa Shad, puis lui fit signe d’agir avec les doigts. Il connaissait le code militaire mijakien, et il n’y avait aucune raison pour que celui-ci avance. Shad attaqua, et Cahir en fit de même. Il posa sa main sur la bouche d’un homme, et transperça son dos avec sa lame, la faisant ressortir de l’autre côté. L’adversaire se débattit furieusement, et une vive douleur se répandit dans le corps de Cahir quand il le mordit fortement. Cahir tint toutefois bon, et l’adversaire recula. Le dos de Cahir heurta le mur, de la poussière tomba du plafond, et le malandrin se défit de sa prise. Toutefois, il était blessé, et Cahir frappa à nouveau avec sa lame, tranchant la gorge de l’homme qui s’écroula au sol, répandant son sang autour de lui.

« On a réussi… »

Lance semblait satisfait, mais les choses se compliquèrent ensuite. Un cultiste entra, accompagné d’autres hommes-monstres. Le trio s’était rapproché de la sortie de la crypte, et Lance se pinça les lèvres, tandis que le cultiste baragouina dans une langue inconnue. Toutefois, les deux monstres se rapprochèrent. Ils étaient différents des autres, deux monstres indescriptibles ressemblant à de grands échalas blanchâtres avec des bras interminables et des tentacules parcourus de ronces autour de leurs têtes. Les deux monstres se mirent à beugler dangereusement, leurs yeux luisant alors d’une intense lumière blanche. Ils avaient une épaisse ouverture partant de la gueule à ce qui aurait dû être leur nombril, et d’où des tentacules rougeâtres émergèrent.

Cahir bondit sur le côté, évitant les tentacules, puis ceux-ci furent remplacés par des jets d’acide, tandis que le cultiste parlait encore de sa langue morte, sombre et cruelle. Cahir vit une main fuser vers lui, et la trancha avec son épée. Toutefois, la main du monstre se mit à repousser de son moignon.

« Putain de bordel ! »

Lance ne pouvait que constater que le Baron Rouge n’avait pas encore révélé toutes les horreurs de son domaine. Les deux monstres se rapprochaient encore, et le trio se mit à courir rapidement. Les monstres les poursuivirent rapidement, en avançant à quatre pattes, usant de leurs bras très longs pour avancer plus vite. Lance se retourna à un moment, et jeta dans le couloir une bombe. Il y eut une forte explosion qui repoussa les deux monstres. Le trio dévala ensuite des marches, rejoignant l’étage inférieure de la crypte. D’autres tueurs se trouvaient là, bien humains, mais aussi armés. Cahir se rua sur le premier d’entre eux, et profita de l’effet de surprise pour le taillader au ventre, et repoussa son corps du pied.

Les autres hurlèrent rageusement en dégainant leurs lames, et l’un, armé d’une hache, manqua l’abattre sur Cahir, qui para avec sa lame. Le coup repoussa l’apatride qui heurta une tombe située au centre, et bascula de l’autre côté. Cette chute salutaire lui évita d’être fendu en deux par la hache, qui décrivit un mouvement vertical du haut vers le bas pour s’abattre en plein milieu de la tombe. Surpris, Cahir rampa sur le sol, tandis que le tueur à la hache contourna la tombe, et hurla encore. Cahir roula sur le côté, évitant l’impact, et tenta de se relever… Juste à temps pour se recevoir un coup de botte dans la figure, qui le coucha sur le sol. L’homme à la hache se dressa alors face à lui, et s’apprêta à frapper encore… Quand Cahir le frappa au talon avec le pied, le déstabilisant.

L’homme massif bascula sur lui, et Cahir grogna, avant de le repousser, et, plutôt que de récupérer son épée, attrapa un caillou à côté, et le brandit vers l’ennemi, le frappant au visage. Le coup sonna l’adversaire, qui se redressa ensuite. Cahir put ainsi constater que l’homme, avec une barbe bien fournie, était aussi une solide masse, qui se rua sur Cahir, et l’étrangla furieusement avec les deux mains, le plaquant au sol.

« J’vais te tuer, sale connard !
-  Argh ! »

Sa poigne était en acier, et Cahir tâtonna autour de lui, cherchant quelque chose… Puis opta pour une autre stratégie, et posa ses mains sur le visage du molosse, cherchant à écraser ses yeux avec ses pouces. L’adversaire se débattit et le secoua, cherchant à lui couper la respiration, jusqu’à ce que Cahir heurte les paupières. Il appuya alors, et l’homme rugit en se relevant. Il se recula juste assez pour que Cahir le frappe du pied au visage, le couchant sur le dos. L’apatride se releva alors, et ramassa la hache du bandit qui eut à peine le temps de se relever pour que la hache se plante en plein dans son bide. Le regard de Cahir croisa celui du bandit, qui écarquilla les yeux avant de cracher du sang du visage, puis Cahir le repoussa du pied, récupérant la hache, du sang s’échappant de ses lèvres.

« Bordel de merde… »

L’homme reprit ses esprits, tout en se retournant, pour voir comment Shad et Lance sortaient…

…Tandis que le cultiste et ses deux monstres se rapprochaient alors de l’escalier, s’apprêtant à descendre à leur tour.

Face à ces créatures, la Louve avait eu la même réaction que Lance et Cahir : la fuite. Surtout que ces dernières semblaient possédées un système de régénération des plus performants ! Bon sang, mais combien de monstres allaient-ils encore rencontrer dans ces lieux ? Comment avaient-ils fait pour ne pas les rencontrer plus tôt également ? Ce château semblait différent de leur précédent passage. D’un autre côté, Cahir et elle-même avaient plutôt chercher à s’en échapper plutôt que d’en explorer les moindres recoins…Mais qui serait assez fou pour le faire ? Suivant toujours les deux hommes, la Louve fini par descendre à son tour dans la crypte, notant rapidement que l’Apatride et le Mijakien étaient déjà en train de livrer bataille contre des mercenaires. Les coups et les insultes fusaient, ainsi que le sang. Notant la présence d’un homme qui comptait prendre à revers Lance, l’hybride se transforma et bondit sur lui, le renversant tout en serrant fortement sa gorge de sa mâchoire.

Elle relâcha bien vite le corps secoué de spasmes, du sang coulant de sa gueule entre-ouverte.  Bondissant sur le côté pour éviter un coup d’un fléau, la Lycane brûla ce dernier faisant remonter les flammes le long des chaînes jusqu’au propriétaire de l’arme. Ce dernier lâcha l’arme, réflexe que la Louve avait escompté, et qui en profita pour également sauter à la gorge de cet humain ; sentant les os se briser sous la pression de ses crocs ainsi que le sang envahir de nouveau sa gueule. Mais elle ne put voir l’attaque qui vint dans son angle mort, sentant subitement un gros poids la frapper dans le dos, lui faisant lâcher sa prise et pousser un jappement de douleur. Elle tituba sur ses quatre pattes, reculant après s’être retourné pour faire face à son nouvel assaillant. Ce dernier portait une armure de plate, une approche différente serait donc de mise. Restant sur place, babines retroussées, la Louve grondait, réfléchissant rapidement au moyen de mettre fin à la vie de ce nouvel ennemi. Mais ce dernier ne lui laissa guère le temps de réfléchir qui fonça de toute sa masse sur la Louve, épée sortie du fourreau.

« Tu feras un magnifique tapis sale chienne ! »

Préférant jouer la carte de la surprise et du tout pour le tout, la Louve vint au contraire à sa rencontre, le bloquant ainsi dans son élan et l’empêchant de faire le mouvement escompté avec son arme. Elle le percuta violement de toute sa masse, sentant rapidement ses mains chercher une prise au niveau de son corps avant de se poser contre sa tête et commencer à serrer, encore et encore, avec pour objectif bien précis de lui fracturer le crâne. Mais l’hybride ne se laissa pas faire et ne pouvant le mordre, elle s’enflamma tout simplement, laissant ses flammes entourer son adversaire. Sa plate le protéger des attaques mais elle ne pouvait le protéger de la chaleur et son armure allait donc devenir rapidement une véritable fournaise. Hurlant de douleur et de rage, le mercenaire souleva la Louve et vint à la frapper violemment contre le sol, parvenant également par ce fait à avoir un meilleur mouvement avec sa main armée avec laquelle il n’hésita pas à frapper. Lançant rapidement une petite boule de feu et la faisant imploser au niveau du poignet de son adversaire, Shad parvint à faire dévier l’attaque visant son poitrail à sa cuisse droite. La douleur lui arracha un nouvel hurlement et elle augmenta la puissance de ses flammes, faisant même en sorte que ces dernières passent par les petites ouvertures pour les yeux, allant brûler ces derniers. L’homme se tordit de douleur, finissant par tomber au sol, brûlé dans son armure de plates.

« Pu…putain de merde… »

Reprenant son apparence hybride, l’Okami attrapa rapidement un des flacons qui leur fut donné précédemment, un élixir d’hirondelle et en but une lampée pour se soigner avant de s’avancer vers Cahir et de le lui tendre :

« Bois, tu en as aussi besoin Cahir, tu es aussi blessé… »

Heureusement d’ailleurs qu’ils avaient ces élixirs sous la main ! Mais bien qu’ils aient pu se défaire des mercenaires, le cultiste arrivait, accompagnait de ses deux créatures.  La Louve lâcha un juron, car dans cette crypte, aucune échappatoire. L’homme marmonna d’étranges paroles occultes, levant la paume de sa main vers le ciel, une lueur noire s’y échappant. S’attendant avant tout à ce que les abominations attaquent, le trio fut surpris de noter que ce n’était pas le cas, mais quand un grincement se fit entendre au sein de la crypte, la Lycane jura à voix haute cette fois :

« Oh mais merde à la fin !! »
Des tombes, les morts se relevaient, n’offrant ainsi qu’une seule possibilité au trio : remonter les escaliers et faire face au cultiste et à ses monstres…à moins que ces deniers ne commencent à descendre par eux-mêmes ! L’hybride se retourna vers les deux hommes :

« Sois vous avez une idée, soit je vous prends sur mon dos; on prend de la hauteur et on brûle ce putain de château ! Notre mission semble compromis de toute façon ! »

Et sur le coup, la Louve commençait à en avoir pleins le cul de cet endroit !

Cahir avait réussi tant bien que mal à se débarrasser laborieusement de son attaquant, et vit Shad, également endolorie, revenir vers lui avec une partie de l’élixir d’Hirondelle dans une fiole. Il l’avala rapidement, et n’eut même pas le temps de remercier l’okami que, déjà, le cultiste revenait avec les deux monstres. Ceux-ci restèrent à l’entrée de la pièce. Tournant la tête, Cahir constata qu’il n’y avait aucune échappatoire. Il se pinça nerveusement les lèvres, récupérant son épée, la rangea dans son fourreau, et privilégia la hache contre de tels ennemis. Alors que la situation était tendue, le cultiste se mit à marmonner une nouvelle psalmodie, et le sol se mit à vibrer dangereusement. Cahir sentit alors une main squelettique sortir de la terre, et s’écarta.

« Merde, il réveille les morts ! »

Les tombes situées sur les côtés s’ouvraient également, les zombies les ouvrant depuis l’intérieur. Des Draugirs émergeaient, sorte de soldats squelettiques armés d’épées ou de haches. Shad proposa alors de fuir, et Cahir regarda rapidement3.

« Et comment on contourne ces horreurs et le cultiste ?
-  Bordel de merde ! »

Lance planta son épée sur le torse d’un Draugir, et le repoussa du pied. Un autre s’élança vers Cahir, qui l’évita, et manipula sa hache. L’arme décapita le squelette, tandis que le cultiste déploya alors des tentacules à la place de son bras. Ils s’enroulèrent autour du cou de Chair, et le jetèrent au sol. Cahir grogna en lâchant sa hache, et Lance réagit rapidement. Il tournoya sur place, et sa lame trancha les tentacules, libérant l’apatride.

« À situation désespérée… »

Lance arma une bombe artisanale, et la jeta vers l’escalier. La bombe explosa violemment, et le plafond se fissura alors, de la poussière tombant massivement. Le problème est que la crypte était très instable, et l’explosion aggrava la situation, fissurant violemment et profondément la voûte.

« Vite, abritez-vous ! »

Cahir bondit dans une alcôve, tandis que la voûte s’écroula sur la crypte. Il y eut un terrible éboulement, et les trois quarts de la pièce se retrouvèrent ensevelies sous les débris. Le temps que la poussière retombe, Cahir éternua bruyamment, et écarta des rochers, cherchant un moyen de remonter. Fort heureusement, les débris l’avaient plus ou moins épargné, et il se dirigea vers les autres alcôves, aidant Lance et Shad à ressortir.

Difficile de dire si le cultiste était mort, ou s’il avait le temps de sortir, mais ils en avaient au moins fini avec les ennemis !

« Vous êtes cinglé, Lance !
-  Vous voyiez vraiment une autre solution ? Mais je vais finir par considérer très sérieusement votre option, Shad… Foutre le feu à tout cet endroit. Mais il nous faudrait au moins une vue d’envergure. »

Le trio put enfin sortir de la crypte. Cahir avait perdu la hache du mercenaire, mais possédait toujours son épée. Ils purent enfin rejoindre la porte menant hors de la crypte. Celle-ci était ouverte, et donnait sur une petite pièce avec un escalier qui montait dans les hauteurs.

L’exploration du château allait pouvoir reprendre…

L’explosion ayant eu lieu, la Louve sortie de sous l’alcôve aidée par Cahir en toussotant, chassant rapidement la poussière de sa tenue et des poils de son appendice caudal. Cela faisait déjà deux effondrements au sein de ce château maudit ! Il ne restait plus qu’à l’Apatride de mettre, ou plutôt de retirer sa pierre de l’édifice ! Observant vers le tas de gravats, la Lycane ne pouvait malheureusement confirmer ou infirmer de la mort du Cultiste et de ses odieuses créatures. Mais ; en toute logique, les morts devraient être retournés dans leurs tombes. Dans tous les cas, mieux valait continuer à avancer plutôt que d’attendre une potentielle réponse qui serait bien loin d’être agréable. Le trio monta donc un escalier, poussa une porte et parvint dans une nouvelle aile du château.

Au début, rien d’impressionnant : un long couloir, des tableaux anciens dont certains représentaient le Baron, des portes, pour la plupart fermées. Bien évidemment, ils avaient de quoi forcer pour les ouvrir mais mieux valait éviter d’attirer trop rapidement l’attention, même si, dans le cas échéant, Alexander devait déjà avoir envoyé des troupes à leurs rencontres. Il ne restait plus qu’à savoir combien de temps de répit le trio disposerait. Une porte à moitié entre-ouverte attira l’attention de l’hybride et elle fit part d’un mouvement de menton aux deux hommes. Ouvrant prudemment cette dernière, le trio put constater une sale remplit de diverses fioles, aux contenus plus que douteux et surtout en son centre d’une table en bois composés de quatre sangles et couverte de sang. De nombreux ouvrages étaient disposés sur les étagères dont certains portaient quelques annotations.

« Je n’ose même pas imaginer ce que ses victimes ont dû traverser… »

Nul besoin de l’imaginer, car tout était marqué dans ces petits recueils. Tout y était parfaitement détaillés, jusqu’au moindre détail. La Louve referma le livre qu’elle avait en main et poussa un long soupir de lassitude. Tout ce qu’elle souhaitait en cet instant était de partir loin de ce lieu maudit, malheureusement leur mission était encore loin d’être terminée. Par chance, Lance semblait partager son avis sur le fait d’abandonner leurs tâches et de foutre simplement le feu à cet endroit. Certes, les pertes des innocents seraient considérables mais rien, absolument rien ne pouvait confirmer qu’ils étaient encore vie. Tout comme on pourrait leur reprocher que rien ne garantissait que les prisonniers n’étaient plus. C’était un choix difficile que le trio devrait prendre en compte le moment venu.

« Continuons…J’ose espérer que nous arriverons bientôt aux cellules ; mais je commencer sérieusement à y dou…-La Louve se tut, relevant subitement ses oreilles – merde… »

Des bruits de pas qui s’approchèrent de leurs positions, aucun moyen de sortir de la pièce mise à part la porte qu’ils avaient empruntés. Le répit fut donc de très courte durée. L’Okami indiqua cependant les ouvrages.

« Devrions-nous en prendre un ou deux comme…preuves ? – Elle regarda Lance – tu es celui qui arrivera sans doute le mieux à se faire entendre, nul ne voudrait croire une hybride ou un apatride… »

Quelle qu’elle soit, la décision devra être prise rapidement !

En quittant la crypte, ils se rapprochèrent du laboratoire d’Alexander. Ils rejoignirent une pièce cylindrique comprenant de multiples fioles sur des tables, des bibliothèques remplies de grimoires, et une table d’expérience en bois au centre, avec des sangles ensanglantées. Cahir constata qu’il y avait, sous cette table, des ouvertures, des caniveaux permettant de faire circuler le sang. Le sang avait manifestement beaucoup coulé sur cette table, car les tâches avaient imprégné le bois, donnant ici et là des teintes rougeâtres. Les sangles étaient usées à force d’avoir dû être tirées par les malheureux prisonniers attachés ici, faisant office de cobayes. En ouvrant un placard, Cahir nota de multiples instruments chirurgicaux et outils de torture. Des scalpels, des marteaux, des outils de bricolage… Il referma le placard, réfléchissant encore à l’idée de Shad d’incendier les lieux. C’était en théorie une bonne idée, mais, en pratique… Incendier un château n’était pas si simple ! Brennenburg était de plus une forteresse assez vaste, s’enfonçant dans les profondeurs. Comment enflammer cet endroit ? Il fallait trouver une zone faible, un point d’où l’incendie partirait. La charpente de la structure centrale du château semblait être la meilleure idée, mais comment la rejoindre ? Depuis le début de leur progression ici, les deux avançaient à l’aveugle, et ce n’était pas Lance qui allait arranger les choses.

Cahir se rapprocha ensuite des grimoires. Pour l’essentiel, des notes de recherches, des carnets remplis d’observations techniques ou pseudo-scientifiques. L’apatride tourna quelques pages, sans s’intéresser davantage à ce verbiage.

« Nous approchons du cœur de la bête…
-  La pyramide que vous avez mentionné ?
-  Peut-être… Je pense que c’est dans ce secteur qu’ils transforment leurs prisonniers en monstres. »

Lance observait également les alentours, lorsque Shad, avec son ouïe fine, perçut des bruits qui se rapprochaient. Shad suggéra d’emprunter des livres comme preuves. Lance haussa les épaules.

« Je ne préfère pas. Les Mijakiens pourraient utiliser ses recherches. Je suis un chevalier mijakien, Shad, mais je sais pour qui je travaille. »

Cahir ne pouvait pas nier cela. Alexander Brennenburg était un dément, mais il avait réussi à créer des mutagènes terriblement efficaces. Si le secret de sa formule se trouvait ici, alors il ne fallait rien conserver.

« On doit tout brûler, acquiesça Lance. Qu’il ne reste aucune trace des recherches et des expériences de ce malade.
-  C’est aussi ma position. »

Ils se déplacèrent alors, et Lance tâtonna dans un coin.

« Je me suis renseigné sur ce château, il abrite beaucoup de passages secrets. Si je me fie aux plans que j’ai observé et aux témoignages que j’ai regroupé… »

Lance appuya alors sur un bouton, et un pan de mur s’ouvrit alors sur un angle de 90°, leur offrant un passage. Cahir sourit devant ce vieux stratagème, si caractéristique des vieux châteaux. Ils filèrent tous les trois dans un étroit couloir, et, peu de temps après, la porte s’ouvrit. Plusieurs hommes armés firent irruption.

« Ce putain de château tombe en ruines !
-  Les intrus sont sûrement morts.
-  Le Baron veut leurs cadavres !
-  Tu crois que je vais aller explorer les gravats ? Toute la zone est trop instable ! J’en ai ma claque de cet endroit maudit, Wilhelm n’aurait jamais dû accepter !
-  Tu voulais vraiment qu’il refuse l’offre de John Farson ? Tu te souviens de ce qui est arrivé à la bande d’Eagleton quand leur chef a refusé ?
-  Je ne dors plus ici ! Tous ces prisonniers, tous ces monstres qui nous regardent… Wilhelm est planqué dans la Calla, c’est facile pour lui ! Je vous le dis, les mecs, il faut qu’on sorte de cet endroit avant de finir dans les cages !
-  On dit que les villageois vont se révolter…
-  Vivement qu’on aille les corriger, cela me permettra de sortir d’ici ! »

Une autre porte se referma. La patrouille venait de passer. Cahir resta pensif en se remémorant ce qu’ils venaient de dire.

« Ils prévoient d’attaquer le village ?
-  Raison de plus de se hâter.
-  Tout cela ne me dit rien qui vaille… »

Pour l’heure, les ennemis les présumaient morts… Ils avaient donc intérêt à profiter de cela pour s’infiltrer dans le château prudemment.

Bénis soient les vieux châteaux et leurs passages secrets ! L’un d’entre eux avait en effet éviter au trio de se retrouver devant un groupe de mercenaires armés. Mais plus que tout, ils avaient pu entendre que leurs poursuivants les penser morts, sans doute ensevelis dans les gravats lors de l’explosion de la crypte. Et n’oublions pas le fait qu’ils venaient de mentionner un nouveau nom ! John Farson. La Lycane n’avait pas la moindre idée de qui pouvait bien être cet individu, un noble peut-être ? Elle se tourna donc vers les deux chevaliers.

« John Farson, cela vous dit quelque chose peut-être ? Il semblerait que cet homme soit aussi lié à toute cette histoire et j’ai bien peur que nous en découvririons également d’autres… »

La Monarchie de la Rose possédait réellement bons nombres de membres ! C’était à croire que n’importe qui pouvait en faire partie, et principalement ceux de la haute société. Comment ne pas devenir paranoïaque à force ? Comment réussir à faire confiance au moindre inconnu ? La Louve soupira : maudite soit cette organisation servant les Grands Anciens ! Elle n’arrivait également pas à comprendre comment des êtres sains d’esprits pouvaient décider de leurs propres chefs de la rejoindre.  En songeant à cela, elle se remémora d’autres paroles des mercenaires :

« La Calla…Ils ont parlés du fait que Wilheim devrait s’y trouver ; je pense que nous avons une future destination dès que nous en aurons terminé ici…Quant au village qu’ils projettent d’attaquer, si tous brûlent avec le château, nous n’aurons pas à nous en soucier. »

Une réflexion logique en soit. Comment un raid sur un village pouvait avoir lieu s’il n’y avait pas assez d’attaquants ? La Louve observa les ouvrages dans la salle ; invoqua une petite flammèche au sommet de son index avant de la révoquer :

« Mieux vaut garder ce lieu intact pour le moment s’ils nous croient morts…Lance vous avez le plus connaissance des passages secrets de ce château, mieux vaut que ce soit vous qui ouvriez la voie. »

La prudence allait être de mise pour ne pas être vus ! Mais le trio s’en sortie miraculeusement bien ! Avançant avec prudence, passant par des vieux passages secrets miteux, ils progressèrent.  Par chance les mercenaires n’avaient pas leurs langues dans leurs poches, et diverses informations pouvaient être apprises, notamment sur la position des prisonniers ! Peu à peu, ils arrivèrent aux niveaux des cellules, du moins ces dernières se trouvaient en contrebas d’un escalier en colimaçon. De faibles plaintes arrivaient aux oreilles de la Louve tout comme d’autres sons : Des bruits de bottes et de clés d’un homme faisant une ronde et d’autres plus…indéchiffrables. Ils venaient de « presque » atteindre leurs objectifs, mais la partie était encore loin d’être gagnée ! Elle murmura à voix basse :

« Bien…et à présent ? Ces prisonniers ne sont pas seuls et il n’y a pas que de l’humain là-bas… »

Bonne nouvelle pour une fois, ils ne risquaient pas d’être surpris !

« Je ne te savais pas si pyromane, Shad… En tout cas, tu fais une fixation sur le fait de tout cramer !
-  Ce n’est pas une mauvaise idée en soi, mais nous manquons d’éléments pour ça. »

Il fallait avoir une vue d’ensemble, ce qui impliquait donc de trouver la sortie. Shad était toutefois curieuse au sujet de l’identité de John Farson, et demanda à Lance ce qu’il en savait. Celui-ci, qui menait la marche, lui répondit lorsqu’il se fut assuré que la zone était sûre. Ils quittèrent au passage la pièce pour rejoindre des couloirs assez hauts de plafond, avec des lustres qui remuaient lentement, et de grandes fenêtres permettant de voir une nuit sombre, sinistre, dangereuse.

« Farson est l’un des leaders de la Monarchie… L’Homme-De-Bien, comme certains le surnomment. Mais il n’y a rien de bon en lui. C’est un être cruel et violent, à la tête de l’Affiliation, le bras armé de la Monarchie. Un conglomérat de clans, de bandes, de criminels notoires qui ont rejoint l’Affiliation. Brahmin était l’un des lieutenants de Farson avant sa mort, et Wilhelm a récupéré les anciennes activités de ce criminel. Farson est recherché aussi bien par les autorités mijakiennes que luméennes. C’est un homme extrêmement dangereux.
-  Et la Monarchie est si influente que ça ?
-  À votre avis ? La Monarchie a provoqué l’éradication du premier royaume humain. Elle est responsable de la Chute de l’Eld, et elle a manipulé les puissances luméennes et mijakiennes pour relancer le conflit. Et leurs mages et alchimistes s’amusent visiblement à créer des monstres… J’ignore les objectifs de cette organisation, mais tout laisse à croire qu’elle est une résurgence des Grands Anciens. »

Cahir resta silencieux. Lance s’était bien renseigné, et la situation n’avait fait que s’aggraver. Avec la Chute de l’Eld et la guerre, la Monarchie disposait d’énormes landes de territoire pour développer continuellement son influence. Les États avaient bien trop négligé cette puissance, qui avait grandi dans l’ombre, évoluant comme une cellule cancéreuse qui avait peu à peu rongé l’espace autour d’elle. Brennenburg était au cœur du réseau de l’Affiliation, dont la principale activité consistait à capturer et à séquestrer des gens, en faisant ensuite des mutants ou des proies pour la Machine, récoltant leur sang pour alimenter leurs sinistres constructions.

Le trio finit par se rapprocher des cellules. Étrangement, les monstres semblaient avoir déserté le château, au profit des mercenaires de Wilhelm. Ils arrivèrent dans les anciennes geôles du château, une série de couloirs sombres avec des cages rouillées, proches de la cour centrale où tous les prisonniers avaient été regroupés.

« Les cellules sont proches des laboratoires… Ces gens qui ont été enfermés ici avaient pour but de servir d’expériences…
-  Ces types sont des ordures.
-  Je ne vous le fais pas dire, Cahir. »

Ils suivirent un garde qui grimpa des marches, rejoignant un agréable bureau avec un feu brûlant dans la cheminée, et des bibliothèques bien remplies.

« Cet enfoiré de Wilhelm se met bien…
-  Gnnn…
-  Oh, tu es toujours en vie, toi ? »

Le gredin ricana grassement. Lance se rapprochait lentement, tenant une dague à la main, et fit son office. Il bondit sur l’ennemi, et posa sa main sur sa bouche, tout en plantant sa dague dans son cou. Le sang fusa rapidement, tandis que les yeux du gardien s’écarquillèrent, et il s’effondra au sol. En entrant, Cahir déglutit en voyant le corps sanguinolent d’une femme aux longs cheveux bruns attaché sur une croix de Saint-André. On aurait pu croire que Wilhelm l’aurait violé, mais…

« Seigneur… »

Elle avait été rouée de coups, scarifiée… Wilhelm lui avait arraché les yeux et la langue, et avait ensuite pris grand-soin de la dépecer, découpant sa chair. Des flancs à vif apparaissaient. Elle avait été torturée longuement, sadiquement, dans le but de l’épargner, devant un pervers qui devait la regarder chaque soir.

« On ne peut plus rien faire pour elle.
-  Gnnn-gnnnnn… »

Lance se rapprocha d’elle, et, la mort dans l’âme, l’acheva. Elle émit un faible gémissement, et il la détacha ensuite. Son corps amaigri, cadavérique, s’effondra sur le sol, couvert de poussière, d’hématomes, de griffures et de morsures. Cahir s’efforçait de devoir conserver son calme, et se rapprocha du bureau de Wilhelm. Des notes avaient été éparpillées ici et là. Il trouva notamment un registre, où il nota toute une série de noms avec des matricules, et des affectations à deux services : « Cobaye », ou « Porc ».

« Les premiers sont transformés en monstres, les seconds…
-  Scarifiés. Ils sont maintenus en vie et se vident continuellement de leur sang pour abreuver la Machine.
-  Cela n’a pas de sens, la Machine a été détruite à Lumen ! »

Lance resta silencieux, très grave, peinant à observer le corps massacré de la femme qui avait servi de victime pour Wilhelm.

« Vous n’avez jamais envisagé que la Machine de Lumen puisse être un prototype ? Qu’une autre Machine puisse avoir été créée ? Il n’y a pas assez de place au château pour tous ces prisonniers, ceux considérés comme des porcs devaient être emmenés ailleurs…
-  On doit garder ça, il y a peut-être des indices, des informations sur le réseau de l’Affiliation. Toutes les crapules qui ont participé à ce trafic… Aucune ne mérite de vivre. Ce qu’ils font, c’est… C’est un trafic de mort. Des gens ramenés à plus bas que des animaux, dont la seule fonctionnalité est de mourir pour alimenter une odieuse mécanique. Ce… Cela défie l’entendement. »

Cahir était vraiment ébranlé. Le degré de folie transpirant de ce château dépassait ce qu’il pouvait imaginer. Toute la finalité de l’Affiliation n’était pas de s’enrichir, ni de conquérir, de dominer des territoires, ou même de concevoir des harems géants… C’était la mort. Une immense organisation entièrement destinée à un but, à une seule fonction, détruire, rabaisser, briser, et tuer des individus innocents.

« Jusqu’où est-ce que cela peut remonter ?
-  Vous le savez aussi bien mieux que moi, Cahir. Ces gens sont aussi puissants que déments. Le Conseil Impérial lui-même est impliqué. Estimez-vous heureux de n’avoir été qu’exilé. Vous auriez pu finir comme cobaye dans les livres de compte de ce tortionnaire. »

Pendant de longues minutes, la Louve avait gardé le silence, écoutant simplement les explications de Lance et découvrant en même temps que Cahir et lui, la pauvre femme qui fut sournoisement torturée. Elle la fixa quelques instants, sachant pertinemment que cette malheureuse était loin d’être la seule à avoir connu tel châtiment. Quand la Machine de Lumen fut évoquée et que Lance suggéra le fait que d’autres Machines existaient, la Louve ne put qu’hocher la tête en guise d’affirmation.

« Ce que dis Lance est vrai Cahir. Lumen n’était qu’un prototype, d’autres Machines existent et ont la même fonction…quant à savoir où se trouve la véritable Machine. Même si celle-ci atteint déjà un beau niveau question horreur, je doute que ce soit la vraie. Nous ne faisons face qu’à un autre prototype, plus élaboré que celui de Lumen mais servant le même sombre dessein… »

Un dessein morbide qu’avait parfaitement décrit l’Apatride. Réagit par une organisation qui ne semblait avoir aucune limite.  Il était en effet fort surprenant de savoir que Cahir ne fut guère envoyé dans les geôles de Brennenburg afin de servir à son tour de cobaye ou de réserve de sang. Une chance inopinée quand on découvrait les horreurs de ces lieux. La Lycane observa à nouveau le corps meurtri de la jeune femme, n’osant imaginer les souffrances par lesquelles elle était passée, souffrance dont ce fou de Wilheim s’était délecté.

« Prototype ou pas, nous devons arrêter cette Machine par tous les moyens, cela n’arrêtera pas l’Affilation, mais nous les ralentirons. Malheureusement, je pense que nous arrivons bien trop tard pour les prisonniers, vous l’avez noté tous comme moi…les cellules sont vides. Et aussi égoïste que cela puisse paraître, je ne compte pas traîner dans ce foutu château à la recherche de potentiels survivants qui, en d’autres temps, m’auraient allégrement craché à la figure. »

Une lueur de détermination luisait dans les yeux de l’Hybride qui regardait les deux hommes faces à elle. Oui, ses mots pouvaient paraître cruels, mais ils étaient emprunts de vérité. Le trio ne pouvait aisément pas se permettre de crapahuter dans ces sombres couloirs à la recherche de potentiels survivants ; surtout que pour l’heure, ils étaient encore considérés comme morts. Une chance inespérée qu’il fallait préserver.

« Nous pourrions toujours sauver ceux que nous croiserons mais notre objectif principal à présent est d’arrêter cette folie et de détruire ce lieu. Et pour cela, nous aurons besoin de plan détaillé afin de savoir avec précision où frapper. Sans oublier de garder des preuves des horreurs qui se sont passées ici. Mais encore faudra t’il les montrer à des personnes de confiances… »

Et surtout ne pas en faire part à un membre de l’Affilation qui viendrait à détruire ces dites preuves ! La Lycane posa cependant une dernière question :

« A votre avis, devrions-nous, nous concentrer sur la recherche du plan et la destruction de cet endroit ou bien continuer ce qui était prévu à la base et ouvrir les portes aux hommes attendant à l’extérieur aux risques de les envoyer vers une mort certaine en présence de tous ces monstres ? »

Car oui, il ne fallait pas oublier qu’une troupe armée attendait de pouvoir pénétrer l’enceinte du château !

Ces gens étaient fous. Cahir en avait l’absolue certitude, et il ne savait plus vraiment où se mettre. Comment pouvait-on commettre de telles atrocités envers d’autres êtres humains ? Ce château infernal sentait le mal incarné, un vice profond et terrible. Le baron du château avait perdu la raison. Shad confirma toutefois que ce lieu abritait une « Machine », comme celle de Lumen. Cahir fronça les sourcils à l’évocation de cet épisode.

« J’avais entendu parler d’incidents à Lumen… Mais j’ignorai que c’était vrai. Une nuit d’émeutes où certains affirmaient que des monstres hybrides avaient attaqué les habitants, avant qu’une explosion n’ait lieu dans les bas-fonds. Tout ça… C’était vrai ? »

Shad ne put que confirmer, et indiqua qu’il faudrait donner les informations obtenues ici à des personnes de confiance.

« À ce stade, on ne peut même plus faire confiance au Conseil Impérial… L’Affiliation est une organisation dangereuse, mais je ne pouvais l’imaginer si puissante. Honnêtement, j’imagine mal une telle organisation pouvoir grossir à ce point sans un soutien haut placé des autorités impériales.
-  Alors, à qui se fier ? Les autorités luméennes sont probablement tout autant corrompues, et, de toute manière, je ne pense pas que la Reine de Lumen ait la quelconque autorité ici, en plein territoire mijakien. »

Lance ne put qu’acquiescer, et se massa nerveusement l’arrière du crâne. Shad proposa de revoir leur plan de bataille, et en tout cas de ne plus espérer pour les prisonniers.

« La finalité a toujours été de détruire ce château, Shad. Mais comment veux-tu que nous fassions à trois, contre une armée entière de monstres et de mercenaires ? Nous avons des renforts de l’autre côté, c’est la seule chance que nous ayons. De plus, maintenant que les occupants de ce lieu maudit nous croient morts…
-  Je doute cependant que tous les prisonniers soient morts. Il y en avait beaucoup quand nous avons été dans la prison. Si on les libère, cela permettra aussi de faire diversion.
-  Ou alors, on se fera prendre en tentant de les sauver.
-  Avec une telle agitation, je doute que les portes du château soient faciles à ouvrir.
-  Alors, nous n’avons pas le choix… Vous connaissez ce château mieux que moi, vous vous rendrez plus facilement aux portes. Je me charge de libérer les prisonniers. »

Cahir n’aimait pas l’idée de devoir se séparer, mais il fallait bien admettre que leurs options étaient plutôt limitées.

« Mais, sans vous, les villageois vont quand même attaquer ?
-  Ils sont déjà en position, objecta Lance, ils attendent juste que le pont-levis s’abaisse. Enfin, bien sûr, si vous avez une meilleure idée pour détruire à trois ce château, je reste attentif, mais, en attendant, je ne vois que ça. »

« La véritable difficulté ne sera pas de détruire l’extérieur de ce maudit bâtiment mais bien ce qu’il renferme dans ses tréfonds… »
Détruire la Machine, voilà ce qui était le plus important. Et la Louve ne comptait nullement partir de ce lugubre endroit sans avoir l’assurance qu’elle soit parfaitement détruite, mise hors service. Elle soupira cependant en regardant Lance et Cahir :

« Va pour essayer de trouver les prisonniers, Lance j’espère que vous ne vous ferez pas avoir par ces monstres et si vous trouvait un plan des fondations de ce château ; cela pourrait s’avérer fort utile…– elle se tourna vers l’Apatride – Allons ouvrir les portes. »

Le seul point positif était leur supposée mort. Bien que cette couverture risquait de sauter à l’instant même où l’un d’eux serait repéré, pour l’heure, elle leur permettait de se mouvoir un peu plus librement au sein du bâtiment ; aucun monstre en particulier étant sur leur trace. Une aubaine que l’Hybride et l’Apatride mirent à contribution afin d’évoluer rapidement à travers les différents couloirs. Un frisson parcourait de temps à autre l’échine de l’Okami, comme une sensation d’être observée et pourtant…il n’y avait personne, pas la moindre âme. Mais après les horreurs dont ils avaient été témoins, pouvaient-ils seulement affirmer qu’ils étaient bels et biens seuls ? La Louve ne préférait pas penser à cette lugubre éventualité et accéléra au contraire le pas. Le duo repassa ainsi dans différentes pièces déjà visitées, où rien de particulier était à découvrir, il remonta également un escalier en colimaçon, et s’arrêta près d’une fenêtre qui donnait un petit aperçu sur l’extérieur.

« Maudite brume…On n’y voit rien, j’ai l’impression de voir de l’agitation mais, ce n’est peut-être que mon imagination… »

Pourtant en se concentrant, la Louve avait effectivement l’impression que la cour extérieure était parsemée de créatures en tout genre. Une brume épaisse empêchait de parfaitement se faire une idée et d’épais nuages noirs s’amoncelaient, réduisant encore plus la luminosité générée par le clair de lune.

« Au moins on pourrait partir sur le fait qu’ils ne nous voient pas également mais…ce serait bien trop risqué, les hommes porcs ont un odorat particulièrement bien développé. »

Que faire ? La queue de l’Hybride s’agita nerveusement, cette dernière cherchant une solution censée et pourtant à chaque idée, elle se heurtait à une opposition qui lui faisait revoir ses plans. A part une, ou il n’y avait pas réellement de plans :

« A moins que tu ais une idée Cahir, la seule que je vois c’est que l’un de nous sert d’appât pendant que l’autre ouvre les portes. »

Tout en prenant conscience que même celui qui irait ouvrir les portes, ne serait pas « tranquille » pour autant ! Elle continua cependant à fixer l’extérieur, cherchant une autre solution, notant la présence d’un bâtiment non loin de l’emplacement potentielle de la fameuse porte.

« On aura toujours recourt à celui qui fait diversion mais si on peut sortir par là ; on aura peut-être plus de chance de ne pas être tout de suite reperés. »

Mais au ton de la voix de l’Okami, elle en doutait fortement !

Ils se séparèrent donc. Lance allait se charger de libérer les prisonniers, tandis que Shad et Cahir ouvriraient le corps d’enceinte du fort. Honnêtement, Cahir n’aimait pas trop ça. C’était un plan risqué, très incertain, et qui nécessitait de se faire mutuellement confiance. Certes, il n’avait aucune raison de douter de Lance, sans qui ils seraient morts dans les mines du château, mais tout de même… L’apatride savait toutefois que le temps leur était compté, et le duo s’aventura donc dans les parties plus habitables du château. Ils ne croisèrent personne en s’avançant à travers les couloirs. Ces parties étaient habitées, mais les hommes-porcs devaient plutôt se trouver dans les profondeurs du château, autour de la prison ou du laboratoire du Baron.  Celui-ci avait dû laisser les autres parties aux mercenaires de Wilhelm. Mais, comme une bonne partie de la bande étaient partis vers la Calla, cela leur laissait le champ libre.

Ils s’éloignèrent des couloirs donnant sur l’extérieur du fort pour rejoindre une porte menant au mur d’enceinte. Une fenêtre leur permit de voir l’intérieur de la cour, très sombre. Rien de particulier à dire, mais Shad soupçonna vite que la cour devait être remplie d’hommes-porcs. Effectivement, Cahir pouvait discerner quelques silhouettes qui avançaient. Comment les passer ? Le problème était que ces créatures pourraient les repérer à l’odeur.

« Il faudrait brûler quelque chose, tu as toujours tes boules de feu, non ? »

La cour intérieure d’un château était traditionnellement un lieu de vie. Ces endroits avaient été pensés pour regrouper des villageois, et formaient la partie civile d’un fort. Il n’était pas rare que certains châteaux-forts très grands abritent toute une ville. L’idée était d’offrir un refuge aux villageois des environs quand des envahisseurs assiégeaient la région. Cahir, suivant cette idée, ouvrit la porte à côté. Elle donnait sur un mur d’enceinte, ce qui leur permit d’aller dehors. Un vent frais les saisit. La nuit était bien avancée, et, en respirant cette bouffée d’air frais, Cahir sentit malgré tout un frisson le traverser. Enfin dehors !

Sur sa gauche, il voyait la forêt s’étaler à perte de vue. Aux pieds du château, il y avait des douves et d’énormes pics de bois destinés à protéger le château d’attaquants. Sur la droite, il y avait la cour commune. Aucun garde sur le mur d’enceinte, et Cahir descendit rapidement par un escalier en pierre, rejoignant la cour centrale. Elle était boueuse, sombre, avec quelques lanternes qui oscillaient sur d’antiques poteaux. Pour l’heure, aucun garde ni monstre à proximité. Cahir nota rapidement la présence de nombreux appentis et entrepôts, servant autant à stocker du matériel que des fournitures.

« Avec un peu de chance, l’un de ces entrepôts abrite des stocks de bois qu’on pourra brûler… Je ne vois pas meilleure diversion ! »

Et cela leur laisserait ensuite le temps de filer vers le corps de garde et d’ouvrir le château.

« Faire diversion par les flammes ? Ma foi, pourquoi pas ? Mais prends garde à la fumée… »

Car cette dernière pouvait se révéler aussi dangereuse que les flammes dont elle émanait. Il ne leur restait plus qu’à trouver un combustible et par chance la cour du château regorgeait de quelques entrepôts qui n’attendaient qu’à être brûlés. Malheureusement en levant la tête vers le ciel, la Louve put noter la présence d’épais nuages noirs qui s’amoncelaient, annonciateur d’un orage qui ne devrait pas tarder à éclater. Le temps leur était donc compter et Shad ne put réprimer un léger frisson.

« Je vais y mettre le feu, tâchons à ne pas devoir nous battre dans l’immédiat et espérer que la tempête ne se déclenche pas tout de suite… Tiens-toi prêt Cahir… »

Elle attendit cependant qu’il lui donne le feu vert avant de lancer dans plusieurs entrepôts et acabit des filaments de flammes. Des sorts à l’apparence anodine mais qui provoquèrent bien vite l’effet escompté : Celui de provoquer un incendie. Au début à l’apparence inoffensive, ces petites flammes finirent par se transformer en véritable brasier, « mangeant » le bois des constructions, brûlant la paille. Certes certains incendies furent pris à la racine et n’eurent pas réellement le temps de se développer, mais ce ne fut pas le cas pour tous et bien vite, le ciel pris une tournure orangée.  Profitant de la panique et du couvert de la fumée, aussi bien visuelle qu’olfactive, le duo avança vers les portes. Une imposante porte massive en bois demandant l’aide de plusieurs personnes pour être ouverte. Un loisir dont ni Cahir ni Shad pouvait se permettre.

« Gardes mes arrières Cahir ! Je vais ouvrir cette foutue porte ! »

Malgré tout, des hommes-porcs devraient finir par les voir, surtout en notant la présence des corps sur le sol. Des gardes qui avaient croisés la route de l’Apatride et de l’Hybrides et qui étaient tombés sous leurs coups tandis qu’ils progressaient vers la porte. Posant ses deux mains à plat sur l’imposante porte, la Louve fit jaillir des flammes qui se mirent à consumer aussi bien le bois que l’acier. Une imposante flamme se forma dans la nuit et eut en même temps également pour effet d’attirer encore plus l’attention sur cet emplacement. Cahir allait donc devoir rapidement faire face à des adversaires de toute sorte, tandis que derrière la porte, les troupes attendaient qu’une brèche soit créée. Une brèche qui finit par arriver quand un imposant trou fut formé au centre de la porte.

Ce fut également à cet instant que l’orage décida d’éclater, la foudre frappant pile à l’endroit des douves, faisant sursauter l’hybride qui vint à plaquer ses mains contre ses oreilles, légèrement tremblante :

« Pu…pu..tain ! »

Elle resta stoïque quelques secondes, faisant fit des troupes qui passaient à ses côtés afin de venir attaquer les hommes de Brennenbourg. Elle se tourna par la suite vers l’intérieur de la Cour et eut un moment d’hésitation : Pourquoi rester ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas partir de cet endroit de malheur ? C’est quand son regard croisa celui d’un homme porc que la réponse vint d’elle-même : Cet endroit devait être détruit !