The Multiversity

Visiblement, le sérieux n’était toujours pas au rendez-vous avec Benjamin. Mais, après tout, peut-être était-ce sa manière de dédramatiser ? La situation était après tout dangereuse. Ils étaient sur une planète hostile, dans une cité ancestrale, et étaient sur les traces d’une ancienne colonie humaine qui avait de toute évidence disparu. Jessica n’avait pas non plus oublié les Nécromorphes qu’elle avait affronté dans le lac gelé. Quand Benjamin proposa de se baigner, Jessica soupira, ayant définitivement l’impression d’avoir affaire à un garçon dans le corps d’un adulte.

*Je crois qu’il y a un super-héros qui fonctionne comme ça… C’est peut-être le cas pour lui ? Ça expliquerait bien des choses…*

Elle se retourna vers lui, et secoua la tête.

« Vous êtes sérieux, là ? Vous l’ignorez sans doute, mais, pendant que vous vous la couliez douce avec vos taupes, j’ai été attaquée par des Nécromorphes sur ce putain de caillou. Nous ne sommes pas en lieu sûr, Benjamin, et cette cité me fiche vraiment la frousse ! On dirait un décor de film d’horreur ! »

Jessica soupira encore, puis revint ensuite sur l’observation de Benjamin :

« La Yutani Space Corporation est une ancienne compagnie japonaise, en effet, qui a fusionné avec la compagnie Weyland Industries. La Weyland – Yutani Corporation est une mégacorporation située dans un autre univers. Ce vaisseau dans lequel on était appartenait aussi à la Yutani Space Corporation, ce qui laisse supposer que cette colonie humaine est abandonnée depuis longtemps… Et que l’expédition provient sûrement d’un autre univers. Cela n’est pas si surprenant que ça, cette planète… Les interférences que j’ai ressenties doivent aussi perturber les voyages spatiaux supraluminiques. »

Ce fut à ce moment que l’Anneau choisit de sortir son glossaire :

« POUR VOYAGER D’UN POINT À L’AUTRE DE L’UNIVERS, IL EST NÉCESSAIRE DE PERCER LE VOILE DE LA RÉALITÉ, DE FAIRE UN SAUT INTERDIMENSIONNEL QUI PERMET DE REJOINDRE LE POINT DE DESTINATION. POUR CELA, ON UTILISE LES TACHYONS, DES NANOPARTICULES COMPLEXES QUI PERMETTENT DE SE TÉLÉPORTER EN UTILISANT LES FLUCTUATIONS DU MULTIVERS. VOYEZ CELA COMME UNE SORTE DE RICOCHET DANS LES DIMENSIONS. C’EST FINALEMENT LE MÊME PROCÉDÉ, DANS L’ESPRIT, QUE LE FAIT D’ALLER DANS L’ESPACE POUR FAIRE PLUS RAPIDEMENT LE TOUR D’UNE PLANÈTE. »

Tout ça semblait parfaitement logique, mais Jessica n’était pas sûre que cela puisse passionner longtemps Benjamin. Jessica suivit les câbles de la colonie, et s’aventura dans un grand couloir ovale avec des arches qui faisaient tout le tour. Un couloir large, qui avait sans doute été pensé pour de grandes espèces capables de léviter. Les câbles jaunes filaient au loin.

« Mon Anneau est chargé, je peux redémarrer ces générateurs. »

Elle se retourna vers le générateur, et projeta un rayon d’énergie. Le générateur cracha des éclairs, puis se mit en marche, éclairant des lampes installées le long du chemin des câbles. Ces câbles menaient à une plateforme devant une épaisse porte condamnée. Les câbles s’arrêtaient là. À droite et à gauche, l’espace était ouvert, mais donnait sur un large couloir circulaire qui faisait le tour. Des murs épais, avec seulement cette porte. Jessica généra un laser avec son Anneau, mais, quand elle commença à trancher la porte, celle-ci, visiblement organique, se reconstitua instantanément.

« Hum… »

Il y avait un antique camp de recherches devant la porte, avec un ordinateur et plusieurs écrans. Jessica l’alluma, et tomba sur le journal de bord de l’un des chercheurs.

Journal du Dr Ashley Grant
Entrée N°708

Nous n’arrivons toujours pas à ouvrir cette porte. Elle est visiblement au cœur de cette cité – Xénopolis. Nous n’arrivons pas à déchiffrer les inscriptions sur cette porte, et toutes nos tentatives de l’ouvrir ont été vaines. Cette porte se reconstitue, elle a été pensée pour être inviolable. Cette cité est fascinante.  Ceux qui l’habitaient ont tous disparu, et se sont réfugiés ici, sans doute pour fuir la période de glaciation précoce qui a recouvert cette planète. Du peu que nous avons traduit, il s’agit de leur Sanctuaire. J’espérais pouvoir l’ouvrir avant de retourner à la ville, mais nos générateurs sont épuisés, et il y a eu trop d’incidents. Même moi, je commence à avoir des migraines carabinées, et des nuits difficiles. Les gars se disputent de plus en plus, et jurent entendre des voix la nuit. On dit que cette ville est hantée. Un point de vue qui n’est guère scientifique, mais il faut se rendre à l’évidence. Demain, nous rentrerons à la colonie, et nous essaierons à nouveau de contacter la compagnie, si les tempêtes ont enfin cessé.

Jessica soupira lentement. C’était la dernière entrée du registre.

« Je n’aime pas ça, j’ai l’impression qu’on nous épie en permanence… On devrait retrouver leur ville, non ? »

Donc il n’y aurait pas de baignade. Benjamin laissa échapper un petit soupir. Surtout quand la très sérieuse Jessica se vit vite seconder par son anneau. Le duo du porteur et du porté lui donnait la désagréable impression de traîner avec l’intello de la classe qui ne jurait que par ses notes excellentes. Et elle ? Probablement qu’elle avait l’impression d’être avec le rigolo qui ne pensait qu’à prendre du bon temps. Ce qui, pensa Benjamin, n’était pas tout à fait faux. Dans un univers (multivers !) complètement absurde où rien n’avait de sens ? Ça ne lui paraissait pas un mode de vie si aberrant que ça.

Benjamin n’écouta donc rien, croisa les bras et observa tout ce qui s’ensuivit. L’alimentation des services endormis. La tentative de découpage d’une porte organique. La lecture de la dernière entrée d’une femme inconnue. Et la tentative de stratégie de Jessica.

Et encore une fois, Benjamin n’ajouta rien quand elle proposa de retrouver cette ville. Lui s’était rapproché de la « bioporte » et l’observait.

« Je n’en sais rien. »

Il avait fini par lâcher ça avant que le silence devienne vraiment insoutenable.

« Une planète ravagée par des tempêtes glacées. Ou alors des souterrains dignes d’un film d’horreur où notre espérance de vie n’excèdera pas une heure trente. Euh, par rapport à la durée moyenne d’un film, je dis ça. »

Benjamin se rapprocha de Jessica. Son visage avait définitivement retrouvé son sérieux.

« Tu te souviens de Biotech ? L’alien qui ressemble à un slime croisé avec un ordinateur ? Sous cette forme, je suis quasiment certain de pouvoir renverser les barrières et mécaniques et organiques de cette porte. Partir en exploration de cette Eglise ou je ne sais plus quel nom religieux, ne me dérange pas. Ce n’est pas la première fois que je me retrouve dans un bourbier flippant et ce ne sera pas la dernière non plus. Non. Par contre, ce qui me dérange, ce sont les maux de tête, ton impression d’être épier et tout ce bordel. Je me ferais bien un chapeau d’alu pour me protéger le crâne mais, de un, on n’a pas ce genre de matériel avec nous. De deux, tu croirais encore à des enfantillages. »

Il retourna devant la porte. Il venait d’avoir une idée. Une sorte de combinaison parfaite entre une porte vivante et un danger niché dans les ondes.

« J’ai un alien du nom de Spectral en stock. Une sorte de fantôme capable de faire jaillir des tentacules de ses viscères pour attaquer au besoin. Je pourrais passer au-delà de cette porte. Investiguer sans craindre ce qui se tapie dans l’invisible. Je suis convaincu que c’est la forme parfaite pour de l’exploration et cette ambiance film d’horreur. Le problème, c’est qu’il est flippant. Et qu’il soit déjà arrivé que cette forme prenne le contrôle alors que ce ne devrait juste être qu’une transformation comme une autre. »

Finalement, il plongea ses mains danses poches et lui fit son sourire un brin énervant de « badboy charmeur ». Cette sorte de militaire efficace mais bien trop rebelle pour être contrôlable et malléable.

« C’est toi la cheffe, cheffe. Tu me dis ce que tu préfères et je m’exécute. »

Face à cette porte, Jessica était partagée. Si cette porte était si solide, c’était bien pour empêcher quelque chose d’en sortir, non ? D’un autre côté, qu’est-ce qui pouvait être encore plus effrayant que tout ce qu’elle avait déjà vu jusqu’ici ? Benjamin avait un plan pour pénétrer à l’intérieur, prendre une forme spectrale, qui lui permettrait de passer à travers la porte.

Jessica étudia quelques instants la proposition.

« Vous vous jetteriez tête baissée là-dedans sans savoir ce qu’il y a de l’autre côté ? Vous serez tout seul, Benjamin, je ne peux pas rentrer. »

Elle pouvait utiliser des explosifs très puissants, mais ce serait prendre le risque de faire s’effondrer toute la structure globale, et de finir ensevelie sous les gravats… Soit une perspective peu enviable. Benjamin était néanmoins sûr de son fait. Jessica, qui avait déjà pu constater que l’homme était une tête brûlée en manque de reconnaissance, le laissa donc faire.

Jessica s’éloigna un peu de la porte, en cas d’attaque hostile de celle-ci. Elle n’était pas sûre que Benjamin puisse passer à travers, car la porte semblait disposée d’un mécanisme de protection très efficace. Elle grimaça en le voyant se transformer, puis il se rapprocha de la porte..

…La porte s’illumina alors, et les tentacules organiques prirent une teinte blanche, tandis qu’une épaisse de force repoussait Benjamin. L’onde de choc s’intensifia, jusqu’à produire une sorte d’explosion, et Benjamin se retrouva au sol, ayant repris sa forme normale aussi rapidement qu’il l’avait quitté.

L’Anneau commenta alors :

« CETTE PORTE A ÉTÉ PROTÉGÉE CONTRE LES TENTATIVES D’INCURSION IMMATÉRIELLES. JE SUSPECTE DES RITUELS MAGIQUES TRÈS COMPLEXES ET ASSEZ SINISTRES. JE SENS L’ÉNERGIE NÉFASTE DU WARP AUTOUR DE CETTE PORTE. NOUS DEVONS POURSUIVRE NOTRE PROGRESSION, ET NOUS TROUVERONS PEUT-ÊTRE LA CLEF PERMETTANT D’ENTRER DANS CETTE PIÈCE. »

Jessica se rapprocha de Benjamin. On pouvait aussi soupçonner que l’Omnitrix, l’appareil qui lui permettait de changer de forme, avait été perturbé par les défenses électromagnétiques de cette porte, ce qui expliquerait qu’il ait été repoussé si violemment.

« Vous n’avez rien de cassé ? Je vous préfère comme ça, vous êtes moins flippant… »

.
Qu’avait-elle essayé de lui dire ? Et pourquoi continuait-elle à le vouvoyer malgré toutes les emmerdes qu’ils avaient traversées ensemble ? Que faudrait-il pour que leur relation soit plus familière et que le tutoiement soit de mise ? Benjamin haussa les épaules. Il y avait plus important que de décoincer une dame à l’instant présent. Il fallait passer cette porte et découvrir les mystères qui se trouvaient derrière. Et plus ils passeraient du temps de ce côté, plus leur imagination créerait des scénarios de plus en plus improbables. La réalité était peut-être rien du tout additionnée d’une galerie complètement effondrée depuis des dizaines et des dizaines d’années.

Il avait voulu gueuler quelque chose du genre « Bordel de merde ! C’est quoi ce bordel qui parvient à repousser Spectral ET à annuler ma transformation alien ?!! » Mais la voix froide de l’anneau de Jessica l’avait pris de vitesse. Ce manque d’émotions était une nouvelle couche qui venait s’ajouter aux très nombreuses qui feraient bientôt déverser son vase de patience. Et il n’avait jamais été connu pour avoir énormément de patience. Jessica l’avait bien cerné en le traitant de « tête brûlée ».

« NON ! Tout va bien ! Enfin, tout va bien si on se cantonne au fait que nous sommes encore tous vivants sur ce caillou gelé en plein milieu de nulle part dans des souterrains qui puent les embrouilles. »

Il fallait qu’il lève son cul et qu’il se relève. Il prit donc appui sur la paume de ses mains et commença à se relever puis s’interrompit alors qu’une petite partie du passé lui revenait en tête. Il finit de se relever et ne s’éloigne pas de la proximité de Jessica.

« Qu’est-ce que vous venez de dire ? Vous prenez de mes nouvelles et vous me faites, encore, un compliment ? Est-ce que par hasard cet enfermement sur cette planète commencerait à jouer sur vos émotions ? »

Si la voix hésitait à aborder les rives de la séduction, elle partit dans un tout autre registre quand il s’exclama :

« Attendez ! Vous n’allez pas pété un câble, hein ? Vous ne m’avez pas dit que vous vous étiez enfermés dans votre chambre, ou appartement ou je ne sais plus quoi ? Vous étiez victimes d’hallucinations ? Vous l’êtes actuellement ? Ne commencez pas à me tutoyer ou c’est moi qui va commencer à flipper. Merde, je ne sais même plus si tu, vous, merde ! Je ne vais pas commencer à faire de la gymnastique mentale pour commencer à éviter les formulations de phrases pour naviguer entre le tutoiement et le vouvoiement ! »

Evidemment, sur une planète aux conditions si dures, les psychés étaient mises à rudes épreuves. Benjamin, ancien héros et présent mercenaire, n’était pas un surhomme. Lui aussi était victime de ses émotions et de ses états d’âmes. Peut-être même que parmi eux deux, c’était elle la plus solide. La plus résistante et la plus résiliente. Et… il n’était qu’une charge supplémentaire pour elle.

*Ce qui serait franchement pathétique, Benjamin… *

Jessica se devait d’être honnête : elle n’avait aucune envie d’ouvrir cette porte flippante. Elle ignorait ce qui se trouvait derrière, et elle n’avait pas vraiment envie de le savoir. Cette ville abandonnée, sinistre, ressemblait à une sorte de nécropole géante, un lieu sinistre où toute une civilisation était morte. Des colons étaient venus explorer cette planète, et tout cela ressemblait quand même à un film d’horreur. Benjamin était sans doute assez frustré de ne pas avoir pu franchir les barrières entourant cette porte, et se demanda si Jessica n’était pas en train d’halluciner. Celle-ci fronça les sourcils, tout en sentant de curieuses chaleurs monter à ses joues quand il s’étonna qu’elle prenne des nouvelles de lui.

« Reprenez vos esprits ! Cette planète n’est pas morte. J’aimerai sincèrement qu’elle le soit, mais ce qui a détruit les habitants de cette planète, et ceux que nous avons affronté dans le vaisseau lorsque nous étions dans l’espace… Je crois que tout est lié. »

Elle ne rebondit pas sur ce qu’il avait dit concernant ses années d’enfermement. Est-ce qu’elle lui en avait parlé ? Curieusement, elle était incapable de se le rappeler, mais elle était sûre qu’elle n’en avait pas parlé. Ce genre de choses, on ne le racontait à personne.

*Peu importe…*

Jessica secoua la tête, décidant de revenir à la situation actuelle.

« La tempête a dû se calmer, et les colons qui se trouvaient là avaient sûrement une base principale. Je pense que mon Anneau peut trouver cette base à partir des équipements qui se trouvaient ici… Et je ne souhaite pas rester davantage dans cette ville morte. »

La Green Lantern rebroussa donc chemin. Elle rejoignit les anciens ordinateurs de la Yutani Space Corporation. Son Anneau analysa ensuite les vieux ordinateurs, et usa de son énergie pour en relancer un. Il diagnostiqua ce dernier, et trouva dans ses données d’anciennes cartes. Jessica put en matérialiser une. Elle constata que la colonie humaine avait plutôt bien avancé, et s’était finalement structurée autour du monorail qu’ils avaient vu tout à l’heure.

« Bon, il faut retrouver ce monorail, et le suivre jusqu’à rejoindre leur ancienne base… Sauf si tu as un meilleur plan ? »

.
Il arrivait que Benjamin s’éveille à ses compétences de psychologie. Le genre de compétences qu’un aventurier développait à une plus ou moins grande échelle pour survivre. Anticiper des traîtrises de pseudo-compagnons s’avérait plus que… vital. Et quand son esprit n’était pas borné à traverser une porte infranchissable. Quand il n’était pas fixé sur le sens seul des mots, il lui arrivait de percevoir au-delà. Jessica avait connu une phase d’étonnement (à propos de son trauma ? En parler à voix haute la dérangeait ?) puis une phase de… Benjamin ne sut dire. Etait-ce une fièvre liée à des blessures psychologiques ? Ou répondait-elle au compliment ? Cette femme était si déchirée…

« Donc si je résume. »

Il regarda à nouveau la carte en sorte de plan holographique vert lumineux. La fil « rouge » était clairement centrée sur le monorail. Il se souvint de l’avoir suivi avant de s’enfoncer dans les profondeurs, rencontrer un alien-taupe puis découvrir cette cité à la porte si peu sociable.

« En bas, une cité morte. Non, pardon, à moitié crevée. Avec une porte que même mon Omnitrix ne peut ou ne veut pas traverser. En haut, un territoire hostile noyé dans une tempête de neige mais qui offre une sorte de fil d’Ariane d’acier à suivre. »

Benjamin observa son Omnitrix puis l’artefact de Jessica.

« Et pour tout acteur de ce film horrifique, deux amoureux de joailleries et de miracles. Hum… »

Il eut l’idée d’un alien en observant le plafond. Et comme pour confirmer son intuition, il éveilla son artefact et n’eut à tourner que deux fois le cadran pour découvrir la silhouette noire qu’il avait aperçu dans un flash mental.

« Vous avez déjà vu Aladin ? Le génie bleu qui sort de sa lampe magique après avoir été astiqué. »

*Non non non, Benjamin ! Pas de blague grivoise. Pas maintenant. Retiens-toi. *

« Il se peut que j’ai un alien de ce type. Une sorte de faiseur de miracles capable de changer drastiquement… et bien, tout. Une sorte de petite diable en boîte toujours tout sourire avec la capacité d’infléchir le destin d’un lancer de dé. »

Utiliser cet alien (DéDjinn) pourrait permettre d’ouvrir la porte juste à côté d’eux. Mais… l’idée de rater son lancer de dé et de déclencher la fin d’un rituel démoniaque ne l’enchantait guère. Ce petite diable en boîte était capable du meilleur comme du pire. Il préférait laisser le choix à Jessica. Ce qui, il le reconnut, était un mouvement quand même assez bâtard et lâche. Il se déresponsabilisait ? Non. Oui. Peut-être. Il s’essayait surtout au travail d’équipe.

« En bref. Avec DéDjinn et un bon résultat de son pouvoir, la tempête de neige pourrait être muselée. »

Il y avait quelque chose qui surprenait Jessica, elle avait l’impression que c’était leur première discussion qui ne finissait pas dans les tours. Benjamin l’avait écouté, et ne fit aucune réflexion sarcastique quant à elle, son Anneau, ou sa présence ici. Se pouvait-il que le passage raté dans l’espèce de prison au fin fond de cette ville maudite ait commencé à déconstruire son égo ? Jessica conserva cette réflexion pour elle, ne voulant pas relancer les hostilités. Ils étaient remontés vers une sortie, mais la tempête de neige était toujours là. L’Anneau signala à Jessica que, au vu de l’écosystème perturbé de cette planète, la tempête pouvait aisément durer des jours. Elle avait par exemple appris que la Grande Tâche rouge de Jupiter était une tempête gigantesque, une tempête aux dimensions cauchemardesque, car sa superficie faisait deux fois celle de la planète Terre, une tempête qui existait depuis plusieurs siècles !

Jessica commença à se battre avec son Anneau, en cherchant une autre sortie à travers les grottes.

« J’ENVOIE DES ONDES POUR CARTOGRAPHIER LA RÉGION, LANTERN CRUZ, MAIS CES TUNNELS SONT PROFONDS, SINUEUX, ET LABYRINTHIQUES. JE NE PEUX PAS GARANTIR LA FIABILITÉ DE MES INFORMATIONS, ET IL M’EST IMPOSSIBLE DE CARTOGRAPHIER L’ÉTENDUE DE CES GROTTES SANS DÉPENSER DE GROSSES QUANTITÉS D’ÉNERGIE.
- Ah, mais arrête de te trouver des excuses, stupide Anneau ! On ne va pas rester là plusieurs jours, j’ai besoin de manger ! »

Benjamin intervint alors en indiquant qu’il pouvait peut-être mettre fin à cette tempête. Il avait encore une forme, et évoqua encore la culture terrienne, à travers Aladdin. Jessica, surprise d’une telle référence à l’autre bout de l’espace, l’écouta silencieusement.

« Oh… Donc, si je vous suis, ce DéDjinn fonctionne comme un croisement entre Cait Sith et le Génie ? »

Cait Sith… Une autre référence geek à la référence pop de Benjamin. C’était un personnage du jeu vidéo Final Fantasy 7, qui se battait avec un dé. Il disposait d’une attaque spéciale consistant à lancer le dé, et, selon le résultat de ces dés, des pouvoirs différents avaient lieu… Allant de la possibilité de tuer instantanément l’ennemi, ou de tuer toute l’équipe.

« Ce n’est pas comme is nous avions beaucoup d’options supplémentaires, donc… Appelez ce DéDjinn, et espérons qu’il devienne ce que le Génie était à Aladdin, mon meilleur ami. »

.
« Pourquoi un croisement entre un méchant de Star Wars et le génie d’Aladdin ? Je ne comprends pas. »

Aussi étrange que cela puisse paraitre, pour un ancien héros capable de se transformer en alien et qui avaient visité de nombreuses planètes : la franchise Star Wars ne faisait pas partie de ses références. Ce n’était pas un mal. Qui plus est, ça lui permis d’échanger un peu plus longtemps avec Jessica de façon… normale ? Sans se renvoyer la balle à base de plaisanterie mal acceptée et de remarques avec une certaine chose dans le fondement.

« Euh… Meilleur ami ? Non, laissez tomber. Passons tout de suite à la transformation. J’aimerai bien vous remplir l’estomac. »

Un clin d’œil. Un sourire. Et Benjamin ne laissait pas à Jessica la possibilité de placer une réponse. Sa main appuyait sur l’Omnitrix et précipitait la transformation en DéDjinn.
. . .
Il avait la taille d’un enfant. Des bras aux poignets cerclés d’or qui pouvaient faire penser à la physiologie du héros Rayman. Une sorte de chapeau de sorcière. Un grand sourire fiché sur le visage qui lui donnait un air de toon « réaliste ». Sans compter, bien entendu, un gros dé à six facettes qui était posé sur une cape qui semblait doué d’une vie propre.

« Ah ah ah ! C’est quoi cette tempête de fou ! »

DéDjinn s’envola dans les airs tel un Peter Pan. Si léger. De corps mais aussi d’esprit. DéDjinn n’avait pas que la taille d’un enfant. Il semblait aussi partagé cette « innocence » qui permettait de ne pas se préoccuper du futur et de voir le verre rempli de moitié comme un optimiste. Il disparut dans la tempête de neige puis réapparut en vrillant, fit un salto dans les airs juste devant Jessica et finir par une courbette comme s’il venait de finir sa démonstration de gymnastique.

« Je crois que c’est la première fois que je vois de la neige. C’est génial ! »

Sa cape lui proposa de prendre le dé à six facettes. DéDjinn ne comprit pas sur le coup. Puis il leva le doigt en l’air de compréhension. Son grand sourire toujours fiché sur son visage. Il ne semblait pas vouloir partir.

« Et hop ! »

Le dé fit quelques galipettes et disparut dans la tempête de neige. Puis les flocons, un peu plus loin, commencèrent à devenir eau de pluie ? Oui, l’effet se propageait et c’était bien de la pluie maintenant. Autour du dé qui pulsait d’une lumière dorée, un cercle grandissait encore et encore. En son sein, la chaleur augmentait. La neige devenait eau. Le froid devenait chaleur.

« Je suis un petit peu triste quand même. J’aurai aimé jouer plus longtemps avec la neige. »

S’allongeant dans l’air devant Jessica, comme un Romain mangeant une grappe de raison, DéDjinn posa une question :

« On joue à quoi maintenant ? Plutôt chat sur sa pierre qui ronronne et qui roupille ? Ou fabrication d’une luge quand la chaleur provoquera une avalanche ou que la pluie fera monter le niveau de l’eau tel l’arche de Noé ? Enfin, je dis ça, mais peut-être que ça ne va pas arriver. Mais peut-être que ça va arriver aussi : ah ah ! »

« Star Wars ? Vous n’êtes pas vraiment un gamer, vous… »

Elle ne fit pas plus de commentaires, car le reste la fit franchir une autre réalité. Benjamin prit l’apparence d’une espèce de gnome violet, DéDjinn, soit littéralement un génie avec un dé, confirmant au passage la théorie de Jessica. Elle se demandait dans un coin de sa tête pour quelle raison tout devait être à ce point compliqué avec Benjamin. Plus sérieusement, elle constata aussi que les transformations de Benjamin changeaient aussi sa personnalité. DéDjinn ne semblait pas trop savoir ce qu’il faisait là, ni comment manipuler son dé.

*Je ne sais pas si c’est une bonne idée, finalement… Dans le jeu, les attaques aléatoires de Cait peuvent tuer instantanément l’ennemi, mais aussi toute l’équipe…*

DéDjinn disposait-il de sorts aléatoires similaires ? Il lança son dé dans la tempête. L’Anneau de Jessica signala des pics d’énergie. Le dé déclencha un sort de zone consistant à transformer la neige en pluie.

*Il réchauffe l’atmosphère…*

Un cercle doré s’étendait progressivement. Jessica généra autour d’elle un bouclier, et sortit de la grotte. La tempête restait encore assez forte, le changement de neige en eau ne changeant rien à l’intensité des vents. Nonobstant cela, DéDjinn s’amusait à nager dans l’eau. Jessica commençait à avoir du mal à le voir, et généra une laisse avec son Anneau, qui s’enroula autour du ventre de DéDjinn. La laisse ne gênait pas les mouvements de DéDjinn, mais émmetait une vive lueur phosphorescente visible à travers la pluie.

« Comme ça, on ne se quittera pas ! »

Marcher dans un mélange de neige et d’eau relevant de l’impossible, Jessica s’éleva alors. DéDjinn lui avait demandé à quoi ils devaient jouer. Jessica se redressa donc, et se rapprocha de lui pour qu’il puisse l’entendre.

« Quelque part dans le coin, il y a une ligne de chemins de fer, il faut la retrouver, puis… »

Comme DéDjinn raisonnait comme un enfant, Jessica se risqua à quelque chose :

« …On fera la course le long de cette ligne ! Elle doit mener à une sorte de ville abandonnée. »

En tournant ça de manière ludique, Jessica espérait que la version enfantine de Benjamin serait moins casse-pieds et instable que sa version adulte…

.
DéDjinn aboya. Et il tira sur la laisse générée par la Green Lantern.

« WAF ! WAF ! »

Ça avait été une réaction immédiate. Tout était si simple dans la tête de cet alien. Un esprit enfantin. Seul le présent existait.

« Une ligne de chemin de fer ? »

Il se raidit d’un seul coup. Dans sa façon d’agir, il y avait un caractère cartoonesque. Sans aucun doute, DéDjinn aurait idolatré le film « The Mask » avec Jim Carrey.

« La course ? OK ! »

Lévitant dans les airs, il se mit en position. A la façon de ses athlètes olympiques qui s’apprêtait à courir un sprint. Puis il releva la tête avec deux grands yeux tout ronds. Encore plus grands et plus ronds que la position « au repos » l’affichait déjà.

« Mais ce n’est pas possible ! »

DéDjinn commence à courir sur place. A un point tel qu’une illusion se forme et donne l’impression que ses jambes tournent comme la roue d’un moulin.

« Faut qu’on touche les pieds par terre pour courir ! Quoique… »

Sa main se frotte son absence de menton.

« Je crois que les engins volants aussi peuvent faire des courses. OK ! On fait la course ! »

Les mains dans les dos, il sifflote.

« J’attends que tu me donnes le signal de départ. Et aussi la ligne de départ. Je peux surement faire le pistolet. Et le petit drapeau aussi. »

Moins casse-pied ? Moins instable ? Jessica allait peut-être se dire qu’elle avait commis une erreur de jugement…

Jessica aurait sans doute fait une bonne mère. Pour convaincre un enfant de suivre le chemin, plutôt que de lui dire de le faire, et prendre le risque qu’il ne le fasse pas, autant le faire jouer. L’idée séduisit immédiatement DéDjinn, qui s’interrogea toutefois sur les modalités de la course. Avant que Jessica ne puisse dire quoi que ce soit, il admit néanmoins que des courses volantes pouvaient se faire. Jessica esquissa un léger sourire, puis hocha la tête quand DéDjinn proposa de faire le pistolet.

« Très bien, DéDjinn, je te laisse donner le départ, alors ! »

Elle ne savait toujours pas trop comment rebondir avec Benjamin. Il était après tout très spécial, et chacune de ses transformations impliquait de nouvelles personnalités. La détonation résonna ensuite, et DéDjinn fila comme une fusée à toute allure, laissant derrière lui une traînée lumineuse. Jessica s’élança à sa poursuite, laissant derrière elle une traînée verte. DéDjinn était très rapide, prenant cette course très au sérieux. Jessica le poursuivit également, suivant la voie de chemin de fer. La ligne était parfois submergée par la neige, ou effondrée, mais il était malgré tout possible de la suivre. DéDjinn avançait vite, visiblement heureux. Jessica accéléra également, tout en faisant attention. Si elle allait trop vite, elle risquait d’épuiser un peu trop vite son énergie.

Leur course les amena toutefois à un obstacle, quand la voie de chemin de fer s’enfonçait dans un tunnel effondré. Jessica ralentit alors, et se rapprocha du tunnel. Il était totalement effondré, et elle grommela, avant de s’envoler. Derrière la montagne, il y avait tout un massif montagneux.

*Merde, c’était trop beau pour être vrai !*

Jessica soupira lentement.

« DéDjinn, il va falloir trouver un moyen d’entrer dans cette montagne. Ta forme d’homme-taupe nous sera peut-être utile pour creuser une voie à l’intérieur… »

.
« Ah ah, je t’aime bien toi ! Tu es rigolote ! »

DéDjinn se rapproche du mur qui bloque la suite de la course. Il prend un caillou et le pose à côté de lui. Il en prend un autre et le pose sur le premier. Il fait ça pendant que la dame s’envoler tout là-haut pour regarder quelque chose. Puis elle revient et lui parle.

« L’homme-taupe ? Mais je veux rester moi, moi ! Pourquoi tu crois que je ne peux pas nous faire entrer dans la montagne ? Hey ! De toute façon, j’y suis j’y reste. On à une course à finir toi et moi. En plus, je suis arrivé le premier. Et j’arriverais aussi le premier tout là-bas sur la ligne finale ! »

Un peu en colère comme seul un enfant sait s’y mettre, DéDjinn se relève et donne un coup de pied dans sa petite pile de pierre. Il souffle, gromelle et croise les bras. Et il finit par se dresser face au mur qui les empêchent d’aller plus loin. Ses gros poings se posent sur ses hanches.

« Hum… »

Et il réfléchit encore.

« Hum… »

Le gros dé d’or fait alors des sauts dans sa main. Des saltos dans les airs avant de toucher la main et de repartir dans les airs, toujours accompagné du « Hum… » de DéDjinn.

« Allez ! On va essayer, ça ! »

Le dé rebondit et vient s’arrêter contre le mur-obstacle. Un grand rideau tombe soudainement de nulle part et dissimule l’entrée obstruée. Il y a alors des panneaux de chantier qui pop !, mais aussi un casque jaune qui arrive sur la tête de DéDjinn. Voilà qu’il est obligé de crier pour se faire entendre :

« IL Y A DES TRAVAUX ! DES GENS QUI TRAVAILLENT AVEC DES MARTEAUX-PIQUEURS ET TOUT ! »

Et en effet, caché derrière le rideau rouge, on croirait entendre des travaux de voirie.

« ET SINON, CA VA TOI ? JE PARLE POUR FAIRE PASSER LE TEMPS ! »

Celle-là, Jessica ne l’avait pas vue venir. Elle cligna des yeux en voyant DéDjinn invoquer des ouvriers. Ils ressemblaient un peu aux constructions que Jessica pouvait faire, mais à un niveau plus élevé, bien plus élevé. DéDjinn n’avait pas envie de contourner l’obstacle, mais, même en utilisant tous les ouvriers du monde, il faudrait des mois pour extraire les débris, les sécuriser, et empêcher d’autres éboulements. DéDjinn raisonnait comme un enfant, pensant tout réparer d’un claquement de doigts. Jessica regarda ce chantier, tandis que les vibrations se multipliaient. Elle ne savait pas trop quoi faire, et s’envola encore, cherchant l’autre bout du massif. La tâche n’était toutefois pas simple. Le temps était très changeant, et d’épais nuages se formaient déjà. Son Anneau était également perturbé. Jessica tourna donc pendant un certain temps.

Elle revint finalement au chantier de DéDjinn. Ce dernier semblait s’être calmé, tandis que les marteaux-piqueurs continuaient à creuser. De gros camions-bennes évacuaient les gravats, tandis qu’on construisait une galerie. Jessica se posa sur le sol, voyant les ouvriers se déplacer rapidement, travaillant avec acharnement pour recréer un passage. Jessica commença à s’aventurer dans la galerie, et perçut des vibrations intenses.

*Je n’aime pas ça…*

Au milieu des percussions des engins de chantier, Jessica commençait à avoir un mauvais pressentiment. Elle sortit encore du tunnel.

*Je devrais lui dire d’arrêter, mais il est encore plus insupportable que Benjamin…*

Dehors, les nuages se rapprochaient encore. Jessica perçut encore de profondes vibrations. Elle s’envola dans les airs, et examina alors la montagne avec son Anneau.

« JE DÉTECTE UN SIGNAL MASSIF ! »

Jessica jura, et continua à voler au-dessus de la montagne. Au niveau du chantier de DéDjinn, l’un des ouvriers ouvrit une paroi à l’aide d’une tractopelle. La paroi de pierre s’écroula devant lui, mais la lourde pelle de l’engin se heurta alors à une sorte de membrane visqueuse. Il tenta de forcer… Et la membrane réagit alors en se redressant brusquement, renversant la tractopelle.

La montagne entière se mit alors à trembler, tandis que d’énormes tentacules sinistres jaillirent de la montagne, fauchant tout ce qui bougeait. Jessica fut également agrippée par une jambe, et fut projetée en contrebas. Son Anneau généra un bouclier pour la protéger, tandis que la montagne entière s’écroulait sur place.

« Haaaaa… !! »

La Green Lantern tenta de reprendre ses esprits La montagne toute entière s’effondrait sur elle-même, libérant petit à petit un monstre colossal qui s’en échappa. Une créature gigantesque, semblant faite de chair nécrotique, d’organes en décomposition, et de tentacules gluants et puants ressemblant à d’horribles viscères. Au sommet de cet amas de chairs purulentes, une gueule hideuse et édentée qui se mit à pousser un terrible rugissement. Un cri effrayant qui réveilla les Nécromorphes aux environs. Jessica entendit d es bris de glace autour d’elle, tandis que, depuis les restes de la montagne, d’autres Nécromorphes émergeaient.

*C’est un cauchemar !* s’épouvanta Jessica, en se préparant au combat.

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Allongé sur le ventre, DéDjinn observait le chantier. Ses poings posés contre ses joues. Ses jambes battant l’une après l’autre. Le tout, bien entendu, surélevé dans les airs à quelques mètres du sol.

« Elle n’a pas dû m’entendre tout à l’heure. Ou alors elle ne veut pas parler de sa santé. Ce n’est pas grave. »

De son point de vue d’alien, tout se passait à merveille. Tous ces allers-retours avec de grosses pierres. Le terme gravats faisait trop triste. Trop adulte. Alors que là ! Là c’était comme plein de super jouets en taille réelle ! D’ailleurs, tous les gens qui bougeaient partout comme des fourmis affairées n’avaient pas de visage. Il y avait bien une tête mais pas de présence de yeux, nez et bouche. Seulement quand DéDjinn y pensait, des visages se retrouvaient alors « magiquement » gribouillés. Comme si un enfant avait dessiné avec de gros feutres de couleurs sur les visages lisses telles des feuilles blanches.

« Ah ! Je n’aime pas ça je n’aime pas ça ! »

La montagne tremblait. Ses jouets de trouage dans le gros mur étaient envoyés dans tous les sens comme si un méchant enfant trop jaloux se vengeait en donnant des coups de pied. Mais il n’y avait pas de pied. Il y avait maintenant un gros tentacule.

« Berk. Je n’aime pas le tentacule. Dis, tu pourrais-… »

DéDjinn se retourna à la recherche de Jessica. Il voulait lui demander de faire quelque chose avec cette tentacule à l’aide de son anneau vert de super-héros. Mais voilà que même la montagne se cassait en plein de petits morceaux. Mille étant un chiffre trop grand à compter et à vérifier. Et puis, il n’avait pas le temps de compter jusqu’à mille. Il y avait un gros truc moche pleins de tentacules et d’autres choses laides. Alors que si ça avait été des choses… LEDs…

« Oh ! » fit-il se en couvrant son énorme immobile sourire de ses mains gantées.

Le dé fut à nouveau lancé. Tout ce qui pouvait être apparenté à des bubons devinrent des ampoules de couleur. Tout ce qui avait trait aux viscères s’embobinant dans tous les sens et parcourant le corps de cette chose devinrent des bandeaux LEDs.

« Ah ah ! On dirait une sorte de sapin de Noël mélangé avec des panneaux de jeu de Las Vegas ! Ah ah ! » s’exclama-t-il en applaudissant dans ses mains.

Quant à la dangerosité ? Elle était toujours belle et bien présente. DéDjinn n’avait rien fait pour améliorer leur situation. Rien du tout… Voilà d’ailleurs qu’il s’élevait dans les airs pour rester hors d’atteinte des tentacules. Il n’avait pas du tout envie d’être touché, et encore moins attrapé par ces choses !

Ce monstre gigantesque se désintéressa bien vite des constructions de DéDjinn, comme s’il sentait qu’elles étaient factices. Quant à lui, il s’envola, s’éloignant du monstre.

« Hey ! Re-… »

Elle allait lui dire de venir se battre, mais un tentacule l’attrapa à la jambe, et la projeta vers le sol. Jessica généra un bouclier autour d’elle, et se fracassa sur le sol. Même avec le bouclier, elle sentit la douleur éclater dans tout son corps. Jessica se concentra, et son Anneau tira un rayon qui frappa le tentacule qui la retenait. Elle put ainsi se redresser, et sentit du sang s’échapper de ses lèvres.

*’Fais chier ! Et moi qui commençais à l’apprécier…*

Face à elle, son Anneau était bien incapable de trouver un point faible de ce monstre. Ce truc indescriptible, fait de viscères apparentes, de boyaux, de pustules, et de tentacules affreux, se focalisait sur elle. Jessica généra une construction en se dotant d’un lance-roquettes multiple, et balança plusieurs missiles sur le monstre. Il y eut de puissantes explosions, envoyant valser des viscères. Cependant, la chair du Nécromorphe se reconstituait, et ses énormes tentacules fusèrent sur Jessica. Elle bondit sur le côté, évitant l’impact. La bouche du monstre se déploya alors, et cracha des boules d’acide explosives. Encore une fois, l’Anneau de Jessica la sauva d’une mort certaine, mais l’une des boules explosa contre elle, et la projeta dans la neige.

Elle émergea péniblement, et, toujours couchée, vit un Nécromorphe bondir sur elle, ses pattes en avant. Son Anneau généra une onde de choc, et le Nécromorphe fut repoussé. Jessica se redressa, s’extirpant de la neige, et son Anneau projeta des rayons lasers, fauchant les jambes d’autres Nécromorphes. Ils grognèrent en tombant au sol, rampant vers elle.

« JESSICA, IL FAUT SE REPLIER ! »

Un conseil avec lequel Jessica ne pouvait qu’être d’accord ! Cependant, encore fallait-il réussir à s’enfuir ! Elle s’envola encore, et le Hive Mind généra sur lui des pustules dorées… Des œufs qui éclatèrent, libérant des Nécromorphes ailés, des Contaminateurs. Ces créatures avec leurs trompes frontales répandaient dans les organismes le virus qui transformait les cobayes en Nécromorphes. Ils disposaient également de grandes ailes. Devant esquiver des tentacules, Jessica se reçut un Contaminateur. Son Anneau généra un bouclier qui intercepta la trompe du Contaminateur. Se pinçant les lèvres, Jessica s’écrasa sur le sommet d’une montagne. Avec son autre main, elle généra une lame énergétique dans le prolongement de son poignet, et trancha la trompe du monstre. Un sang visqueux s’échappa de la bestiole. Jessica remplaça ensuite cette lame par un fusil à canon scié, et elle tira à bout portant, explosant la carcasse du Contaminateur.

Jessica se releva ensuite. La tempête revenait, lui offrant ainsi l’occasion de s’éloigner. Elle ne savait toutefois pas où était passé DéDjinn, mais elle commençait à se poser de sérieuses questions sur la fiabilité de son allié.

*Cet enfoiré s’est barré comme un lâche…* maugréa Jessica.

Celle-ci s’envola encore, espérant pouvoir se replier, tandis que le Hive Mind, sous l’effet de la tempête, se repliait sur lui-même…

.
DéDjinn ne comprend pas.
En fait, il y a plusieurs choses qu’il ne comprend pas.
Il y a d’abord le fait que sa « magie » ne semble pas avoir beaucoup d’emprise sur ce qu’il avait surnommé « le sapin de Noël ». Comme si cette horreur avec sa capacité de régénération avait très rapidement réussi à chasser le résultat de son lancer de dé.
Et puis il y avait elle. Pourquoi elle lutte en bas ? Pourquoi elle ne vient pas à l’abri là-haut ?

« Je ne comprends pas. »

DéDjinn décide donc de redescendre. Faisant fi du danger, il lévite sur le ventre avec les mains sur les joues. Comme s’il est allongé sur la plage ou dans un parc. Sauf qu’il vole. Qu’il se rapproche de Jessica. Et qu’il évite les tentacules et les Contaminateurs comme s’ils n’étaient pas des dangers mortels.

« Dis. »

Et voilà qu’il se trouve dans son dos. Qu’il la surprend (très probablement).

« Pourquoi tu restes là avec tous ces méchants ? Il n’y a personne là-haut. »

Le regard de DéDjinn observe le corps moulé par la combinaison des Green Lantern.

« Ca ne doit pas être très chaud, c’est ça ? Je peux lancer un dé et te faire apparaitre un gros manteau chaud en poil polaire. Après, il se peut aussi que tu te retrouves avec un ours blanc vivant sur le dos qui aurait très envie de te manger. Et puis, une bête qui doit avoisiner les 400 kilos, je pense que ça va te faire redescendre. Et je n’ai pas l’impression que tu en aies envie. »

Son poing vient frapper la tête d’une créature qui rue sur Jessica. Trompe en avant, cette dernière se ratatine sur elle-même sous le coup de l’impact. Le monstre perd connaissance et va s’écraser sur le sol, rebondissant au passage sur un deuxième Contaminateur qui perd la maîtrise de son vol et de sa future attaque en traître.

« Tu me dis, hein ! Rapport au manteau chaud qui pourrait devenir un ours vivant. »

DéDjinn fait une cabriole dans les airs pour pirouetter et observer le « sapin de Noël » tout pleins de viscères.

« Lui je ne l’aime pas. Il semble résistant à mes pouvoirs. Pas assez d’innocence en lui, je pense. Il a perdu tout accès à la porte de la magie et des émerveillements. Enfin, je pense. Je ne suis pas un sage, moi : ah ah ! »

De fait, le sortilège de Dédjinn consistant à transformer le monstre en sapin de Noël géant rencontra une efficacité limitée. Jessica n’avait même pas eu le temps d’y faire attention. Elle avait rejoint la cime d’une montagne, que le Hive Mind détruisit en frappant violemment la montagne depuis le haut avec l’un de ses tentacules géants. Surpris, Jessica fut à nouveau projetée au sol, car la gueule du monstre s’ouvrit, et aspira furieusement l’air autour de Jessica. Cela la ralentit, l’immobilisant assez pour qu’elle soit dans la trajectoire du gros tentacule. Le coup la ramena avec force au sol, et elle rebondit à terre, le visage tuméfié et marqué de traces de sang. Son Anneau la sauva encore d’une mort certaine. Elle se redressa péniblement tandis qu’un Nécromorphe se ruait dans son dos… Avant que DéDjinn ne débarque pour neutraliser le Nécromorphe. Semblant sincèrement surpris, celui-ci lui demanda pourquoi elle n’était pas encore partie. Jessica cligna des yeux. La tempête n’avait malheureusement pas saisi à stopper le monstre. Elle avait également une épaule droite déboitée, et ses lèvres crachaient du sang plus que nécessaire.

« Tu… Tu te fous de moi, c’est ça ? Qu’est-ce que tu crois que j’essaie de f-faire depuis tout à l’heure… ? »

Jessica cligna encore des yeux. Elle continuait encore à vomir du sang. Ses forces l’abandonnaient aussi. Elle sentait aussi un liquide chaud contre le bas de son ventre. En posant sa main, et en la ramenant, Jessica vit avec horreur du sang… Et, en baissant la tête, elle constata qu’elle avait une pointe osseuse enfoncée dans le ventre.

*Oh bordel…*

Jessica entendit alors son Anneau lui dire de fuir rapidement, tandis que des Nécromorphes se rapprochaient encore, bravant la tempête. Jessica pivota sa main libre, et son Anneau projeta un tir verdâtre qui explosa les jambes d’un Nécromorphe. D’autres rampaient vers elle. Elle s’envola alors, et fit en réalité un bond, car, avec sa blessure, sa concentration s’étiolait. Son halo vert disparut lors de son saut, et elle retomba au sol, avant de hurler quand le point d’impact heurta son épaule déboîtée. Tout autour d’elle, elle entendait les Nécromorphes hurler, et les chutes de neige ralentissaient sa progression. Elle devait cligner des yeux et se faire violence pour ne pas tomber. À ce stade, elle ignorait si Benjamin était encore près d’elle, ou s’il allait continuer à jouer. Le pire serait sans doute qu’elle se vide de son sang pendant que DéDjinn, en parfait sociopathe, danserait autour d’elle en lui proposant des sucreries. Elle devait retirer la plaie pour la cautériser, mais il fallait pour cela qu’elle soit à l’abri, ce qui n’était pas facile à atteindre.

Son pied heurta alors un appui instable, et elle partit en avant, glissant sur une pente qui l’amena à tomber en contrebas. Elle termina sa course sur son épaule déboîtée, et entendit le craquement de l’os à l’intérieur. Jessica cracha encore du sang, tout en ayant atterri sur la surface froide d’un lac gelé.

*Bordel, je peux pas crever ici… Bats-toi, Jessica, bats-toi !*

Elle se retrouva couchée sur le dos, son bras droit brisé, tandis que des bêtes grognaient près d’elle. Un Lurker se rapprochait, déployant ses tentacules dorsaux pour frapper à distance…

.
Tout bouge si rapidement ! Le temps que DéDjinn regarde autour de lui après le coup de colère de Jessica (comment ça il s’était ficher d’elle ? Il n’avait pas compris tant son être partageait cette innocence propre aux enfants), sa partenaire de jeu n’était plus.

« Jessica ? Jessica, tu es où ? »

La neige semblait regagner du terrain. La portée de son dernier sort lié au hasard devait perdre en importance. Ou ils étaient trop loin. Ou ce monde dans sa puissance environnementale était une entité à elle-même, capable de se révolter et surtout contre-attaquer.

« Bouge de là, toi ! »

Son gros poing blanc frappa un truc volant dans les airs. DéDjinn ne remarqua même pas qu’une onomatopée prit physiquement corps dans la réalité. Un « PAF ! » était apparu en surimpression d’un crâne qui venait de voir ses os broyer et occasionnant des dégâts irréparables dans ce qui lui servait de cerveau.

« Jessica ? Ouh ouh ! »

Là ! DéDjinn la trouva. L’alien ne comprit pas pourquoi elle s’était autant éloigner de lui. Le jeu du chat ? Il devait la toucher pour gagner la manche ? Et puis elle décida de prendre une pente descendante pour… gagner en vitesse ? Disparaitre hors de sa vue ?

« Oh que non ! Il n’en est pas question : ah ah ! Je t’ai vu et je vais t’attraper ! J’aaariiiiiive ! »

En arrivant, DéDjinn changea d’un seul coup. S’il portait toujours son sourire cartoonesque, son instinct lui avait fait comprendre qu’il ne pourrait plus y avoir de jeu si sa partenaire crevait… A nouveau, son poing blanc frappa la bête immonde à tentacules. Une nouvelle onomatopée masqua autant les dégâts visuels qu’il s’accompagna d’un bruit sonore qui masqua les bruitages spongieux…

« JESSICA ! »

Inconsciemment, il savait que la prendre « comme une princesse » dans ses bras réveilleraient ses douleurs. Mais il fallait la tirer de là. Il s’envola sans attendre avec son précieux chargement luttant pour rester consciente.

« … »

Il n’était plus question de dire n’importe quoi. C’était étrange, presque effrayant devoir cet alien agir avec sérieux. Avec une grâce de danseur aérien et une improbable chance à esquiver toutes les attaques même les plus traîtresses : DéDjinn mit de la distance avec les nécromorphes. Il prit la direction des hauteurs. Malgré le manque de visibilité… Malgré le froid…

Jessica perdit conscience.
. .
« Tu es réveillée ? »

Ils se trouvaient tous les deux dans une grotte. Il n’y avait plus de danger dans les environs.

« Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé. J’ai des flashs. Mais je crois que « l’enfant » en DéDjinn est incompatible avec ma façon de penser d’adulte. Avant de me laisser la place, il a lancé un nouveau dé. Je crois que ça a soigné le plus important de tes blessures. Je ne t’ai pas dit que tu pètes la forme. Et je ne peux pas te promettre de bizarres effets secondaires… Si ça pouvait être seulement ta vision maquillée de points de couleurs, ce serait bien. »

Jessica réalisa alors qu’elle était assise contre le corps assis de Benjamin. Lui avait-il déjà dit que c’était pour la réchauffer ? L’ambiance changea. Après le sérieux rapport de situation, Benjamin ne put s’empêcher d’essayer de détendre l’atmosphère.

« Une fois, une femme touchée par DéDjinn s’est vu affubler d’une… chose entre ses jambes. Un effet secondaire qui ne lui a pas plu du tout et qui m’a valu plusieurs gifles ? Mais comment j’aurai pu faire autrement que rire avec cette trompette à la place de son sexe produisant des bruitages de dessin animé ? »

Un franc sourire. L’ancien héros aux penchants de séducteur était revenu.

« Tu reviens toujours à moi, Jessica. Tu as beau voyager jusqu’au bout de l’univers, au final, tu reviens toujours ici. Je te l’avais dit, non ? Même si tu parvenais un jour à quitter cette chambre, tu ne la quitteras jamais vraiment. »

Jessica était de nouveau dans son studio. Elle entendait la voix moqueuse de Volthoom, le propriétaire de cet anneau maudit que Jessica avait récupéré, et qui l’avait hanté pendant de nombreux mois. Elle avait vécu isolée dans son appartement, ne sortant plus du tout, vivant en recluse, hantée par ses démons, hantée par la voix narquoise et cruelle de Volthoom qui se moquait d’elle. Mais Jessica n’était plus une jeune femme perdue, elle était une Green Lantern, elle avait réussi à vaincre l’Anneau de Volthoom, à surmonter sa peur, et à récupérer un Anneau des Green Lanterns. Oui, elle avait réussi… Alors, pourquoi retournait-elle à chaque fois ici ?

Elle se réfugia dans la salle de bains, et s’essuya le visage avec de l’eau. Tout son corps tremblait nerveusement. Elle claquait des dents. Elle avait chaud et froid en même temps, pour autant que cela veuille dire quelque chose. Et elle le voyait. Une ombre fugace dans le miroir de la salle de bains, qui souriait malicieusement.

« Tu n’es pas réel, je le sais…
- Je le suis pour toi, Jessica… Je le serai toujours.
- LA FERME ! »

Jessica se retourna brusquement. La silhouette de Volthoom avait bien sûr disparu. Elle entendit alors une chanson grinçante, émanant des enceintes de son ordinateur. Une comptine pour enfants, mais qui était chantée par une voix grinçante, lentement, transformant cette comptine innocente en un chant sinistre…

Twinkle Twinkle, Little Star
How I wonder what you are
Up above the world so high
Like a diamond in the sky
Twinkle Twinkle Little Star
How I wonder what you are!

Elle se dirigea vers son écran pour découvrir l’origine de cette musique, et, quand elle l’alluma, elle eut un mouvement de panique en voyant apparaître, sur son écran, un horrible monolithe aux lueurs rouges. Elle se recula face à cet écran qui scintillait, et heurta sa chaise. Elle tomba sur le sol, et entendit autour d’elle des grognements et des claquements.

« Non, non… Je ne vous appartiens pas !
- Oh, Jessica, allons… Tuy m’appartiendras toujours. »

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Ce cauchemar l’avait tiré de son sommeil. Jessica avait été soignée par Benjamin, ou, plutôt, par DéDjinn, et ils s’étaient à nouveau réfugiés dans une grotte. En utilisant son Anneau, Jessica généra un feu pour les réchauffer, pendant que, dehors, la nuit s’était abattue. Une épaisse tempête de neige empêchait quiconque de sortir, d’autant que des Nécromorphes continuaient à hanter les lieux. Parfois, le vent portait leurs grognements. Benjamin lui expliqua que DéDjinn l’avait soigné, mais qu’elle pouvait avoir des effets secondaires… Comme devenir une Futanari avec une trompette. Jessica, malgré sa situation, parvint à sourire.

« Vous êtes décidément un sacré phénomène, Benjamin… J’aimerai avoir votre dédain, mais… Cela vient peut-être de vos personnalités multiples. Je sens quelque chose dans ma tête, Benjamin. Cette planète, les choses qui y vivent… Elles influent aussi en moi, elles me font voir des choses que je n’ai pas envie de voir. Je pense que c’est ça qui a fini par rendre dingues les occupants du YUT-12. »

Ils l’avaient bien vu en explorant les coursives du vaisseau, la folie s’était emparée des membres du YUT-12, une mutinerie avait éclaté, ainsi que de sinistres expériences. Jessica se rappelait également des journaux de bord mentionnant les cauchemars et les insomnies chroniques des membres de l’équipage.

« Je ne sais pas ce qui se passe sur cette planète, Ben, mais je commence à me dire qu’il n’y a pas que ces putains de zombies ou de monstres qui sont à craindre… »

.
Benjamin ne put s’empêcher de sourire en écoutant Jessica. Il la laissa reprendre possession de son corps et de sa liberté sans lui faire remarquer qu’elle avait dormi tout contre lui. Ce n’était pas le moment de l’embêter. Enfin… juste un peu.

« Je crois effectivement que cette planète te fait perdre la tête. Tu viens de me donner un petit nom. Tu m’as juste appelé « Ben ». »

S’il donnait l’impression de ne pas se faire toucher par les événements, Benjamin luttait aussi intérieurement. Il ne se sentait pas touché par cette folie dont elle parlait. Il ne souffrait pas d’hallucinations. Que ce soit éveillé ou endormi. Mais…

*Est-ce vraiment un bon signe ? Depuis quelques temps, je broie du noir. Pas seulement le fait que je sois une sorte de mercenaire blasé par le fait que tout l’univers entier semble conspirer pour tuer le bonheur et les happy ending… Mais il y a davantage. *

Il leva son poignet, en silence, au niveau de ses yeux pour l’observer. Comme pour démontrer un point et pouvoir continuer à monologuer avec son propre esprit.

*L’Omnitrix me fait faire des choses. Je crois qu’il m’empoisonne à sa manière. Un jour… j’ai déjà eu des flashs. Un jour, je crains que toute cette bibliothèque d’ADN en moi s’écroule. Que tout se mélange. Que mon corps soit tiraillé et cherchant la balance entre cent corps d’alien et le mien… Ma…fin ?... *

« Je peux te faire perdre la tête, tu sais. »

Il l’avait dit avec un sourire séducteur. Mais surtout plaisantin. Ils étaient seulement deux dans cet enfer glacé. Il fallait qu’ils s’entendent bien s’ils voulaient coopérer et survivre… dans le but de ne plus jamais se voir.

« Plus sérieusement. S’il y a quelque chose dans ta tête, que ce soit une sorte de parasite ou de possession, je dois pouvoir combattre cette chose et, disons, faire un grand nettoyage là-dedans. »

Son doigt venait de tapoter deux fois son front.

« Bien entendu, ce serait m’ouvrir la porte à tous les petits secrets que tu caches. Ce serait comme me donner ton journal intime d’ado. Je connaitrais alors l’acteur de film qui te faisait fantasmer quand- !... Pardon, j’ai failli pousser la provocation malicieuse un peu trop loin. Je suis désolé. J’essaie vraiment de ne pas être désagréable. De te remonter le moral. Tu es une arme de destruction massive avec ton anneau. Et j’ai le désagréable sentiment que malgré toutes les capacités formidables que mon Omnitrix puisse me fournir : seul, je ne pourrais pas m’échapper des griffes de cette planète. »