The Multiversity

La statue lui faisait face. Une grosse tête silencieuse et figée dans le marbre. Elle ne réagit pas quand Shad l’interpella. La jeune Louve était au sommet d’une sorte de grande forêt, et le Village de Maturin semblait avoir disparu, alors même que, depuis le village, la statue semblait très proche. Le temps passa, sans que rien ne se passe. Shad ne pouvait plus faire marche arrière, car, si elle tentait de partir, ses pas la ramenaient indubitablement vers la statue. Elle était face à cette tête inerte, jusqu’à ce qu’elle ne sente une vibration à hauteur de sa poitrine. Le fameux talisman d’Élise l’appelait, et elle l’attrapa. Le talisman s’illuminait fortement, et elle le posa sur la tête de la statue… Qui se fissura alors.

D’épaisses fissures fracturèrent la statue, qui explosa brusquement, libérant une vague noirâtre qui engloutit Shad et le décor environnant. De l’encre noire partout la recouvrit, et elle n’entendit plus rien. Elle ne renifla plus rien, ne vit plus rien. Tous ses sens avaient été coupés, tandis qu’elle n’était même plus capable de sentir son propre corps. Et, tandis qu’elle semblait avoir sombré dans le néant absolu, des lueurs se mirent à flotter au loin… Comme de lointaines lucioles qui brillaient intensivement.

Shad flottait dans l’espace. Un espace d’un noir total, à l’exception de ces lumières lointaines, qui l’attiraient, comme des phares dans la nuit. Peu à peu, elle se rapprocha, et vit les points lumineux se multiplier, encore et encore, remuant ensemble, formant une belle paire d’hélices, comme… Comme une galaxie ! Une galaxie qui flottait dans le néant, soutenue par une énorme carapace, une carapace gigantesque, qui semblait supporter le poids de l’Univers.


La galaxie flottante tourbillonna alors plus vigoureusement, et happa Shad. Celle-ci tomba, attirée comme une météorite face à l’attraction d’une planète. Elle tomba dans la galaxie, et croisa de multiples animaux, avant d’atterrir dans une sorte de forêt magique, multicolore. La première chose que sentit Shad près d’elle fut… Une fée. Une petite fée se posa sur son nez, et s’envola ensuite. Et, au-dessus de cette forêt très colorée, un spectacle assez rare attendait Shad.

Les étoiles qu’elle avait aperçues tout à l’heure se trouvaient ici, flottant en l’air. Il y en avait des milliers, formant des lumières étincelantes.

« Ce sont les Lumières-Vives… Les âmes des enfants morts sont dans la Tortue… Leur innocence a toujours été le moteur de la Tortue. »

C’était la fée… La fée parlait à Shad, virevoltant autour de sa tête.

« Tu disposes d’un immense pouvoir en toi, Shad… Et pas uniquement en raison du bébé que tu portes. Jadis, douze individus ont lié leur vie à un treizième, et tu es l’héritière de ces individus, qui, ensemble, parvinrent à poser les fondations du monde dans lequel tu es. Des épreuves difficiles t’attendent, Shad… Et Maturin ne pourra pas t’apporter toute l’aide que tu voudrais. »

La fée annonça cela presque avec regrets.

« Les Lumières-Vives diminuent, mais il y a plus que les Olympiens à combattre… Zeus, vois-tu, a été chargé de protéger Terra et le reste de la Création contre les créatures venus d’en-dehors de la Création… Les Grands Anciens, comme vous les appelez. Zeus n’est plus en état d’assumer cette fonction. Et le temps joue maintenant contre nous. »

La Louve avait tout simplement l’impression qu’on jouait avec elle. Certes, elle était témoin de vérités qui dépassaient l’entendement mais elle avait surtout l’impression qu’on l’amenait là où on voulait. Là où des forces d’un autre âge choisissaient de l’amener. De multiples informations lui venaient et à l’image des images de folies des Grands Anciens, il était étonnant que cela ne la rende simplement pas folle. L’Okami sentait bien la petite fée tournoyait autours d’elle, entendant ses paroles mais pour l’heure, elle avait les yeux fermés et son souffle était lent, soutenu. Une petite « digestion » des informations dont elle venait d’être bombardée sans forme de procès.  Mais lorsque la fée lui parla du fait que Maturin ne pourra pas l’aider, elle ouvrit de nouveau ses yeux et fixa la créature.

« Je suis venue ici pour demander l’aide de Maturin comme on me l’a demandé ! Je suis parfaitement au courant de la menace des Grands Anciens mais pour l’heure, c’est l’Olympomachie qui nous menace ! Zeus a peut-être sombré mais il n’est pas le seul Dieu à avoir succombé aux murmures insidieux ! »

Une pointe de colère pouvait se faire entendre dans le ton qu’employait la Lycane ; fixant toujours la fée de ses yeux azurées, elle reprit :

« Apollon a besoin d’être libéré de cette emprise malsaine ; nous avons besoin de retrouver son éclat et, c’est Maturin qui a la clé pour notre réussite. Aussi faible soit-il en ce moment, je doute qu’il ne soit pas capable de nous aider, ne serait-ce qu’un tout petit peu ! »

Oui, cela sonnait un peu comme un ordre, mais le temps était compté ! Que ce soit pour stopper la révolte des Olympiens que sur le fait que la Louve ne pourra rester éternellement dans ce royaume. Il lui fallait une solution qu’elle pourrait ramener afin de vaincre Apollon. Zeus étant loin d’être sa principale préoccupation pour l’instant. Elle ne parla pas également du fait de son « héritage » trouvant qu’elle n’avait guère le temps d’en apprendre plus, car comme l’avait bien précisé la fée : le temps était contre eux. C’était malheureusement pour elle, une interrogation qu’elle allait devoir reporter, car elle sentait qu’il lui manquait des informations à ce sujet. La Louve regardait toujours la petite fée qui tournoyait autours d’elle et souffla, ses oreilles s’abaissant en même temps :

« Dis-moi, que doit-on faire ? »

L’innocente petite fée ne fut pas spécialement surprise d’entendre que l’Okami s’impatientait. Pour autant, ce n’était pas cela qui allait l’amener à paniquer. Shad était dans un endroit magique, une sorte de forêt lumineuse où de multiples étoiles brillaient tout autour d’elles. C’était un véritable firmament, assez incroyable, et cet endroit, qui se situait hors de l’espace et du temps, ne semblait obéir à aucune logique concrète. Où Shad avait-elle atterri ? Elle n’était plus au Village de Maturin, elle était dans Maturin. Mais comment est-ce que tout cela allait l’aider ?

« Apollon est un Dieu très puissant, Shad. Lui et ses Muses ont été séduits par la voix des Grands Anciens, mais Apollon n’est pas perdu. Ce que Maturin va faire, ce que nous allons faire, c’est l’attirer. Ici, nous sommes dans le Superflux, Shad. Loin de l’espace et du temps. Le concert qui se prépare n’a qu’un seul but… Rappeler à Apollon la beauté des arts, et qu’il revienne à lui. »

Dit comme ça, cela semblait simple, mais les propos cryptiques de la fée ne semblaient pas beaucoup aider Shad.

« Nous allons te charger en magie, Shad. Il faudra que tu affrontes Apollon le temps que le maléfice qui le retient soit détruit. Sache que ce ne sera pas facile, car les Muses l’accompagneront… Mais la Tortue a foi en toi. »

Les étoiles qui dansaient dans l’air se rapprochèrent alors de Shad. Elles se mirent à l’entourer, à se poser sur elle, et, si elles avaient pu sembler menaçantes, elles étaient au contraire apaisantes, diffusant une saine chaleur autour du corps de la louve. Une douce puissance se mit à émaner en elle, tandis qu’elle se sentit partir, s’éloignant, disparaissant de Maturin…

…Pour arriver au concert.

Le décor était atypique, très différent de ce à quoi Shad aurait pu s’attendre. Il y avait bien une scène centrale, au milieu d’une sorte de grande plaine noirâtre avec des montagnes au loin. Des néons s’illuminaient tout autour de la scène de concert, et des feux d’artifices explosèrent dans les airs, tandis que des mouvements de musique commencèrent à se faire entendre. Les musiciens faisaient sonner leurs instruments, chauffaient les cordes de leurs guitares.

« Tu flottes dans le Superflux, Shad… Un espace immatériel, le monde de la magie, la colle qui relie les dimensions, qui relie les plans astraux entre eux. Tu es entre tout… Les mortels n’ont pas accès à ces zones fermées, mais ce n’est pas le cas des Dieux. »

La voix de la fée résonnait encore dans la tête de Shad. La scène continuait à s’illuminer, et, alors que Shad se rapprochait, elle pouvait voir des fans, des spectateurs, qui dansaient… Sauf qu’ils n’étaient pas vraiment là. Elle voyait tout au plus des apparitions, des images fugaces et éphémères, avant que le ciel ne se déchire, et qu’une sorte de météorite lumineuse ne tombe juste devant la scène.

Apollon venait d’arriver.

« Qui m’a appelé ? Qui a osé me convoquer ?! »

Une explosion sonore et lumineuse émana alors de la scène. D’énormes projecteurs éclairèrent la vallée, et les projecteurs se calmèrent ensuite progressivement. Un coup de tonnerre se fit alors entendre, et des accords de musique électronique commencèrent à se faire entendre. C’était une musique tonitruante, qui remontait progressivement. Apollon se retourna alors, et son regard croisa celui de Shad.

« À quoi tout cela rime ?
-  Rappelle-toi, Apollon ! »

L’autre voix venait de la scène, où l’Enfant venait d’apparaître.

« Tu es le Dieu des artistes, le Dieu de la musique, vois au-delà du mensonge ! Rappelle-toi qui tu es !
-  Silence, gamin ! »

Apollon envoya une onde de choc de sa main. La boule lumineuse frappa le bouclier entourant la scène.

« Shad ! Protège la scène ! » hurla l’Enfant.

La première musique s’enclencha alors, et Derezzed se mit à rugir !

Combattre Apollon jusqu’à ce que le sort soit brisé. La Louve faillit rire jaune en entendant cette réponse ; comment diable pouvait-elle tenir face à un Dieu ? Certes, elle sentait la magie affluait en elle, comme l’avait mentionné la petite fée, mais serait-ce suffisant ? La Tortue avait foi en elle, mais la Louve avait-elle foi en elle-même ? Pourtant, elle ne pouvait laisser le doute et la peur la guider. Qu’importe les difficultés qui se présenteraient devant elle, elle se devait d’essayer ! Observant les lumières vives s’approcher dangereusement avant que leur nature apaisante ne rassure l’Okami qui se laissa porter hors de Maturin, jusqu’à la place de concert.

La scène était pour ainsi dire atypique. Mais l’Art de la musique y était bel et bien présent. En s’y approchant, la Louve put discerner les différents artistes qui se mettaient en place et put ressentir l’euphorie d’un spectacle à venir. Une ambiance qui ne tarda pas à faire venir Apollon qui ne semblait absolument pas heureux d’avoir été invoqué. La Louve croisa son regard et tressaillit un bref instant : allait-elle vraiment pouvoir tenir face à lui ? Et surtout…où était ses Muses ? La première attaque du Dieu frappa le bouclier de protection, le faisant trembler imperceptiblement. Mais d’autres attaques ne pouvaient frapper le bouclier !  Certes la fée avait bien mentionné à l’Okami qu’elle devrait combattre Apollon mais rien ne mentionnait qu’elle devait le combattre, lui, directement. Elle pouvait tout simplement, protéger la scène jusqu’à ce que la malédiction soit levée.

Une autre boule fut lancée et cette fois, elle fut déviée par un puissant coup de queue à l’apparence reptilienne. L’hybride avait complétement changé de forme, optant pour son apparence draconnique, bien plus optimisée pour se déplacer rapidement en l’air et protéger le bouclier qu’en étant simplement coincée à même le sol ! Rugissant, elle ouvrit la gueule et laissa un flot de flammes s’en échapper en direction du Dieu Olympien. Bien sûr, elle savait qu’elle ne pourrait le blesser, ni même le toucher, mais son objectif était de le tenir occupé. La musique continuait à s’élever dans les airs, rendant à cette scène de bataille, une atmosphère toute particulière. Même la dragonne se mouvait d’une façon à ressembler à une dance, en phase avec la musique, tandis qu’elle protégeait au mieux le bouclier. Mais Apollon restait un Dieu très puissant et certaines de ses attaques faisaient mouches ; faisant trembler la scène principale. Pourtant, la musique continuait !

« Apollon ! Reprends tes esprits ! »

Hurla l’Hybride avant d’éviter un nouvel projectile, cette fois qui n’était pas destiné à détruire le bouclier mais qui la visait personnellement.  Ce n’était là pas l’œuvre du Dieu mais d’une de ses Muses…Les prochaines minutes risqueraient d’être décisives, mais Shad se tenait prête à défendre au mieux le spectacle ! Elle sentait la magie de Maturin se réveiller soudainement, lui donnant plus de vivacités, plus d’agilités et une magie bien plus imposante. Telle une dragonne protégeant son trésor dans les vieilles légendes, l’hybride protégeait la scène avec hargne.

« Non ! Je vais m’en occuper personnellement ! » tonna Apollon à destination des Muses quand celles-ci commencèrent à attaquer Shad.

Le puissant Dieu regarda ensuite Shad. Elle n’était plus sur Terra, elle n’était même plus dans une réalité physique palpable, mais dans un plan abstrait, dans l’une de ces zones du Multivers qui n’existaient sur aucune carte. Elle était ici parce que la Tortue avait mandé sa présence, mais sans possibilité de revenir librement. Elle était dans la zone entre les pages du livre, dans l’espace entre les espaces. Le terme scientifique était Superflux, le flux entre les flux. Toutes les énergies, quelles qu’elles soient, se trouvaient ici, dans cette dimension entre les dimensions. Ici, le pouvoir de la passion artistique s’exprimait. Car, si on admettait que les énergies négatives, les pulsions néfastes, influaient sur les Grands Anciens et sur les prisons qui les retenaient, alors, inversement, les émotions positives devaient bien se déverser quelque part. Des énergies positives que les Enfants de Maturin avaient stocké et diffusaient ici pour perturber Apollon.

Shad voyait les ombres danser autour d’elle, images rémanentes de fans extatiques se livrant à une sorte d’osmose collective.

« J’ai longtemps cru que l’art était une réponse, un chemin vers l’Idéal… Mais les humains ont perverti les plus belles des choses. L’art n’est plus qu’un fantasme monétaire, ce n’est plus qu’une course frénétique à l’argent. Il est temps de purifier tout cela. »

Apollon tendit sa main, et envoya une onde de choc vers Shad. La Louve se la reçut de plein fouet, et ce simple coup aurait dû la tuer, ou en tout cas la blesser très sérieusement… Mais un dôme doré s’illumina autour d’elle, et dévia l’attaque, qui creusa des traits dans le sol. Surpris, Apollon observa la scène en fronçant les sourcils, et se concentra alors.

« Tu te trompes, Apollon !
-  J’ouvre enfin les yeux, plutôt ! Des millénaires d’arts n’ont pas appris les humains à s’améliorer ! Toujours les mêmes guerres, toujours les mêmes querelles, les mêmes tueries d’égo ! Trop longtemps, nous avons accordé notre clémence aux humains ! »

Apollon se concentra alors, et s’élança brusquement vers Shad. Le Dieu olympien lança un rayon lumineux de sa paume, et le tir agit comme une sorte de laser phosphorescent. Le coup frappa alors Shad, mais la magie de la Tortue continuait à la protéger, lui évitant une attaque fatale, mais la ramenant sous sa forme humaine, sous laquelle elle n’était malheureusement pas assez rapide pour espérer distancer un Dieu. Shad n’était toutefois pas assez rapide sous sa forme humaine, et Apollon réussit à l’attraper à la joue, la soulevant du sol.

L’Enfant lança alors une nouvelle musique, « Arabesque », une ode à la paix.

« Je te le dis, Apollon, tu te trompes… Les mensonges des Grands Anciens te voilent l’esprit. De tous les Olympiens, tu as toujours été l’un de ceux appréciant le plus les humains. N’es-tu pas le Dieu des bâtisseurs ? Ne vois-tu pas ce que les humains ont bâti ? »

On pouvait le sentir hésiter, se troublant sur place. Apollon grogna encore, et ses yeux lumineux virèrent alors au noir d’encre, tandis qu’une voix sifflante sortit de sa bouche.

« MENSONGES ! »

Shad fut jetée au sol, et l’aura lumineuse d’Apollon devint alors plus noirâtre, tandis que des éclairs noirs jaillirent de son corps, frappant violemment la scène. L’Enfant hurla de douleur, et Shad en fit de même, tandis que les éclairs noirs, par moments, semblaient prendre la forme de tentacules. Un rire malsain émergea alors du corps d’Apollon, comme si quelqu’un d’autre était en train de l’habiter, une force suffisamment puissante et corruptrice pour aller jusqu’à corrompre celui que Nietzsche avait considéré comme le plus pur et le plus raisonnable de tous les Dieux grecs.

« JE PURIFIERAI CE MONDE IMPUR, CETTE NOUVELLE GOMORRHE QUI SE COMPLAÎT DANS SA PROPRE DÉCHÉANCE ! » éructait la version maléfique d’Apollon.

Shad put alors sentir une présence apaisante à proximité. Parmi les silhouettes spectrales, l’une émergea, et se retourna vers elle. C’était un homme que Shad n’avait encore jamais vu, et qui approcha sa main vers sa tête. Un éclat lumineux brillait dans la paume de celle-ci, et il la posa sur sa tête.

« Tu portes en toi la force du Loup… Jusqu’à présent, tu n’as fait qu’explorer la surface de ton potentiel. Laisse-là s’exprimer en toi, car tu es l’Élue de la Tour. »

La silhouette s’évanouit ensuite, et Shad put alors sentir en elle une force nouvelle l’envahir. Immense, grisante, mais aussi, paradoxalement, épanouissante.

Tout concentré à son office, Apollon s’interrompit brusquement en voyant un halo blanchâtre entourer Shad. Surpris, il se recula alors, ébloui, tandis que l’Enfant sentait une présence près de Shad, accompagnant celle-ci.

« L’Aîné… »

Apollon écarquilla les sourcils, comme s’il ne pouvait y croire.

« Le Loup était le plus fougueux des Douze, Shad. Là où ses pattes marchaient, la végétation poussait, et les arcs-en-ciel suintaient de ses flammes. Son âme brûle en toi, et il chassait les ténèbres, réunissant les indécis derrière ses hurlements. Ressens son appel, Shad, libère ton pouvoir, il s’appelait… »

La sphère lumineuse qui entourait Shad explosait soudain, la révélant sous sa forme animale… Différente !


« SHIRANUI !! »

Comment aurait-elle pu avoir la moindre chance de vaincre un dieu ? Elle qui n’était qu’une hybride ? Certes, elle possédait quelques facultés, mais Apollon restait un dieu !  Un PUTAIN de dieu ! Eviter ses attaques furent donc impossible et elle reprit son apparence humaine, soulevée par son adversaire dont la sombre emprise qui s’exerçait dessus se faisait de plus en plus présente.  Elle vit ses yeux virés au noir d’encre avant d’être jetée au sol, n’ayant guère le temps de se relever, car des éclairs noirs se mirent à frapper les alentours, la faisant hurler de douleur. Tout était donc perdu ? Non, car étrangement, la Louve sentit une présence réconfortante à ses côtés et la douleur qui envahissait son corps s’estompa quand une main apaisante fut posée contre sa tête.  Elle leva son regard et ne put reconnaître l’être en face d’elle, mais la Louve était sûre d’une chose, il possédait une force incomparable.

« Tu portes en toi la force du Loup… Jusqu’à présent, tu n’as fait qu’explorer la surface de ton potentiel. Laisse-là s’exprimer en toi, car tu es l’Élue de la Tour. »

Une force qui venait d’être libérée en son sein. Une force qui la fit changer de forme, lui faisant prendre son apparence animale, mais ô combien différente de celle qu’elle avait l’habitude de prendre. La sphère autours d’elle explosa, la laissant apparaître sous ses nouveaux traits, un long hurlement s’échappant de sa gueule, redonnant force et courage à tout ceux qui se dressaient contre le dieu déchu. Ses pattes touchèrent le sol, provoquant comme l’Ainé l’avait énoncé, la poussée de végétation qui grimpèrent le long de ses membres sans pour autant la gêner. Des flammes jaillirent par la suite, venant s’attaquer à Apollon, à la seule différence qu’elles arboraient des multitudes de couleurs. Un festival pour les yeux.

N’attendant pas de savoir si elle avait fait mouche, la Louve se déplaça rapidement, si rapidement qu’elle semblait se téléporter, une sorte de laser de lumière sortant de sa gueule venant viser le dieu Olympien. Elle réitéra l’opération plusieurs fois, invoquant à ses côtés une lame enflammée qui l’assista dans son combatLa musique continuait encore et encore ! Et, pourvue d’un nouveau regain d’énergie, la Louve ne comptait pas cesser le combat avant qu’Apollon ne soit libéré ! Elle continuait ses assauts sans discontinuer, laissant l’Enfant la charge de convaincre le dieu par la parole.

Ces voix…faire abstraction des voix étaient principales pour ne pas sombrer dans la folie ! L’Okami en avait parfaitement conscience. Ces voix qui martelaient son esprit en même temps qu’Apollon, ou plutôt ce qui restait de lui, l’écrasait contre le sol, bloquant sa respiration ; un pied contre son sternum.  Était-ce vraiment la fin ? Non, la Louve refusait d’y croire ! Ce plan…ces musiques…elles ne pouvaient pas avoir échoués ! Et pourtant, les faits étaient là. La scène était détruite, le monde de Maturin se remplissaient de ténèbres. Des chants joyeux on passa à d’horribles lamentations, invocatrices de monstres abjecte, d’Ancien Dieux et briseuses d’espoirs. Un espoir dont la Louve tenta de se raccrocher ; sentant soudainement qu’elle pouvait de nouveau respirer, le poids contre sa poitrine ayant disparu.  Se mettant immédiatement en position assise pour reprendre son souffle, la Louve se demanda si elle venait de rêver : Était-ce un bouclier qu’elle venait de voir ? Elle n’eut guère le temps de se poser la question qu’une flamme se matérialisa derrière elle, grandissant inlassablement jusqu’à laisser apparaître une femme.


Une femme à l’armure doré et étincelante. Une inconnue qui chassa les ténèbres et les mensonges de son lasso doré. La Lycane ne put retenir un soupir de soulagement, n’entendant plus les murmures dans son esprit.  Elle n’avait pas la moindre idée de qui était en face d’elle, ni comment elle pouvait la connaître, mais elle était certaine d’une chose : elles avaient le même objectif : arrêter Apollon. Les présentations et les explications viendront plus tard. Ses plaies furent soignées et le lasso doré qui l’enveloppait, l’aida à retrouver son lien avec le Loup. Précédemment à terre, la Louve se releva, sentant la force du Loup lui revenir ; grandissante petit à petit en son être ; jusqu’à réapparaître, hurlant de défi envers ce qui restait d’Apollon :

« Alors…Récupérons le. »

Le temps de la parole était révolu. D’un bon, Shad vers l’être abjecte qu’était devenu le dieu olympien. Ses flammes iridescentes brûlaient les éclairs noirs et les tentacules, les renvoyant dans les ténèbres dont elles étaient issues.  Mais la Louve ne s’attaqua pas seule à Apollon, Wonder Woman l’accompagnait et elle put facilement ressentir sa force, une force divine.  Le lasso doré ainsi que le bouclier faisaient mouche à chaque coup, repoussant également encore plus les ténèbres ; laissant la lumière revenir petit à petit. Quand Wonder Woman attaquait par la gauche, Shad frappait sur la droite. Les deux femmes, si encore on pouvait les nommer ainsi, ne laissèrent aucun repos à Apollon, multipliant les assauts. Mais ce dernier était coriace et d’un cri guttural, naquit une sphère sombre qui pris de l’ampleur jusqu’à être envoyé contre Wonder Woman. Une sphère sombre qui absorbait toute matière, toute lumière. Mais la Louve s’interposa entre, la magie de la Tortue la protégeant d’un funeste destin.

« VOUS NE POUVEZ ME VAINCRE ! » hurla le dieu déchu.

Ouvrant grand ses mains, une sphère noirâtre apparue dans chacune de ses paumes. La Tortue venait de la protéger, mais pouvait-elle la protéger contre un nouvel assaut ?  Minuscule au départ, les sphères prenaient de plus en plus d’ampleur, menaçantes, annonciatrices de mort. L’Okami revint auprès de Wonder Woman, grognant tandis que la végétation naissait sous ses pattes. Son regard se posa sur le lasso doré, ce même lasso qui avait chassé les ténèbres et qui, elle le sentait par instinct, était leur seule chance de salut. Elle se concentra et laissa sa force imprégner l’arme divine.

« Nous n’avons plus de temps à perdre ! Utilise ma force, repousse les ténèbres et vaincs Apollon et vous…-elle se tourna vers l’Enfant – chantez et jouez ! Faites entendre à Apollon que tout n'est pas encore perdu ! »

C’était un pari risqué, car la Louve s’affaiblissait volontairement pour augmenter la puissance de Wonder Woman.  Une puissance qui serait à même de vaincre les ténèbres qui, malgré tout, petit à petit, se faisaient repousser par la Lumière, par l’Espoir. Les Enfants de la Tour retrouvèrent également cet espoir et dans cette cacophonie de murmures sans nom, une note, une musique s’éleva  et qui  vint à son  tour, frapper de pleins fouet Apollon

Le Lasso de la Vérité était une antique relique olympienne que les Amazones de Themiscyra avaient longtemps protégé. C'était un artefact magique réputé pour être indestructible, et qui était capable, quand on l'utilisait, de contraindre les gens à dire la vérité. Il chassait les voiles du mensonge, mais Diana n'avait jamais vraiment su qui avait conçu cette arme. On disait que le Lasso avait été réalisé par Héphaïstos sur demande d'Hestia, en utilisant un artefact antique qui appartenait à Gaïa. C'était Hestia qui avait donné à ce lasso le pouvoir de dire la vérité, mais Diana se demandait si le matériel d'origine n'était pas plus ancien. Même pour des Dieux, une telle arme était redoutable, et les Olympiens n'avaient jamais vraiment été connus pour être des parangons de la vérité. Après son voyage dans la Dimension de Khorne et les péripéties qui en avaient suivi, Diana en venait même à se demander si le Lasso n'était pas l'une des reliques sacrées descendant de la Tour elle-même.

Ici, elle sentait le pouvoir de la Tortue, une aura faiblissante, vacillante, mais qui tenait tête à Apollon, et à celui qui avait pris possession de lui. Elle connaissait désormais le nom de l'ennemi... Le Roi Cramoisi. Émissaire des Grands Anciens, le Roi Pourpre avait organisé l'Olympomachie, influençant les Dieux, utilisant son laquais, Randall Flagg, pour amener Héra à ouvrir la Boîte de Pandore, amplifiant les maux des Dieux, jusqu'à déclencher cette guerre, une guerre dont la finalité n'était rien d'autre que de libérer les Grands Anciens. Les pouvoirs d'Apollon devenaient de plus en plus maléfiques, mais elle sentait le conflit chez le Dieu, la lutte entre ce vice et l'âme pure et noble qui était en lui.

Brillant de mille feux dans son armure, Diazna s'élança vers lui. Un éclair infernal zébra droit vers elle, qu'elle protégea avec son bouclier. L'attaque dévia l'éclair, qui alla exploser une île à proximité. Elle s'envola d'un bond dans les airs, et sentit ses ailes angéliques s'illuminer. Elle les replia alors sur elle-même, et envoya plusieurs pointes dorées, les « plumes métalliques » des ailes. Les pointes explosèrent tout autour d'Apollon, et Diana s'élança vers lui, et le frappa du pied au visage.

« Réveillez-vous, Apollon! » l'implora-t-elle.

Diana avait récemment appris qu'elle n'était pas qu'une simple Amazone. Si sa mère était Hippolyte, la Reine des Amazones, son père était Zeus. Cela avait suffi à Héra pour venir transformer jadis les Amazones en serpents, avant que Diana ne conjure le sort, et ne parvienne à se rabibocher avec Héra. Elle attaquait donc un membre de sa propre famille, et sentait sa douleur. Après ce coup, Apollon déploya des tentacules de ses doigts. Diana les sentit la frapper, mais l'armure divine tint bon. Elle recula néanmoins, et sentit les tentacules s'enrouler autour de ses membres, notamment autour de son cou.

Shad intervint alors, et trancha les tentacules, avant d'attaquer encore. Elle se rua sur Apollon, et mordilla son épaule. Un sang noirâtre, comme une sorte de pus, s'échappa de la plaie, et Apollon la repoussa à l'aide d'une onde de choc. Diana attaqua alors, usant de son épée, mais Apollon se téléporta, s'éloignant de quelques mètres, et lança sur elles une série de cônes noirâtres tranchants, véritables pointes de magie noire. Diana se protégea encore avec son bouclier, mais les cônes explosèrent violemment, et la repoussèrent sur plusieurs mètres. Le temps pour elle de reprendre ses esprits, Apollon leva la main, et envoya sur le corps de la jeune Déesse un énorme rocher, qui l'envoya se fracasser violemment au sol, formant un cratère impressionnant.

Si Diana put en émerger, elle constata vite qu'elle avait mal à peu près partout. Elle se releva lentement, l'armure toujours présente, et essuya du revers de la manche du sang qui coulait de ses lèvres. Machinalement, elle porta la main sur son ventre, consciente que son bébé ne risquait rien, mais craignant toujours pour lui.

Apollon repoussa également Shad, qui arriva près de Diana. Apollon se concentra alors, et le Dieu forma entre ses mains une énorme sphère noirâtre zébrée d'éclairs. Cette sphère dangereuse se mit à grossir sur place, et il la lança vers les deux femmes. Shad bondit alors, et il y eut une intense explosion.

« SHAD ! »

La jeune louve émergea péniblement, et se rapprocha de Diana. Elle saignait à son tour, mais avait survécu à l'explosion. Ricanant dangereusement, Apollon généra deux autres sphères, et Shad proposa alors à Diana d'utiliser son pouvoir.

« Ne m'en donne pas trop, Shad, je vais encore avoir besoin de toi... Je dois lui faire passer le lasso pour aider Apollon à repousser le Roi Cramoisi. »

Une tâche qui ne s'annonçait pas facile, d'autant qu'Apollon s'apprêtait à lancer ses sphères. L'Enfant diffusa à nouveau une musique beaucoup plus mélodramatique. Diana se redressa alors, et fit face à Apollon.

« Apollon, il faut en finir ! »

Elle se mit à courir, et déploya brusquement ses ailes, s'envolant alors. Les deux sphères fusèrent vers elle. Elle tournoyait sur place, ondulant dangereusement, la poursuivant. Diana se concentra, et des plumes métalliques jaillirent encore de son armure, rencontrant les deux sphères en cours de route. Les sphères explosèrent sur place, et Diana passa à travers, se déplaçant à très grande vitesse. Elle se redressa en se rapprochant d'Apollon, et le frappa au torse avec ses deux pieds. Un coup titanesque qui l'envoya valser sur une dizaine de mètres. Le Dieu sauta même hors de l'île principale où le combat avait lieu, flottant dans les airs.

Diana le rejoignit, et constata que toute cette noirceur qu'elles affrontaient était localisé autour de l'île principale, comme une sorte de bulle qui entourait la zone. Dehors, elle revit la couleur, la lumière, dans ce paysage enchanté où il y avait une multitude d'îles enchanteresses qui flottaient dans les airs. Volant dans les airs, elle sentit Apollon contre-attaquer. Ce dernier se rua vers elle, et attrapa sa main avec sa gorge. Diana se débattit sur place, et replia à nouveau sa paire d'ailes. Les ailes frappèrent ainsi Apollon, faisant couler son sang divin en transperçant son dos. Le Dieu gémit de douleur et dut lâcher prise, laissant à Diana l'occasion de reprendre ses esprits.

« Reprenez vos esprits, Apollon! »

Wonder Woman l'attaqua encore.

« Vous êtes le Dieu de la poésie, des arts, de la lumière ! Comment pouvez-vous laisser un tel être vous contrôler ?
-  La ferme ! »

Diana ne se laissa pas déstabiliser, et, quand Apollon envoya sur elle une nouvelle attaque magique, elle se protégea avec son bouclier. Elle attaqua encore, et repoussa Apollon sur plusieurs mètres. Le Dieu se concentra alors, et tendit sa main vers une petite île qui flottait dans les airs. Elle ne faisait que quelques mètres, et se mit à vibrer alors, puis fusa vers Diana, la frappant sur le côté. Le morceau de rocher explosa contre elle, et elle hurla de douleur, du sang s'échappant encore de ses lèvres. Apollon généra ensuite un épais tentacule qui s'enroula autour du cou de Diana, et diffusa rapidement un champ électrique intense.

« Tu crois que je ne sais pas qui tu es ? Les humains ont beau t'aduler, toi et moi, Wonder Woman, nous savons qui tu es... Une femme faible, qui n'a pas su protéger les siens. C'est moi qui ai détruit ton île, Diana, c'est moi qui ai envoyé mon champion sur Themiscyra. »

Le tentacule se serra encore, et Diana le trancha avec ses ailes.

« Les Dieux, les humains... À mes yeux, vous n'êtes que les mêmes abjections, des créations qui ne devraient pas exister. Nous y sommes, Diana ! Le royaume de la Tortue ! Et tout ce que cette vieille créature myope et fatiguée trouve à m'envoyer sont une Amazone incompétente et une louve ! Je dois dire que je m'attendais à mieux ! Apollon est mien !
-  Pas encore ! »

Ne souhaitant pas se laisser abuser par les messages de l'être infernal, Diana attaqua une ultime fois... En lançant son bouclier. Une technique empruntée à Captain America. Le bouclier tournoya dans les airs, et frappa Apollon au visage, puis Diana se déplaça alors à toute allure, et fila dans son dos. Le temps qu'Apollon reprenne ses esprits, le lasso s'enroula alors autour de son cou, et elle appuya dessus, venant l'attraper des deux côtés. Apollon hurla alors, son corps nimbé d'ombres se perçant de cônes lumineux qui sortaient ici et là.

« Trop tard... Il est trop tard !
-  APOLLON ! Il faut vous réveiller !
-  Apollon... EST MIEN !
-  Jamais ! »

Les deux Dieux continuaient à se tenir l'un à l'autre. Diana serrait sa poigne, et grogna encore, sentant ses muscles se tendre à bout. Apollon hurla encore, tandis que la bulle noirâtre qu'il avait formé autour de l'île principale commença à se désagréger.

L'Enfant intervint alors. Il rejoignit Shad, et posa sa main sur elle. Ce faisant, l'Enfant pansa ses plaies, et lui insuffla un peu d'énergie.

« Allez, Shad... Si tu veux que ton enfant grandisse, vas-y. Saute sur Apollon,  la hardiesse du Loup chassera les mensonges de son esprit. »

Du moins, c'est ce que l'Enfant espérait, mais, maintenant, lui aussi sentait la présence d'Apollon. Sous la couche de noirceur, l'âme noble du Dieu se battait avec fureur, et ne demandait qu'à reprendre le contrôle de son esprit.

Tout n’était pas encore perdu ! De là où elle se trouvait, la Louve pu observer le violent combat entre Wonder Woman et Apollon, ou du moins contre l’être qui le possédait. Elle n’avait pas donné la totalité de sa force mais ne savait sur le coup, pas comment interagir. C’étaient des Dieux qui se battaient l’un contre l’autre ! Comment pouvait-elle faire la moindre différence ? Il lui avait même semblé qu’elle avait été plus une gêne qu’autre chose lors de leur précédent assaut ! L’Hybride grogna contre elle-même, une main contre ses plaies, sentant le sang s’écouler de ces dernières. Elle nota cependant que la bulle noire qui enveloppait l’île sur laquelle elle se trouvait encore commençait à se fissurer, à se désagréger, une lueur d’espoir dans les ténèbres. L’Enfant apparu de nouveau et soigna ses plaies tout en lui insufflant un peu d’énergie. Un ultime regain.

L’Hybride le regarda, espérant pouvoir simplement lui dire un « je vais essayer », mais elle n’était pas dupe, elle n’avait pas le droit d’essayer, elle devait réussir. Elle se releva et regarda en direction des deux Dieux, s’apprêtant à se transformer de nouveau afin de les rejoindre mais se stoppa subitement, ses deux oreilles lupines s’agitant :

« Il…souffre. Je peux entendre Apollon souffrir… »

Et quelle souffrance ! Un cri de désespoir à vous faire glacer le sang ! Ce fut comme si, toute once d’espoir avait quitté le cœur du dieu Olympien. Ou presque toute, car une petite étincelle brillait toujours et ne demandait qu’à devenir un brasier ardent. Une petite étincelle qui avait besoin qu’on lui donne un coup de main. Il n’y avait donc plus de temps à perdre ! Se transformant à nouveau en faisant appel aux pouvoirs du Loup, Shad s’élança hors de la bulle et fit ce que l’Enfant lui avait demandé de faire : Elle sauta simplement sur le dieu possédé. Mais elle ne s’arrêta pas pour autant et ses crocs vinrent se plantaient dans sa chair, ou plutôt au niveau des excroissances tentaculaires, les arrachant de son corps.

Tel un animal ayant attrapé sa proie pour sa survie, l’Hybride refusée de lâcher sa prise, combattant chaque once de ténèbres qui pouvaient émaner du corps d’Apollon. Mais ce n’était pas suffisant ! Apollon avait besoin de plus d’aide ! Des rayons de lumières avaient beau percer, ce n’était toujours pas suffisant ! L’étincelle avait encore besoin de force ! Arrachant un énième tentacule, la Louve grogna et balançant son cou en arrière, laissa jaillir de ce dernier un long et puissant hurlement qui termina de fissurer et de faire exploser la bulle noire autours de l’île principale. Mais ce que Shad espérait par-dessus tout avec ce geste était que le courage du Loup emplisse le cœur d’Apollon et fasse briller son espoir de milles feux afin qu’il puisse repousser les ténèbres qui osaient le contrôler.

Le Roi Cramoisi... Une force dont Diana avait entendu parler, un être infernal, l'héritier des Grands Anciens, leur « enfant »... Il fut jadis Empereur de Mijak, et était le plus grand ennemi de la Tortue, le Maître de la Monarchie de la Rose. Tout cela portait sa signature, elle en avait eu la certitude lors de son périple avec Sargeras dans le monde de Khorne. Un plan tissé à l'image de ses toiles tortueuses et mortelles. Il avait piégé les Dieux, manipulé ces derniers depuis le début. Shad rejoignit alors Diana, bondissant sur le corps d'Apollon, et planta ses crocs dans son cou. Apollon hurla, et Diana continua à l'immobilier en serrant sur le lasso, sentant ses articulations s'élancer douloureusement.

« Si... Si vous me tuez... Apollon meurt !
-  Tes mensonges... Ne m'intéressent pas ! »

Quelle force terrifiante ! Et Diana ne pensait pas uniquement ça en raison du fait qu'il forçait sur le Lasso, mais parce qu'il arrivait à tenir tête à l'effet magique de cette arme. Seul un individu dépassant les pouvoirs magiques d'Hestia pouvaient le faire. Par ce simple geste, le Roi Cramoisi rappelait combien il était puissant. Cette puissance s'exprimait par l'intermédiaire d'Apollon. Il se débattit encore, et hurla rageusement, ses yeux redevenant d'un rouge sanguinolent.

« SHAD, tiens bon !
-  ASSEZ ! »

Une puissante onde de force jaillit alors, et des tentacules émergèrent dans tous les sens. L'un transperça le corps de la pauvre Louve, et un autre frappa violemment Diana au plexus, qui ne dut sa survie qu'à l'armure divine qu'elle portait. Elle bascula en arrière, et Apollon se retourna alors, envoyant une onde de choc magique qui souffla Diana comme un fétu de paille, l'envoyant se fracasser dans la cascade d'une île flottante, où des tentacules émergèrent de la roche pour tenter de l'immobiliser.

« Cela a toujours été moi, Diana... Tu sais comment le cycle a commencé ? J'ai empoisonné Ouranos. Avant qu'Ouranos ne soit un esprit vivant, il était un être éthéré, flottant dans l'Immatériel. Quand Gaïa lui a donné forme humaine pour concevoir les Titans, le cœur d'Ouranos avait déjà été empoisonné. Il a transmis cette malédiction à son fils, Cronos, en pensant que Cronos arriverait à contenir ce vice... Puis Cronos l'a finalement transmis à ses fils en les utilisant comme hôtes pour tenter vainement de se purger. Zeus a ensuite récupéré ce mal en lui... »

Apollon rejoignit Diana, et attrapa son cou, la forçant à relever la tête. Des tentacules sortaient alors du dos d'Apollon, comme autant de pattes arachnéennes.

« Le Chaos... L'être qui a préexisté à toute création... Je suis le Chaos, Diana, et la Tour m'a scellé. Depuis toujours, j'aspire à redonner à la réalité ce qu'elle aurait toujours dû être...
-  Tu es fou...
-  Cette réalité aurait dû disparaître quand les Grands Anciens sont arrivés, Diana. Il en a toujours été ainsi. Une réalité disparaît pour qu'une autre, meilleure, se reconstruise. Et je suis l'artisan de ce mécanisme. C'est ma fonction première.
-  Hnnn... Nous t'arrêterons, Ram Aballah...
-  M'arrêter ? Mais j'ai déjà gagné, chère Princesse ! la railla-t-il. Vous vaincrez sans doute Zeus, mais quelle importance ? Les gens ont vu ce qu'ils devaient voir... Que leurs prières n'ont aucune réponse. Que les Dieux supposés les protéger sont aussi faillibles qu'eux. Le Chaos va revenir. »

Dans la mythologie grecque, rien ne définissait clairement le Chaos. C'était l'état d'avant. Un état perçu comme une déchirure, une énorme faille. Les philosophes et mythologues grecs disaient que Chaos avait pu enfanter Gaïa et Ouranos, mais ceux-ci avaient sûrement été conçus par la Tour pour vaincre le Chaos, et permettre l'apparition de la réalité, du Multivers.

« Enfin, cela ne faisait aucun doute... Car tu le sais, Diana. L'Eld est tombée. La Chute a déjà eu lieu, et c'est pour ça que les Amazones sont sortis de leur silence. Tout le reste n'est que du superflu. Tu as déjà perdu.
-  Tu parles beaucoup trop... »

Diana grogna encore. Récemment, elle avait affronté les forces du Multivers Noir, et elle avait découvert quelque chose d'important, une force puissante qui sommeillait dans son ventre. Face aux tentacules l'attaquant, elle sentit son fils s'éveiller. Bien qu'il soit encore sous forme embryonnaire, le fils de Diana et de Kyle Macross déploya une brusque attaque énergétique, qui renforça l'énergie de Diana. Les tentacules se mirent à fondre, mais ce fut surtout l'île qui explosa violemment, tandis que Diana repoussa avec énergie Apollon. Surpris, le Dieu Noir rejoignit l'île centrale, où il rebondit à plusieurs reprises.

Wonder Woman s'élança vers lui en hurlant, et le frappa avec une force terrible, qui fit trembler toute l'île. Elle déployait enfin sa pleine puissance, l'énergie d'un Dieu, d'une Déesse en colère ! Apollon se releva, et envoya sur elle des tentacules que Diana évita sans difficulté, et concentra la Force Prime entre ses mains, générant une boule d'énergie qui explosa violemment contre Apollon. L'onde de choc dessina un cratère autour du Dieu, qui lança sur elle une île flottante. Le projectile massif la frappa violemment, et l'envoya s'exploser sur la surface de l'île principale...

...Mais le projectile explosa à son tour. Diana en jaillit, des éclairs d'énergie zébrant autour d'elle. Elle le frappa encore avec le genou, provoquant une violente onde de choc, qui souffla Apollon. Le temps qu'il s'envole, le lasso doré de Diana le saisit à la cheville, et elle le fit tournoyer dans les airs, sifflant comme une toupie, puis l'envoya ensuite valser. Apollon traversa plusieurs îles au passage, et les yeux de Diana s'illuminèrent encore. Fille de Zeus, elle puisa dans sa force, et un éclair iridescent jaillit alors, frappant violemment le corps d'Apollon, qui hurla comme un dément.

Un tel coup aurait pu tuer un Dieu, et la rage du Roi Cramoisi explosa alors.

*Diana...*

Diana sursauta en entendant en elle la voix d'Apollon.

*Apollon ? Mais comment est-ce possible ?
Je vais mourir, Diana...
Non, je le refuse !
Il ne mentait pas, tu sais... Mais la mort n'est jamais la fin pour un Dieu. Tu dois en finir, et récupérer mon Éclat.
Non !
Aussi têtue que ton père...*

Diana sourit doucement. « Apollon » concentrait toute son énergie pour une ultime attaque, et elle serra les poings, sentant l'armure vibrer doucement.

*L'enfant que tu portes est relié à la Tortue... C'est son pouvoir que tu sens en toi...
Je ne tuerai pas un Dieu.
Je suis déjà mort, Diana, et ce n'est pas comme si les humains avaient encore besoin de moi. Il faut sauver Zeus, impérativement. Je reviendrai, Diana. Tant qu'il y aura de la musique et que les hommes regarderont avec un sourire épanouissant un lever de soleil, je serai toujours là.
Apollon !*

Le Dieu déchu hurla encore, déformant la réalité autour de lui. Il se rua alors vers Diana, qui s'envola à son tour, se catapultant du sol. L'air se disloqua autour d'elle, les couleurs se fondant en une seule, et elle vit la masse noirâtre hideuse qui se rapprochait... Et la heurta violemment.

Il y eut une ultime explosion, qui illumina le Sanctuaire de la Tortue... Puis une nuée d'étoiles se mirent à retomber, ainsi que le silence.

Le temps sembla s'écouler lentement, comme un silence de mort tombant sur le Sanctuaire. Shad put commencer à sentir la pluie tomber sur son pelage, tandis qu'une silhouette se rapprochait lentement, et pansait ses plaies. Le pouvoir du Loup était parti, et l'Enfant était revenu.

« Aujourd'hui, un Dieu est mort., alors le Ciel pleure. »

L'Enfant se releva lentement. Le Sanctuaire avait été ravagé, mais il se reconstruirait. La Tortue avait soutenu les deux guerriers, et Shad vit la silhouette spectrale du Loup face à elle.

*Ce n'est que le début, Shad. Tu dois retrouver le Dragon doré.*

Le Loup ne put en dire plus, et s'évanouit ensuite. Le temps que Shad reprenne ses esprits, elle put voir, plus loin, que des animaux spectraux se rapprochaient, formant un cercle autour d'une scène tragique. Ils étaient tous là. Les Quatorze. L'Ours, le Lièvre, le Cheval, le Dromadaire, le Loup... Le Dragon, et la Tortue, petite, minuscule.

Car dormait devant eux la dépouille d'Apollon. Nu, figé dans son éternelle beauté, il était à terre, fermant les yeux. Un Dieu était mort. Ses longs cheveux tombaient sur ses épaules, et, sur son ventre, son Éclat brillait encore. Diana, elle, pleurait en étant agenouillée. Pourrait-elle un jour se pardonner d'avoir tué un Dieu ? Le Cheval, qui avait toujours été compatissant, apposa son museau contre la joue de Diana, et le Loup hulula à la mort. On disait d'Apollon qu'il était le plus beau des Dieux, et, dans sa mort, il avait retrouvé de son élégance, de sa beauté.

*Nous pleurerons les morts ensuite, Diana... Tu dois retrouver Héra, et réunir les autres. Que le sacrifice d'Apollon n'ait pas servi à rien.*

Diana ne dit rien, et finit par se relever, après un moment qui lui sembla interminable. Des silhouettes apparurent ensuite. Neuf femmes à la beauté irréelle, les Neuf Muses d'Apollon, soignées de leur mal. Diana n'osa pas les regarder. Clio lui tendit ensuite l'Éclat, et l'incita à le prendre.

Un Portail se généra ensuite à côté d'elle. Les Animaux-Totems avaient disparu, et l'Enfant se tenait devant ce Portail.

« Ce n'est pas encore fini... »

Diana hocha lentement la tête.

« Les Muses feront vœu de silence jusqu'à ce qu'Apollon revienne... La suite ne dépend plus que de vous. Le passage va se fermer.
-  Qu'adviendra-t-il de la Banshee ?
-  Elle est désormais libérée de l'influence du Roi Cramoisi... Pour le moment. Ce Portail vous ramènera à Menzoberranzan. De là, vous demanderez à Streeaka de générer un Portail jusqu'au Temple de Sha. Diana, tu dois réunir les autres.
-  Oui... »

C'est ce qu'elle devait faire, bien sûr. Autour d'elles, le décor commençait à s'ombrager, comme pour leur rappeler que leur place n'était pas ici.

« Il faudra tuer Zeus... » hasarda l'Enfant.

Diana ferma les yeux en retenant un soupir, et ferma furieusement le poing, tant et si bien qu'elle enfonça ses ongles dans sa peau.

« Je ne pourrais pas...
-  Le cycle doit être brisé.
-  JE NE POURRAI PAS TUER UN AUTRE DIEU ! »

Elle avait le sentiment d'avoir perdu un morceau de son âme en faisant ça.

« Tu ne le feras pas, Diana. »

Une voix ferme et posée jaillit. Le corps d'Apollon était toujours là, et, parmi les Neuf Muses, une dixième personne se releva.

Héra.

« Héra...
-  Aujourd'hui, l'un de mes enfants est mort.
-  Je... Je ne sais...
-  Tôt ou tard, nous finissons toujours par payer pour nos péchés, Diana... Et j'ai payé pour le mien. »

Diana soupira doucement, et Héra posa sa main sur son épaule.

« Tout ça est ma faute, Diana... J'ai contribué à ce cycle depuis bien trop longtemps. Ma fierté a servi de rempart face à ma peur, ma jalousie était le réceptacle de ma souffrance. Tout cela va finir. Réunis-les, Diana. »

Héra se retourna ensuite vers Shad.

« Aujourd'hui vient le temps où Dieux et Humains vont devoir se battre ensemble. Nous aurons besoin de toi, Louve Shad. »

Diana acquiesça lentement, et Héra la regarda encore.

« Le temps presse. Ils sont là. »

Diana leva la tête, et vit alors, dans le ciel, des éclairs se former... Et, à chaque éclair, un immense tentacule apparaissait... Ou, plutôt, la pointe d'un tentacule qui semblait plus grand que des montagnes entières, ondulant dangereusement dans les cieux comme un serpent prêt à fondre sur sa proie.

« Retrouvons-nous chez Sha, et je t'expliquerai tout, Diana... Mais permets-moi avant de pleurer mon enfant.
-  Héra, je... »

Héra, qui ne s'abaisserait jamais à pleurer devant quiconque, repoussa alors Diana et Shad.

La première se retrouva chez Sha, et la seconde chez Streeaka, retrouvant l'usage de son corps.

Et, dans le ciel de Terra, le tentacule se dressait désormais de Mijak à Lumen, comme un funeste présage de l'issue de l'Olympomachie...