The Multiversity

Malgré sa formidable contre-attaque énergétique, son groupe n'était pas tiré d'affaire. Alors qu'elle était en train de féliciter Gine, Carol fut projetée au sol. La première la surprit alors se faire avaler par les bois. Fendant l'air, la Saïyajin serpenta entre les arbres, poursuivant la super-héroïne en galère à travers un ravin. Carol sectionna le tentacule qui l'avait tractée jusqu'à ce biome, se rétablissant à bonne distance de ce qui ressemblait à... un loup garou croisé avec une plante carnivore ?
Gine était bien incapable d'effectuer cette comparaison, n'ayant croisé aucune de ces moitiés sur sa planète d'origine. Toujours est il qu'elle trouvait cette créature particulièrement affreuse, et qu'elle percevait son hostilité aussi nettement que son intention de les bouffer.
Le monstre souligna ce tout par un sifflement agressif.

- Pas le genre de fleur que je serais prête à cueillir, grimaça la femme à queue de singe qui observait la scène en flottant, un peu en hauteur.

La mauvaise herbe s'acharna sur Carol, lui décochant d'autres de ses dégoûtants tentacules avant de tenter une approche plus physique et brutale ! Carol répliqua par un projectile d'énergie de son cru. Percuté de plein fouet, son assaillant repartit dans l'autre sens, s'écrasant à l'autre bout du ravin.

- Bien fait pour sa tronche ! claironna la Saïyajin en agitant un poing en l'air.

Mais une ombre se déplaçait le long d'un tronc d'arbre. Et cette ombre, qui appartenait à une créature du même acabit que la première, en avait elle aussi après Carol. Gine, qui avait l'ouïe finie, entendit ses membres craquer au moment où elle avait bondi.

- Hyaaaaaaaaa !!!

Inutile d'avertir sa coéquipière du danger : la Saïyajin intercepta le monstre d'un coup de talon dans le bas du dos, le faisant atterrir en catastrophe juste à côté de sa cible. L'abomination végétale roula sur le flanc avec hargne. Gine poursuivit son offensive en lui tirant un rayon qui, à défaut de faire mouche, creusa un sillon brûlant dans la terre humide. Elle rejoignit Carol, se tenant les poings fermés à son côté.

- Je ne serais pas étonnée d'en découvrir encore d'autres, la prévint-elle, bien campée sur sa position. Ne baisse pas ta garde, Carol.

Remarque dite avec le sourire.
Pour une fois que ce n'était pas elle qui avait gaffé !
La situation n'était pas idéale mais au moins étaient-elles toujours vivantes, et en un seul morceau.

- Je ne sais pas quel genre de poison leurs griffes sécrètent, mais une chose est sûre : je n'ai aucune envie d'en découvrir les effets !

Echanger des coups avec ces bestiole n'étant pas l'idée du siècle, Gine jugea préférable de tendre les deux mains afin de les arroser de Ki.

Ces saloperies carnivores se heurtèrent à la ténacité de Carol et de Gine, la Saïyan suggérant avec perspicacité d’opter essentiellement pour des attaques à distance. C’était le meilleur moyen d’éviter de se faire griffer, et empoisonner. Carol acquiesça donc, et généra à son tour des boules d’énergie dans la paume de ses mains, qu’elle projeta sur les monstres. De cette manière, les deux femmes réussirent rapidement à repousser les assaillants, et Carfax put les rejoindre.

« Pas mal, commenta celle-ci, vous commencez à bien vous débrouiller. Je vous encourage néanmoins à davantage de vigilance, j’explore cette jungle depuis des années, et je tombe encore sur des monstres nouveaux à chaque patrouille. »

En disant cela, Carfax se rapprocha du corps de l’un des monstres. Un sang verdâtre s’échappait de son corps.

« Cette chose est une mutation… Regardez ici et là, il y a des spores qui ont poussé sur son corps.
- Ophiocordyceps… »

Intriguée, Carfax haussa la tête.

« Plaît-il ?
- Euh… C’est… C’est un genre de bactérie, une spore parasite qui infecte des fourmis. Il y a… Il y a des théories sur le fait de dupliquer le cordyceps à d’autres espèces. Poison Ivy… A travaillé dessus… »

Carfax hocha la tête, visiblement impressionnée, et posa respectueusement sa main sur l’épaule de Carol.

« Tu es décidément pleine de qualités, Carol. Belle, forte, et très intelligente.
- Je… Euh… Merci. »

Carol avait senti ses joues s’empourprer.

*Il va falloir que je remercie Tony de m’avoir montré The Last Of Us… Oh non, pas ça…*

Ceci étant dit, la théorie de Carol n’était peut-être pas si erronée. Ivy avait vraiment mené des recherches sur le cordyceps, à l’époque où elle était encore écoterroriste. Ophiocordyceps désignait un champignon parasite encore méconnu des hommes. On savait que ce champignon parasite pouvait, selon les souches, prendre le contrôle de fourmis, de cigales, de cafards… S’il était impossible qu’Ophiocordyceps mute au point de parasiter l’être humain, Ivy lui avait parlé des recherches de son mentor, Jason Woodrue, qui travaillait sur une mutation d’Ophiocordyceps. Dans une jungle comme Zerrikania, l’Alraune Noir pouvait sans doute développer des champignons parasitaires similaires.

« Si ces bêtes sont contrôlées, cela veut dire qu’elles nous ont délibérément attaqué. Je recommande donc d’être méfiantes.
- Le clan Z’bambe disposerait de ce genre d’armes ?
- C’est fort possible, il va falloir qu’Ivy examine ce corps… En fait, il va sans doute falloir qu’on l’amène dans votre village. C’est… C’est une scientifique très talentueuse. »

L’évocation de Poison Ivy fit encore rougir Carol. Talentueuse, oui… Mais aussi incroyablement sensuelle !

Parfaitement dosées, les explosions générées par les projectiles des deux combattantes avaient été suffisantes pour repousser l'adversité. Carfax réapparut à proximité de la dépouille de ce qu'elle considérait être un mutant. Et de ce que Carol, avec ses connaissances scientifiques transmises par Poison Ivy, estimait appartenir à une espèce de dangereux parasite.

- Une bactérie peut engendrer ça ?

Plus que le cadavre, c'était la créature en elle-même qui révulsait Gine. Suffisamment pour qu'elle passasse outre les compliments qu'adressait directement la chasseuse à la plus intelligente du lot qui, pour le coup, avait l'air aussi intimidée que l'aurait été la Saïyajin à sa place.
Bref ! La belle blonde au cerveau bien rempli préconisait la méfiance face à des adversaires qu'elle imaginait dirigés par une entité supérieure.

- Ça craint...

La jungle n'était-elle pas suffisamment dangereuse en l'état ? Pourquoi fallait-il que sa présumée maîtresse vienne en plus leur coller une cible sur le dos ?
Gine poussa un soupir agacé... avant de tousser fort dans son poing, manquant s'étrangler avec sa propre salive.
Alors comme ça elles étaient parties pour revoir Ivy ? Qui plus est après lui avoir ramené cette monstrueuse dépouille au village ?
La femme à queue de singe comprenait aisément le pourquoi des rougeurs qui coloraient les joues de Carol.
Urgh... connaissant le personnage, ce n'est pas que le corps de cette chose qu'Ivy va avoir envie d'examiner.
En sa présence, même Carfax était susceptible d'y passer sous prétexte de bénéficier de sa protection face aux spores...
Que pourraient-elles y faire ?
Il y avait des évènements contre lesquels même une Saïyajin ou une héroïne de haut vol était impuissante.
Gine pointa du doigt l'horreur au sang verdâtre.

- D'accord ! Mais je n'aurai qu'une seule exigence : nous fabriquer une civière pour transporter ce... truc.

Il devait y avoir de quoi faire aux alentours. Sans doute même que Carfax était en mesure d'en monter une en deux temps trois mouvements.

Si la venue de Poison Ivy plongea Gine dans un abîme de rougeurs, sa venue fut accueillie au sein du clan Z’bambe comme la venue d’une Déesse. Quand le trio revint avec une civière traînant le corps, Poison Ivy était déjà là, et les autochtones s’inclinaient devant elle, baisant ses pieds. Force est de reconnaître que, quand elle émergea de sa fleur, belle et somptueuse, elle évoquait une Alraune, commandant à la nature. Elle sourit ensuite en voyant le trio, puis embrassa Carol sur les lèvres, et Gine sur les lèvres aussi. Ivy sourit en voyant la courageuse Saïyen rougir jusqu’aux oreilles.

« Tu es toujours aussi timide, ma jolie… »

Carol lui résuma rapidement la situation. Ivy, quant à elle, confirma qu’elle avait ressenti la mort du Shantak. Zerrikania en avait frémi, semblant se libérer d’un mal profond… Mais sa mort était insuffisante pour guérir la jungle. Ivy pouvait néanmoins désormais s’aventurer davantage dans la jungle, ce qui expliquait sa présence ici, si loin du camp de base. Elle ignorait en revanche où se trouvait Black Widow, mais ce n’était pas grave. Elle examina ensuite le cadavre, la Déesse laissant place à la microbiologiste qu’elle était de base. Elle confirma rapidement que la bête avait été infectée par des spores fongiques.

« Ophiocordyceps lamia… C’est… C’est étonnant.
- Pourquoi ça ?
- J’ai étudié le cordyceps. Woodrue, mon mentor, réfléchissait déjà à l’idée de transférer ce virus fongique des fourmis à d’autres organismes, notamment les humains. Des essais qui n’ont jamais été concluants, mais, ici… Je suppose que l’Alraune Noir a réalisé ces mutations de ce virus.
- Comme dans la série ? »

Pamela soupira.

« Voilà bien le genre de trucs que Harley dirait… Mais oui, c’est globalement le même concept. »

Devant l’incompréhension de Gine, Ivy fit des précisions utiles :

« Ophiocordyceps est un virus fongique qui existe depuis des millions d’années. C’est un champignon, plus précisément, qui infecte certaines espèces d’insectes ou d’arachnides. Il en existe de plusieurs sortes, il y a même des gens qui font du commerce dessus. Je ne serai pas surprise que ces gens-là l’exploitent aussi. L’Alraune Noir a dû modifier une souche. »

Rien de très encourageant. Ceux qui prévoyaient d’attaquer les Z’bambe étaient donc aux services de l’Alraune Noir ? Ou alors, c’était purement aléatoire.

« Je vais devoir rester par ici pour mener des recherches, et faire des prélèvements. Tu penses pouvoir me protéger, Gine ? »

Le charisme de Poison Ivy dépassait les attentes de la Saïyajin. En plus de la flore, cette singulière beauté paraissait avoir dompté tous ceux qui avaient eu la chance - ou le malheur - de poser les yeux sur sa silhouette de nymphe ! Gine fut bien forcée d'admettre qu'elle ne la laissait pas indifférente. Malgré sa timidité, qui n'empêcha pas du tout la mutante de l'embrasser comme elle l'avait fait avec Carol.
La femme à queue de singe crut que son cœur allait exploser tant il battait fort dans sa poitrine.

- Hein ?! Jo-jolie ? ...M-moi ? Sûrement pas autant que vous !

Elle était tout juste une petite fleur sauvage à côté de cet arbre majestueux !
Gine baissa la tête alors que Carol, beaucoup plus habituée à la proximité de la plantureuse Pamela, lui faisait son rapport. En retour, les combattantes eurent droit à ce qui s'apparentait à un cours de biologie.

- Ophiocordy... cé... psl... quoi ?

L'expression sur son visage, tout naturellement, trahissait son incompréhension. Gine n'était pas douée pour jouer la comédie. Tout juste bonne à faire la cuisine, elle n'avait en outre rien d'une scientifique. L'excédent d'informations et de mots compliqués avait donc vite fait de noyer son cerveau qu'un certain Freezer aurait qualifié de "primate".
Heureusement, Maît-... Poison Ivy était une âme charitable qui pardonnait l'imbécilité d'un peuple passablement arriéré.

- Ah ! Donc si je comprends bien... notre ennemie - l'Alraune Noire - a modifié la... structure interne d'un virus fongique pour... euhm... l'amener à évoluer ?

Une opération dangereuse dans la mesure où il est question d'un virus contagieux, d'un parasite susceptible de s'accrocher à la chair elle-même !
Poison Ivy qui, malgré son intellect remarquable, semblait elle aussi posséder quelques lacunes sur le sujet souhaitait étudier le corps de la créature rapatriée sur le territoire des Z’bambe. Des prélèvements qu'elle comptait effectuer sous la protection de la Saïyajin.
Cette dernière, prise de court, lui adressa sur-le-champ un garde-à-vous maladroit.

- J-je vais faire de mon mieux !

Elle déglutit, puis se remit aussitôt en question. Pour faire honneur à celle sans qui la jungle de Zerrikania en aurait fait son quatre heures, Gine se devait d'être plus convaincante que cela.
Une lueur combative traversa son regard lorsqu'elle leva le poing, lui assurant d'une voix tranchante :

- Je vous protégerai mieux que tous les autres.

De l'audace, enfin !
Gine, déjà, parvenait presque à calmer sa respiration à côté de l'influente Pamela.

Quand Gine annonça à Ivy qu’elle la protégerait mieux que tous les autres, Pamela sourit, et caressa la joue de Gine.

« Si Harley t’entendait dire ça, elle serait folle… »

Puis Ivy embrassa Gine. Se battre était visiblement plus facile pour les Saïyen que d’exprimer de vrais sentiments. Gine se mit donc à furieusement rougir, et Pamela attrapa ensuite sa main. Elles s’éloignèrent ensuite. Les Z’bambe étaient eux aussi sous le charme d’Ivy, s’agenouillant devant elle, répétant souvent le même mot. Ivy était habituée. Quand elle se rendait dans certaines régions reculées de son monde, comme en Amazonie, les autochtones la prenaient pour une Déesse. Il fallait se rappeler que, quand Christophe Colomb et les siens avaient rejoint les Amériques, en traversant ce que les Européens appelaient alors la mer Océane, et qu’ils avaient découvert les autochtones des Caraïbes, ceux-ci les avaient pris pour des Dieux. Avec sa beauté étincelante, son charme exotique, et ses phéromones, Ivy laissait toujours une forte impression.

Les Z’bambe lui laissèrent une pièce. Ivy demanda ensuite à Gine et à Carol de rapporter son matériel, et, comme on ne refusait jamais rien à Poison Ivy, les deux femmes s’exécutèrent. Elles s’envolèrent au-dessus de Zerrikania, et Carol ressentit à nouveau cette curieuse sensation de soulagement en s’élevant au-dessus de la jungle, et également ce sentiment que Zerrikania était beaucoup plus grande que ce qu’on pouvait en voir depuis le ciel. Elle songeait encore à Bilbon perdu dans la Forêt Noire, et à son expression de ravissement quand il grimpait au sommet d’un arbre, et que la lumière du jour venait dissiper les charmes mauvais de cette forêt maudite.

*C’est ce qui s’en rapproche le plus, en tout cas…*

Elles retournèrent au camp de base. Carol tenait dans sa main une graine d’Ivy. Celle-ci l’avait conçu à partir de son propre costume. Elle la mit dans un pot, et la graine germa en une fleur qu’Ivy utilisa pour se matérialiser ici.

« Ne sois pas surprise, Gine, c’est Alec qui m’a appris ça. Il peut se matérialiser à partir de n’importe quelle plante.
- Alec Holland, expliqua Carol, a été choisi pour être le Gardien du Vert On l’appelle le Swamp Thing, la Créature des Marais. »

Carol poursuit ses explications, en indiquant à Gine que la Terre comprenait trois forces naturelles élémentaires, la Flore, surnommée « le Vert », la Faune, surnommée « le Rouge », et la pourriture, surnommée « le Gris ».

« On retrouve ces trois forces partout, sur toutes les planètes habitables. La faune et la flore sont indispensables, tandis que le Gris assure le renouvellement de ces deux forces. Chacune de ces forces dispose d’une sorte d’entité et d’un gardien. Sur Terre, c’est le Parlement des Arbres qui protège le Vert, et qui se trouve en Amazonie. Et leur héraut… Disons que cela aurait pu être moi, mais, à l’époque, j’étais plus impulsive qu’avant. Le Parlement m’a rejeté pour un autre, Alec Holland, et j’ai appris à évoluer. Alors, je ne suis pas la Gardienne du Vert, mais j’ai tout de même appris certains tours. »

Le matériel informatique l’intéressait peu, il fonctionnait grâce à des panneaux photovoltaïques, et, vu les ondes malsaines qui circulaient à Zerrikania, Carol n’était également pas sûre que cela fonctionnerait. En revanche, tout le matériel scientifique, les éprouvettes, les prélèvements, ses notes, Ivy les réunit dans une caisse.

« Je ne peux pas transporter ceci à travers le Vert. J’ai donc besoin de vous. Portez mes graines, elles vous permettront de me retrouver au village. »

Ivy en retira encore deux de sa tenue, puis embrassa ensuite chacune des deux femmes en leur remettant les graines, mais un peu plus longuement qu’au village.

« Ensuite, Gine, puisque ton rôle est de me protéger, je compte sur toi pour inspecter ma grotte… » sourit Ivy sensuellement.

Puis, après cette ultime promesse, Ivy retourna près de sa plante, et s’y absorba, laissant les deux femmes ensemble…

Harley ? Folle ? Gine ne voyait absolument pas de qui Ivy voulait parler mais son instinct de préservation lui soufflait de s'en méfier. A elle seule, Pamela représentait déjà un bien trop gros morceau pour ses beaux yeux. Une femme envoûtante, capable de subjuguer n'importe qui en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, avec son charisme hors du commun. Plus qu'une reine, les Z’bambe la considéraient comme une déesse.
La Saïyajin elle-même n'était vraiment pas loin de rejoindre leur culte.
Avec Carol, elle fut soulagée de pouvoir s'éclipser, même si c'était pour lui ramener ses affaires dans le village.
Son répit fut de bien courte durée. Vraiment pas de quoi soulager les battements de son cœur.
En effet, Poison Ivy avait les pouvoirs de se matérialiser partout où l'on plantait ses graines. Et Carol en avait emporté une avec elles.
Alors oui : Gine fut bel et bien surprise de la voir réapparaître aussi tôt.

- C'est très pratique, commenta-t-elle d'une toute petite voix.

La superhéroïne et la mutante lui décrivirent les trois forces naturelles élémentaires qui gouvernaient les planètes. La faune, la flore et la pourriture formaient un cycle - celui de la vie et de la mort. Chacune d'entre elles possédaient son propre gardien. La Terre, d'où provenait les récentes connaissances de Gine, avait bien failli élire Paméla comme représentante du Vert. Mais à l'époque, elle n'était pas aussi sage.
Moins impulsive qu'avant ?
Gine n'osait imaginer à quoi elle ressemblait, naguère.
En tout cas, pour avoir su la maîtriser et lui enseigner des choses essentielles, cet Alec Holland n'était pas devenu le héraut du Parlement des Arbres par défaut !
Je n'ai jamais rencontré cet homme. Je ne sais même pas à quoi il ressemble. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de l'admirer.
Soit l'individu en question possédait une immunité aux charmes de Poison Ivy, soit il était imbu d'une force mentale exceptionnelle.
La Saïyajin suspectait qu'il ne manquait pas des deux.
Tandis qu'elle cogitait en silence, Ivy avait pris la peine de ranger son matériel dans une caisse.
Le transport, c'était à Carol et Gine de s'en charger. Ça et les graines qu'elle leur confia, bien entendu.
La femme à queue de singe avait attardé religieusement son regard sur la sienne avant que la séduisante donneuse vienne l'embrasser avec plus d'insistance qu'au village. Baiser auquel même Carol eut droit, par ailleurs.
Un jour, je crois que mon cœur va finir par s'arracher de ma poitrine pour mieux lui courir après.
Elle ne pouvait pas le lui dire de vive voix. Pas exprimer ses sentiments comme cette autre fois, en plein acte, dans la grande fleur. A froid, la Saïyajin bloquait, tout simplement...
Et c'était horriblement perturbant !
Gine n'était pourtant pas au bout de ses surprises car Pamela, qui semblait ne jamais en avoir assez, lui fit savoir qu'elle comptait sur elle pour "inspecter sa grotte". Une façon que la mutante végétale avait trouvé - en utilisant son vœu de protection, qui plus est ! - pour l'inviter à rejoindre son domaine privé.
La Saïyajin rougit de plus belle en visualisant ce qui l'attendait entre les parois de son repaire.

- Je... euh... je tâcherai de ne pas vous faire faux bond.

Bien que terriblement gênée par la situation, elle n'avait qu'une seule parole.
Poison Ivy emprunta sa plante pour se téléporter, laissant seules les deux femmes qu'elle avait marquées.
Un point commun qu'avait depuis longtemps accepter Carol, selon toute vraisemblance...
Gine leva la tête vers elle.
Comment fait-elle pour rester aussi calme ?
Le sang-froid de cette combattante l'impressionnait !
A moins que...

- Est-ce que tu l'aimes ? lui demanda-t-elle après un court moment de silence.

Il y eut un autre, un peu plus long, derrière lequel la femme à queue de singe enchaîna doucement :

- Je n'ai rien contre Pamela, mais... je ne suis pas habituée à recevoir autant d'affection.

Un aveu de faiblesse. Un manque comblé trop vite qui la perturbait.

- Moi, je l'aime bien, déclara-t-elle en baissant les yeux sur la graine. Beaucoup, je pense. Cela dit... en sa présence, j'ai l'impression d'être complètement déboussolée.

Alors qu'elle lui devait la vie - au bas mot ! -, Gine se sentait aussi ingrate que maladroite.

- Comment fais-tu... lorsque vous êtes seules, toutes les deux ?

Elle avait rassemblé tout son courage pour lui poser cette question.
Carol incarnait son modèle. En s'en inspirant, Gine envisageait de se préparer à la "confrontation".

Le départ d’Ivy laissa Gine dans un état un peu secondaire. Carol souriait doucement. Gine l’interrogea alors, et Carol resta silencieuse pendant quelques instants, réfléchissant à comment lui répondre.

« Si tu parles d’amour, non, je ne suis pas amoureuse d’elle… Mais j’aime lui faire l’amour, oui. Comme toi, je ne suis pas insensible à ses charmes, ni à ses spores aphrodisiaque. »

Alors, comment échapper à son influence ? C’était là la question que Gine se posait. Carol se déplaça un peu, se rapprocha de la Saïyan. Elle lui caressa doucement les cheveux, un sourire doucereux sur les lèvres.

« Il y a un proverbe là d’où je viens qui dit que le meilleur moyen de résister contre la tentation, c’est d’y céder. Tue s confuse, Gine, car tu refuses d’admettre que Ivy te plaît. Ton esprit est donc en conflit. Mais sache que tu peux avoir un désir charnel pour une personne sans avoir forcément envie de l’aimer. »

Carol lui sourit, et s’assit ensuite, en attrapant les mains de Gine.

« C’est comme ça que je m’en suis sortie, moi… En m’avouant que j’avais envie qu’elle me baise à chaque fois que je la croise. Il suffit juste de laisser parler tes pulsions, je croyais que c’était un domaine où les Saïyen excellaient. »

En tout cas, Gine restait toujours aussi timide, même si elle s’enhardissait un peu.

« Accepter ce que l’on est, et ce qu’on désire, c’est une preuve de maturité, Gine. C’est pour ça que tu es si différente des autres Saïyen ? Je veux dire, les tiens sont plutôt du genre à taper sur tout ce qui bouge, mais pas toi… Est-ce qu’il y a des Saïyen pacifistes comme toi ? Je suis curieuse de connaître ton parcours… »

- Ah.

Carol était, en quelque sorte, comme elle. Attirée par Ivy. Par ses spores. Par l'envie de faire l'amour à cette mutante prodigieuse. A la différence près que cela ne générait pas autant de confusion dans son cerveau ; là où Gine pensait trop, bataillant constamment entre raison et passion. Un point sur lequel la super-héroïne posa d'ailleurs le doigt après s'être approchée de la Saïyajin et de lui avoir ébouriffé affectueusement les cheveux.
Est-ce aussi simple que ça ?
Sans oser l'interrompre, Gine s'installa face à Carol, qui s'était assise pour vider son sac plus facilement.
Ce qu'elle lui révéla ensuite la fit rougir comme une pivoine ! Sa queue de singe s'était hérissée.
Qu'elle la... baise à chacune de ses rencontres ?!
Elle rougit d'autant plus fort lorsque la blonde, séduisante et franche, traita de ce type de pulsions très répandues chez les Saïyajins.
Mais quelle image donne-t-on au reste de l'univers !?
Des combattants redoutables et craints pour leur caractère sanguin, mais surtout des fornicateurs en puissance !
Gine ressentit une furieuse envie de se cacher les yeux. Alors que cela ne servirait à rien.
Naturellement, Carol Danvers s'interrogeait sur son cas vraisemblablement atypique - voire unique.
Gine ne pouvait pas se sentir plus extraterrestre qu'en ces circonstances. Les mains appuyées sur ses genoux et les yeux détournées, elle finit par répondre d'une toute petite voix :

- J'en ai de moins en moins l'impression...

Des saiyens pacifistes comme elle ? Ha ! La simple idée paraissait inconcevable et source de moqueries crasses aux yeux d'un sang pur.
Les épaules de la femme à queue de singe s'affaissèrent.

- Je n'ai rien fait d'exceptionnel, avoua-t-elle. Contrairement aux autres, je n'avais pas d'aptitude ni d'affinité particulières pour les affrontements. J'ai toujours préféré le langage du cœur à celui des poings. Le simple travail des mains à celui de la violence.

La faible Gine. Loin d'être une championne. Guère une grande rêveuse. Le genre de personne qui n'aspire à rien d'autre qu'une petite vie tranquille, sans tourment aucun. Sans grande prise de décision susceptible de coûter de trop nombreuses vies.
Le visage tourné dans le vide, elle grimaça.

- Je n'aime pas... faire du mal aux autres. Détruire. Ce genre de... choses.

Ces bêtises là lui provoquaient toujours de la peine, générant un poids dans son cœur que les siens jugeaient trop mou.
Ses yeux sombres retrouvèrent le visage de son interlocutrice.

- Pourtant je sais que c'est parfois nécessaire, dit-elle. De se battre. Et d'évoluer. Pour être capable, le jour J, d'aider ceux à qui l'on tient.

Épuisée par la discussion, elle soupira.

- Je me sens paradoxale. Jamais à ma place. Toujours à essayer de nager à contre-courant dans un monde où les luttes sont légion.

Entre celles de Carol, ses mains tremblaient d'indignation. Elle dut faire un effort pour les apaiser.
C'était toute cette colère refoulée qui faisait d'elle un véritable titan de brutalité lorsqu'elle se transformait en Oozaru.

De toute évidence, Carol avait besoin d’en savoir plus sur les Saïyen. Elle n’aurait effectivement jamais cru voir un jour une Saïyen pacifiste. Gênée par les révélations de Carol, elle s’assit à côté d’elle. Apprendre que Carol était aussi sensible qu’elle aux charmes de Poison Ivy allait sans doute la rassurer. Le problème ne venait pas d’elle. On ne pouvait tout simplement pas lutter contre ça. Le désir sexuel était une force profonde, commune à la quasi-totalité des espèces vivantes. C’était le besoin de reproduction, la soif primaire de vie. Le désir sexuel en était l’expression la plus chimiquement pure, et Pamela jouait avec cela. On pouvait résister, certes, mais la tentation restait toujours là. Gine divagua ensuite, s’éloignant du sujet de Ivy pour évoquer ses motivations, ou le fait qu’elle ne savait pas trop où est sa place. Carol sourit doucement.

« Je te comprends, tu sais… Je dis ça sincèrement. »

Gine put à nouveau croiser le regard de Carol, et constater qu’elle était sincère.

« Ma vie… Ma vie n’a pas été simple. Mon père était un homme violent, acariâtre, et ma mère n’osait pas lui tenir tête. Cette injustice m’a toujours révolté, alors, dès que j’ai eu l’âge de le faire, j’ai rejoint l’armée. Je voulais combattre les menaces, mais j’ai fini capturée par des individus aussi dangereux que mon père. Ils m’ont torturé, mais j’ai réussi à leur échapper. Ma volonté a toujours guidé mes pas, Gine. J’ai ensuite rencontré un homme dont je suis tombée amoureuse… Mar-Vell. Un extraterrestre comme toi, un super-héros sur Terre, Captain Marvel. Il était impliqué dans une guerre entre son peuple, les Krees, et un autre peuple, les Skrulls. Rien ne pouvait le détruire, et, pourtant, c’est un simple cancer qui l’a tué. Quand j’ai obtenu des pouvoirs, je suis devenue Miss Marvel… Mais j’ai sous-estimé l’ampleur de mes traumatismes, Gine. »

Carol se pinça les lèvres. Elle se tut. Inutile de parler de Rogue, de Marcus Immortus, du fait qu’elle avait été violée, privée de ses pouvoirs, de son identité propre… Ou qu’elle avait sombré dans l’alcoolisme, au point que les Vengeurs l’avaient exclu du service actif.

« Moi aussi, je cherche ma place, Gine. Je pensais que l’armée était faite pour moi, que je devrais obéir aux ordres, mais je n’ai pas réussi. J’admire un peu Poison Ivy, tu sais. Outre sa beauté évidente, et le fait que je meure d’envie de lui faire l’amour dès que je reste avec elle plus d’une minute, elle est très intelligente, autonome, et elle sait ce qu’elle veut. Elle a un but, des motivations. Moi… Je ne sais pas. Je suis comme toi, je pense. Je veux faire le bien, que mes pouvoirs servent à quelque chose. Il y a un super-héros qui a une devise là-dessus, Spider-Man. Il dit qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Cela implique que des gens comme nous ne peuvent rester neutres face à l’injustice… Mais, plus on vieillit, et plus les lignes se troublent. Servir la justice… Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, et encore moins ici. Regarde… Nous avons terrassé un monstre, mais, en faisant cela, nous avons déclenché une guerre tribale. Avons-nous bien agi ? Je ne sais pas… »

En grattant un peu, Gine pouvait voir les lignes de la faille. Si elle voyait en Carol un modèle, c’était aussi, sous les dorures, sous le sourire, sous l’énergie et la beauté, une femme brisée. La vie n’avait pas été tendre avec Carol, mais elle s’était toujours relevée. Sa résilience était une réalité admirable, une qualité première qui transpirait finalement chez elle.

Alors comme ça Carol Danvers n'était pas aussi intouchable et puissante que se l'était imaginé Gine ?
La super-héroïne lui avait déballé beaucoup de choses sur son passé. En passant par sa famille déséquilibrée, son recrutement dans l'armée, sa capture auprès d'un groupe dont elle s'était abstenu de donner des détails, sa relation amoureuse avec un extraterrestre, l'acquisition de ses pouvoirs...
Je me rends compte que je ne savais strictement rien de l'ancienne Carol.
Bouche bée, des larmes au coin des yeux, Gine ne cessait de l'écouter.
Miss Marvel avait des doutes. Comme elle, oui ; elle en avait beaucoup ! Ce qui la poussait constamment à remettre en question ses interventions. Cette notion de justice qui n'était jamais sans dommage pour leur entourage. Ces choix dangereux, susceptibles de provoquer des catastrophes aussi terribles et aberrantes qu'une guerre entre deux peuples tribaux.
Maintenant, en la regardant de plus près, j'ai comme l'impression de me contempler dans un miroir...
C'était perturbant. A tel point que la Saïyajin se sentit obligée de faire quelque chose. Avant tout pour aider celle qu'elle voyait maintenant comme son reflet - en sans doute plus évolué. Ses mains avaient cessé de trembler au moment d'enfermer celles de la super-héroïne entre les siennes. A son égard, le regard de Gine, si proche, n'était plus qu'un océan de compassion.

- Je ne sais pas non plus si ce que nous avons fait jusqu'à présent est juste, dit-elle, le cœur lourd d'émotion, mais moi, je préfère avoir confiance en ce que nous essayons d'accomplir ici.

C'est à cet instant, avec cette proximité entre elles, que la femme à queue de singe ressentit une réelle attirance pour cette flamme vivante ; pour cette guerrière brisée mais courageuse, qui avait su l'écouter avant de s'ouvrir à elle au sujet de sa propre vie jonchée de tourments.
Sans même s'en être rendu compte, Gine avait effacé le peu de distance entre leurs lèvres, au point de donner naissance à un baiser débordant de forts et bons sentiments.
Lorsque la Saïyajin rouvrit les yeux, leur baiser avait été rompu. Par sa propre et troublante initiative, qui plus est !
Sous le coup d'une subite prise de conscience, Gine avait effectivement reculé la tête.

- Je... euh... pardon, pardon !

Elle avait complètement cédé à la tentation. Ce qui lui fit honte à un tel point qu'elle en vint à se prendre la tête entre les mains et à se la secouer dans tous les sens.

- Aaah ! D-d-désolée ! J-j-j-je ne sais pas du tout ce qui m'a pris ! C'est venu tout seul et je... je... Olàlàlàlà !

Elle s'empressa de se relever et, face à Carol, enchaîna les courbettes.

- Je m'excuse ! Ne m'en veux pas, Carol, je t'en supplie !

Elle était complètement à côté de la plaque, la pauvre...
Comme si elle avait oublié ce que la super-héroïne qu'elle adulait lui avait confié, tout à l'heure, alors qu'elles étaient en train de survoler la rivière.