Cette assurance... je le sens changé.
Le contact fut prompt à abandonner la partie, en échange de quoi Camille dut renoncer à la récompense promise. Bizarrement, il se montra très compréhensif avec eux. Au point de les escorter jusqu'à un portail de téléportation censé les emmener en lieu sûr, soit au pied d'un grand manoir édifié sur une colline. Autour de celle-ci s'étendait un terrain vierge et quelques portions de forêt. Un endroit isolé, loin des ruines de Sudo, de ses brigands et de ses monstruosités volantes.
De ses grands yeux rouge, Korë détaillait l'imposante maison.
Camille lui souhaita la bienvenue.
Impressionnant, pensa-t-elle. Je ne l'imaginais pas aussi bien loti.
Muette d'admiration, la bardesse le remercia d'un hochement de tête.
Comme hypnotisée, elle ne quitta point la façade du bâtiment des yeux avant de l'avoir intégré aux côtés de son amant.
Galant, Camille l'invita à prendre place sur un canapé installé tout près de l'âtre de la cheminée. En considérant sa blessure, elle ne se fit pas prier et se laissa tomber sur le moelleux avec un petit soupir de contentement.
- Merci, encore une fois, souffla-t-elle, plus détendue que jamais.
Elle se crispa légèrement en entendant quelqu'un cavaler dans les escaliers !
Ce quelqu'un, finalement, appartenait à l'entourage privilégié de Camille. Ce quelqu'un, en l'occurrence, ressemblait fortement à sa version miniature. Douce créature qui se dévoila dans le salon. A hauteur de son front, les sourcils de la Wyvérienne s'élevèrent doucement. Elle ne pipa point mot, se contentant d'observer l'heureuse progéniture de son sauveur. Camille lui demanda bien gentiment de retourner se coucher et, même si son corps nu fit à moitié écran à la vue de Korë, celle-ci eut un aperçu de la fierté que ressentait l'enfant pour son paternel.
Adorable.
Malgré cette émouvante image, la joie et la tristesse bataillaient dans le cœur de la bardesse.
Son délicat sourire n'en laissait pourtant rien deviner...
L'enfant, donc, avait grimpé les marches aussi vite qu'il les avait descendus. Retour au calme pour les deux amants. Korë ne bougea pas d'un cil. Camille, lui, disparut pour mieux revenir avec une élégante trousse de secours. Une valise en cuir contenant tout le nécessaire.
C'est un tantinet frustrant ; au rythme où vous les choses, je ne vais avoir de cesse de me sentir redevable auprès de lui.
La bardesse n'était pas douillette. Contrairement à ce que sa peau lisse laissait supposer, elle avait souvent mis sa vie en jeu et récolté de vilaines blessures. Le tout avait depuis longtemps cicatrisé ; il n'y en avait plus trace le long de son épiderme. Si bien que la morsure de zygote, elle, faisait tache...
- Je suis désolée de t'imposer ainsi mes soins, Camille...
Après tous les obstacles qu'ils avaient traversé ensemble, l'heure était finalement venue pour eux de se tutoyer.
- Mais je suis aussi heureuse qu'on ne m'ait pas écartée de toi.
Qu'ajouter de plus ? Elle avait déjà dit l'essentiel. Le remplaçant du contact s'était retiré depuis longtemps ; il n'y avait plus qu'eux dans cette pièce. Pensive, Korë tourna son regard mélancolique vers la cheminée.
- Je crois que je t'envie, soupira-t-elle avant de laisser un petit silence s'étirer entre eux, et de le regarder la réparer sans gémir une seule fois. J'aurais tant aimé concevoir un enfant aussi innocent et joyeux que le tien. Plutôt que de provoquer... l'apparition d'entités destructrices à chaque fois que je me laisse aller.
Une unique larme coula du coin de son œil droit. Détournant le regard de Camille pour le replonger dans les braises, la bardesse n'y prêta même pas attention.
- Chez moi, une légende raconte que les Wyvériennes Crépusculaires de mon acabit peuvent se voir miraculeusement débarrasser de leur malédiction de naissance en s'accouplant avec l'être élu de leur cœur.
Elle eut un sourire ironique.
- Je crains, hélas, que le mien est trop sensible pour parvenir à séparer le bon grain de l'ivraie...
Oui. Elle avait essayé à plus d'une occasion. Mais le bon ne lui était jamais apparu. Alors qu'elle l'avait cru.