Évidemment, Alice pouvait comprendre qu’un dragon puisse être intimidant, car... C’était tout de même une bête plus grosse qu’un chihuahua ! Mais elle avait grandi avec les dragons, et avait déjà entre ses bras des bébés dragons, qui étaient aussi petits que des bébés. Et puis, elle ne serait pas une bonne Korvander si la proximité avec les dragons l’effrayait. Les choses étaient naturellement différentes pour Nanami, qui n’avait probablement jamais dû voir un dragon, de si près. Il n’y aurait toutefois pas beaucoup de pirouettes en l’air, car aucune selle n’avait été posée sur le dragon. Tout aussi dragonnier talentueux qu’on puisse être, si un dragon se mettait à tomber à pic, sans une selle, c’était la chute libre. La gravité restait encore une force fondamentale à laquelle on ne pouvait que difficilement s’opposer.
Pour grimper sur le dragon, il suffisait de prendre appui sur une corne, et de poser sa jambe sur la base de son aile. Mieux valait ne pas piétiner l’aile d’un dragon, car elle constituait une membrane plus fragile qu’on ne le pensait. De fait, les archers affrontant les dragons savaient que les ailes formaient souvent la partie la plus fragile de la carapace écailleuse d’un dragon. Alice constata que Nanami se débrouillait plutôt bien, et se blottit nerveusement contre elle, serrant ses mains sur ses hanches. Le dragon s’ébroua alors, déployant ses longues ailes, et courut en avant sur plusieurs mètres, faisant naturellement sursauter les deux femmes, avant de pousser son corps avec ses pattes, donnant un solide mouvement avec ses ailes.
Le dragon s’envola ainsi, provoquant un léger mouvement de recul des deux femmes, avant de se stabiliser, et de s’avancer, essayant de rester aussi droit que possible, de manière à éviter de faire chavirer l’une des deux femmes. Très rapidement, Alice sourit en sentant Nanami se crisper contre elle, et tourna la tête vers elle.
« Ne vous inquiétez pas, Maîtresse, vous ne craignez rien ! »
Appeler Nanami « Maîtresse » en ce moment pouvait sembler assez ironique, compte tenu des circonstances. C’était bien Alice qui maîtrisait la situation ici. Si le dragon se montrait si docile envers Nanami, c’était parce qu’il avait perçu sur elle l’odeur d’Alice. Comme quoi, faire intensivement l’amour pouvait être bon pour chevaucher ensuite un dragon ! Alice sentit soudainement les mains de Nanami se détacher de son ventre pour s’appuyer sur les écailles du dragon.
Le dragon frémit alors, relevant la tête, et sembla désorienté pendant quelques secondes, avant de se remettre en marche. Nanami, de son côté, constata en effet combien la sensation de proximité avec le dragon était inédite, singulière et originale. Elle sentait un esprit fort, puissant, et inextricablement apaisé en pensant à la tête blonde qui les accompagnait.
Et, tandis que le dragon faisait une légère pirouette, filant au-dessus des montagnes, Nanami entendit une voix gronder dans sa tête, ses propres souvenirs défilant devant ses yeux, essentiellement ceux où elle était avec Alice.
« Qui ose ?! » gronda une voix.
Le décor même disparut devant les yeux de Nanami, qui se retrouva au milieu du Sanctuaire des Dragons, un massif dragon se posant devant elle, faisant trembler le sol.
« Toi... Toi... »
On n’entrait pas dans l’esprit d’un noble dragon doré si facilement, et le dragon se rapprocha encore, ses pensées parfaitement compréhensibles pour Nanami, ce qui semblait confirmer certaines théories sur la capacité des dragons à faire preuve d’humanité... Si tant est que le dragon face à elle, dans son esprit, était bien celui avec qui elle était entrée en symbiose.
« La Princesse t’accorde sa confiance... Je le sens, je le vois ! » tonna le dragon.
Les images se modifièrent alors, montrant un petit lac, une mare d’eau où la Princesse de Sylvandell, nue, tenait entre ses bras un jeune dragon qui venait de naître... Mais était-ce bien Alice ? Certes, cette femme lui ressemblait, et elle ornait une magnifique chevelure blonde, mais, à bien y regarder de plus près, ses yeux n’étaient pas de la même couleur, et elle semblait... Plus mâture, plus âgée.
« Mais qui es-tu exactement, toi qui portes l’odeur de la lignée du Premier ? »
Et, tandis que Nanami oscillait entre le réel et l’irréel, Alice, elle, se crispait à l’une des pointes du dragon, qui survolait les montagnes, l’abreuvant d’air frais, grondant doucement...