Les Nombreuses Vies de Fulron [Valilouvée]
Posté : 21 déc. 2024 16:11
FULRON

La riche histoire de Fulron, au cours des millénaires, s’imbrique avec celle du forum, au point qu’on pourrait considérer cette histoire comme une préquelle au BG du forum.
I – Au commencement, le Feu et la Magie
Quand Fulron vit le jour, il n’était point Dieu.
Au commencement, toute planète tellurique est un morceau de son étoile, l’ensemble formant, vu de l’extérieur, comme un colossal disque lumineux, un « disque protoplanétaire ». Ce disque finit progressivement par s’effondrer sur lui-même, et se découpe en plusieurs morceaux, formant comme autant de planètes telluriques ou de planètes gazeuses, selon la concentration de particules ou de gaz qui s’y trouvent.
Ce corps céleste qui se détache et qui prend forme est alors au premier âge, l’âge du Feu et de la Lave, l’Hadéen.

Vision d’artiste de l’Hadéen
Sous ce premier éon, qui eut lieu il y a plus de 4 milliards d’années, toute vie telle que nous la connaissons est impossible. La planète n’est alors qu’un immense océan de magma, une terre de feu aride qui bouillonne à proximité de son étoile. Sans atmosphère encore solide, les astéroïdes s’y fracassent avec rage, provoquant des collisions cosmiques d’une ampleur inimaginable, certains de ces chocs pouvant ensuite sceller à jamais la formation de satellites naturels.
À cette force primaire et fondamentale qu’est le Feu, il faut y ajouter une autre, la Magie. Pour autant qu’on puisse la définir, la « magie » s’entendrait d’une énergie cosmique primaire, plus ancienne que toutes les autres énergies, une force fondamentale dont l’origine émanerait sûrement du Big Bang.
S’il est exact de dire que la vie humaine ne put exister sur l’Hadéen, ce propos se doit d’être modéré à l’aune des connaissances scientifiques. Il est bien une créature dont nous savons à coup sûr qu’elle vit le jour au sein de l’Hadéen, ce qui en fait probablement l’ancêtre commun de toutes les formes de vie connues et répertoriées. Une créature faite de feu et de magie, d’un feu qui se fossilisa, se mit à durcir au point d’en devenir rocher, et sur lequel vie prit forme. Aujourd’hui, toutes les civilisations connaissent cette créature de légende…
Le dragon.
Les dragons virent le jour à l’Hadéen, avant que le monde ne fut monde, avant que l’Histoire ne commença. Ils virent le jour sans qu’on ne sache trop comment. L’une des théories usitées est que, quand l’astéroïde Théia heurta la Terre, ce choc colossal provoqua, par le mélange des éléments se trouvant ici et là, la formation de roches spécifiques, et le développement de cellules spécifiques à la naissance des dragons.
Ils participèrent visiblement à ce que nos scientifiques appellent le « Grand Bombardement tardif », période indicible de plusieurs millions d’années où les océans de feu se refroidirent progressivement pour former de l’eau.
Les dragons eurent la capacité d’absorber le feu. Les vieilles légendes terranes affirmaient ainsi que, pour recouvrir le feu, il y avait jadis des dragons gigantesques, si grands que leurs ailes pouvaient recouvrir toute une planète, et que les continents se formèrent sur leurs ailes.
Derrière le folklore, on peut subodorer que, en absorbant le feu, l’espèce draconique parvint petit à petit à assécher la planète. Ils pouvaient se reproduire de façon unisexués, grâce à la roche et au feu avalés, et grâce à cet ingrédient magique, cet élément mystère qui permit l’émergence du vivant ; faute de qualification scientifique connue, cet élément mystère, nous le nommons « magie ».

Vue d’un protodragon
Ces dragons originaires avaient peu de traits communs avec les dragons que nous connaissons. Les scientifiques de l’Observatorium les appellent « protodragons ». Ils n’avaient pas encore d’ailes, mais pouvaient absorber le feu, asséchant petit à petit les continents de feu, ou soufflant sur les flammes pour en faire des croûtes.
Des protodragons, il y en eut de toutes les tailles. Certains étaient indéniablement grands, très grands, et la légende à leur sujet n’est pas totalement fausse. En refroidissant la planète, les dragons contribuèrent la formation d’une croûte, et à l’apparition de l’eau.
Fulron apparut à cette période.
Mais il n’y eut pas que les protodragons à cette période. Pendant que le monde n’était que magma en fusion et océan de lave infinie, que l’atmosphère terrestre n’était pas encore formée, les astéroïdes se fracassaient régulièrement sur la Terre. Ce fut pendant cette période que l’astéroïde Théia heurta violemment la Terre, un astéroïde si massif qu’il fractura la planète, et partit avec un morceau de la Terre, pour graviter autour d’elle, formant ce que, bien plus tard, on appellerait la Lune.
Cependant, si Théia prit un peu de la Terre, Théia laissa aussi sur son sol ses propres souvenirs, des embryons, des virus… Dont un virus gélatineux, qui s’emparait des protodragons, et les contaminait, les faisant peu à peu évoluer. Ils perdaient leur solidité pour devenir plus liquides, plus gluants, plus gélatineux, ou tentaculaires. Ces créatures avaient émergé à partir du cratère d’Eldricht, et ne cessaient de se répandre.
Fulron naquit de la côte d’un protodragon massif, comme d’autres protodragons avant lui. Il s’appelait Rhadagaste, et était l’un des plus vieux dragons de ce cycle.
« Fils-du-Feu, lui avait dit Rhadagaste, tu es la roche de ma roche, et ton rôle sera d’absorber les braises, puis de les recracher. Car de la fournaise vient la vie… Mais prends garde à Eux, aux Informes. Ils n’ont pas d’os, et ils peupleront ce monde. Le dur s’opposera au flasque, le solide au liquide. Ce sont les Abominations d’Eldricht. »
On peut dire que ce fut la première véritable guerre de la planète. Les dragons se heurtèrent aux êtres informels, aux invertébrés. Le jeune Fulron s’avéra vite être un dragon combatif, mais aussi intelligent. Une intelligence accrue qui lui servit dans la guerre.
Les Abominations disposaient d’un chef, un commandant suprême, une créature abyssale qui flottait en l’air. Elle avait la forme étrange d’une sphère projetant ses tentacules, des boucs, et répandant un nuage toxique et informe : Shub-Niggurath.

Rhadagaste se livra à un combat sans merci avec Shub-Niggurath. Tous ses fils l’aidèrent à combattre l’Abomination ainsi que les innombrables monstres que Shub-Niggurath projetaient sur le monde en feu. Mais, aussi puissant que fut Rhadagaste, son impossibilité à se rapprocher du cœur de Shub-Niggurath provoqua sa fin.
L’Abomination pourfendit le protodragon en force, et le père de Fulron mourut sans pouvoir tuer l’immonde être. La créature brisa son noyau à travers la roche, et l’immense protodragon ne devint plus qu’un tas de rochers qui s’effondrèrent sur eux-mêmes.
Fulron fit partie de ces jeunes dragons qui, plutôt que de devenir de plus en plus volumineux en absorbant du feu, choisit d’apprendre à voler. Il s’immergea dans la lave en deuil pendant plusieurs années, et, quand il en ressortit, la couleur de Fulron avait changé. Ses écailles brillaient. Il était devenu un dragon d’or.
Fulron entreprit alors de réunir auprès de lui d’autres dragons.
« Allez, mes frères ! Ce n’est pas ainsi que ce monde se termine. Nous ne le laisserons pas entre les tentacules de l’immondice ! »
Les dragons et les protodragons affrontèrent ensemble Shub-Niggurath. Fulron entreprit de venger son père, et s’envola vers le monstre. Il parvint à percer ses tentacules, et à rejoindre le cœur de la bête. Fulron plongea à travers, et découvrit avec horreur que Shub-Niggurath n’en était qu’un parmi d’autres. Un simple messager, infime fraction d’une entité démiurge qui dépassait tout ce qu’il ait jamais pu concevoir.
« Maintenant ou demain… Cela n’a pas d’importance pour nous, dragon. Tu seras depuis longtemps redevenu poussière quand l’heure viendra. Ceci n’est pas la fin. Yog-Sothoth nous montrera la voie. Ïa ! ïa ! »
Dans les strates indescriptibles de cette créature, il la vit : la Porte Noire !

Il la vit, et pour toujours, la Porte Noire et ses horreurs innommables sommeillant derrière la Porte devraient hanter les nuits de Fulron
Fulron parvint à vaincre l’Abomination, mais il avait été grièvement blessé. Il retomba sur le sol, et sentit peu à peu la vie l’abandonner. Son corps se fossilisa, et participa à la roche qui allait progressivement se former pour réduire le magma de feu à un immense noyau planétaire, à partir duquel la vie émergea.
L’âme de Fulron ne disparut pas pour autant. Elle rejoignit comme toute âme la Tour, mais connut une trajectoire différente. Fulron rejoignit la Tortue, et la Tortue prit soin de lui.
C’est ainsi que Fulron connut sa première mort.
II – Batrok, le Dieu-Dragon
Après l’âge de l’Hachéen vint l’âge de l’Archéen, vaste et longue période où l’eau succéda au feu. L’atmosphère ne se stabilisa qu’à l’âge suivant, le Protérozoïque, et les dragons commencèrent à réémerger. Endormis dans les profondeurs du monde, ils furent arrachés à leur sommeil éternel par les éruptions volcaniques.
Leur réveil fut l’œuvre de la Tour, et plus particulièrement de son socle, la Tortue. Tandis que la vie émergeait de toute part et proliférait à foison, l’immense vivier attira des prédateurs ancestraux, les Grands Anciens. Ciblant la Tour, asservissant et corrompant toute forme de vie, ils devinrent la menace de tout être vivant, séduisant et tentant les esprits faibles.
Fulron en particulier rencontra la Tortue.

Vaincu pendant le combat contre Shub-Niggurath, il se réveilla dans le monde de la Tortue. Elle s’appelait Maturin, et, déjà, à cette époque, Fulron la trouva très âgée. Il se réveilla dans une forêt onirique, peuplée de lucioles brillantes.
« Ce sont les âmes perdues. Je suis très vieux, Fulron, mais je n’ai pas oublié le rire des enfants. Approche donc, touche-en une. »
Fulron le fit, et, quand il en effleura une, il entendit des rires, et constata peu à peu que toutes ses âmes étaient particulières.
« Ce sont des âmes d’enfants…
- Des âmes jeunes, qui n’ont pas encore pu rejoindre le cycle. Mais toi, Fulron, je t’ai enlevé au cycle naturel.
- Pour quelle raison ?
- Ton âme est marquée d’une indélébile souillure, car tu as vu au-delà de la Porte Noire. »
Ce souvenir fit frémir le petit dragon.
« Je le savais… Au fond de moi, je savais que je ne pouvais pas avoir rêvé. Qui sont-ils ?
- Les Dieux Extérieurs. Je les appelle ainsi. Des divinités plus anciennes que toi, mais pas de moi. Avant ce temps, je les ai affrontés. Encore, et encore. Ton rôle est de les combattre aussi.
- Mais c’est sans espoir ! J’ai vu leur puissance, elle est…
- Elle est, oui. Ces Dieux souhaitent la destruction de ma maison, de la Tour. Une grande bataille va avoir lieu, et je vais avoir besoin de toi. Le cycle se poursuit. »
Fulron lui présenta la Tour, comme un catalyseur au sein d’un grand cycle.
« Quand cette réalité a émergé, il y a eu une énorme dispersion d’énergie, plus intense que tout ce que tu peux imaginer. Dis-toi bien que tout ce qui est, que tout ce qui a été, tout ce qui sera… Tout cela était présent au début du cycle, sous la forme d’une sphère qui pouvait tenir dans ta patte. Ensuite, cette énergie s’est projetée, s’étirant, étirant ses possibles. La vie a germé, elle s’est nourrie du cycle de la mort. Par exemple, quand ton espèce s’est sacrifiée, qu’elle a scellé le feu en un noyau, l’eau est venue, amenant avec elle la vie. C’est l’évolution, et c’est la Tour qui est au centre de ce mécanisme, la Tour qui purifie les âmes et les réinjecte dans le cycle. »
Tel un enfant en compagnie de son père, Fulron écoutait sagement, battant de ses petites ailes.
« Mais toute bonne chose donne aussi une chose néfaste. Le cycle lui-même se subdivise en un second cycle. Si toutes les actions vertueuses d’une personne améliorent le cycle, les actions mauvaises d’une autre amplifient un autre cycle… Jusqu’à ce que Yog-Sothoth ouvre la Porte Noire.
- Ils vont s’en prendre à la Tour… Mais pourquoi ?
- Parce que cette réalité leur est insoutenable. Parce qu’ils sont ainsi. Et moi, je la défends, parce que c’est ainsi. Comme le scorpion face à la grenouille.
- De quoi parlez-vous ?
- Je te l’expliquerai plus tard. Les Dieux Extérieurs agissent rarement par eux-mêmes, ils disposent de champions… Les Grands Anciens. Les Grands Anciens se réveillent quand Yog-Sothoth le leur ordonne, et ils accomplissent leur rituel : se réunir à la Tour, et utiliser son énergie pour invoquer le plus puissant de tous, celui qui met fin à tout ce qui est… »
Ctulhu.
« Tu vas renaître, Fulron. Et nous nous retrouverons. La bataille finale va bientôt commencer, et j’ai besoin de toi. »
Sur ces paroles, Fulron finit par s’endormir, et par s’évaporer, par revenir au cycle. Son âme, devenue une Lumière-Vive, s’illumina au sein de la Tour, et se réincarna sous les traits d’un dragon.
En renaissant, les dragons étaient devenus des animaux sauvages, dangereux pour la plupart, beaucoup ayant été marqués par le combat contre Shub-Niggurath. Fulron ne fut pas différent du reste. Il vit le jour dans les montagnes près de Can-Ka No Rey, et attaqua les elfes qui se trouvaient là. Mais il fut vaincu par le protecteur de la Tour, le plus ancien des mages, et le plus puissant d’entre tous, le légendaire Maerlyn. Celui qui avait élu domicile au sein de la Tour parvint à dompter Fulron, et à faire émerger en lui sa conscience longtemps endormie.
Fulron avait tué des elfes, il avait attaqué des innocents. Le poids de sa culpabilité le rongeait, et il entreprit, avec Maerlyn, le voyage initiatique au sein de la Tour, qui était alors une tour de lumière. Et, quand il rejoignit enfin Maturin, Fulron se rappela de leur conversation passée.
Alors, Fulron s’accomplit. Il devint l’un des Gardiens-Totem. Les elfes reconnurent en lui un dieu protecteur, et, hanté par les meurtres qu’il avait commis, Fulron en tira la force nécessaire pour se pardonner, pour protéger toute vie, et pour protéger l’équilibre nécessaire entre la vie et la mort.
Le dragon doré rencontra bien d’autres dragons. Il retrouva d’autres dragons d’or, mais constata que la corruption des Grands Anciens se faisait sentir. Sa route croisa ainsi celle d’un terrible dragon noir bicéphale, réputé être le plus puissant de tous les dragons : Gogmagog.
Le combat entre Fulron et Gogmagog se solda par la terrible défaite de Fulron. Il fut soigné par Maerlyn, qui lui apprit l’existence d’un rituel, celui qui avait permis à Maerlyn d’apaiser Fulron, en dissociant son âme. Il lui expliqua que la dualité était inhérente aux dragons, qui étaient autant des êtres sauvages que des êtres civilisés. Soit ils tendaient, comme Fulron, vers la civilisation, soit ils tendaient, comme Gogmagog, vers la sauvagerie.
Maerlyn parvint à scinder l’âme de Gogmagog en deux, formant deux dragons noirs, Gog et Magog. Magog parvint à être scellé, tandis que Gog perdit face à Fulron, et parvint à s’enfuir.
Fulron fut appelé pendant cette période Batrok, et devint véritablement le dieu des Dragons, en unissant ces derniers face aux dragons noirs.

Batrok sous sa forme optimale
Dragon surpuissant, Batrok participa à la guerre contre les Grands Anciens, et à la Bataille de la Tour.
Comme bien d’autres, il offrit son essence à Maerlyn pour façonner l’Arc-En-Ciel.
Et, comme bien d’autres, quand le terrible Cthulhu émergea des mers, il ne put rien faire.
C’est ainsi que Fulron connut sa deuxième mort.
III – Fulron, l’Atlantéen

Sa troisième vie, Fulron la passa en se réincarnant sous les traits d’un Atlantéen. À cette époque, soit il y a environ 300 millions d’années, l’humanité s’était développée sur une région qu’on situerait aujourd’hui dans l’Océan Pacifique. Après la guerre contre les Grands Anciens, et leur bannissement grâce à l’Arc-En-Ciel, la Tour d’Ivoire avait été gravement endommagée, si tant est que, pour la maintenir, il fut nécessaire de réorganiser le cosmos en liant Terra à d’autres variantes d’elle-même, d’autres Terra.
Ce fut le cas de la Terre. Les Anges se rendirent sur place, et une civilisation futuriste fut établie. Fulron en fit partie. Il prit rapidement connaissance de son héritage quand les Anges lui expliquèrent qu’il était la réincarnation de la partie humaine de Batrok, et qu’il était destiné à guider les hommes, et à purger ce monde des traces des Grands Anciens. Se rappelait-il qu’il était un Gardien-Totem ? Il ne sut le dire. Mais les Atlantéens connaissaient Maturin, et connaissaient les Gardiens.
« La Porte Noire a été refermée… Mais les Grands Anciens sont toujours là, ainsi que les Dieux Extérieurs.
- C’est le cycle dont parlait Maturin. Il va recommencer.
- Pas si nous l’en empêchons, pas si nous coupons tous les liens. »
Fulron prit naturellement son rôle très au sérieux, et, pendant des milliers d’années, l’Atlantide se développa. À cette époque, l’humanité n’était pas telle que nous la connaissons. Façonnée par les Anges, elle se voulait vertueuse, parfaite, une « première humanité » incandescente à l’espérance de vie longue. On aurait presque pu les dépeindre comme des elfes. Fulron n’était alors pas un Dieu, mais un simple Atlantéen, un ingénieur et biochimiste qui s’intéressait beaucoup aux terres sauvages.
On aurait pu dire que tous les Atlantéens étaient des Dieux. Les Anges avaient pris soin de les éduquer, de leur offrir la technologie, et ils avaient pour eux la beauté, l’élégance. La civilisation atlantéenne s’étira donc, en parfaite uniformité, sous les ordres d’un Conseil composé des pus éminents savants de la société.
La capitale de l’Atlantide était la plus belle ville qui soit. Elle s’appelait R’lyeh, et on la surnommait « R’lyeh la Grande ». Une ville flottante, située sur le vaste océan entourant l’unique continent terrestre, et permettant ainsi de rejoindre les différentes colonies atlantéennes s’étendant sur le grand monde.
Cette société utopique et très avancée avait appris tout ce qu’il y avait à savoir de la part des Anges, et fonctionnait sous le règne d’un conseil de sages. Fulron essayait de retracer l’origine de la vie, et d’insuffler l’intelligence aux espèces animales. Il était à la recherche de « LUCA », acronyme désignant le dernier ancêtre commun universel à toutes les espèces. Son souhait était de corriger la Nature, de lutter contre le cycle incessant de la destruction et du chaos entre les animaux. Les primates, à ce sujet, l’intriguaient beaucoup.
D’autres espèces peuplaient alors ce monde : il y avait « Ceux-Des-Profondeurs », d’étranges êtres sous-marins relativement inoffensifs, une race amphibienne qui rentra en commerce avec les cités atlantéennes pour offrir du poisson à profusion.
Fulron avait surtout entendu parler d’une race très ancienne vivant dans les régions froides du Pôle Nord, une espèce reculée, vivant en autarcie, la Grand-Race de Yith.
La société atlantéenne menait des vagues de colonisation dans le vaste continent central, la Pangée, cherchant à en rejoindre le centre, et à identifier les vecteurs magiques qui traversaient le monde, les ley lines.
« Nos instruments de mesure astronomiques sont formels…
- Tout est lié ! C’est formidable ! L’architecture même de l’Univers…
- Si nous parvenons à canaliser cette énergie, à comprendre le fonctionnement du cycle… »
Grâce à la science et à leur savoir, les scientifiques et sages atlantéens entreprirent l’édification d’une tour magique, une tour supposée canaliser l’énergie de la planète, et leur permettre de contrôler la réincarnation. R’lyeh fut rapidement choisi comme le site idéal, car les ley lines convergeaient à cet endroit. Ce n’était que de la connaissance, de la recherche scientifique. Et la connaissance était ce qui séparait l’homme libre de l’esclave, le sage de l’animal, le savant du sauvage. Il n’y avait donc là rien à craindre.
La catastrophe ne survint pas quand la Tour fut mise en place, car, à ce moment, il était déjà trop tard, bien trop tard pour empêcher ce qui allait arriver d’arriver.
Fulron, à cette époque, n’avait que peu de souvenirs de ses anciennes vies, mais les dragons le fascinaient. Il en avait un avec lui, un dragon noir. Il essayait de comprendre pourquoi certains dragons volaient avec des ailes, d’autres sans ailes, et pourquoi d’autres étaient incapables de voler, comme s’il était convaincu d’avoir une quelconque affinité avec eux.
À ce moment, Fulron avait entrepris un long pèlerinage. Il se réveillait régulièrement en pleine nuit, avec l’intime conviction qu’il était plus que ce qu’il devait être. Il entendait dans son inconscient sa partie draconique, le Patriarche, qui résonnait en lui. Alors, Fulron entreprit de traverser la Pangée, il s’aventura dans des terres sauvages, qui l’amenèrent finalement dans les steppes glaciales à rencontrer des êtres surnaturels.

Le pèlerinage de Fulron le conduisit à dos de son ryu vers les Montagnes Hallucinées
Dans les steppes glaciales du nord, on pouvait les voir… La « Frontière Noire », les Montagnes Hallucinées. Un endroit d’où l’on ne revient pas, où l’on perd la raison. Fulron s’y rendit, et son ryu, pris de panique, se contorsionna, et le fit chavirer. La chute aurait dû le tuer, mais il fut sauvé par les habitants de cet endroit… Les Anciens.
Les Anciens n’avaient pas besoin d’idiomes pour parler, ils parlaient directement dans sa tête. Ils formaient une race supérieure, et expliquèrent à Fulron qu’ils avaient conçu la vie, qu’ils étaient venus sur Terre après le choc entre La Terre et Théia, confirmant ainsi une théorie en vogue en Atlantide. Les Anciens avaient commencé à se répandre sur Terre, façonnant de grandes cités avec l’aide de leurs créatures, les Shoggoths. En constatant que les Anciens avaient des ailes et une longue forme, Fulron ne put s’empêcher d’y voir en eux quelque chose de draconique.
Les Anciens expliquèrent à Fulron que l’Atlantide était à l’origine une cité ancienne, qu’ils avaient laissé pour permettre une expérience sur l’être humain. Ces informations ne manquèrent pas de troubler l’homme. Les Anges avaient-ils créé les humains ? Ou s’agissait-il de ces créatures ? Les Anciens semblaient infiniment plus développés que les humains, et expliquèrent à Fulron qu’il existait bien des menaces sur Terre, et qu’ils étaient en lien avec une autre race, la Grand-Race de Yith, qui elle-même affrontait les engeances des Grands Anciens : les Polypes Volants.
Fulron apprit à cette occasion qu’il était l’un des réceptacles de Yith. La particularité de la Grand-Race est qu’elle peut se projeter dans le temps et dans l’espace en prenant possession d’hôtes présélectionnés. Ces hôtes se retrouvent projetés dans l’esprit d’un Yith. Les Anciens décrivirent la Grand-Race comme l’espèce la plus évoluée technologiquement de tout l’univers.

La Grand-Race de Yith
Au cours de son séjour chez les Anciens, Fulron constata notamment que les Shoggoths étaient moins obéissants que ce que les Anciens disaient. Ces créatures magiques étaient des êtres de pure magie, des créations alchimiques façonnées à l’aide des énergies primaires de la Terre, ces énergies qui permettaient l’apparition de toute forme de vie. Ils étaient comme de gigantesques éponges, permettant de façonner des villes entières, et au cœur de la civilisation des Anciens.

Un Shoggoth
Fulron comprit que la Pangée était au cœur d’une lutte entre les Anciens, la Grand-Race de Yith, mais aussi une espèce plus redoutable, les Mi-go. Les Anciens présentèrent les Mi-go à Fulron comme de monstrueuses créatures venant de Yuggoth, la planète maudite.
« Yuggoth est une planète très ancienne… Une planète qui n’en est pas une. Tu l’as vu dans dans tes rêves, Fulron, dans les souvenirs de tes précédentes incarnations…
- La Porte Noire… »
Les Anciens savaient beaucoup de choses, et ressemblaient par bien des aspects aux Atlantéens. Fulron passa des heures, si ce n’est des jours, à se perdre dans leurs immenses bibliothèques. Mais, toujours aussi curieux, Fulron, en fouillant, vit aussi que, à l’extérieur des villes, les carcasses d’animaux marins dévorés par les Shoggoths s’accumulaient.
Les Shoggoths reposaient dans un grand lac. Ils servaient à bâtir les cités des Anciens, et Fulron comprit peu à peu que les Anciens n’étaient pas aussi sages qu’ils le prétendaient. L’immense bibliothèque dans lequel il déambulait lui revint en rêve. Les Anciens lui avaient dit qu’il était un Yith, et il comprit l’horrible vérité.
Les Anciens étaient des conquérants, une espèce cosmique qui avait attaqué la Grand-Race de Yith, et qui cherchaient désormais leurs hôtes pour obtenir des faiblesses sur la Grand-Race, ainsi que l’emplacement de leur ville principale. Cela, il le vit en rêve, alors qu’il voyait la Grand-Race se faire massacrer par les Anciens.
« Tu n’es pas en sécurité, Fulron. Nous avons jadis dû fuir notre monde natal, Yith, en projetant nos esprits dans des hôtes invertébrés. Nous sommes des réfugiés que les Anciens ont opprimé. Mais eux-mêmes ont scellé leur destin en croyant pouvoir dominer les Shoggoths. Écoute-moi bien, Fulron, car je l’ai vu dans mes rêves : le monde des Anciens va s’écrouler. Mais les prochains sur la liste, ce sont les tiens. Les Shoggoths ne sont pas des esclaves, ils ne l’ont jamais été. »
Fulron ne pouvait croire à ses visions, alors le Yith lui dit d’aller dans la bibliothèque pour trouver un livre en particulier. Fulron s’y rendit, et trouva le livre, qui évoquait une créature très ancienne, remontant à l’époque de Hadéen : Ubbo-Sathla !
Masse informe et grotesque, Ubbo-Sathla était à l’origine des premiers parasites qui s’étaient emparés des protodragons. Mais Ubbo-Sathla était aussi un Dieu Extérieur, et les Shoggoths étaient tous ses rejetons, tout comme les Shoggoths étaient à l’origine les Invertébrés que Rhadagaste et les protodragons affrontaient.
Avec effroi, Fulron comprit que les Shoggoths servaient depuis toujours Ubbo-Sathla, mais aussi qu’ils étaient alliés avec les Mi-go et Ceux-Des-Profondeurs. Ces derniers vénéraient Dagon, et, tandis que les Anciens utilisaient les Shoggoths pour construire leurs cités, les Shoggoths avaient utilisé leur prison pour ouvrir un tunnel avec l’océan, ce qui permit aux Profonds de les soutenir.
Les Anciens avaient effectivement scellé leur sort. Ils avaient attaqué la Grand-Race de Yith pour s’emparer de leur savoir, puis avaient attendu qu’ils s’améliorent, qu’ils se développent…
« Il est déjà trop tard, Fulron, lui avait dit le Yith. Les péchés des Anciens vont permettre aux Profonds d’invoquer Dagon. Tu ne peux plus sauver les Anciens, et tu ne peux plus sauver les tiens. Cependant, l’avenir n’est pas encore définitif. Tu peux encore empêcher le pire… »
Le Yith lui expliqua que la Tour des Atlantéens était un piège, et que Dagon faisait route vers R’lyeh pour finaliser la tour… Et réveiller Cthulhu.
De leur côté, les Anciens durent faire face à la révolte des Shoggoths, à l’attaque des Profonds et des Mi-Go. Leur extinction était déjà actée, car les Shoggoths connaissaient tout des infrastructures des Anciens pour les avoir eux-mêmes construits, et ils s’assurèrent donc de les détruire.
Au milieu de ce chaos ambiant, Fulron entreprit de partir. avant qu’il ne soit trop tard.Il s’enfuit de la citadelle des Anciens alors que tout s’effondrait. Fulron repartit non sans difficulté, car les Shoggoths attaquèrent les cités, les ravageant en les recouvrant de leur immense texture gélatineuse.
Fulron, grâce à son introspection avec le Yith, put prendre la forme d’un dragon, et ainsi quitter le berceau des Montagnes Hallucinées.
« Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! »
Le trajet de retour vers R’lyeh ne fut pas de tout repos. L’atmosphère elle-même avait évolué, les tempêtes se multipliaient, et la magie était déréglée. Les animaux étaient devenus des monstres sauvages, des tempêtes cauchemardesques s’abattaient sur le monde, comme d’immenses tornades qui balayaient des forêts entières. Jamais la magie n’avait été aussi instable, et Fulron savait que l’épicentre de ce chaos était à R’lyeh.
En volant, Fulron prit conscience qu’un terrible rituel était à l’œuvre sur toute la surface de la planète, et que les ley lines, ces vecteurs magiques, étaient perturbés plus que jamais elles ne l’avaient été. Quelque chose de grave allait se produire, mais il n’était pas encore au bout de ses surprises.
Quand il revint à R’lyeh, ce fut pour voir que le régime démocratique et technocratique de l’Atlantide avait été renversé. À la place, une dictature théologique particulièrement brutale avait vu le jour. Les Atlantéens vivaient sous le joug de prêtres fanatiques disposant de pouvoirs abominables, accompagnés d’horribles monstres ancestraux.

La chute de R’lyeh, prélude du Déluge
Les membres du culte étaient reconnaissables à leurs toges rouges et au symbole honni qu’ils portaient sur le torse, un symbole fait de sang qui était également peint sur les murs de la ville, le symbole de l’Œil qui voit tout :

Le maître de ce clergé trônait dans la Tour. Il était au sommet du pouvoir, et on l’appelait le « Roi Rouge ».
Toute religion nécessitant un livre saint, les prêtres donnaient des prêches dans une langue infâme, si sinistre qu’elle vous donnait des haut-le-cœur, et se référait au texte sacré du Roi Rouge, le texte honni et maudit… Le « Necronomicon ».
Fulron, en tant qu’apostat, fut emprisonné comme tous ceux qui luttaient contre le « Dieu-Révélé ». Sa fonction était d’être sacrifiée, offert lorsque la dernière étape de la Révélation aurait lieu, et que le Dieu de Tous émergerait sur Terre.
En prison, Fulron apprit auprès des autres prisonniers qu’il était impossible de revenir en arrière. Lui-même n’avait pas de très bonnes nouvelles, mais il avait avec lui la conscience du Yith. Et le Yith s’entretint avec lui. Le Yith lui expliqua qu’il existait encore une solution pour empêcher le réveil de Cthulhu, utiliser un ancien rituel : la Dislocation.
Fulron ignorait de quoi il s’agissait, mais pas les vénérables Atlantéens qui avaient siégé au sommet. La Dislocation était le rituel ultime, une protection mise en place, un sortilège qui visait à déchirer le monde, et à l’engloutir sous les eaux.
Puis les Profonds commencèrent à envahir R’lyeh, et prenaient des femmes comme esclaves pour les violer. Peu à peu, le chaos remplissait la ville, amenant les dernières personnes lucides à envisager une attaque contre la prison. Pour ces gens si parfaits, la déchéance était terrible.
« Nous avons été trop orgueilleux… Trop oisifs, aussi… Nous avons pensé que tout savoir pouvait être contrôlé… Mais pas celui-là. »
Le ciel avait pris une teinte verdâtre, sinistre, crépusculaire. Les eaux montaient déjà, commençant à envahir les bas-fonds de la prison. Fulron le perçut dans sa chair, et, quand il se pencha vers la fenêtre de sa prison, il le vit avant.
Dagon était arrivé.

Dagon jaillissant des flots
Face à cette force colossale, Fulron sentit la raison vaciller. Quel espoir restait-il encore ? Il sentit encore en lui la présence du Yith, venant le rassurer. Dagon était le Dieu des Profonds, mais il n’était qu’un faire-valoir face à Cthulhu.
Les prisonniers furent libérés par les rebelles.
En sortant de la prison, R’lyeh constata que la plupart des cultistes s’étaient suicidés à la venue de Dagon, ce qui expliquait aussi pourquoi les révolutionnaires avaient pu les libérer. Cependant, cet espoir fut rapidement douché, car les révolutionnaires commençaient eux aussi à perdre la raison.
La ville toute entière n’était plus qu’un immonde charnier. Les corps massacrés s’étalaient sur le sol à perte de vue, des âmes hagardes s’amusaient à vider des carcasses d’Atlantéens pour répandre leurs tripes sur le sol, formant d’horribles arabesques et autres formules ésotériques. Une odeur immonde de chair pourrie régnait dans l’air. Les Profonds, éternels ennemis des Atlantéens, avaient pris la ville, et s’amusaient à violer des femmes en les embrochant ensuite. Fulron vit la folie sans nom, la cruauté sans limite. Il vit des femmes enceinte éventrées, maintenus en vie pendant que les Profonds dévoraient leurs bébés. Il vit des enfants suppliciés, forcés tuer leurs propres membres avant de se suicider. Fulron en eut le cœur brisé. Eux qui étaient si purs, si vertueux, ils avaient sombré dans la démence absolue.
« C’est fini… Il faut en finir. »
Les Atlantéens encore lucides devaient reprendre le contrôle de l’ancien temple central, où se trouvait un antique dispositif, qui permettrait de déclencher un séisme surpuissant, capable de fracturer la Pangée : la Dislocation. Pour survivre, les Atlantéens disposeraient d’un vaisseau de transport sécurisé, une Arche qui survolerait les flots.
Cette arche n’était pas nouvelle, elle avait été conçue il y a plusieurs années par des chercheurs atlantéens pour faire le tour de la Pangée, et recueillir différents spécimens d’espèces vivantes pour des recherches biologiques.
La dernière bataille fit rage, mais elle était sans succès. Les Mi-go avaient également rejoint la bataille, ainsi que les Polypes Volants, et l’entier peuple des Profonds se trouvait là. Fulron participa à cette bataille, et vit Dagon percer les défenses de la ville, faisant jaillir l’eau de mer à l’intérieur.
Dagon rejoignit la Tour d’Atlantis, et la serra dans ses bras. Toute la ville trembla alors, et des éclairs intenses frappèrent Dagon. Dans le ciel, d’énormes tentacules flottaient en surbrillance à chaque éclair, annonciateurs de la plus terrible des menaces.

La pluie cessa alors de tomber, et les nuages eux-mêmes, noirs et sombres, commencèrent à se regrouper en l’air, formant une spirale infernale, tandis que l’océan lui-même commença à s’effondrer dans un maelström monstrueux…
…Puis l’eau remonta, formant une gigantesque et colossale vague, si haute qu’on eût dit qu’elle touchât les nuages.
Jaillissant des flots, le grand Cthulhu se réveilla.

Cthulhu émergeant des flots
En voyant cet être de cauchemar, cette créature immense qui domptait les océans, Fulron sentit sa raison partir. Tout espoir était terminé, et il ne restait plus que la folie. Le Yith en lui ne l’entendit pas de cette façon. Tandis que les Atlantéens accueillaient avec joie la douce folie, le Déluge s’enclencha.
Les Atlantéens payèrent le prix fort pour leur arrogance. Leur civilisation fut intégralement engloutie dans les flots, et l’utilisation de la Dislocation déchira le monde. Le continent unique se fractura, le monde entier se ratatina sur place, et seule une unique arche émergea des flots de l’Atlantide. R’lyeh toute entière appartenait à Cthulhu, mais elle devint sa prison, son tombeau, sa demeure morte. Les Atlantéens se sacrifièrent pour sceller avec eux Cthulhu, le renfermant dans sa prison, et enfouirent le continent atlantéen sous les eaux. De ce continent, il ne reste plus aujourd’hui que des îles éparses.
La Terre connut ainsi l’une de ses extinctions de masse, l’Extinction Permien-Trias, qui vit la disparition de 95% des espèces marines, de 70% des vertébrés terrestres. La première humanité toute entière se sacrifia, ne laissant que comme seul héritage une arche perdue à la dérive.
De son côté, Cthulhu, enfermé dans R’lyeh la morte, se mit à rêver, et à attendre.
Et ainsi, Fulron connut sa troisième mort.
IV – Fulron, le Dieu des premières civilisations
Bien des âges passèrent avant que la graine laissée par les anciens hommes ne fleurisse. Une nouvelle humanité vit progressivement le jour, moins arrogante que la précédente, une humanité qui avait peur de la nuit, et qui portait en son sein la terreur fondamentale que leurs lointains ancêtres ressentirent quand le monde se déchira.
Cette nouvelle humanité se regroupa peu à peu, formant des structures éparses, des peuplades non sédentarisées qui fuyaient le froid et chassaient les animaux. Ces humains apprirent peu à peu le fonctionnement de la nature. C’est parmi ces humains que Fulron émergea à nouveau. Très vite, il s’avéra plus intelligent que d’autres membres de son peuple. Il fit partie de ceux qui examinèrent le fonctionnement de la nature, et participèrent au développement de l’agriculture, puis à la sédentarisation.
D’ancien sage, Fulron devint finalement un être déifié, en raison de sa longévité exceptionnelle et surnaturelle.
De manière générale, son séjour parmi les humains lui fut salutaire. De son ancienne vie, il conservait des souvenirs marquants, et pouvait ainsi voir la différence entre ces humains et les « premiers humains », ou Dieux. Les humains vieillissaient bien plus vite, mais ils étaient aussi d’une inventivité sans nom, d’une résilience extraordinaire, et d’une abnégation qui l’impressionna. Il les vit survivre au froid, il les vit s’unir par ce qui avait toujours fait défaut aux siens : l’union face à la souffrance, un amour fort et puissant, qui survivait par-delà la mort. Fulron leur enseigna, mais il apprit beaucoup auprès d’eux. Il comprit que la véritable force ne résidait pas dans la puissance d’un seul individu, mais dans une communauté harmonieuse.
Fulron participa au fondement de la première civilisation historiquement connue, la civilisation de la vallée de l’Indus. Un temple lui fut érigé à Mohenjo-daro, d’où il veilla sur le développement de l’Indus, ce qu’on appelle aujourd’hui le « Grand Indus ».
Fulron, néanmoins, n’avait pas cœur à être vénéré, et poursuivit sa marche, son périple qui le conduisit en Chine antique. Il participa à l’essor et à la construction du premier Empire chinois, plus de 2 000 ans avant le Christ.
Les légendes chinoises affirment que le premier Empire chinois fut fondé par Cinq Empereurs et Trois Augustes, sorte d’esprits surnaturels. L’un de ces Augustes, Fuxi, apporta à la Chine la connaissance permettant d’édifier une société : l’écriture, l’élevage, l’agriculture... On disait de lui qu’il pouvait prendre la forme d’une tortue, ou d’un dragon.
Fulron fut cet homme. En rejoignant la Chine antique, il se transforma en ryu, son ancien animal de compagnie, devenu une partie de lui-même, et transmit aux hommes ce qu’il avait appris à l’Indus.
Pourquoi Fulron agissait ainsi ? La réalité est que, en venant au monde, Fulron n’était qu’un homme comme les autres, mais qui eut une révélation à sa majorité. Il vit la Tortue. La Tortue lui expliqua qu’il était spécial, et que son rôle serait de guider l’humanité, de s’assurer qu’elle tire le meilleur d’elle-même. La Tortue avait jadis commis la grave erreur de vouloir accélérer le développement de l’humanité, et cela résulta en une catastrophe sans nom. De cette catastrophe, il ne restait rien, si ce n’est un mythe, un mythe qui avait survécu à l’érosion du temps, le mythe du Déluge. Fulron fut ainsi surpris de voir que, parmi tous les peuples qu’il rencontrait, chaque saga, chamane, ou mystique, enseignaient à ses ouailles le mythe du Déluge.
Ce mythe interpella beaucoup Fulron. Quand il revint en Indus, ce fut pour constater que le Grand Indus avait décliné, et que d’autres civilisations émergeaient. Ses fidèles l’avaient appelé à l’aide, car la vallée de l’Indus était une civilisation pacifique, qui se heurtait à des invasions violentes émanant d’une autre civilisation, menée par une Déesse aussi belle que redoutable : la terrible Ishtar.
V – Fulron et Ishtar, la naissance des panthéons

Les Jardins Suspendus de Babylone, l’une des Sept Merveilles du monde
Après une léthargie de plusieurs millénaires, le monde commença à s’accélérer.
Si Fulron s’installa dans la vallée de l’Indus, c’est en Mésopotamie qu’une civilisation majeure émergea vraiment, avec le développement de la première mythologie divine connue, et du premier panthéon divin : le panthéon mésopotamien. Parmi les membres de ce panthéon, il y a la terrible et magnifique Déesse de l’Amour et de la Guerre, « Inanna », ou encore… « Ishtar ».
Ishtar était une Déesse majeure de la Mésopotamie, et menait ses troupes à la guerre. Déesse contradictoire et ambivalente, elle incarnait en effet deux notions fondamentalement opposées a priori : l’Amour, et la Guerre.
Sa cible se tourna vers la vallée de l’Indus, et c’est à cette occasion qu’elle rencontra Fulron. C’est en la voyant que Fulron découvrit pour la première fois de sa longue existence le sentiment amoureux. Il toma amoureux de la redoutable Ishtar dès qu’il la vit. Les campagnes menées par Ishtar portaient surtout des peuplades sauvages et archaïques, de sorte que la Déesse épargna rapidement la vallée de l’Indus, et coucha dès le premier regard avec Fulron. On ne refusait rien à Ishtar, et elle invita son amant à la rejoindre dans le Palais des Dieux : les « Jardins Suspendus de Babylone ».
Sur place, Fulron constata qu’Ishtar était déjà une Déesse volage, qui ne se soumettait à aucun homme, car elle avait déjà un autre amant, le séducteur Slaanesh. Ishtar était une Déesse exigeante, redoutable, une lionne qui refusait de se soumettre. Elle aimait les hommes forts, et elle s’éprit du légendaire Gilgamesh.
Roi d’Uruk, Gilgamesh était un survivant du Déluge, quelqu’un qui, comme Ishtar ou Fulron, avait survécu. Les Premiers Hommes étaient désormais des Dieux. Si la quasi-totalité d’entre eux s’étaient sacrifiés pour enfermer Cthulhu, d’autres avaient réussi à survivre, se réincarnant sous d’autres formes, sommeillant pendant longtemps avant de rejaillir avec le renouveau de l’humanité. Gilgamesh était de ceux-là.
Ishtar expliqua à Fulron que Chtulhu n’était pas mort, et que son œuvre scélérate continuait à influencer le monde. Elle lui présenta en guise de preuves des peintures rupestres et des écrits arborant le signe maudit : l’Œil Pourpre ! De toute évidence, le Roi Rouge avait lui aussi survécu au Déluge.

La saga de Gilgamesh et d’Enkidu croisa la route de Fulron
Gilgamesh était un roi tyrannique, un homme pervers qui pratiquait à outrance le droit de cuissage, au point que, pour le rappeler à l’ordre, il fut confronté à Enkidu. Enkidu était un homme sauvage, aux origines mystérieuses, qui rencontra la courtisane Shamsat, et lui fit l’amour pendant six jours et sept nuits dans la forêt. Cette séance de sexe frénétique rattacha Enkidu au monde des hommes.
La présence d’Enkidu pacifia Gilgamesh, au terme d’un affrontement homérique où Gilgamesh ne gagna pas son combat… Un fait unique. Gilgamesh souhaitait alors exercer son droit de cuissage en violant une jeune mariée, et se confronta à Enkidu. Le combat entre les deux résonna d’un bout à l’autre de la Mésopotamie, et se solda par l’arrêt du combat de la part de Gilgamesh, qui prit alors conscience du mal qu’il avait fait.
Pour se pardonner, Gilgamesh entreprit avec Enkidu un voyage très dangereux jusqu’à la mythique « Forêt des Cèdres » en vue d’y affronter le terrible Humbaba. Ce démon réputé garder les Dieux était lié aux Grands Anciens, c’était un monstre des anciens temps, l’un de ceux ayant provoqué l’extinction de la Grand-Race de Yith : un Polype Volant !
Le combat contre Humbaba se solda par la victoire de Gilgamesh et d’Enkidu, et c’est en revenant à Uruk que Gilgamesh reçut la visite d’Ishtar. Sa victoire sur Humbaba avait impressionné la Déesse, qui souhaitait faire de lui son amant. L’ancien Gilgamesh aurait sans doute accepté, mais le roi d’Uruk refusa, dans une tirade restée célèbre :
- « Non, je ne veux pas de toi pour épouse !
Car tu n’es qu’un fourneau qui s’éteint au froid ;
une porte branlante qui n'arrête ni courants d'air, ni vents ;
un palais qui s’écrase sur ses plus braves défenseurs,
un éléphant qui jette bas son harnachement ;
Un morceau de bitume qui souille qui le touche ;
Une outre qui se vide sur son porteur ;
Un bloc de pierre à chaux qui cause l'effondrement d'un mur de pierre ;
Un bélier de siège qui démolit le rempart d'alliés ;
Une chaussure qui blesse son porteur ! »
Furieuse d’avoir été ainsi évincée, Ishtar lâcha sur Uruk le redoutable Taureau Céleste, qui dévasta la ville. Cette créature de légende était capable de provoquer des séismes avec ses sabots, et de détruire des montagnes. Enkidu et Gilgamesh parvinrent néanmoins à humilier à nouveau la Déesse en abattant le Taureau Céleste.
Ces batailles amenèrent néanmoins Enkidu à sombrer petit à petit. La légende retint qu’il craignait la colère des Dieux pour avoir tué Humbaba et le Taureau Céleste, mais la réalité est malheureusement plus sinistre. Nul ne ressort indemne d’un combat contre une engeance des Grands Anciens, et Humbaba avait corrompu le cœur d’Enkidu.
Fulron, de son côté, constata qu’Ishtar était aussi arrogante que les anciens Atlantéens. Une dispute terrible éclata entre eux quand elle ordonna une grande fête dans son Palais en apprenant le décès imminent d’Enkidu. Il l’avertit de se méfier de Slaanesh, et lui indiqua qu’avec une telle attitude, elle conduirait son peuple à la ruine. Aucun homme ne pouvant dicter sa loi à Ishtar, elle le répudia, et ordonna sa mise à mort.
Fulron, avant de partir, expliqua à Gilgamesh qu’il ne pouvait désormais plus rien faire pour Enkidu, car la corruption des Grands Anciens l’avait rongé. Il était préférable de lui accorder une mort rapide avant qu’il ne soit trop tard.
N’étant plus le bienvenu en Mésopotamie, Fulron hésita à retourner en Chine, mais comprit rapidement que l’Empire chinois se développait. Il préféra donc remonter la piste du Roi Rouge, ce qui le conduisit en Égypte antique, où un nouveau chapitre de sa longue vie allait pouvoir s’écrire.
VI – Le Culte solaire du dieu Aton

Le pèlerinage de Fulron vers l’Égypte l’amena à rencontrer un peuple très particulier, des nomades : les Apirou. Des gens isolés, mal vus de la part des cités, qui vivaient alors entre plusieurs dynasties. Fulron se lia à ces gens, car il apprit vite qu’ils combattaient, eux aussi, le Roi Rouge et sa secte infernale.
Fulron comprit assez rapidement que les Apirou n’étaient pas comme les autres. Ils ne considéraient pas Fulron ou Ishtar comme des Dieux, car il n’existait pour eux qu’un seul Dieu, un seul Créateur. Un Dieu supérieur aux autres, un esprit saint veillant sur chaque individu. De telles croyances tendaient naturellement à faire d’eux des apostats, mais ils en étaient convaincus : ce seul Dieu unique était l’ennemi naturel des Grands Anciens, pères des démons.
Les Apirou avaient conclu des accords avec l’Égypte antique pour venir vivre sous la protection de Pharaon. L’actuel Pharaon de l’Égypte antique était bien différent des anciens Pharaons qui avaient banni les Apirou. Amenhotep III était en effet un Pharaon sage et instruit, dont le règne se caractérisa par une période de prospérité et de splendeur artistique sans précédent.
Amenhotep III autorisa les Apirou à s’installer en Égypte, et les aida à fonder leur ville, Amarna. Il rencontra également Fulron, et, sous son conseil, commença à mettre en place une réforme religieuse de grande ampleur : l’édification d’un culte monothéiste, avec cette idée que le Dieu solaire était supérieur à tous les autres Dieux.
C’est le fils d’Amenhotep III qui finalisa l’instauration du culte, et qui l’instaura en se renommant « Akhenaton ». Akhenaton déplaça également la capitale égyptienne à la cité des Apirou, qu’il renomma « Akhetaton ».
Pour achever de convaincre le jeune Pharaon de suivre les réformes religieuses entamées par son père, Fulron reçut l’aide inattendue de la Déesse Ishtar. Celle qui avait gouverné la Mésopotamie était une Déesse qui avait réfléchi à la colère de Fulron, et qui lui annonça qu’il avait eu raison de lui conseiller de se méfier de Slaanesh. Le vil était un Dieu Noir qui avait tenté de la corrompre, et qui soutenait la Secte Rouge. Pour convaincre Amenhotep IV de suivre la voie de son père, Ishtar se réincarna en Néfertiti, et il suffit au jeune Pharaon de la voir pour tomber éperdument amoureux d’elle.
Fulron, de son côté, constata qu’il était malgré tout toujours amoureux de Néfertiti, et accepta d’endosser le rôle du Dieu Aton, ce dieu solaire qui, dans l’esprit du culte d’Akhenaton, devait être un Dieu supérieur aux autres.
Le culte du Dieu solaire se développa donc, mais se heurta rapidement à l’hostilité des cultes déjà en place, voués aux autres dieux égyptiens. Pour imposer le culte, Akhenaton n’eut d’autre choix que de recourir à la force, déclenchant naturellement une forte hostilité des prêtres, mais aussi des citoyens. Chaque catastrophe naturelle était ainsi tournée par les prêtres comme la preuve que les Dieux égyptiens avaient maudit l’Égypte et le Pharaon renégat, ce Pharaon maudit obéissant aux ordres d’une sorcière.
Le culte d’Aton s’accompagna par ailleurs de privations et de spoliations économiques des autres cultes, notamment le culte du dieu Amon. La guerre religieuse était inévitable, et elle éclata donc, s’accompagnant d’invasions externes qui fragilisèrent le pouvoir d’Akhenaton.
Fulron prit conscience qu’il était trop tard. Akhetaton était à cette époque une merveille, preuve du savoir-faire égyptien. La ville fut assiégée par les rebelles, et mise à sac, pillée, vidée, et désossée. Le siège dura de nombreux mois avant que la ville ne tombe, des mois pendant lesquels Fulron et Néfertiti ourdirent un plan pour que le monothéisme religieux survive, symbole ultime pour Fulron de la nécessaire union entre les différents panthéons.
Fulron avait profité de ces années de bonheur pour mener une vie de couple, mais aussi pour coucher ses mémoires, ses écritures et ses enseignements. Son livre restait inachevé, mais comprenait bon nombre d’enseignements et de paraboles, répartis sur plusieurs tomes. Il avait pensé ce Livre comme son legs à l’humanité, espérant que, à travers ses voyages dans le monde, les humains y verraient un message d’unité, d’harmonie et d’amour.
Néfertiti, de son côté, avait installé dans le Palais d’Akhetaton un Portail magique, qui permettait de communiquer avec le monde de Terra. Quand ce Portail s’ouvrit, Fulron commença à ressentir une présence qui l’appelait de l’autre côté… C’est ainsi qu’il commença à se rappeler qu’il n’était pas simplement un humain déifié, mais aussi un dragon déifié. Lui et Néfertiti décidèrent donc de se séparer. Fulron comptait retenir ses ennemis, tandis que Néfertiti partirait avec leurs enfants de l’autre côté du voile. Le souhait de Fulron était aussi de faire fuir son peuple par ce Portail.
Fulron réunit autant de fidèles qu’il pouvait dans son temple, mais le Portail, au dernier moment, se mit à dysfonctionner. Il comprit avec horreur que, derrière la coalition de rebelles menée pour le renverser, il y avait un souvenir familier de son passé… L’ancien prêtre d’Atlantis, le Roi Rouge ! Il était toujours en vie, et était désormais le grand-prêtre du culte d’Amon. Fulron décida de retenir le grand-prêtre et son armée tandis que ses fidèles et les citoyens d’Akhetaton fuyaient par des galeries souterraines, emportant avec eux la promesse qu’un jour, le Dieu unique reviendrait sur Terre, et enverrait un messager. Fulron se confronta au Roi Rouge dans un affrontement terrible qui provoqua l’effondrement de son temple…
Et c’est ainsi que Fulron connut sa quatrième mort.
VII – Fulron, le Prophète
La chute du culte d’Aton s’accompagna d’une répression terrible. Les lieux de culte dédiés à Aton furent impitoyablement détruits, tous les éléments ayant lié au culte furent brûlés, ravagés, et les adorateurs du culte traqués et exterminés. Cette période d’oppression commença quand le Pharaon Horemheb arriva au pouvoir. Militaire de renom, il était un général atonien, Paatonemheb, qui avait choisi de trahir Akhenaton en ouvrant les portes de la ville aux forces rebelles. C’est sous son règne que les Apirou furent mis en esclavage, et condamnés à une existence sinistre.
Pendant plus de quatre siècles, les Apirou subirent ainsi l’oppression des Pharaons successifs. Le nom de leur propre peuple fut rayé de l’historiographie officielle égyptienne, mais les Apirou avaient conservé avec eux la prophétie héritée des ruines fumantes d’Akhetaton : un jour, l’Éternel reviendrait, et les libérerait, et les conduirait vers la Terre Promise, vers Canaan. C’est ainsi que ce peuple honni, sans territoire et sans leader, s’unit sous la croyance en un Dieu unique, un mythe qui, pendant quatre siècles, survécut à la répression égyptienne. On ne les appelait plus « Apirou », mais les « Israélites », ou encore les « Hébreux ».
C’est finalement sous le règne du Pharaon Nesbanebdjed que l’oppression des Israélites connut son apogée. Pharaon dont l’Histoire aura retenu peu de choses, Nesbanebdjed était un pantin, obéissant aux ordres du grand-prêtre d’Amon, qui l’informa que son règne verrait la révolte des Israélites. À cette époque, malgré la répression, le culte honni d’un dieu unique supplantant les Dieux égyptiens continuait à se répandre, comme un cancer dans une société égyptienne qui était en perte de vitesse. Sous les conseils cruels de son Grand-Prêtre, Pharaon commit donc l’irréparable, en ordonnant la noyade de tous les bébés mâles hébreux.
Fulron se réincarna dans l’un de ces bébés hébreux. Ses parents se refusèrent à le noyer, et déposèrent leur bébé dans un panier qu’ils projetèrent sur le Nil. Ce panier arriva jusqu’aux jardins aquatiques de la fille de Pharaon, qui prit ce dernier sous son aile, et s’efforça de l’éduquer. Ce jeune enfant grandit donc comme Égyptien au sein de la cour royale de Pharaon, destiné à devenir un Prince. Il grandit en compagnie de Amenemnesout, son cousin et futur Pharaon. Si son nom hébreu fut perdu, la Princesse l’appela « Moïse ».
Fulron grandit donc, et, un jour, alla superviser un important chantier où il vit un contremaître égyptien fouetter injustement à mort un esclave hébreu. Cette vision fut pour Fulron une révélation profonde, et il décida d’interdire à ce contremaître de fouetter l’esclave hébreu. Le contremaître, agacé, acquiesça, non sans humilier une ultime fois le malheureux esclave. Cet acte déclencha alors chez Fulron une colère noire, qui frappa le contremaître, et le tua sur le coup à l’aide d’un caillou.
La nouvelle remonta aux oreilles de Pharaon, qui ordonna immédiatement la mise à mort de ce jeune Prince sauvage, dont les origines nébuleuses, la saisissante beauté et l’intelligence acérées, lui avaient toujours fait peur. Les soldats de Pharaon ne purent toutefois pas s’emparer de Fulron, car, quand ils se rendirent à sa demeure, ce fut pour voir qu’il s’était enfui, délaissant toute possession, ne prenant avec lui qu’une toge, un bâton, et s’aventurant dans le désert aride de l’Egypte, le désert du Sinaï, en vue de rejoindre le pays de Midian, situé de l’autre côté de ce désert. Une traversée qui s’apparentait à une forme de suicide, au vu des conditions arides de ce périple sans retour.
Ce voyage aurait dû être sa mort, mais, pourtant, Fulron survécut. Il marcha, il erra, jusqu’à rejoindre une ferme isolée, propriété d’un certain Jethro. Il obtint l’hospitalité et la bénédiction de Jethro en protégeant ses sept filles près du puits où il se rendit pour s’abreuver face à des guerriers nomades. Cet acte lui valut la bénédiction de Jethro, un homme sage et avisé. Le Madianite avait installé sa ferme et son temple à proximité d’une montagne sacrée, interdite d’accès. Fulron épousa l’une des filles de Jethro, Séphora, et passa de nombreuses années à Madian, vivant comme pasteur, surveillant les troupeaux de Jethro, tout en regardant souvent cette montagne sacrée.
La vie à Madian dura des années, et, là où sa femme vieillit, lui resta jeune, comme si le temps n’avait pas d’influence sur lui. Il restait un simple berger, discret, se contentant de faire ce qu’il devait, bien loin du Prince égyptien qu’il devait être.
Après bien des années à cette vie paisible, Fulron entendit une voix qui l’appelait. Il finit par grimper un soir d’averse au sommet de la montagne sacrée. Rien ne se trouvait au sommet… Jusqu’à ce qu’il vît une tortue qui se trouvait là. Et, quand il l’attrapa méthodiquement, un éclair transperça le ciel, et enflamma le buisson qui s’y trouvait. Il se rappela qui il était vraiment, qu’il avait été un Dieu, qu’il avait eu plusieurs vies, et qu’il avait juré de sauver ses fidèles. Surtout, Fulron se rappela qu’il ne pouvait rester dans l’anonymat.
Devant le buisson en feu, il vit le Dragon d’Or, celui qu’il était, et prit conscience que le temps manquait. Le Roi Rouge était revenu, et il comptait de nouveau invoquer son maître, le Grand Ancien Cthulhu. La Tortue, qui était son fidèle frère, le prévint : l’Égypte allait connaître une époque épouvantable, et il devait empêcher cela.
La voix qui lui parlait était celle de la Tortue, de Maturin.
Après le règne du Pharaon Nesbanebdjed, le Pharaon Amenemnesout prit le pouvoir, et décida de réclamer aux tribus du désert le paiement d’un tribut que son prédécesseur n’avait pas réclamé. Des émissaires partirent ainsi vers la ferme de Jethro, et réclamèrent à ce dernier le paiement de l’impôt du Pharaon. Jethro indiqua qu’il n’avait pas les moyens de payer, mais les émissaires lui firent observer qu’il avait sept filles bien garnies, des troupeaux, et de beaux habits. Les émissaires partirent en intimant à Jethro de payer le tribut, ou il subirait la colère de Pharaon.
Apprenant cela, Fulron décida qu’il était temps de se confronter avec son passé. Il indiqua à sa famille qu’il était un Prince égyptien, en fuite après avoir tué un contremaître qui martyrisait un esclave hébreu. Il demanda l’aide de sa femme, Séphora, de son soutien. Avant de retourner en Égypte, Fulron devait rencontrer un certain Aaron, un Hébreu, celui qui serait son messager. Aaron était aussi l’un des frères de Moïse, et c’est en sa compagnie que Fulron apprit que leur famille descendait de lui et de Néfertiti, d’une branche qui avait échappé à la purge des Égyptiens, et qui était restée sur Terre. Issue de la tribu de Lévi, Yokébed, leur mère, donna naissance en secret à Moïse. C’était également Yokébed qui fournit à Aaron, son frère aîné, les enseignements de la tribu des Lévi, le Lévitique, l’un des livres sacrés. Fulron comprit que le Lévitique d’Aaron était inspiré des manuscrits qu’il avait rédigés sous son ancienne vie, l’un de ses rares ouvrages ayant échappé à la purge des Égyptiens et aux autodafés liés au culte d’Aton.
Cette rencontre avec Aaron convainquit Fulron de l’imminence du danger. Pharaon était un despote, qui avait perdu la raison, et qui était sous la coupe réglée du grand-prêtre d’Amon, le Roi Rouge.
Fulron, Aaron et sa femme rejoignirent l’Égypte, et se rendirent à Goshen, une ville qui avait été celle où les Hébreux furent regroupés il y a plusieurs siècles, puis asservis par la suite. Aaron se rendit à la maison familiale, où il retrouva sa mère, mais aussi l’hostilité des Hébreux. La liberté n’était plus qu’un vain mot pour un peuple opprimé depuis des siècles. Aaron avait beau dire que Moïse avait parlé à Dieu, les autres habitants restaient sceptiques. Pour les convaincre, Moïse dut prononcer le nom véritable de Dieu à l’oreille d’une vieille femme, seule à connaître ce mot. La nouvelle se répandit alors d’un bout à l’autre de la ville, et Fulron reçut la visite des habitants, qui l’interrogèrent sur le Déluge, sur Canaan, et sur tout ce qu’il savait. Fulron devint alors pour de bon le « Prophète », Moïse.
Il apprit des Hébreux que ceux-ci construisaient depuis des années le même édifice, une tour étrange dont on ignorait la fonction. Mais Fulron, lui, ne l’ignorait pas. Il avait déjà vu cette tour, et il en comprit l’usage, la réplique.
C’était la tour maudite du Roi Rouge, une tour visant à concentrer les énergies magiques pour ouvrir un portail maudit…
VIII – Les Dix Plaies d’Égypte

Pharaon était assailli de visions sinistres. Des visions où une voix lui parlait, lui annonçant être le Destructeur, et que des temps sombres arrivaient. Amenemnesout prit peur, et devint de plus en plus paranoïaque, convaincu qu’un assassin allait venir le tuer, et qu’il faisait partie des Israélites.
Fulron, de son côté, avait entrepris de retourner voir le peuple israélite, opprimé et asservi par Pharaon. À Goshen, il avait montré aux esclaves qu’il existait une autre vie que la servitude sans fin, car celui qui naît esclave sera convaincu à toujours que c’est sa destinée, et qu’il ne peut en être autrement.
Fulron avait grandi en compagnie de la haute société égyptienne, il avait connu Amenemnesout, et il décida donc d’aller voir celle qui l’avait éduqué : la Princesse égyptienne Bithia. En tentant d’aller à son palais pour obtenir son aide, Fulron fut incarcéré par les gardes, et jeté en prison. Un séjour de courte durée, car Bithia entendit naturellement parler de lui, et le fit sortir de sa cellule.
Malgré le poids des années, Bithia avait toujours conservé en elle sa bonté et sa beauté. Elle ne put qu’être heureuse de revoir son fils adoptif, mais l’enjoignit de fuir au plus vite. Elle lui expliqua que Pharaon était devenu obsédé par des malheurs qui allaient s’abattre sur lui, et par un prétendu complot israélite visant à le destituer. S’il apprenait que Fulron était là, Pharaon le tuerait, car il avait entendu parler d’un « prophète » maudit.
Fulron avait des doutes sur ce qu’il devait faire. Mais il crut en la Tortue, qui lui dit que trois signes seront montrés à Pharaon pour qu’il soit convaincu que Fulron était bien le Prophète de Yahvé, le Dieu unique.
Fulron rencontra Pharaon à l’occasion d’une cérémonie publique où, de bonne humeur, Amenemnesout invita ses sujets à lui faire des réclamations. Fulron montra son premier signe en posant sa main sur sa modeste tunique, qui se couvrit de lèpre. Fulron se présenta à Pharaon, qui décida de l’absoudre de son meurtre du contremaître égyptien.
Lui et Aaron demandèrent à Pharaon de libérer les Hébreux, et d’arrêter la construction de sa tour, au nom du Dieu unique. Pharaon se montra sceptique, et indiqua qu’il avait besoin de cette tour pour protéger son peuple, et demanda à Fulron qu’il lui montre l’étendue de ses talents, et du pouvoir de ce Dieu unique. Le bâton de Fulron se transforma alors en un serpent rouge. Peu impressionnés, deux des magiciens de Pharaon transformèrent à leur tour leurs bâtons en serpents noirs, donnant lieu à un affrontement entre les trois serpents… Que le serpent de Fulron triompha.
Pour autant, Pharaon ne se laissa pas convaincre. Il ne croyait pas en ce Dieu unique, qui lui rappelait trop le culte maudit du dieu Aton, et ordonna à Fulron de partir.
Fulron implora en vain Pharaon de l’écouter, car, s’il continuait ainsi, de terribles malheurs allaient s’abattre sur l’Égypte.
Décidé à empêcher le pire, Fulron se rendit auprès des esclaves israélites pour tenter de les convaincre de partir. Pharaon avait anticipé cette démarche, et envoya dans la carrière où Fulron s’entretint avec les esclaves de nombreux contremaîtres, qui démantelaient tout rassemblement à renforts de fouets.
Après cela, Fulron tenta à nouveau de persuader Pharaon en le retrouvant le long du Nil, où Pharaon faisait une promenade habituelle. Aaron, qui était plus diplomate que Fulron, redemanda donc à Pharaon de cesser son projet insensé, et de libérer les esclaves. Mais Pharaon refusa. Fulron lui fit donc une démonstration de l’étendue des pouvoirs de « Yahvé », et les eaux du Nil se recouvrirent de sang.
« Vois ce qui arrive, Pharaon… Tes Dieux ne peuvent pas te protéger de ce qui arrive.
- Hérésie que cela !
- Hâpi est le dieu qui protège le Nil, n’est-ce pas ? Vois ce qui arrive… Si tu t’obstines, si tu refuses d’entendre raison, les choses ne feront que s’aggraver. »
Mais Pharaon refusa d’écouter. Il ordonna à ses sujets de creuser de nouveaux puits, de chercher de nouvelles sources d’eau. Mais, à chaque fois, il n’y avait que du sang qui en sortait. Pharaon tenta à nouveau de se reposer dans sa source d’eau sacrée, de méditer à l’intérieur… Mais, encore une fois, le sang l’accueillit, et l’inonda.
Aaron et Fulron retournèrent voir Pharaon en l’exhortant à entendre raison. En réponse, Pharaon accusa les deux d’être à l’origine de ce fléau, et les fit enfermer, puis ordonna qu’ils travaillent de force dans ses carrières.
« Nous devons nous hâter de finir la construction de notre grande tour, elle nous protègera des mauvais sorts de ce sorcier maudit. »
Tandis que Fulron fut envoyé dans les carrières, la Deuxième Plaie s’abattit sur l’Égypte, qui fut recouverte de grenouilles, symbole de la déesse Héqet, Déesse de la fertilité, et signe qu’une deuxième Déesse venait de montrer son incapacité à défendre l’Égypte et le pouvoir de Pharaon.
Les magiciens de Pharaon, s’ils étaient capables de reproduire ces plaies, étaient incapables de les stopper.
Pharaon convoqua à nouveau Aaron et Fulron, et annonça qu’il allait libérer les Hébreux.
Les grenouilles moururent en masse, et l’eau revint. Pharaon décida alors de revenir sur sa parole, et refusa la liberté promise aux Hébreux dans une répression sanglante.
La Troisième Plaie tomba alors sur l’Égypte, et les cheveux des Égyptiens furent recouverts de poux sauvages et agressifs.
La Quatrième Plaie suivit par d’épais essaims de mouches qui dévastèrent toute l’Égypte, envahissant même le palais de Pharaon, qui érigea autour de son palais d’épais boucliers magiques pour repousser ces essaims d’insectes qui dévastèrent les champs.
Sentant le désespoir l’envahir, Pharaon priait régulièrement, se demandant si Fulron n’avait pas raison, tout en refusant de croire qu’un seul dieu puisse offrir à l’Égypte une meilleure protection que le panthéon millénaire.
Il ordonna un nouvel entretien avec le Prophète dans sa cour, et lui annonça qu’il était prêt à affranchir les Israélites, mais tenait à ce que la tour soit achevée.
« Tu ne comprends pas, Pharaon ! C’est cette tour qui provoque tout ce malheur ! »
Pharaon et Fulron ne trouvèrent pas d’accord, mais Pharaon autorisa les Hébreux à être affranchis et à prier. Cependant, Pharaon revint encore sur sa parole, refusant que les Israélites prient leur dieu, ce qui provoqua l’ire de Fulron.
La situation s’aggrava donc encore, car Pharaon se reposait sur la fortune de son pays. La Cinquième Plaie détruisit le bétail d’Égypte, mais sans que cela ne stoppe Pharaon. Au contraire, cela le renforçait dans sa volonté de construire sa tour, sa grande pyramide. Le Grand-Prêtre lui expliquait que la foi des Égyptiens n’était pas assez forte, comme la sienne.
« Tu dois finir la Tour, Pharaon. Tu dois l’achever, et elle sera resplendissante. Ainsi, tu toucheras des doigts le Ciel, et tu pourras défier le Dieu cruel de ce prophète de pacotille. Les Dieux te mettent à l’épreuve, tu dois te montrer digne ! »
Amenemnesout continua donc à édifier, faisant fi de son pays qui tombait en morceaux, de la peste qui avait ravagé le bétail et les animaux. Sans bœuf ou cheval pour tracter les chariots convoyant les blocs de pierre, les prêtres d’Amon utilisaient d’obscurs sortilèges pour renforcer l’endurance des esclaves, au détriment de leur santé mentale, multipliant les anévrismes, ou les effondrements cellulaires. Une surdose les mettait en état catatonique, vomissant du sang par la bouche, et finissant ensuite égards, errant dans des rues abandonnées et mortifères.
La Sixième Plaie s’abattit ensuite sur l’Égypte, recouvrant de furoncles affreux les hommes, tâchant leurs visages de pustules, corrompant leurs corps d’ulcères.
La Septième Plaie suivit ensuite, le ciel se recouvrant de nuages noirs en plein jour, et faisant tomber une pluie de grêle incessante, comme on n’en avait jamais vu en Égypte. Les récoltes furent perdues, condamnant le royaume à une famine épouvantable… Mais Pharaon continua à refuser la proposition de Moïse, et renforça les travaux pour finaliser la Tour. Elle était construite au centre d’une énorme pyramide qui permettait de la façonner, et elle était plus haute que toutes les autres pyramides de l’Égypte. Partout ailleurs, le peuple égyptien se mourait, Conscient de cette situation, Moïse retourna voir Pharaon, et lui enjoignit de libérer les siens de son joug. Amenemnesout demanda à ce que cesse la grêle pour pouvoir discuter. La grêle cessa alors, et Pharaon accepta que le peuple de Fulron parte, mais exigea que les enfants restent, pour veiller sur eux. Moïse ne pouvait accepter une telle proposition.
La Huitième Plaie déferla alors sur l’Égypte, caractérisée par une pluie de sauterelles sur tout le royaume, dévastant les réserves agricoles, les greniers et les vide-mangers de l’Égypte. Les récoltes étant dévastées par la grêle, les sauterelles achevèrent de ravager l’économie du pays et ses ressources alimentaires. Les sauterelles envahirent ainsi tout ce qui était vert, plongeant le royaume dans l’effondrement. Les Égyptiens s’amassaient massivement devant le Palais de Pharaon, qui continuait à se réfugier devant sa Tour, dont la pointe émanait alors une lueur verte.
« Tu es un souverain, Pharaon. Tu es la raison d’État. L’État ne peut pas plier devant des mystiques et des malédictions. »
Le Grand-Prêtre était à ce stade l’une des dernières personnes que Amenemnesout acceptait de voir. Ses enfants le rencontraient également, en lui disant de laisser partir les Israélites, ce que Pharaon refusa.
La Neuvième Plaie fondit ensuite sur l’Égypte. Le dieu Ra, dieu du soleil, se trouva également en défaut quand des nuages noirs recouvrirent toute l’Égypte, plongeant l’Égypte dans les ténèbres, annonçant la fin imminente du royaume. Tout espoir semblait perdu pour les Égyptiens, mais la Tour était bientôt prête. C’est du moins ce que le Grand-Prêtre lui affirmait.
Moïse proposa encore une ultime fois à Pharaon de mettre fin à cette situation, de libérer son peuple, et de stopper la construction de la Tour. En méditant, Fulron avait entendu la Tortue le prévenir :
« Le Destructeur arrive, Fulron, et tu ne peux l’empêcher. Il va s’emparer de tous les premiers-nés d’Égypte. Je vais te partager un rituel pour protéger chaque maison, tu dois faire aussi vite que cela est possible. »
Le rituel consistait à badigeonner chaque porte de chaque maison du sang d’agneau. Fulron entreprit de le faire aussi vite que possible, tandis que, dans l’obscurité d’Égyptz, la Tour brillait d’une épaisse lueur verte à son sommet. Pharaon avait réuni tous les Égyptiens possibles autour de la Tour, et ils s’agglutinaient encore, de plus en plus nombreux. Ceux qui avaient survécu à l’édification harassante de cette construction gigantesque louaient leurs Dieux de les aider, répétant les formules ancestrales que le Grand-Prêtre leur transmettait depuis la tribune où il les exhortait. Le sol autour de l’immense pyramide se recouvrait d’arabesques verdâtres, de signes infernaux plus vieux que le temps lui-même…
« TEKELI-LI !! TEKELI-LI !! TEKELI-LI !! » hurlèrent-ils, inconscients du fait qu’ils provoquaient leur propre mort.
La Dixième Plaie se déclencha alors, arrachant la vie à tous les premiers-nés d’Égypte. La Tour projeta ensuite un rayon d’énergie qui perça le ciel et la réalité, mais le Grand-Prêtre constata alors que le rituel était incomplet…
« Fulron… La Tortue… Il a protégé les siens ! »
Amenemnesout venait de perdre l’un de ses enfants, tandis que les Israélites organisaient leur fuite massive. Il n’y avait pas une maison en Égypte qui n’ait point de mort. Le Grand-Prêtre voulut immédiatement lancer les hostilités, mais la mort de son fils avait brisé Pharaon, qui ne souhaitait plus entendre son Grand-Prêtre. Il était tellement désespéré qu’il ordonna aux Israélites de partir dans le désert, et de ne plus jamais revenir.
Fulron, qui avait été horrifié par ce qui s’était passé, fuit donc, car il savait que les choses allaient s’aggraver.
Et elles ne manquèrent pas de s’aggraver.
IX – L’Exode

Après les Dix Plaies, le soleil revint sur une Égypte asphyxiée et détruite. Accusant les Hébreux d’être à l’origine de tous ces maux, les Égyptiens ne firent rien quand, en partant, les Hébreux pillèrent les maisons dévastées, récupérant des richesses qu’ils considéraient être les leurs. La Tortue souhaitait désormais que Fulron parte au plus vite, et rejoigne la Terre de Canaan, afin de mettre à l’abri son peuple. Le temps leur manquait, car il était convaincu que Amenemnesout allait se lancer à leur poursuite.
De fait, le Grand-Prêtre avait vu son rituel partiellement échouer. La Tour s’était éteinte, mais une profonde déchirure béante lézardait désormais le ciel. Pour l’élargir, il avait besoin de sacrifier les Hébreux. Amenemnesout refusait néanmoins d’agir, ne parvenant pas à se remettre du deuil de son fils. Lassé, le Grand-Prêtre décida alors de le tuer, et le poignarda violemment dans le dos.
« Tu auras été un Pharaon bien faible…
- Pou… Pourquoi ?
- Cela fait des millénaires que j’attends ce moment. Je ne peux pas les laisser s’enfuir, ils sont la dernière pièce dont j’ai besoin. Fort heureusement, j’ai plus d’un serviteur plus dévoué que toi, petit roi.
- Je… Je suis Pharaon !
- Oui… Est-ce supposé m’impressionner ? »
Le Grand-Prêtre parla d’une voix sinistre, prononçant des mots qui n’avaient jamais été gravés. L’âme d’Amenemnesout s’échappa de son corps, formant une Lumière-Vive, une petite sphère éclatante d’énergie. Le Grand-Prêtre libéra alors de sa paume une autre sphère similaire, plus sombre, et plongeant dans le corps de Pharaon l’âme d’un ancien Pharaon, un Pharaon fidèle qu’il avait initié aux arts occultes pour le faire revenir si jamais le besoin s’en faisait sentir… Néphren-Ka !

Suivant les conseils de Maturin, Fulron dirigea son peuple, non pas vers le désert du Sinaï, mais vers la Mer Rouge. Derrière eux, Néphren-Ka avait déployé toute l’armée d’Égypte, et les Égyptiens retrouvèrent les Hébreux au bord de la mer. La Tortue les protégea encore en générant une tempête de sable qui empêchait les soldats de s’approcher de la plage où le peuple hébreu se trouvait. Les Israélites pensaient voir leur dernière heure venue, mais la bénédiction de la Tortue les accompagnait. Fulron puisa dans son énergie, et généra un passage à travers la mer à l’aide des vents, maintenant les flots à droite et à gauche de ce long passage. Prenant foi en eux, les Israélites marchèrent à travers la mer. Ils avancèrent avec foi, conscients que leur piété renforçait la force du sort qui ouvrait la mer en deux.
Ils arrivèrent de l’autre côté tandis que les Égyptiens s’élançaient à leur poursuite. Fulron referma ensuite les flots sur eux, détruisant l’armée égyptienne… Mais les maléfices de Néphren-Ka lui permirent de survivre, même si l’eau le recracha à des lieues du peuple israélite, qui entama alors son exode dans le désert.
L’Exode les amena à se confronter aux conditions de vie rocailleuses, infernales et arides du désert. Peu de point d’eau, des vivres qui venaient à manquer… Le doute s’instillait dans l’esprit des Israélites, qui en venait à regretter d’avoir quitté les terres d’Égypte. Fulron, de son côté, peinait à entendre à nouveau le chant de la Tortue. Les conflits se multipliaient, et Fulron apparaissait comme étant dépassé, amenant son frère à faire preuve de plus de parcimonie vis-à-vis de leurs ouailles.
Fulron, de son côté, s’isolait de plus en plus, cherchant à comprendre où ils devaient aller. La Tortue les guidait vers de rares oasis permettant d’obtenir des vivres.
De son côté, Néphren-Ka ne se risqua pas forcément à affronter directement les Hébreux. Il alla trouver des ermites, un peuple sauvage vivant dans le désert, les Amalécites, et usa rapidement de ses pouvoirs magiques pour les convaincre, dissimulant ses atours royaux sous une cape noire et une capuche.
« En vérité, je vous le dis, ces Hébreux maudiront votre terre comme ils mont maudit celles d’Égypte. Bétail mort, des pustules affreuses sur le visage, vous le savez, je le sais. Vous avez tenté de piller l’Égypte, et vous n’avez rien trouvé. Ces Hébreux ont emmené avec eux des caravanes remplis d’or, de vivres, plus que vous ne pouvez l’imaginer. Retrouvez-les, et réclamez votre dû ! Capturez-les, et ramenez-les-moi ! »
À chacun, il donnait un nom différent. Il était l’Étranger Sans Âge, ou plus simplement appelé… Le Magicien.

Les Amalécites attaquèrent donc le peuple hébreu, capturant femmes et enfants. Quand Fulron apprit cela, il partit sur leurs traces.
En compagnie d’Aaron, ils retrouvèrent le camp des Amalécites. Tandis que les Hébreux attaquaient les Amalécites, Moïse pria en s’agenouillant. Ce fut une victoire éclatante, et les Hébreux revinrent à leur camp pour célébrer leur victoire. Le soir, ils se disputèrent le butin, jusqu’à se battre, déclenchant la fureur du Prophète, qui les exhorta à l’unité.
En quête de conseil, Fulron retourna voir Jethro pour trouver un moyen de diriger et de coordonner ce peuple. Il décida de retourner à la montagne où il avait rencontré la Tortue pour obtenir son aide, et laissa son peuple.
En rejoignant la montagne, Fulron vit le temps s’assombrir, une tempête faisant peu à peu rage alors qu’il rejoignait péniblement le sommet.
« Je n’y arriverai pas, Maturin !
- La tâche qui nous attend est bien compliquée, mon ami, mais elle est nécessaire. On ne peut gouverner le cœur des hommes en faisant appel simplement à leur bienveillance, ou à leur foi religieuse. Il faut plus, il faut davantage. Nous devons concevoir un système pérenne, des règles qu’ils devront respecter. Tu dois bâtir la nation idéale, celle qui guidera le monde. Il n’y a que comme ça que nous pourrons empêcher le cycle de se reproduire.
- Je ne suis point juriste ni légaliste !
- Médite, mon ami. Partout où tu as été, jusqu’en Egypte, tu as vu un pouvoir absolu et déraisonnable. Tu as vu un Pharaon qui a été jusqu’à laisser son propre peuple mourir plutôt que de céder le pouvoir. Il faut être meilleur que cela. Tu dois parachever ce que tu as commencé quand tu étais Aton. Un Dieu unique, une nation unique… Gouvernée non pas par des despotes, mais par la nation elle-même. Une démocratie qui doit reposer sur des règles immuables, et qui triompherait de toutes les tyrannies, pour inspirer les gens, et pour leur faire comprendre qu’ils ne sont pas destinés à servir. »
Alors, Fulron médita. Et cela prit de nombreux jours. Des jours pendant lesquels ses ouailles s’inquiétèrent, et laissèrent à nouveau le doute les envahir. Ils se convainquirent que leur guide était mort, et commencèrent à édifier un idole, en utilisant l’or qu’ils avaient accumulé.

Le veau d’or fut conçu par Aaron comme une fausse idole destinée à canaliser la colère grondante et le désespoir de son peuple.
De son côté, Fulron avait fini de méditer, et avait édifié deux tablettes, les Tables de la Loi.
Quand il revint près de son peuple, il les vit en train de vénérer une fausse idole, et sentit son cœur se déchirer. Furieux, il brisa les Tables de la Loi, ne laissant aux Hébreux que des morceaux à contempler.
Fulron se laissa ensuite convaincre de reforger les Tables, devenant le fondement de tout ce qui devrait suivre : les Dix Commandements.

Les Dix Commandements étaient l’accomplissement du Prophète. Les Tables reforgées furent déposées dans un magnifique coffre doré, l’Arche d’Alliance. Fulron avait libéré un peuple martyr, et, après quarante ans d’errance, il avait forgé une nouvelle société. Ses forces le quittèrent ensuite rapidement jusqu’à ce que les Hébreux rejoignent enfin la terre Promise.
C’est avec le sentiment d’accomplissement que Moïse resta à l’entrée du futur royaume de Canaan, et ferma les yeux, convaincu d’avoir enfin réussi, et d’avoir mis fin au cycle.
La dernière image qu’il vit fut celle du Magicien et de son sourire grimaçant.
Et c’est ainsi que Fulron connut sa cinquième mort, la plus paisible de toutes.
X – La Chute de Babylone

Fulron connut sa sixième vie en se réincarnant, non pas en Judée, mais à Anshan, l’ancienne capitale du royaume élamite, un royaume qui avait été dévasté par les Assyriens, et qui était alors une terre un peu sauvage et anarchique. C’est dans ce contexte chaotique, dans une région peuplée de seigneurs de guerre locaux et cruels, que Fulron naquit sous l’appellation de Cyrus. Petit-fils du roi de Médée Astyage, ce dernier eut une vision préconisant sa mort du fait de son petit-fils. Il ordonna alors à lm’un de ses nobles, Harpage, de tuer Cyrus, mais Harpage refusa, et choisit plutôt d’abandonner l’enfant à un berger d’Ashan. Cyrus parvint au cours de ses vertes années à devenir un homme influent à Ashan. Fulron savait que la Tortue ne l’avait pas ramené pour rien. La confrontation finale approchait, Fulron le sentit, et il s’évertua de disposer d’une grande armée pour faire face à ce qui allait arriver.

Harpage remettant Cyrus à un berger
Prenant le contrôle d’Ashan, Fulron parvint à soumettre les différents seigneurs de guerre locaux, usant de ses pouvoirs magiques, mais aussi de sa transformation en dragon. Il avait également pour lui une beauté phénoménale, qui lui valait d’être très charismatique. Constituant une force militaire d’importance, Cyrus remporta sa première grande victoire contre les Mèdes du roi Astyage. L’Histoire appela cela la « guerre médo-perse ». Fulron proposa à Astyage de rejoindre son royaume. Cela faisait sens, car Artyage était après tout son grand-père. En apprenant que son petit-fils était toujours en vie, Artyage rentra dans une colère noire. Il fit exécuter le fils de Harpage, démembra son cadavre, et le donna à manger à son père. Harpage décida ensuite de venir aider le jeune Cyrus. Il contribua à son ascension au sein d’Ashan, et à la guerre contre Artyage. Artyage était un roi cruel et paranoïaque, la preuve selon Fulron que l’Heure approchait.
Lors de la première bataille entre les Mèdes et les forces de Cyrus, Harpage parvint à convaincre les Mèdes de se retourner contre leur propre roi. Fulron proposa encore à Astyage de se rendre, mais le roi fou refusa, et provoqua des affrontements sanglants et vains. Astyage perdit la guerre, et Cyrus le détrôna, puis laissa à Harpage le soin de choisir quoi faire de lui. Harpage était tenté de le tuer, mais se rangea à l’avis de Fulron, qui était de ne pas reproduire les erreurs de ses ennemis. Artyage fut banni à vie, et alla retrouver son beau-frère, le roi de Lydie, Crésus. Crésus se rapprocha de l’oracle de Delphes pour obtenir sa position, noua notamment une alliance avec Sparte, l’Égypte, et Babylone puis prit la décision d’envahir l’Empire perse de Cyrus.
Encore une fois, Cyrus privilégia la paix en répondant à l’invasion de Crésus. Les deux armées s’entrechoquèrent dans la région du Cappadoce, lors de la bataille de la Plétrie, qui vit le retour des forces lydiennes en Lydie. Alors que le roi Crésus espérait profiter de l’hiver pour remobiliser ses troupes, Cyrus le poursuivit en plein hiver, et par le vaincre. Là aussi, Cyrus épargna Crésus, et multiplia ensuite les conquêtes, renforçant ses troupes pour mener à bien le grand assaut, l’ultime bataille…
…La Conquête de Babylone.
« Quand j’ai quitté Babylone, c’était une ville magnifique, mon vieil ami…
- Il s’en est emparé, Fulron. Il a attaqué la Judée, dévasté le Temple de Salomon.
- Je le sais, oui… Pour être honnête, je ne suis pas sûr d’y arriver. »
Le roi de Babylone n’était qu’un vulgaire pantin, mais qui avait déclenché une situation insurrectionnelle en rejetant le clergé traditionnel de Babylone au profit de son dieu à lui. Il l’avait fait sous l’influence de sa puissante épouse, une femme que Fulron ne connaissait que trop bien… Ishtar.
« Les Babyloniens ont envahi à trois reprises la Judée, Fulron, ce n’est pas un hasard.
- Je sais, Maturin… Il m’appelle, et le temps joue contre nous. L’Éveil aura bientôt lieu… »
S’ils ne faisaient rien, le ciel allait se rouvrir de nouveau. Les rapports étaient formels : une nouvelle tour avait été érigée. C’était l’œuvre du roi actuel de Babylone, Nabonide, qui avait utilisé essentiellement les Judéens pour la forger.
« On l’appelle la Tour de Babel… Tu as perçu son aura, maintenant. C’est la même que la tour d’Atlantis, ou que la grande pyramide de Pharaon… Son œuvre est désormais presque achevée. »
La conquête de la Babylonie commença par des batailles que Cyrus remporta, jusqu’à rejoindre Babylone, dont il s’empara finalement plutôt facilement. Le clergé de Babylone fut plus que ravi de pouvoir chasser l’usurpateur, et Cyrus et eux réalisèrent à cette occasion une célèbre inscription qui devait dépasser les âges : le cylindre de Cyrus, une inscription de ce dernier dont voici l’un des extraits :
Je suis Cyrus, le roi du monde, le grand roi,
Le roi puissant, le roi de Babylone, le roi de Sumer et d'Akkad,
Le roi des quatre régions du monde,
Celui dont Bêl et Nabû ont chéri le règne,
Celui dont ils souhaitaient la royauté pour la joie de leur cœur.
Cyrus n’était pas qu’un grand conquérant, c’était aussi un roi sage, soucieux d’instaurer la paix, d’éviter les pogroms et les humiliations.
Il libéra les Judéens, et poursuivit sa campagne. Nabonide fut rapidement vaincu, capturé et gracié, mais sa femme, Ishtar, courait toujours, et une guerre civile faisait rage en Babylone. Ishtar bénéficiait pour cela du soutien d’un mystérieux homme, Rudin Filaro. Filaro avait sous ses hordes des cohortes de mercenaires, de bandits, de déserteurs, qui contestaient l’autorité de Cyrus, et menaient une résistance violente.
Pendant des années, Cyrus les défia, délaissant Babylone, et recherchant aussi la trace de la Tour. Sa conquête l’amena à combattre une divinité obscure, la Déesse noire Sha, puis à retrouver Ishtar. Il apprit alors qu’Ishtar s’était scindée en deux, qu’elle s’était séparée de sa partie faible, et n’avait conservé qu’en elle la guerrière. Une femme violente, cruelle, que Fulron défia en combat singulier sur une plaine désertique.
Il parvint à la tuer, et sentit son cœur se briser tandis que l’esprit d’Ishtar partait en Enfer.
Cyrus n’eut pas le temps de célébrer sa victoire, car il apprit que Babylone s’était retournée contre lui. De toute évidence, Filaro avait sacrifié Ishtar comme un pion, et en avait profité pour reprendre la capitale. Fulron déploya alors son armée pour retourner à la capitale, et constata avec effroi que la Tour de Babel se trouvait là… Elle se trouvait dans les Jardins Suspendus de Babylone.
Le ciel était rouge, d’un rouge sang, chargé de mort et de carnages.
« Babylone est tombée… » commenta tristement Harpage.
Ce n’était pas peu dire. Les rues étaient jonchées de cadavres, de corps suppliciés. On avait crucifié ici et là de nombreuses personnes, qui se vidaient de leurs sangs, ou étaient dévorés par les corbeaux. Des chiens sauvages erraient dans les rues si magnifiques de Babylone. Des corps déchiquetés, dévorés par des humains qui avaient perdu la raison, et qui écrivaient les mêmes formules sur les murs des maisons, à l’aide de sang et d’os :
TEKELI-LI !! TEKELI-LI !!
IÄ ! IÄ ! CTHULHU FHTAGN !!
IÄ ! IÄ ! CTHULHU FHTAGN !!
Dès qu’ils arrivèrent, Fulron ordonna à Harpage de commander l’armée, de ne pas entrer dans la ville, et de la brûler de l’extérieur.
« Mais… Et vous, mon roi ?
- Je dois finir le cycle.
- Vous n’allez quand même pas rentrer tout seul ?!
- Je le ferai. Demande à Hérodote de ne pas mentionner cette partie dans ses récits. Je te charge de la suite. »
Fulron pénétra à l’intérieur de la ville maudite, y trouvant une nouvelle R’lyeh. Il rejoignit le pont qui menait aux Jardins, et y vit Filaro.
« Toi… Pourquoi ne suis-je même pas surpris de te revoir ? Toi qui m’as traqué pendant quarante ans dans le désert ? »
Néphren-Ka lui sourit sous sa capuche.
« Ne le fais pas attendre, Fulron, c’est une rencontre longuement attendue… »
Fulron rejoignit des jardins saccagés, enflammés, calcinés, des arbres morts, contaminés par cette ambiance sinistre. Il rejoignit la grande cour, et vit que les Babyloniens priaient à nouveau, vénérant, non pas un veau d’or, mais son équivalent… Celui qui se tenait au sommet du Palais.
« Gloire ! Gloire soit rendue au Roi Cramoisi, mon cousin ! Cela faisait bien longtemps ! Apprécies-tu ce que j’ai fait de cet endroit ? Ne te semble-t-il plus naturel ainsi ? Oh, je vois, tu fais le silencieux… Chercherais-tu à m’impressionner ? Tu te crois beau, peut-être ? Mais, toi et moi, nous le savons, mon cher cousin, nous ne sommes pas de ces gens qui se laissent impressionner par les apparences. Vois ces larves que tu cherches désespérément à sauver. Vois comme elles rampent, vois comme elles sont faciles à séduire. Vois comme leurs convictions hypocrites s’écroulent lorsqu’on les rappelle à la seule et unique réalité qui vaille, mon cousin… Tout est Chaos ! »
Fulron les observa lentement, et consentit enfin à répondre, en se dressant au milieu de l’assemblée.
« Je ne suis pas ton cousin, et tu n’es point roi.
- Vraiment ? Crois-tu qu’il faille une couronne pour être roi ? Toi qui as exploré le monde de fond en comble, toi qui as vu ces pathétiques royaumes qui se retournent comme on retourne une carte, tu en sais long sur la royauté. Des rois bons, des rois forts… Mais tous ne sont que des simulacres, condamnés à périr à la poussière et à n’avoir comme seule trace qu’une page dans les livres d’Histoire que personne ne retiendra. Car tout est Chaos, mon cher cousin, et, foi de Roi Cramoisi, tu es autant mon cousin que ces êtres à qui tu tiens ne sont que des âmes égarées.
- Ce que tu dis ne fais aucun sens. Je t’ai toujours arrêté, et je t’arrêterai encore. »
Des pattes arachnéennes émergeaient du dos du Roi Cramoisi.
« Peux-tu arrêter l’amoureux de convoiter son épouse ? Peux-tu arrêter le frère d’être jaloux de son frère ? Peux-tu empêcher l’artisan de vouloir la paie de son maître ? Mon pauvre cousin, tu en sais tant, et, pourtant, tu n’as toujours pas compris l’essentiel. Tout cela… Ce glorieux Palais, ces pyramides, ces Sept Merveilles comme on les appellera… Ce n’est que du vent. Rien. Et toi, tu erres, encore et encore, perdu dans ton cycle, cherchant des réponses que tu connais déjà aux questions que tu n’oses pas te poser.
- Cesse de parler par énigmes, et dis-moi ce que tu veux ! Dis-moi à quoi tout cela rime !
- Je te l’ai dit, pourtant.
- Et je te le redis : tu n’es point roi, ni dieu, juste… Un imposteur ! »
Cette fois, le Roi s’esclaffa.
« Un imposteur ? Comme tu y vas, mon bellâtre. Je souhaite simplement remettre les choses à leur place. Je veux restaurer le royaume originel, détruire cette infâme Tour, briser les chaînes de l’ordre qui enchaînent toute forme de vie libre. Car la véritable loi est là, mon cher cousin… L’ordre est un leurre. Ne vois-tu pas que tout cela n’est que folie ? Construire pour détruire, reconstruire pour détruire à nouveau, et recommencer ainsi ce grand cycle où l’on revient toujours à la case départ. Quel est le but de tout ceci ? La réponse est simple : il n’y en a pas. Pas de grand dessin pour ces êtres immondes qui t’entourent. Immondes, ils le sont, immondes ils le seront, car ils croient en un mensonge… Le Bien, le Mal… Vaste plaisanterie que cela. La seule chose qui compte, c’est la puissance, être le plus fort dans un monde régi par cette affreuse raison. Rechercher un bonheur que les hommes ne trouveront jamais si ce n’est dans la promesse hypothétique d’un Paradis inexistant. Et perpétuer à jamais ce cycle où l’on croit en des mythes, alors qu’il n’y a qu’une réalité. Je n’ai pas de couronne, mais, crois-moi mon cousin, je suis bien le Roi. Tu as guidé de pauvres âmes à travers le désert pour les emmener dans une Terre Promise qui n’est qu’un autre désert putride. Une terre où ils se font perpétuellement envahir, asservir, que ce soit maintenant, ou dans le futur. »
Le Roi leva alors sa main, et tous les hommes entourant Fulron se relevèrent à leur tour. Ils portaient chacun un couteau.
« Tekeli-li, mes braves ! Vous avez vu la réalité ! Vous avez vu que l’ordre est mensonge, que tout n’est que néant. Au bout du compte, à la fin de la course, le résultat est le même pour tous. Alors, pourquoi se battre pour des choses qui n’existent pas ? Tekeli-li, et tout ce qui s’ensuit ! Cette vie est un mensonge, le bonheur est illusoire, embrassez la douce caresse du Néant, soyez libres en vous libérant de toutes vos chaînes ! TEKELI-LI !! »
Sa dernière phrase sonna comme une terrible sentence, et, sous les yeux effarés de Fulron, tous les cultistes se tranchèrent la gorge, et tombèrent sur le sol, en se tortillant sur place.
« Mon Dieu… Tu es fou…
- Enfin une parole sensée ! J’ai été heureux de te revoir, mon cher cousin. Maintenant… Fais ce qu’il y a à faire. Agenouille-toi devant le Roi Cramoisi… Ou bien… Meurs ! Ou… Les deux, peut-être ? »
Et, disant cela, le Roi se catapulta dans les airs avec ses pattes, et s’abattit avec force sur Fulron.
C’est ainsi que le dernier combat commença.

Le choc du Roi Cramoisi provoqua un terrible séisme, une onde de choc qui fissura les vastes constructions des Jardins Suspendus. Fulron eut à pein le temps de réagir que l’une des pattes du Roi se dressa vers lui, et envoya un rayon magique d’une terrible intensité. L’armure de Fulron explosa sous l’impact, et le souffla en arrière. Il passa à travers un mur, un autre mur, ressortit par l’arrière, et, alors qu’il allait tomber dans le fleuve ensanglanté entourant les Jardins, une toile le saisit au torse, et le ramena brusquement en arrière.
Il rebondit sur le sol à plusieurs reprises, et se rétablit dans sa course, puis chargea à son tour un rayon d’énergie doré, qu’il projeta sur le Roi… Lequel le dévia à l’aide de l’une de ses pattes. Le rayon dévié vaporisa une partie des Jardins en remontant en cloche dans le ciel rouge.
Le Roi Cramoisi bondit alors en avant, et généra une épée rougeâtre qui heurta la lame dorée de Fulron, faisant vibrer l’air autour d’eux.
« Maintenant que nous en sommes là, je réalise une chose… Tu es comme moi, Fulron, cherchant à faire l’histoire selon tes propres aspirations. Cyrus le Grand… Ainsi t’appelleront-ils, mais il ne restera rien de ton empire !
- Je m’en moque, tant que je peux mettre fin à ton existence putride ! »
Les deux lames explosèrent entre elles, repoussant le duo. Le Roi se rétablit à l’aide ses pattes, et se propulsa en avant. Sa main saisit le cou de Fulron, et il le balança à nouveau, à travers le bâtiment principal du Palais. Il traversa plusieurs plafonds, et sentit le Roi arriver dans son dos, le plaquant sur un lit.
« Tu sens son odeur ? Celle de ta Ishtar… Elle s’est scindée en deux sur les conseils du Magicien… Sa partie douce, innocente, a traversé la Méditerranée pour rejoindre ces nouveaux Dieux olympiens… Aphrodite. »
Fulron puisa dans ses forces, et généra derrière lui une onde de choc qui frappa le Roi Cramoisi au torse, le propulsant à travers une grande rosace. Il passa de l’autre côté. Fulron tenta de le suivre, mais le Roi avait déjà stoppé sa chute à l’aide de l’une de ses pattes, et envoya sur le Dieu à la peau d’ébène une puissante onde de choc.
Le coup fit s’envoler Fulron, qui se retrouva dans le ciel en quelques instants. Il eut à peine le temps de se protéger que le Roi s’élançait déjà à sa poursuite, et le frappa encore. Cette fois, Fulron se protégea avec les bras, amortissant la puissance de l’impact, mais qui l’envoya néanmoins hors de l’atmosphère.
Se retrouvant désormais dans l’espace, Fulron concentra sa magie, et envoya des rayons d’énergie dorés sur le Roi. Il s’entoura avec ses pattes. Plusieurs fondirent, mais générèrent une sphère noirâtre. Une puissante Sphère de Gravité, si puissante qu’elle équivalait à l’intensité d’un mini trou noir. Fulron se concentra pour résister à l’impact, mais, quand le Roi Cramoisi fit exploser son trou noir, la déflagration l’envoya plusieurs centaines de milliers de kilomètres plus loin. Il s’explosa sur la surface de la Lune, formant un épais cratère.
« Qu’as-tu sincèrement cru, Fulron ? Que tu arriverais à faire de ces humains des modèles de perfection ? Qu’ils résisteraient à la tentation ? Il n’a pas fallu quarante jours à tes ouailles pour se retourner vers moi en priant un faux dévot, avec la bénédiction de ton frère !
- Je leur ai offert un idéal commun !
- Oh… Comment peux-tu être encore si naïf après tant d’années ? »
Fulron avait disparu sous la surface de la Lune, qui se mit alors à trembler. Des fissures se formèrent ici et là, et le Roi vit alors un énorme ryu noir émerger du sol, fermant sa gueule sur lui, l’écrabouillant en le faisant exploser dans une gerbe de sang et d’os… Avant qu’une lumière noirâtre ne scintille dans la gueule de Fulron, et ne le force à ouvrir la gueule sous l’effet d’une explosion d’énergie.
Se reconstituant sans aucune difficulté, le Roi prit la forme d’une horrible araignée, et remua sur le corps de Fulron, tandis que les deux Dieux à la puissance démiurgique rejoignirent la surface de la planète.
« Ils ne cesseront jamais de se haïr, Fulron, ils ne cesseront jamais de se mépriser ! Comment peux-tu ne pas le voir ? Tu ne les feras jamais changer ! Toujours, ils s’entretueront pour les mêmes bêtises, toujours, ils se détesteront et se mépriseront ! »
Les deux adversaires traversèrent la surface de la planète, et tombèrent, non pas à Babylone, mais à Anshan, sa ville natale. Fulron et le Roi s’écrasèrent au beau milieu de la ville, faisant s’effondrer le palais central.
Au milieu des décombres, Fulron se releva, et généra son épée dorée. Tandis que la poussière des décombres redescendait, son épée fusa vers le coup du Roi… Qui l’intercepta avec deux doigts.
« Assez joué. »
Il se concentra un peu, et l’épée implosa violemment. Le Roi frappa alors Fulron au ventre, et il cracha du sang, en sentant ses côtes exploser, des morceaux d’os venant perforer ses poumons. Une patte fouetta ensuite Fulron au visage, et fit voler plusieurs de ses dents.
Il tomba à genoux, la vision floue, tentant de se soigner avec sa main, quand une patte transperça sa paume, et l’écarta brutalement de son ventre, le repoussant contre un mur, tout en lui arrachant la moitié du bras.
Plusieurs soldats s’élancèrent vers eux. Le Roi frotta un doigt contre son pouce, et projeta une onde de choc qui les repoussa plusieurs mètres en arrière. Fulron continuait à vomir du sang, et une patte lui transperça alors le ventre, l’empalant violemment. Il vomit encore plus de sang.
« Tu as sauvé tes Hébreux encore une fois, mais ce n’est que partie remise, comme toujours. Tu vas mourir ce soir, Fulron, mais je ne te laisserai pas revenir.
- Haaa… »
Sa mâchoire avait été brisée, l’empêchant de parler, mais il était encore suffisamment lucide pour comprendre qu’il n’avait jamais été prêt contre lui.
« Sache que je fais cela par pitié pour toi. Tu n’aurais pas dû revenir, tu sais. Mourir sur l’espoir de ta Terre Promise, c’était beau. Ton plan a marché, tu sais. Ton rêve de religion unique que tu cherches à développer depuis Aton… Cela marchera. Les humains croiront bien en un Dieu unique, mais ils se détesteront toujours autant, sur la manière dont il faut aimer ce Dieu. Je ne souhaite pas que tu voies cela, mon cher cousin. Le cycle prend fin maintenant. »
La tête du Roi Cramoisi se transforma alors. Sa bouche s’étira, ses lèvres grossirent et s’agrandirent, révélant une gueule monstrueuse hérissée de dents. Il avala alors la tête de Fulron, et le décapita violemment. Le corps sans vie de Fulron retomba mollement au sol, et sa Lumière-Vive s’échappa de son corps.
Comme à chaque fois, elle aurait dû revenir à la Tortue pour qu’il s’en occupe… Mais pas cette fois.
Le Roi l’attrapa. Le Magicien apparut alors à côté de lui, et récupéra la Lumière-Vive, emprisonnée dans une sphère magique.
« Son ancienne épouse, Néfertiti, s’est enfuie il y a des éons sur Terra avec leurs enfants… Tu iras mettre la Lumière-Vive dans son sarcophage.
- Sans vouloir vous manquer de respect, c’était sa partie humaine. Il reste encore sa partie draconique…
- Le Patriarche n’est pas un souci. Il ne viendra plus contrecarrer nos plans. »
Le Roi Cramoisi se retourna, mais le Magicien n’en avait pas fini.
« Vous avez échoué, vous savez…
- Ah oui ?
- Cette longue bataille entre vous deux… Elle avait pour but d’empêcher ses idéaux de se répandre. La croyance en un dieu unique, les Dix Commandements… Ses idées sont l’héritage de la civilisation atlante, et elles lui ont survécu à travers ce peuple né à Akhetaton, ce peuple que vous n’avez pas réussi à détruire. La Tortue l’a ressuscité pour vous empêcher de détruire la Judée.
- C’est ce que l’on appelle un contre-temps. D’ici quelques siècles, les Grands Anciens finiront ce que nous avons commencé. Je l’ai vu, l’Histoire est ainsi faite. »
Le Magicien resta silencieux. Lui aussi l’avait vu… Mais ils avaient vu cela aussi il y a quelques siècles. Et, pourtant, il avait suffi qu’un homme se dresse, Cyrus le Grand, pour changer le cours de l’Histoire. Ils avaient vu un futur où un nouveau peuple allait asservir la Méditerranée, les Romains, et allaient à nouveau persécuter les Hébreux. Ils laissèrent le cadavre de Fulron s’évaporer, tandis que le Roi Cramoisi retournait observer la Tour, et que le Magicien retournait accomplir ses basses-manœuvres.
Il rejoignit Terra, et enferma l’âme de Fulron dans un sarcophage magique qu’il scella ensuite, de manière à ce que personne ne puisse le retrouver.
Et c’est ainsi que Fulron connut sa sixième mort.
Épilogue
« Je suis navré, Maturin, je n’ai pas pu le stopper…
- Je savais que tu n’y arriverais pas, tout comme je savais qu’il était inutile de t’en dissuader.
- Alors, je ne reviendrais plus ?
- Tu reviendras, Fulron… Quand le moment sera venu.
- Nous avons peu de temps…
- Le temps est très relatif pour moi. Tu n’es pas le seul des Élus de la Tour. Quelques siècles après ta mort, ton héritage se perpétuera quand un élu sortira de la Tour… L’Homme-Jésus, le Christ, le Sauveur… Comme toi, il se sacrifiera pour empêcher l’Éveil… Comme toi, il y arrivera. Cela, le Roi Cramoisi ne l’a pas vu. En te tuant, il a permis au Christ de s’incarner. En te sortant du cycle, il a déclenché une réaction à laquelle il ne s’attendait pas.
- Quand reviendrais-je ?
- Comme à chaque fois… Quand l’Histoire aura besoin de toi. »
RPs
1°) Un Visiteur inattendu [Ziraelle]
2°) Ce rêve bleu [Shad]