"I feel your breath upon my neck" [PV]
Posté : 28 déc. 2024 03:13

*Quelque chose se termine, quelque chose commence…*
Karlach y songeait en observant avec nostalgie leur grande chambre vide à l’étage du Chant de l’Elfe, une taverne réputée au sein de la Porte de Baldur. Ils avaient pu empêcher la fin des temps en venant à bout du sinistre plan ourdi par les Trois Funestes et leurs hérauts, ainsi que par le Cerveau Vénérable, et enfin par l’Empereur… Ou même Raphaël. Tous ceux qui avaient prétendu les aider, et qui ne convoitaient que le pouvoir… Karlach avait été tentée, elle aussi. Elle aurait pu accepter les promesses sournoises de Raphaël, ou celles de l’Empereur. Elle aurait pu venir à bout de sa malédiction en s’emparant du Cerveau Vénérable. Cependant, s’il y avait bien une chose qu’elle avait appris au cours de cette épopée terrible, c’était que la liberté n’avait pas de prix.
Pendant dix ans, Karlach avait été l’esclave de la terrible Zariel, une Archidiablesse qui s’était assurée de sa soumission en installant dans sa poitrine un engin infernal, un cœur explosif qui était appelé à la consumer si elle quittait l’Avernus. Ce cœur infernal l’entourait d’un halo de feu constant. Elle avait été capturée par les Flagelleurs Mentaux, qui avaient implanté dans son crâne une larve destinée à la transformer en Flagelleur Mental. Le vaisseau qui l’escortait avait cependant été attaqué et détruit. Elle avait ainsi trouvé d’autres personnes comme elle qui avaient échappé au vaisseau, et qui, pour une obscure raison, ne s’étaient pas transformés en Flagelleur Mental : Lae’zel, Wyll, Gayle, Astarion, des personnages supplémentaires comme Halsin… Et, bien sûr, Ombrecoeur.
Comme elle, Ombrecoeur était une esclave. Elle était la prisonnière d’une divinité malsaine, la Déesse Shar. Elle avait renié son allégeance à Shar lors d’un moment difficile, et avait choisi de servir la Déesse Séluné, renonçant aux Ténèbres pour embrasser la Lumière, et avait retrouvé ses parents lorsque le groupe était arrivé à la Porte de Baldur. Ensemble, ils avaient affronté les cultistes de Shar, et, après cette bataille intense, Ombrecoeur avait pu libérer ses parents.
*Elle comptait construire une ferme avec eux… C’est sans doute ce qu’il y a de mieux à faire.*
Dans le fond, ils avaient tous été les servants de maîtres cruels. Astarion s’était libéré de Cazador en le tuant, Wyll s’était libéré de de Mizora, et Lae’zel était partie mener une révolte contre Vla’akith. Et elle, maintenant, était face à son ultime choix. Son cœur infernal avait été stabilisé, ce qui lui avait permis de faire l’amour avec Ombrecoeur. La larve dans son cerveau avait retenu l’autodestruction du cœur, mais, maintenant que la larve était partie, le cœur allait s’enrayer. Karlach n’avait tout au plus que quelques jours à tenir avant de mourir… Ou de retourner en Avernus. Elle le savait : seule Zariel pouvait lever cette malédiction… Soit de son plein gré, soit en lui plantant sa hache dans la tête. Dans l’absolu, Karlach optait plutôt pour la première approche.
Dire qu’elle partait sans regrets serait faux. Karlach avait rejoint ce lieu, qui représentait à ses yeux les meilleurs moments de sa vie. Cela avait été court, mais intense. Elle se rappelait de ses nuits à dormir avec Ombrecoeur, à être réveillée en pleine nuit par Scratch, ou quand l’ourson-hibou venait picorer dans sa gamelle quand ils étaient en train de bivouaquer à l’air libre. Karlach sentait régulièrement l’émotion l’envahir. Elle savait qu’Ombrecoeur repasserait ici. Elle devait d’abord aller voir si ses parents allaient bien avant de venir chercher ses affaires. Elle avait demandé à Karlach si celle-ci pourrait les accompagner, mais cela était impossible. Elle le sentait en elle : sa machine infernale allait s’enrayer. Elle avait tenté de lui écrire une lettre, mais elle avait dû s’y reprendre, car ses larmes tombaient souvent dessus, séchant l’encre.
« Bordel ! » grogna-t-elle en rejetant la lettre.
Elle soupira à nouveau, et ferma les yeux.
*Reprends-toi, espèce de guimauve !*
Karlach consulta ce qu’elle avait commencé à écrire :
Cette nuit à la plage, j’ai senti ton souffle sur ma nuque… Et je l’ai ensuite senti chaque nuit, quand tu dormais avec moi, une douce caresse. Je ne te connaissais pas au début, et toi non plus, vous me preniez pour un monstre à abattre.
Tu as brisé tes chaînes, mais les miennes se nouent encore autour de moi. Je sens l’horloge tourner, et je n’ai pas le choix… Tu m’as appris une chose essentielle, mon amour, c’est que, au fond de moi, je veux vivre, et je ne peux pas t’imposer une vie de combats en Enfer contre la salope qui a mis une bombe dans ma poitrine.
Il y a plus à faire si je veux simplement vivre.
Sentir le soleil sur son visage, pouvoir jouer avec l’eau, tout cela était si agréable… Mais toucher la peau d’Ombrecoeur, l’embrasser partout, lui faire l’amour sur le sable… Tout ça, Karlach savait que cela lui manquerait plus que tout. Quelque chose se termine, et quelque chose commence. Chacun suivrait sa propre voie. Karlach comptait finir la lettre, et générer un Portail vers l’Avernus.
Karlach jeta la lettre derrière elle, et se rendit dans la chambre isolée qu’elle avait partagé avec Ombrecoeur, une alcôve qui longeait la pièce centrale. Elle ne pensait pas que ce serait aussi dur. L’émotion la submergeait en se rappelant ces soirées, où ils mangeaient tous devant la cheminée, où elle partageait sa viande avec Scratch. Karlach observa le lit où elle avait si souvent dormi avec Ombrecoeur. Sa lettre, quant à elle, était roulée en boule, et avait atterri près de la porte d’entrée. Quand la double porte de leur suite s’ouvrit, le pied de l’invitée toucha ainsi la lettre inachevée.