The Multiversity

[Bayonetta]

Depuis leur rencontre, Bayonetta revoyait souvent Mana Yami. Ensemble, elles avaient affronté une malédiction redoutable sur une île au large du Japon, impliquant une machine infernale, le STEM, qui permettait de relier les esprits ensemble. Au centre de ce dispositif, il y avait un Français, le docteur Auguste Verrières, qui avait conçu cette machine pour tenter de retrouver l’esprit de sa femme décédée, Louise Verrières. Bayonetta et Mana avaient réussi à mettre fin à cette machine, et à lever la malédiction sur l’île. Depuis lors, Bayonetta était retournée à ses activités ordinaires, et Mana l’avait suivi, voyant en elle une sorte de mentor… Ce que Bayonetta n’était pas du tout. Cependant, depuis ce séjour au sanatorium, la sorcière avait un mauvais pressentiment, une impression de danger.

Bayonetta s’était installée au Japon, à Atarashï Yoake, dans l’une des propriétés de Enzo. Informateur proche des milieux criminels et démoniaques, Enzo faisait office d’homme à tout faire pour la sorcière. Il était lié à Rodin, un démon qui tenait un bar, les Portes de l’Enfer. On y accédait à l’aide d’un Portail, et c’était là-bas que Bayonetta obtenait le plus souvent des informations sur les activités en Enfer, ou des armes. Rodin était un démon puissant, qui voyageait entre l’Enfer et la Terre. C’était lui qui venait de mettre en contact Bayonetta avec une démone située sur Terra il y a longtemps, Samara. Aujourd’hui, Bayonetta avait prévu d’aller voir Samara, car celle-ci avait demandé à rencontrer Mana. C’était donc l’occasion idéale de faire un exercice à Mana, consistant à ouvrir un Portail vers Terra, et vers l’appartement de Samara.

« Concentre-toi, Mana… »

La Terre et Terra faisaient partie d’un ensemble de planètes dimensionnelles reliées entre elles. Il était donc facile d’ouvrir des Portails. Pour cela, Bayonetta avait aménagé dans la maison d’Enzo une pièce avec plusieurs miroirs et un orbe au centre. Il fallait utiliser l’orbe pour ouvrir le Portail. En compagnie de Mana, Bayonetta la regarda donc faire, et, comme elle s’y attendait, Mana ouvrit le Portail. L’un des miroirs s’illumina alors, et se transforma en Portail, montrant une autre pièce.

« Bien, allons-y, ma chérie ! »

L’appartement de Samara se situait dans les quartiers luxueux de Mijak. C’était même un penthouse. Les deux femmes arrivèrent dans une pièce un peu similaire à celle qu’elle venait de quitter, en ce sens où il y avait un orbe sur un autel, et plusieurs miroirs. Une tapisserie luxueuse ornait les murs… Et uner magnifique blonde quasiment nue les accueillit. Répondant au nom de Kazuha, elle était autant la garde du corps, l’amante, que l’esclave de Samara.

« Bienvenue, Mesdames. Maîtresse Samara est heureuse de vous accueillir, et vous présente ses salutations. Elle termine en ce moment un examen magique sur une autre personne, une Slime qui s’appelle Mélissandre Verrières. »

[Mana Yami]

Pour être honnête, Mana n’était toujours pas certaine de vouloir ouvrir ce portail. Des démons ? L’Enfer ? Certes, son petit cœur était ouvert à tous. Même pour les pires crapules, il fallait la pousser à des éons de là pour qu’elle cesse de voir le bon derrière les couches de crasse. Et encore… Mana était trop bonne pour ce monde si pourri. Mais elle ne se referait pas. Si elle ne pouvait changer son caractère, elle avait toujours moyen de changer ses pouvoirs. Plutôt de les multiplier pour devenir une « Super » Magicienne des Ténèbres. Non qu’elle soit très contente de cette appellation. Mais avec tous ces super-héros et super-héroïnes, il y avait une certaine logique qui s’appliquait.

Mana ferma les yeux.
La Magicienne des Ténèbres prit le relai et invoqua sa magie.
Elle avait réussi !

« Merci, Bayonetta. C’est grâce à toi. J’ai l’impression d’évoluer plus rapidement depuis que je te connais. »

Si seulement la petite Mana savait que sa nouvelle compétence servirait plus tard à Lissandre Verrières. Verrières. Ce nom de famille allait devenir central. Entre Auguste et Louise Verrières d’un côté, et Mélissandre Verrières de l’autre. Assurément que son intellect ferait rapidement le lien. Mais pour le moment, il fallait appréhender ce nouvel environnement. Curieuse, ses yeux observèrent la grande tapisserie affichée au mur… avant de devenir cramoisie en découvrant Kazuha.

*Je me suis habituée au fait que Bayonetta soit « habillée » de ses cheveux. Mais là… Elle ?... Elle est presque nue. Et même si elle est polie, elle s’exprime bizarrement. Maîtresse ? Je suppose que ça n’a rien à voir avec une profession liée à l’éducation. Et- quoi ? Mélissandre Verrières ? Verrières ?! *

Son regard interloqué se tourna vers Bayonetta. Devait-elle poser la question ?

« Je… Excusez-moi de vous demander ça, madame, mademoiselle ? Si vous avez froid, il faut me le dire. Nous trouverons ensemble une solution à ce problème. »

Mana n’était pas sortie en habit de ville. Elle était partie voir cette Samara en tenue de Magicienne des Ténèbres. Ce qui revenait à ne pas pouvoir se dévêtir pour revêtir Kazuha. En fait, depuis qu’elle passait du temps avec Bayonetta, elle questionnait son uniforme très…à même de montrer sa peau nue. Ça ne l’avait jamais dérangée jusqu’à maintenant. Combien de fois avait-elle pensé remplacer la jupe par une robe ? Elle avait même essayé. Mais elle avait ressenti quelque chose de… bizarre. Sans pouvoir se l’expliquer. La force de l’habitude était la meilleure solution retenue.

*Je poserais la question sur les Verrières plus tard. De toute façon, ce doit être impossible que les Verrières du STEM soit reliés à une slime. Il me semble que c’est une créature du genre blob-monstrueux-informe-pleine de tentacules. Oui, je vais attendre et observer en silence. Tourner sept fois sa langue dans sa bouche est toujours un bon conseil à suivre. *

[Bayonetta]

Face à la tenue si courte de Kazuha, Mana fut surprise. Bayonetta sourit. Mana était encore assez prude, ce qui était assez notable, compte tenu de la sexualité très débridée de Bayonetta. Samara ne faisait pas exception à la règle, comme le prouvait l’accoutrement de Kazuha. La belle blonde sourit doucement et se pencha vers Mana, avant de lui caresser la joue.

« Tu dois être Mana, toi, non ? Ne t’inquiète pas pour moi, je n’ai pas froid… C’est ma tenue usuelle. J’ai grandi comme ça, je n’aime pas porter des vêtements. Je suis plus libre de mes mouvements ainsi. Quand je sors, je porte un long manteau noir, mais, ici, je n’ai pas à me cacher… Et tu peux m’appeler Kazuha. »

Kazuha se redressa ensuite, et se rapprocha de Bayonetta. Les deux femmes s’embrassèrent alors, une manière très mijakienne de se saluer. Kazuha s’écarta ensuite de Bayonetta.

« Ma Maîtresse m’a parlé de vos mésaventures. Venez, suivez-moi, je vous prie. »

Les trois femmes rejoignirent un couloir assez luxueux, avec une moquette pourpre sur le sol aux bords dorés. Le couloir était assez haut de plafond, avec des lustres, des tableaux sur les murs. Kazuha ouvrit une autre porte donnant sur un agréable salon. Il y avait plusieurs chats qui dormaient, une cheminée, un grand canapé confortable, des fauteuils, le tout s’articulant autour d’une peau de bête avec une table basse.

Kazuha avait préparé un plateau avec de l’alcool et un jus de fruits pour Mana, avec une corbeille de fruits. La pièce comprenait également des bibliothèques abritant des ouvrages magiques. Des livres de magie, des formules ésotériques. Une table se trouvait ensuite entre les bibliothèques. Bayonetta pouvait sentir que Kazuha et Samara avaient dû faire longuement l’amour ici.

« Je vous remercie de bien vouloir patienter un peu, ma Maîtresse va venir vous voir. »

Bayonetta remercia encore Kazuha avec un baiser, puis la belle servante partit. Restant seules, Bayonetta sourit à Mana, puis attrapa une pomme, et s’allongea ensuite dans le divan, croquant dans la pomme.

« J’ai mené des recherches, tu sais. Enfin, Enzo et Chouchou, surtout… Il s’avère que les Verrières ont une descendance. J’ignore si Auguste s’en souvenait ou le savait… Louise a eu un enfant, qui a été adopté par ses propres parents. Il semble ensuite que les Verrières aient payé beaucoup d’argent pour effacer toute trace d’Auguste Verrières de leur arbre généalogique. Leur actuelle descendante est une écrivaine connue pour ses romans pornographiques, et qui, hasard, vit à Atarashï Yoake… Lissandre Verrières. »

Une coïncidence étonnante.

« Elle s’est récemment mariée en France avec une gynécologue norvégienne, Fönn Lisbeth, devenue Fönn Verrières. Fönn avait déjà une fille. Elles ont adopté ensuite Mélissandre. Je n’ai pas encore eu l’occasion de les rencontrer, mais cette fille adoptive a l’air assez spéciale… Comme leur famille, d’ailleurs. »

Bayonetta se redressa ensuite, et jeta le trognon de pomme dans la cheminée. Le feu s’alluma alors à l’intérieur.

« Rien ne nous permet d’affirmer que les Verrières d’aujourd’hui connaissent les agissements de leur aïeul, mais je pense qu’il peut être utile de les rencontrer… Appelons cela une intuition. »

[Mana Yami]

Après avoir remercié Kazuha, Mana l’observa allez embrasser Bayonetta. Il y avait une telle intimité entre les deux femmes qu’elle fut obligée de détourner le regard. Même si ça paraissait être la chose la plus naturelle au monde pour elles deux, il n’empêchait que ça gênait la prude magicienne.

Suivant en silence, Mana observa tout. Il y avait tant de signes ostentatoires dans ce nouveau lieu. La personne qu’elle allait rencontrer aujourd’hui gagnait bien sa vie. C’était une conception étrange à associer à l’idée de « démon ». Tout comme la présence de chats la surprit. Elle aimait beaucoup les chats ! Peut-être également parce que c’était le familier par excellence des magiciennes. Mais encore une fois, c’était une information étrange à corréler avec l’idée d’un « démon ».

*Bayonetta prend si facilement ses aises. *

Mana, elle, resta debout. Les deux mains à plat posées sur l’une sur l’autre au bout de ses bras tendus. Elle avait remarqué le jus de fruit à sa destination. Elle ne savait pas si ça la perturbait qu’elle ait droit à un traitement différent. Ou si c’était une délicate attention. Mais elle n’osait pas s’asseoir. Et alors que sa curiosité était attirée par tous ces grimoires magiques qui l’entouraient, ce qui se rapprochait du titre de professeure prit la parole.

*Une écrivaine pornographique ? Je ne crois pas que j’ai envie de rencontrer cette personne. Ce doit être une excentrique vivant dans un monde opposé au mien… *

« Attends ! »

Sa curiosité venait de relier soudainement deux faits entre eux.

« Je ne comprends pas. En arrivant, Kazuha a parlé d’une slime du nom de Mélissandre Verrières. C’est la même Mélissandre dont tu viens d’évoquer ? Je suppose que oui. Ce prénom ne semble vraiment pas courant. Mais… mais c’est impossible. Je veux dire, même si je ne suis pas porté sur les choses de, euh, l’amour. Je sais très bien qu’il est impossible à deux femmes seules de donner naissance à un bébé. Et encore moins à une slime ! Parce que, selon ce que ce je sais, une slime c’est une sorte de mélange verdâtre informe. Et… »

La visualisation entraînée de la magicienne lui permit de se créer une scène mentale. Deux femmes, dont une avec une bimbo aux gros seins siliconées et aux cheveux blonds, les jambes ouvertes laissant s’écouler un liquide solide et verdâtre. Avec une étrange paire de yeux et une bouche. Il y avait même une langue baveuse qui… perturbait Mana. Ce mélange de fluides entre slime et accouchement avait de quoi lui donner des nausées et des haut-le-cœur.

*S’il n’y avait que ça d’étrange. Pourquoi une écrivaine spécialisée dans la littérature pornographique se serait mariée avec une gynécologue ? Hasard ? Etude de terrain ? Même sans ça, nous parlons d’une femme à la nationalité française et une autre norvégienne ? Ces deux pays me paraissent bien loin du Japon. Terre sur laquelle elles se seraient installées ? *

Même si elle ne communiquait pas toutes ses pensées, cela se voyait sur sa bouille que Mana se posait beaucoup de questions. Sans compter qu’elle avait très envie de mettre ce sujet de côté et de laisser sa curiosité aller bouquiner les nombreux livres qui semblaient lui murmure de venir feuilleter leurs pages.

[Bayonetta]

« Alchimie et dilemmes domestiques », « L’Obscurité naturelle des malédictions », « Le Culte de la Lune Noire », « Les étranges histoires de Vegga la Vertueuse »… Les noms des livres défilaient sur les armoires de Samara. Beaucoup de livres magiques, mais pas uniquement. On y trouvait aussi des ouvrages pornographiques, comme le livre consacré à Vegga, une célèbre prostituée de Terra. Il y avait aussi des ouvrages politiques, comme « Biographies des Empereurs de Mijak », d’épais livres en plusieurs volumes. Mana restait néanmoins troublée par ce qu’elle venait d’apprendre concernant les Verrières. La question qu’elle se posait, Bayonetta la partageait.

« Tu as raison, Mana, des humains ne peuvent concevoir des Slimes. Les Slimes sont d’ailleurs par nature des êtres à l’origine inconnue. »

Bayonetta avait déjà parlé à Mana des Slimes. Pour beaucoup, ils étaient les lointains descendants des shoggoths, ces créatures eldrichtiennes gélatineuses surpuissantes capables de prendre n’importe quelle forme.

« Je suis curieuse d’en savoir plus sur cette Mélissandre moi aussi… Il semble en tout cas que les Verrières soient une famille passionnante. »

La sorcière se releva ensuite, et examina les ouvrages présents. Elle n’avait pas offert beaucoup de livres à Mana. Bayonetta avait été formée par le clan de l’Umbra, et les sorcières de l’Umbra n’avaient pas de livres. La sorcellerie était essentiellement une tradition orale, les livres venaient plutôt du clan de Lumen, des mages blancs. Tandis que Bayonetta croquait dans sa pomme, la double porte finit par s’ouvrir, et une magnifique démone à la peau rouge entra. Aussi belle que puissante, la simple vue de Samara permettait de réaliser qu’elle n’était pas comme tout le monde. Un puissant charisme se dégageait de son corps parfait, de sa silhouette voluptueuse, et les runes et tatouages ornant son corps témoignaient aussi de sa puissance.

Samara sourit à Bayonetta, et l’embrassa à son tour, un baiser plus long et sensuel encore que celui avec Kazuha. L’une des mains de Samara se posa en effet sur la tête de la sorcière, et l’autre alla tout naturellement s’appuyer sur ses fesses.

« Cela fait bien trop longtemps, Bayonetta…
- Je dois bien l’admettre. Je suis heureuse de te revoir, Samara. »

L’Archimage se décolla alors du corps de Bayonetta, puis regarda Mana.

« Bienvenue chez moi, Mana Yami. Comme tu as dû le comprendre, je suis Samara, démone et Archimage de l’académie de Mijak. Je suis heureuse de te voir, Bayonetta m’a dit que tu étais très prude, mais aussi très forte. »

Derrière Samara, il y avait aussi une jeune femme, portant une tenue rose… Mélissandre Verrières en personne !

[Mana Yami]

Avant même que les yeux de Mana se posent sur Samara, elle avait ressenti le changement dans l’atmosphère. Il y avait un rapport avec son potentiel magique, c’était certain. Mais pas seulement. L’air semblait… « électrisé » ? Mana n’était pas certaine de savoir comment l’expliquer. Mais cette Samara n’était pas du tout venant. Il y avait quelque chose d’exceptionnel en elle. Un charisme indéniable…

…qui s’essouffla comme un gâteau raté lorsqu’on évoqua une partie de sa personne. Elle se sentit obligée de se défendre.

« Prude semble être un mauvais mot sorti de votre bouche. Mais je pourrais dire la même chose de votre façon à vous embrasser comme si c’était un acte banal. Autour d’un corps physique se trouve plusieurs niveaux d’aura. Pénétrer dans celle la plus proche est significative. De plus, je pense que tout cela est une question de culture et d’environnement. Là d’où je viens, je…je crois que ce n’était pas comme ça. Voilà tout. »

Mana ne s’était pas énervée. Bien que, depuis la position de ces deux « femmes fatales » plus grande que la « petite » magicienne : ce devait être comme voir un bébé animal essayer de s’énerver. Toutefois, l’ambiance changea quand elle évoqua son passé. Car Mana Yami ne savait toujours pas d’où elle venait. D’un monde alternatif d’Egypte Antique ? D’une œuvre dessinée ? Autre chose ? C’était un mystère qui l’ennuyait. Mais elle préférait se concentrer sur son avenir plutôt que son passé.

Et alors ses yeux se posèrent sur celle qui devait être Mélissandre Verrières. Le contraste était si saisissant à côté de Samara qu’à la fois ses yeux et sa bouche s’ouvrirent rond.

*On croirait voir un ange marcher au côté d’un démon. Et si je devais évoquer un potentiel de dangerosité, bizarrement, je ne saurai laquelle des deux placer en menace numéro un. Etrange… *

« Hum, bonjour ? Tu dois Mélissandre ? Mélissandre Verrières ? »

Mana ne savait plus où se mettre. Elle ne savait plus où regarder. Que ce soit Bayonetta, Samara ou encore Mélissandre : toutes les trois étaient des modèles de féminité. Chacune d’elle mettait en avant leur corps. Sans chercher à savoir si elle devait remettre à l’ordre du jour son orientation sexuelle (qu’elle attribuait avant tout à fournir un héritage après elle, et non au plaisir), elle ne pouvait s’empêcher de se poser des questions.

*Je me pose toujours des questions. Sur tout de toute façon. Et je ne suis pas idiote. C’est seulement que ce… sujet n’est pas une priorité pour moi. *

« Est-ce que tu connais des gens qui se prénomment Auguste et Louise ? Et qui auraient le même prénom de famille que toi ? Et- hey ! Mais qu’est-ce que tu crois pouvoir faire ? »

Au fur et à mesure que Mana avait posé ses questions, Mélissandre et son grand sourire s’était rapprochée pour finir par lui faire un câlin. Platonique, bien entendu.

Mélissandre : « Je ne sais pas du tout de quoi tu parles. Mes mamans s’appellent Lissandre Verrières et Fönn. Et aucun des bébés de mes mamans s’appellent Louise. Mais toi, toi ! Tu es trop choupi ! ♥ »

[Bayonetta]

La gêne de Mana amusait autant Samara que Bayonetta, mais elles n’eurent pas l’occasion de creuser cela. Mélissandre suivait Samara, et elle était bel et bien une Slime. En revanche, les noms d’Auguste et de Louise lui étaient inconnus.

« Pardonne ma curiosité, Samara, mais comment deux humaines ont pu engendrer une Slime ?
- C’est une longue histoire. »

Samara les invita à se rasseoir, et elle-même s’assit, tout en invitant Mélissandre à s’asseoir à côté d’elle. Kazuha apporta ensuite un plateau avec des apéritifs, et surtout des bonbons. Elle donna une sucette sucrée à Mélissandre, qui s’y attaqua. Samara leur expliqua ensuite que Mélissandre était à la base un clone d’une Slime que Bayonetta connaissait, la pimpante Mélona. Un clone très particulier, car le clone avait fusionné avec la combinaison en latex rose que portait Lissandre Verrières. Samara confirma que Lissandre était une humaine classique, originaire d’un pays de la Terre, la France… Ce qui correspondait à la nationalité d’Auguste et de Louise Verrières.

« Cette Lissandre est probablement la petite-fille ou l’arrière-petite-fille d’Auguste et de Louise Verrières. »

Bayonetta acquiesça. Samara expliqua que Mélissandre avait continué à prospérer au contact de Lissandre, jusqu’à ce que Mélinda l’aide à façonner son corps avec l’aide de la magie rose.

« Mélinda a sollicité que j’ausculte cette petite… Les Verrières sont donc venues faire un tour. Elles sont sorties visiter la capitale pendant que j’ai diagnostiqué Mélissandre… Et je peux vous confirmer que c’est une magnifique petite Slime. »

Tout en parlant, Samara caressa les cheveux blonds de Mélissandre. Comme Mélona, elle avait été conçue à partir de la magie rose.

« C’est très impressionnant… Je suis enchantée de te rencontrer, Mélissandre. Je m’appelle Bayonetta, et elle, c’est Mana… Mana Yami, on peut la considérer comme mon apprentie.
- J’ignorais que tu avais des apprenties.
- Mana et moi, nous nous sommes rencontrées de manière… Imprévue. Et nous avons croisé des Verrières. Raconte-leur nos péripéties, Mana… »

[Mana Yami]

« Leur raconter ? »

C’est avec surprise que Mana avait posé cette question à Bayonetta. La contemplation de « l’innocente » slime l’avait perturbé durant leur conversation. Cet être si « beau ». Si rose. Si blond. Si enfantin se délectant d’une simple sucette sucrée. Il y avait un gouffre entre cette vision et l’image d’Auguste Verrières. Etait-ce réellement la même famille Verrières ?

« Je veux bien. Mais cela risque d’être long. »

Ses doigts se trituraient nerveusement les uns les autres. Face à ces trois femmes fatales, Mana Yami se sentait comme une gamine inexpérimentée. Mais elle en appela à la Magicienne des Ténèbres en elle. Cette élève studieuse et brillante. Le début de son rapport se plaça sous les balbutiements. Mais plus les mots sortirent et plus elle trouva son rythme. La douce Mana laissa place à la studieuse Magicienne. Son bloc de monologue ne permettant pas des interruptions lors de temps de silence trop long, par exemple.

« Et c’est ainsi que nous pûmes, enfin, quitter cette île. Depuis lors, je passe un maximum de temps avec Bayonetta. »

Pour la pimpante Mélissandre, ce rapport avait été bien trop ennuyeux. Si dans un premier temps elle s’était distraite toute seule à dévorer tout ce qui était sucré, elle avait finalement succombé à un état de léthargie. Une sieste, donc. Elle ne sembla pas revenir à la « vie » alors qu’un silence s’installait dans la pièce si pleine de livres. Le regard de la Magicienne des Ténèbres glissant sur les nombreuses tranches de livres. Tant de petites tentations auxquels il fallait lutter.

*Il y a des titres intrigants. « L’Obscurité naturelle des malédictions » ou encore « Le Culte de la Lune Noire ». Je ne suis pas une mauvaise personne. Mais les ténèbres ne sont pas non plus une entité malveillante. Est-ce que ces deux ouvrages, par exemple, seraient intéressants ? Je le saurai peut-être plus tard. Si je pouvais avoir accès à cette bibliothèque librement, ce serait génial ! *

« Je suis désolé si j’ai été ennuyante. »

Mana se leva et se courba devant Samara et Mélissandre assoupie. Elle attendit quelques secondes puis retrouva sa place assise. Elle se tourna vers Bayonetta pour lui redonner le temps de prise de paroles.

Puis Mana se permit de prendre une dernière fois la parole avant que les deux « adultes » reprennent les rênes de la conversation.

« Si je peux me permettre, je suis prête à devenir l’apprentie de toutes les manipulatrices de magie possible. Je ne sais pas si c’est pertinent de chercher à devenir l’apprentie d’une archimage démoniaque. Mais il me parait évident que je m’en voudrais de passer à côté d’une telle expérience pour le simple prétexte de présuppositions et d’une forme de racisme injustifiée. »

A nouveau, elle baissa la tête par signe de politesse et de respect.

[Bayonetta]

Les explications de Mana sur le STEM et sur l’esprit d’Auguste Verrières ne manquèrent pas de surprendre Samara. Elle ne pensait pas que les Terriens disposaient d’une telle technologie. Bayonetta, quant à elle, était plutôt indifférente. Le combat contre Auguste Verrières avaient été éprouvant, mais, pour tout ce qui concerne la technologie, il ne fallait pas forcément compter sur elle. Mana s’efforça d’être la plus complète possible, et Samara hocha la tête.

« Tu n’as pas du tout été ennuyeuse, ma chérie, et je comprends mieux votre étonnement. »

Comme quoi, même la plus ordinaire des personnes pouvait devenir un monstre. Qui sait ? Avec le recul, il n’aurait pas fallu de grand-chose pour qu’Auguste Verrières reste dans le droit chemin, et ne devienne pas un scientifique fou qui avait rejoint les nazis. Mana indiqua ensuite qu’elle était prête à devenir l’apprentie de Samara, et parla de « racisme injustifiée ». Cela fit sourire la démone, qui croisa sensuellement les jambes, et caressa la tête de Mélissandre. Conçue à partir de Mélona, la petite Slime était absorbée par les sucreries. Mais, contrairement à Mélona, Mélissandre maîtrisait encore très mal la frustration. Fönn avait parlé à Samara de cette fois où Mélissandre s’était transformée en monstre… Et Mélinda lui avait dit que, si elle avait réussi à doter Mélissandre d’un corps, c’était après que celle-ci ait développé des clones en absorbant toutes les personnes qu’elle croisait. Mélissandre avait également failli se transformer en shoggoth quand elle était à Magikya, le monde de la Reine Noire. Rien n’était pire qu’un enfant doté de pouvoirs cosmiques.

« Du racisme… Parce que je suis une démone, non ? Tu sais, Mana, de mon expérience, la cruauté n’est pas liée à une race. Auguste Verrières a commis des choses bien plus effroyables que ce que n’importe quel démon ait jamais fait. À mon tour de te parler un peu de moi, et de ma race… »

Samara lui expliqua qu’à l’origine, les démons étaient des agents travaillant pour le compte des Dieux, chargés de veiller sur les morts. À cette époque lointaine, le Paradis et l’Enfer ne formaient qu’une seule entité. Mais, avec l’arrivée des Grands Anciens, l’équilibre cosmique avait été perturbé. Les morts avaient considérablement afflué, y compris ceux qui étaient corrompus par les Grands Anciens. Les démons avaient été dépassés, et les Dieux avaient donc choisi de séparer le bon grain de l’ivraie, de confier aux démons la gestion des esprits corrompus, tandis que les esprits sains rejoignaient le Paradis… Quelle que soit son appellation parmi les mythologies.

Les démons ne naissaient pas mauvais, ils l’étaient devenus par leur environnement. Mais ceux qui, comme Samara, ne vivaient pas en Enfer, étaient différents.

« Sur Terra, on nous appelle des tieffelins. Enfin, c’est le nom qu’on donne aux hybrides, aux descendants d’humains et de démons, mais, par extension, c’est le terme utilisé pour désigner ceux qui ne vivent pas en Enfer, et qui ne répondent donc pas à l’autorité des Sept Cercles, ou d’autres administrations infernales. Tu peux néanmoins me considérer comme une démone, Mana, cela ne me gêne pas, c’est ce que je suis. »

Mana avait encore beaucoup à apprendre, tout cela devait lui être totalement inconnu.

« En tout cas, tu ferais une meilleure instructrice que moi, Samara.
- Ça, je n’en doute pas. Ceci étant dit, c’est amusant… Car les Verrières sont venues me voir pour me parler de Mélissandre, mais aussi de l’une d’entre elles… Fönn. Elle dispose elle aussi de pouvoirs magiques, et elle souhaitait savoir si je pouvais l’aider. On dirait bien que tu es destinée à être proche des Verrières, Mana. »

[Mana Yami]

Il y avait toujours cette double personnalité en Mana. A la fois la fière étudiante capable de poser toutes les questions. Même les plus « idiotes » selon certains. Pour la Magicienne, il ne pouvait y avoir d’obstacles de ce genre sur son chemin d’apprentissage. Et donc cette partie-là d’elle accusa avec sang-froid le retour de « racisme » dont elle avait fait mention la première. Quant à Mana ? La jeune femme ? Elle s’était un peu refermée sur elle-même à la manière d’une tortue. Non, plutôt d’une enfant.

Evidemment, le mélange entre ces deux personnalités ne faisait que renforcer son côté mignon. Avec une bouille pareille, il serait difficile de se faire traiter de « salope » par exemple.

*Sauf si je prenais un chemin tel que celui qu’Auguste Verrières a emprunté… Une pensée déplaisante ! *

Attentivement, Mana avait écouté la suite en silence. Bayonetta ayant à nouveau rejoint la conversation. Peu de mots qui déplurent à Mana. Elle n’avait pas un esprit pensant de suite au concept d’abandon. Mais elle était chagrinée par la possibilité que son chemin avec Bayonetta allait s’arrêter là. Pour un temps au moins. Cette sorcière extraordinaire qui n’était pas encore dans une démarche de transmission. Trop jeune ? Peut-être, se consola ainsi Mana.

« Je ne comprends pas pourquoi je serais reliée à cette Fönn Verrières. Est-ce parce qu’elle aussi souhaite apprendre ? Ou parce que nous partageons le même genre de dons ? Je suis très curieuse de la rencontrer. »

Mana avait le pressentiment que cette Fönn serait aussi une femme magnifique. Ses mains se couvrirent naïvement les yeux à l’idée que cette Fönn arriverait en tenue d’Eve. Que ce serait elle aussi une femme qui l’infantiliserait au vu de ses courbes, son opulente poitrine ou peut-être son charisme ? Elle ne savait pas à quoi elle ressemblait. Mais elle trouvait peu pertinent que son physique soit celui d’une culturiste. D’une idée à une autre, elle se demanda si elle ne faisait pas fausse route. Peut-être que cette Lissandre Verrières était tombée amoureuse d’une femme qui aurait pu être sa maman ? Tant de possibilités. Et une nouvelle forme d’excitation à l’idée, non pas d’avoir trouvé une nouvelle Professeure, mais également une Collègue !

« Ah ! Tieffelins, c’est un terme qui me rappelle quelque chose. En lisant le manga Yu-Gi-Oh ! dans lequel j’apparais, il est question d’une partie de jeu de rôle lors d’un arc narratif. Curieuse, je suis donc passée d’une recherche à une autre. Et il me semble qu’un des jeux de rôle les plus connus de cette Terre évoque cette race de Tieffelins. Je… pardon. Je dis n’importe quoi. Ce sujet n’est pas très intéressant. Pour le moment, je veux dire. »

Elle illumina la pièce de son sourire lumineux, de cette joie de vivre si simple alors qu’elle avait déjà connu différentes formes de maux. Pour un peu, une réelle lumière aurait pu apparaître et la faire rayonner tel un ange.

« Je suis juste excitée par tout ce que je m’apprête à apprendre. Tous ces gens formidables avec qui je vais pouvoir discuter. Je suis désolé. Je vais essayer de me taire. »

Mana posa ensuite son regard sur Mélissandre. Elle devait être très ennuyante pour cette créature rose pimpante.

[Bayonetta]

Mana Yami expliqua à Samara que le mot « tieffelin » ne lui était pas inconnu. Elle commença à digresser, et Samara se contenta de sourire.

« Il n’y a pas de problème, Mana, ton petit discours me permet même de venir sur le prochain sujet… Le plus complexe. »

Samara se racla la gorge.

« je sais que, dans l’univers où tu es, tu existes sous forme de manga… Yu-Gi-Oh. J’ignore ce qu’on a déjà pu te dire sur le sujet, mais que tu aies entendue le mot tieffelin dans un jeu de rôles n’est pas surprenant. Le Multivers, je crois que tu connais ce concept, non ? Les différentes dimensions interagissent entre elles sous bien des formes, et bien des manières. Le fait que tu sois un personnage de fiction dans un autre univers que le tien n’a rien de surprenant, cela fait partie des bizarreries du Multivers, et plus généralement de la magie.
- Je crois lui en avoir déjà parlé. Il existe un univers où je suis une héroïne de jeu vidéo, par exemple.
- Tout cela est assez déstabilisant. La théorie la plus usitée est que les aspirations collectives d’individus permettent de modifier la réalité, ou de la fabriquer. C’est comme ça que les Dieux voient le jour. Il y a des règles, bien sûr. Pour qu’une œuvre devienne réelle, elle doit être populaire, et cohérente… Je veux dire, si on conçoit une œuvre sur un individu tout-puissant qui peut détruire la réalité en un clin d’œil, et si suffisamment de gens croient à cette réalité, et que cette réalité voie le jour… Eh bien, elle sera rapidement détruite. Ce sera une réalité instable, qui gravitera autour d’une autre réalité, et qui disparaîtra aussi vite qu’elle est venue. Un multivers noir, en quelque sorte. »

Pour le coup, c’était sans doute Samara qui avait digressé. Bayonetta ne fit néanmoins aucune remarque. Tout cela lui était assez indifférent, elle ne cherchait pas forcément à comprendre. Elle se contentait de vivre sa vie, et c’était déjà beaucoup.

« C’est un axe sur lequel on devra travailler, toi et moi… Ton univers natal, et ce qui t’a suivi depuis ton monde. Ces artefacts magiques, les Objets du Millénium… Eux aussi m’intéressent. Mais tu ne seras pas formée comme Fönn, non. Enfin, ça dépend de toi. Elle, elle a des pouvoirs spéciaux, et elle a un métier sur Terre, donc elle ne peut pas consacrer tout son temps à sa formation. Mais toi, peut-être… Il y a une académie magique à Mijak, est-ce que cela t’intéresserait de la rejoindre ? »