The Multiversity

Mona arpentait les couloirs somptueux du Lys, ses bottes résonnant doucement sur le marbre poli alors qu’elle ajustait nerveusement son chapeau de sorcière, un tic qu’elle avait depuis ses débuts. À 18 ans, elle était une mage de rang S et une aventurière respectée au sein de la maison close, mais sa timidité chronique la mettait mal à l’aise dans cet environnement saturé de sensualité. En tant que membre des Aventurières du Lys, elle revenait tout juste d’une mission d’exploration dans une forêt reculée, où elle avait récupéré un artefact pour une cliente exigeante. Éreintée, elle ne rêvait que d’un moment de solitude, loin des rires cristallins des Papillons et des regards brûlants des clientes qui évoluaient dans le hall.

Les murs, drapés de soie pourpre et ornés de motifs dorés, semblaient vibrer d’une énergie érotique, et l’air était saturé d’un parfum sucré, mêlé à une odeur musquée de sueur et de désir. Mona baissa les yeux, ses joues s’empourprant légèrement alors qu’elle passait devant une elfe aux cheveux argentés, une Papillon, qui riait doucement, une cliente glissant une main sous sa jupe légère. La mage accéléra le pas, son bâton scintillant dans sa main, ses gemmes émettant une lueur bleutée. Elle n’était jamais à l’aise dans l’ambiance du Lys, mais cet endroit était devenu un refuge, un lieu où ses talents étaient valorisés, et où elle pouvait contribuer à sa manière, discrète et efficace.

Soudain, une perturbation brutale fit trembler l’air autour d’elle. Une vague d’énergie magique, puissante et étrangère, fit frissonner Mona, et elle s’arrêta net, ses doigts se crispant sur son bâton. Son cœur s’emballa, et elle murmura une incantation rapide, ses yeux bleus s’écarquillant alors qu’elle détectait l’origine de cette magie : un sort de téléportation spatio-temporelle, d’une complexité qu’elle n’avait jamais rencontrée, et qui n’appartenait pas à la magie du Lys. L’énergie était brute, chaotique, et semblait déchirer le tissu même de la réalité. Mona sentit un frisson glacé remonter le long de sa colonne vertébrale, mais sa curiosité de mage l’emporta sur sa peur. Elle pivota sur ses talons, sa cape rouge et violette flottant derrière elle, et se dirigea vers la source de la perturbation, ses bas noirs ornés d’étoiles scintillant sous la lumière tamisée.

Le couloir s’ouvrit sur une petite salle annexe, un espace rarement utilisé, où des rideaux de velours pourpre encadraient des alcôves discrètes. Au centre de la pièce, à environ deux mètres au-dessus du sol, un portail s’ouvrit dans un éclat de lumière violette, déchirant l’espace comme une toile lacérée. L’énergie qui s’en dégageait était si intense que Mona vacilla, ses bottes glissant légèrement sur le marbre. Elle leva les yeux, son bâton prêt à lancer un sort défensif, mais avant qu’elle ne puisse réagir, une silhouette jaillit du portail et s’écrasa sur elle dans un choc brutal. Mona trébucha en arrière, son chapeau tombant au sol, et elle atterrit sur le dos, le souffle coupé. La silhouette, une femme venue d’un autre univers, était allongée sur elle, leurs corps pressés l’un contre l’autre. Mona sentit une chaleur traîtresse envahir ses joues, ses yeux bleus écarquillés de panique. « Q-Qui… êtes-vous ? » balbutia-t-elle, sa voix tremblante, ses mains cherchant désespérément son bâton, coincé sous elle.

Ce coup-ci, l'Evocatrice n'y avait pas été de main morte ! Guère économe en Imagina, le fabuleux sort de transport qu'elle avait employé se voulait proprement spectaculaire. Il n'était plus question d'un escalier aux marches éthérées matérialisé dans le vide mais bien d'une formidable explosion de lumière pourpre !
La cible du sort elle-même fut aveuglée - et surprise ! - par la brutalité du transfert.
Familiarise toi avec ce nouvel environnement et ses occupantes. Découvre les merveilles qui lui sont liées pour qu'elles puissent, à travers toi, contribuer à la restauration de Faëlya.
Pour une fois que la Xéno-faë n'était pas confrontée d'entrée de jeu à une énigme !
Plutôt que de la séduire, cette nouvelle improbabilité réduisit les défenses de la magicienne à zéro. Le portail féérique la recracha pile à ce moment-là. Ryanne Hilaris bascula en avant, ses mains encore à moitié coincées dans cette faille à la consistance aqueuse.

- Ouaaah !! Attenti- outch!

Comme elle n'avait pas les moyens de se rattraper à quoi que ce soit, la voyageuse tomba sur... quelqu'un ? Le quelqu'un en question ne pesant pas plus lourd que la Xéno-faë, la double chute fut dès lors inévitable. Cet incident eut toutefois le mérite d'amortir le choc de la seconde au point de le rendre presque agréable.
Presque...
Nez à nez avec sa rencontre du jour, l'Envoûteuse grimaça - plus d'embarras que de douleur - avant de déplacer rapidement ses mains qui s'étaient refermés sur deux renflements particulièrement moelleux.

- Oups ! Je suis vraiment - mais alors vraiment - désolée !

Elle se redressa tout aussi prestement, son buste à demi couvert ayant remonté comme un levier. Assise à califourchon sur les cuisses de cette ravissante magicienne aux cheveux noirs, l'Envoûteuse s'empressa de lui décliner son identité :

- Ryanne Hilaris, Xéno-faë ! Je n'en donne peut-être pas l'air comme ça, étant donné mon arrivée fracassante, mais je vous assure que je viens en paix !

D'un bond en arrière, la Xéno-faë la libéra de son poids plume, hissant aussitôt les mains en l'air en une manifestation d'innocence. Au-dessus d'elle, le portail s'était complètement éclipsé, la laissant seule en compagnie d'une consœur joliment vêtue.
En parlant de tenue d'apparat, celle de l'Envoûteuse ne resplendissait pas moins. Sa robe cintrée, majoritairement pourpre, aux manches longues et amples, qui se terminait à mi-cuisse, était agrémentée de broderies dorées. Un collant noir couvrait ses gambettes, prolongées par une paire de bottes en parfait accord avec le haut de sa tenue. Un somptueux béret mauve apportait une touche de coquetterie supplémentaire à cet ensemble conçu par les pouvoirs romanesques de l'Evocatrice.
Descendant les mains le long de ses flancs, Ryanne s'inclina bien bas en signe de respect.

- A compter de cet instant que je souhaiterais rendre heureux, vos soucis seront également les miens.

Puis elle s'immobilisa dans cette posture. Pas super confortable, certes, mais elle jugea tout de même nécessaire de faire avec ce modeste désagrément.

Mona resta figée un instant, son cœur battant à tout rompre sous le poids de l’inconnue qui s’était écrasée sur elle. La chaleur du corps de Rayanne contre le sien, combinée à la pression accidentelle de ses mains sur sa poitrine, fit monter une rougeur intense sur ses joues pâles. Elle sentit une vague de panique l’envahir, ses doigts tremblants cherchant instinctivement son bâton, toujours coincé sous elle. Lorsque Rayanne se redressa précipitamment, libérant Mona de son poids, la jeune mage put enfin respirer, mais son embarras ne fit que s’accentuer face aux excuses rapides de la Xéno-faë.

Allongée sur le dos, Mona cligna des yeux, ses longs cheveux noirs, attachés en une tresse soignée, s’étalant en désordre autour de son visage. Elle observa Rayanne avec une méfiance instinctive, ses yeux bleus, grands et expressifs, écarquillés, scrutant la silhouette de la nouvelle venue. Sa tenue de sorcière, un bustier moulant violet et bleu orné de motifs étoilés, accentuait sa silhouette élancée, tandis que sa cape rouge et violette, bordée de motifs géométriques, glissait sur ses épaules. Ses bas noirs, constellés de petites étoiles scintillantes, épousaient ses jambes fines, et ses bottes dorées, élégantes mais pratiques, reflétaient la lumière tamisée de la salle. Son chapeau de sorcière, large et pointu, orné d’un bijou en forme d’étoile rouge et de rubans noirs, avait roulé à quelques mètres, révélant une mèche rebelle qui tombait sur son front. Mona baissa rapidement le regard, ses joues encore brûlantes.

« Je… j-je m’appelle Mona… euh… mage… mage du Lys… » balbutia-t-elle, sa voix tremblante, chaque mot hésitant alors qu’elle répondait à la présentation de Rayanne.

Elle attrapa son chapeau et le reposa sur sa tête, l’ajustant nerveusement avec des gestes rapides, un tic qui trahissait son anxiété. Son bâton, enfin libéré, scintilla dans sa main, les gemmes bleutées incrustées dans le bois émettant une lueur apaisante qui contrastait avec la tension dans ses épaules. Les gants noirs qui couvraient ses mains tremblaient légèrement alors qu’elle reculait d’un pas, mettant une distance prudente entre elle et Rayanne, ses doigts serrant son bâton comme une bouée de sauvetage. Elle jeta un regard furtif au portail qui venait de se refermer, son esprit analytique de mage déjà à l’œuvre, tentant de décrypter la nature de cette magie étrangère. Mais sa timidité l’empêchait de s’exprimer clairement.

« V-Vous… euh… vous venez d-d’où… exactement… ? » demanda-t-elle en balbutiant, ses yeux bleus se posant brièvement sur Rayanne avant de se détourner à nouveau, fixant un point sur le sol. « Ce… ce portail… il… il est dangereux… je crois… »

Sa voix était hésitante, chaque phrase hachée par sa gêne, mais une note d’inquiétude sincère perçait dans ses mots. En tant que mage de rang S, Mona savait reconnaître une magie instable, et l’énergie chaotique du portail l’avait profondément troublée. Elle voulait en savoir plus, mais sa nature réservée la retenait, et elle se contenta de rester là, immobile, son bâton prêt à réagir au moindre signe de menace. Malgré son embarras, sa loyauté envers le Lys et son sens du devoir la poussaient à rester sur ses gardes, prête à protéger cet espace si Rayanne s’avérait être une menace.

Elle ajusta à nouveau son chapeau, un geste machinal, et murmura une incantation discrète sous son souffle, renforçant les protections magiques autour de la salle annexe. Les rideaux de velours pourpre frémirent légèrement sous l’effet de sa magie, et une barrière invisible se dressa, isolant la pièce du reste du Lys. Les petites décorations en forme d’étoiles pendues à sa tenue – une à sa ceinture et une autre à son bras – scintillèrent doucement alors que la magie s’activait.

« P-Pourquoi… euh… pourquoi êtes-vous… ici… dans cet endroit… ? » demanda-t-elle enfin, sa voix un peu plus ferme, mais toujours entrecoupée de balbutiements. Elle releva les yeux, croisant brièvement le regard de Rayanne, avant de baisser à nouveau la tête, ses joues rougissant davantage. « Le… le Lys… ce… ce n’est pas un endroit… pour… pour les étrangères… normalement…»

Mona attendit, son bâton scintillant doucement dans ses mains, son cœur battant toujours aussi vite. Elle n’était pas habituée à ce genre de rencontres, et encore moins à gérer des intrus aussi… spectaculaires. Mais malgré sa gêne, son instinct de mage et son dévouement au Lys la poussaient à chercher des réponses, même si cela signifiait surmonter sa timidité en balbutiant ses phrases.

La méfiance plus que perceptible de cette chère Mona vis-à-vis d'elle, une parfaite étrangère sortie d'une intrigante faille spatiale, donna à cette dernière l'impression qu'elle avait affaire à une gardienne des lieux. Manifestement, la magicienne du Lys peinait à conserver son sang froid. Cramponnée à son bâton, elle balbutiait fréquemment et luttait du regard pour la conserver dans sa ligne de mire.
Ryanne en avait profité pour se redresser - pas trop vite, histoire d'éviter de lui infliger davantage de stress.

- Eh bien, enchantée, Mona ? Joli nom, au passage. Mignon comme tout !

Non, elle ne se moquait pas. Ce modeste prénom en quatre lettres et qui se terminait par un "a" avait ce petit quelque chose d'attrayant à l'oreille. Comme à son habitude, Ryanne souriait de bienveillance. Le genre d'expression qu'elle n'avait jamais besoin de mimer, qui lui venait tout naturellement, et qui s'accordait parfaitement avec la forme de son visage poupin.
Mona, donc, l'interrogea sur sa provenance. Sa provenance et aussi son moyen de transport insolite, qu'elle avait qualifié de "dangereux".

- Pardon ? Vous avez bien dit "dangereux" ?

Pas pour le décor, visiblement ; d'un rapide coup d'œil à la ronde, Ryanne ne constata aucun dégât apparent. En fait, la faille avait été plus "dangereuse" pour celle qui l'avait empruntée... et peut-être aussi pour Mona, étant donné que la bonne fée lui était littéralement tombée dessus, oui !
Ryanne fit la grimace.

- Je... je n'avais pas prévu de m'affaler sur vous. Encore navrée, Mona ! Je jure sur mon nom de ne plus me servir de vous comme d'une piste d'atterrissage.

Son renouvellement d'excuses ne répondait toutefois point à la première question de la nerveuse gardienne. La Xéno-faë en prit rapidement conscience. Et plus précisément avant que l'intéressée se remette à bafouiller.

- J'imagine que le nom de Faëlya ne vous évoque pas grand chose ? Dans la même dynamique, elle enchaîna : C'est tout à fait normal ! Cette dimension cosmique, qu'est avant toute chose mon foyer et celui de celle qui m'a envoyée, flotte dans le néant et n'a pas accueilli de visiteurs depuis des éons. Cette absence de tourisme, ou disons plutôt cette fermeture inconsidérée au reste de l'univers, l'a malheureusement fragilisée au point qu'elle soit aujourd'hui menacée d'extinction.

Le tableau étant suffisamment triste comme ça, Ryanne conserva pour elle le fait que ses sœurs avaient toutes disparu et qu'elle était donc la dernière Xéno-faë encore en état de servir.
Quelle pression, n'est-ce pas ?
Elle avait appris à faire avec ! Tout comme, en ce moment même, elle apprenait beaucoup de l'attitude défensive de son interlocutrice.
Mona avait eu recourt à un sort de protection, les isolant toutes les deux du reste du complexe au sein de cette pièce. La magicienne du Lys y était allée doucement, certes, mais la Xéno-faë au nez fin humait la magie - son parfum fût-il aussi délicat que possible.
Mieux vaut que je me taise vis-à-vis de cette courageuse initiative.
Loin d'elle l'envie de passer pour la méchante de cette histoire !
Se voulant tout de même réactive à défaut d'être trop brusque, Ryanne était disposée à fournir des réponses claires et honnêtes.

- Pour faire simple, ma supérieure souhaite que je me familiarise avec votre établissement~

Enoncé comme tel, cela pouvait paraître un tantinet suspect. L'envoyée de l'Evocatrice le comprit avec un léger temps de retard. Soit au moment où Mona reprit la parole pour lui annoncer que le Lys n'était pas un endroit pour les étrangères.
D'inconfort, la Mauve effleura son béret.

- Aïe ! Si ça continue, je vais terminer cette aventure en étant fichue à la porte...

Elle ne se découragea pas pour autant, rebondissant dans la seconde en joignant les mains devant son visage baissé :

- Pardonnez mon intrusion ! Je crains que la "normalité" ne figure pas dans le dictionnaire de ma créatrice qui, apparemment, n'a pas jugé plus sensé de me déposer face à votre réception.

Par pensée, Ryanne entendit l'Evocatrice grogner sa désapprobation. Cette piqûre mentale réanima son sourire d'hôtesse. Oui : l'humble "subordonnée" se plaisait parfois à contrarier le divin "patronnât".

- Je ne voudrais surtout pas abuser de vos services mais... pourriez-vous m'accorder une toute petite faveur ?

Elle accordait toujours autant d'importance à la diplomatie.
Ryanne avait relevé la tête pour capter son regard.

- Dans la mesure où je me retrouve coincée en votre - ma foi ! - très charmante compagnie, j'adorerais vous écouter m'en dire plus sur votre environnement de travail.

Comme pour prêter serment, elle posa une main solennelle au niveau de son sœur avant d'ajouter :

- Tout ce que vous me révélerez ne sera point répété ni déformé auprès des oreilles profanes, je vous en fais la promesse !

La Xéno-faë ne manquait pas d'énergie. Une énergie qu'elle n'était pas encline à gâcher pour mettre en défaut celle qui avait eu la chance de croiser sa route étoilée.