The Multiversity

[Éléonore Elden]

« La situation politique actuelle ne nous permet malheureusement pas d’envisager en l’état d’envoyer des troupes vers Elden. »

Éléonore tâcha de retenir sa déception, le Conseiller Impérial Emhyr var Emreis, que certains considéraient comme étant le plus proche de l’Empereur, lui avait dit qu’il serait franc. Éléonore avait réussi à obtenir une discussion avec lui. Elle rongeait son frein, même si les raisons invoquées par Emhyr étaient tout à fait compréhensibles. Quand les Olympiens avaient perdu l’esprit en succombant aux Maux de Pandore, ils avaient envahi Terra. Si leur croisade folle avait été terminée, elle n’était pas sans conséquences. Affaibli, l’Empire de Mijak, sur lequel Éléonore comptait pour sauver son pays natal, était aux portes d’une guerre civile. L’Empereur de Mijak, Wismerhill, avait connu la mort sur l’Olympe, et était revenu à la vie. De ce fait, son ancien commandant militaire, Greldinard, le baron de Moork, estimait qu’il n’était plus l’Empereur, et s’était lui-même qualifié comme nouvel Empereur de Mijak. Il pouvait compter sur l’appui politique et militaire de l’ancien conseiller magique de l’Empereur, Haazhel Thorn, dont l’influence n’était pas à négliger.

« Je comprends cela, Conseiller, mais vous devez savoir que ce qui se passe à Elden affectera également votre pays.
- C’est déjà le cas, nous avons recensé plusieurs cas de malepeste dans des mines. Mais, de ce que nos agents nous ont dit concernant Elden, il faudrait déployer beaucoup d’hommes, et nous ne pouvons pas nous le permettre en ce moment. Cependant, vous n’êtes pas venue au Palais totalement pour rien. L’Académie impériale étudie la malepeste, je vous ai autorisé un accès complet à nos recherches.
- Comme je vous l’ai dit, ce dont j’ai besoin est…
- Le sang des héritiers d’Arthur Eld, je le sais. Seulement, la lignée des Eld s’est perdue dans le temps, donc nous n’avons pas ce genre de ressources en stock. Nous menons des recherches pour retrouver ses héritiers. Vous pourrez en savoir davantage à l’Académie. »

La Comtesse déchue d’Elden comprit que l’entrevue était terminée. Elle prit donc congé, et sortit du Palais Impérial, emportant avec elle le second original du décret impérial qui l’autorisait à accéder aux ressources de l’académie. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était en réalité tout ce qu’elle avait espéré de cette entrevue. Elle ne s’était pas attendue à ce que l’Empire accepte de mener une guerre en se fiant seulement à sa bonne parole. Elle était officiellement une réfugiée politique ici. L’Empire lui accordait sa protection et un appartement. En d’autres circonstances, il était probable que l’Empire aurait envisagé plus sérieusement de mener une campagne sur Elden, mais, au vu des circonstances actuelles, Éléonore n’y croyait pas une seconde.

Avant de rejoindre l’académie, elle rentra chez elle. Elle disposait d’un appartement dans un élégant immeuble situé dans les quartiers luxueux de l’Empire. Des dignitaires et des diplomates y disposaient d’appartements dans des bâtiments imposants à l’architecture haussmannienne. Cela lui rappelait parfois Leyndell et ses magnifiques immeubles. Éléonore retourna chez elle en passant par un parvis. L’immeuble formait un grand quadrilatère avec un jardin en son centre. Une fois chez elle, au troisième étage, elle exa mina ses notes dans son bureau. Elle finit par se rapprocher de son palantír, une orbe magique qu’elle utilisait pour communiquer avec Ranni. Elle souhaitait l’informer de ses avancées. Ranni ne lui répondait pas toujours, mais Éléonore avait aussi envie de prendre des nouvelles d’Elden. La jeune femme posa donc l’orbe sur son bureau, et commença à penser à Ranni. L’orbe s’illumina alors. L’orbe qu’elle avait permettait de communiquer, mais aussi d’ouvrir un Portail… Et elle vit d’ailleurs un Portail se former.

*Oh ? Elle tient à me voir ?*

Éléonore se redressa, un peu surprise… Sans se douter que la Ranni qui allait venir n’était pas forcément celle à qui elle pensait…

[Ranni]

Un frisson d’air glacial parcourut la pièce lorsque le portail s’ouvrit en silence, comme si l’espace lui-même avait retenu son souffle.

D’abord, rien ne traversa. Juste ce vide ondulant, étoilé, où s’échappaient des lueurs d’argent et de ténèbres. Puis, une silhouette apparut dans la brume astrale. Elle ne marchait pas, ne flottait pas vraiment non plus. Elle était. Une robe d’un bleu de nuit, semée de constellations mouvantes. Des mains fines aux doigts trop nombreux, croisés dans un geste presque rituel. Et ce chapeau immense, aux bords effilés, dissimulant un visage pâle comme la lune, nimbé d’une douce mélancolie.

La voix de la sorcière fendit le silence sans le troubler.

« Je crains, chère Éléonore… que je ne sois pas celle que tu attendais. »

La femme aux multiples mains releva légèrement le menton. Ses yeux, d’un bleu d’outre-ciel, se posèrent sur la comtesse avec une curiosité non feinte, presque amusée.

« Mais tu m’as appelée. Et les voix des astres ont ceci d’amusant : elles résonnent à travers bien des mondes, bien des soi. »

Elle avança d’un pas, effleurant le parquet de l’appartement impérial comme un souvenir qu’on peine à retenir. Chaque mouvement semblait danser avec une gravité étrangère, éthérée et souveraine.

« Voilà donc l’exilée d’Elden. La princesse sans royaume, traquant le sang des rois pour sauver une terre que d’autres ont souillée. Ton obstination est presque touchante… »

Un bref silence. Puis un sourire. Froid, mais pas cruel.

« Ou peut-être simplement familière. »

Elle se détourna, s’approchant d’une étagère sans vraiment la voir, l’air songeuse. Une main caressa les courbes d’un globe, un éclat lunaire jouant entre ses doigts.

« Les lignées se fanent. Les empires se fracturent. Les étoiles tombent et renaissent ailleurs. Cela, je le sais mieux que quiconque. Alors dis-moi… »

Elle pivota vers Éléonore, un éclat plus vif traversant ses prunelles stellaires.

« Qu’attendais-tu de moi ? Celle qui ne vient pas de ton monde. Celle qui ne connaît pas tes serments, ni tes douleurs, ni tes défaites. Pourquoi m’as-tu appelée, petite vampire d’un trône brisé ? Était-ce l’espoir ? L’habitude ? Ou cette chose plus dangereuse encore : le besoin ? »

Et sans lui laisser le temps de répondre, elle leva une main et ajouta, plus douce :

« Rassure-toi. Je ne suis pas ton ennemie. Je suis… une variante. Un écho de celle que tu connais, ou crois connaître. Mon trône n’est pas celui d’Elden, et mes ennemis ont bien des visages — mais je connais la maladie des mondes. Cette peste qui rampe, s’insinue, déforme jusqu’à la volonté des vivants. Elle ne vient pas seule. Elle suit des ordres, des destins imposés. Je les traque. Je les brise. »

Elle s’approcha alors, à portée de voix intime, et pour la première fois, son regard se fit grave.

« Dis-moi, Éléonore. Est-ce vraiment le sang des Eld qui te sauvera ? Ou n’est-ce là qu’un écho du vieux mensonge, celui des lignées sacrées, des élus, des rois-nés ? »

Un long silence, presque pesant, s’étira. Puis Ranni fit un geste de la main, et le portail derrière elle vacilla doucement, comme un cœur cosmique prêt à battre.

« J’irai voir, si tu veux. Ce qu’est devenu Elden. Ce qu’on en a fait. Peut-être y trouverai-je une cause. Ou une autre guerre. Peut-être même… un reflet de moi-même. »

Elle esquissa une dernière inclinaison de tête, aussi solennelle qu’un adieu — ou une promesse.

« Tu peux choisir de me suivre. Ou de m’observer. Mais souviens-toi de ceci : je ne suis pas là pour restaurer un trône. Je suis là pour offrir un choix. »

[Éléonore Elden]

Ranni arriva… Mais pas sa Ranni. Éléonore connaissait naturellement le Multivers, et sa Ranni lui avait déjà dit qu’il existait d’autres elle, des variantes, comme on les appelait. La Comtesse resta donc silencieuse. Une fois passée la surprise, elle vit que cette Ranni était aussi cryptique que la sienne, mais semblait visiblement en savoir beaucoup sur elle. Lisait-elle dans ses pensées ? Éléonore tiqua quand Ranni la qualifia de « petite vampire ». Elle lui indiqua qu’elle pouvait la ramener à Elden si Éléonore le souhaitait, mais qu’elle n’était pas là pour restaurer le trône d’Elden.

« Hum… Je vais finir par croire que parler de manière cryptique est un trait commun aux Ranni. »

Éléonore savait que sa Ranni était la fille de Radagon, ce qui établissait entre elles un lien de filiation. Elle était pour ainsi dire sa tante.

« Je sais ce qu’est Elden, Ranni. Y retourner équivaudrait à un suicide. Radagon sentirait ma présence. Tu as entendu parler de lui, non ? Il est ton père… Enfin, le père de ma Ranni. Il est le Prince-Ange d’Elden, le Roi déchu d’Elden. Lui et les autres ont succombé, et ont perdu la raison. Il convoite mon Anneau. »

La Comtesse ignorait ce que Ranni savait de son pays, alors elle fournit des explications complètes.

« Pendant des éons, mon royaume a prospéré grâce aux fruits de l’Arbre d’Or, un Arbre-Cœur… L’Eldtree. Ce que nous ignorions, c’est que les racines de l’arbre étaient contaminées… Par le sang de Magog, un dragon noir fossilisé dont la carcasse gît au centre de notre capitale, Leyndell. Magog… Est-ce que cela te parle, Ranni ? Gog et Magog, deux dragons noirs. Magog chercha à s’emparer de l’Eldtree lors de la Grande Guerre contre les Grands Anciens, et fut battu. Gog, quant à lui, aurait pris la forme d’un homme. »

Éléonore marcha un peu, et regarda par la fenêtre la ville de Mijak.

« J’ignore si le sang de l’Eld nous aidera, mais, si c’est un mensonge, il émane de tes belles lèvres, Ranni… Car c’est bien ma Ranni qui m’a dit de retrouver les héritiers de l’Aîné. Et je ne pense pas que ce soit un mensonge, les écrits sont formels. Malheureusement, la lignée principale des Eld s’est perdue, et les lignées secondaires… Les souverains du royaume de l’Eld, les Deschain, en faisaient partie, mais la lignée s’est éteinte avec la Chute de l’Eld. Suite à cela, Ranni m’a dit d’aller à Mijak, ce que j’ai fait. Mais je n’ai pas beaucoup de pistes, à vrai dire. »

Elle regarda à nouveau Ranni.

« Mais à toi de parler… J’ai demandé à Ranni de venir, oui, mais je ne t’ai pas forcé à venir. Es-tu venue ici pour te moquer de moi ? Tu me parles d’un choix, mais tu ne proposes rien. J’ai souhaité m’entretenir avec ma Ranni pour écouter ses conseils… Ou pour m’assurer qu’elle était toujours en vie, et que je n’étais pas toute seule. Mais c’est toi qui as répondu, alors, peut-être est-ce là la volonté de la Tortue. C’est ce que ma Ranni dirait, de croire en Maturin, et en la bénédiction de la Tortue. »

[Ranni]

Ranni demeura silencieuse un instant. Ses mains croisées devant elle, son regard perdu dans les reflets du verre de la fenêtre où s’étendait la ville étrangère de Mijak, palpitante, impersonnelle. Les mots d’Éléonore résonnaient encore dans l’éther de la pièce, avec cette sincérité acide propre à celles qui ont trop perdu pour se permettre le luxe du mensonge.

Puis, la sorcière se retourna lentement.

« Te moquer ? Non. Je me serais contentée de ne pas venir. »

Une infime lueur d’ironie dansait au bord de ses lèvres. Pas un sourire — quelque chose de plus ancien, de plus distant.

« Et quant à parler de manière cryptique… C’est ce que l’on fait, quand on voit trop de futurs possibles pour croire encore aux vérités simples. »

Elle s’avança, et son pas ne laissait toujours pas d’ombre.

« Mais j’entends ta douleur. Je la respecte. Et je n’ignore rien du nom de Radagon. »

Un souffle. Le nom portait un poids. Un père, un dieu, un architecte de malédictions.

« Mon père, oui. Le leur, parfois. Une forge de chair, de lumière et de mensonges. Il change de masque selon le monde. Mais jamais d’ambition. »

Elle s’arrêta devant la table où reposait l’orbe palantír, l’effleura du bout des doigts, comme si elle pouvait encore en extraire des échos.

« Les arbres-cœurs, les Eldtree, les dragons fossiles… Voilà des mythes familiers. Des poisons récurrents. Il y a toujours un Arbre. Toujours un Sang. Toujours un Serment qu’on regrette trop tard. »

Elle tourna enfin son visage vers Éléonore. Son regard était plus doux, cette fois. Moins distant.

« Mais toi… Toi, tu ne fuis pas. Tu cherches. Même sans certitudes. Même sans promesse de salut. Tu crois encore qu’il y a quelque chose à sauver. Et pour cela, tu mérites mieux que mes énigmes. »

Un instant, un vent invisible passa dans la pièce, soulevant le bord de sa robe comme une marée silencieuse.

« Je suis venue parce que ton appel a traversé les brumes. Parce que ma sœur — ta Ranni — ne pouvait te répondre. Parce qu’il fallait que quelqu’un vienne. Est-ce là la volonté de ta Tortue ? Peut-être. »

Elle esquissa un geste de la main, comme pour dessiner un cercle invisible.

« Je ne suis pas venue proposer un trône. Ni une armée. Je suis venue t’offrir une vérité. Une que peu veulent entendre. »

Elle s’approcha, cette fois à portée de voix plus basse, presque intime.

« Ce sang que tu recherches… celui de l’Aîné, des Eld, des Deschain. Il existe, quelque part. Peut-être même ici, à Mijak. Mais ce n’est pas sa pureté qui sauvera ton monde. C’est la volonté qu’il portera. Son refus de se plier. Son choix. »

Elle leva lentement les yeux, comme si elle regardait à travers les murs, les mondes, les racines mêmes du destin.

« Tu dis que retourner à Elden serait un suicide. Tu as sans doute raison. Mais tu n’as jamais quitté ce monde, Éléonore. Il vit encore en toi. Il te mord chaque nuit. Il te parle à travers les souvenirs, les rêves, les orbes. Tu n’es pas hors de ton royaume. Tu es son dernier battement. »

Elle se redressa légèrement, plus formelle. Sa voix redevint claire, sans pour autant perdre sa chaleur nouvelle.

« Alors voilà mon offre. Je t’aide à retrouver les traces de cette lignée disparue. Je t’ouvre des portes que tu ne peux pas franchir seule. Je fouille les lignes de la Toile. Mais à une condition. »

Son regard s’ancra dans celui d’Éléonore, inflexible, presque dur.

« Lorsque tu devras choisir entre restaurer ce qui fut… ou créer ce qui n’a jamais été… tu ne devras pas hésiter. Car les rois tombés veulent toujours renaître. Et ce n’est pas ton royaume qui réclame leur retour. C’est leur faim. »

Un silence. Puis, elle ajouta doucement :

« Tu n’es pas seule. Pas tant que la volonté t’habite. Pas tant que quelqu’un peut encore répondre à ton appel. »

Et sur ces mots, elle posa une main légère sur l’orbe, l’y laissant comme une promesse, puis fit volte-face vers le balcon. Le voile entre les mondes frémissait déjà.

[Éléonore Elden]

De tous les membres de sa famille, Éléonore avait toujours été la plus terre-à-terre. Derrière les envolées lyriques et les réflexions métaphysiques sur Terra et le fonctionnement de la magie, elle était la cartésienne, la pragmatique. Son association avec Ranni formait donc un étrange assortiment baroque. Cette Ranni partageait avec la sienne ce don d’ubiquité qui était aussi une malédiction. Le futur n’était jamais écrit à l’avance, il changeait, et le passé changeait aussi. C’était ce que sa Ranni lui avait dit. Le temps n’était pas une ligne droite qui allait d’un point A à un point B, c’était une corde, qui vibrait et qui évoluait. Cette autre Ranni ne s’expliquait pas pourquoi elle était là, elle supposa même que sa Ranni était en danger. Éléonore s’en inquiéta. Radagon l’avait-il retrouvé ? Elden était un territoire vaste, qui s’étirait dans les profondeurs. Ranni avait choisi d’y rester, ce qui était assurément très dangereux. L’hypothèse qu’il lui soit arrivé un malheur était donc très réaliste.

Ranni était disposée à l’aider, et à lui montrer plus de choix, à l’aider à retrouver le sang des Eldois.

« Ne te trompe pas, Ranni, j’ai visité d’autres mondes. J’ai tenté de retrouver Roland Deschain. »

Les Deschain étaient la dernière lignée connue des Eld. Si Steven Deschain, le dernier roi de Gilead, était mort, son fils était présumé disparu. ֥Éléonore expliqua à Ranni qu’elle avait cherché la trace de Roland. Après la destruction de Gilead, il était parti avec les derniers pistoleros et Eldois sur le Rustworld. Leur parcours contre le Roi Cramoisi s’était terminé à Jericho Hill, une colline reculée dans le désert. Trahis par l’un des leurs, ils avaient été submergés par l’armée du Roi Cramoisi. Les cadavres étaient restés. Éléonore s’y était rendue, elle avait vu les corps. Ils étaient impossibles à identifier avec la putréfaction. Éléonore ne pouvait donc pas affirmer avec certitude que Roland était mort, mais tout laissait à le croire.

Ranni venait d’ouvrir une porte, un Portail sur son balcon.

« J’ai prévu d’aller à l’Académie impériale… Mais je suppose que je peux te suivre. »

Elle se dirigea donc vers le Portail.

« Tu m’emmènes chez toi ? »

Où que cela les conduise, Éléonore était prête à la suivre.

[Ranni]

Ranni ne répondit pas immédiatement. Elle observa Éléonore s’approcher du Portail, son aura troublée, mais sa détermination intacte. Il y avait, dans sa démarche, cette noble lassitude propre à celles qui ont porté le deuil trop longtemps pour s’en libérer, et trop dignement pour le laisser les dévorer.

« Non, » dit-elle enfin. « Pas chez moi. Chez nous. »

Sa voix était douce, mais son regard brillait d’une lueur différente, presque fiévreuse.

« Car je n’ai pas de “chez moi”. Pas au sens où vous, enfants des royaumes solides, l’entendez. Mon domaine n’a pas de racines. Il se tisse entre les brumes, dans les plis des mondes, là où les lois s’effritent et où les vérités se mêlent. »

Le Portail pulsait lentement, comme une étoile battant au rythme de quelque chose de plus vaste qu’un cœur.

« Mais c’est un lieu sûr, pour l’instant. Et si ta Ranni est en péril, c’est aussi là que nous pourrons le savoir. »

Elle s’approcha à son tour, ses pieds effleurant à peine le sol.

« Tu as vu Jericho Hill. Tu as marché parmi les tombes des pistoleros. Cela seul fait de toi un témoin d’un chant oublié… et peut-être d’un espoir. Car dans ce multivers, même les morts ne savent pas rester couchés, pas tant que quelqu’un se souvient de leur nom. »

Elle posa une main contre le cadre du Portail, et la lumière réagit aussitôt, vibrant à sa présence comme à celle d’une clé.

« Roland Deschain… Il est une constante dans plusieurs mondes. Un pivot. S’il vit, il laisse des traces. Des courants d’intention, de souvenir, de révolte. Même les Portails frémissent à son nom. Je peux t’aider à le retrouver, ou du moins, à tirer la pelote de son absence. »

Un soupir discret.

« Mais cela ne sera pas simple. Et cela exigera de toi de traverser d’autres lieux, d’autres versions de l’Elden que tu crois connaître. Des mondes où Magog règne encore. Des mondes où Radagon n’a jamais chuté. Où la Tortue… ne t’a jamais bénie. »

Elle se tourna enfin pleinement vers Éléonore.

« Tu crois être terre-à-terre, Comtesse, mais ce n’est qu’un masque. Tu portes l’ombre d’un royaume perdu, et le rêve de son salut. Cela seul fait de toi une enchanteresse. Tu es de celles qui donnent des ordres aux étoiles… même quand elles ne répondent pas. »

Un silence s’étira. Puis, un murmure, presque imperceptible :

« Tu n’as pas choisi d’être héritière. Mais tu choisis de ne pas fuir. Cela suffit. »

Et, sans attendre davantage, elle franchit le seuil du Portail.

De l’autre côté, les étoiles dansaient. Un ciel inversé, des terres en suspension, des tours sans fond et des bibliothèques spirales s’étendaient à perte de vue. Le Sanctuaire des Mille Voies de Ranni, celui qu’elle appelait parfois la Chambre aux Destins Noués, accueillait peu d’âmes. Mais ce soir, il ouvrait ses portes à une invitée digne de ses silences.

Ranni attendit, sereine, que la vampire la suive.

[Éléonore Elden]

« Eh bien, mon vieux Snape, moi qui m’attendais à m’ennuyer à la bibliothèque aujourd’hui… Enfin, s’il existe un lieu de Ranni, ma curiosité l’emporte sur le reste. »

Éléonore laissa sa main penchée sur le côté, et son serpent s’enroula autour de son bras. Snape était un autre réfugié d’Elden. Éléonore pouvait commander aux serpents, un pouvoir spécifique qui n’était pas lié à sa nature vampirique. Elle traversa donc le Portail ouvert par Ranni. Et s’absorba là où celle-ci souhaitait l’emmener… Sans noter que, après son passage, une silhouette massive et poilue se posa sur son balcon, et renifla l’air ambiant, avant de grogner dangereusement…

Éléonore atterrit sous un ciel étoilé. Ce qui était étonnant, c’est qu’il y avait aussi, sous elle, des étoiles. Elle ne parvenait à identifier aucune constellation. La Comtesse voyait ici et là des morceaux de tours qui flottaient dans le vide, des rochers qui flottaient aussi, des escaliers qui ne menaient nulle part. Ne voyant pas encore Ranni, Éléonore se mit à marcher sur ce qui ressemblait à un sentier, et qui menait vers une structure centrale plus grande. Ranni était là. Une sorte de grande vasque se trouvait au centre de cette île, avec une eau qui libérait des bulles. Ici et là, la Comtesse pouvait voir des bibliothèques et d’autres structures surnaturelles. Elles étaient visiblement dans un plan astral différent, un sanctuaire entre les dimensions. Éléonore vit d’autres objets plus atypiques, comme un gramophone. Elle sourit en s’en approchant.

« J’en avais un, à Elden… On dirait que tu cherches à te rendre hospitalière, Ranni. »

La Comtesse se rapprocha de l’appareil, ouvrit le coffre, et attrapa un rouleau de cylindre, puis enclencha la musique. Une vague d’émotion la submergea quand elle entendit les paroles enjouées de « Vous avez quéqu’chose » sortir de l’appareil :

A côté de moi, dans un restaurant,
J'avais une voisine remplie d'élégance.
Ne sachant comment faire sa connaissance
Je la regardais très amoureusement.

Éléonore soupira lentement, en fermant les yeux, puis se retourna vers Ranni. L’émotion était perceptible dans sa voix.

« Mère nous faisait écouter son gramophone chaque matin. »

Éléonore vit l’une des bulles de la v asque éclater, et vit devant elle un souvenir. Deux silhouettes aqueuses dansaient joyeusement. Une silhouette grande, celle de Marika, et plus petite, la sienne, qui tournoyait autour de Marika et de sa robe en suivant sa main.

Elle me répond : "Vous, pour sûr
Vous avez quéqu'chose de dur
C'est vot'pied sur ma chaussure !"

La Comtesse secoua la tête.

« C’est généralement là qu’elle faisait exprès de me marcher sur le pied… Mère pouvait parfois être espiègle. »

Éléonore se rapprocha ensuite de Ranni.

« J’ai déjà fait danser ma Ranni, tu sais… Mais ce n’est pas vraiment le domaine où elle excellait. Comme quoi, on ne peut pas être bonne partout. »

[Ranni]

Ranni observait, depuis le bord du sanctuaire, la silhouette fine d’Éléonore se découper contre les constellations mouvantes du ciel astral. À ses pieds, l’eau de la grande vasque ondulait doucement, chaque bulle éclatée libérant un fragment de mémoire, un éclat d’âme, une vérité oubliée. Le Sanctuaire des Mille Voies n’était pas un lieu comme les autres — c’était un point de croisement, un carrefour entre les mondes, où passé, présent et avenir se mêlaient dans une danse silencieuse. Et en ce soir suspendu, une princesse d’un royaume déchu venait en troubler la surface.

« Te voilà donc… petite vampire. »

Ranni s’avança, les pans de sa robe astrale flottant comme une brume autour d’elle. Elle ne souriait pas, mais son regard brillait d’une chaleur distante, presque mélancolique. Elle observa Éléonore s’approcher du gramophone, caresser les souvenirs comme s’ils pouvaient lui rendre ce qui avait été perdu.

La musique s’éleva, douce et sautillante, incongrue dans cet espace suspendu entre les mondes.

(À côté de moi, dans un restaurant…)

Ranni ne dit rien. Elle écouta. Elle sentit la bulle éclater, vit les formes translucides de Marika et de l’enfant danser autour d’une table invisible, hors du temps. Une mélodie étrange liait ces souvenirs au présent, comme si la mémoire voulait elle-même s’inviter à la conversation.

« Le Sanctuaire… prend parfois des libertés avec les cœurs brisés, » murmura Ranni. « Il entend ce que tu tais. »

Elle ne s’excusait pas. Ce lieu n’avait pas été bâti pour le confort des visiteurs, mais pour la Vérité. Pourtant, elle n’interrompit pas le moment. Elle laissa Éléonore évoquer sa mère, ses souvenirs, sa Ranni à elle — cette autre elle, semblable mais différente, comme deux reflets d’un même astre vu de mondes opposés.

Quand Éléonore s’approcha, Ranni tourna légèrement la tête. Sa main gantée caressait le rebord de la vasque, traçant des cercles dans l’eau lumineuse.

« Danser… » souffla-t-elle. « Non. Ce n’est pas un art que je possède. J’ai toujours eu le pas trop lourd pour ce monde. Trop plein de silence. Trop chargée de promesses. »

Elle leva alors les yeux vers les étoiles, et elles répondirent — une vibration légère, un carillon d’astres.

« Mais j’ai su guider d’autres pas. Je suis venue ici pour cela, Éléonore. Pas pour t’arracher tes blessures, ni pour t’apprendre à oublier… mais pour t’offrir un pas de côté. Une autre voie. Une chance. »

Elle désigna de la main un escalier de pierre flottante qui s’était matérialisé non loin, s’élevant dans le vide sans destination visible.

« Chaque voie mène à une décision, et chaque décision redessine le ciel. Ton monde ne sera peut-être jamais sauvé… Mais peut-être, toi, peux-tu encore te sauver. »

Elle tourna enfin le regard vers Éléonore.

« Ta Ranni est vivante. Je l’ai sentie. Faible, mais tenace. Elle se bat dans un recoin de l’Arbre-Monde. Elle m’a peut-être appelée à toi. Ou peut-être t’a-t-elle offerte à moi. La différence n’a plus d’importance. »

Un silence. Puis, Ranni tendit lentement la main vers elle, paume ouverte.

« Reste ici quelque temps. Le Sanctuaire a ses secrets, et tu as le droit d’en percer quelques-uns. Si ton cœur est encore prêt à vibrer… alors, peut-être, pourrais-tu m’apprendre à danser. »

Le gramophone jouait toujours, insouciant :

(C’est vot’pied sur ma chaussure…)

Un rire léger, une musique ancienne, deux âmes liées par le sang et la mémoire, réunies par-delà les mondes.

[Éléonore Elden]

Petite vampire. Éléonore sourit doucement, tandis que Ranni semblait apprécier la musique. C’était un point commun avec sa Ranni. Elle lui signala que sa Ranni était encore en vie, et cela suffisait à la Comtesse. Elle ne pensait pas qu’il y avait une véritable urgence à l’aider, Ranni restait Ranni. Et, si quelqu’un la mettait en danger, Éléonore ne voyait pas trop ce qu’elle pourrait faire. Elle décida donc de remiser l’escalier dans un coin de sa tête, et croisa le regard de Ranni.

« Hum… Ma Ranni aussi aime bien ces chansons. Bien sûr, elle feignait toujours, mais j’ai fini par la connaître. Tu as le même regard qu’elle. »

Oui, Éléonore la connaissait bien. Ce n’était finalement pas un hasard si Éléonore était restée en contact avec Ranni. De tous les enfants de Marika, Éléonore avait toujours été très proche de Ranni, avec Malenia. Une autre vision se forma autour d’elles, où on pouvait voir une Ranni tenter de danser avec une petite Éléonore beaucoup trop rapide pour les quatre bras de Ranni… Jusqu’à la faire tomber. Éléonore sourit encore.

« Je crois que Mère ne t’avait jamais vue tomber sur les fesses. Cela l’avait beaucoup fait rire. »

Elle conservait les souvenirs d’une famille heureuse, une famille dans laquelle Ranni avait sa place. Radagon était déjà à cette époque le grand-frère, suffisamment vieux pour avoir eu une fille, et que celle-ci veille sur le reste de sa fratrie. Des souvenirs heureux, assurément. C’était toujours ces souvenirs qu’on regrettait, et qui noyaient le reste. Mais, de Ranni, Éléonore conservait de bons souvenirs. Elle resta devant elle, plus proche, si bien que leurs seins se frottaient doucement.

« Mère était souvent très occupée, alors c’est Ranni qui nous éduquait. »

La Comtesse se pinça brièvement les lèvres, en croisant le regard de Ranni. Avec l’effondrement d’Elden, la Reine passait énormément de temps au sein de l’Eldtree, l’Arbre-Monde.

« C’est Ranni qui m’a… Hum, je suppose que tu l’as vue, ça aussi… »

Éléonore avait appris comme chaque fille l’existence des règles, de ses floraisons. Ranni lui avait appris ce qu’il y avait à savoir là-dessus, et avait aussi été l’une de ses premières amantes. C’était elle qui lui avait appris à se caresser intimement, et à veiller aux attentes de son corps. Le sexe n’avait jamais choqué Ranni plus que cela, elle voyait cela comme quelque chose de naturel, ce qui était après tout le cas. Éléonore sourit alors, et posa un doigt sur les lèvres de Ranni.

« Ma Ranni me disait qu’il ne fallait pas négliger mon corps. Je suis curieuse de voir si tu partages ce même raisonnement… Et si tu as une chambre. »

Éléonore lui demanda alors :

« D’ailleurs, Ranni n’a jamais voulu clairement me répondre, mais… Est-ce que tu as besoin de dormir ? »

[Ranni]

Petite vampire. Ce surnom avait glissé des lèvres de Ranni avec une légèreté presque absente, comme un souffle d’ombre au creux d’une nuit calme. Mais ce fut le sourire d’Éléonore, ce sourire tranquille et espiègle, qui la ramena doucement à l’instant présent. Elle observa la Comtesse sans la moindre gêne, avec ce regard propre aux êtres détachés des lois du temps. Dans ses yeux couleur de nuit figée, un éclat discret trahit un amusement sincère. La musique continuait de tournoyer dans l’air du Sanctuaire, douce ritournelle sur fond de souvenirs réveillés.

« Hum… Ma Ranni aussi aime bien ces chansons. Bien sûr, elle feignait toujours, mais j’ai fini par la connaître. Tu as le même regard qu’elle. »

À ces mots, Ranni inclina très lentement la tête, laissant tomber quelques mèches argentées sur son front. Le même regard ? Peut-être. Elle n’avait jamais eu la prétention d’être unique. L’infinité des Voies l’avait déjà confrontée à tant d’échos d’elle-même, tantôt sages, tantôt brisées, tantôt déchues. Elle acceptait cela avec une certaine grâce. Mais entendre cette comparaison sortir de la bouche d’Éléonore, avec cette voix douce et presque affectueuse, toucha quelque chose en elle qu’elle croyait endormi.

Une vision prit forme entre elles, émergeant de la vasque astrale comme une bulle de mémoire. Une autre Ranni, plus jeune, maladroite, tentant de suivre le rythme fou d’une Éléonore enfantine et joyeuse. Quatre bras, et pourtant insuffisants. La chute fut inévitable, et le rire, cristallin. Ranni l’observa longuement, et un léger souffle, qui pouvait presque passer pour un soupir attendri, franchit ses lèvres.

« Je crois que ta mère aurait pu conquérir le monde entier avec ce seul rire. Il était… contagieux. »

Puis Éléonore s’était rapprochée. Cette fois-ci, elles n’étaient plus séparées par le voile des souvenirs. Leurs corps s’étaient rejoints dans l’instant, naturellement, comme deux constellations errantes trouvant leur orbite commune. Et ce fut là, dans ce frôlement infime, que Ranni perçut l’étrange battement d’un cœur ancien. Leurs poitrines s’effleurèrent doucement, puis plus franchement, dans une proximité tranquille, assumée. La chaleur d’Éléonore contre sa chair astrale éveilla en elle des résonances qu’elle n’avait pas ressenties depuis longtemps.

Elle ne bougea pas. Mieux encore, elle s’autorisa à apprécier cette pression subtile, cette lente friction qui semblait vouloir leur rappeler que les âmes, aussi vastes soient-elles, avaient besoin d’un ancrage. Une main, presque instinctivement, s’éleva pour venir frôler la hanche d’Éléonore. Un contact léger, suspendu, comme si elle craignait de briser le charme.

« Tu es… très proche. » souffla-t-elle dans un murmure presque rieur. « Et pourtant, je ne ressens pas le besoin de m’éloigner. »

La suite des paroles de la Comtesse l’amena à plonger plus profondément dans ses souvenirs, ou plutôt dans ceux de l’autre elle. Cette autre Ranni, éducatrice par nécessité, confidente par choix. Ranni écouta sans l’interrompre, son regard s’assombrissant à mesure que les mots se tissaient. Ce n’était pas seulement un partage ; c’était une offrande. Une part de la mémoire charnelle d’Éléonore, posée là, entre elles, comme une étoile vulnérable.

« C’est Ranni qui m’a… Hum, je suppose que tu l’as vue, ça aussi… »

Ranni inclina la tête, lentement. Oui. Elle l’avait vu. Les bulles astrales du Sanctuaire avaient leurs caprices, mais elles révélaient parfois des fragments que même les Voyageuses des Voies n’osaient pas explorer. L’éveil d’Éléonore, guidé par des mains qu’elle connaissait bien. L’intimité, la pudeur apprivoisée. L’apprentissage du plaisir, vu non comme un acte impur, mais comme une vérité naturelle du corps.

« Je ne suis pas surprise, » répondit-elle enfin, sa voix aussi douce que le velours d’un ciel nocturne. « Ta Ranni te voyait. Entièrement. Et elle savait… que les étoiles, même les plus lointaines, doivent briller pour elles-mêmes avant de pouvoir éclairer d’autres mondes. »

Elle marqua une pause, son regard glissant lentement vers leurs poitrines toujours en contact. Une lente inspiration souleva son buste, une onde calme mais palpable.

« Le corps est un temple… Une cathédrale d’ombres et de lumière, que l’on apprend à visiter seule, puis à ouvrir aux autres. Ce n’est ni tabou, ni trivial. C’est une prière… intime. »

Lorsque le doigt d’Éléonore vint effleurer ses lèvres, elle le reçut avec gravité. Ses yeux se fermèrent un instant, comme pour mieux goûter à ce geste, à sa douceur. Puis, sans un mot, elle leva une main et la posa sur celle de la Comtesse, y apposant une pression légère, sans la repousser.

« Ta Ranni avait raison. Il ne faut jamais négliger ton corps. Il est ancien, noble, vibrant… et curieux. Tout comme toi. »

Le sourire qu’elle esquissa ensuite fut énigmatique, mais étrangement sincère. Les escaliers flottants semblèrent réagir à leur échange, se mettant à onduler doucement, comme un cœur cosmique battant à leur rythme.

« Une chambre, dis-tu… ? » Elle regarda autour d’elle, puis vers une arche dorée suspendue dans l’éther, au-delà d’un sentier de lumière. « Le Sanctuaire est fluide. Il écoute. Il façonne des lieux en fonction des désirs qu’on y dépose. »

Elle s’approcha encore, si proche que leurs fronts se frôlèrent.

« Si tu désires une chambre… elle s’ouvrira. Si tu désires plus… je suis curieuse de savoir ce que tu feras. »

Puis, avec une douceur presque irréelle, elle glissa sa main dans celle d’Éléonore, l’entraînant avec elle vers le sentier suspendu. Une brise stellaire les enveloppa alors que la porte de l’arche s’ouvrait lentement.

Et dans ce silence sacré, elle répondit enfin, à voix basse :

« Je dors… parfois. Mais ce soir, je crois que je veillerai. Pour mieux te découvrir. »

Et sans se retourner, elle l’invita à la suivre, vers une chambre née des désirs conjoints d’une étoile tombée et d’une vampire au sang ancien.

[Éléonore Elden]

Les choses étaient dites. Ranni lui expliqua que le Sanctuaire pouvait générer une chambre à partir de leurs pensées communes, et invita Éléonore à la suivre. La Comtesse sourit doucement, et attrapa l’une des mains de Ranni. Une main chaude et douce, qu’Éléonore pressa doucement, avant de suivre Ranni. Les deux femmes rejoignirent un escalier lumineux, qui les conduisit vers une porte. Elle ne semblait donner sur rien, mais Éléonore avait appris ici qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Elle ouvrit la porte, et sourit en voyant une chambre. Une très belle chambre avec des murs en tapisserie rouge. Éléonore sourit en voyant un grand lit rouge à baldaquin, une fenêtre, et une verrière au milieu du toit permettant de voir le ciel spectral du Sanctuaire. La porte se referma derrière elles. Éléonore soupira doucement en sentant les odeurs d’encens, qui lui rappelaient Elden. Difficile de dire jusqu’à quel point cette chambre était le fruit de ses fantasmes et ceux de Ranni. Sur un tableau mural, une peinture montrait une Éléonore plus jeune en train de se faire masturber par Ranni… Sa Ranni.

« Hum… C’est là qu’elle m’a appris que ma cyprine n’était pas de l’urine. »

Évidemment, cela pouvait sembler enfantin, mais la Reine Marika n’avait pas vraiment éduqué Éléonore sur ce genre de choses. Ranni avait malaxé ses seins avec deux de ses mains, utilisant les deux autres pour la masturber, et pour fourrer ses doigts dans la bouche de la Comtesse. Le tableau s’appelait « INITIATION », et le titre semblait tout à fait approprié. Ranni la masturbait avec une main, et l’amenait à suçoter ses doigts. Les joues de la Comtesse s’empourprèrent doucement, et elle vit que plusieurs tableaux n’étaient pas encore peints.

« On dirait qu’on nous invite à écrire notre propre histoire, Ranni… »

La Comtesse se retourna vers elle, et sourit en se rapprochant d’elle. Elle caressa les deux joues de Ranni, et l’embrassa à nouveau, cette fois plus longuement.

« Ranni me l’a dit, oui, de ne pas négliger les pulsions de mon corps. Elle m’a dit que c’était l’une des erreurs de Radagon. Une erreur que je ne devais pas répéter. »

Les mains de la Comtesse glissèrent sur les épaules nues de Ranni, et commencèrent à effleurer sa robe, jouant avec les lacets dorés du vêtement.

« Tu penses être à la hauteur ? la provoqua un peu Éléonore. Tu sais, ma Ranni a su mettre la barre très haut… »

[Ranni]

Le couloir derrière elles avait disparu. Le Sanctuaire, fidèle à son essence, s’était plié à leur présence, leur désir, leur échange muet. Ranni s’arrêta quelques pas après le seuil, laissant Éléonore découvrir la chambre née de leur pensée commune. Ses pupilles célestes glissèrent lentement sur les tapisseries rouge sang, le baldaquin soyeux, les vitraux ouvrant sur un ciel constellé. Tout ici n’était qu’intimité feutrée, velours d’ombres et murmures d’étoiles.

Elle sentit la main d’Éléonore presser la sienne, plus chaude, plus vive que la sienne. Elle l’accueillit sans mot dire, mais l’effet fut visible dans le léger frisson qui souleva sa peau pâle. La pièce respirait l’envie, le souvenir, l’appel discret d’un passé partagé et réinterprété par une mémoire sensuelle. Elle se tourna lentement vers le tableau mural, son regard se posant avec une lenteur calculée sur la scène figée. Les quatre bras de l’autre elle, occupés à instruire la Comtesse d’un art oublié, sacré dans sa crudité.

Un souffle, léger, quitta les lèvres de Ranni. Pas un rire. Pas un gémissement. Plutôt une note suspendue, entre étonnement et acceptation. Elle s’approcha du tableau, son regard glissant sur la texture de la toile comme on explore une peau déjà caressée.

« C’était donc cela, » murmura-t-elle, presque pour elle-même. « Une initiation en quatre mains… »

Elle effleura le cadre de ses doigts bleutés, puis détourna les yeux pour croiser ceux d’Éléonore. Elle n’avait pas honte. Elle n’éprouvait ni gêne ni réserve. Au contraire : elle semblait curieuse, presque amusée, de voir à quel point ce souvenir était vivant, vibrant, encore accroché à la peau d’Éléonore.

« Ton apprentissage fut, semble-t-il… aussi méthodique que passionné. J’aurais aimé observer. Peut-être… corriger. Peut-être… approfondir. »

Elle n’avança pas immédiatement. Elle laissa le silence s’installer, comme une brise tiède dans un couloir ancien. Mais lorsque la Comtesse évoqua l’idée d’écrire leur propre histoire, Ranni pivota vers elle avec une lenteur presque féline, ses voiles de soie tournoyant autour de ses jambes fines. Elle sentit les doigts d’Éléonore caresser ses joues, et ne recula pas. Au contraire. Elle pencha légèrement la tête, offrant davantage de peau à cette main qui semblait la redécouvrir comme un livre ancien, précieusement rouvert.

Le baiser, plus long, plus profond, fit naître un frisson au creux de sa nuque. Une main de Ranni vint se poser sur la hanche d’Éléonore, tandis que l’autre effleurait le bas de son dos, suivant lentement la courbe de sa colonne. Les deux autres restaient suspendues, silencieuses, comme des ombres patientes. Quand le baiser se brisa, elle garda ses lèvres à peine séparées des siennes, comme si leurs souffles ne devaient plus jamais être séparés.

« Radagon était un guerrier. Il ne savait manier que les armes… et refoulait tout ce qui brûlait sans fer ni feu. Une erreur, en effet. L’on ne gouverne pas les désirs… pas plus que l’on ne gouverne une marée stellaire. »

Les mains de la Comtesse glissèrent alors sur ses épaules, et les doigts trouvèrent les lacets dorés de sa robe. Ranni n’émit aucune protestation. Elle l’observait, mi-déesse, mi-ombre, avec une lueur d’amusement tranquille au fond des prunelles.

À la provocation, elle répondit d’abord par un silence. Puis ses quatre bras se mirent en mouvement, comme si chaque mot devait être prononcé par un geste.

Une main remonta lentement le long de la cuisse d’Éléonore, paume à peine posée, éveilleuse. Une autre effleura sa gorge, puis se perdit dans ses cheveux couleur de cendre et de sang. La troisième se posa sur sa taille, ferme, ancrée. Et la quatrième, elle, se dirigea vers les lacets qu’Éléonore tentait de dénouer, et les guida… les défit avec une lenteur calculée, voluptueuse.

« Être à la hauteur… » répéta Ranni, comme si elle goûtait au défi. « Tu me parles comme si j’étais encore une simple étoile, incertaine de son éclat. »

Un pas. Puis un autre. Et la voilà tout contre la Comtesse, ses hanches effleurant les siennes. Elle souffla, tout contre l’oreille d’Éléonore :

« Je suis la nuit que l’on oublie d’éteindre… et le désir que l’on croit maîtriser. »

Ses mains ne pressaient pas. Elles invitaient. Exploratrices délicates, elles cherchaient les contours de ce corps connu et inconnu. Son regard ne quittait pas celui de la vampire, hypnotique, brillant comme deux lunes jumelles.

« Ta Ranni t’a ouverte à toi-même… Mais moi, petite Comtesse… »

Elle la fit reculer doucement jusqu’au bord du lit, sans la forcer, comme guidée par un rythme ancien, celui des étoiles tombées et des souvenirs charnels.

« Moi, je vais t’ouvrir à l’écho de ce que tu es… quand tu n’as plus besoin de noms, ni d’héritage. »

Elle posa un genou sur le lit, s’approcha encore, frôla ses lèvres une dernière fois.

« Pas de honte ici. Pas de censure. Juste… la mémoire d’un plaisir réécrit. »

Ses bras se déployèrent à nouveau, comme s’ils dansaient autour d’elle, et dans un geste lent, presque cérémoniel, Ranni fit glisser les pans de sa robe de mage. Les tissus soyeux glissèrent de ses épaules nues, révélant la blancheur irréelle de sa peau, constellée de reflets célestes, presque lunaires.

Et, sous le regard d’Éléonore, elle laissa tomber le haut de sa tunique.

Sa poitrine se découvrit enfin : généreuse, ferme, d’une beauté grave et imposante, comme sculptée dans une lumière bleue pâle, presque irréelle. Les courbes de la sorcière, jusqu’ici devinées sous ses vêtements, s’exposaient à présent sans honte, sans provocation brute — mais avec une assurance désarmante, presque souveraine.

Elle laissa à Éléonore quelques secondes pour contempler, comme on contemple un ciel qu’on a trop longtemps cru inaccessible.

Puis, un murmure, à peine plus qu’un souffle :

« Montre-moi ce que ta mémoire a gardé… et je t’offrirai ce que ta peau a oublié. »

Et les étoiles, au-dessus d’elles, continuèrent de tourner en silence — lentes, complices, et brûlantes.

[Éléonore Elden]

Dans ce décor onirique, Éléonore flottait doucement, son désir charnel croissant avec ce sentiment abstrait d’être dans un endroit hors du temps et de l’espace. On pouvait compter sur Ranni pour perturber les repères de la Comtesse. Elle sentit ses douces mains caresser son corps, tandis que la verrière du plafond s’élargissait sous leur baiser. Elle avait ce sentiment confus d’être à la fois dans et hors d’un rêve, flottant dans un moment éthéré. Un véritable rêve éveillé. Elle en était si confuse qu’elle avait du mal à retirer la robe de Ranni. La Comtesse connaissait cette robe, mais elle savait qu’elle était aussi difficile à retirer qu’élégante. Elle se retrouva donc sur le lit, après avoir senti les mains de Ranni palper son corps, ses formes, tandis que la magicienne lui promettait de lui faire l’amour avec intensité, de faire plus que ce que sa Ranni avait fait. Éléonore frémit en voyant celle-ci libérer son opulente poitrine.

« Je dois bien admettre que tes arguments sont convaincants, ma chère Ranni. Ma mémoire a gardé beaucoup de choses de ses seins, tu sais… »

Elle ne souhaitait pas parler de Radagon, ni évoquer sa famille. Mais ses souvenirs avec Ranni… Encore une fois, les tableaux parlèrent pour elle. Si Marika avait donné son sein à Éléonore quand elle était bébé, Ranni l’avait aussi fait, et elles avaient poursuivi ce rituel. Car Éléonore était vampire, et le lait magique de Ranni était le seul substitut au sang humain qu’Éléonore avait réussi à trouver. Éléonore se hissa sur les genoux, et sa robe se défit ensuite. Elle finit toute nue, sa peau pâle luisant dans la pâleur de la nuit, le reflet des étoiles dansant dans l’espace miroitant sur son corps. Éléonore était une créature de la nuit, et elle malaxa avec ses deux mains les généreux seins de Ranni. Elle la vit soupirer, et Éléonore commença à user de sa magie. Ranni put sentir ses seins frémir.

« Elle m’a appris à générer du lait… Au début, c’était un lait sanguin, que seul Ranni pouvait produire… Mais j’ai aussi appris à le rendre plus aphrodisiaque. Mon corps se souvient de tes généreux seins, de tes gémissements quand je baisais tes tétons… Mais mon palais a oublié la douceur fruitée de ton lait, ce liquide chaud et onctueux qui fait bouillonner mes sens. Est-ce que le tien est ainsi, Ranni ? Je suis curieuse de le savoir… »

Tout en disant cela, Éléonore se rapprocha de l’un des seins de sa partenaire, et commença à le suçoter tendrement, sa langue glissant dessus, avant qu’elle ne presse ses dents sur le téton…

[Ranni]

Un long soupir s’échappa des lèvres de Ranni, grave, guttural, presque rauque, alors qu’elle sentait les mains d’Éléonore empoigner sa poitrine avec une avidité dévorante, presque féline. Ses tétons, d’ordinaire durs à provoquer, frémirent aussitôt au contact des doigts vampiriques, puis plus encore à cette succion humide, ponctuée d’un mordillement doux mais terriblement efficace.

Les yeux de la sorcière se fermèrent un instant. Elle sentit la magie d’Éléonore vibrer tout contre elle, s’insinuer dans ses chairs, réveiller des sensations depuis longtemps assoupies. Elle en frémit de plaisir, ses quatre bras se tendant avec une lenteur volontaire, comme les membres d’un être cosmique prêt à se refermer sur sa proie.

« Ahh… tu n’as rien oublié j’ai l’impression… » souffla-t-elle, la voix vibrante, plus rauque qu’à l’accoutumée.
« Mieux encore… tu as grandi. Tu as affûté ta langue comme une lame. Et ton palais réclame avec une gourmandise qui me ravit. »

Elle baissa lentement les yeux vers elle, admirant la scène de cette bouche affamée et joueuse qui suçait son téton avec cette lenteur exaspérante, trop douce pour ne pas être cruelle. Et elle sourit. Un sourire lent, carnassier, presque félin, loin de la retenue que les étoiles exigeaient d’elle en d’autres temps.

« Mon lait est toujours là, douce Éléonore. Plus dense qu’avant. Chargé des astres, du savoir ancien… et d’une chaleur que toi seule peux réveiller. »

Elle s’arc-bouta un instant, cambrant son dos pour offrir encore mieux sa poitrine à la bouche avide. Une goutte translucide perla à son sein, chaude, lactée, à la fragrance étrange — mélange d’encens céleste et de fruits noirs.

« Bois. Lèche. Mord. Laisse ton palais se souvenir. »

Ses mains s’activèrent. Deux d’entre elles glissèrent sur les hanches nues d’Éléonore, agrippant la chair pâle de ses fesses avec une fermeté qui n’appelait aucune retenue. Les deux autres, plus fines, plus caressantes, vinrent explorer sa chute de reins, remontant jusqu’au creux de ses reins, puis vers le bas de son ventre, effleurant la toison qui gardait encore, par pudeur ou malice, le cœur de sa chaleur.

« Je vais te faire hurler, Éléonore… pas comme une enfant qui découvre… mais comme une amante, comme une femme mûre qui retrouve ce qu’elle pensait à jamais perdu. »

Ses doigts glissèrent entre les cuisses de la Comtesse, frôlant sa vulve avec une lenteur insolente. Elle se délecta de l’humidité déjà bien présente, y traçant de petits cercles paresseux avant de s’y glisser, juste un peu, juste assez pour provoquer un halètement.

Puis elle pencha la tête, mordilla doucement l’épaule d’Éléonore, soufflant contre sa peau :

« Si tu veux me goûter… alors je veux t’entendre supplier. Dis-moi que tu me veux. Que tu veux que je t’ouvre, te remplisse, t’inonde de moi… »

Elle lécha le lobe de son oreille, tout en glissant deux doigts plus profondément en elle, les autres mains continuant leur ballet sensuel, possessif, presque cruel tant il était précis.

« Tu parles de mon lait… mais c’est toi qui vas couler, Éléonore. Et je vais recueillir chaque goutte, chaque spasme, chaque gémissement… Jusqu’à ce que tu ne saches plus si tu es vivante ou en train de renaître. »

La langue de Ranni traçait encore une ultime ligne de feu sur la peau offerte de sa comtesse lorsque, dans un mouvement lent, souverain, elle se redressa au-dessus d’elle. Les pans de sa robe s’évanouirent en volutes d’éther, se dissolvant comme une brume céleste dans l’atmosphère saturée de magie. Et Ranni se révéla enfin à Éléonore, nue comme une vérité ancienne — sculpturale, irréelle, sublime.

Ses jambes s’écartèrent avec une lenteur volontaire, laissant apparaître un attribut aussi inattendu que majestueux. Une manifestation magique, irréelle, d’un pouvoir antique, né d’un désir cosmique plus grand que la chair. L’astre incarné entre ses cuisses pulsait d’une lueur bleutée, comme forgé dans l’ombre des étoiles mortes, et battait au rythme lent d’un appel irrépressible. Le reste de son corps irradiait, émaillé de reflets lunaires, comme si les constellations elles-mêmes se reflétaient sur sa peau nue.

Ranni pencha la tête, et ses cheveux glissèrent autour de son visage, encadrant son regard de prédateur amoureux. Son sourire était celui d’une déesse certaine de son offrande, consciente du pouvoir qu’elle détenait — et de ce qu’elle allait offrir à sa comtesse.

« Voici le sceptre des étoiles, Éléonore… »

Sa voix vibrait de promesses interdites, d’une tendresse sauvage, d’un désir devenu rite ancien.

« Ce soir, je vais m’en servir pour te faire mienne. Corps, âme… et au-delà. »

Elle s’avança au-dessus d’elle, ombre lumineuse et désir incarné.

« Je vais t’ouvrir à l’univers tout entier. Te faire gémir jusqu’à ce que les constellations apprennent ton nom. Et lorsque tu jouiras, ma belle Éléonore… tu ne seras plus comtesse. »

Elle s’approcha, la caressa doucement, la regardant dans les yeux avec une intensité abyssale, infinie.

« Tu deviendras un nouvel astre. Mon égale. Ma lumière jumelle. Et ensemble… nous ferons frissonner le ciel. »

Et sur ces mots, la Reine des Mille Voies abaissa sa main, les doigts qu’elle venaient de suçoter, et caressa ce membre qui pulsait déjà d’une envie furieuse. Le gland épais perlait de son jus divin qu’elle malaxait, gémissant faiblement à ce contact et faisant naître dans les yeux de la comtesse une envie irrésistible.

« Tu m’as montrer un aperçu de ce que ta langue sait faire sur mes seins, montre moi ce qu’elle sait faire de ce sceptre chère comtesse. »

[Éléonore Elden]

La généreuse poitrine de Ranni avait toujours été un régal pour Éléonore. Une enfant ne devrait pas dire cela de sa mère, mais, même petite, Éléonore préférait téter les seins de Ranni que ceux de Marika ! Le fait est que Ranni avait toujours eu des quantités assez généreuses de lait, ce qui était finalement la seule chose qui importait pour un enfant. De plus, avec sa magie, Ranni pouvait aussi nourrir la soif vampirique d’Éléonore en infusant dans son lait le plasma dont les vampires avaient besoin, et qu’on trouvait dans le sang. Puis, en grandissant, d’autres attraits de la poitrine de Ranni avaient suscité l’intérêt d’Éléonore. Manipulant la magie, Ranni lui offrait un lait différent de celui qu’elle goûtait enfant, aphrodisiaque, savoureux. Cela, cette Ranni le partageait avec sa Ranni, entretenant de ce fait une confusion entre les deux. Éléonore l’acceptait, elle savait que Ranni avait toujours été particulière, très ésotérique.

Elle laissa donc son palais se souvenir. La Comtesse lécha, elle pressa le téton entre ses dents, puis elle pompa, frémissant en sentant le lait affluer. Elle se tortilla un peu en sentant les douces, mais non moins fermes, mains de Ranni glisser sur son corps. Les deux mains du bas se posèrent sur ses fesses. Ranni s’en servit comme appui pour malaxer le postérieur d’Éléonore, tandis que ses deux autres mains caressaient son dos, remontant doucement jusqu’à ses cheveux. C’était un délicieux cocon de chaleur, de douceur, de tendresse… Comme le prélude avant une éruption. Ranni le lui annonça assez clairement. De sa douce voix de velours, elle indiqua qu’elle comptait la « faire hurler ». Éléonore soupira encore, sentant la chaleur pointer entre ses cuisses, à hauteur de son sexe.

« Hmmm… »

La Comtesse délaissa finalement ce premier sein. Elle retira un peu sa tête, et embrassa Ranni sur les lèvres, avant de se diriger vers le second, tout en répondant aux demandes de Ranni. De ce fait, face au second sein, avant de le suçoter, elle le lécha, elle embrassa la pointe, elle glissa sur le téton, papillonnant des yeux.

« O-Oui, Ranni, je te veux… B-Bien sûr que je te veux. Je veux que tu me prennes, je veux que tu rentres en moi, que tu me fasses hurler, que j’en perde la raison comme toi seule sait le faire… Ranni, ma Ranni, exauceras-tu à nouveau mon souhait ? »

Éléonore gémit ensuite quand elle sentit Ranni la fouiller intimement. Ranni pourrait constater que le sexe de son amante était parfaitement épilé, elle pourrait sentir cette zone humide. Éléonore gémit doucement, et mordilla le téton, sentant quelques gouttes de lait. Elle devait supplier.

« Pi-Pitié, Ranni, soulage-moi de ce feu ardent comme tu sais si bien le faire… Brûle-moi. »

Puis, elle s’attaqua au second sein. Le lait afflua encore, délicieux, magnifique. Elle s’y absorba encore, et Ranni la laissa faire, tout en lui disant qu’elle comptait lui faire l’amour de telle sorte qu’elle ne saurait plus si elle était vivante ou en train de renaître. Éléonore frémit encore, puis Ranni se redressa alors. Un peu surprise, Éléonore chavira en avant. Elle s’appuya avec ses mains, finissant à quatre pattes sur le lit. Son sang battait énergiquement dans ses veines, et le rouge lui était monté aux joues. Devant elle, Éléonore vit la robe de Ranni s’étioler, disparaître, jusqu’à révéler la splendeur de son corps. Toute nue, elle était magnifique, incarnation même du désir, faisant s’assécher le palais d’Éléonore par cette seule vue. La Comtesse sentit ensuite la magie rose. Devant elle, Ranni déploya son « sceptre des étoiles », terme élégant pour désigner la verge turgescente qui se dressa devant elle. Éléonore cligna des yeux, comme une déshydratée face à un puits.

Ranni se rapprocha d’Éléonore, qui se rassit en tailleur sur le lit, ses jambes repliées sous elle. Elle renifla ce membre, et, tandis que les mains de Ranni caressaient ses cheveux, elle se pencha sur le côté, et commença à embrasser son sexe, à le lécher. Elle sentait cette belle verge se raidir devant elle, pulsant lentement, organe prêt à c racher sa foudre, à la statufier sur place. Elle lécha les doigts de Ranni dans la foulée, et déposa des baisers, descendant jusqu’aux testicules de Ranni, qu’elle lécha et embrassa également.

« Des mots bien lyriques, ma chère Ranni… Je dirais plutôt que tu as brandi une belle épée, ma chérie… »

Éléonore prenait son temps, elle remontait sur ce membre, le léchant et l’embrassant encore, frottant son visage dessus, jusqu’à se retrouver devant. Elle posa alors ses deux mains sur son épaisse queue, et masturba celle-ci, tout en approchant sa bouche.

« …Une épée qui attend son fourreau… »

La Comtesse n’avait certes pas le talent lyrique de Ranni, et elle était à vrai dire bien trop excitée pour réfléchir consciemment. Elle ouvrit donc sa bouche, et goba la pointe de ce sexe, puis commença à lécher avec sa langue, tout en aspirant l’air entre ses lèvres. La queue de Ranni ne tarda pas à remplir tout l’espace, tandis que, s’aidant de ses genoux, Éléonore filait d’avant en arrière, gémissant et grognant en avalant progressivement la queue de Ranni. Elle voulait l’enfoncer aussi loin que possible, que l’épée soit rangée au fond du fourreau…