Le Roi Rouge n'était plus. Gine et les autres s'étaient arrachés à ses griffes. Ils avaient dû batailler longuement pour cela. Ils avaient risqué leur vie pour vaincre ce tyran une bonne fois pour toutes. Certains d'entre-eux avaient gagné le Graal - la liberté. D'anciens esclaves ayant fini par trouver un endroit où s'établir, au sein de ce lieu de paix et d'amour, perdu dans le désert, que l'on appelait l'Oasis. La Saïyajin avait tout fait pour leur permettre ce miracle, pour qu'ils puissent atteindre leur objectif.
Elle en avait trop fait.
- Urkf !
Vidée de ses forces, la femme de singe s'étala tête la première dans l'herbe grasse. Elle se trouvait tout près d'un cour d'eau. Elle l'entendait mais ne le voyait pas. Comme si la nature elle-même cherchait à lui rendre la monnaie de sa pièce, à cette monstruosité que l'on avait arraché à son monde décadent...
- Nggh...
Poussant sur ses bras, elle entreprit de se relever. Autour d'elle, la végétation était dense. Une plaine riche sur laquelle le soleil tapait fort. Plus loin s'étendait une forêt vallonnée. La roche était découpée par endroits. Des falaises touffues à perte de vue d'un côté, un horizon azuré de l'autre.
Trop faible pour se hisser sur ses jambes, Gine se laissa retomber dans l'herbe et roula sur le dos. D'une main fatiguée, elle se protégea le visage du soleil. Ses lèvres étaient sèches après avoir passé tant de temps à fendre le ciel. Tant de temps à fuir des gens qu'elle avait protégés, qu'elle avait aimés... mais qu'elle avait, au final, mis en grand danger.
C'était un euphémisme.
Malgré son ventre vide, la Saïyajin se retourna pour vomir.
- ...Qu'est-ce que j'ai fait ?
Lors de leur affrontement contre le Roi Rouge, Gine s'était transformée en monstre. Dans sa fureur incontrôlée, l'Oozaru avait fait un carnage monstre ! Paré d'une épaisse fourrure noire, l'impitoyable titan simiesque avait ravagé les rangs ennemis... avant de jeter son dévolu sur ses alliés.
Le visage de la Saïyajin s'inonda de larmes.
- Qu'ai-je... donc fait ?
Elle les entendait à nouveau : ces hurlements de terreur, ces cris d'agonie ! Ils résonnaient dans sa tête, ajoutant toujours plus de combustible à son désespoir.
Gine eut un flash.

Elle ferma les yeux aussi fort que possible, ses larmes continuant à ruisseler le long de ses joues trempées.
Le vent se mit alors à souffler sur les plaines. L'élément vagabond couvrit les bruits de pas d'un voyageur tout aussi volatil que lui.
Si Gine ne le sentit pas arriver, elle entendit sa voix par-delà ses sanglots :
- On dirait que vous vous en êtes sortie, finalement.
L'érudit. Cet homme mystérieux que son groupe avait rencontré dans ce trou perdu au beau milieu du désert, parmi les naïades. Le savant à qui Spartacus devait sa puissance de lion, sa force de dominant.
Gine ne se rappelait pas l'avoir tué, ce compagnon. Elle espérait que non. Qu'elle n'avait pas oublié d'avoir commis cette atrocité non plus. Ses souvenirs de cette nuit là - vieille de plusieurs jours - étaient aussi noirs que morcelés.
Le peu de ces morceaux avaient suffit à lui détruire le moral.
Son locuteur foula l'herbe. Trop honteuse pour le regarder droit dans les yeux, la Saïyajin tourna sa tête dans la direction inverse.
L'érudit soupira.
- La prophétie s'est réalisée, pas vrai ?
Gine ne répondit pas.
- Je devine à votre état qu'il s'est montré...
Toujours pas de réponse.
Cela ne dérangeait pas l'érudit.
Il la comprenait.
- Le Roi Rouge a été défait, mais vous en déplorez le prix.
Il y eut un blanc sonore.
Gine en était venue à fuir ses souvenirs. Elle avait écrasé des gens comme s'il s'agissait d'insectes. Elle en avait pulvérisé d'un crachat de Ki. Amis comme ennemis, abattus dans la foulée...
Elle se retourna, présentant le dos de son armure brisée au prophète.
Celui-ci s'assit dans l'herbe et contempla les nuages bas.
- Vous avez perdu le contrôle, lui rappela-t-il. L'influence de la Lune a eu raison... de votre raison.
La Saïyajin pleura à nouveau. Plus fort que tout à l'heure.
C'était trop dur. Beaucoup trop dur à supporter.
Elle se couvrit le visage de ses mains... avant de les en éloigner subitement, le visage horrifié. Comme si elle les avait découvertes pleines de sang ! La femme à queue de singe ramena ses genoux contre sa poitrine, dans une position fœtale digne de la dépressive qu'elle était devenue.
L'érudit ferma les yeux un instant, sa faiblesse le touchant plus qu'elle ne le pensait.
- Malheureusement, c'était inévitable. La bête enfouie en vous ne demandait qu'à sortir. Et plus vous chercherez à la retenir, plus grande son envie deviendra. (Il soupira tristement.) Quand il devient trop ardent, le désir de liberté fait toujours couler le sang. C'est une vérité immuable - propre à tous les mondes et à toutes les espèces qui les peuplent. Par son inéluctabilité, elle me navre et me fascine à la fois...
Gine n'avait aucune envie de parler avec cet oiseau de malheur, mais ça ne l'empêchait pas de l'écouter.
- Vous savez... vous me rappelez un peu ma fille, à l'époque.
- ...Elle ne peut pas être aussi monstrueuse...
L'érudit eut un soupir indulgent.
- Certes pas de cette manière, non. Mais, tout comme vous, ce petit monstre aussi ne pouvait pas contrôler ses pouvoirs. (Il eut un mince gloussement.) Lors de ses crises, elle se montrait plus dangereuse encore que sa mère. Alors que le reste du temps, c'était une crème ! Une enfant heureuse et pleine de vie. Un bourgeon qui ne demandait qu'à pousser...
- J-je ne veux plus de tout ça...
Gine parlait d'une voix blanche.
- Pourtant, vous allez en avoir besoin à l'avenir.
- Le monstre l'a réduit en cendres.
Il ne la contredit pas.
Elle ne put s'empêcher de poursuivre :
- ...Vous l'avez vu ?
- Quoi ? Votre avenir ?
Sans avoir le courage de se tourner vers lui, Gine hocha mollement la tête.
- En partie seulement.
Puis il y eut un silence. Sans saveur pour la Saïyajin, passablement ennuyant pour le savant.
- Je peux vous aider à surmonter cette épreuve.
Aucune réponse à cette main tendue.
- En fait, je suis venu ici spécialement pour cela.
Encore ce silence...
- Par contre, il va falloir que vous y mettiez un peu du vôtre, chère amie.
Mais Gine ne l'écoutait plus. Parce qu'elle s'était endormie, tombée d'épuisement.
Ses petits ronflements interpellèrent l'érudit.
- Vous avez besoin de repos, dit-il en farfouillant dans sa besace.
Il en sortit une couverture. Sa préférée, qu'il coucha sur les épaules de Gine.
- J'ai espoir qu'une bonne sieste vous fera du bien.
Tout en la bordant, un sourire mélancolique se dessina sur son visage éternellement jeune.
- Soyez sans crainte : je veillerai sur votre sommeil et chasserai vos cauchemars les plus noirs.
Il patienterait juste à côté. Le temps qu'elle reprenne conscience. Lui, assis en tailleur, parfaitement visible à côté d'elle que la végétation dissimulait aux yeux des curieux.
Elle en avait trop fait.
- Urkf !
Vidée de ses forces, la femme de singe s'étala tête la première dans l'herbe grasse. Elle se trouvait tout près d'un cour d'eau. Elle l'entendait mais ne le voyait pas. Comme si la nature elle-même cherchait à lui rendre la monnaie de sa pièce, à cette monstruosité que l'on avait arraché à son monde décadent...
- Nggh...
Poussant sur ses bras, elle entreprit de se relever. Autour d'elle, la végétation était dense. Une plaine riche sur laquelle le soleil tapait fort. Plus loin s'étendait une forêt vallonnée. La roche était découpée par endroits. Des falaises touffues à perte de vue d'un côté, un horizon azuré de l'autre.
Trop faible pour se hisser sur ses jambes, Gine se laissa retomber dans l'herbe et roula sur le dos. D'une main fatiguée, elle se protégea le visage du soleil. Ses lèvres étaient sèches après avoir passé tant de temps à fendre le ciel. Tant de temps à fuir des gens qu'elle avait protégés, qu'elle avait aimés... mais qu'elle avait, au final, mis en grand danger.
C'était un euphémisme.
Malgré son ventre vide, la Saïyajin se retourna pour vomir.
- ...Qu'est-ce que j'ai fait ?
Lors de leur affrontement contre le Roi Rouge, Gine s'était transformée en monstre. Dans sa fureur incontrôlée, l'Oozaru avait fait un carnage monstre ! Paré d'une épaisse fourrure noire, l'impitoyable titan simiesque avait ravagé les rangs ennemis... avant de jeter son dévolu sur ses alliés.
Le visage de la Saïyajin s'inonda de larmes.
- Qu'ai-je... donc fait ?
Elle les entendait à nouveau : ces hurlements de terreur, ces cris d'agonie ! Ils résonnaient dans sa tête, ajoutant toujours plus de combustible à son désespoir.
Gine eut un flash.

Elle ferma les yeux aussi fort que possible, ses larmes continuant à ruisseler le long de ses joues trempées.
Le vent se mit alors à souffler sur les plaines. L'élément vagabond couvrit les bruits de pas d'un voyageur tout aussi volatil que lui.
Si Gine ne le sentit pas arriver, elle entendit sa voix par-delà ses sanglots :
- On dirait que vous vous en êtes sortie, finalement.
L'érudit. Cet homme mystérieux que son groupe avait rencontré dans ce trou perdu au beau milieu du désert, parmi les naïades. Le savant à qui Spartacus devait sa puissance de lion, sa force de dominant.
Gine ne se rappelait pas l'avoir tué, ce compagnon. Elle espérait que non. Qu'elle n'avait pas oublié d'avoir commis cette atrocité non plus. Ses souvenirs de cette nuit là - vieille de plusieurs jours - étaient aussi noirs que morcelés.
Le peu de ces morceaux avaient suffit à lui détruire le moral.
Son locuteur foula l'herbe. Trop honteuse pour le regarder droit dans les yeux, la Saïyajin tourna sa tête dans la direction inverse.
L'érudit soupira.
- La prophétie s'est réalisée, pas vrai ?
Gine ne répondit pas.
- Je devine à votre état qu'il s'est montré...
Toujours pas de réponse.
Cela ne dérangeait pas l'érudit.
Il la comprenait.
- Le Roi Rouge a été défait, mais vous en déplorez le prix.
Il y eut un blanc sonore.
Gine en était venue à fuir ses souvenirs. Elle avait écrasé des gens comme s'il s'agissait d'insectes. Elle en avait pulvérisé d'un crachat de Ki. Amis comme ennemis, abattus dans la foulée...
Elle se retourna, présentant le dos de son armure brisée au prophète.
Celui-ci s'assit dans l'herbe et contempla les nuages bas.
- Vous avez perdu le contrôle, lui rappela-t-il. L'influence de la Lune a eu raison... de votre raison.
La Saïyajin pleura à nouveau. Plus fort que tout à l'heure.
C'était trop dur. Beaucoup trop dur à supporter.
Elle se couvrit le visage de ses mains... avant de les en éloigner subitement, le visage horrifié. Comme si elle les avait découvertes pleines de sang ! La femme à queue de singe ramena ses genoux contre sa poitrine, dans une position fœtale digne de la dépressive qu'elle était devenue.
L'érudit ferma les yeux un instant, sa faiblesse le touchant plus qu'elle ne le pensait.
- Malheureusement, c'était inévitable. La bête enfouie en vous ne demandait qu'à sortir. Et plus vous chercherez à la retenir, plus grande son envie deviendra. (Il soupira tristement.) Quand il devient trop ardent, le désir de liberté fait toujours couler le sang. C'est une vérité immuable - propre à tous les mondes et à toutes les espèces qui les peuplent. Par son inéluctabilité, elle me navre et me fascine à la fois...
Gine n'avait aucune envie de parler avec cet oiseau de malheur, mais ça ne l'empêchait pas de l'écouter.
- Vous savez... vous me rappelez un peu ma fille, à l'époque.
- ...Elle ne peut pas être aussi monstrueuse...
L'érudit eut un soupir indulgent.
- Certes pas de cette manière, non. Mais, tout comme vous, ce petit monstre aussi ne pouvait pas contrôler ses pouvoirs. (Il eut un mince gloussement.) Lors de ses crises, elle se montrait plus dangereuse encore que sa mère. Alors que le reste du temps, c'était une crème ! Une enfant heureuse et pleine de vie. Un bourgeon qui ne demandait qu'à pousser...
- J-je ne veux plus de tout ça...
Gine parlait d'une voix blanche.
- Pourtant, vous allez en avoir besoin à l'avenir.
- Le monstre l'a réduit en cendres.
Il ne la contredit pas.
Elle ne put s'empêcher de poursuivre :
- ...Vous l'avez vu ?
- Quoi ? Votre avenir ?
Sans avoir le courage de se tourner vers lui, Gine hocha mollement la tête.
- En partie seulement.
Puis il y eut un silence. Sans saveur pour la Saïyajin, passablement ennuyant pour le savant.
- Je peux vous aider à surmonter cette épreuve.
Aucune réponse à cette main tendue.
- En fait, je suis venu ici spécialement pour cela.
Encore ce silence...
- Par contre, il va falloir que vous y mettiez un peu du vôtre, chère amie.
Mais Gine ne l'écoutait plus. Parce qu'elle s'était endormie, tombée d'épuisement.
Ses petits ronflements interpellèrent l'érudit.
- Vous avez besoin de repos, dit-il en farfouillant dans sa besace.
Il en sortit une couverture. Sa préférée, qu'il coucha sur les épaules de Gine.
- J'ai espoir qu'une bonne sieste vous fera du bien.
Tout en la bordant, un sourire mélancolique se dessina sur son visage éternellement jeune.
- Soyez sans crainte : je veillerai sur votre sommeil et chasserai vos cauchemars les plus noirs.
Il patienterait juste à côté. Le temps qu'elle reprenne conscience. Lui, assis en tailleur, parfaitement visible à côté d'elle que la végétation dissimulait aux yeux des curieux.