The Multiversity

Ses doigts tapotaient sur la table. Tous ses professeurs de la journée étaient passés pour partager leur savoir. Comme les journées précédentes, comme les semaines précédentes : personne ne relayait des messages de Shayne à son attention. Pourquoi ?! Elle y avait réfléchi. Encore et encore. Ça faisait des journées qu’elle planchait sur ce problème. Pourquoi Shayne ne la contactait pas ? Pourquoi avait-elle accepté d’aider ce serveur et sa sœur avec son jardin ? Ce devait être à cause de ça que Shayne n’était pas revenue vers elle. Mais elle avait bien travaillé. Elle avait été sociable. Plus ou moins gentille, certes. Probablement assez froide et avare de mots. Mais les gens continuaient de venir la voir et de la surnommer la « Sainte aux plantes ». Il y avait même plus de gens qu’avant. Elle retenait même des prénoms et des noms ! Alors pourquoi ce silence énervant !

« HEY ! L’ombre ! J’imagine que tu traînes dans le coin ? Va dire à ta maîtresse qu’Alma veut la voir. »

Son grand hangar lui paraissait petit aujourd’hui. Elle avait besoin de sortir. Alors elle prit la direction des marches et alla se poster sur le toit. Assise sur le rebord, les jambes dans le vide, elle observait les environs.

*Ça m’énerve. Je ne sais pas ce qui m’énerve le plus. Savoir que Shayne va avoir mon message via l’ombre et donc être sûre que cette ombre traîne toujours invisible chez MOI. Ou ne pas avoir de réponse et rester dans ce silence qui m’énerve. Grr ! *

« RHAA ! MERDE ! Fait chier ! »

Depuis la hauteur de son hangar, le réseau d’Alma était clairement visible. Les haies, les fleurs et les arbres formaient des lignes qui toutes pointaient une seule direction : le hangar d’Alma justement. Plus on s’éloignait de chez elle et moins la végétation était présente. En parallèle, il y avait également plus de touche de civilisation que plusieurs auparavant, au jour où elle emménageait. Il semblait en effet, d’après les clôtures grillagées et les panneaux d’informations que de nouvelles constructions étaient attendues. L’effet de la Sainte aux plantes ? Elle dynamisait la région de son aura ?

*Rien à foutre des humains. Ce ne sont pas eux qui hantent mes nuits. Ce ne sont pas eux qui me réveillent en sursaut et m’empêchent d’atteindre mon plein potentiel. Où es-tu Shayne ? *

Alma se releva. Mais elle ne savait pas quoi faire. Alors elle commença à faire des allers-retours. Ce qui ne servait à rien. L’observation des environs était connue, archiconnue. Mettre un pied devant l’autre était trop économe pour que l’activité la fatigue et stimule cette drogue naturelle qui mettait bien les sportifs.

*Peut-être que je devrais préparer quelque chose ? Un grand événement qui attirerait l’attention de Shayne ? Qui lui montrerait de quoi je suis capable. Mais quoi ? Je ne vais pas braquer une banque. Je ne vais pas monter un groupe de branques pour singer la Ligue des Justiciers ou je ne sais quel regroupement de gens mettant des tenues moulantes et colorées. Alors quoi ? *

« Shayne, donne-moi une mission importante à la fin ! »

Elle criait aux nuages.

« Je suis prête ! Je peux me débarrasser de n’importe qui. Cible et je détruirais. »

Des gens voyaient des créatures dans les reliefs des nuages. Alma ne voyait rien. Son imagination était bien pauvre. Une compétence qu’elle n’avait pas eu loisir de développer dans la supercité d’Auschwitz d’où elle provenait.

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Alma, Alma, Alma. Si seulement elle se rendait compte du paradoxe qu’elle représente. Elle veut avoir son indépendance et ne pas se faire prendre par la main… Mais quand je lui laisse cette indépendance, elle veut que je sois là pour lui dire quoi faire et comment le faire. Ce qui ne fait que prouver davantage mon point : son talent est indéniable et elle continue de la développer. Elle accumule de plus en plus de savoir grâce à ses cours, grâce à ses professeurs. Elle évolue partout… Sauf en maturité, justement. Alma fait, pour le moment, partie de ce que j’appelle les armes vivantes. Puissantes, certainement. Mais avec leur ego, trop gros, et ce besoin maladif de se faire dire quoi faire… Mais qui vont s’insurger, justement, si on leur dit quoi faire. Ou si on les supervise. Alma ne fait que prouver mon point. Quelques semaines se sont écoulées.

Pour un point de référence temporelle, je parle, bien sûr, de cette demande d’un serveur dans un magasin de crème glacée. Qui a demandé à Alma de faire un beau geste pour l’anniversaire de sa sœur. Et donc, une occasion pour « la sainte aux plantes » de répondre aux suppliques de ses fidèles. Depuis, c’est vrai, elle a commencé à s’intéresser davantage à ceux qui vont devenir la base de son propre mini culte. Mais je sais que le cœur n’y ait pas vraiment. Alma n’est pas trop miss subtilité, on ne va pas se mentir. C’est quelque chose que je tente laborieusement de développer chez elle mais consciemment ou non, elle « résiste » à cet apprentissage. Oui, on me dira : mais Shayne, toi aussi tu méprises les humains! C’est vrai. Sauf que contrairement à Alma, je sais les utiliser efficacement et je comprends l’importance d’avoir de la chair à canon sous mes ordres. Mais bon…

Aujourd’hui, dans son impatience, Alma a demandé à me voir. Je dirais même : dans son arrogance. Elle n’est pas en position de demander quoi que ce soit. Elle est ma subordonnée et donc elle a besoin d’apprendre sa place. Elle a même le culot de dire qu’elle est prête à affronter toute cible que je lui désignerai. Parfait dans ce cas. Je vais lui donner une bonne leçon. Elle aura le goût amer de la défaite en bouche et aura eu l’impression de s’être ridiculisée devant sa déesse. Cela va peut-être dégonfler sa grosse tête, une douche froide qui s’avère clairement nécessaire. Je décide donc de faire mon apparition, passant par un portail créé pour moi. Elle voulait voir sa déesse? Me voilà. Je la regarde de haut en bas, mon expression restant parfaitement indéchiffrable. On ne va pas lui donner la satisfaction d’une lecture facile qui pourrait trahir ce que je pense vraiment, oh que non…

« Est-ce qu’on t’a déjà dit que tu étais très mal élevée? Parler ainsi à ta déesse… J’ai vraiment eu envie de ne pas te répondre, juste pour t’apprendre la politesse. Ceci dit… Puisque tu t’es si gentiment offerte pour détruire mes ennemis… Je me dis : pourquoi pas. Comme tu dis que tu peux détruire n’importe quelle cible que je te donnerai… Aujourd’hui, toit et moi allons… Oh… Mais où sont mes manières? Hum…

Comment vas-tu, Alma? Comment vont tes apprentissages. Mieux. Comment vont tes fidèles? Tu as continué à graduellement t’y intéresser? Ne me regarde pas comme ça, jeune impertinente. Tu n’aimes pas parler, je le sais. Mais la volonté d’une déesse est absolue et je veux savoir ce que tu as fait ces dernières semaines. Si tu veux prétendre être une de mes élues, tu dois faire comme les autres et cela implique un rapport de tes activités. »

Elle est vraiment là. Pendant un instant, Alma « bug ». Elle a crié : oui. Elle a appelée Shayne : encore oui. Mais au fond, elle ne pensait pas qu’elle viendrait. Alors, maintenant qu’elle est là, elle se sent conne parce qu’elle ne sait pas comment réagir. Ou quoi dire. Donc c’est Shayne qui parle. Et ce n’est pas en sa faveur, loin de là…

Elle doit oublier la première partie de son discours. Elle doit se concentrer sur la deuxième partie et se plier aux exigences de la Déesse. Elle bougonne. Elle se sent obligée d’exprimer son mécontentement sans clairement le traduire par des mots intelligibles. Elle sait qu’elle doit se plier à la Loi. Mais elle veut aussi exprimer… son arrogance.

« Je ne vais pas faire comme tous ces êtres humains hypocrites. Je ne vais pas mentir. Donc, je ne vais pas bien. Ça m’énerve. Je m’énerve toute seule à faire du surplace dans ma vie. J’ai même l’impression d’apprendre des choses pour découvrir que j’en sais encore moins qu’avant. Un pas en avant, deux pas en arrière. Ça m’énerve. »

*Quoi maintenant ? Elle ne veut quand même pas que je lui fasse la synthèse de tous les cours que j’ai eu avec chacun de mes professeurs ? Hors de question de m’abaisser à ça. Et pourquoi pas faire un Powerpoint avec pleins de tableaux Excel ? Vraiment une discipline obscure à mes yeux… *

« Ce que j’ai fait ces dernières semaines ? »

Alma a envie de lui dire qu’elle saurait si elle était revenue la voir régulièrement comme elle le faisait au tout début. Mais elle sait qu’il ne faut surtout pas répondre ça. Même arrogante, elle sait reconnaître certaines lignes infranchissables.

« J’ai participé à des classes en ligne d’université. A propos des plantes et des impacts révolutionnaires qu’elles pourraient avoir sur le monde de demain. J’ai passé des demi-journées dans une forge pour apprendre à faire couler de l’acier à très haute température pour créer des objets communs mais aussi des œuvres d’art pour habiller bâtiments et jardins. J’ai suivi des cours théoriques dans mon hangar. J’ai suivi des êtres humains ennuyants pour ne pas perdre leur intérêt. Je dois être la « Sainte aux plantes » à leurs yeux. Je dois gagner en influence pour eux. Pour toi. Pour nous deux, quoi ! »

Plus elle a parlé et plus elle a synthétisé. C’est d’un chiant de faire un résumé de choses qu’on a déjà vécu.

« Bref. J’ai beaucoup utilisé ma tête et pas beaucoup mes pouvoirs. Et ce n’est pas courir de temps en temps dans le coin ou faire de la musculation qui me vide l’esprit. C’est tellement chiant de cogner le sol encore et encore. Tellement ennuyant de soulever des poids encore et encore. Une série. Une deuxième. Une autre encore… Bref encore, j’ai besoin de bouger ! »

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Fais très attention, Alma. Pour le moment, ton arrogance m’amuse. Un jour, elle ne m’amusera plus. Et ce qui est merveilleux quand on est une déesse? On peut toujours reprendre ce qu’on a donné. Ce n’est pas une menace. C’est ce que je fais quand une certaine ligne est franchie. Je te présenterai certains de mes ex disciples si tu ne me crois pas. Comment dire? How the mighty has fallen. »

Si elle pense que son métal est tranchant, mes paroles le sont encore plus. Elles pourraient sans doute couper un arbre en deux… Ou dans son cas, on dirait que mes paroles ont un effet sur son égo. En général, je suis compréhensive et patiente avec elle. Là, un coup de fouet aurait sans doute fait pareil. Ça claque. Il y a juste ce qu’il faut pour clairement établir la différence entre nous deux. C’est un avertissement. Un peu comme le chef d’une meute de loup qui va mordre un autre loup désobéissant. C’est une mise en garde. Je redeviens vite souriante et c’est ce qui fait le plus peur. Cette capacité à ne pas s’attarder aux choses comme si c’était soudainement sans plus d’importance. Je viens quand même de lui dire que si elle continue sur cette lancée, je tue Alma et je ramène Marishka. Je ne l’ai pas dit textuellement comme ça. Mais Alma, c’est moi qui l’ai créé.

Et j’ai la cible parfaite pour lui faire ravaler son arrogance. Oh elle sera complètement humiliée, oui. Elle veut prétendre être bien plus que ce qu’elle est? Parfait. Plus elle se pense au-dessus des autres, plus dure sera la chute. Et elle a besoin de ce qu’on appelle un « reality check ». Comme je l’ai souvent dit, je n’ai aucun doute qu’Alma sera, éventuellement, parmi mes élus les plus puissants. Elle a le potentiel. Mais elle n’a ni la patience ni la discipline pour. Elle est arrogante. Impulsive. Impatiente. Possessive, même. Elle ne le sait pas mais ma télépathe m’a révélé ses pensées. Elle voudrait que je lui donne plus d’attention, que je la visite à tous les jours, comme avant. Si elle s’en rendait digne, peut-être. Mais pas en ce moment. Rajoutons de l’huile sur le feu. Je veux piquer au vif son égo, la voir réagir. Je sors mon téléphone et j’appelle quelqu’un. Qui? Hum…

La personne à qui je m’adresse semble être une autre disciple. Je suis une déesse, il est normal que j’augmente mon nombre de disciple. J’informe cette personne que je ne peux pas venir la voir dans l’instant car j’ai quelque chose sur le feu mais que je passerai la voir demain, même heure que d’habitude. Est-ce cruel d’agir ainsi, de cultiver le sentiment de possessivité d’Alma? C’est à elle de comprendre que si elle veut mon attention, elle doit s’en rendre digne. Le monde ne tourne pas autour d’elle. Il tourne autour de moi. Quelque part, il y a potentiellement un ou une rivale qui pourrait lui prendre l’attention de sa déesse. Je sais parfaitement qu’elle ne va pas l’accepter si facilement. Mon court appel terminé, je lui redonne mon attention mais intérieurement, j’ai un grand sourire sadique. Il est toujours si amusant de ramener sur terre les mortels avec trop d’orgueil, y compris Alma.

« Bien. Nous allons affronter un culte rival, aujourd’hui. Et quand je dis affronter, c’est plutôt exterminer, en fait. Je vais te laisser t’occuper de leur champion pendant que je me charge de leur chef. Tu as dit que tu pouvais affronter n’importe quelle cible. Tu as de la chance, tu vas pouvoir affronter un vétéran. Quelqu’un avec de la vraie expérience derrière lui. Pas comme les personnes que tu as affronté jusqu’à présent qui eux avaient le talent mais pas l’expérience derrière… »

Alma ne le sait pas encore mais elle n’a jamais eu une chance de l’emporter. C’est comme ça qu’on enseigne l’humilité aux élus avec trop d’égo…

Hors de question de redevenir Marischka. Cette pensée ramène immédiatement de funestes images. Les murs gris de la grande cité d’Auschwitz. Les sales abandonnées avec le « plic ploc » insupportable de la fuite d’eau dans le plafond. Si c’est bien de l’eau… Toute sa vie, elle la revoit et c’est loin d’être glorieux. Alors oui, Alma entend bien la menace de Shayne. Cette Shayne qui sourit maintenant comme si de rien n’était. C’est ça qui finit de la calmer. Parce qu’elle se rappelle la façon dont la Déesse peut tuer de façon… toonesque.

Ce coup de téléphone ! Alma grince les dents et serre les poings. Qui est cette connasse ?! Qui est ce déchet qui lui vole son temps ? Qui est-elle ? Où se trouve-t-elle qu’elle aille lui payer une visite ! Sa colère se répand via son pouvoir. Au-dessous d’elle, les plantes carnivores claquent des dents dans l’air. Alma sait qu’elle ne contrôle pas bien ses émotions. C’est tellement dur de faire semblant. D’autant plus quand elle est avec Shayne. Elle en sait trop sur elle. Qui plus est, elle ne s’est jamais confiée à personne comme avec elle. Alors il lui parait maintenant impossible de lui mentir. Mais elle essaie. Mais elle échoue… Sa colère est visible. Même si Shayne ne voit pas les plantes mordre dans le vide.

« Je vais le tuer. Non, l’exterminer ! »

*Réfléchis un peu ! Tu fonces droit dans un piège. Ne répète pas les mêmes erreurs que la dernière fois. *

« Je vais l’exterminer, c’est une certitude. Mais, qui est-il ? Quelle est sa façon de combattre ? Ses pouvoirs ? Je n’ai pas oublié ma victoire la dernière fois. Tout comme je n’ai pas oublié la leçon. A savoir que je dois m’informer sur mes ennemis avant de les tuer. Les exterminer. Bon, on est d’accord toutes les deux que je vais forcément détacher sa tête de son corps. Mais voilà, il faut que je sache. »

Difficile de faire taire ce corps impatient de libérer son énergie et sa rage. Compliqué de réguler ses pouvoirs qui ne demande qu’à prendre de nouvelles formes issues de son imagination, de son éducation et de son entraînement personnel. Pourtant, Alma fait des efforts. Elle le fait pour Shayne. Pour devenir la Super Elue qu’elle a déjà vu en elle. Depuis la première rencontre.

« Je devrais aussi m’occuper du chef. Après avoir tué le champion. Enfin, je veux dire, ce n’est pas que je veux voler ton plaisir. Seulement, je devrais m’occuper de tout, non ? Ce n’est pas ça le rôle que je dois jouer dans ton plan ? Pas forcément maintenant vu que je n’ai pas encore atteint mon plein potentiel mais pour plus tard, j’entends. »

Ce n’est pas très clair tout ça comme discours. C’est même plutôt embrouillé et Alma s’en rend compte. Pour autant, ce n’est pas inutile. Tous ces mots véhiculent des sens et des objectifs. Toutes ces phrases sont autant d’outils que Shayne peut saisir et retourner contre son apprentie.

*Et puis, ça va changer quoi qu’il ait de l’expérience ? L’expérience, ce n’est pas cette chose qui permet de compenser les faiblesses de l’âge par des techniques plus vicieuses ? Mon pouvoir est brut et puissant, moi ! *

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« J’apprécie ton enthousiasme mais le chef est à moi. Un exemple doit être fait et je compte m’assurer que le message soit TRÈS clair. Ceci dit, son bras droit est tout à toi. Un aérokinésiste. Maitrise de l’air, si tu préfères. Très dangereux car il peut t’attaquer avec une masse d’air… Solide, si j’ose dire. Et comme tu ne peux pas vraiment voir une lame faite d’air, l’air ambiant n’a pas de couleur après tout…

Tu imagines bien la difficulté. Cependant, si on met quelque chose dans l’air, en aérosol, par exemple, tu pourras voir ce qu’il fait plus facilement. Fais TRÈS attention, Alma. Tu vas affronter quelqu’un qui a eu des décennies pour affiner, raffiner, perfectionner son pouvoir. Si tu vois que tu es en train de perdre sévèrement, laisse-le-moi. Il n’y a pas de honte à reconnaitre qu’un ennemi est plus fort que soi. Mieux vaut accepter cette faiblesse et vivre un autre jour que de s’entêter par arrogance et de mourir bêtement. »

Je sais très bien en disant cela qu’Alma ne va certainement pas accepter de battre en retraite. Elle a trop de fierté. Trop d’orgueil. Ce besoin de faire ses preuves est trop grand en elle. Elle est possessive. Elle veut que je ne donne de l’attention qu’à sa personne. Elle veut que je lui donne la place qu’elle désire, celle de super élue. Je le redis. Alma est puissante mais elle manque de patience et de discipline. Et j’ai beau tenter de le lui expliquer par la manière douce… Elle est trop habituée encore à la manière forte. Je n’ai pas encore purgé entièrement Marishka d’elle. Vivre… On dirait qu’elle ne veut pas vivre. Qu’elle ne sait pas profiter de sa seconde chance. Et je ne sais honnêtement pas quoi faire à ce niveau. On dirait que la seule façon pour elle d’apprendre, c’est dans la douleur. Comme si l’entendre n’était pas suffisant. Elle devait le vivre également, je ne sais pas…

Je ne prends pas exactement plaisir à la mettre dans de telles situations pour que le message passe. Je peux être sadique et je peux briser mes jouets par pur caprice. Mais à mes yeux, Alma n’est pas un simple jouet. Et je le redis. Je ne suis pas douée pour forger des relations. En général, je demande une loyauté absolue, sans trop me préoccuper de l’individu. Évidemment, j’ai un lien spécial avec ma télépathe que même Alma ne pourra pas avoir. Mais en dehors de ma télépathe, très rares sont les personnes que je juge réellement dignes de mon attention. Alors avoir une… Fille adoptive… Est vraiment quelque chose d’inédit. Et le problème avec les livres traitant des relations parent/enfant réside dans un fait tout simple : aucun des exemples présentés n’inclut de gens avec des super pouvoirs encore moins comment une déesse devrait gérer sa fille adoptive. Vous voyez le problème?

Et c’est encore pire. Je ne peux pas demander de conseils à ma conceptrice car c’est une terrible mère, pour commencer et si je regarde les différentes mythologies de ce monde « bon parent » semble être presque systématiquement absent des panthéons. Autrement dit, je suis en terrain inconnu et Alma est LOIN de rendre les choses simples. À savoir si c’est volontaire ou non, je n’en ai absolument aucune idée par contre. Mais alors là, absolument aucune idée. Et je ne suis pas certaine de vouloir découvrir qu’elle fait exprès de saboter mes efforts. Scénario hypothétique. Je doute que ce soit réellement le cas, il va de soi. Ce n'est vraiment pas aussi simple qu’on pourrait le croire d’être… Parent. Et comme les vrais parents de Marishka ont été d’une rare incompétence, c’est encore pire au vu de la situation actuelle. Oh Alma, pourquoi est-ce que tu as besoin de souffrir pour apprendre…

« Je ne- ! »

Avec d’énormes efforts, Alma se retient de protester contre les mots que Shayne vient de lui assommer. Lui demander de l’aide si elle pense perdre ? Cette phrase n’a aucun sens ! Déjà elle ne va pas perdre. Ensuite, il est hors de question d’envisager que quelqu’un puisse être plus puissant qu’elle. A part Shayne, bien entendu. Mais Shayne est la Déesse : elle est exceptionnelle. Elle est donc l’exception à la règle.

Donc Alma parvient à ne pas contester l’hérésie qui vient de sortir des lèvres de Shayne. Elle jette toute son énergie sur les informations qu’elle vient de recevoir. Un aérokinésiste : un manieur de l’air invisible. Effectivement, ça ne va pas être simple à affronter. Comment faire pour « voir » les attaques ? Est-ce qu’elle doit seulement trouver une solution en utilisant ses yeux ? Après tout, elle a d’autres sens. Et elle a également accès au sens du Vert.

« Si je ne peux pas voir ses attaques, il me suffira d’avoir une armure résistante. Dans ce cas, plus besoin de voir ou pas voir. J’encaisse ses techniques « affinées » et je contre-attaque avec puissance. »

C’est dingue comme elle peut réussir à faire cohabiter dans son cerveau deux réalités. D’un côté, ce refus catégorique d’accepter sa faiblesse. C’est bien pour ça qu’elle a appuyé le ton sur mot « affinées ». Ce n’est pas parce qu’il a pris du temps à tester différentes variantes d’une même technique qu’elle est devenue meilleure. D’ailleurs, son cerveau continue à se troller en associant l’affinage à un fromage. Donc le fromage à l’aérokinésiste…

De l’autre côté, Alma est une bonne élève. Ce n’est pas une néo-Einstein mais elle est très loin de porter le bonnet de cancre de la classe. Ce qui signifie qu’elle sait parfaitement qu’il y a des individus, du moins des pouvoirs plus puissants qu’elle. Ou au moins très contraignant/énervant à affronter. Elle sait également, pour avoir tenté énormément d’expériences dans son hangar avec ses plantes, que les techniques s’améliorent. Elles s’affinent avec d’excellents résultats.

Mais voilà. Alma reste Alma. Et également un peu Marischka. Comme on le dit, le pire ennemi est soi-même. Et Alma doit affronter les pièges et les illusions que génèrent son cerveau. Foutue fierté. Foutue (non) éducation. Foutue la Alma qui rue droit dans le piège de la Déesse !

« Moi je suis prête. On peut y aller quand tu es prête. Tu n’auras qu’à me pointer le papy qui joue avec des lames d’air invisible. »

Grande inspiration. Il faut au moins ça pour faire un saut de téléportation. Elle ne va pas souffrir d’effets secondaires à chaque fois. Hors de question ! Parce que ça signifierait qu’elle n’évolue pas. Qu’elle fait du surplace. Ce qui est inadmissible !

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Pas de survivants sauf s’ils supplient pour leur vie. Une règle dont Alma a des difficultés à accepter la réalité. Elle voudrait tous les tuer. Les massacrer jusqu’aux derniers. Des cadavres sont plus faciles à gérer que de potentiels futurs ennemis. Et si à moyen ou à long terme ces victimes pathétiques parvenaient à mettre la main sur un puissant artéfact, forgeait une alliance avec une Déité ou peut-être parvenait à influencer tant et tant de mondes que la marée des cafards devienne surpuissantes par leur nombre ? Alma soupire. Non, décidément, ça ne lui plaît pas. Alors elle a prévu de ruer dans le tas, faire jaillir ses lianes pour plonger dans les gorges grandes ouvertes en train de crier des choses qu’elle n’écoute pas. Elle fait glisser l’acier liquide sur ses tentacules verts et coupe la tête en deux en s’alignant sur la ligne imaginaire entre la lèvre supérieure et inférieure. S’ils ne peuvent rien dire, ils ne peuvent pas être sauvés.

« OU EST VOTRE CHAMPION ? »

Son esprit est aveuglé par la tâche que lui a confié Shayne. Massacrer le Champion de ce culte. Les œillères sont tellement puissantes qu’elle ne prend pas le temps d’enregistrer les informations tels que la nature des pouvoirs mineurs de ses adversaires ou leur apparence physique. Si on lui posait la question, elle serait même incapable de dire si sa dernière victime était un mâle ou une femelle. Ou bien si c’était une adolescente ou une vieille…

« Je n’aime pas me répéter ! Champion, montre-toi ! Sors de ton trou ! »

Elle s’arrête après avoir traversé plus de la moitié de l’édifice religieux. Inconsciemment, elle a réalisé qu’elle devait reprendre son souffle. Peu lui importe le sang sur ses vêtements noirs. Ou alors la nature des liquides ou des choses plus solides qui glissent sur elle et suintent ses armes biologiques.

*Qu’est-ce qu’il m’arrive ? *

Les soldats de moindre envergure, les zélés peu puissants l’ont entouré mais n’osent plus attaquer la furie meurtrière. Voilà même qu’ils commencent à reculer.

*Etrange comme ils forment un cercle parfait… autour de moi. Mais merde ! Reprends ton souffle, Alma ! *

« CHAMPION ! »

(souffle souffle)

« Champion, montre-toi bordel ! »

(halète !)

Il est là. Peut-être ce vieux aux tempes blanches à sa gauche. Peut-être cette femme au bâton et à l’air sévère à sa droite. Elle n’en sait rien. Mais elle croit commencer à comprendre ce qu’il se passe. Pourtant, au lieu de laisser la raison prendre le dessus : son cerveau reptilien lui ordonne de faire pousser l’armure. Plaques après plaques. Couches métalliques sur couches organiques.

Ajouter du poids sur un corps qui ne parvient pas à absorber suffisamment d’air…

S’enfermer dans une prison au lieu de se donner la pleine capacité d’attraper la moindre molécule d’oxygène chassé par le pouvoir de l’aérokinésiste au-delà du cercle dont elle est l’épicentre.

« Champ- (souffle souffle) Champion ! »

Alma est déjà prisonnière du piège du Champion du culte. Le pire ? Elle n’en a pas encore pris totalement conscience. Sa fierté trop têtue l’en empêchant…

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

La LIBERATION !

Alma prend une très grande inspiration. Le feu brûle ses poumons. Pendant un long instant, elle a vraiment cru qu’elle allait mourir. Et… c’était insupportable.

*Ma vie vient à peine de commencer ! Et je n’ai encore rien accompli, bordel !! *

Elle se sent merdique. A chier. Elle est à quatre pattes par terre, comme un animal. Il y a encore tant de monde dans ce lieu de culte. Et tous la regardent. BANDE D’ENCULE crie-t-elle dans sa tête, incapable de sortir plus que des borborygmes d’une gorge qui reprend l’habitude d’aspirer de l’oxygène.

Et que dire de ce torrent de larmes ? Ces sanglots audibles qui la diminuent plus que toutes les provocations et insultes que ces pécores zélées pourraient lui jeter à la gueule. Mais impossible de stopper le flux d’eau salé. Impossible…

*Bouge-toi, Alma. Lève ton cul et finis le travail ! Fais-le avant que ta Déesse s’en occupe. C’est ta tâche à toi et-… *

Trop tard. Elle ne ressent plus que les tremblements de son corps faible. Il y a un grand vide en elle. Et maintenant ? Que faire… Que dire… Que faire ou quoi dire après que sa Déesse ait tué le Champion ?

« Je… »

Manque de souffle ? Manque de perspicacité ? Alma n’arrive même pas à savoir quelle est la réponse. Son corps est secoué par l’échec et le sentiment d’inutilité profonde.

Alors son esprit, pervers et auto-destructeur, lui apporte une solution… tardive. Si elle avait utilisé son pouvoir sur les plantes, si elle avait plongé les racines dans le sol, communiqué avec le Grand Vert. Alors elle aurait pu se planter dans le réseau de vie de tous les organismes végétaux. Et donc combattre le vol par oxygène. Oui, elle voit des petits vieux sous assistance respiratoire. Ces mêmes vieux qui marchent siiii lentement en ville avec leurs bouteilles sur le dos.

*Mais j’aurai pu combattre avec une telle parade… Je ne me serai pas retrouvé à quatre pattes, tremblotantes, silencieuse et putainement misérable… *

La force lui manque pour relever la tête. Il lui en manque tant pour que ses yeux croisent ceux de sa Déesse. Pourtant, elle sait qu’il va falloir rétablir le contact. Tout comme elle ressent que des zélés, il y en a encore un paquet. Ils sont faibles, certes, mais toujours vivants.

« Est-ce que je… »

*Est-ce que je quoi ? Que je me relève pour tuer ce que je peux réussir à tuer ? Que je reste à quatre pattes comme l’animal faible que je suis ? Comme une moins que rien en bas de l’échelle en attente d’un ordre pour combler le trou dans ma tête pour prendre des décisions autonomes ? J’en sais foutrement rien ! MERDE ! *

Il lui reste tout de même de l’énergie à Alma. Cette énergie perverse qu’est celui de la colère. Qui alimente le corps et l’esprit mais qui produit tellement de dégâts quand le sang-froid revient tout comme l’immobilité du corps.

Alors, et quoi maintenant ?

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Je n’aime pas devoir utiliser une tactique aussi extrême. Vraiment pas. Mais autrement, Alma ne comprendra pas. J’ai essayé de le lui dire, de lui expliquer. Soit elle ne comprend pas, ne veut pas comprendre ou ne peut pas comprendre si ce n’est pas quelque chose de concret. Je pensais que son précédent combat l’aurait rendu plus sage. Qu’elle aurait réalisé bon nombre de choses. Je pensais que tenter de la socialiser avec ceux qui croient en elle, l’appellent la sainte aux plantes, aurait réussi à faire germer en elle cette petite graine qui contient son potentiel caché. Celui qu’on lui a volé sur cet autre monde, quand elle n’était que Marishka. Diminuée et sans vrai avenir. Mais non. Apparemment, elle ne peut apprendre, comprendre, que si on y va dans les extrêmes. Et là? Elle a été complètement mais alors là complètement humiliée. Ses idées de potentiel et de grandeur?

Probablement envolées pour un bon moment. Elle, se voyant comme une super élue? J’ai mes doutes sur le fait qu’elle reverra cette possibilité de sitôt. Ah la leçon aura été dure. Cruelle. Sans pitié. Mais parfois, c’est ce qui vous permet de vous relever, plus humble, plus sage, transformé par l’événement et cette fois, prêt à écouter et à changer pour de vrai. Plusieurs de mes cultistes étaient aux portes de la mort. Cancers. Tumeurs. Maladies incurables. Leur donner une seconde chance a fait toute une différence dans leurs vies. Je n'ai pas que des fanatiques voulant tuer en mon nom. Pour une bonne image publique, j’ai un tas de bénévoles sympas qui veulent aider à faire un monde meilleur. Des gens pleins de compassion et de bonté qui servent de première ligne contre ces vautours de médias. Et c’est une stratégie extrêmement efficace. Quand on vous donne une seconde chance…

Vous ne refaites pas les conneries d’avant. Alma… Refait les conneries d’avant. En quelque part elle est son pire ennemi. Trop têtue. Trop bornée. Elle va suivre ses cours mais elle accumule le savoir. Elle n’évolue pas. N’évolue pas, plutôt, comme elle devrait évoluer. Et c’est exaspérant car j’ai beau lire sur le sujet et tenter de le lui faire réaliser, je n’ai accumulé que des échecs. C’est dur d’être une sorte de mère adoptive. Je n’ai pas été créée pour être… Parent… Le mot en soi sonne bizarre à mes oreilles quand c’est ma voix qui l’utilise dans ce contexte. Reste et demeure qu’Alma a besoin d’encadrement et j’espère, vraiment, qu’après cette traumatisante expérience où elle a failli mourir car elle reste plus Marishka qu’Alma, qu’elle va enfin s’ouvrir davantage et accepter de changer. Peut-être que c’est ce qu’il fallait pour améliorer notre relation, aussi. Je ne sais pas.

J’imagine qu’elle va en cauchemarder pendant un moment. Peut-être qu’elle va se réveiller en sueur et invoquer mon nom. Alors je pourrai aller la voir et la réconforter. Mais bon. Pour le moment, j’ai des cultistes à tuer et une mission à terminer. Ça ne va pas se faire tout seul. Je pourrais le faire toute seule. J’aurais pu faire toute cette mission en solo. Je n’avais certainement pas besoin d’Alma. Mais elle avait besoin d’apprendre. Et quand elle tente de me demander quelle est ma volonté, ce que je veux qu’elle fasse, je suis extrêmement dure dans mes propos. Ça passe ou sa casse. Ou elle accepte ses fautes, accepte de changer ou alors elle s’effondre, prend la fuite ou abandonne. Son futur avec moi dépend de sa réaction à la chose la plus vile et destructrice qu’elle aura jamais entendu de ma bouche. Alma et Marishka sont au bord du précipice. Une seule des deux va survivre.

« Rends toi digne de ta déesse, si tu en es encore capable après ce lamentable échec. »

Jamais elle n’a été poussé aussi loin au fond d’elle-même. Plusieurs fois elle a pensé contemplé les abysses de son âme. Parce que, plusieurs fois sur son monde natal, elle a frôlé la mort. C’est une chose « normale » là-bas. Mais ici ? Maintenant ? Dans ces conditions très spécifiques où elle a un lien fort avec Shayne ? Les abysses ne lui ont jamais paru aussi profondes. Une chute interminable dans des ténèbres qui dévorent même la lumière.

Alors, -et ce sera probablement mal interprété pour un regard extérieur- Alma pense à une façon d’utiliser ses pouvoirs. Quelque chose qu’elle n’a plus fait depuis… disons depuis toujours pour simplifier. Libérer ses pouvoirs pour accomplir la mission de sa Déesse tout en restant plus bas que terre.

Une liane verte sort de dessous sa veste noire. Une fleur rouge sang en jaillit à son extrémité. Quand elle s’ouvre, elle révèle un bulbe étrange de couleur rose et striée. Le parallèle avec l’image d’un cerveau se fait rapidement.

Alma tranche la liane avec une lame d’acier. De l’acier ayant jailli depuis le cœur de la section de la liane verte. Le tentacule fleuri gigote quelques instants sur le sol. Puis plus rien.

Soudainement un tremblement !

La fleur vibre d’une vie nouvelle. Elle se referme pour protéger son cœur, cerveau ou quoi que soit cette chose rose en son sein. Une gangue de métal la recouvre et la protège d’une armure. Alma observe son prodige. Son totem ? Sa chose, assurément. Elle lui trouvera un nom plus tard. Elle est satisfaite de découvrir que les instructions qu’elle lui a données s’activent et se déploient malgré leur connexion rompue.

La victoire est humble. Car l’amertume de la défaite poisse tout son corps et ses pensées. Elle observa sa chose de Vert et de Gris s’en aller tuer un premier zélé. Elle est toute petite sa chose. Alors elle sectionne un tendon d’Achille. Le zélé tombe. La tête se retrouve alors à portée de l’acier effilé de la petite chose d’Alma.

(D’ailleurs, il faut remonter un petit peu le temps de la lecture. Au moment où il était question d’une mauvaise interprétation. En effet, créer un petit golem ne parait pas extraordinaire. Mais Marischka/Alma n’a jamais voulu rompre le lien avec son pouvoir. Parce qu’elle devait garder près d’elle ce qu’elle contrôlait. C’était une extension de son corps. Une amélioration de ses sens humains. Quelque chose sur lequel elle pouvait compter au lieu d’entités autonomes comme ses parents, ses pseudo-amis ou ses gens qui s’alliaient temporairement avant de la trahir…)

Et voilà qu’Alma découvre qu’un zélé écrabouille sans réelle difficulté sa petite chose de Vert et de Gris… Quelle intense douleur elle ressent en son être ! Comme si on lui avait arraché un de ses… « enfants » ? Peut-être. Elle s’occupera de la question de vocabulaire plus tard.

Elle n’a donc plus le choix. Elle se relève. Ses jambes tremblent et elle pense manquer d’équilibre. Non, c’est bon. Elle a le contrôle de ses jambes. Elle tient assurément sur ses deux.

Alma écarte les bras. D’autres bras verts jaillissent. Elle est comme la représentation de ce dieu japonais aux mille bras. Sauf que ce sont des tentacules qui s’hérissent de picots d’acier. Des organes meurtriers qui jaillissent encore et encore de son corps pour traverser les zélés. Les tentacules rentrent dans les bouches, oreilles ou plus insidieusement anus. Elle se fiche de son image. Elle veut juste en terminer et rentrer dans son « cocon » : son hangar à elle.

Elle se laisse aller. Elle multiplie les tentacules, les picots d’acier et les meurtres. Elle… ne s’arrêtera qu’une fois tous les zélés décédés. Ou lorsqu’elle manquera d’énergie pour continuer à se développer comme une super mauvaise plante.

Ou jusqu’au prochain ordre de sa Déesse.

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

Le reste de cette opération de nettoyage se passe dans le silence et la déception, pour l’une, et dans le silence et la honte, pour l’autre. Qu’Alma tente de se racheter est une goutte d’eau pour éteindre les flammes de ma colère. Il ne faudra pas tant de temps que cela pour finir le nettoyage d’ailleurs. Et une fois que c’est fait, je me rends compte qu’effectivement, il n’y a eu aucun survivant. Je donne un ordre sec et bref à Alma : suis-moi. Un coup de téléportation plus tard, nous sommes dans son hangar. Le choix n’est pas anodin. C’est son petit nid. C’est là où Alma réside. Et donc, c’est un lieu d’une grande importance, symbolique ou autre. Jusqu’à présent, nous n’avons pas vraiment eu à parler. Mais là? Si ses parents ne l’ont jamais grondé, je vais le faire. Et pas qu’un peu. Et elle est chanceuse car si ce n’était que de moi, je lui aurai collé une de ces gifles…

« Je suis déçue. Alma. TRÈS déçue. Et en colère. Tu mériterais que je sape toutes tes forces, que je te fasse ramper devant moi comme un ver de terre en implorant ma clémence. Tu mériterais que je t’enferme dans un endroit où tu n’as pas de connexion au vert ou au gris, totalement impuissante et sans pouvoirs jusqu’à ce que tu t’en rendes dignes. Tu mérites une demi-douzaine de punitions divines pour ce que tu as fait.

Tu es arrogante. Tu es prétentieuse. Tu es bornée. Et le pire de tout? Tu n’as absolument RIEN retenu de ce que je tente de t’enseigner. Pire encore. Tu dis être Alma mais tu es trois couches de peintures par-dessus Marishka. C’est pathétique. Oh et tu m’as menti. Tu as dit mot pour mot : Je suis prête ! Je peux me débarrasser de n’importe qui. Cible et je détruirais. Je t’ai donné une cible. Je t’ai expliqué ses pouvoirs. Oui ou non, Alma?

REGARDE-MOI DANS LES YEUX ET RÉPOND AUDIBLEMENT. Je t’ai dit que c’était un aérokinésiste. Et comme d’habitude, qu’est-ce que tu as fait? Tu ne t’es concentré que sur ses capacités offensives, tu t’es comportée comme une brute sans cervelle et tu as failli crever stupidement à cause de ta propre arrogance. Il y a quelque chose qui te retient. Qui t’empêche d’avancer. Et je veux savoir ce que c’est. Plus jamais, Alma. Compris?

Écoute-moi avec attention et rentre le dans ton crâne obtus et borné. C’est ta DERNIÈRE chance. Tu me déçois encore une fois, je vais te faire regretter de m’avoir fait perdre mon temps. Mais VRAIMENT regretter. Je t’ai donné une nouvelle vie. Un nouveau nom. L’amour d’une mère adoptive. Je t’ai donné de mon temps et de mon énergie. J’ai investis en toi. Et c’est ainsi que tu dis merci, que tu honores ma confiance, Alma? »

Mes propos sont durs. Dévastateurs. Mais elle va me dire une fois pour toute c’est quoi le problème. Elle aurait dû évoluer considérablement plus. Ce n’est pas le cas. Et je n’ai plus la patience de chercher. Je lui ai tout donné en termes d’outils pour l’aider. Un chez soi. Une éducation. Une mère adoptive. J’ai beau lire, lire et encore lire, clairement, le problème vient d’elle et après sa pathétique performance de tout à l’heure, je n’ai pas envie de continuer plus longtemps à prendre des gants blancs. Je pensais que lui donner une vie différente aiderait à l’acclimater à sa nouvelle réalité mais non. Clairement, il manque encore quelque chose. Quoi? Aucune idée. Mais qui se connait mieux que soi-même? Et si nécessaire, je vais la brancher à un simulateur de réalité virtuelle et on va aller regarder directement dans sa tête! Plus jamais elle ne va me refaire un coup pareil!

Que d’ascenseurs émotionnels. OUI ! Cette lutte pitoyable était enfin terminée. NON… Il n’y a rien d’agréable, uniquement de la honte, de la déception, de la colère et un vide affamé au sein d’elle.

OUI ! Elle est enfin rentrée dans son nid. Elle va pouvoir prendre de la distance avec le monde, la réalité et la Déesse. NON… Elle ne va pas prendre cette distance pour se ressourcer, se ressaisir. La Déesse reste et exige des réponses.

Alma désire une seule chose. Se faire toute petite. Se faire oublier. Disparaitre. Etre aussi loin que possible de la furie qui teinte chaque mot agressif de la Déesse. Mais elle ne peut pas. Elle doit subir tout ça. ELLE DOIT LEVER LES YEUX ET REPONDRE AUDIBLEMENT.

Mais… Mais elle ne sait pas quoi répondre. Et la Déesse parle encore. C’est un piètre réconfort. Mais ça ne va pas durer. Bientôt, trop bientôt même, il va y avoir cet horrible silence. Elle va devoir le combler avec sa voix qui va tressauter, qui sera trop basse, trop hésitante et chaotique dans le contrôle du débit.

Voilà. C’est l’instant.

*Je… Je ne sais pas… *

Alma est Marischka. Marischka est une petite fille abandonnée. Elle ne sait pas comment réagir. Alors elle sanglote. C’est une façon d’extérioriser ce qu’elle a contenu des dizaines d’années. Ça aide… un peu. Mais c’est loin d’être suffisant. Ça a au moins le mérite de lui laisser un peu de temps pour trouver un ersatz de solution.

« Je… j-je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui me b-bloque. Ce qui me retient. Ce qui me fait toujours mettre ma cervelle en seconde option et foncer comme une conne dans le tas. Je j-je ne sais vraiment pas. »

Alors elle baisse les yeux. Une seconde fois. Mais ça la blesse de baisser les yeux. Pas parce que son estime est mise plus bas que terre et piétinée par sa propre arrogance. Mais parce que la Déesse a gueulé il y a peu qu’elle devait la regarder dans les yeux.

*Mais c’est trop dur… Son regard est trop intense pour moi. Trop douloureux. Trop… trop, tout simplement. *

Elle cherche. Oui, elle a eu une nouvelle vie. Dans un monde qui lui parait bien gentillet en comparaison du sien. Est-ce que ça l’a adouci ? Affaibli ? Non, elle ne pense pas. Son corps n’a jamais été aussi bien nourri. Ses muscles aussi fermes et toniques. Son mental aussi apaisé et cultivé. Oui, elle a eu un nouveau nom. Ca l’a aidé à porter une nouvelle identité. A se défaire de Marischka et de sa vie passée mais… ce n’est somme toute qu’un déguisement. Un manteau qui ne supprimera jamais ce qui se trouve en-dessous. La vie de Marischka est un condensé d’expériences, de vécus, de victoires et de défaites. Le tout forme la femme qu’elle est aujourd’hui. Impossible de tout oublier d’un claquement de doigt et d’obtenir une femme nouvelle avec le potentiel repéré par le Déesse. Alors quoi ?

Hum, alors quoi ? Oui, la Déesse est sa mère d’adoption. Tout comme elle reconnaît qu’elle est sa fille d’adoption. Voilà enfin qu’elles amorcent cette conversation qu’elles ont toutes les deux consciencieusement évitées depuis des semaines.

« Je sais ! Enfin… je crois savoir. Comprendre. Comprendre ce qui ne va pas chez moi. »

Ses yeux se relèvent. Elle est toujours effrayée par la femme en face d’elle. Par sa puissance intrinsèque, par la déception nimbée de colère et par le miroir qu’elle renvoie de ce qu’elle est. Mais la réponse qu’Alma pense avoir trouvé lui donne temporairement un peu de force pour affronter la situation.

« C’est vrai. Tout est vrai. Une nouvelle vie. Un nouveau nom. Une maison. Mon foyer à moi. Plus que cela, une vraie mère qui prend soin de moi. Mais voilà, ce n’est pas assez. Tout cela, je ne l’avais pas avant et ça me manquait pour m’épanouir. Rien ne doit m’être enlevée mais je crois qu’il me manque quelque chose. Je crois que c’est cette chose qui me bloque, qui m’enchaîne si loin des attentes que vous voyez en moi. »

*C’est si pitoyable pourtant à affirmer à voix haute. *

Alma a un instant de doute. Le dire à haute voix sera l’équivalent d’un point de non-retour. Rien ne pourra lui permettre de revenir à la situation qu’elles deux partageaient. Ce sont ses viscères qui lui disent.

« Je suis seule. Je veux dire. Je sais que l’être humain naît seul. Meurt seul. Et passe à peu près le temps entre ces deux instants plus ou moins dans la solitude. Mais c’est ce plus ou moins que je pense devoir changer. Je crois que… j’ai besoin d’une amie. Ou un ami. Quelqu’un avec qui je parlerais familièrement. Avec qui je partagerais mes petits riens inutiles. Avec vous, toi, je ne sais plus. Voilà, ce vous et ce toi, c’est le problème. Vous êtes une Déesse. Même si tu es Shayne pour moi, tu occupes cette position si haute. Sur une pyramide hiérarchique, tu seras toujours au-dessus de moi. Il y aura toujours cette relation spéciale. Mais importante, hein ! Mais voilà. La solution est là, je crois : je suis seule. »

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

C’est quand même… Particulier… D’avoir dû pratiquement la suspendre par une jambe au-dessus d’un précipice pour qu’enfin elle finisse par dire ce qui ne va pas. Et donc, je fais ce qui me semble le plus logique maintenant que l’abcès est crevé et qu’elle a enfin mit le doigt sur le cœur du problème. Cela aura pris du temps… Mais nous sommes arrivés à quelque chose. Je m’avance et je la prends dans mes bras. Et pas une de ces étreintes faiblardes comme si c’était une poupée de porcelaine. Une vraie étreinte digne de ce nom. Après tout, je suis sa mère adoptive, il est normal que je l’encourage, non? Que je souligne les bons coups et les mauvais coups. Oui, tout ne va pas s’arranger en un claquement de doigts. Enfin si, on pourrait. Une petite heure avec ma télépathe et elle en sortirait de cette séance une femme nouvelle. Presque littéralement.

Ceci dit, s’il y a bien une chose que je sais, c’est que la solution la plus expéditive n’est pas toujours la meilleure. Loin de là. Donc… Ne faisons rien de stupide. Ne précipitons pas trop les choses. Mais vous pouvez être bien certains d’un fait. À terme, elle en oubliera ses parents biologiques. Elle les reniera, même. Et c’est à mes côtés qu’elle va vouloir être. Je la garde contre moi un long moment, passant une main rassurante dans ses cheveux et en lui donnant un chaste baiser sur le front en lui disant que je suis contente qu’elle ait eu le courage de regarder le problème en face et de le nommer à voix haute. Si elle avait refusé de le faire, elle se serait retrouvée à avoir perdu l’amour et la faveur de sa déesse. Elle se serait retrouvée jetée à la rue. Je n’ai aucune tolérance pour l’imbécilité et l’inutilité. Quant à ce désir d’avoir un ou une amie… Ça je peux fournir. Subtilement, bien entendu.

Oh elle peut se faire tous les amis qu’elle veut. Je ne suis pas ce genre de mère qui va exiger de les rencontrer pour les juger et tout, non, non. Sur ce point, je fais confiance à Alma… Et j’ai aussi les ressources pour les espionner sans avoir à me donner le mauvais rôle. Non. Si je prends une position trop possessive, cela ne va pas bien passer avec Alma. Par contre, je vais demander à ma télépathe de scanner le cerveau d’Alma dans ses plus petits recoins pour pouvoir lui fournir une amie sur mesure. Ce ne sera pas forcément sa première ou sa meilleure amie mais je me sentirai l’esprit plus tranquille de savoir qu’il y aura un filet de sécurité émotionnel supplémentaire avec Alma. Et je pense avoir trouvé le contexte parfait pour cette rencontre… Cela pourrait demander un peu de manipulation par contre mais… Ce qu’Alma ne sait pas ne peut pas lui faire de tort. Et si elle le découvrait, bien…

En tant que sa mère adoptive, je m’inquiétais pour elle et en tant que sa déesse, j’ai agi dans son intérêt. Mais elle ne le saura jamais car la rencontre ne sera pas forcée. Elle sera naturelle. Et si la personne en face d’elle n’est pas 100% l’ami de ses rêves, c’est encore mieux. Autrement, ce serait hautement suspect. J’ai orchestré suffisamment de meurtres et d’attentats pour savoir comment couvrir mes traces. C’est tout ce qu’il te manque, Alma, une amie pour ne plus te sentir seule? Je suis ta déesse. Je vais te fournir ce dont tu as besoin, dans mon infinie générosité. Mais encore une fois… Elle ne le saura pas. Et l’ami(e) en question non plus. Le moins de personnes sont au courant, le plus facilement le secret sera gardé. Mais bon, de retour hors de mon monologue mental, je finis par mettre fin au câlin pour prendre Alma par les épaules et la regarder droit dans les yeux.

« Alors? Tu te sens mieux, là, maintenant que c’est dit? »

Au début, Alma a paniqué. Elle s’attendait à… elle n’en sait rien, en fait. Dans sa tête, elle voyait des gens imploser en confettis. Elle voyait les traits colériques du visage de la Déesse. Alors comme un et un font deux, les images de ses membres implosants en confettis sont venus. Ou peut-être une espèce d’origami horrifique ? Ses membres soudain plats et se tordant selon la volonté de la Déesse pour se transformer en chose et autre. Encore et encore.

Mais non. Non ! OUF, bordel. C’est un vrai câlin. Deux bras pleins de chaleur humaine qui la réconfortent. Le corps de Shayne contre le sien qui la félicite d’avoir trouvé la réponse. Oui ça aura été putainement douloureux. Cette foutue fierté qui est enracinée si loin dans son caractère. Cette fierté qui la freine tant qu’elle imagine une voiture créant des étincelles à force de freiner devant ce précipice si sombre et si proche devant elle.

« Mieux, je sais pas. J’ai l’impression d’être une sombre merde si je dois dire ce que je ressens. »

Il lui faut un sursaut de force pour relever les yeux et croiser le regard de Shayne.

« Mais oui, c’est vrai, je me sens mieux quand même. Comme si j’avais trouvé la solution à un problème. Comme si j’avais réussi à passer un obstacle physique qui me bloquait. Je ne sais pas. Je me sens soulagée et en même temps, j’ai l’impression que je vais faire face à un problème encore plus grand. »

Ça cogite fort là-haut. Oui, elle a bien conscience qu’elle veut une amie. Une meilleure amie, même ! Une unique serait suffisant. Mais… à quoi elle doit ressembler ? Qu’est-ce qu’elle doit lui dire ? Quel métier elle va faire ? Est-ce qu’elle va avoir des pouvoirs ? Est-ce qu’elle doit être aussi puissante qu’elle ? Alma n’en sait rien. Et ces questions ne sont que les premières d’une liste qui se déroule et rebondit sur le sol avant de serpenter sans vouloir s’arrêter.

« Mais je ne sais pas où la trouver. Comment je fais pour faire des rencontres ? Je veux dire, des vrais. De ceux qui ont du sens ? »

Quelqu’un avec un pouvoir serait mieux. Ce serait un point commun. Puis, il faudrait qu’elles aient le même âge. Parce que plus jeune, elle se sentirait comme responsable d’elle. Probablement comme une grande sœur, elle imagine. Et elle ne veut pas d’une petite sœur, elle veut d’une amie.

« Est-ce que toi tu as une meilleure amie ? Quelqu’un avec qui tu partages des choses triviaux et importants ? Je crois que je suis nerveuse. Je parle beaucoup pour ne rien dire… »

Peut-être qu’il ne faudrait pas qu’elle me ressemble. Du moins au début, en apparence physique extérieure. Je crois que je la vois blonde aux cheveux longs. Est-ce que c’est parce que je suis influencé par ce duo de ce monde Poison Ivy/Harley Quinn ? J’en sais fichtre rien. Mais je crois que sous son apparence soignée, j’aimerai bien qu’elle ait ce côté gothique que j’exhibe. Un corps très recouvert de tatouages, par exemple.

*Je ne sais pas à quoi tu ressembles ni qui tu es. Mais j’espère sincèrement, de tout mon cœur, que tu existes meilleure amie. *

Jeannie incarne:


Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.

« Déesse », me dit ma télépathe, « Je lis les pensées d’Alma et j’ai une bonne idée de ce qu’elle désire. » Tant mieux. Et donc, je demande mentalement à ma télépathe de me dire ce que voudrait Alma. Hum hum. Oui. Je vois… C’est pratique de pouvoir suivre deux pensées en même temps. Je reste concentrée sur ce qu’Alma dit et ce que je dois répondre tout en me faisant une idée de ce que ma fille adoptive voudrait comme amie. Nouvelle amie, meilleure amie, peu m’importe. Je la créerai de toute pièce s’il le faut. Ce n’est pas la technologie ou l’expertise ou même la magie qui me manque. C’est l’avantage d’être à la tête d’un culte, recrutant des gens de talent. Et dans le pire des cas, je pourrais Lui demande assistance… Non. Non. Pas question de L’impliquer dans mes affaires. Je refuse que notre partenariat penche davantage en sa faveur. Hors de question.

Un secret bien gardé que même Alma n’est pas autorisée à connaitre. Mon… Bienfaiteur. Celui qui fait qu’Alma est encore en vie avec tous ses membres et non pas la victime de ma colère psychotique quand on me contrarie en général. Celui qui as stabilisé mon esprit. Mais nous ne penserons pas à cela. Plutôt, nous allons penser à la situation en cours. L’ordre est donné. Je lance la construction d’une amie pour Alma. Quitte à lui créer un passé, quitte à prendre une pauvre victime innocente et la remodeler à l’image que je veux. Alma a besoin d’évoluer. Alma a besoin de continuer de prendre forme pour être une pièce majeure sur mon échiquier. Et si cela implique de commettre une véritable atrocité pour lui donner ce dont elle a besoin, vous pensez que je vais hésiter une seule seconde? Ce serait TRÈS mal me connaitre si vous pensez que oui. Ma volonté sera faite.

« À moins de vouloir recommencer à me déplaire, tu vas arrêter de te dénigrer ainsi. Tu n’es pas une sombre merde parce que tu trouves ce qui te limites. Tu identifies un besoin. Certains humains pathétiques vont se réfugier dans les solutions faciles que sont l’alcool et la drogue au lieu de regarder les choses en face. Toi non. Il faut une grande force pour oser regarder le problème en face. Alors sois en fière. Dis-le, Alma.

Dis-le avec conviction. Je suis fière de mes progrès. Pour ce qui est de faire des rencontres… Les moyens sont nombreux. Sites de rencontre. Fréquentation d’événements. Inscription à des cours pour des hobbies. Retour aux études, même, si tu veux perfectionner certaines matières plus classiques. Par le travail. Ce pourrait être une collègue. Mais le meilleur d’entre tous? Laisse faire la Seule Vraie Force de l’existence. Le Chaos.

Rien n’arrive par hasard. Tout est la volonté du Chaos. Si tu dois rencontrer cette meilleure amie, tu la rencontreras. Et peut-être que ce ne sera pas dans une situation à laquelle tu te serais un jour attendue. Pourquoi penses-tu que j’investis autant en toi? Parce que notre rencontre n’était pas par hasard. Je cherchais une pièce importante pour mon échiquier et nous nous sommes rencontrées. Telle est Sa volonté. Rien n’est jamais dû au hasard.

Et non, Alma. Je n’ai pas d’amis. Enfin. Techniquement certains individus se qualifient… Mais ce sont plus des relations d’affaires. Quand nous voulons aller semer le chaos ensemble, assassiner des gens… Je suis une déesse. Logiquement il me faudrait une amie comme déesse. Et vu comment en général c’est le clash de personnalités… Je porte mon fardeau seule. Mais mon cas n’est pas ton cas. Tu as donc bien plus de chances de ton côté. »

« Euh. Oui. Je suis fière. »

Elle y a déjà pensé. A se perdre dans les effets de l’alcool ou de la drogue. Sa vie a été tellement merdique qu’elle aurait aimé oublier. D’ailleurs, rien que par curiosité et pour ne pas être la seule conne à ne pas savoir, elle a essayé. L’alcool et la drogue. Mais elle a détesté. Ca lui a fait perdre le contrôle. Ca a amoindri ses réflexes. Ainsi que sa capacité à réfléchir. Bref : ça aurait pu la tuer et cette expérience a été marqué au fer rouge dans son âme.

« Je suis fière de mes progrès. Et, comment l’exprimer ? Oui, je crois que je me sens soulagée. Comme si j’allais enfin pouvoir avancer à partir de maintenant. C’est, c’est exaltant ! »

Comme si une porte venait de s’ouvrir devant elle. Comme si des chaînes s’étaient brisées qui l’attiraient vers les ténèbres aussi étouffantes que des marais putrides. Alors que devant elle, c’est une lumière. C’est une musique porteuse de notes d’espoir et d’un futur excitant à vivre.

« Je ne le sens pas du tout. Ces histoires d’application de rencontres. Quant à cette idée de prendre des cours dans des établissements extérieurs, donc hors de mon hangar, ça pourrait m’intéresser. J’y ai déjà pensé. Bon, j’ai déjà suivi des cours en live, mais y aller sur place peut-être. Mais si je le faisais, ce ne serait pas dans l’idée de trouver quelqu’un. Non, ce serait pour travailler en premier lieu. »

*Le Chaos. Oui, ce mot me plaît bien. Comme si c’était la bonne façon de diriger des vies. Comme si c’était la seule puissance inconnue qui vaille la peine de joindre ses mains ou de parler dans le vide. Mouais. C’est quand même bizarre ce que je suis en train de penser. *

« C’est quand même triste. Je veux dire le fait que Shayne soit seule. »

Parce que, même si c’est une Déesse, Shayne est tout de même très humaine dans ses comportements. En tout cas, Alma en a l’impression. Mis à part sa puissance exponentielle, rien ne la différencie vraiment des êtres humains. Pas la majorité qui ne servent à rien. Mais les quelques rares qui sont vraiment intéressants. Comme Alma.

« Peut-être qu’il y a des Déesses intéressantes ? Peut-être que comme moi et ma vie, tu n’as fait que les mauvaises rencontres ? Peut-être que comme moi, tu devrais laisser le chaos t’apporter ceux dont tu as besoin. Ça va peut-être paraître étrange, mais maintenant que j’ai accepté que j’avais besoin d’une amie, j’ai l’impression que mon regard a changé. Que j’ai peut-être manqué des occasions dans le passé parce que j’avais des œillères. Je ne sais pas si ça a du sens ce que je dis ? »

En tout cas, Alma était remontée ! Elle avait de nouveau de l’énergie à revendre. Elle se surprenait même à sourire. Peut-être qu’elle avait encore fait quelques pas de plus vers la « vie ». Elle se rapprochait de ce de mode de vie qui était de vivre même si c’était absurde. Elle avait l’impression de s’être éloignée encore un peu plus de l’ancienne Marischka et de la notion de survie.

Jeannie incarne:



Shayne Hannigan, Aussi connue sous le nom de Miss Fortune ou Sir Prize.