The Multiversity

Assise sur un toit, Carol profitait de la nuit en mangeant une pizza. Elle venait tout droit de Adrienne’s Pizza Bar, une pizzeria réputée située à Manhattan. La pizzeria était connue pour les très grosses pizzas qu’elle fournissait, alors Carol en avait commandé seulement une moitié. Il y a encore quelques semaines, elle végétait entre la vie et la mort après avoir été grièvement blessée lors d’un attentat terroriste au Japon. Rapatriée aux États-Unis, elle avait été soignée dans une clinique du SHIELD, avant de reprendre du service. Carol se trouvait donc à New York, pour se dégourdir les jambes. La ville était toutefois assez sécurisée, et elle profitait juste de l’air frais. Voler dans les airs, voilà ce qu’elle adorait. Après avoir frôlé la mort, Carol avait aussi décidé d’arrêter de boire, de suivre une thérapie contre son alcoolisme, qui lui avait valu d’être exclue des Avengers. Un alcoolisme qui était en grande partie la résultante de ce qu’elle avait subi avec Marcus, un homme qui l’avait violé et psychiquement manipulé pour qu’elle donne l’impression d’être amoureuse de lui.

Carol avait décidé de suivre une thérapie auprès du psychiatre des super-héros, Léonard Skivorski, aussi appelée « Doc Samson ». Elle avait aussi entendu parler d’une clinique de repos mise au point par la Justice League, Sanctuary, située au Nébraska. Toutefois, avant de devoir y aller, Carol préférait plutôt suivre cette thérapie.

*Et puis, je veux manger mes pizzas, moi !*

Elle avait commandé une pizza 4 fromages. Mozzarella, gorgonzola, cheddar, et comté, un vrai régal ! Spider-Man avait déjà recommandé des pizzas, c’était un peu le spécialiste local. Pour l’heure, Carol n’avait pas grand-chose à faire. Elle avait entendu parler d’un braquage par l’intermédiaire des ondes radio de la police, mais, le temps qu’elle se rende sur place, Spider-Man avait déjà fait le ménage, tissant sa toile en neutralisant les bandits. Carol était donc retournée du côté de Manhattan, et observait cette ville qui ne dormait jamais, tout en volant entre les gratte-ciel. Cette sensation avait tout de même quelque chose de féérique. Elle s’était donc posée pour manger sa pizza, écoutant « Sunflower » quand son biper sonna.

Une attaque terroriste au Guggenheim Museum ! Carol faillit en recracher sa dernière part de pizza. Elle n’était pas très loin de ce célèbre musée new-yorkais, et décida vite de le rejoindre. La jeune femme sauta du toit, et s’envola vers le musée Guggenheim. C’était un musée assez petit, reconnaissable à son architecture unique, le bâtiment central étant une sorte de gros cercle concentrique qui se réduisait jusqu’au rez-de-chaussée. Elle s’en approcha, et vit des gens sortir en hurlant. Carol se déplaça encore, et se posta à l’entrée, où elle vit une femme avec un chapeau haut-de-forme courir. Les gens qui fuyaient parlaient d’un coup de feu, d’une terroriste. Carol pensa immédiatement à un attentat-suicide, et s’élança tout droit vers la femme.

« Arrêtez-là !
-  Elle va se faire sauter ! »

Carol s’élança vers la femme, et l’intercepta dans sa course, la plaquant contre un mur, s’attendant à la voir faire détoner une bombe, d’où sa réaction rapide.

« Qui êtes-vous ? Pourquoi attaquer ce musée ? »

« Je n’ai attaqué personne! J’ai juste ouvert un sac de chips! D’accord, je sais, c’est interdit de manger dans le musée mais je ne suis pas une terroriste! Je ne vais faire exploser personne! Tout ceci est un malentendu! Quand le sac a fait POW moi j’ai fait AAAAH et j’ai trébuché et je suis tombé sur le gros touriste qui a fait OUF et son bouton de chemise a fait ZING et a été éjecté à une vitesse supersonique et… Et…

Ça a fait PAF! Et là, le conservateur du musée est tombé et là les gens se sont mis à crier à l’assassin et à l’attentat et les gardes ont commencé à me courir après et… On ne met pas les gens en prison pour avoir ouvert un petit sac de chips? Vous mettez les gens en prison pour seize grammes de chips vous? C’était un accident! Il n’est même pas mort, le conservateur! Ou blessé! Et je n’ai même pas d’explosifs sur moi! Et… »

Plus je panique, plus je parle vite et donc si au début c’était compréhensible, ça le devient de moins en moins. Donc passé le mot « garde », ça devient tout de suite beaucoup moins cohérent et facile à suivre. Et pour ne pas arranger les choses, les gardes me pointent avec leurs armes et les visiteurs s’agglutinent et commencent à m’accuser de tous les torts du monde et moi bien… Je panique encore plus! Je ne suis pas faite pour les situations stressantes… LAISSEZ MOI TRANQUILLE! Que je finis par crier, le stress ayant raison de mon calme. Et quand j’ai peur, chaos oblige, cela génère toutes sortes de situations loufoques. Par exemple, les personnages qui sortent des tableaux, les sculptures commencent à se déplacer toutes seules, ce genre de choses. Pourquoi? Comment ça pourquoi? Vous demandez vraiment à la petite déesse au chapeau de… Bon.

Pour créer une distraction, pour me permettre de fuir. Et fuir je réussi à faire à cause de cette nouvelle panique ainsi générée. Une seconde d’inattention et j’ai échappé à la femme qui me plaquait contre le mur. Je ne peux pas courir vers la sortie donc je cours vers l’issue la plus proche… Et je finis sur le toit. Ah génial. Et je descends comment maintenant? Je pourrais utiliser mes pouvoirs mais… Ça risque de causer problème. Enfin. Plus de problèmes. Je ne veux pas me ramasser avec une légion de super héros aux fesses. Alors je m’assois par terre, je prends la position du lotus et je me concentre. C’est complètement inutile, en passant, je pourrais tout régler d’un claquement de doigts. Comme Q dans Star Trek. Mais passez suffisamment de temps parmi les humains et vous avez envie d’essayer certains de leurs rituels. Je me concentre et toute la pagaille que j’ai causée prend fin.

Les personnages retournent dans leurs tableaux et les sculptures reprennent docilement leur place. Les gardes ne savent plus trop quoi faire mais la femme qui m’a plaqué contre le mur, pour sa part, semble avoir une excellente idée d’où je me trouve. Comment je le sais? Parce que je viens de me relever quand je la vois débarquer sur le toit. « Laisse-moi tranquille », que je lui dis, en reculant d’un pas, puis d’un autre et encore un autre. Je suis concentrée sur elle, pas sur le vide qui se rapproche dangereusement de moi derrière moi. Techniquement je ne suis pas en danger. Les lois de la physique ne s’appliquent pas vraiment à moi. Vos lois ne sont pas mes lois. Mais la personne en face de moi ne le sait pas et tomber à la renverse dans le vide reste une sensation particulièrement désagréable. Je n’ai jamais été fan de sensations fortes, en fait. À chacun son truc…

Pas de ceinture explosive… Carol allait relâcher la femme qui parlait très vite, quand elle entendit du bruit derrière elle… Et quelque chose s’enroula autour de son cou, la jetant au sol. Elle poussa un cri de surprise en heurtant le sol, et vit qu’un arbre avait pris vie ! Il s’animait dans un tableau présentant un paysage forestier, étirant des branches transformées en tentacules pour la tirer en arrière. Carol se débattit sur place, et réussit à trancher la branche, puis se releva. Elle vit la mystérieuse magicienne filer par des escaliers vers le toit, et entendit des détonations. Carol se déplaça rapidement dans une autre pièce, et rejoignit un couloir, où elle vit un agent de sécurité tirer sur une armure de chevalier qui s’était animée, et qui tenait entre ses mains une hallebarde.

*Putain, mais c’est quoi cette magie à la con ?!*

Carol n’aimait pas la magie. Dès que la magie s’invitait dans ses missions, tout devenait bien plus compliqué ! Elle s’élança vers l’armure, et la frappa au torse. L’armure fila en arrière, et s’explosa contre un mur. Les morceaux de l’armure tombèrent mollement sur le sol. Carol se retourna vers l’agent, afin de voir s’il allait bien, mais les différents éléments de l’armure se relevèrent alors, se mettant à vibrer sur place, et se réassemblèrent.

« Bordel !!
-  Arrêtez de tirer ! »

Mais l’agent de sécurité fit encore feu sur l’armure, les balles rebondissant contre les murs. Carol attrapa l’homme par le col, et l’éloigna.

« Ce que vous faites ne sert à rien, alors, détendez-vous ! Retrouvez les civils, et évacuez-les ! »

Carol n’avait rien compris à ce que la magicienne disait, car elle parlait vite, et Carol était occupée à vérifier l’absence d’explosifs. Mais tout cela ressemblait fort à un affreux malentendu. La justicière se déplaça encore, filant vers le toit. Le musée Guiggenheim abritait une sorte de grand hall central, d’atrium avec un long chemin en spirale partant du rez-de-chaussée au dernier étage. Elle arriva ainsi au dernier étage en quelques instants, et fila vers l’escalier de secours, aidant au passage les quelques personnes qu’elle voyait. Elle constata néanmoins, en atteignant la dernière salle, que les tableaux semblaient être revenus à la normale, et ouvrit ensuite la porte coupe-feu. Carol rejoignit le toit, formant un arc-de-cercle autour de la rotonde centrale. Elle s’envola pour rejoindre le toit de la rotonde, et son regard croisa celui de la magicienne, qui se trouvait près du rebord.

S’envolant dans les airs, Carol se rapprocha, avant de s’arrêter, voyant que la magicienne se rapprochait du rebord.

« Hey ! Faites attention à vous ! Je ne vous veux aucun mal, okay ? Détendez-vous ! »

Carol leva les mains, en signe d’apaisement, et entreprit de se rapprocher lentement.

« Vous êtes près du rebord, faites attention ! » répéta-t-elle à nouveau.

Je suis quoi? Oh… Ah si, en fait, je suis près du bord. Bon bah on ne va pas reculer alors. Ceci dit, elle en a des bonnes! Détendez-vous! On essaie de m’arrêter! On a failli me tirer dessus! On m’a accusé de choses horribles! D’un claquement de doigts, je me fais apparaitre un remontant. Un pot de Nutella et une cuillère. Bénis soit les humains, inventeurs de cette divine ambroisie chocolatée… Après avoir mangé quelques cuillérées, je me rends compte que la super héroïne se contente de me regarder. Peut-être qu’elle en veut aussi? Je fais apparaitre un autre petit pot de Nutella et une cuillère devant elle. Les deux articles flottent dans les airs en attendant qu’elle les prenne, un peu comme dans un RPG ou quelque chose du genre. Je ne suis pas méchante par nature donc… Je ne vois pas de raison de ne pas partager, en fait… Ce serait même impoli.

« Sérieusement, les humains sont bien trop prompts à sauter à des conclusions hâtives. Comment une espèce capable de faire quelque chose d’aussi génial que le Nutella peut être à ce point paranoïaque… Cela m’échappe complètement. D’une main vous créez de superbes œuvres d’art et de l’autre des armes de destruction massive. Ce paradoxe de création et d’annihilation me laissera toujours perplexe. »

Je continue à manger mon pot de Nutella tout en regardant le paysage autour de moi. Il y a toujours quelque chose à découvrir sur cette Terre. Cela fait plusieurs années que j’y vis, j’ai visité tous les pays de la carte et je continue de découvrir des choses quotidiennement. Que voulez-vous, je suis une exploratrice, une aventurière! J’aime la découverte de nouvelles choses. Et puis bon, maintenant qu’on n’essaie plus de me nuire, je suis calme et sympa. Je n’offre pas de mon précieux Nutella à n’importe qui! Je m’assois sur le rebord du toit, continuant de savourer ce délice chocolaté. En me regardant, on ne suspecterait pas que je suis une puissante déesse capable d’altérer la réalité. Et pourtant… C’est bien ce que je suis. La petite déesse au chapeau. Pensive pendant un moment de plus, je me dis que ce serait bien de faire les présentations. Non parce que…

« Moi c’est Jeannie. Et toi, tu es une super, wonder, power, bat ou c’est plus capitaine, lieutenant ou je ne sais trop? Ou alors ton nom finit en girl ou en woman? D’ailleurs je n’ai jamais compris. Vos noms de héros, vous ne les mettez pas à jour? Power Girl, tiens, une amie à moi. Clairement, elle n’est plus une girl, elle est une woman. Alors pourquoi ne pas changer de nom? Ou même des fois tiens… Poison Ivy! Un bon exemple!

Ça veut dire sumac grimpant. Ou herbe à puce, comme disent les québécois. En quoi c’est un bon nom pour une héroïne ou une criminelle? Ou… Iron Man. Le fer, c’est loin d’être le métal le plus résistant ou le plus efficace. Ou encore… Euh… L’incroyable Hulk! Ses pantalons sont incroyables, de ne jamais déchirer! Je me demande si c’est une sorte de spandex. Et quand ce sont des noms comme capitaine america! Est-ce que… Bah…

Est-ce qu’un jour ce sera général america? Ou amiral america? Parce que capitaine existe dans ces deux branches de l’armée américaine donc… Et pour armée américaine? C’est les États-Unis, vous êtes donc des états-uniens, pas des américains. Les canadiens et les mexicains sont aussi des américains, ils vivent en Amérique. En fait si on dit les Amériques, ça va du nord au sud et… Je parle trop. Encore. Je disais donc… Comment tu t’appelles? »

Carol arriva rapidement à une conclusion évidente : cette femme était une magicienne, et une sacrée pipelette ! Elle fit ainsi apparaître un pot de Nutella, qu’elle utilisa pour se détendre, en l’avalant compulsivement. Sa cuillère se plantait férocement dedans, et elle avalait de grosses lampées, avant de se calmer, et de lui demander son nom… Puis partit dans une diatribe, une longue réflexion sur les choix des pseudonymes de super-héros, et leur redondance. Un vaste sujet…

« Et bien, la plupart du temps, ce n’est pas nous qui choisissons. Ce sont les médias qui nous surnomment ainsi, et on conserve ses surnoms… Pour protéger notre identité. Tu connais le topo, non ? »

Jeannie lui avait indiqué avoir rencontré Power Girl. C’était assez surprenant ! Carol avait entendu parler de cette femme, mais elle ne l’avait jamais vu pour autant. C’était une Kryptonienne, comme Superman, et qui bénéficiait du programme de protection du SHIELD. Carol n’était toutefois pas sûre qu’une telle femme ait vraiment besoin de protection. Tout ce qu’elle disait avait pour but d’arriver à ce point final : son nom.

« Je m’appelle Carol… On me surnomme aussi Miss Marvel, mais… Ce nom ne me convient pas beaucoup. Il est lié au fait que j’étais la partenaire de Captain Marvel. »

Carol n’allait guère rentrer dans les explications, car cela reviendrait tôt ou tard à évoquer la mort de Captain Marvel, du fait de son cancer. Elle se posa sur le toit.

« Il va falloir que je dise qu’il n’y a rien à craindre… Sinon, ça va vite devenir le bordel. Et si tu me disais qui tu étais ? Tu es une magicienne, non ? Qu’est-ce que tu es venue faire ici ? »

Comment ça les médias choisissent leur nom pour eux? Quel système ridicule! Protéger son identité, d’accord… Mais laisser autrui décider à sa place? Qu’est-ce qui se passe si le surnom ne plait pas? Ils sont pris avec pour toujours? Des plans pour pousser des gens à devenir des super criminels, oui! C’est comme si vous aviez un générateur de noms de héros qui fait le choix automatiquement. Non, il doit y avoir mieux que cela. Enfin bref. Si c’est comme ça qu’ils fonctionnent et qu’ils sont contents… Tant mieux? Ceci dit, miss Marvel? Vraiment? Ça ne fait pas très héroïque. Ou menaçant. On dirait presque le nom d’une poupée pour enfant. La poupée miss Marvel, la super ménagère! Je sais, je sais, c’est cliché mais. Mais voilà. Miss Marvel. Ok. Et elle était la compagne d’un capitaine Marvel. Ah non pas compagne. Partenaire, pardon. Mais…

Partenaire dans quel sens? Il y a plusieurs définitions pour ce simple mot. Je regarde ses mains à la recherche d’un anneau de mariage. C’est ce que les humains portent quand ils sont mariés, non? Ou peut-être qu’elle ne le porte pas quand elle est dans son rôle de super héroïne? Bonne question. Oh et si vous vous posez la question, toute cette réflexion ne prend pas plus de quelques secondes, il n’y aura pas vraiment de « pause » dans la conversation. Oh non, s’il fallait que je pense à la vitesse de l’écoulement normal de votre temps, il y aurait de longs moments de silence… Ça se passe à cent à l’heure là-dedans. Donc Carol. Qui trouve que son nom de super héroïne ne lui convient pas. Je note. Et qui pense que je suis une magicienne? Ah c’est une erreur commune, c’est à cause du chapeau. En même temps… Ça fait partie du personnage. De mon personnage…

« Carol, donc. Et vous n’avez pas une sorte de bureau spécial pour changer de nom? Une administration pour les questions super héroïques? Carol. Pas Miss Marvel. On gardera les détails pour plus tard. Mais c’est Jeannie. Enfin. Ce n’est pas mon nom complet, c’est la forme qui est la plus facile à prononcer pour vous, les mortels. Je ne suis pas une magicienne, je suis une déesse venue d’une autre dimension, en fait…

Je suis une… Aventurière, on peut dire ça comme ça. J’aime visiter différents univers, dimensions, réalités, lignes temporelles, planètes, etc. Je dois avouer que je me suis attardé sur Terre bien plus que je ne le pensais. Mais comment pourrais-je ne pas vouloir rester sur la planète qui a créé cette invention de génie qu’est le Nutella? Ce, divin délice chocolaté… Qu’est-ce que je ferais sans lui? Euh bref… Je visitais l’exposition, bien sûr! »

Je dis ça comme si c’était la chose la plus évidente du monde. Je lui montre même mon billet d’entrée, dûment contrôlé et tout. Ah non mais je ne suis pas venue pour causer des ennuis hein! Tout ça à cause d’un misérable sac de chips. On m’y reprendra à avoir une fringale! Franchement, elle doit bien voir que je suis inoffensive, non? Enfin, inoffensive… J’entends le son caractéristique d’un camion de crème glacée et ni une ni deux, j’ai sauté du toit pour courir jusqu’au camion… Causant toute une commotion. Et apparemment cela choque tellement le conducteur du camion qu’il manque d’avoir un accident. Alors là ça m’étonnerait! Je fais apparaitre un matelas géant en mousse qui amortit le choc. Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à me pointer du doigt et à paniquer? Il n’y a eu ni blessé ni accident, j’ai le droit de vouloir une crème glacée, non? Qu’est-ce qu’ils ont tous aujourd’hui? C’est la journée mondiale du stress?

Une Déesse venant d’une autre dimension ?! Carol pensa instinctivement à ces rapports qu’elle avait entendu sur ces nains célestes venant d’une autre dimension et qui étaient dotés de pouvoirs immenses, capables de modifier la réalité, et qui s’intéressaient souvent aux héros : les nains de la 5[sup]ème[/sup] Dimension. Inoffensifs a priori, mais potentiellement dangereux, car ils avaient des raisonnements très enfantins, et pouvaient donc être manipulés. Carol avait même entendu dire que l’un d’entre eux, qui vouait une fascination à Superman, avait été manipulé par Le Joker pour lui donner tous ses pouvoirs, permettant au Joker de devenir « Empereur de la réalité », et de refaçonner celle-ci à l’image de sa psyché distordue et folle. Carol se disait toutefois que Jeannie n’avait pas vraiment l’apparence d’une naine. Elle se déplaça lentement, cherchant quoi lui dire, mais Jeannie se retourna alors… Et se téléporta en contrebas, s’éloignant du musée pour rejoindre un camion vendant des crèmes glacées.

*Décidément… De quoi me redonner envie de boire !*

Avant de la rejoindre, Carol descendit en contrebas, et expliqua au chef de la sécurité qu’il n’y avait aucun terroriste, aucun problème. Tout cela n’était qu’un malentendu. Les gens en profitaient naturellement pour la filmer, murmurant entre eux. Carol s’assura qu’il n’y avait plus aucun problème, puis elle se releva, et se fia aux cris environnants pour repérer « Jeannie-Catastrophe ». Elle n’eut qu’à rejoindre un autre bloc pour la voir devant un camion vendant des glaces. Des gens parlaient entre eux, formant un petit attroupement.

« Miss Marvel !
-  C’est Miss Marvel ! »

Carol les salua de la main, et se rapprocha de Jeannie, qui ne semblait pas comprendre ce qui se passait.

« Vous allez devoir vous contrôler, Jeannie ! »

Le vendeur les regardait, surpris, et Carol demanda donc une crème glacée, et tendit à Jeannie sa glace.

« Et plus de téléportations ! Vous restez avec moi, d’accord ? »

Carol s’écarta de la chaussée pour laisser le soin au vendeur, qui s’empresserait sûrement de raconter à un tabloïd qu’il avait servi Miss Marvel en lui donnant une glace (et en songeant implicitement à la qualité de son postérieur moulé dans son justaucorps), de partir. Carol s’éloigna donc, laissant le soin à Jeannie de lécher sa glace.

« Donc, vous êtes une Déesse ? Vous êtes la Déesse du Nutella, ou ce genre de choses ? »

Elle se retenait de dire « Déesse des Catastrophes », car il était probable que Jeannie n’aurait pas aimé ça…

« Déesse du Nutella, quelle splendide idée! Mais… Non. Pour faire une histoire courte, je suis la seule déesse du panthéon de mon monde d’origine donc… Je suis un peu leur déesse créatrice, désormais. Mais je les laisse tranquille, évoluer paisiblement, je n’interviens que s’ils font quelque chose de vraiment, vraiment, vraiment dangereux ou stupide. Et puis bon, étant née du Chaos, ce n’est pas facile tous les jours!

Quand j’évolue dans votre dimension, il se passe parfois des choses étranges. Pas que je veuille nuire mais je suis aisément excitable, je m’émerveille de toutes sortes de choses. Mais au moins, ça n’a jamais tué personne. Et rien qui dépasse une blessure légère, comme avec le conservateur. Très légère. Je dirais que je suis une pacifiste. Je préfère me défendre ou fuir à l’affrontement. Moins de risques de blesser quelqu’un, tu vois? »

Je mange ma crème glacée et je suis toute contente. Ah oui, je sais, l’adulescente, l’adulte avec des tendances dignes d’une gamine. Mais je vous le dis, je suis inoffensive. Juste que des fois, je ne réfléchis pas toujours avant d’agir. Nous sommes à côté de Central Park donc ce serait idiot de ne pas aller s’y promener. Et là, j’imagine qu’ils l’ont amené dans une de ces cages portatives, un gamin pleure parce que son chat est coincé dans un arbre. Pas de problème, je manipule la réalité pour que l’arbre se penche et qu’il puisse récupérer son chat. Le garçon est content. Ses parents beaucoup moins. Ça crie au monstre et ça panique. Quoi, ils ont vu le seigneur des anneaux de Peter Jackson, non? Les Ents, ce sont des arbres qui bougent et… Oh… Ce n’est pas le comportement normal d’un arbre… Désolé, que je dis, avant que l’arbre reprenne sa « position ». Mais au moins…

Le chat est sain et sauf! Je n’ai pas fait ça pour nuire, j’ai simplement voulu aider. Ou tiens, ce voleur de sacs à main qui s’enfuie, là… Non seulement, tout d’un coup, son pantalon tombe et il se prend les pieds dedans mais en plus une outarde (on les voit plus au Canada mais il y en a à Central Park) vient lui mordre les fesses. Bon, je n’avais pas prévu qu’il s’assomme contre un lampadaire mais c’est un méchant, il a ce qu’il mérite, non? Donc oui, d’accord, je crée un peu de chaos autour de moi mais c’est pour la bonne cause. Ce n’est pas mal d’aider les gens, que je sache. Et est-ce que vous allez me tenir rigueur d’avoir empêché une gamine de se noyer une conjurant un pseudo élémentaire d’eau? Sauver des vies, faire des bonnes actions, ce n’est pas ce que les gens devraient faire et… HIIIII! Encore? Un policier me met en joue avec son arme! C’est une manie!

« CAROL! SAUVE-MOI! On veut encore me transformer en fromage suisse! En passoire! Tu es témoin, tout ce que je fais c’est aider les gens, me promener dans le parc avec toi et manger ma crème glacée! Je n’ai rien fait de mal! J’ai été une gentille fille! Je me suis bien comportée! Oh et puis zut! Essaie de tirer avec ton arme, pour voir! Ah bah si, c’est beaucoup moins efficace quand je la remplace avec un bouquet de fleurs!

En voilà des manières, aussi! Pointer les gens avec une arme, comme ça, sans chercher à comprendre! Est-ce que les lunettes de soleil vous causent des problèmes de vision? Miss Marvel n’est pas assez reconnaissable dans son costume? Vous pensez qu’une super héroïne me laisserait faire du mal à quelqu’un? Oh… C’est parce que vous étiez plus occupé à loucher sur ses formes dans son costume moulant? Ou c’est parce que c’est une femme? Sexiste ET pervers! »

Une Déesse originaire d’une autre dimension où elle était la seule divinité… Soit. Il y avait bien longtemps que Carol avait ouvert son « troisième œil », et qu’elle avait accepté toutes ces bizarreries. Elle-même était en soi une bizarrerie. Mais il fallait rajouter à Jeannie une sorte d’instabilité qui l’amenait à faire tout ce qui lui passait par la tête, sans trop réfléchir aux conséquences, ou à la manière d’agir. Après l’épisode du musée et de la glace, elle les emmena à Central Park, et les téléporta toutes les deux. Surprise, Carol cligna des yeux en regardant où elle se trouvait. Le bruit des sirènes et des gyrophares autour du musée était un peu plus éloigné, et, faute de grosses explosions, les New-Yorkais vaquaient globalement à leur quotidien. Des joggeurs s’arrêtèrent devant ce curieux duo. Si elle n’était pas la plus connue des Avengers (et qu’elle n’était d’ailleurs même plus une Avenger), Carol avait pour elle une plastique aisément reconnaissable et un justaucorps moulant outrageusement sexy qui mettait en valeur ses formes somptueuses.

Jeannie nota alors la présence d’un chat coincé dans un arbre, et elle fit pencher l’arbre, l’animant sur place. L’arbre s’ébroua sur place, faisant craquer ses racines. La mère qui veillait sur son enfant défaillit en voyant l’arbre s’animer, et, même si le chat put retomber au sol (ce qui était en soi quelque chose que Carol n’avait jamais réussi à comprendre, car un chat pouvait toujours redescendre d’un arbre, sauf quelques chats idiots), l’arbre le ramena à son propriétaire légitime. Carol vit ensuite Jeannie s’éloigner, interceptant un voleur à la tire, qui poussa un hurlement en s’affalant au sol, puis quand un oiseau alla lui picorer les fesses. Jeannie vint ensuite en aide à une gamine qui avait glissé dans l’eau, et dont le père s’apprêtait à plonger pour la secourir. Un élémentaire d’Eau jaillit alors, soulevant la fille et la faisant retomber sur le père hagard, tandis que les gens commencèrent à hurler.

*Elle fout le bazar partout où elle va, nom d’un petit Hulk !*

Finalement, l’un des agents de sécurité du parc se précipita vers elle, pointant un pistolet incapacitant, que Jeannie transforma en bouquet de fleurs. Dépassée par les évènements, Carol s’interposa entre les deux.

« Tout doux, officier ! Cette femme n’est pas dangereuse !
-  Elle attaque les gens sans raison !
-  Écoutez…
-  Dégagez d’ici, sales freaks, on a pas besoin de vous ! On irait beaucoup mieux sans tous ces tarés en costume bariolé qui foutent le bordel partout ! »

Bien que populaires, les super-héros avaient aussi leurs lots de détracteurs, et toutes les critiques qu’on pouvait leur formuler n’étaient pas dénuées de fondement. Carol acquiesça, et se retourna vers Jeannie.

« Arrêtez de faire n’importe quoi, ces gens sont assez nerveux comme ça ! »

« Comment ça faire n’importe quoi? J’ai fait redescendre un chat d’un arbre, j’ai neutralisé un voleur et j’ai sauvé une gamine de la noyade! Ah oui, et j’ai empêché un enragé de la gâchette de me tirer dessus. Je n’appelle pas cela n’importe quoi, ce sont des actions faites volontairement et en toute connaissance de cause. Aider les gens. Ce n’est pas ce que les sociétés humaines préconisent, aider son prochain, tout ça?

Et vous, l’énervé de service, je ne suis pas fan des héros non plus mais sans eux, vous seriez à la merci de tous ces super criminels qu’ils combattent. Vous pensez qu’un type comme le Joker arrêterait de faire des crimes juste parce que Batman range le costume? Non! Alors montrez donc un peu de gratitude! Ah mais je sais ce que c’est. Ça se voit tout de suite. De la jalousie. Vous m’arrêtez si j’ai tort. Vous avez voulu vous joindre au SHIELD et…

Ils ont refusé votre candidature. Incapable d’accepter l’échec, vous rejetez le blâme sur autrui et votre jalousie vous pousse à prendre en grippe ceux qui peuvent sauver le monde alors que vous ne pouvez pas. Et pour vous donner de l’importance, vous brandissez votre badge d’agent de sécurité comme si c’était un badge du NYPD, en vous donnant des airs et en abusant de votre autorité. J’ai bien résumé ou… IIIIIH! CAROL!!! »

Je me cache derechef derrière Carol quand l’ingrat de service essaie de me gifler. Oui bon, j’avoue, j’ai peut-être été un peu… Méchante dans ma façon de dire les choses. Mais c’est un scénario plutôt commun, en fait. Et la façon dont il réagit confirme ce que je suspectais. Je le redis. Je ne suis pas fan des super héros. Je trouve que trop souvent, ils se donnent des droits qu’ils n’ont pas et agissent comme s’ils étaient au-dessus des lois. Ceci dit, en quelque part, je suis forcée d’admettre qu’ils sont un mal nécessaire, considérant l’état lamentable de cette planète. Un monde sans unité, rongé par un égoïsme individualiste aggravé… Et je n’ai pas encore parlé des guerres, de la famine, de la pauvreté et de la pollution. Non, vraiment, s’il y a des gens qui se portent volontaires pour faire le ménage… Ce n’est pas un luxe, on va se le dire. Bref. Peut-être que… Peut-être que…

Ce ne serait pas une mauvaise idée de quitter les lieux. Je trouve cela dommage… Mais bon. C’est joli Central Park. Contrairement au reste de cette ville au vernis de surface qui reflète la civilisation mais en vérité… Il y a énormément de laideur ici. Et par laideur j’entends, bien entendu, de l’injustice. Enfin. Mon rôle n’est certainement pas de sauver le monde. C’est le job de quelqu’un d’autre et… OH! Un vil pervers caché derrière un arbre! Il prend des photos de Carol sans demander sa permission! Il zoome sur ses fesses et sa poitrine! Vil pervers! Immonde porc lubrique! « SUS AU VICIEUX! », que je clame tout haut avant de faire apparaitre une licorne rose de combat et que je me lance à la chasse de ce malandrin. Ah ça, il ne s’attendait pas à se faire démasquer, le vil faquin! Je lui saute dessus et je fais apparaitre une paire de menottes avant de brandir triomphalement son téléphone donc mes preuves.

« Il prenait des photos de tes fesses et de ta poitrine sans ta permission et… BEURK! Je crois que je vais vomir. C’est vraiment dégueulasse comme commentaires… On peut légalement dire ça sur les réseaux sociaux? J’ose espérer qu’il se lave la bouche avec quelque chose de costaud avant de parler à sa maman. Et qu’il prend une douche aussi. C’est sale! Oh. J’imagine que ça compte comme exciter les gens nerveux, pas vrai? »

Carol s’attendait à ce que tout soit mouvementé avec Jeannie, et elle ne fut pas déçue ! Celle-ci s’interposa dans la conversation entre Carol et l’agent de sécurité. Éberlué, celui-ci regarda la magicienne sans savoir quoi dire, tandis qu’elle lui expliquait que les super-héros les protégeaient des super-vilains. L’agent de sécurité fronça les sourcils, son sang ne semblant faire qu’un tour.

« Les super-vilains ? C’est vous qui les créez ! Le Joker n’existerait pas sans Batman, vous êtes de mèche, comme l’a dit Trump ! »

Avant que Carol ne puisse dire quoi que ce soit, Jeannie sauta du coq à l’âne. Elle avait vu un type qui le photographiait, et elle s’élança sur ce dernier en générant une licorne rose.

« Jeannie ! »

Carol l’interpella, mais sans réel succès, l’intéressée venant récupérer le téléphone portable du jeune homme, et commenta ce qu’elle lisait sur les réseaux sociaux.

*Elle ne tient vraiment pas en place, celle-là !*

Miss Marvel récupéra le téléphone portable, et le rendit vers l’homme. Celui-ci était tombé sur le sol, et, médusé, récupéra le téléphone.

« Jeannie… Je t’ai dit de faire profil bas !
-  Hey ! »

L’agent de sécurité revenait à la charge.

« Vous allez arrêter de semer la pagaille, avec vos pouvoirs magiques ! »

Carol regarda Jeannie.

« Jeannie, si tu crois que j’ignore ce qui circule sur moi sur le Net, tu te fais des illusions… Nous leur faisons peur, viens ! »

Elle essayait de la convaincre de partir, mais ce n’était pas si simple…

La vitupérante Jeannie allait-elle enfin consentir à s’adoucir ? Rien n’était moins sûr ! Non seulement elle « maudit » l’agent de sécurité et le voyeur, mais elle se décida ensuite à remonter la filière du « réseau » de l’homme. Elle avait en effet découvert que le pervers faisait partie d’un réseau de distribution pornographique lié aux super-héros, et souhaitait démanteler cette organisation. Elle revêtit pour cela une forme de détective privé datant de l’ère d’Edgar Allan Poe, et expliqua à Carol qu’elle était catégorique dans son approche.

« Vous allez devoir vous calmer, Jeannie ! »

Carol commençait à s’agacer. Sa patience n’avait jamais été un point fort, et elle se planta devant elle, en essayant de lui faire entendre raison :

« Tu veux fermer un réseau de gens qui se paluchent ? Jeannie, c’est délirant ! Je te l’ai dit : je sais très bien ce que les gens pensent de moi ! Je ne porterai pas une telle tenue sinon ! Tu ne me diras pas comment m’habiller ou comment me vêtir, Jeannie, donc, tu vas arrêter tes conneries deux secondes, ou je vais devoir t’enfermer ! »

Finalement, ce qu’elle disait était un peu plus cash que ce qu’elle pensait, mais, au moins, c’était sorti.

« Si tu veux d’un pays où les hommes n’ont pas le droit de fantasmer sur les femmes des autres, et où les femmes ne doivent montrer aucun bout de peau en s’habillant derrière d’immondes tenues, je peux t’en montrer, mais ce n’est pas mon pays ! Ici, les femmes se sont battues pour avoir le droit de s’habiller comme elles veulent. Alors, si ça veut dire que je doive devenir un objet de fantasme pour des hommes, soit, ça fait partie du jeu ! J’aime l’idée qu’on me trouve belle, et je n’ai pas envie que tu me juges là-dessus, car c’est ce que tu fais indirectement ! »

Carol, qui ne savait pas trop si elle s’adressait à une adulte ou à un enfant qui aurait pris l’apparence d’un adulte, rajouta ensuite :

« La pornographie n’est pas pénalement répréhensible, donc, si tu décides de les attaquer, je serai dans l’obligation de t’arrêter. »

« Mais tu as vu où va l’argent de la vente de ces trucs! À des organisations qui n’ont rien de vertueuses ou en lien avec le respect des droits de la personne! Tu t’habilles comme tu veux, je m’en fous. Ce que je veux démanteler, c’est que des gens se font de l’argent sur votre dos, en exploitant votre image et ce sans votre permission. ÇA, ça me dérange parce que vous ne recevez pas un rond. L’argent…

Bah l’argent tu pourrais le donner à des organisations caritatives, des orphelinats, des refuges pour animaux abandonnés, qu’en sais-je! Non, c’est clair, je ne comprendrai jamais les terriens. Vous brandissez comme des slogans des valeurs de respect, de tolérance et je ne sais trop encore mais vous laissez des trafics de cette nature se produire où l’argent finance des méchants et toi tu t’en fous parce que tu peux t’habiller comme tu veux.

Pire encore, je ne comprends pas les super héros. Vous devez protéger les gens mais en vérité, vous ne faites pas TANT de choses que cela, non? Tony Stark est riche. Pourquoi il ne donne pas des millions pour régler la pauvreté dans son pays? Donner un accès à l’éducation à tous? Nettoyer toute la pollution que vous avez causé. D’accord, c’est impressionnant quand vous allez vous battre contre Brainiac, Thanos, Galactus, etc.

Mais les problèmes endémiques de vos sociétés, pourquoi vous n’y touchez pas? Vous êtes des défenseurs de la justice, les protecteurs des faibles… Et si ce n’est pas assez flashy pour les médias, c’est comme si ce n’était pas ou plus important. Mais bon. D’accord. La super héroïne que tu es me dit que tout va bien dans le meilleur des mondes. Alors je vais faire comme le gros de vos populations : rien. L’apathie! Le désintérêt! »

Évidemment que je suis furieuse! Encore une super héroïne qui ne veut rien faire! Et que les fonds s’en aillent au KKK, qu’est-ce que ça change? Ce n’est pas Thanos, ça ne fera pas la une des journaux!  Ça lui permet de s’habiller comme elle veut! Les pires immondices peuvent être écrites, des personnes réelles salies par ces choses dégoûtantes mais personne ne fait rien! Où est le gros bon sens, je vous le demande parce que vraiment, on dirait que c’est devenu une denrée rare! Je me dirige vers la rue, laissant Carol derrière moi. Mais non, je ne la plante pas là, je vais juste ventiler un moment, c’est tout. La paix intérieure, tout ça… Bon j’aurais préféré l’air de Central Park mais on fera avec. Alors que je suis en train de prendre une grande respiration, un van s’arrête devant moi. Non, littéralement devant moi. Comme si quelqu’un venait me chercher. Euh…

Je me tourne vers Carol pour lui demander si elle a commandé un Uber, truc du genre quand la porte coulissante du véhicule s’ouvre et que deux types me sautent dessus avant de me jeter dans le van. J’ai à peine le temps de lâcher un « HIIIII! » strident que me voilà embarquée. Un des types me dit qu’il était au musée et que j’ai foutu leur plan de vol en l’air mais que j’ai l’air d’avoir des pouvoirs et d’être relativement inoffensive. Ce que je confirme : je ne ferais pas de mal à une mouche! Ce qui les fait rire en disant que maintenant, ils vont utiliser mes pouvoirs pour leurs crimes. Je leur fais remarquer qu’il y a une faille dans leur plan. Ils me demandent laquelle. J’explique qu’en fait… Euh… J’étais à Central Park avec Miss Marvel… Et qu’avec le cri strident que j’ai lâché… Voilà quoi. Bon d’accord. La pauvre Carol est prise dans les improbabilités qui passent leur temps à m’entourer. Mais… Elle ne m’abandonnerait pas aux mains de kidnappeurs quand même…

Enfin… J’espère…

Jeannie lui reprocha de ne finalement pas faire grand-chose. Carol commença à voir rouge, et croisa les bras, ayant de plus en plus le sentiment troublant de parler à un enfant. Elle songea alors qu’il existait un super-héros comme ça… Un enfant qui, en prononçant une formule magique, devenait alors un super-héros très puissant. Carol se souvenait plutôt bien de cette histoire, car le surnom qu’on avait attribué à cet héros, Captain Marvel, était le même que le sien, ce qui avait curieusement et ironiquement posé des problèmes juridiques au niveau du merchandising.

« Alors, pour commencer, je ne suis pas devenue une super-héroïne pour me faire de l’argent… Mais, si ça t’intéresse, les Vengeurs disposent de leur propre entreprise, et les produits dérivés que nous vendons servent effectivement à financer des associations diverses et variées. Ensuite, en ce qui concerne Tony Stark, je ne suis pas responsable de son argent, ou de la façon dont les milliardaires utilisent leurs fonds. Quoi qu’il en soit… »

Carol ne put finir, car Jeannie lui tourna alors le dos, et s’éloigna.

« Hey ? Qu’est-ce que vous faites ? Revenez ! »

Mais était-elle prête à revenir ? Carol grommela, et ferma les yeux, en s’appuyant contre un mur. Des piétons qui se rapprochaient la pointèrent du doigt, la photographiant ensuite. Carol soupira, puis s’envola en l’air, et récupéra son téléphone. Elle n’était plus un membre officiel des Vengeurs, mais une réserviste. Elle avait reçu plusieurs messages de Tony, ainsi que de Steve, et répondit à Steve, lui expliquant qu’il n’y avait aucune menace au musée, et qu’une magicienne excentrique était à l’origine de tout ce bazar. Elle ignorait de qui il s’agissait, et elle n’avait aucune photographie. Steve ne tarda pas à lui répondre, lui demandant de retrouver cette femme, et de la conduire au manoir.

*Sir, Yes, Sir ! maugréa Carol dans sa tête. Mais où est-elle passée ?*

Dans la mesure où elle pouvait se téléporter, il n’allait pas être aisé de la retrouver. Carol regarda les rues adjacentes, essayant d’entendre des cris ou des hurlements de piétons. Elle entendit alors un cri et plusieurs autres, et, en descendant, vit un van qui brûlait le feu rouge, s’enfonçant dans une rue. Carol se rapprocha rapidement, et entendit des gens parler :

« Vous avez vu ? Ils ont kidnappé cette fille !
-  Que quelqu’un appelle la police ! »

Carol s’élança alors vers le van, le voyant filer rapidement sur une artère. L’énergie brûlait autour d’elle, la faisant ressembler à une torche humaine. Elle visualisa le van, et continua à s’élancer vers ce dernier. Elle allait l’éteindre quand une trappe au sommet du van s’ouvrit, libérant un canon qui pivota vers Carol, et lui tira dessus.

« Merde ! »

Le tir frappa Carol en pleine course, et la déstabilisa. Elle tomba au sol, et heurta le toit d’un camion, ; rebondissant sur le trottoir, où elle se mit à rouler sur plusieurs mètres, terminant douloureusement sa course contre un mur.

Dans une ville comme New York City, de nos jours, même les braqueurs les plus secondaires disposaient d’armes de pointe. Carol se releva lentement. Elle était surtout sonnée, et vit les piétons autour d’elle, inquiets, ou la filmant.

« Restez à l’abri ! »

La jeune héroïne se catapulta dans les airs, se disant qu’il ne serait pas trop difficile de pister le van… Et ce ne le fut pas. La raison principale fut que le van s’était, pour une raison inconnue, transformé en une énorme boule de neige qui déboulait dans une avenue, et qui s’explosa à un virage. Elle heurta un trottoir, s’envola sur quelques centimètres, et heurta la façade d’un immeuble, où elle explosa. La boule se transforma en une série de flocons, et Carol, en se rapprochant, vit que les braqueurs avaient été transformés en lutins de Noël. Immobiles, ils fixaient de leurs yeux écarquillés ce qui se passait, tandis que Jeannie rayonnait sur place, amusée par la situation. Surprise, Carol contemplait cette femme, également effrayée par la facilité avec laquelle elle transformait tout ce qui l’entourait.

*Je me demande si elle n’a pas provoqué inconsciemment cette attaque…*

Cette femme avait visiblement envie de se faire remarquer ! Carol se posa à côté d’elle.

« Je suppose que c’est vous qui avez transformé le van en boule de neige ? »

Carol observa les lutins.

« Vous êtes très forte. Vous pouvez leur rendre leur apparence normale ? La police aura très envie de les interroger. »

Pour l’heure, la super-héroïne ne savait pas vraiment sur quel pied danser avec cette femme. Jeannie était indéniablement atypique, et Carol avait la nette impression qu’elle n’était pas encore au bout de ses surprises avec elle !

« CAROL! Oh j’espère que tu vas bien! Où étais-tu passée? Un instant nous sortions de Central Park et tout d’un coup, je me retrouve kidnappée par ces vils braqueurs de musée! J’ai eu si peur! Et tu es venue à ma rescousse! Et je… Oh. OH… Ah oui, forcément… J’ai oublié de mettre un socle! Ha ha ha! Forcément que ça s’est mis à rouler tout seul et… Oui, je peux le rendre leur apparence normale! »

D’un claquement de doigts, je redonne apparence humaine à tout ce beau monde pour que la police puisse venir les arrêter. Ils sont bien trop sous le choc pour tenter de fuir. Pour ma part, je me jette dans les bras de Carol. J’ai eu si peur! Moi, enlevée par des méchants! On me dira : mais Jeannie, enfin, ils n’étaient pas en mesure de te faire mal! C’est le principe! Je suis quelqu’un qui aime les choses positives. Un enlèvement est complètement à l’opposé de tout cela! Ces vils voleurs en van étaient prêts à me violenter pour forcer ma coopération! Alors que je ne les connais même pas! Et je leur ai encore moins fait quelque chose! Sur ce point je ne suis pas différente d’une civile ordinaire. Et après que l’adrénaline soit redescendue, je sanglote contre la blonde parce que j’ai eu très peur. Adulescente est un terme qu’on utilise souvent pour me décrire donc… Voilà.

Je n’ai jamais été, et je ne le serai sans doute jamais, faite pour l’action ou pour ce genre de situations. J’aime ma petite vie paisible agrémentée de loufoqueries. Je n’aime pas me retrouver en danger même si, techniquement, je n’ai jamais été réellement en danger. C’est le principe. Pour vous, c’est peut-être vide de sens. Mais pas pour moi. Je ne suis pas habituée à me retrouver dans ce genre de situation. On peut vivre des millénaires et avoir été peu exposé à ce genre d’incidents. Normal, en fait, considérant que je cherche activement à ne pas me retrouver dans ce genre de scénario. Je sèche mes larmes avant de faire un sourire un peu tremblant à Carol. Je viens pour ajouter quelque chose quand des flocons de neige de la boule à neige géante brisée viennent me chatouiller le nez. ATCHOUM! Et voilà, j’ai éternué et… Oh non. Carol ne sera définitivement pas contente.

Voyez-vous, chaos oblige, parfois, quand j’éternue ou que j’ai une réaction qu’on va dire non contrôlée, de l’énergie résiduelle de mes pouvoirs se manifeste et vient altérer la réalité. Là… Au strict minimum tout ce qui nous entoure se retrouve converti en village de Noël… Et Carol se retrouve déguisée en mère Noël sexy plutôt que d’avoir son costume de super héroïne. En tout cas, la neige qui tombe, les décorations de Noël, tout ça… C’est très festif donc c’est… Bien? Je peux tout arranger, ne vous en faites pas. Je veux dire… Je suis la petite déesse au chapeau, pas vrai? Donnez-moi quelques secondes le temps d’identifier ce qui a mené à tout ceci et je m’en occupe. Mais ne venez pas briser ma concentration, sinon ça pourrait être pire. Bon. Je suis pas mal certaine d’avoir trouvé d’où c’est parti! Trivial, quand on y pense mais… Il faut bien commencer par identifier la cause!

« Alors tu vas rire mais… C’était complètement accidentel! En fait, quand j’ai éternué, les particules résiduelles de… Bref, c’est sans importance, je peux tout arranger, tout remettre en ordre. À moins que tu veuilles profiter un peu de toute cette neige? Oh et désolée pour le costume… Quoi que cette tenue de mère Noël sexy te va à ravir! Je serais presque jalouse, j’aimerais avoir les courbes pour remplir un tel costume! »

Carol constata avec soulagement que Jeannie pouvait rendre aux criminels leur apparence normale. Elle se jeta ensuite dans les bras de Carol, qui, un peu surprise, mit quelques instants avant de lui répondre. Elle l’enlaça à son tour, et lui tapota la tête, guère convaincue toutefois que Jeannie ait un jour été en danger. Plus le temps passait, et plus elle avait l’intime conviction d’être dans la peau de Superman avec ce lutin de la Cinquième Dimension, Mr. Mxyztplk, qui altérait la réalité, parfois sans le vouloir, créant finalement plus de catastrophes qu’autre chose. Jeannie, soulagée, transforma alors involontairement le quartier en village de Noël. La neige se mit à tomber du ciel, tout en recouvrant les rues. Carol elle-même se retrouva affublée d’une robe rouge seyante avec un bonnet rouge, et vit des sapins se former ici et là. Les immeubles n’avaient pas trop été impactées, et les habitants, médusés, contemplaient les changements. Jeannie lui expliqua alors, confuse, qu’elle ne contrôlait pas trop ses pouvoirs.

« Ça, j’ai pu le constater… »

Cela confirmait sa théorie latente, à savoir que Jeannie devait involontairement provoquer les désastres alentour. Ce n’était plus Mr Mxyztplk, mais davantage Sentry, ce super-héros schizophrène. Les actions positives qu’il faisait étaient contrebalancées par une version maléfique de lui-même, The Void. Docteur Jekyll et Mister Hyde… Cela semblait aussi valoir pour Jeannie, même si elle n’avait pas intériorisé ses mauvaises pensées sous une autre personnalité… Du moins, à la connaissance de Carol. Elle aurait sans doute révisé son jugement en apprenant que Jeannie avait effectivement conçu d’autres personnalités, indépendantes d’elle.

Elle posa ses mains sur les épaules de Jeannie, faisant fi de ses commentaires sur sa beauté.

« Jeannie, il faut que tu te contrôles ! »

Carol se racla la gorge.

« Tu vas t’attirer des ennuis, à force ! »

Carol était passée très rapidement du vouvoiement au tutoiement, un changement sans doute lié au commentaire de Jeannie sur ses courbes… Ou une tentative de se rapprocher d’elle, de pouvoir obtenir d’elle que Jeannie se contrôle. Miss Marvel attendit que les choses se rétablissent, et, devant les gens inquiets et nerveux, elle s’envola avec Jeannie, s’éloignant un peu de la zone, laissant les kidnappeurs entre les mains des policiers. Elles se rapprochèrent d’un toit-terrasse fort heureusement vide, et Carol s’y posa lentement.

« Qu’est-ce que tu es, exactement ? Tu viens de quel panthéon divin ? »

Jeannie lui avait expliqué tantôt qu’elle était une Déesse, mais Carol n’en savait guère plus, à vrai dire…