The Multiversity

Depuis leur retour de ses étonnantes petites vacances à Novac, Tessou et Kara s'étaient un peu plus rapprochée. Que ce soit d'avoir passé quelques jours en étant inséparable ou bien le fait que Tessou s'était un peu... lâchée, Kara était en tous cas plus présente dans sa vie. Même si avant cela, elle était très présente, elle avait quand même autre chose à faire dans la vie que d'aider Tessou. Outre sauver le monde, elle avait des amis elle aussi, des collègues, un travail, mais même sans renier tout cela, la belle blonde était plus souvent là le soir pour dormir à ses côtés et présente aussi au réveil. Même si elle s'envolait parfois mettre une ou deux mandales à quelques bandits dans le coin, Tessou voyait rarement son absence et dans le pire des cas, elle revenait vite. Elle avait de la chance qu'aucun gros méchant que Kara à pu décrire ne se soit approcher de la Terre.

Mais depuis quelque temps, Tessou était plus distraite, la tête ailleurs, moins souriante, inquiète. Venant d'elle, ça pouvait être un rien. Kyoko qui n'a pas fait de sieste, qui se réveil moins la nuit, des inquiétudes futiles quoi. Mais là, ce n'était pas ça qui la turlupinait, elle avait un souci qui lui pesait et ce n'était pas le genre de choses qui passait en une journée. Par "chance", Kara était très occupée en ce moment et elle ne l'avait pas vue comme ça ou rapidement et Tessou masquait ça sur une mauvaise journée ou un petit mal de tête. Il n'en était rien. Elle n'était pas du genre à mentir, mais là, elle savait que c'était le genre de problème qu'elle seule pouvait régler, ce n'était pas un câlin, une balade dans le ciel ou autre qui allait régler ça. Plus le temps passait et plus elle se rapprochait de cette date. Une date ô combien importante que toute mère était impatiente de fêter. Elle avait d'ailleurs préparé aussi cela de son côté.

Car oui, demain, Kyoko aura un an. Un an que ce bébé grandis et fait le bonheur de sa maman. Kara était bien entendue au courant, elle avait vu Tessou préparer ça de son côté, non pas que ce petit bout ait une fête grandiose, ça restait un bébé encore, mais il y aura au moins sa famille. Les grands-parents de Kyoko, ses tantes, Kara. La seule personne en dehors de sa famille qui sera là, ainsi que sa supérieure. Une femme qui avait de la poigne et qui veillait sur elle au travail. Elle connaissait bien Tessou et Ryota auparavant donc, elle pouvait comprendre les absences de Tessou parfois. Mais pour en revenir à la jeune maman, justement, l'anniversaire de sa fille était aussi l'anniversaire de la mort du père de la petite. Et c'était ça qui la hantait. Comment aborder la joie pour sa fille et la peine qu'elle se traînait toujours malgré ses sourires ? Oui, Kara était importante dans sa vie, même pour Kyoko, mais ce serait mentir que de dire que Tessou ne pensait plus à son ancien partenaire. Kyoko aurait du vivre avec ses deux parents et plus d'une fois en une année, elle a failli se retrouver orpheline.

Le programme était pourtant tracé, le matin, la famille ira se rendre sur la tombe de Ryota pour lui rendre hommage et l'après-midi sera consacré à sa fille. Tessou avait peur de demain. Craqué ? Cela ne lui était pas arrivée depuis longtemps, mais elle pressentait que cela risquait de survenir. Elle aura aussi sûrement droit aux remarques de sa famille pour qu'elle trouve un travail moins dangereux ou pour faire en sorte de garder Kyoko plus souvent. C'était normal pour des grands-parents de vouloir ce genre de choses, mais Tessou ne voulait pas abuser de leur gentillesse, surtout qu'ils n'étaient pas tous jeunes. Elle acceptait le geste aimable qui lui était tendue, mais elle refusait d'en abuser. Même envers sa petite sœur, maintenant que Kara était plus souvent ici, elle la libérait plus souvent pour qu'elle se concentre sur ses études plutôt que veiller sur sa fille. Ayant fini de dîner, seule avec sa fille, elle venait de la coucher avant de s'assoire sur la chaise à bascule dans la chambre de Kyoko qui servait souvent quand elle devait lui donner le biberon en pleine nuit ou comme là, dans ses moments de doutes et d'angoisse, restant près de sa fille. Veillant sur elle, comme le ferait toute maman.

L’accident fit d’elle une star nationale.

Le Shinkansen était réputé pour être le train le plus rapide du monde, un train à très grande vitesse circulant sur des rames spéciales, les rames Hayabusa. Yoake était le terminus d’une ligne qui partait depuis Kyoko, la capitale préfectorale, et était régulièrement empruntée par beaucoup d’utilisateurs. Ce soir, le train connut un problème imprévu : un déraillement. Un déraillement purement accidentel, lié à la présence de l’effondrement d’une petite colline à côté suite à un fort épisode pluvieux, ayant provoqué l’apparition d’un petit talus de boue et de terre sur la voie. Le Shinkansen, qui filait à plus de 300 kilomètres/heure en début de soirée, heurta alors le talus, et commença à tanguer sur place, tout en se rapprochant d’un long virage.

À l’intérieur du train, les passagers sentirent les vibrations, et commencèrent à hurler. Le Shinkansen était une fierté nationale japonaise, et le pays avait, en 2005, connu une grave crise quand un train avait déraillé à Amagasaki, provoquant plus d’une centaine de morts et des centaines de blessés, car le conducteur du train, pour éviter de devoir payer des pénalités de retard, avait poussé le train à fond. Depuis lors, le Shinkansen disposait d’un système de ralentissement automatique, mais, même malgré ça, le train filait à toute allure vers une voie mortelle.

Aucun secours n’aurait pu arrêter le train, aucune personne n’aurait pu arriver assez vite. Quand le Shinkansen commença à dérailler, une alarme s’enclencha, et cette alarme fut perçue par l’oreille d’une jeune femme, une jeune femme qui flottait dans les airs, menant ce qu’elle appelait son tour de ronde. Se déplaçant à une vitesse supersonique, elle s’approcha de la campagne, et constata, avec horreur, que le train filait vers une mort certaine, avec un risque de dégringoler des hauteurs, et de tomber dans l’eau.

*Oh non !*

N’écoutant que son courage, Supergirl s’envola le long du train. Des hommes d’affaires revenant du travail, des étudiants, des femmes, des enfants… Face à l’imminence de ce drame, elle arriva à hauteur de l’embranchement, et planta ses pieds dans le sol, puis frappa ses poings entre eux, comme pour se donner du courage.

*Kara, tu es folle !*

En hurlant à toute allure, le train filait vers elle, prête à la pulvériser sur place. Elle tendit alors ses mains, en bandant ses muscles… Et le train la percuta de plein fouet. Elle sentit ses muscles la déchirer, et ses pieds s’enfoncèrent dans le sol. Ses doigts serrèrent la carlingue du train, et Kara soupira longuement, pinçant les dents. Elle recula dans la forêt, sentit plusieurs branches la fouetter dans son dos, tandis que le train continuait à la pousser dans le vide.

*Tiens bon, Kara, tu ne dois pas lâcher !!*

Le train la poussait avec rage, et elle ne sentit finalement même plus le sol au-dessus d’elle. Le train venait de basculer dans le vide, et elle tomba avec. Supergirl maintint le train à bout de bras, sentant la gravité l’attirer vers la mer, et surtout vers une série de récifs. Puis, lentement, le train ralentissait, jusqu’à être suspendu dans les airs. C’est à ce moment qu’elle réalisa que le pilote, médusé, avait eu la présence d’esprit de… Sortir son téléphone portable pour la filmer.

Supergirl sourit alors brièvement, et commença à repousser le train. Petit à petit, les quelques wagons qui avaient basculé dans le vide retrouvèrent la terre ferme, et elle continua à repousser le train, jusqu’à ce qu’il n’y ait plu aucun risque. Éreintée, Kara se posa ensuite sur le sol, et vit petit à petit les portes s’ouvrir, libérant des passagers estomaqués, qui la regardèrent comme une sorte de sainte, ou de kami venue du ciel pour les sauver.

« Supergirl…
-  C’est Supergirl !
-  Supergirl ! »

Elle les salua, leur demandant surtout s’ils allaient bien. Certains enfants se mirent à pleurer spontanément en la voyant, et se ruèrent dans ses bras, surprenant la Kryptonienne, qui leur rendit leurs câlins.

Puis ce fut ensuite au tour du pilote de sortir. Hébété, celui-ci ne put que remercier à plusieurs Kara. Le pilote était secoué, et Kara resta encore un peu avec eux.

De ce fait, elle arriva en retard pour sa soirée avec Tessou, et elle espérait bien que celle-ci verrait la télévision pour comprendre les raisons de son retard.

Pour compenser, et tandis que les chaînes nationales et même étrangères commentaient cet exploit, et que les vidéos des passagers montrant l’intervention de Supergirl devenaient virales sur Internet, elle se rapprocha à toute allure de l’appartement de Tessou, et, fidèle à elle-même toqua à la porte… De se terrasse ! Quand Tessou vint lui ouvrir, Kara lui sourit alors, et la serra dans ses bras en l’embrassant.

« Bonsoir, Tessou… Désolée d’être arrivée en retard, je… »

N’entendant pas le son du téléviseur, elle rajouta rapidement, en rougissant doucement, faisant preuve d’une humilité d’autant plus impressionnante qu’elle était en train d’acquérir le statut de héroïne nationale.

« …J’ai empêché un train de dérailler, ça a un pris un peu de temps. »

Elle savait que Tessou approchait du jour difficile, qui avait lieu demain, et elle lui avait promis de venir la voir la veille, pour l’aider, et pour l’accompagner dans ce double anniversaire qui s’annonçait…

Seule avec sa fille, Tessou l'observait sans penser à rien, elle ne voulait pas se mettre à réfléchir, car elle saurait que ses pensées seront forcément dirigées vers un seul chemin. Elle ne savait pas combien de temps elle était rester assise à observer son bébé dormir. Dix minutes ? Une heure ? Elle n'avait pas compté, mais ce fut l'arrivée de Kara qui la tira de sa position. Elle retourna dans le salon pour aller lui ouvrir la porte du balcon, voyant la belle blonde enfin arrivée. Non pas qu'elle avait contempler l'heure pour savoir quand elle arrivait, mais les venues de Kara chez elle était de plus en plus fréquente après tout. Au moins, son excuse était valable et elle de toute façon, Tessou avait confiance en elle. Elle lui lançait un sourire, quelque peu forcé, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir de sauver des vies après tout. Elle était heureuse pour ça, mais forcément, en ce moment, elle n'avait pas le sourire facile.

« Mon héroïne... »

Elle allait la prendre dans ses bras, elle se devait de la félicité après tout. La tête sur son son épaule, elle s'en voulait, elle s'en voulait que ce contact qui d'ordinaire lui faisait tant de bien ne suffise pas à chasser ses pensées. Elle aurait espéré que la venue de Kara aurait suffi à l’apaiser, ne serait-ce qu'un peu, mais c'était apparemment trop demander. Ce double anniversaire qu'était le lendemain lui bouffait trop le cerveau. Elle ne savait pas comment se réjouir de la première année de voie de sa fille, la chose à laquelle Tessou tenait le plus au monde, mais aussi la perte de celui qui aurait fini par devenir son mari, le père de sa fille. Avec le temps, elle finirait pas savoir gérer cela, mais pour le moment, c'était sa première fois et elle n'avait plus la force de sourire et de dire que tout allait bien. Les six premiers mois ont été un enfer pour elle, se terrant chez elle à toujours être avec sa fille, veillant sur elle comme si la peur de la lâcher des yeux la ferait disparaître de sa vie. Une chance que sa famille était là pour la soutenir. Reprendre le travail lui a permis de se changer les idées même si tout n'a pas été rose...

La Duchesse, rien que ce nom la faisait trembler, c'est comme si ses cicatrices sur son corps étaient à nouveau sanguinolentes rien qu'en y repensant. Yoake avait beau être « libéré » d'elle, Tessou ne sera rassuré que lorsqu'elle verra son cadavre sur une table dans une morgue, le corps ouvert en Y, là, elle pourra tourner cette page, car Kara avait beau être là, elle avait peur pour elle, mais surtout pour Kyoko... Après ça, il y a eu l'infiltration dans cet hôtel pour stopper des Yakuzas, cela avait tourné au vinaigre bien que Kara ait rectifié le tir, ça n'avait pas tout arrangée même si finalement, la mission a été réussie. Puis il y a eut cette fille amnésique, Mélinda Warren. Rien de bien spécial si ce n'est qu'elle et sa famille ont été pris en chasse par des vampires, car elle tentait de protéger cette jeune fille. Bien que ce soit le plus loufoque, c'était aussi la moins grave aux yeux de Tessou. Il faut dire qu'en ayant Kara à ses côtés, la situation avait nettement moins été grave. Et plus récemment, il y a eut ses vacances sur cet autre monde, à Novac. De bons souvenirs pour elles, Kyoko avait bien profité de la mer, Tessou s'était détendue un peu, un peu trop le premier soir si bien qu'elle en avait encore honte, mais cela avait au moins ravi Kara. Et si le retour à la maison aurait pu continuer sur cette lancée, l'approche de cette date avait brisé en elle. Ses espoirs, tout ça...

« Il me reste un peu de curry, je t'en ai gardé. Tu veux que j'aille te réchauffer tout ça ? »

Affichant toujours un faux sourire, elle cherchait malgré tout à garder la tête froide et à faire son travail, à assurer. Mais Tessou n'était pas un bloc de diamant, elle se fissurait de plus en plus, même si elle ne voulait pas le montrer. Elle se plaisait malgré tout à continuer de jouer son rôle de petite mère banale, elle espérait que demain se passerait bien, qu'elle stressait beaucoup, mais pour rien. Ce sera de passer cette date qui sera sûrement le plus difficile. Sa famille viendrait, Kyoko verra tout le monde. Si eux, parvenaient à bien doser deuil et joie, elle devait en faire autant, pour ne pas offrir de mauvais souvenirs à sa fille. Même si à cet âge-là, elle ne s'en souviendra pas, Tessou, si. Kara était là pour la soutenir, le mieux qu'elle puisse faire était de lui montrer qu'elle tentait de garder le sourire.

Kara avait toujours son costume, elle n’avait pas eu le temps de se changer, mais cela ne semblait pas déranger Tessou. Elle avait après tout d’autres soucis. Ce double anniversaire était très difficile pour Tessou, car elle était à la fois ravie de célébrer la naissance de Kyoko, mais aussi triste de commémorer celle de Ryota. Son défunt époux avait été tué lors d'un accident de la circulation, puis Tessou avait été séquestrée et meurtrie par une psychopathe, la Duchesse, une tueuse qui avait sévi à Yoake il y a quelques mois. Elle avait finalement tenté d’attaquer un hôpital, et avait combattu Batgirl, puis avait été tuée… Même si son corps n’avait pas pu être retrouvé, emporté dans les torrents des égouts. Kara s’était déjà rendue là. Avec sa vision spéciale, elle avait tenté de retrouver le cadavre de la Duchesse, mais les courants menaient dans des grottes, dans des nappes phréatiques profondes. Impossible de trouver quoi que ce soit, surtout après tant de mois. Or, comme le disait le vieux dicton, tant qu’il n’y avait pas de corps…

De fait, Tessou restait toujours aussi nerveuse, voire paranoïaque. Quand ses voisins criaient trop fort, qu’il y avait un bruit inattendu dans l’escalier, elle pouvait se raidir sur place. Même la présence de Supergirl ne la calmait qu’à moitié. Quand elles dormaient ensemble, Kara sentait bien que le corps de Tessou se crispait au cours de la nuit, s’agitant à cause des mauvais rêves qu’elle faisait. Ceci étant dit, la jeune femme se calmait progressivement. Plus le temps passait, et moins elle avait de cauchemars. Plus le temps passait, et plus elle acceptait l’idée que Ryota était mort, et que sa mort n’était pas le crépuscule de sa vie.

Et puis, il y avait eu cette séance au Paradisio Hotel. Kara savait que Tessou avait rencontré Mélinda Warren, qu’elle l’avait protégé d’une amnésie temporaire, et que Mélinda l’avait remercié à sa façon. Kara connaissait les rumeurs au sujet de Mélinda, de son manoir, et elle avait déjà espionné celui-ci. L’endroit était un temple de luxure. Derrière ses murs élégants, les personnes à l’intérieur menaient une vie d’opulence et de luxure, mais avec une discipline de fer. Plus tard, Kara envisageait d’y conduire Tessou… Suite à leur séance au Paradisio Hotel de Novac, cette possibilité était devenue de plus en plus probable.

Tessou lui proposa un peu de curry, et Kara acquiesça.

« Je veux bien, oui. »

Kara, de son côté, fila dans la chambre de Kyoko. La jeune enfant dormait paisiblement dans son berceau. Elle avait plusieurs peluches, dont une poupée à l’effigie de Supergirl, qui était tenue dans le creux de son bras. Kara sourit brièvement, tout en pensant à sa rencontre récente… Une Kyoko venue d’un futur alternatif s’était présentée à elle. Un futur alternatif où Tessou était morte, et où Kara avait élevé Kyoko, puis était devenue son amante, dans des circonstances assez confuses. Kara soupira lentement, puis caressa délicatement le visage de Kyoko. La petite remua doucement, puis Kara sortit.

Elle referma la porte derrière elle, et rejoignit rapidement le coin cuisine. Elle se lova dans le dos de Tessou, caressant ses hanches, et l’embrassa dans le creux du cou.

« Tessou… Nous irons demain au cimetière, n’est-ce pas ? »

Elle resta lovée contre elle.

« Je ne raterai ça pour rien au monde »

Un autre changement que Kara avait noté était la disparition progressive des photos de Ryota, au profit de photos d’elle et de Kara. Une photo dans le salon montrait ainsi Kara tirant la langue, sous le regard hilare de Kyoko, une autre où Kara faisait mine de jeter Kyoko dans les airs. De fait, la petite adorait que Kara la secoue dans tous les sens.

« Et, tôt ou tard, il faudra aussi qu’on accepte les invitations de Mélinda. Je crois qu’elle adorerait assister à l’anniversaire de Kyoko, tu sais. Quand elle était ici, le courant est plutôt bien passé entre elle et Kyoko, non ? »

Penser à Ryota, honorer les morts, oui…

…Mais il fallait également penser aux vivants !

Elle ne pouvait pas y échapper. Ce n'était pas un rendez-vous pour boire un café ou une dent qui lui faisait mal, c'est le genre de chose qui arrive et qu'on est obligé de prendre en pleine tête. Tessou avait déjà acheté quelques cadeaux pour sa fille, ses grand-parents en avaient fait autant pour leur petite fille et il ne serait pas étonnant que ses tantes en ai fait de même. Mais derrière les sourires se cachait aussi la perte de Ryota, le seul homme qu'elle a aimé, avec qui elle se sentait en sécurité et si complice. Non pas qu'ils formaient un super duo de policier digne d'une série américaine, mais tout les deux faisaient bien leur devoir pour Yoake. Tout était parfait dans sa vie, même lorsqu'elle perdis les eaux, Ryota terminait son service et se hâtait de rejoindre sa femme et son futur bébé. Il allait devenir papa. Et un banal accident de la route l'a privée de ça. Sa vie s'était arrêté, Kyoko n'aura même pas eu la chance de connaître son père, d'être pris entre ses bras. On avait averti Tessou une fois réveillé après l'accouchement et forcément, elle était dévasté. Même si sa famille restait proche, c'était dur...

Les mois qui ont suivi, elle restait cloîtrée chez elle avec Kyoko, refusant presque de lâcher son bébé, de peur de la perdre elle aussi. Malgré les gestes de sa famille, elle mit du temps à s'y faire, à reprendre goût à tout cela. Après bien des aventures suite à son retour au travail dont notamment sa rencontre avec la Duchesse, Kara était arrivée comme une lueur d'espoir. Drôle, belle, intelligente, Kyoko l'adorait et elle ne pouvait pas dire le contraire la concernant. Elles n'étaient pas ensemble, juste... des amies... C'est sûrement ce qu'elle espérait se dire. Elle avait du mal à « tromper » Ryota même si de leur vivant, elle a toujours dit qu'il serait le seul homme de sa vie, lui de même, elle sera la seule femme de sa vie. Donc techniquement, ça ne lui faisait rien qu'elle soit avec elle ? Dans le cas contraire, elle ne pourrait pas lui en vouloir d'avoir une relation homosexuelle avec un type ? Outre cette promesse, il y avait la famille... Kara a sauvé Tessou plus d'une fois, les Yakuzas de leur rencontre, les vampires au parc, Tessou lui devait la vie, tout comme Kyoko. Mais les relations homosexuelles étaient encore un sujet à part au Japon...

Qui sait, ses parents pourraient bien le prendre, mais elle craignait surtout la réaction de la famille de Ryota. Si ça venait à se savoir, comment le prendraient-ils ? Ses belles-sœurs pourraient ne pas être contre, elles étaient jeunes, elles avaient sûrement des amies dans cette situation ? Mais les parents étaient forcément plus vieux-jeu... Enfin, un problème à la fois. Tessou quittait ses pensées en sentant Kara se blottir dans son dos, baisant son cou pendant qu'elle remuait le curry pour ne pas qu'il colle. Face à sa question, elle ne répondit que par un signe de tête. Demain matin, ils iraient là-bas, elle y emmena Kyoko aussi, il y aura sûrement ses parents et sa belle-famille qu'elle pourrait croiser. En tout cas, l'anniversaire de Kyoko se passerait chez la famille de Ryota, la petite était plus souvent auprès de ses parents que son autre famille donc elle voulait que ce soit plus équitable. Bien entendu, sa famille sera là aussi. Sa petite sœur et ses parents. Et Kara. Personne ne savait pour Kara, pour son rôle de super-héroïne ni leur relation, même pour sa sœur, Kara n'était que sa remplaçante, afin qu'elle puisse mieux se concentrer sur ses études. Une baby-sitter, rien de plus... Pas le job le plus honorifique qui soit mais au moins sa justifiait son rôle près de Kyoko et sa présence à son anniversaire.

« Oui, je sais, mais... ce n'est pas un peu tardif ? Son anniversaire est demain et... et je ne veux pas qu'elle crois que je me moque d'elle... »

La réalité est plus qu'elle cherchait à ignorer Mélinda. Pas par méchanceté, mais sa manie d'envoyé des photos coquines – qui finissaient à la poubelle, Tessou ne voulait pas garder ça chez elle, elle n'était pas ce genre de femme après tout – avec ses lettres que Kara avait trouvé qui, par chance restait très chaste contrairement à ce qui accompagnait ses lettres. Après, Mélinda peut comprendre que ce double anniversaire ne la laisse pas dans les meilleures conditions pour tout ça, pour l'inviter, ect... Puis Tessou n'était aucunement intéressé par les jeunes, les mineurs. Mélinda avait beau être bien plus âgée qu'elle, elle la voyait encore comme une lycéenne. Et de plus, même si elle avait déjà couché avec Mélinda ou une de ses amies, c'était, car elle avait été droguée, sinon, elle restait fidèle à Kara, bien qu'elles ne forment pas un couple... Mais aussi oui. Elle était entre deux chaises, se voilant la face... Puis elle avait peur de ce qui pouvait arriver en laissant Miranda chez elle. Kara savait pour l'épisode du manoir, mais Tessou avait insisté sur le fait d'avoir été droguée, sinon, elle aurait refusé cette proposition.

« Je dois avoir son numéro... je verrais pour lui proposer de passer une fois rentrer à la maison ? »

En espérant qu'elle ne soit pas trop épuisée émotionnellement par cette journée. Enfin, même si Mélinda vient, ça devrait bien se passer, pourquoi ça n'irait pas. Sortant une assiette, elle lui préparait cela, une bonne assiette de riz, une moitié de curry encore chaud dessus.

« Tu veux manger ici ou on retourne dans le salon ? »

Ne sait-on jamais, que Kara souhaite observer les informations, un film qui aurait déjà commencer ou une émission de variété. Ce n'est pas le choix qui manquait. Tessou se forçait à garder le sourire face à Kara, cachant les sentiments néfaste qui la submergeait en ce moment. Vivement que tout ça soit passé, ça sera sûrement une lourde page de tournée.

Kara était assez sérieuse en ce qui concernait Mélinda. Elle ne mettrait jamais en danger Tessou, et elle savait aussi que, sous cette coquille, sous cette carapace, il y avait une femme très frustrée, une frustration qui avait explosé au Paradisio Hotel, et où Kara avait été jusqu’à uriner dans sa bouche ! Ce souvenir était comme endormi auprès de Tessou, qui n’en avait plus jamais reparlé avec précision, mais, après l’hôtel novaquien, leurs séances de sexe étaient devenues plus régulières, plus longues, et Kara avait commencé à sérieusement envisager de déménager. Soit elle s’installerait ici, soit elles déménageraient toutes les deux. En soi, Kara préférait la seconde option, car le souvenir de Ryota hantait ces lieux, mais c’était aussi pour ça que Tessou refusait de partir. Les rares fois où elles en avaient parlé, Tessou s’énervait. Elles se disputaient rarement, mais cela arrivait. Kara se sentait alors mal, et revenait ensuite se faire pardonner. Mine de rien, Tessou avait beau être le symbole de la femme japonaise typique, ne s’épanouissant qu’à travers le mariage, elle était aussi très têtue.

Tessou accepta néanmoins l’idée que Mélinda puisse venir. Kara acquiesça, et l’embrassa dans le creux du cou.

« On va manger dans le salon… Mais tu veux peut-être que je t’aide ? Il n’y a aucune raison que tu sois la seule à faire la cuisine. »

Tessou avait beau contesté, Kara se déplaça. Tessou avait préparé un plat avec une entrée à base de fruits de mer, mais Kara s’attaqua aux pommes de terre, venant les éplucher. Elle avait beau disposer d’une force surnaturelle, Kara était aussi assez débrouillarde, et très adroite. Elle avait appris à contrôler ses pouvoirs en se livrant à des activités manuelles précises. Éplucher des patates, découper des carottes sans trouer le plateau derrière… Elle avait appris tout ça comme Clark, à la ferme.

Kara pouvait aussi s’imposer quand il le fallait, et Tessou fut donc bien forcée de l’accepter. En ce moment si particulier, Kara ne voulait pas la laisser seule, et il fallait aussi préparer les gâteaux ! Le four tournait d’ailleurs, et Kara s’amusa à tourner les blancs en neige pour un gâteau au chocolat, utilisant un mixeur.

« On vit ensemble, Tessou, alors j’ai ma part à faire des corvées ménagères. »

Kara disposait d’un studio, mais il fallait bien admettre qu’elle s’y rendait de plus en plus rarement. Tôt ou tard, Tessou devra se faire à l’idée que Kara vienne vivre continuellement avec elles.

« Et bien, tout a l’air de bien se goupiller… Je te présente encore mes excuses pour être arrivée en retard, mais… Ben, vivre avec une femme comme moi, c’est aussi devoir gérer les imprévus ! »

Kara reposa les ustensiles de cuisine, et enlaça à nouveau Tessou, venant caresser ses cheveux.

« Mais je serai toujours là pour toi, Tessou… Je t’aime. »

Elle l’embrassa alors sur les lèvres.

Cela avait beau faire quelques mois maintenant qu'elle connaissait Kara, qu'elle lui avait sauvé la vie, elle avait encore du mal à se dire en couple ou même amoureuse. Ça lui était arrivée de le dire sur l'oreiller, mais pour ainsi dire jamais de façon normale, comme ici dans la cuisine. Elle était toujours entre deux chaises. Elle ne pouvait pas nier aimer Kara, ça devenait de plus en plus gros et le nier était ridicule à force tant ça sautait aux yeux. Mais derrière l'évidence, il y avait tout le reste. Sa promesse envers Ryota même si techniquement, elle ne la brisait pas, Kara étant une femme, elle s'était promise qu'il serait le seul homme de sa vie. Mais derrière cette promesse vite réglée, il y avait la famille. La sienne et celle de Ryota. Elle avait peu que si ça se sait, leur relation en vienne à être entachée. Kara lui avait quand même sauvé la vie, et si Kyoko n'était pas orpheline, c'était grâce à elle, mais voilà, elle ne savait pas comment sa seconde famille pourrait réagir. Bien, de façon moderne et logique ou en restant têtue à leurs principes et de vielles idées du siècle dernier ?

Mais retournons à nos fourneaux. Kara insista pour l'aider, mais même si Tessou disait non, elle aidait quand même ? Elle ne pouvait pas lutter alors bon, elle la laissait faire, c'est vrai qu'un peu d'aide n'était pas de trop, mais Tessou était du genre à tout vouloir gérer elle-même. Cependant, quand elle mentionnait « vivre ensemble », elle ne savait pas trop quoi en penser ? Un grand oui ? Un petit non ? Un peut-être ? C'était la question à dix millions de Yens. Cependant, son excuse pour ce retard l'aidait à rebondir, elle agitait la tête avant de lui répondre.

« Ne t'excuse pas, tu es allé sauver, je ne sais combien de vie. C'est plus important qu'arriver à l'heure pour dîner. »

Puis rien n'était gravé dans le marbre, Kara venait ou ne venait pas, Tessou n'allait pas lui faire une scène, car elle devait sauver des gens. C'était aussi son métier à elle, en moins spectaculaire, certes, mais quand même. En revanche, quand elle se rapprocha pour la prendre dans ses bras pour l'embrasser, elle craquait. Rompant son baiser, elle pleurait en enfonçant sa tête dans son cou. En temps normal, ce « je t'aime » la rendrait folle de joie même si elle le cacherait, mais là, il la faisait pleurer. Avec ce double anniversaire, on pouvait comprendre que ses nefs étaient sur le point de craquer après tout. Kara n'y était pour rien, c'est Tessou qui gardait tout pour elle et ce simple petit mot avait tout fait remonter en elle. Si elle aurait dit ça avant qu'elle ne se monte la tête ou après, la réaction aurait pu être similaire, mais dans de meilleures conditions, là, ses larmes n'étaient pas de joie, ça se voyait. Elle passa quelques minutes dans ses bras à pleurer, sans la repousser, au contraire. Preuve en est que Kara n'y était pour rien...

« Pa-pardon, Kara... Je, j'en peux plus... Je me force à... à sourire, à dire que t-tout va bien mais c'est Faux ! »

Tessou n'aimait pas inquiéter ses proches, ils étaient gentils et avaient été adorables après la naissance de Kyoko, mais elle n'aimait pas les savoir inquiets, Kara y comprit. Son appel à l'aide n'était pas juste pour demain, même son quotidien, elle disait toujours que tout allait bien mais c'était faux, comme n'importe qui il y a des journées avec des hauts et des bas. Kara n'était pas aveugle, elle voyait bien que certains soirs, Tessou voulait juste dormir entre ses bras, se sentir en sécurité et loin de tout...

« Je pensais ce jour si loin... et il est déjà là... Comment... Comment je peux me réjouir que mon bébé grandisse et... et pleurer son père à la fois ? Kyoko... elle n'aura pas de souvenir de ses premiers anniversaires mais... en grandissant, elle le verra... elle verra bien que je suis pas... pas entièrement heureuse pour elle, à son anniversaire... »

Pour Tessou, tourner la page est difficile, elle pensait que c'était simple, petit à petit, mais en arrivant à cette date, elle se rend compte que ce n'est pas la chose la plus simple au monde. Mais elle oubliait un détail dans son équation, elle n'était pas seule, plus maintenant. Tessou avait beau se brandir en une femme indépendante et forte, ce n'était qu'une crevette apeurée ce soir.

Kara était donc là, en compagnie de Tessou, et elle sentait la fébrilité de celle-ci. Tessou arrivait progressivement au stade où elle ne pouvait plus se voiler la face, où elle ne pouvait plus mentir sur elle-même, sur sa relation avec Kara, et sur l’état de la promesse mortifère qu’elle avait jadis faite à son défunt époux. Elle avait juré à Ryota de ne plus aimer aucun homme ensuite, mais Kara était finalement arrivée dans sa vie… Et elle n’osait pas avouer qu’elle l’aimait. Kara, elle, n’avait pas ce vécu, et n’avait par conséquent aucune difficulté à avouer sa flamme à Tessou, ce qui malmena cette dernière. Kara la vit défaillir… Puis elle se mit alors à pleurer, et alla se blottir contre Kara. Celle-ci ferma doucement les yeux, et l’enlaça tendrement, ne disant rien sur le coup. Qu’est-ce qu’elle pouvait dire ? La Kryptonienne savait combien Tessou avait souffert de la perte de Ryota, et, en pure Japonaise, elle s’accrochait avec désespoir à son honneur, à son serment… Une mentalité difficile à comprendre pour Kara, qui n’avait pas été éduquée de cette façon.

Tessou retrouva lentement son souffle, et expliqua à Kara ses soucis, son paradoxe… Se réjouir pour l’avenir de Kyoko, se reconstruire elle-même, tout en devant porter le deuil de Ryota… Kara l’observa lentement, et se pinça doucement les lèvres. Elle ne s’était pas vraiment attendue à avoir ce genre de conversation en venant ici, mais, dans l’absolu, on ne s’attendait jamais à des conversations de ce genre. Elles vous frappaient par surprise, au dépourvu, et il fallait donc s’adapter.

« Tu sais… Je crois que ce n’est pas incompatible. »

Kara marchait sur des œufs, et poursuivit donc :

« Rien ne pourra jamais remplacer ton défunt mari, Tessou… Mais… Et je parle en connaissance de cause, ayant perdu toute ma famille… Il faut que tu continues à honorer les morts. Non pas en te maudissant de vivre, mais en te disant que, par la vie que tu mènes, tu perpétues leur héritage. Tu connais Ryota mieux que moi, Tessou… Qu’aurait-il voulu, à ta place ? Que tu abandonnes Kyoko ? Que tu la rendes triste ? Je crois qu’il aurait voulu la voir grandir, la voir être couverte de ton amour, s’épanouir et être heureuse. »

Elle ne voulait évidemment pas dire à Tessou qu’il fallait tourner la page, et définitivement oublier Ryota, car on oubliait jamais ce genre de choses. Kara se souvenait encore de Krypton, d’Argo City, de ses parents, de ses soirées avec ses amis… Des moments heureux, qu’elle ne pourrait jamais refaire.

« J’ai perdu ma ville natale, ma famille proche, mes amis d’enfance… Je ne les ai jamais oubliés, Tessou. Ils sont là, dans ma tête… Et c’est en hommage à eux que je porte ce costume, que j’arbore l’écusson de ma maison sur mon plastron. Tu vois ? Honorer les morts, ça ne doit pas nous empêcher de vivre. Sinon, à quoi bon vivre ? »

C’était… Presque philosophique. En tout cas, c’était l’impression que son petit discours lui donnait…

Tessou avait beau sourire et se montrer forte, le masque glissait de plus en plus. Si d'ordinaire, elle arrivait à le remettre en place, en approchant de cet anniversaire, il ne voulait pas tenir malgré ses efforts. Oui, elle aimait Kara et ce, depuis plus ou moins leur rencontre. Cette belle femme était arrivée devant elle comme un ange pour la sauver, comment ne pas tomber amoureuse ? C'est comme la théorie du pont suspendue. Traverser un pont au-dessus du vide et ce dernier gigote à cause du vent, la personne de l'autre côté face à vous vous semblera bien plus séduisant et attirant s'il vous tire de là. C'était un peu le cas ici. Puis elle avait appris à la connaître, elle avait fait l'amour avec elle depuis un certain nombre de fois. Et sa première fois avec Kara était la première fois depuis la naissance de Kyoko, plus quelques mois encore avant, autant dire qu'elle s'était lâchée ! Puis il y a eut une seconde fois où ce fut très sauvage pendant leurs petites vacances... Ça lui était arrivée de lui avouer son amour, mais sur l'oreiller, des mots perdue entre deux soupirs pour s'oublier naturellement.

Mais oui, elle aimait Kara, Kyoko l'adorait, elle lui avait sauvé la vie, aidée à plusieurs reprises, comment nier tout ça ? Mais c'était surtout un problème de promesse liée à sa famille et celle de Ryota qui bloquait le tout. En soit, ils n'étaient pas marié donc côté légal, rien de grave. C’était un projet, mais sa grossesse avait repoussé cela le temps de retomber sur leur pied, d'arrivée à jongler avec leur nouvelle vie avant d'envisager de prendre son nom. Mais la vie en a décidé autrement. Non, ce qui l'inquiétait était aussi de savoir comment ils pourraient prendre le fait qu'elle aimait une femme ? Le Japon avançait à petit pas sur ce domaine alors il était difficile de prévoir leur réponse. Autant, elle espérait et pensait que sa famille pourrait l'accepter, mais la famille de Ryota ? Ses petites sœurs le prendront sûrement bien, leur génération faisait que ce genre de chose était plus facile à voir à notre époque, mais ses parents ? Les parents de Ryota étaient plus ou moins de la même époque que les siens alors savoir la mère de leur petite fille en couple avec une autre femme, était-ce un crime à leurs yeux ? Surtout que ce n'était pas un simple amour, il s'agissait de celle qui avait sauvé Tessou plus d'une fois de la mort, ce n'était pas rien quand même.

Trouvant du réconfort sur son épaule, elle n'espérait pas vraiment de réponse miracle, elle avait juste besoin de vider un peu son sac afin de mieux se sentir. Kara la soutenait comme elle pouvait, elle avait même de très bons conseils, mais actuellement, ses conseils étaient dans la case « possible ». Son état mental ne lui permettait pas de distinguer si c'était une vraie bonne idée ou un mauvais choix. Pourtant, Kara était dans le bon, mais inutile de lui presser sa main, c'était normal en ce moment qu'elle ne soit pas au meilleur de sa forme pour prendre une telle décision. Kara n'avait peut-être pas perdu un petit ami – ou une – mais sa famille, ses amis, son monde. On pouvait dire que son cas était quand même plus grave même si bon, le cas de Tessou était loin d’être une piqûre de moustique à côté.

Tessou restait silencieuse à ses réponses, se contentant juste de serrer Kara un peu plus contre elle pendant quelques minutes, le temps de se calmer. Elle essuya ses yeux rougis en soulevant ses lunettes, renfilant légèrement avant de chercher à mieux rebondir, évitant certes un peu le sujet, mais inutile de remuer le couteau dans la plaie. Il fallait attendre quelques jours sûrement, ce sera mieux pour en reparler et faire le point, là, la plaie était bien ouverte.

« Oui, tu as sans doute raison... Mange un peu, je reviens vite. »

Tessou s'absenta un instant le temps de voir si Kyoko allait bien ? Elle avait beau avoir tous les gadgets pour savoir si sa fille avait le moindre souci, elle était toujours là à l'épier que tout allait vraiment bien. Sans sa fille, elle aurait été capable de faire bien des bêtises suite à la mort de Ryota. Elle était la chose la plus précieuse à ses yeux et elle donnerait sa vie pour elle, sans hésiter une seule seconde. On ne pouvait pas lui reprocher de protéger sa fille autant qu'elle le pouvait. Mais comme souvent, surtout quand quelque chose la tracassait, ce n'était pas juste un œil porté sur elle, c'était elle à côté de son petit lit, un main entre les barreaux pour toucher sa petite main, son visage, ses cheveux, son petit ventre, bref, de sentir la présence de sa fille à ses côtés. Elle ne savait pas comment se passera leur vie plus tard, mais Tessou sera proche de sa fille, à ne pas en douter. Ce n'est qu'après de longues minutes que cet instant pris fin et retourna auprès de Kara. Sur la table basse du salon, il y avait les quelques albums photos de Tessou, des photos d'elle étant jeune, à l'école, son ehtrée dans la police, en famille, avec sa petite sœur, certaines d'une Tessou membre du groupe de musique au lycée par exemple.

Qui aurait cru que Tessou savait jouer de la batterie par exemple ? Oh, elle était loin d'être une pro et depuis elle avait perdu cela, mais à cette époque, elle se débrouillait et avec même jouer une chanson avec son groupe d'ami pendant le festival du lycée. De bon souvenirs, oui. Évidemment, il y avait des photos d'elle et Ryota, si certaines avaient disparu des cadres, elles étaient retournées ici, formant un petit tas dans une boite à chaussure. Non pas qu'elle voulait les effacer de sa vie, juste les ranger, les classer, elles, en compagnie de certaines photos en compagnie de Kara et Kyoko, c'était cependant toujours des photos des trois ensemble ou juste Kara et Kyoko ou elle et Kyoko, il n'y avait aucune photo d'elles ensemble, juste elles. Faut dire que vu la situation, ce n'était pas Kyoko qui allait les prendre en photo. Cela n'était évidemment pas intentionnel, juste le hasard qui faisait cela.

Les femmes japonaises pouvaient être sacrément têtues ! Kara se sentait un peu dans la peau d’Olivier Passan, le personnage principal du roman « Kaïken », un policier français fasciné par la culture japonaise, qui avait épousé une Japonaise. Traquant un psychopathe surnommé « L’Accoucheur », car il tuait les femmes enceinte en les éventrant afin de détruire leur fœtus, il était marié à une Japonaise cherchant à fuir sa culture. Finalement, à la fin du livre, sa femme, qui avait toujours cherché à vivre en France, avait décidé de retourner au Japon mener une vengeance ancestrale, au nom de l’honneur, devant l’incompréhension la plus complète de son mari. Bien que fin connaisseur de la culture japonaise, il n’avait pas en lui cette mentalité japonaise, le bushido, cet art militaire préférant la mort au déshonneur. Selon le code du bushido, quand un samouraï se déshonorait, il pouvait toujours racheter son honneur en se suicidant par le biais du seppuku. Le kaïken, c’était d’ailleurs une petite dague qu’on donnait aux femmes des samouraïs, et qu’elles utilisaient pour se trancher la gorge lorsque leur famille avait perdu leur honneur. La morale de ce livre, pour ainsi dire, c’est qu’il existait _une barrière culturelle infranchissable. En vouant sa vie à essayer de s’incorporer à la culture japonaise, Passan n’avait fait que la voir sous l’œil d’un Occidental.

Et, aujourd’hui, c’était bien cet honneur qui agissait chez Tessou. C’était son bushido, et son serment envers Ryota était l’équivalent de son kaïken. Elle se refusait à reconstruire sa vie sentimentale par peur de jeter l’opprobre sur sa famille, de passer pour une dévergondée. Qu’est-ce que Kara pouvait y faire ? La raison s’effondrait devant un tel raisonnement, et elle n’avait pas été éduquée ainsi.

Tandis que Tessou allait vérifier comment se portait sa fille, Kara se rendit brièvement dans le salon. Elle observa les photographies, et sourit en voyant une Tessou batteuse dans un groupe de musique au lycée. L’image l’amusa, essayant de visualiser Tesosu comme batteuse, maltraitant les percussions avec son petit regard sage et ses lunettes carrées. La policière revint ensuite, et le repas était prêt. Kara et elle s’assirent donc au milieu du salon. Les baguettes japonaises étaient un exercice difficile pour Kara, qui avait dû suivre des cours. C’était quelque chose d’instinctif, d’inné, que les enfants apprenaient bien plus facilement que les adultes… Mais Kara avait fait tout son possible, et elle avait finalement réussi.

« Comme toujours, tu es un vrai cordon bleu, Tessou… »

Kara évitait les sujets sensibles, se disant que cette soirée serait assez morne. Elle repensa alors à la photographie de Tessou comme batteuse, et lui posa soudain une question, surtout destinée à l’arracher de ses pensées :

« Tu n’as jamais pensé à poursuivre ta carrière de musique ? De ce que je vois, tu avais l’air d’aimer ça, non ? Il y a une raison particulière pour que tu aies décidé d’arrêter ? »

Tessou étant de retour après avoir longuement observé son bébé qui dormait paisiblement, loin des tracas du monde des adultes, Kara était toujours là, mangeant ce que Tessou avait préparer – ainsi qu'elle-même puisqu'elle avait aidé. Ses petits compliments étaient toujours agréables à entendre. La jeune femme n'était pas une grande cuisinière, mais elle savait se débrouiller au moins, c'était toujours ça de prit. Elle lui souriait donc sans ajouter quoi que ce soit de plus. Son curry était classique pour elle, mais en même temps, elle avait toujours mangé cela ainsi, pour une bouche moins habituée à sa cuisine, ça devait être meilleur ? Rapidement, Kara passait sur sa vie de lycéenne, quand elle était au groupe de musique. Pourquoi cette question ? Elle avait dû jeter un œil aux photos, mais bon, ce n'était pas interdit. Avec un léger sourire, elle y répondit. C'était une époque agréable après tout.

« Ce n'était qu'un passe-temps même s'il se trouvait que je me débrouillais bien à la batterie. C'était amusant le temps du lycée, mais mon rêve a toujours été de rejoindre les forces de l'ordre. Mais la batterie, ce n'est pas de simplement taper dessus, c'est plus complexe. La première chose qu'on apprend à l'air aussi simple qu'idiot dit comme ça et pourtant, ce n'est pas si évident. »

Se reculant, Tessou lui montrait, son avant-bras droit allait de bas en haut, son avant bras gauche allait de gauche à droite. Oui, et ? Eh bien, ce n'était pas si simple en réalité. L'un des bras avait tendance à vouloir suivre le mouvement de l'autre sans que l'on s'en rende compte. Et Tessou switcha en inversant l'ordre, là aussi, dit comme ça, on se dirait qu'un gamin le ferait... oui mais non.

« Je ne peux pas nier que c'était amusant de jouer avec mes amies, on s'entendait bien, mais c'est que des histoires de lycéenne. Je suis même pas sûre qu'une d'elles ait continuer dans la musique ? On aimait ça, mais on n'a jamais eut de grand projets ensemble en dehors du festival du lycée. Vous aviez ça aussi sur Krypton ? Pas des écoles, mais des festivals dans les écoles ou même des instruments différents d'ici ? »

De ce qu'elle savait, Krypton n'était pas si différent de la Terre sur certains points, mais forcément, sur d'autres détails, ce n'était pas du tout pareil. Alors oui, évidemment qu'il y avait des écoles, des hôpitaux, ce genre de choses même si ça n'avait peut-être pas le même nom, mais sinon, ils restaient civilisé après tout. Mais par la suite, Tessou revenait un peu sur le même sujet, mais sur un autre ton cette fois.

« Excuse-moi, Kara... j'ai bien conscience que depuis quelques jours, je ne suis... pas... pas si agréable à vivre, je... je reste dans mon coin, je ne parle presque que de ça mais... promis, demain ou dans quelques jours en tout cas, je me concentrerais mieux sur autre chose. Kyoko et... et toi, vous redeviendrez mes raisons de sourire. »

Même s'il n'y a pas si longtemps, Tessou disait qu'elle faisait semblant de sourire, mais oui et non. C’était cet anniversaire qui la pesait, après, ça ira mieux même si pour le moment, ce n'était pas vraiment la joie de vivre. Une fois cette page tournée, Tessou redeviendra comme avant, ce n'était qu'un mauvais moment à passer pour le moment.

Tessou en batteuse… L’image était effectivement assez amusante, tant elle signifiait un certain bol d’air pour cette policière si stricte. Enfermée dans sa normalité, Tessou était progressivement en train de dériver avant de croiser Supergirl. Ensemble, elles avaient réussi à former un couple assez original, mais qui tenait bon. C’était maintenant à Kara d’aider Tessou, et, quelque part, elle se disait que seule une Kryptonienne surpuissante aurait pu convenir à Tessou… Ou pas. Car, même avec la présence de Kara à côté d’elle, Tessou continuait à s’inquiéter pour Kyoko. Mais que risquait donc sa fille en compagnie d’une femme invulnérable aux balles, capable de se déplacer à une vitesse supersonique ? Tous ces éléments auraient dû encourager Tessou à se détendre, mais le problème initial ne venait pas de là, et, tant que la cause de ses problèmes ne serait pas réglée, il serait impossible de résoudre ce problème.

*Et, malheureusement, je doute d’avoir les compétences de régler ça… Même avec tous mes super-pouvoirs, je me sens si impuissante face à elle…*

Prenant vaguement conscience de son état, Tessou, après avoir expliqué à Kara que sa séquence de batteuse était un peu derrière elle, lui fit une petite démo. Elle se positionna devant elle, et remua ses avant-bras, faisant doucement sourire Kara. Vu comme ça, elle était un peu ridicule, bien sûr, mais, quand elle affirmait avoir laissé ça derrière elle, Kara n’en était pas si sûre. Peut-être que ce serait un bon cadeau à lui faire ?

Quand Tessou lui demanda ce qu’on faisait à Krypton, elle sourit alors.

« Et bien, tu ne vas peut-être pas me croire, mais… À Argo City, j’étais aussi dans un groupe de musique ! »

Elle n’était pas batteuse, mais les instruments de musique kryptoniens n’étaient pas si différents que les instruments terriens. Après tout, les Kryptoniens et les Terriens avaient la même morphologie, et le son était similaire sur Krypton ou sur Terre. Kara, elle, était toutefois plutôt guitariste. Elle sourit rêveusement en se rappelant ces moments. Argo City était une ville plus développée que les villes terriennes, avec de grandes routes, de nombreux immeubles, et elle avait participé à de joyeux concerts. Mine de rien, Kara était une femme très communicative, qui adorait faire la fête.

« Nos instruments sont globalement similaires, mis à part quelques différences de design très relatives. Des festivals, on en avait évidemment plein… C’était une vie très heureuse… Enfin, c’est ce dont j’aime me rappeler. »

On préférait se souvenir uniquement des bons moments, même si Krypton n’avait pas été une planète idyllique. C’était un pays en proie à de violents conflits internes, avec une junte militaire qui se développait au fur et à mesure que la planète devenait de plus en plus instable, au bord de l’implosion.

Tessou sembla alors s’assombrir, et lui présenta ses excuses pour son comportement. Kara sourit alors, et délaissa son repas. Elle se rapprocha de Tessou, et la prit par les bras, avant de l’enlacer, lui offrant un rapide câlin. Elle sentit le corps de Tessou trembler nerveusement, et déposa un baiser sur ses lèvres, puis lui sourit ensuite tendrement à nouveau.

« Ne t’en fais pas, Tessou, je serai toujours là pour toi… Je n’ai pas oublié la petite furie que tu étais à l’hôtel, ma chérie. »

Elle l’embrassa à nouveau, sur la joue.

« On devrait faire un groupe de musique, tu ne crois pas ? Je suis sûre que Mélinda doit avoir quelques musiciens en stock, et tu es dans ses petits papiers… Je ne dis pas qu’elle n’est pas spéciale, mais… Aucune des personnes qui se trouvent avec elle se plaignent d’elle. »

C’était une idée, non ? Kara l’embrassa à nouveau, et se décolla progressivement d’elle.

« Je sais très bien que la mort de Ryota te pèse, et je sais ce que c’est, crois-moi… Mais sache que je suis là, Tessou, et que je serai toujours là pour toi… Pour toi et pour Kyoko. Et, comme tu le sais, je peux être très collante ! »

Tessou était encore fragile, à l'approche de cette date fatidique, elle ne savait pas trop ce qu'elle devait faire ? Elle restait triste, isolée, et même le soir, elle préférait rester lovée dans les bras de Kara, faisant parfois l'effort d'un ou deux baisers, sans plus. Même si elle savait Kara patiente, généreuse et douce, elle avait peur de se transformer en boulet et risquer de la perdre. Et ça, elle ne pourrait pas l'accepter. Elle ne l'avait pas dit tout haut, mais elle tenait trop à son héroïne pour se détacher d'elle comme ça. Kara lui en racontait plus sur son enfance, son monde où elle aussi avait été dans un groupe de musique, mine de rien, cela leur faisait un point commun. La belle blonde la prenait dans ses bras, tentant de la rassurer doucement un court baiser. C’était toujours aussi bon et apaisant, mais actuellement, l'effet se dissipait bien vite, ce n'était plus aussi relaxant qu'avant. Kara la rassurait une fois de plus, venant même souligner ce qui s'était passé pendant leurs vacances, de quoi faire rougir Tessou qui n'aimait pas trop parler de cet épisode... Elle s'était lâchée, ça, c'est le moins que l'on puisse dire !

« Kara... »

Blottis contre elle, elle savait qu'elle aimait la taquiner sur ce sujet et qu'elle tentait parfois de faire revivre ce moment dans sa chambre, mais ça ne se déclenchait pas si facilement, mais Kara ne baissait pas les bras si facilement. Changeant quand même de sujet, l'héroïne venait supposer qu'elles pourraient tenter de monter un groupe avec l'aide de Mélinda qui devait bien connaître quelques personnes sachant utiliser des instruments ?

« Je ne sais pas... on serait ridicule, non ? »

Tessou manquait de courage pour reprendre la batterie et tenter ça à nouveau devant un publique, mais elle se disait aussi que ce n'était plus de son âge. Au Japon, on voit surtout des ados ou de très jeunes femmes se lancer dans la chanson, réussissant parfois à tenir, ou à s'écrouler. Mais un groupe de jeune femme ayant passé la vingtaine qui se lance dedans, ça ne serait pas crédible, si ? La super blonde venait quand même parler une fois de plus de Ryota, voulant être là pour la soutenir et la protéger, tout en rajoutant son côté « collant » pour reprendre ses mots. Mais des deux, c'était sûrement Tessou qui l'était. Venant toujours se rapprocher doucement d'elle quand elles regardaient la télé, se rapprocher quand elle était dans les nuages ou autre. Même au lit, sexe ou non, c'était Tessou qui venait toujours trouver Kara et dormir contre elle. Même si en ce moment, ce n'était plus autant qu'avant, la jeune femme était amoureuse, qu'elle l'accepte de le dire ou non, elle aimait Kara. Mais ce genre de sentiment se mélangeait mal avec son ressentit actuel et cet anniversaire. C'est comme mélanger de l'eau et de l'huile, faites tout ce que vous voulez, ça restera séparé. L'amour de sa sauveuse, l'amour envers le père de sa fille. Les deux n'arrivaient pas à fusionner en cette période. Dans quelques jours, cela ne formera peut-être plus qu'un, dans une parfaite harmonie, mais là, ça ne colle pas.

Sans répondre à l'évidence, elle retourna se lover contre elle, profitant de son odeur, de sa peau impénétrable mais pourtant si douce. C'est dans ses moments-là qu'elle avait besoin que Kara soit elle aussi collante.

« Merci... Kara... »

Un mauvais moment à passer... Demain, peut-être les jours suivants, mais après, elle redeviendra normale, comme quand Kara l'avait rencontré, comme elle était ses dernières semaines, ses derniers mois en compagnie de Kara. Une jeune femme quelque peu timide, mais joyeuse et amoureuse.

« Après... tu voudras bien qu'on... qu'on aille au lit ? Je voudrais essayer de dormir au plus vite... »

Éviter d'être fatigué demain, profiter un peu du corps de Kara, pas forcément nue, au moins le sentir le possible contre elle.

« Et... Que Kyoko dorme avec nous... »

Bon, cela voulait dire pas de sexe donc. D'ordinaire, Kyoko ne rejoignait le lit que si elle pleurait la nuit et avait du mal à s'endormir seule, mais là, son bébé dormait déjà dans son lit. Mais il faut croire que Tessou avait besoin de sa « famille » dans son lit, ce soir...

Leur séjour à Novac avait été assez incroyable. Une digue s’était cassée ce jour-là, un mur était tombé, Tessou s’était libérée, elle était sortie de ce carcan victimaire dans lequel elle s’était enfermée depuis le regrettable décès de son mari. Kara avait continué à la voir après, tout en craignant un sentiment de reflux chez sa partenaire, qu’elle la repousse en réalisant ce qu’elles avaient fait. Mais il n’en avait rien été. Visiblement, sa séance chez Mélinda avait eu, chez Tessou, des effets bénéfiques sur le long terme, et Kara la surprenait parfois, lors de ses rêves, à chuchoter le nom de la jeune femme, puis le sien ensuite… Des rêves sans doute très érotiques, où Tessou était la proie des deux femmes. Du moins, c’est ce que Kara aimait imaginer habituellement. Mais là, ce soir, il n’y aurait rien de tout ça.

Tessou était dans un état d’esprit bien différent, perturbée par ses souvenirs de Ryota, par ses sentiments envers Kara. Même l’idée de faire de la batterie ne la stimula pas plus que ça, de sorte que Kara n’insista pas… Tout en se disant qu’il y avait quand même un filon à creuser. Au lieu de ça, elle enlaça sa compagne, qui lui demanda si elles pouvaient dormir assez vite. Kara devait bien admettre qu’il était relativement tôt, et elle soupira doucement.

« Je… À cette heure ? »

Kara était plutôt noctambule. Même quand elle n’était pas Supergirl, elle aimait aller en soirée, virer en boîte. Elle avait un côté extraverti que Clark n’avait jamais eu, lui qui était bien plus réservé. Mais elle constata vite que Tessou était préoccupée, et qu’elle avait envie de faire le point. Elle ajouta ensuite qu’elle voulait dormir avec Kyoko. Kara hocha la tête, tout en craignant d’énerver un peu Kyoko en la réveillant.

« Okay, on finit de manger, et je vais aller la chercher. »

Le repas ne fut pas l’un des plus joyeux. Tessou n’était pas en train de pleurer, mais elle était clairement absente. Là sans être présente, son esprit  vagabondant dans ses souvenirs, probablement ceux avec Ryota. Kara ne pouvait pas non plus s’imposer, et préféra parler de chose et d’autre… Les derniers films, la série sur Netflix qu’elle regardait, le livre qu’elle était en train de finir. Comme quoi, elle avait beau avoir une force herculéenne, elle n’en restait pas moins très humaine. Elle commenta également la météo, et préféra éviter, pour l’heure, le sujet de leurs vacances. Le moment ne s’y prêtait guère. La Kryptonienne invita bien sûr la policière à lui parler de son quotidien, de ce qu’elle avait fait aujourd’hui. Mais ses collègues savaient très bien que cette journée était très difficile pour Tessou, de sorte qu’elle n’avait fait aucune sortie, elle était restée derrière son bureau à faire de l’administratif, à préparer ses procès-verbaux, faire des formulaires, des bons de commande, ou étudier certains dossiers…

Kara la laissait faire, et lui demanda où elle en était de ses enquêtes. Bien que tenue au secret de l’instruction, Tessou avait parfois fait appel aux pouvoirs de Supergirl, et celle-ci la suivait régulièrement quand elle patrouillait. Après tout, avoir une petite-amie dotée de pouvoirs cosmiques, c’était tout de même pratique par moments ! Elle apprit ainsi que Tessou enquêtait sur une bande de délinquants assez curieux, qui faisaient des tags, des plaisanteries… Des canulars téléphoniques, notamment, et arboraient un tag en signe de « Q », tout en se déplaçant avec des tenues bariolées généralement rouges et noires, ou blanches et roses… Ils avaient récemment sabordé la voiture d’un conseiller municipal accusé de sexisme en la remplissant de fumier, ou avaient recouvert de papier toilette les murs d’une maison appartenant à un membre influent des Yakuzas. En soi, ils ne faisaient rien de grave, mais la police enquêtait sur ces « Quintettes », qui utilisaient les réseaux sociaux, faisant des podcasts pour dénoncer la corruption de Yoake, et filmant leurs exploits.

« Pas de quoi mobiliser les services d’une Kryptonienne, je dirai… » songea Kara à haute voix.

Supergirl sourit doucement, et, une fois le repas terminé, elle alla donc chercher Kyoko. Elle enfila un pyjama rose assez simple avec un débardeur, et constata que le bébé dormait doucement, sifflant par les narines, ce qui avait tendance à soulever quelques mèches de cheveux rebelles.

*Alors, toi, j’espère que tu n’es pas aussi grognonne que ta mère quand on te réveille à l’improviste…*

Prenant des précautions, elle l’attrapa doucement, espérant ne pas déclencher une crise de larmes imprévue…

C'était dur et demain, ça le sera sûrement plus. Elle n'en était pas sûre, mais une chose est sûre, elle ne sautera pas de joie demain même si dans un sens, Kyoko aura un an, c'était une raison pour sourire malgré tout. Mais bon le hasard à mal fait les choses et ce même jouir est aussi la perte de Ryota. Pas un jour avant ou un jour après, non, le même jour. Tessou ne pouvait donc pas passer une bonne journée et une autre à pensée à son mari ou inversement, elle devait jongler avec ses deux choses. Même si Ryota n'était pas son mari officiellement, il était prévu qu'ils se marient. Mais le fait qu'elle tombe enceinte entre temps avait repoussé cela, ils avaient même discuter de cela, attendre quelques années pour que leur fille grandisse et après, ils iront sûrement finir ça, mais non... Bien qu'il était tôt, Tessou se disait que plus tôt elle sera dans le lit, plus vite elle trouvera le sommeil, quitte à se tourner un peu dans le lit. Elle ne forçait pas Kara à la suivre si tôt, mais sa présence serait d'une grande aide... Ne pas être seule dans ce grand lit avec juste sa fille. Bien que l'héroïne fit des efforts pour faire la discussion de tout et de rien, Tessou répondait rapidement, sans prendre beaucoup de pincette pour faire de longues phrases. Elle savait que quelque part, elle cherchait à lui changer les idées, mais... c'était un travail que sa super force ne pouvait pas régler facilement.

Tessou fit rapidement la vaisselle pendant que Kara s'occupait de sa fille. Pas de grosse plainte, quelques gémissements qui n'approuvaient pas ce léger réveille, mais une fois blottie contre Kara, elle retrouva son sommeil et son calme. Tessou se mit elle aussi en pyjama, rose pâle, pantalon et chemise à manche courte. Elle pouvait faire l'effort d'être plus sexy pour dormir, plus légère, elle avait après tout beaucoup de nuisettes en stock, mais de un, elle n'était pas d'humeur, de deux, il y avait Kyoko. Elle avait déjà du mal à embrasser Kara devant sa fille alors se balader en petite tenue, certainement pas ! Même quand elle se levait en pleine nuit pour sa fille, si elle était nue, elle faisait au moins l'effort pour enfiler un tee-shirt et une culotte, voir même un short au moins. Approchant doucement de sa chambre, elle restait à l'entrée, observant Kara qui gardait sa fille contre elle et un court instant, elle oubliait ce qui allait se passer demain. Voir sa fille et Kara ensemble, ça la fit sourire et oublier ses craintes et ses peines. Juste quelques secondes, mais c'était toujours ça de pris. Venant rejoindre le lit, Kyoko serait la barrière entre elles qui éviterait de faire des choses plus adultes.

« Dors bien, ma chérie, Maman veillera sur toi cette nuit.... Kara aussi. »

Tessou parlait à voix basse pour ne pas réveiller sa fille, tout en baisant le front de sa fille en touchant ses petits cheveux aussi doux que de la soie, certes, elle avait une belle crinière noire qui lui donnait vraiment un air petite fille et non juste nouveau-née comme il y a bien longtemps mais c'est ainsi, elle grandissait. Posant sa main sur son petit ventre qui remontait et descendait en douceur, elle levait les yeux vers Kara, toujours cette même peine dans le regard bien qu'elle soit légèrement moins triste.

« Dire que demain, elle aura déjà un an... Un an qu'elle n'est plus en moi et qu'elle rend mes jours nettement plus beaux... »

Ce qui avait aussi le don de parfois l'inquiéter plus que raison, mais Tessou était maman poule donc on ne pouvait pas lui en vouloir. Même si Kara aidait à rendre ses jours bien meilleurs, là, il s'agissait d'une relation mère fille, c'était au-delà de tout ça. Mais évidemment, Kara n'était pas en reste dans tout ça.

« Je me demande comment tu seras en grandissant, ma fille ? Quand tu seras une petite fille... puis une ado... puis une jeune femme... puis une maman ? »

Tessou avait tout le temps pour ça, Kyoko allait à peine souffler sa première bougie, elle n'était pas encore là le jour où elle voudra sortir avec des amies, faire un tour en boite ou qu'elle lui présentera un garçon comme petit copain ? Ou une petite copine ? Elle n'aurait rien contre ses attirances du moment que ce n'est pas illégal, vu que Tessou à vécu en à peine six mois, Kyoko aura le temps d'en découvrir des choses étonnantes. Une folle dingue qui a tenter de la tuer et dont l'ombre plane encore dans la nature. Une héroïne qui vient d'un autre monde. Une vampire qui gère une sorte de maison close. Un autre monde où se baladait librement des filles chats, des démones ayant comme enfant des anges, ça faisait beaucoup quand même ! Qui sait ce qu'elle aura découvert d'ici un an ?

« Kara... S'il m'arrivait quelque chose de grave... Tu veilleras sur Kyoko à ma place ? Je... J'en ai déjà tellement demandé à ma famille et à la famille de Ryota... je ne voudrais pas être un poids pour les autres... et avec toi au moins, rien de grave ne pourra lui arriver... »

En cette période, il était normal pour Tessou d'avoir des idées noirs, mais tant que cette maudite tueuse ne sera pas six pieds sous terre, elle n'aura jamais l'esprit tranquille.

« Elle a l'air si heureuse avec toi... Vous étiez même adorable tout à l'heure... Tu ferais pour très bonne seconde mère pour Kyoko. »

Non pas que cela était un message pour lire entre les lignes, mais quoi qu'il puisse se passer dans l'avenir, Tessou restera sa vraie maman, et Ryota son vrai papa. Tessou s'était déjà montrer forte par le passé, mais pas ce soir, ce soir, ce n'était qu'une pauvre femme en détresse, la présence de Kara était donc indispensable. Non pas qu'elle pourrait faire une bêtise, ça, jamais, mais ce n'était pas facile d'avoir des idées joyeuses et pleines de vie en ce moment.

Kara tournait en rond ce soir avec Tessou ! Elle n’était vraiment pas faite pour les relations humaines ! Comment gérer ça ? Tessou était partagée entre ses souvenirs de Ryota et son envie de vivre à nouveau. Le principe de plaisir et la pulsion de mort selon Freud… Éros et Thanatos. Kara en avait une démonstration criante avec Tessou, qui était partagée. Le hasard du calendrier avait voulu que la mort de Ryota survienne le jour de l’anniversaire de sa fille, comme une sorte de sinistre ironie morbide. Si on devait appréhender cela sur la grille des cinq étapes du deuil, Kara dirait que Tessou en était au stade de la dépression, dernière étape avant l’acceptation de ce décès. Elle hésitait à s’engager dans une aventure avec Kara, à reconstruire sa vie, l’esprit empreint de culpabilité, le fameux complexe du survivant. Kara savait ce que c’était… Elle-même l’avait ressenti après la destruction de Krypton. Comment pouvait-elle avoir le droit de se sentir heureuse quand tous ses proches étaient morts ? Comment pouvait-elle avoir le droit de ne pas être triste pour eux ? Pourquoi était-ce elle qui avait survécu, et pas les autres ?

*C’est Clark qui m’a aidé… Alors, c’est moi qui t’aiderai, Tessou, je m’en fais le serment.*

Elle l’avait déjà fait avant, et caressa doucement le dos de Tessou quand celle-ci alla la voir dans la chambre de Kyoko. Elle portait un court pyjama mauve, qui avait au moins pour lui l’avantage de mouler les belles fesses de Tessou. La policière la surprit toutefois en lui demandant, si jamais il lui arrivait du mal, si elle voulait bien s’occuper de Kyoko. Surprise, Kara tourna la tête vers elle… Et réagit en donnant une petite tape sur ses fesses, une lueur réprobatrice dans les yeux.

« Arrête, Tessou… Il ne t’arrivera rien. »

Kara se retourna vers elle, et posa sa main sur ses cheveux, un regard sérieux sur le visage. Elle embrassa alors doucement Tessou sur les lèvres.

« Tu dois arrêter de vivre comme ça, Tessou, dans la crainte perpétuelle de mourir… Ou dans le souhait inconscient de mourir ! Tu as une fille merveilleuse, personne ne pourra jamais te remplacer à ce poste. Tu crois que je l’abandonnerai ? Ma chérie, tu ne devrais même pas songer à me poser une telle question ! »

Une pointe d’agacement ? Cela se sentait, mais c’était compréhensible ! Mine de rien, Tessou pouvait parfois être énervante ! Kara voulait aussi l’amener à sortir un peu de ses gonds, qu’elle arrête d’être en-dedans.

« Je t’aime, Tessou. Et j’aime aussi Kyoko. Mais il faut que tu vives dans le présent, Tessou, que tu arrêtes de vouloir mourir, car, si tu raisonnes comme ça, tu finiras irrémédiablement par commettre une erreur sur le terrain. Ce n’est pas à moi d’éduquer Kyoko, c’est à toi. Tu crois que j’arriverai à combler ta mort ? Si tu veux que Kyoko soit heureuse, alors, vis, ma Tessou ! »

Évoquer ainsi son décès, c’était tout de même un peu glauque ! Kara voulait la faire changer de position, mais elle était également bien placée pour savoir que c’était dans les faits très difficile à faire… Après tout, elle n’était pas psychiatre, et elle hésitait à recommander à Kyoko une thérapie… Mais c’était sans ce dont Tessou avait besoin pour l’aider à faire le deuil.

D'ordinaire, Tessou arrivait à garder le sourire, à tenter de voir le verre à moitié plein plutôt que vide, rester optimiste. Mais depuis quelques jours, c'était trop lui demander. Elle savait bien pourquoi, elle ignorait si ce sera la même chanson chaque année, mais pour le moment, c'était sa première fois. Kara n'était pas du même avis et la femme de fer tentait de garder la tête haute pour deux, à la forcer à redresser le menton. Si bien que face à ses idées noires, Kara la réprimandais doucement, voulant que Tessou remonte la pente. A quoi bon ? Elle tentait, mais elle était sur une pente savonneuse, elle faisait un pas, elle glissait encore plus. Mais face à tout cela, elle restait muette, sa fille entre elles, elle levait les yeux vers Kara, légèrement embuée. Kara n'y était pour rien, c'est juste qu'elle accumule beaucoup trop d'émotion néfaste ces derniers jours, elle était obligée de craquer.

Des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues, avec Kyoko entre elles, elle ne pouvait se blottir contre elle dans le lit, mais ses jambes venaient trouver les siennes, la main posée sur le ventre de sa fille qui se relevait et s'abaissait doucement. Elle baisait tendrement sa petite tête, gardant le mutisme. Kara l'avait blessé ? Pas le moins du monde, mais là, un rien pouvait avoir raison d'elle, de la simple image de chaton à la simple vue de Kara. Tessou vivait avec ses propres peurs, ses cauchemars vivants, ne serait-ce que la Duchesse, tant que son corps ne sera pas refroidi dans une morgue, puis dans une tombe, on pouvait lui dire qu'elle était sur un autre monde, explosé en mille morceaux, elle devait voir son corps sans vie pour enfin tirer un trait sur elle. Alors oui, à la veille de l'anniversaire de sa fille et de la mort du père du son enfant, elle était un peu tendue et à fleur de peau. 

Ce n'était pas le genre de soirée dont elle avait habituée Kara, pas de câlin ou quoi, Kyoko empêchait cela, sans parler de son état, mais pour une fois, elle trouva le sommeil, assez rapidement, c'est vrai, mais sa fatigue était surtout mental. Elle profita au moins de ce rêve pour revoir Ryota, la vie dont ils auraient eu dans le meilleur des mondes, un petit pique-nique sous les cerisiers en fleurs, avec Kyoko à leurs côtés, la petite vie de famille parfaite dont elle avait tant rêver. Elle se blottissait contre lui, profitant de ce doux rêve, mais en s'écartant de lui, c'était Kara qui remplaçait Ryota, et dans son rêve, Tessou n'était pas gênée, surprise ou autre, un rêve quoi. Un rêve où en deux secondes, Kyoko avait gagné quelques années, leur offrant quelques fleurs qu'elle avait ramassées en venant se blottir à leurs côtés. C'était un beau rêve, idyllique qui pourrait rassurer Tessou au réveil ? Espérons-le.

Au petit matin, Tessou se réveillait sans réveil, habituée à l'heure du biberon de sa fille pendant tous ses mois, maintenant, elle faisait de plus grosses nuits, mais voilà, au réveil, elle était programmée pour ça. Kyoko dormait toujours entre elles, à poings fermés, Kara étant toujours là, veillant sur elles. Elle remonta la couverture sur elles alors qu'elle quittait le lit, allant préparer le biberon de sa fille en silence, comme toujours, pas de câlin ou quoi ce matin, ça attendra après, Kara se reposait, elle ne pouvait pas la réveiller pour rien, autant la laisser se reposer. Elle savait qu'elle n'était pas simple à vivre en ce moment, donc, autant lui laisser ça... Après quelques minutes, elle était de retour dans la chambre, posant le biberon sur sa table de nuit, le temps qu'il refroidisse un peu, elle s'allongea dans le lit, une main venait caresser les mèches blondes de Kara, son autre main toujours posée sur le petit ventre de sa fille. Cela la rassurait de sentir sa respiration sous sa paume. Et puis... c'était sa Kara, même si elle avait encore du mal à l'accepter... Qui sait, après cette épreuve ? Malgré quelques épis dans les cheveux, elle comptait lui offrir un joli sourire à Kara, comme à chaque matin dans son lit. Quant à Kyoko, elle la laissait encore dormir un peu, elle ne tarderait pas à se réveiller bientôt, sûrement. C'était sa journée aujourd’hui après tout.

Kara et Tessou passèrent une fin de soirée assez morne, et se couchèrent assez tôt. Un bon point pour Kara fut que Tessou accepta sans rechigner qu’elles dorment ensemble. Il avait fallu du temps pour que Tessou accepte quelqu’un de plus dans son lit, car elle vivait encore dans le souvenir de Ryota. Sa chambre à coucher comprenait à l’origine beaucoup de photos de Ryota, mais il y avait maintenant des photos de Kyoko, et également de Kara. La jeune femme enfila un débardeur et un shorty rose, puis se coucha. Le sommeil vint la cueillir après un certain temps. Tessou n’était pas la seule à vivre endeuillée. Kara, elle, avait perdu tout un monde. Ses parents, l’homme qu’elle aimait, tout ce à quoi elle tenait, et elle avait même été jusqu’à changer de dimension pour se reconstruire ici. Kara avait aussi ses propres traumatismes, et elle était donc la plus à même d’aider Tessou.

La policière était ceci dit assez têtue, rappelant sans arrêt à Kara ce livre qu’elle avait lu récemment, Kaïken. Dans ce thriller français, un policier passionné de culture japonaise, Olivier Passan, enquêtait sur un tueur en série redoutable, l’Accoucheur, qui tuait des femmes enceintes en les éventrant au terme de leur grossesse pour tuer le bébé. Un tueur particulièrement horrible, tandis que, parallèlement, Olivier affrontait le naufrage de son mariage avec une Japonaise, Naoko, souhaitant abandonner la culture japonaise. Le livre se terminait par une vengeance personnelle menée par Naoko devant l’incompréhension de son époux, qui ne comprenait pas le sens de l’honneur de Naoko, alors qu’il était capable de citer toutes les périodes historiques du Japon. Un véritable choc des cultures que Kara rencontrait, à son niveau, avec Tessou. Il était naturel que des veuves restent endeuillées par le souvenir de leurs anciens maris, mais, chez Tessou, ce souvenir était particulièrement vivace. Après tout, elles étaient au Japon, pays où le mariage était si important que de jeunes Japonaises étaient prêtes à débourser des fortunes pour organiser de fausses cérémonies de mariage, pour le simple plaisir d’avoir chez elles de belles photographies de mariage.

*Je suis capable d’arrêter un train lancé à pleine vitesse avec mes deux mains, mais, face à Tessou, je suis complètement désarmée… Que puis-je bien faire ?*

Au lendemain matin, Kara n’avait toujours aucune réponse à fournir. Elle dormait paisiblement. Pour une fois, aucune alerte ne l’avait amené à sortir la nuit. Elle se reposa, tout simplement, jusqu’à entendre les gazouillis de Kyoko. Ce fut la fille de Tessou qui la réveilla en se frottant contre elle.

« Hum… »

Kara sentit ensuite une main caresser son visage, puis de petits doigts boudinés tirèrent sur une mèche de cheveux sauvages, et elle remua alors. Couchée sur le flanc, elle s’étala sur le dos, et emmena avec elle Kyoko, qui poussa un petit couinement, avant d’atterrir sur Kara, sa tête entre ses seins. Kyoko se redressa alors, et s’avança un peu vers le visage de Kara, qui commença à papillonner des yeux.

« Oh… On dirait bien qu’une petite gobeline est venue m’attaquer ! »

Kara sourit donc, et attrapa Kyoko d’une main, la soulevant sans difficulté en tirant par son pyjama. Kyoko gloussa en battant des bras, cherchant visiblement à attraper Kara.

« Allez, petit crapaud, reviens par ici… »

La super-héroïne la déposa entre elle et Tessou, et lui chatouilla le ventre. Kyoko se débattit en éclatant de rire, puis Kara l’embrassa sur le front, un franc sourire sur ses lèvres. Elle regarda ensuite Tessou, et lui sourit en retour, avant de l’embrasser sur les lèvres.

« Salut chérie, tu as bien dormi ? »

La nuit fut plus calme qu'elle ne l'aurait cru, elle espérait que ce n'était pas juste le calme avant la tempête. Première levée, comme souvent, elle quitta le lit pour préparer son biberon et l'apporter dans le lit, où se tenait les deux personnes les plus importantes de sa vie. Sa fille qui fêtait aujourd'hui sa première année, et Kara, sa sauveuse, entre autres. Elle les réveilla doucement, le temps que le biberon perde quelques degrés, Kara jouait déjà avec sa fille avant de la redeposer, venant embrasser Tessou, l'appelant « chérie ». Chérie... Elle reprenait à son rêve, ce pique-nique avec Kyoko et Ryota, puis en un tour de main, Ryota était devenue Kara. Elle était loin d'être une psy, mais ça voulait dire qu'elle voulait vivre avec ? Un message de Ryota qui accepte qu'elle prenne sa place pour veiller sur sa famille ? C'était peut-être juste un rêve, inutile de chercher entre les lignes, mais Tessou aimait y voir un message de ce genre.

Pour seule réponse, elle agitait doucement la tête pour lui répondre avant de s'installer plus confortablement sur son lit, prenant sa fille entre ses bras avant de venir lui donner le biberon. Entre son bras et sa poitrine, Kyoko était bien installée confortablement. Il y a un an, c'était une petite crevette qui avait les yeux fermé, quelques cheveux sur la tête, là, elle avait une belle crinière, de grand yeux bien ouvert malgré son réveil et surtout, elle avait bien grandit. Prudente, Tessou veillait toujours à tester le lait avant en prenant une petite tété, ni trop chaud, ni trop froid.

« Joyeux anniversaire, ma princesse... »

Le sourire tendre, elle donnait le biberon à sa fille, observant sa fille sans se lasser. Elle était si adorable, elle y remarquait toujours les petites choses qui changeait, qui n'allait pas, venant même retirer entre des petits doigts un long cheveu doré. Kyoko avait réussi à lui prendre un cheveu dans sa petite bataille. Parlant d'une voix douce, pas très forte, elle levait son nez vers Kara, toujours avec un léger sourire. Contrairement à hier, bien que ce sourire ne soit pas radieux, il ne masquait pas une tristesse ou autre, c'était juste de la joie, avec un peu de fatigue.

« Tu pourras nous préparer du café après, chérie ? »

Chérie... Pour que Tessou le dise, elle ne l'avait pas remarqué ou elle l'avait accepté, c'était l'un ou l'autre. D'ordinaire, Kara pouvait la taquiner avec ce mot qui la laissait toujours dans un petit état de panique, mais sortant de sa bouche, c'était assez rare pour le souligner. Enfin, si Kara voulait juste assister au biberon du matin, elle n'allait pas la chasser non plus. Au pire des cas, elle pourra préparer ça quand elle ira laver et changer Kyoko. Après tout, le programme était déjà clair dans sa tête, passer par le cimetière, ensuite, repas chez la famille de Ryota et là-bas, en compagnie de sa famille aussi, ils y fêteront les uns ans de la petite Kyoko. Elle allait être encore plus gâtée aujourd'hui !

« Il faut que tu sois en forme, ma chérie aujourd'hui... tu verras tes grands-parents, puis aussi toutes tes tantes... »

Bon, elle en avait trois, mais quand même. Sa sœur cadette faisait officie de baby-sitter avant que Kara ne la remplace, elle avait des études à mieux réviser après tout étant donné qu'elle était à la fac, et il y avait les deux sœurs jumelles de Ryota, Kara les avaient déjà croisé avec l'affaire des deux vampires qui avaient attaquer dans le parc quand elle veillait sur Mélinda.

Après la soirée tendue d’hier soir, Tessou semblait avoir envie de calmer les choses. Kara acquiesça à sa demande de café, et se rapprocha de la cafetière. Elle-même n’y était pas contre. Elle avait beau être une Kryptonienne et être capable d’arrêter des chars à mains nues, quand elle se levait, elle se sentait toute affaissée ! Elle prépara donc du café pour elle et Tessou. Kyoko était encore trop petite pour avoir droit à du chocolat chaud, et elle se « contentait » donc, en l’état, du lait maternel de Tessou. La policière retrouva donc sa fille, et Kara prépara lentement le café, laissant la machine faire son office. La cafetière recueillit peu à peu les dépôts de café, et, quand le tout fut prêt, elle remplit deux tasses sur un plateau, tout en préparant parallèlement du pain. Elle le sortit du congélateur, et utilisa sa vision-laser pour réchauffer les morceaux de pain. Elle amena ensuite du beurre, et, tenant le plateau-repas, rejoignit le duo.

Quand elle rejoignit la chambre, Tessou donnait le sein à Kyoko, qui tétait généreusement. Souriant légèrement, Kara ne dit rien, et posa le plateau-repas. L’odeur de café et de tartine grillée remontait sur place. Les yeux-lasers de Kara s’avéraient plus rapides et bien plus efficaces que n’importe quel four ou grille-pain ! Comme quoi, ses pouvoirs se devaient d’avoir une utilité en n’importe quelle situation ! Kara savait que le reste de la journée ne serait pas drôle pour Tessou, et elle tenait donc à la préserver autant que possible.

« Tu sais que j’adore te voir lui donner le sein ? »

Une remarque sous forme de question, qui n’appelait donc pas vraiment à une réponse. Une fois Kyoko rassasiée, Tessou la reposa sur le lit, et Kara se rapprocha ensuite. Elles avaient pris l’habitude de prendre leur petit-déjeuner ensemble, dans le lit, avec une Kyoko curieuse qui avançait à quatre pattes en reniflant les bonnes odeurs. Kara était d’humeur généreuse, car elle avait même apporté un peu de crème chantilly. Le fait est que Kyoko raffolait de crème chantilly ! La bombe était donc posée sur le plateau, tandis qu’elle avalait un peu de café.

Curieuse, Kyoko se rapprocha, et Kara la repoussa du doigt. Le petit bébé gloussa sur place, et chercha à jouer avec la main de Kara, qui sourit brièvement. Elle recouvrit alors la pointe de son doigt d’un peu de crème chantilly, et l’approcha de Kyoko, qui se mit à lécher le doigt avec appétit, mais laissa un peu de crème chantilly sur la pointe de son nez. Kara sourit alors, et attrapa avec son doigt le morceau, puis le fourra dans la bouche de Kyoko, qui gloussa joyeusement sur place.

« Là, voilà, c’est bon, hein ? »

Kara récupéra son doigt, et regarda ensuite Tessou.

« J’imagine qu’on ne se tiendra pas la main, alors… Comment organise-on tout ça ? On arrive en même temps, ou tu préfères que je vienne plus tard ? »

Tessou n’avait pas encore officialisé leur relation auprès de ses parents, une chose que Kara pouvait comprendre. Il faudrait leur dire, déjà, qu’elle avait trouvé une autre personne dans son existence, mais, surtout, que cette personne était du même sexe qu’elle, ce qui revenait à dire qu’elle était bisexuelle ! Cela faisait donc beaucoup de raisons pour y aller prudemment, et Kara ne voulait surtout pas faire de fausse note !