Rhian avait des gardes du corps chez elle. Ses tigres, ou encore Fallah… Mais ses trois tigres avaient dû être amenés en sécurité, et Fallah devait se trouver dans la ville, ou à l’entrée du Palais, obéissant à Hassoun pour repousser les Olympiens. Il ne s’agissait clairement pas d’une simple attaque de monstres. Des soldats se tenaient devant eux, et, à voir leurs yeux verdâtres, ils n’étaient pas vivants.
*On dirait de la nécromancie…*
Ceci étant dit, il ne s’agissait pas de simples zombies. Mis à part leurs yeux, ils agissaient très naturellement, et étaient même capables de parler et de réfléchir. Quel nécromancien pouvait bien faire ça ? Les nécromanciens dans les nécropoles s’entouraient de zombies décérébrés, de Draugirs, car ils étaient incapables de faire des sorts plus perfectionnés. Était-ce là l’illustration du pouvoir infini des Dieux ? Papua avait aussi ses propres Dieux, mais la famille olympienne avait toujours surclassé les autres. Pouvaient-ils faire ça ? Rhian n’aurait jamais cru qu’une telle chose était possible… Mais cela expliquait bien des choses.
Dans les temps antiques, avant même que l’Empire n’existe, l’Olympe s’était dotée d’une puissante force de frappe, une armée qu’elle avait utilisé pour protéger la Tour. Le royaume de l’Eld avait diffusé la religion olympienne dans les premières années de son existence, avant que la religion elle-même ne se développe, et ne devienne monothéiste. Mais les Olympiens disposaient d’une énorme armée en stock, qu’ils avaient su ramener de l’outre-tombe, par l’effet d’un quelconque sortilège obscur et confus. Et, maintenant, des hoplites foulaient de leurs pieds le harem royal de Papua. Rhian resta prudemment en retrait, tandis que Riniya se mit à les affronter. L’elfe avait pour elle un équipement de haut niveau, ce qui amena Rhian à se dire qu’elle devait sans doute venir de Tekworld, ce monde parallèle au leur, où la technologie était bien plus avancée.
Rhian, elle, avait appris à se battre auprès d’Herebos, son frère, mais elle n’avait jamais eu l’occasion de pratiquer. Sa main moite serrait la base de sa dague dorée, tandis que Riniya affrontait seule les hoplites. Son arc énergétique était redoutable, formant aussi bien une arme à distance qu’une arme de combat, puisqu’elle l’utilisa pour égorger un hoplite. Rhian vit au moins avec satisfaction que les hoplites semblaient mourir comme n’importe qui d’autre. L’hoplite égorgé s’écroula sur le sol, libérant une gerbe de sang.
La Princesse vit alors qu’un archer s’était glissé dans le dos de la femme, et bandait son arc vers elle, risquant de l’atteindre dans un angle mort. Les hoplites avaient compris que la femme avait un bouclier énergétique, mais Rhian constata qu’ils maîtrisaient aussi la magie, car la flèche s’enflamma, s’apprêtant à fondre sur le bouclier. La Princesse bondit alors vers l’homme, et le frappa d’un coup d’épaule, l’envoyant s’étaler sur le sol, au milieu de coussins finement brodés et de dorures. Surpris, le guerrier spartiate poussa un grognement, et chercha à s’emparer de sa dague. À califourchon sur lui, Rhian leva bien haut ses mains, tenant sa dague, et l’abattit violemment sur son torse, le transperçant. Les yeux de l’Olympien s’écarquillèrent, et elle le vit convulser devant elle, la lueur verdâtre étincelante dans ses yeux disparaissant progressivement, s’amenuisant au fur et à mesure que la vie le quittait.
Rhian se retourna ensuite. Riniya était redoutable, aussi dangereuse que Fallah. Fort heureusement, il y avait assez peu d’ennemis ici, même si le harem avait été souillé par le sang de ces monstres. Or, dans la plus pure tradition papuanne, le harem ressemblait à un sanctuaire, un foyer sûr et protégé. En tout cas, Riniya avait réussi à en terminer.
« Merci, Rinaya… Il faut y aller, maintenant. Je n’arrive pas à croire qu’ils se soient rendus jusqu’ici… »
Rhian prit les devants, tâchant de reprendre son calme. Tuer un ennemi n’avait rien procuré en elle, aucun sentiment de joie, ni même de honte. Ces types étaient en train de les envahir, et elle ignorait leurs motivations. Elle se dirigea vers le fond du harem, et rejoignit l’un des salons adjacents. Des odeurs d’encens flottaient dans l’air. C’était un salon de détente, avec des sofas, et même un comptoir où il y avait des liqueurs et des bouteilles. Rhian alla devant une statue en forme de tigre, et récupéra sa dague. Précautionneusement, elle retira de celle-ci une pierre précieuse incrustée dessus, un rubis écarlate, qu’elle posa ensuite sur le collier du tigre. Un pan de mur derrière la statue se mit alors à trembler, tandis que les yeux de la statue s’illuminèrent… Puis le pan de mur pivota, laissant apparaître une ouverture sur un couloir plongé dans la pénombre.
« Voilà notre issue, Riniya… Ce couloir conduit aux souterrains du Palais. Une partie condamnée. A priori, nous n’y rencontrerons pas d’autres Olympiens, mais il y a des monstres qui errent par là. Enfin, c’est le meilleur moyen de rejoindre la ville, et de retrouver l’armée. »
Rhian ne quittait le Palais que pour mieux y revenir.