The Multiversity

Un enfant pleure dans la rue. Entre deux sanglots, il est possible de comprendre qu’on vient de lui voler son dessert. Une création de la pâtisserie juste derrière : un éclair au nappage rouge et aromatisée à la fraise.

Plus intriguant, le père de l’enfant est assis sur le trottoir. Son esprit partagé par la peine de son enfant et par la terreur qu’il vient d’expérimenter. Un démon dans un corps d’adolescente répète-t-il plusieurs fois à qui s’approcherait assez près de ses lèvres tremblantes pour entendre.

La main pousse ensuite la porte de verre pour entrer dans la pâtisserie qui semble être le lieu où s’est conduit le Mal. Un carillon chante. Mélange de couleurs et de fragrances. Délice pour les yeux et les narines après l’omniprésence du béton gris du monde du dehors.

De dos, on peut deviner rapidement que c’est cette jeune fille la source des problèmes de l’enfant et du père au-dehors. Pourquoi ? Tout simplement parce que son apparence est incroyable ! A première vue, on pourrait penser que c’est une sorte de jeune fille amoureuse d’une mode étrange. Un serre-tête avec d’énormes fraises et un collier de chantilly figé. Une robe couleur menthe. Un corset, des épaulières et des gants couleur chocolat.

Mais… à seconde vue, tout devient différent. Les fraises sur la tête semblent briller de cette lueur organique. Ce qui ressemble à un tissu vert est en réalité une sorte de réelle glace à la menthe figée dans un tissu organique. Et que dire du corps en elle-même de l’adolescente ? Il faudrait surement imaginer un blob, ou encore ce dessert connu des anglais. Quelque chose de transparent, bloblotant et de couleur rouge fraise. Il y a des choses qui flottent à l’intérieur. Ça semble être l’esquisse d’une colonne vertébrale dessinée par Picasso. Des organes du style du défunt peintre.

Bref, ça ne peut pas être une adolescente loufoque : c’est un monstre.

Que fait ce monstre sucré ? Elle vient de passer derrière la vitrine. La serveuse derrière la caisse enregistreuse a disparu. La porte battante finit de stabiliser après son passage. Désormais, l’adolescente-monstre a les yeux grands ouverts d’anticipation de tout ce qu’elle va manger. Un grand sourire accompagné d’une petite goutte de bave affamée à la commissure.

Ses deux mains s’accaparent d’éclairs au fraise. Elle veut goûter encore ce que l’enfant lui a « offert ». Il y en a déjà un dans sa bouche quand le carillon chante de nouveau.

Faim ! Mélona avait faim ! Et, quand on avait faim comme elle, il n’y avait qu’une seule chose qu’on appréciait vraiment : le sucre ! Le sexe fonctionnait aussi, mais c’était pour une faim différente. Mélona partit donc à l’assaut de la ville, prenant sa forme normale d’humaine… Une forme qui était très aisément reconnaissable, avec ses oreilles de lapine rose, ses formes voluptueuses, et sa robe surréaliste, qui tenait sur son corps comme par enchantement. Les gens la regardaient à son passage. Au Japon, il arrivait souvent de voir des gens dans des tenues excentriques, mais la Slime détonait quand même. Rejoignant les rues piétonnes de Yoake, elle savait où elle devait se rendre.

Il existait une boulangerie française qui disposait d’une pâtisserie très complète : Le Pain de Paris. Les Yoakïtes aimaient bien s’y rendre, et Mélona aussi ! Elle disposait fort heureusement d’argent. Maman Lissandre lui en avait expliqué le fonctionnement, mais Mélona avait encore du mal à comprendre comment cela marchait. Elle avait donc pris tous les petits billets, puis rejoignit Le Pain de Paris. Elle entra rapidement, impatiente de tout dévorer !

« BONJOUR ! » s’exclama-t-elle en entrant.

Elle sourit joyeusement, et son regard s’abaissa sur la cliente devant elle… Qui n’avait pas une tête d’humaine. Elle comprit toutefois que la femme n’était pas en train de commander, puisqu’elle mangeait un éclair aux fra ises, et Mélona la poussa rapidement, sans même avoir noté qu’il s’agissait d’une Slime. Toutefois, il n’y avait personne à la caisse, ce qui la surprit. D’habitude, il y avait toujours quelqu’un !

« Hey-ho ? Y a quelqu’un ? J’ai faim ! »

Elle soupira, et avisa ensuite l’un des éclairs aux fraises pris par la femme, qui attendait sur une table. Mélona l’attrapa, et le mangea avec appétit, croquant dedans.

« Hmmm, ch’est trop bon ♥ ! »

Mélona ne pouvait pas se douter que cet éclair était déjà la cible de quelqu’un d’autre…

« Mon éclair ! »

La colère monte d’un seul coup jusqu’à inonder la tête de Marmelade. On ne lui vole pas ses petites choses sucrées si bonnes. Ça ne se fait pas !

Alors son visage mignon devient un faciès monstrueux. Le rose sucré de son visage s’assombrit. Ses grands yeux couleur soleil deviennent des puits sans fond d’un jaune lumineux. Sa petite bouche tirant facilement la langue devient un amas de chair torturé. Se souvenir de Néo dans Matrix qui essaie d’ouvrir la bouche après qu’elle est disparue est une très bonne image.

« Voleuse ! C’était le mien ! »

Son corps slimesque s’hérisse de petits pics de sucre cristallisé. Marmelade brandit son poing gauche –encore humain- comme menace envers Mélona. Ce poing dont les doigts disparaissent pour laisser placer à une substance de gaufrette. Puis une main plus grande qu’avant « pop » de ce cornet de glace slimesque. Des doigts rappelant des parfums tels que chocolat/vanille ou encore fraise et menthe.

« Tu ne touches plus à rien, voleuse ! »

Le brouhaha causé par les prémices d’une dispute entre les deux humanoïdes roses entrouvre timidement la porte donnant accès aux fours et aux bureaux. Mais l’œil intimidé aperçoit la transformation de Marmelade et préfère refermer la porte. Personne ne viendra donc prendre la commande de Mélona et encaisser l’argent de Maman Lissandre.

Mélona avala l’éclair en quelques secondes, tout en trouvant curieux que ce magasin n’abrite aucun employé ! Où étaient-ils passés ? Elle sembla alors noter la présence de quelqu’un d’autre, et sursauta quand elle vit… Une Slime ! Une Slime qui l’accusa de « voleuse » !

*Hein ? Quoi ? Que ?!*

Elle lui reprocha d’avoir mangé son éclair. Penaude, Mélona baissa la tête vers les miettes de l’éclair, et déglutit alors, en avalant définitivement le dernier morceau. Devant elle, une Slime furibonde la regardait. Mélona l’observa en clignant des yeux à plusieurs reprises… Puis éclata de rire en tendant un doigt vers elle.

« Hihi, t’es trop mignonne ! On dirait une glace géante ! »

Mélona reprit ses esprits, et, se rappelant ce que Maman Lissandre essayait de lui enseigner, elle joignit ses deux mains devant elle, puis pencha la tête vers l’avant, courbant son corps.

« Désolée, Madame, je ne savais pas que les magasins embauchaient des Slimes… Mais ça semble logique, après tout. Qui mieux qu’une Slime pour gérer les activités d’une pâtisserie, hein ? Enfin, j’ai de quoi payer ! »

La Slime récupéra les billets de banque, et brandit une liasse, qu’elle déposa sur le comptoir.

« Là, voilà ! Ça devrait être assez, non ? »

Mélona venait de déposer 5 billets de 10 000 yens chacun, soit une valeur monétaire de plus de 350 €. Autant dire que, pour un éclair, cela faisait beaucoup ! Mélona se retourna alors vers Marmelade, un grand sourire innocent sur les lèvres.

« Pitié, Madame-la-Slime, ne me demandez pas de sortir, j’ai très faim ! Je crois qu’il y a assez pour un deuxième éclair, non ? »

Et, joignant le geste à la parole, Mélona généra un tentacule, qui attrapa un autre des éclairs, qu’elle s’empressa alors d’avaler à nouveau…

« Ch’ai plein de billets, donc pas de chouchis !! Hmmm… !! »

Oh, mais que c’était bon ! Miam miam !

Le faciès démoniaque ne parvient pas à rester en place devant toute l’innocence de Mélona. Petit à petit, les transformations font machine arrière et la jolie bouille de Marmelade reprend sa place.

*Elle est intrigante… Elle n’a pas eu peur de moi. Ou alors elle est trop simplette pour comprendre que je pouvais lui faire mal ? Hum… *

Sa main transformée en glace à doigts est toujours brandie. Mais c’est le ridicule qui remplace la provocation désormais. Pourtant, Marmelade ne pense pas à l’abaisser. Elle est bien trop étonnée par toutes ces informations innombrables. D’abord cette somme d’argent papier devant elle. Puis le fait que la cliente croit qu’elle est une employée.

*Je dois lui dire quoi moi maintenant ? C’est une copine ou c’est une voleuse ? J’arrive plus à savoir… *

Des bruits jaillissent de son estomac. Se transformer consomme de l’énergie. Déjà qu’elle avait faim avant d’entrer dans « Le Pain de Paris »… Maintenant elle a encore plus faim. Alors enfin elle pense à baisser son poing cornet de glace. Il est un peu plus petit qu’avant. Et il commence à faire tomber des gouttes de glace liquide sur le sol.

« Je ne sais pas combien ça coûte ce délicieux éclair. »

C’est vrai qu’ils sont sacrément appétissants ces éclairs tout roses et tout kawaii !

« Et je ne suis pas Madame-la-Slime. Ma maman m’a appelée Marmelade. Et je n’ai pas de nom de famille comme celui que tu as donné. C’est juste Marmelade. Ce n’est pas Marmelade La Slime ou je ne sais pas quoi d’autre. Marmelade. »

Son estomac fait encore un boucan. Il a faim, le pauvre !

« Ton argent, il faut le donner aux gens qui sont passés derrière cette porte. Pas à moi. Moi je ne sais pas quoi en faire. Je ne mange pas ce genre de nourriture. Je suis comme toi, j’aime beaucoup les éclairs comme celui-là. Et comme celui-là aussi. Mais pas que les éclairs. Tout ce qui est plein de sucre. Et de couleurs, aussi ! »

Ses yeux dévorent les pâtisseries. Tellement de choix ! Elle ne sait plus lequel manger en premier, maintenant. Et son estomac grogne toujours de déplaisir et de vide.

Marmelade. En finissant son éclair, Mélona suça ses doigts, couverts d’éclair. Elle les suça goulûment, et constata avec joie qu’elle n’avait pas avalé son propre doigt ! Cela signifiait que son corps commençait à se stabiliser, à se solidifier du fait du sucre qu’elle commençait à manger. Face à elle, la Slime s’était apaisée, et lui indiqua s’appeler Marmelade. En revanche, elle nia être une serveuse, et fit observer à Mélona que les serveurs se trouvaient à l’arrière. Intriguée, Mélona posa un innocent doigt sur ses lèvres en tournant la tête. Elle vit une porte derrière le comptoir, entrouvert, et se pencha par-dessus le comptoir. Elle vit une tête paniquée, et fit son plus charmant sourire en remuant la main.

« Hey oh, ma Maman m’a dit que je dois toujours payer, vous pouvez venir compter ?
-  Hîîîî !! »

La femme referma précipitamment la porte, en la claquant. Surprise, Mélona se retourna vers Marmelade, qui avait encore faim.

« Tu ne saurais pas comment compter ? Ma Maîtresse me donne toujours de l’argent, mais ma Maman m’a dit qu’il ne fallait pas tout donner. Seulement, je ne comprends pas trop comment ça marche. C’est peut-être lié à ces chiffres qu’on voit ici et là… »

Elle disait ça en tapotant ses lèvres, se penchant vers les vitrines. Sans le réaliser, Mélona mettait à chaque fois ses formes plantureuses en valeur. Elle observa encore les produits.

« Je ne comprendrais jamais pourquoi les humains les cachent derrière des vitres, c’est si difficile d’accès ! Mais je pense qu’il y en a assez pour nous deux, non, Marmelade ? »

Mélona se releva, et lui sourit alors.

« Je vais payer pour toi, je dois être gentille comme Maman ! »

Mélona déposa l’intégralité de ses billets sur la caisse, puis généra des tentacules, venant ainsi attraper diverses viennoiseries, qu’elle empila ensuite sur plusieurs plateaux. Elle le faisait avec aisance, heureuse d’avoir trouvé une consœur, et heureuse du festin qui s’annonçait ! Elle remplit ainsi à ras bord plusieurs plateaux, et vida finalement la boulangerie de quasiment toutes ses viennoiseries, piochant aussi plusieurs baguettes dans la foulée. La boulangerie disposant d’un coin réfectoire, Mélona déplaça les plateaux sur une table. De fait, la salle était vide, car les clients avait fui par une porte donnant sur la terrasse, laissant leurs affaires.

La Slime déposa le tout, puis rejoignit la banquette.

« Voilà ! claironna-t-elle avec joie. Dis-moi, Marmelade… Qui est ta Maîtresse ? Ou ton Maître ? Je ne t’ai jamais vu chez ma Maîtresse, donc tu ne dois pas venir de là… »

Mélona dit ça en s’attaquant à un flan pâtissier, qu’elle croqua à pleines dents.

Marmelade aime bien la fille en face d’elle. Elle est toute joyeuse et donne envie de passer du temps avec elle. Marmelade réalise alors qu’elle aimerait bien que ça devienne sa copine. D’ailleurs, elle réalise qu’elle est bien seule, Marmelade…

*Mais c’est bizarre qu’elle se penche toujours comme ça pour faire blobloter ses seins. Bon, ce n’est pas grave. Ça doit être normal. Puis, je préfère bien plus ses incroyables tentacules qui récupèrent toutes les bonnes pâtisseries ! *

L’argent ne l’intéresse pas. Marmelade hausse les épaules à chaque fois que Mélona en parle. Son regard suit, comme hypnotisé, la valse des tentacules et des transferts de petits mets sucrés. Il n’y a que ça qui soit intéressant !

Marmelade rejoint donc Mélona et s’assoit-elle aussi sur la banquette. Il y a tellement de choix que ses mains sont comme parcourue de spasmes à chaque fois qu’elle change d’avis pour prendre le voisin. Un flan pâtissier disparait. Bizarrement, ça l’aide à se décider et elle choisit une religieuse aux beaux reflets dans le chocolat. Elle gobe la petite boule du dessus. Se délecte de la couronne de crème au beurre.

« Pourquoi je serai déjà allée chez toi ? Je ne comprends pas. »

Ses doigts découpent en deux la base de la religieuse au chocolat. Elle s’amuse à vider l’intérieur avec sa langue. Puis avale ce qu’il en reste en prenant bien soin de lécher ses doigts. C’est tellement bon de manger avec ses doigts !

« Je n’ai pas de maîtresse ou de maître. Je ne suis jamais allée à l’école. En fait, je suis toujours restée chez ma maman jusqu’à ce qu’elle change. Un jour sa peau était aussi lisse que le glaçage de ce bel éclair. Puis le jour d’après, c’était pleins de plis et de tâches bizarres. Puis, elle ne voulait plus bouger ni me parler. J’ai essayé de la faire réagir. Puis soudainement elle était toute rouge et toute couverte de choses sucrées. Je l’ai mangé et je suis parti de la maison. Aujourd’hui je suis là. »

Elle lui fit un grand sourire. Elle venait d’avouer un acte de cannibalisme mais pour elle, ce n’était pas choquant ou répréhensible. Elle ne réalisait même pas qu’elle avait frappé avec une rare violence le corps de l’humaine qui avait participé à sa création. Marmelade avait toujours vécu dans une bulle. Il lui manquait énormément de choses pour vivre et se fondre dans le monde normal.

« Et je suis trop trop contente parce que je crois que j’ai trouvé ma première copine ! Tu es toute rose. Tu as des tentacules magiques. Et tu es une grosse gourmande comme moi. C’est génial ! »

Pas de Maîtresse ni de Maître ? Comment cela était-il possible ? Pour Mélona, c’était une vraie révélation ! En même temps, tous les Slimes qu’elle connaissait avaient été créés par sa Maîtresse, la puissante et belle Reine Noire. Mais sa Maîtresse lui avait dit qu’il existait d’autres Slimes, et qu’ils n’étaient pas tous très gentils. D’ailleurs, de base, avant que Mélona ne soit créée, les autres Slimes étaient très violents. Il avait fallu que sa Maîtresse fusionne une dose de Mélona avec les autres Slimes pour les attendrir un peu. Sa Maîtresse lui avait également parlé des shoggoth, mais tout cela était un peu trop compliqué pour Mélona, qui s’était contentée de faire semblant d’écouter, tout en observant avec appétit les fesses de sa Maîtresse.

*Est-ce que je dois la présenter à Maîtresse ? Peut-être résoudra-t-elle ce mystère ?*

Mélona était assez songeuse. Elle devait ramener à sa Maîtresse des femmes qu’elle jugerait intéressantes. C’était à ce titre qu’elle avait rencontré celle qui était désormais sa Maman. Devait-elle plutôt la présenter à Maman ? Maintenant que Mélona avait une Maman et une Maîtresse, tout était plus compliqué pour elle ! Ceci dit, elle ne s’en plaignait pas. Elle aimait l’idée d’avoir un foyer, une maison, une famille. Chez Maman, elle avait sa propre chambre, et elle aimait bien quand sa Maman venait lui faire un gros câlin. Comme toujours, l’esprit de Mélona s’évaporait, et elle avala un chausson aux pommes, croquant dedans pour revenir à la réalité. La boulangerie était curieusement tout aussi vide, mais, depuis la fenêtre, Mélona pouvait voir la terrasse extérieure. Des gens les regardaient en les pointant parfois du doigt, puis en les filmant avec leurs téléphones. Intriguée, Mélona leur sourit en les saluant de la main, et ils poussèrent des hurlements en s’éloignant encore.

Tout de même, ces humains étaient quand même bien étranges !

Elle s’attaquait à un croissant, tout en écoutant les explications de Marmelade. De ce que Mélona comprenait, elle avait une maman slime, et elle l’avait… Mangé. Mélona l’observa en clignant des yeux, curieuse. Comment Marmelade était-elle devenue une Slime ? Avait-elle fusionné avec sa mère ? Était-elle à la base un clone de sa mère qui avait acquis son indépendance ? La création des Slimes était un grand mystère, car, comme sa Maîtresse le lui disait souvent, les Slimes n’étaient pas des êtres naturels, mais des êtres magiques. Ils ne pouvaient donc pas naître naturellement. Néanmoins, avant de pouvoir échafauder des hypothèses supplémentaires, Marmelade avoua à Mélona qu’elle était son amie, et la fit rougir en lui disant qu’elle était « géniale », parce qu’elle était « toute rose » avec des « tentacules magiques ».

« Une copine ? »

Mélona se tapota les lèvres, en réfléchissant.

« Mélona n’a encore jamais eu de copine non plus ! »

Elle avait une Maman, une Maîtresse, mais elle ne savait pas si elle pouvait qualifier ses autres rencontres de « copine ». Pour elle, les interactions humaines étaient complexes ! Il y avait certes cette vampire chez qui elle passait parfois du temps, mais Mélona ne pouvait pas vraiment la considérer comme une « copine »… En tout cas, ce mot ne lui était jamais vraiment venu à l’esprit !

« Mélona sera donc la copine de Marmelade ! » s’exclama-t-elle, enjouée.

La Slime hésita ensuite un peu, et rajouta :

« Marmelade ne peut pas faire de tentacules ? Que peut faire Marmelade ? »

Mélona était naturellement intriguée… Qui ne le serait pas, à sa place ?!

Elle est trop trop contente, Marmelade ! Mélona c’est sa copine maintenant. Elle est d’accord. Et elle trouve ça trop génial ! Tant qu’elle met un temps de retard avant de comprendre que le regard appuyé de sa nouvelle copine attend les réponses à ses questions. Mais… c’était quoi ces questions déjà ? Ah oui !

« Je ne comprends pas pourquoi tu es surprise. Je devrais savoir faire des tentacules ? Je n’ai jamais pensé à en faire, en fait. C’est peut-être pour ça. Hum… »

Elle est songeuse maintenant, Marmelade. Est-ce qu’elle serait bizarre ? Est-ce qu’elle serait… « incomplète » ? Elle ne sait pas. Elle ne pense pas. Elle se sent bien comme elle est. Ses souvenirs la replongent dans la maison où elle a vécu avec sa Maman. Elle se souvient de la farine étalée sur la table. De la chaleur émanant du four. Des sourires. Mais elle ne se souvient pas du tout de quelque en rapport avec des tentacules. Au final, Marmelade hausse des épaules puis passe à autre chose.

« Je sais faire pleins de choses, je crois. Je peux changer la forme de mon corps. Parfois, je trouve que les jambes c’est embêtant. Alors je les enlève. Ça me fait ressembler à une espèce d’escargot si tu veux. Mais une belle, hein ! Mais ce que j’aime bien faire, c’est changer de vêtements. Je sais, je vais te faire voir. Ça va être plus simple. »

Elle ne sait pas pourquoi mais Marmelade fait une fixette sur les colliers des religieuses faites en crème au beurre. Alors elle se créer un collier qui ressemble exactement à ce qu’on peut voir sur une religieuse. Puis elle continue et se fait une ceinture de crème au beurre exactement. Elle s’amuse beaucoup et décide de continuer à s’inspirer de la religieuse. Alors elle fait gonfler une sorte de grosse robe au-dessous de la ceinture sucrée. La robe est de la couleur entrer le marron de la religieuse et le rose de Marmelade. La robe rondelette est fissurée comme la patisserie.

« Ah ah ! Maintenant, je ressemble à ces filles d’il y a longtemps. C’est rigolo à créer mais ce n’est pas très pratique. »

Elle tourne autour d’elle-même et s’amuse beaucoup à danser. Elle entendrait presque les musiques résonnant dans les richesses du Château de Versailles à Paris.

Puis elle s’arrête de tourner et se rapproche de Mélona.

« Tu peux goûter si tu veux. »

Ça fait très cannibale comme phrase… Mais Marmelade ne réalise pas le limite de cette phrase.

« Tout ce que je crée est sucré. C’est aussi pour ça que j’ai tout le temps faim. Et… »

Son visage perd de sa bonne humeur. Temporairement, hein !

« Et quand j’ai faim, je me mets en colère. Et quand je suis en colère, je me transforme en quelque chose de pas beau. Et ça me fait plus de gargouillis dans l’estomac. Donc j’ai encore plus faim et… Bref, crois que tu as compris. Je n’aime pas quand j’ai trop faim. »

Mélona, avoir une amie ! Quelle fantastique nouvelle ! Elle avait une Maîtresse, une Maman, une Belle-maman avec Fönn… Et, désormais, une amie ! Oh, en soi, Mélona avait déjà des amis, bien sûr, mais aucun qui ne soit, comme elle, un Slime ! Devant elle, Marmelade lui avoua ne pas savoir générer de tentacules, mais pouvoir générer des vêtements faits de sucreries. Mélona la regarda se transformer avec surprise, posant un doigt interrogateur sur ses lèvres. C’était la première fois qu’elle voyait ça ! Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres, et elle se rapprocha de Marmelade. Mélona posa un doigt sur la robe de Marmelade, et, suivant son invitation, avala ça. Elle sourit ensuite, constatant le goût très sucré du « vêtement ».

« Hihi, Mélona a mangé un morceau de Marmelade qui a un goût de sucre ! » gloussa Mélona, qui trouvait visiblement très amusant l’idée de manger un morceau de Marmelade.

La Slime pouvait la comprendre. Elle avait aussi besoin de sucre, mais, chez Marmelade, les effets en cas de manque de sucre étaient visiblement différents.

« Mélona a aussi besoin de sucre… Mais, quand Mélona manque de sucre, je ne m’énerve pas, elle… Euh…  Mon corps devint moins dur ! »

Mélona passait de la troisième à la première personne du singulier pour se désigner. Il ne fallait pas vraiment y chercher une logique, car Marmelade n’arriverait jamais à la trouver. La Slime avait ses propres raisons. Elle avait du mal à employer des mots trop complexes, mais, quand Mélona ne mangeait pas assez de sucre, elle devenait plus flasque, et n’arrivait pas à maintenir un corps solide comme elle le faisait habituellement. Et, mine de rien, c’était très agaçant ! Rien qu’à l’idée d’avoir faim, Mélona s’empressa d’attraper un juteux éclair au café, et l’avala avec appétit. Elle en mettait partout sur son visage, mais sa langue pouvait brusquement s’étirer, et elle se pourléchait les babines, se nettoyant avec appétit.

La  belle Slime caressa ensuite son estomac… Ou, plutôt, ce qui faisait office d’estomac.

« Mélona aussi n’aime pas avoir faim ! Beurk, c’est une sensation horrible ! »

C’était là le moins qu’on puisse dire !

« Où vit Marmelade ? Est-ce qu’elle a une Maîtresse comme Mélona qui l’a créé ? »

Peut-être qu’elle devrait présenter Marmelade à sa Maîtresse pour savoir quoi faire ? Quand il s’agissait de faire autre chose que manger ou faire l’amour, Mélona était souvent dépassée !

C’est bizarre mais ce n’est pas désagréable de se faire manger par sa nouvelle copine. En tout cas, ce n’est certainement pas dans la petite tête de Marmelade que des notions de cannibalisme et d’éthique vont venir l’embêter.

Pourquoi Mélona lui demande encore où est sa Maîtresse ? Marmelade ne veut pas lui redire encore qu’elle l’a mangé. Elle n’aime pas trop repenser au passé, surtout à cette période-là. Parce qu’elle a été toute seule à partir de ce jour-là. La vie était moins… colorée. Alors qu’aujourd’hui, c’est cool ! Elle est avec sa nouvelle amie et elle mange pleins de choses bonnes.

*En pensant à des choses bonnes, çe me fait penser à ces autres pas bonnes. *

« Tu es déjà allée dans ce qu’ils appellent des supermarchés ? »

Oui, Marmelade se fiche d’ignorer certaines des questions de Mélona et de changer complètement de sujet. Même si elle est un peu inquiète à l’idée d’avoir sa nouvelle copine en flaque toute liquide par terre… Mais bon, là elle mange ! Donc elle va rester dure et c’est cool ça.

« Il y a aussi des pâtisseries dans ces endroits-là. Mais il y a aussi beaucoup plus de monde. Enfin, c’est surtout que les éclairs de là-bas ne sont pas aussi bons. Ils sont derrière des boîtes transparentes. Je n’aime pas ces boîtes. Pourquoi est-ce qu’elles sont possessives comme ça ? C’est dommage pour nous de ne plus pouvoir renifler ces délicieuses odeurs, tu ne penses pas ? »

Il commence alors à se passer des choses dans la tête de Marmelade. Pendant longtemps (et elle ne sait pas quantifier ce temps), elle a marché et mangé. Marcher et manger. Mais aujourd’hui, elle n’est plus toute seule et elle commence à vouloir faire des choses.

« On devrait aller prendre les gens des supermarchés et les amener ici. Pour qu’ils comprennent que c’est beaucoup plus meilleur ici que là-bas. Parce que tu imagines si cet endroit est aussi grand qu’un supermarché qu’avec que des pâtisseries et d’autres choses délicieuses sucrées ? Ce serait génial ! »

Dans sa tête, les images commencent à s’accumuler. C’était surtout le vide avant la rencontre avec Mélona. Aujourd’hui, ça se remplit et la slime a même du mal à suivre le rythme de ce qu’elle regarde derrière ses yeux. Des images que Mélona ne peut pas voir. Ah oui ! C’est ce que sa Maman appelait l’imagination. Et là ? Elle est en train d’imaginer bien plus qu’une pâtisserie de la taille d’un supermarché. Elle imagine carrément une ville-pâtisserie !

Et vu qu’elle a un côté sombre, de noires choses commencent à s’ajouter dans cette ville délicieuse. Des usines qui produisent des cochonneries sucrées sans goût. Des camions de fer froid qui livrent tout ça. Oui, ça mérite de partir en croisade ces choses-là !

Marmelade ne répondit pas aux questions pourtant légitimes de Mélona. Sa Maîtresse lui avait déjà dit qu’elle pourrait croiser d’autres Slimes, potentiellement, et qu’elle devrait s’en méfier. Mélona faisait toujours attention à ce que sa Maîtresse lui disait, mais, tout de même, elle ne voyait pas grand-chose de dangereux chez Marmelade. Et puis, elle avait mangé un bout de Marmelade ! Alors, si Marmelade était dangereuse, Mélona l’aurait sans aucun doute senti ! Au lieu de ça, Marmelade l’interrogea sur les supermarchés. Mélona y avait déjà été, notamment en compagnie de Maman Lissandre. Mais Mélona n’aimait pas trop les supermarchés, c’était trop grand, et elle se perdait ! Fort heureusement, il y avait des sucreries là-bas ! Toutefois, elle avait toujours du mal à comprendre les humains, car Maman Lissandre lui avait dit qu’elle ne devait rien manger à l’intérieur du supermarché ! Pour elle, c’était une vraie torture !

« Mélona y a déjà été, oui… Mais ce n’est pas l’endroit que je préfère. Mélona trouve ces endroits trop grands, et très laids ! »

Marmelade suggéra alors de prendre les gens dans les supermarchés, pour les amener ici. Mélona pouffa doucement, comme si cette idée était très drôle.

« Hihi ! Mais les gens qui vont dans les supermarchés vont aussi dans les boulangeries, Maman Lissandre le fait bien ! Maman Lissandre offre toujours à Mélona plein de sucreries, mais elle lui dit qu’il ne faut pas trop en manger… Cependant, Mélona ne grossit pas comme les humains, donc je ne vois pas le problème à manger plein de bonbons ! »

C’était même injuste ! Mélona avait besoin de sucre, c’était pour elle aussi vital que l’eau pour les humains ! Maman Lissandre essayait de bien l’éduquer, mais Mélona n’en restait pas moins une Slime. Pour autant, il n’y avait jamais de disputes. On ne pouvait pas se disputer avec Mélona, elle était bien trop adorable pour ça !

« Peut-être que je devrais te présenter à Maman Lissandre ? Elle sera ravie de savoir que Mélona a une amie ! »

La Slime avala un autre gâteau.

« Alors… Que fait Marmelade de ses journées ? Il y a quand même des choses plus intéressantes et amusantes que les supermarchés ! Comme les foires ! Mélona adore les foires ! »

Ah. Mélona ne semble pas emballée à l’idée d’aller chercher les gens dans les supermarchés. Elle préfère emballer les bonbons. Non, les déballer. Marmelade s’est trompée de mots. Il en existe tellement… Trop, elle pense parfois. Et puis, ça l’énerve un tout petit peu que son idée soit abandonnée. Oui, elle ne se rend pas compte qu’elle a elle aussi ignorée les questions de sa nouvelle amie.

« Mais c’est ta maman, Maman Lissandre. Moi j’ai déjà eu une maman. Mais je ne l’ai plus. Les gens n’ont qu’une maman. Je crois. Je ne suis pas sure. J’ai déjà vu des petits enfants humains tenir la main à deux femmes en même temps. On peut avoir une autre maman qui n’est pas la nôtre ? »

Marmelade est perdue. Et comme elle est perdue, elle ne pense plus à son idée de supermarchés qui la un tout petit peu énervée. Elle repense alors à sa maman et… elle éprouve plusieurs choses en même temps. Elle n’aime jamais ressentir ces choses. Elle croit que c’est de la tristesse mélangée à de la colère. Et de la culpabilité aussi. Mais c’est un mot compliqué, ça. Obscur et difficile.

« Parce qu’il faut faire quelque chose de ses journées ? On est obligé ? »

C’est bizarre. C’est… tellement humain cette pensée. Parce que Marmelade a passé du temps un peu partout. Devant la porte d’une maison où elle a vu un chien allongé toute une journée jusqu’au retour de la voiture. Elle a vu des chats dans la rue paresser toute la journée au soleil. Elle a vu des vaches dormir toute la journée aux champs. Et tous ces animaux semblaient plutôt contents de ne rien faire. De ne pas faire des choses compliquées comme… la « foire » ?

« Les animaux ils ne font rien et j’ai souvent l’impression qu’il me sourit. Et puis, c’est quoi une « foare » ? Ça sert à quoi ? Ça se mange ? A moins que ça soit un endroit comme les supermarchés ? »

Ça l’embête cette grosse robe. Alors Marmelade veut en changer. Sa main prend un fraisier et sa bouche croque une bouchée. La robe disparait et une espèce de coulis rouge coule depuis le cou laissant des sortes de vêtements moulants sous forme de traînées aux délicieux reflets. Bien que moulants, il n’y a absolument rien de sexy dans le corps plat et enfantin de Marmelade.

Puis des fraises « pop ! » les unes après les autres. Elle ressemble alors à une délicieuse punk sucrée mélangée à une sorte de hérisson tout droit sorti d’un Pink Burton.

Marmelade finit d’engloutir son fraisier et tourne autour d’elle-même. Oui, elle aime bien sa nouvelle robe !

« Oh ! Désolé. Ça a volé un peu partout. Mais c’est de la fraise, c’est bon. »

Effectivement, le coulis a tâché Mélona et les murs de la pâtisserie. De là à penser que ce sont des giclées de sang pour un employé qui tente à nouveau de regarder ce qui se passe en entrebâillant la porte de l’arrière-boutique…

Marmelade n’avait pas les formes onctueuses et chatoyantes de Mélona. En fait, elle se disait qu’elle ressemblait un peu à sa petite-sœur… Est-ce que Maman Lissandre accepterait de l’adopter ? Mélona était un peu partagée à cette idée, car, d’un côté, elle ne voulait que le bonheur de son amie, mais, de l’autre… Et bien, Lissandre était sa Maman ! Elle devait partager avec les bébés humains de Maman Fönn, mais Mélona s’en sortait en se disant qu’elle était la seule Slime de Maman Lissandre. Une deuxième Slime, cela en ferait peut-être une deuxième de trop ? Fort heureusement, l’idée ne semblait pas séduire Marmelade, qui expliqua sommairement avoir déjà eu une Maman, avant de la rejeter. Mélona était curieuse d’en savoir plus, mais elle savait aussi que la curiosité était parfois mauvaise conseillère. Elle vit donc Marmelade se changer en faisant éclater sa robe rouge, répandant du jus un peu partout dans la boulangerie. Un coulis de framboise qui fusa sur les murs, les sols, et les tables. Mélona cligna des yeux, et généra autour d’elle de petits tentacules qui vinrent la nettoyer en attrapant le coulis. Les tentacules-ventouses fourrèrent ensuite le jus dans sa bouche, et, alors qu’elle les avalait, elle entendit alors des sirènes de police.

*Hum… Maîtresse m’a dit de ne pas m’attirer d’ennuis sur cette planète…*

La Slime ne pouvait pas laisser Marmelade ici !

« On devrait y aller, il y a des gens qui vont venir, et ils ne vont peut-être pas aimer qu’on ait tout sali partout… »

Mélona attrapa la main de Marmelade, et elles se dépêchèrent donc de filer. En sortant, des individus hurlèrent en les regardant. Surprise, Mélona les observa, et les salua de la main.

« Haaa… !! N’approchez pas !
-  Au secours, des monstres ! »

Mélona fronça les sourcils en regardant l’homme qui venait de l’insulter. Elle serra nerveusement le poing.

« Hey ! C’est pas gentil, je ne suis pas un monstre, je m’appelle Mélona, et j’ai une Maman ! »

Sans s’excuser, l’homme tenta de s’enfuir. Un tentacule de Mélona jaillit, et le saisit à la jambe. Déstabilisé, l’homme tomba nerveusement sur le sol, et le tentacule se rétracta, le traînant sur la rue piétonne. Il arriva devant Mélona et Marmelade, les yeux écarquillés.

« Je suis pas un monstre !!
-  Au secours, quelqu’un !! Ne me tuez pas, pitié !!
-  Ce que vous avez dit est méchant, Monsieur ! Je ne suis pas un monstre ! »

Les voitures de police se rapprochaient, et s’étaient même arrêtées à l’entrée de la rué piétonne. Les policiers s’élançaient donc vers la boulangerie. Mélona serra encore son tentacule sur le genou de l’homme.

« Je suis une gentille fille, j’ai une Maman, les monstres n’ont pas de Maman !
-  Lâchez-moi !! Je m’excuse, okay ? Laissez-moi partir !
-  Je ne suis pas un monstre ! »

La douceur de Mélona s’effaçait devant une colère qui semblait remonter du fin fond de ses entrailles slimesques, comme si l’idée qu’on lui rappelle qu’elle n’était pas humaine lui était insupportable. Après tout, elle faisait tant d’efforts pour que personne ne la mégenre. Son tentacule s’agita, et elle projeta l’homme plus loin. Il atterrit sur le sol, et Mélona se retourna vers Marmelade.

« Partons… »

La main de Marmelade était dans la main de Mélona. Et c’était quelque chose qui lui faisait plaisir. Elle ne savait pas trop pourquoi. Mais elle leva la tête, (découvrant qu’elle avait « choisi » d’être plus petite) et sembla redécouvrir son amie. Il se peut qu’à ce moment, elle aussi pensa que ce pourrait être chouette d’avoir Mélona comme grande sœur. Mais l’idée ne resta pas. Elle ne comprenait pas le principe de toute façon. Sans compter qu’elle savait qu’elles n’avaient pas la même maman donc que ça ne pouvait pas être possible. Bref.

Silencieuse, elle observa l’échange entre l’humain et son amie. Elle n’aimait pas ça non plus être traitée de monstres. Même si elle savait qu’elle n’était pas humaine. Pour autant, « monstre » ne semblait pas sympa. Les gens ne l’avaient jamais traité de monstres avec un sourire amical. Non. Alors quoi comme terme ? Elle s’en fichait, en fait. Par contre, elle était totalement réceptive à la colère de son amie. Ca, elle comprenait. Et elle savait que la colère n’était pas une bonne chose.

« D’accord. Allons-. »

Mélona semblait plus sage que Marmelade. Elle était capable de dompter sa colère… « comme ça » ? Waouh ! De petites étoiles brillèrent dans les yeux de Marmelade. Elle devait avoir vécue bien plus longtemps qu’elle pour avoir une telle maîtrise de ses émotions. Marmelade était d’autant plus fière d’être devenue son amie à elle !

« C’est trop fort. Comment tu as fait ? Tu t’énervais encore et encore et… pfft ! Plus rien. Tu laisses l’humain et tu t’en vas. Comment tu fais pour être si forte et contrôler tes émotions ? Marmelade n’y arrive pas. Il faut qu’elle mange beaucoup de sucres pour ne plus avoir sa tête qui fait peur et ces choses invisibles dans sa tête qui l’oblige à faire des choses. »

C’était irréel. Les deux slimes toutes deux de rose marchaient comme si tout était normal… alors que non. Les employés de la pâtisserie sortaient se réfugier auprès des forces de l’ordre. L’humain « agressé » lui aussi se plaignait. Les passants sortaient leur téléphone portable et commençaient à prendre soit des photos soit des vidéos. Sans compter la police qui évaluait la situation et se posait la question s’il ne fallait pas déjà appeler des renforts. La vraie question étant plutôt : des renforts basiques ou des renforts type super-héroïques ? Peut-être un profiler en plus et un négociateur ?

Police : « Vous deux là-bas ! Arrêtez-vous ! Retournez-vous les mains en l’air. »

Marmelade regarda Mélona.

« Une fois j’ai écouté ces gens là-bas. J’ai fini dans une toute petite pièce avec des barreaux et SANS aucune pâtisserie. C’était nul. J’avais beau demandé poliment, je n’ai jamais rien eu. Alors Mélona s’est mise en colère. Moi je n’ai pas pu la maîtriser comme toi, tu es trop forte. Je me suis mise en colère, j’ai fait des trous. Puis je suis partie. Depuis, je ne laisse plus les gens comme eux m’enfermés dans des petites pièces où il n’y a pas de petites choses sucrées à manger. »

Marmelade lui indiqua être admirative de son calme, de la manière dont elle avait réussi à se contrôler, et à ne pas paniquer. Mélona lui sourit alors.

« Et bien… Maman Lissandre serait sûrement très énervée si Mélona faisait des bêtises. »

Des bêtises… Un euphémisme pour dire qu’elle avait eu envie de tuer ce méchant monsieur ! Lui dire, à elle qui était si jolie et si gentille, qu’elle était un monstre… Que les humains pouvaient être méchants ! Mélona allait dire quelque chose quand un policier les rattrapa. La Slime se retourna, et Marmelade lui expliqua qu’elle n’avait pas envie d’aller en prison. Mélona la regarda alors, et sourit doucement.

« On devrait aller à la foire, il y a plein de trucs très bons à manger ! »

Le policier se rapprochait encore. Il n’était pas armé, et leva la main.

« Mesdemoiselles, vous allez devoir m’accompagner au poste, je… »

Mélona se retourna vers lui.

« Monsieur l’agent, ma Maman sera triste si Mélona va à la police !
-  Votre… Votre mère ? »

Il les regardait toutes les deux, un peu éberlué par leur look.

« On dit que deux jeunes filles qui vous ressemblent ont dévalisé une boulangerie, je me dois de… »

Le policier se tut brusquement et écarquilla les yeux. Mélona s’était plantée face à lui, et avait déployé ses deux bras blancs, qu’elle avait utilisé pour déboucler la ceinture du policier, et tira sur son pantalon. Le policier écarquilla les yeux en voyant son pantalon glisser, révélant son caleçon.

« Mais que… ?!
-  Hihihi !! Monsieur l’agent, votre pantalon ne tient pas intact ! Hahahahaha !! »

Mélona éclata de rire en se tenant les côtes, le pointant du doigt. Les joues cramoisies, le policier entreprit de récupérer son pantalon.

« Sales pestes !! Je vous arrête ! »

La Slime lui tira la langue, puis fila avec Marmelade…

C’était rigolo ! Le policier les suivait toutes les deux. Oui, c’était rigolo de jouer à un jeu avec ce monsieur qui avait transformé son visage en tout rouge quand Mélona avait voulu regarder son caleçon. C’était un autre jeu bizarre mais Mélona avait bien aimé les motifs de donuts.

Police : « Mesdemoiselles ! Mesdemoiselles ! »

Marmelade pensait que ça faisait partie du jeu alors elle lui répondait la même chose chaque fois :

« La police ! La police ! Ah ah ! »

Les gens se retournaient sur leur passage. Certains fronçaient les sourcils. D’autres souriaient de cette course-poursuite insolite. Marmelade, elle, souriait beaucoup en tenant toujours la main de sa nouvelle amie.

Est-ce qu’il devait appeler des renforts ? Le policier ne savait plus. Il était perdu, complètement dépassé par cette situation. En temps normal, il aurait laissé filé deux adolescentes. Le fait d’avoir rencontré la police aurait provoqué un électrochoc suffisant pour calmer leurs ardeurs. Mais… la plus grande l’avait déshabillé en public. Enfin, ce n’était pas le fait que ce soit passé en pleine rue qui le dérangeait le plus. C’était… ses pouvoirs ? Ou quoi que ce soit qu’était ces deux mains blanches. Il…

Il percuta un mur, rebondit et finit sur son cul. En relevant la tête, il découvrit un géant. Crâne chauve et belle moustache. Les bras musclés croisés, il toisait le policier d’un mauvais œil.

Chauve : « Les gars, venez voir. La police harcèle les dames maintenant. »

Deux autres hommes arrivèrent en renfort. Tous les trois étaient habillés de survêtements de sport. Probablement des adeptes de musculation ou peut-être appartenant à un club de culturisme. Le policier ne savait pas. Mais il regrettait soudainement d’avoir longtemps hésité à appeler des renforts car, maintenant, il se retrouvait seul.

Chauve : « Hey les deux dames ! Vous pouvez y allez maintenant. On s’occupe de lui. »

Marmelade s’arrêta. Elle ne comprenait pas. Le jeu était terminé ? Ou il y avait de nouveaux joueurs ? Si c’était ça, il fallait qu’on lui explique les règles. Dans tous les cas, elle tira sur la main de Mélona pour qu’elle s’arrête. La foire attendrait encore un peu.

« On ne se poursuit plus dans la rue ? On fait équipe avec qui maintenant ? »

Mélona s’était bien amusée au détriment de ce pauvre policier, qui se retrouva néanmoins en fâcheuse posture quand trois mecs baraqués débarquèrent, et l’encerclèrent. Surpris, le policier les regarda, et protesta :

« Ce sont des fugitives, elles m’ont agressé !
-  Ah ouais ? Et toi, t’es un sale pervers, je t’ai vu te foutre à poil !
-  Quoi ? Vous délirez ! Laissez-moi passer ! »

Le policier tenta de forcer le passage, mais l’un des culturistes posa sa main sur son torse, et le poussa contre le mur.

« Je pense que t’es un faux-flic ! Ouais, l’un de ces pervers qui se déguisent en flic, et qui harcèlent les jeunes filles innocentes !
-  Sale pervers de détraqué !
-  Lâchez-moi tout de suite ! »

Mélona n’aimait pas le ton que ça prenait. Tandis que Marmelade lui demandait quoi faire, elle avait peur que le policier remonte jusqu’à chez elle, et ne vienne en parler à Maman Lissandre. Sa Maman risquait de le prendre très mal ! Mélona se mit à trembler à l’idée que sa Maman puisse l’abandonner si elle faisait trop de bêtises. Elle réfléchit donc intensivement, et déploya alors ses tentacules. Deux grosses mains blanches jaillirent, et se posèrent soudain sur les têtes de deux des culturistes, surprenant ces derniers… Puis Mélona envoya leurs têtes se rencontrer mutuellement, dans un choc sonore qui les cloua au sol. Surpris, le troisième culturiste eut tout juste le temps de se retourner que le policier, mû par un réflexe subit, lui planta son taser dans les côtes. L’homme tomba au sol, et le policier regarda ensuite les deux Slimes. Mélona, consciente que la situation était dangereuse, attrapa alors la main du policier, surprenant ce dernier.

Elle courut ensuite, et ouvrit une porte, les emmenant dans un couloir d’immeuble désert.

« Lâchez-moi, mais qu’est-ce que vous faites ?!
-  Je ne veux pas que vous disiez du mal de moi à Maman !
-  Hein ? »

Mélona se mit alors à pleurer.

« Je voulais faire de mal à personne ! Je voulais juste manger, et j’ai mis plein d’argent dans la boulangerie comme Maman me l’a dit, mais personne n’est venu me voir !! »

Le policier, qui ne savait visiblement plus quoi dire, observa la jeune femme avec surprise.

« Mais… Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Mélona bondit alors contre lui, réclamant un câlin.

« Je ne veux pas que Maman me déteste ! Alors, il faut lui dire que Mélona est très gentille !
-  Mais… Enfin…
-  Mélona n’est pas un monstre !
-  Mais je n’ai jamais dit que… »

La Slime releva la tête, les yeux émerveillés, et sauta au cou du policier, l’embrassant, ce qui eut pour effet de le faire tomber au sol.

« Marmelade ! Monsieur-le-Policier a dit que je n’étais pas un monstre ! Mélona est comme une humaine ! »

Elle s’était mise à califourchon sur lui, et tapait joyeusement dans ses mains, toute heureuse !

« Mélona s’excuse pour avoir déshabillé le Gentil-Policier… Mais c’était vraiment trop drôle, hihihi ! »

Waouh ! Mélona avait géré la situation comme une grande ! Avant que Marmelade ait réalisé tout ce qui s’était passé, voilà que les trois musclés étaient étendus au sol et elle se retrouvait dans un immeuble avec le policier qui les pourchassait. Et maintenant quoi ?

Marmelade s’accroupit comme les enfants et mit ses joues dans les paumes de ses mains. Elle regardait la situation sans trop comprendre ce qu’il se passait. Est-ce que sa copine Mélona allait aussi taper le policier ? Est-ce qu’elle allait utiliser ses tentacules ? Ou alors, est-ce qu’elle allait faire du sexe comme le font les adultes ? Ou comme les vieux. Il était arrivé à Marmelade de surprendre ces choses en épiant par les fenêtres pour tromper son ennui.

« Bien sur que tu n’es pas un monstre, Mélona ! Les monstres sont souvent noirs et avec pleins de dents pointus. »

Elle posa son doigt sur sa bouche et leva les yeux au plafond. Elle réfléchit un peu avant d’ajouter.

« Ou alors, tu es un de ces monstres que les petits enfants dessinent. J’ai déjà vu ces dessins mal faits affichés sur les vitres de bâtiments. Mais dans ce cas, je pense que c’est bien si tu es un monstres d’enfants d’école. Enfin, je ne sais pas trop. »

Police : « Euh… Est-ce que je pourrais, par hasard, me relever ? »

Le policier ne savait plus où se mettre. Plus la situation durait et plus ça se compliquait. Que devait-il faire de ces deux… « choses » ? « gamines » ? « monstres plutôt gentils » ? Même leur donner un nom se révélait compliqué.

Une porte s’ouvrit avec agacement. Une vieille dame en robe de chambre, pantoufles grises et bigoudis débarqua dans le couloir. Les rides sur son visage témoignaient de son état d’esprit qui l’avait accompagné le long de nombreuses décennies d’existence. Ce n’était pas la joie mais la chieuse qui s’exprimait dans les plis de la peau.

Vieille : « Mais qu’est-ce que c’est que ce tapage ? »

Elle découvrit alors un jeune policier et deux jeunes filles très excentriques aux yeux de la vieille dame.

Vieille : « De mon temps, la police était bien plus sérieuse et efficace. De mon temps, les jeunes filles couvraient leur peau et ne s’exhibaient pas ainsi. »

Marmelade se releva et s’approcha de la vieille dame.

« De mon temps, gnagnagna. Il ne faut pas être comme ça, mamie. Votre peau boude parce que vous ne souriez pas assez. Ça se voit avec tous les plis sur votre visage. Et puis, je pense que je suis plus vieille que vous. Si moi aussi je devais dire « de mon temps », je ne suis pas sur que vous comprendriez tout. »

Vieille : « Mais… Que… »

Assise à califourchon sur Monsieur-le-Gentil-Policier, Mélona fut arrachée de ses réflexions quand une porte s’ouvrit. Elle tourna la tête, et le policier devint cramoisi en voyant une vieille femme faire irruption. Elle portait un kimono et des bigoudis dans les cheveux, et se mit à haranguer le trio, tout en sermonnant le policier pris en fâcheuse posture. Celui-ci tenta bien de se défendre, mais il n’arrivait pas à repousser Mélona. Il posait ses mains sur ses hanches, et appuya dessus… Et sentit alors ses doigts s’enfoncer dans la robe. Mélona commença alors à glousser, et se tortilla sur place, ses fesses frottant malencontreusement la verge du policier.

« Hihi ! Monsieur-Le-Policier me châtouille !
-  QUOI ?! s’égosilla la riveraine. Vous… Espèce de satyre !
-  M-Mais pas du tout, je… Je ne comprends pas. Il faut appeler des renforts, il… »

Mélona se pencha alors vers le policier, et l’embrassa avec force. La riveraine semblait sur le point de défaillir, et le policier tenta encore de repousser Mélona, sans se douter que l’aphrodisiaque de Mélona commençait à agir. Elle enfonça sa langue dans sa bouche, et il mordit nerveusement, tranchant cette langue en deux. La langue de Mélona se réforma, mais le morceau avalé partit en lui, comme un délicieux petit virus qui allait mettre du temps à être digéré. Mélona gloussa encore, un sourire mutin sur les lèvres, et posa un doigt sur les lèvres du policier, lui intimant le silence. Avec son autre main, elle caressa son propre ventre.

« Monsieur-Le-Policier est un gentil policier qui dira du bien de Mélona à Maman Lissandre… Donc, Monsieur-Le-Policier ne va appeler… Per. Son. Ne. »

Mélona tapota le nez du policier à chaque syllabe de son dernier mot, et sentit la verge du policier durcir contre ses fesses. La vieille femme ne savait plus où se mettre, et Mélona se releva alors, tandis que les iris du policier avaient pris une teinte rose. Mélona se rapprocha de la femme.

« Chère Madame, nous allons emprunter votre chambre…
-  Je… Sortez d’ici, espèces de… De hippies dégoûtants ! »

Les deux mains blanches tentaculaires de Mélona remuèrent alors, et pressèrent ses tétons. Un lait rosâtre jaillit, et frappa le visage de la personne âgée, qui chancela, et bascula en arrière, sonnée. Mélona adopta alors un ton plus sérieux en se rapprochant de la femme :

« Vous allez vous installer sur votre canapé, et vous allez regarder la télévision jusqu’à ce que nous sortions de chez vous. Est-ce compris ?
-  O-Oui… Oui, Maîtresse… »

Elle s’écarta, et, dodelinant lentement de la tête, le slime de Mélona sur le visage, alla s’asseoir posément. Mélona avait usé de sa magie rose, et sembla ensuite se radoucir, attrapant la main du policier.

« Ma chère Marmelade, as-tu envie de profiter avec moi du Gentil-Policier ? » demanda-t-elle, son timbre de voix redevenant doux et gentil.