The Multiversity

Allemagne, Idar-Oberstein
Château d’Oberstein

« Écoutez, soupira le chatelain nain en triturant sa moustache, tout cela est extrêmement préoccupant, il faut impérativement rouvrir le site minier. »

Face à lui, Phil Coulson esquissa un léger sourire se voulant rassurant.

« C’est bien pour ça que nous sommes là, Bourgmestre Wilkem. »

Le nain soupira lentement. Près de lui, Daisy Johnson observait depuis une fenêtre la ville historique d’Oberstein qui s’étirait en contrebas. La région avait tout d’un paysage de conte de fées. La fortune d’Oberstein venait de ses mines de pierre précieuse, l’agate, mais les filons s’étaient épuisés il y a longtemps. Les mines étaient devenues un site touristique très fréquenté, les mines du Steinkaulenberg, au milieu de la forêt. Oberstein abritait également son lot d’attractions touristiques, comme ce château bâti au-dessus de la ville, entièrement détruit il y a des siècles suite à un incendie, et reconstruit ensuite. Il y avait également une église incrustée dans la paroi d’une montagne, la Felsenkirche. Cela, il fallait le voir pour le croire, on avait l’impression que la montagne était tombée sur l’église, la coulant comme on coulerait une dalle de béton.

« Ma famille veille sur cette ville depuis des siècles, Agent Coulson, enchaîna le bourgmestre. Les Wilkem ont toujours exploité ces mines, et, quand les filons se sont taris, nous avons choisi de préserver la beauté de notre région. Les mines sont devenus un site touristique, et nous importons les pierres précieuses du monde entier pour les façonner dans nos ateliers.
-  Et donc, vous avez eu affaire à une invasion de monstres ?
-  C’est pour ça que vous êtes là, non ? »

Coulson acquiesça lentement.

« Les autorités locales ont fait un rapport qui est remonté de bureau en bureau jusqu’à finir dans mon bureau. Votre pays, comme tous les États-membres de l’ONU, a conclu un accord qui prévoit la compétence du SHIELD pour certaines affaires jugées… Surnaturelles.
-  Il y a eu des vidéos de touristes, intervint alors Daisy. Des monstres sortis de l’ombre dans cette mine… »

Le phénomène était en recrudescence depuis quelques semaines, depuis que les Dieux olympiens avaient décidé d’attaquer Yoake, et que, pour les stopper, il avait fallu balancer sur eux un Hélicarrier qui avait déclenché une explosion atomique sur Terra. Le SHIELD avait perdu des milliards de dollars, mais l’organisation était plus que jamais sollicitée. Le bourgmestre leur signala mettre à leur disposition tous les moyens de la commune, et Coulson et Daisy se dirigèrent vers la sortie.

« Charmant château, soit dit en passant.
-  J’ai lu sur une brochure touristique qu’il avait brûlé.
-  Idar-Oberstein est une ville très récente, résultant de la fusion de deux villages, Idar et Oberstein, et de hameaux environnants. C’est une région à l’histoire riche, vous savez. On dit que les frères Grimm se rendirent ici pour concevoir l’un de leurs plus célèbres contes… Vous savez, Blanche-Neige.
-  Oh… Alors, c’est le château de la Méchante Reine ici ? » s’amusa Daisy.

Le bourgmestre haussa les épaules.

« Cela a pu servir d’inspiration pour les frères Grimm, allez savoir ! Le château a été détruit en 1855, et nous avons fondé une association avec ma famille pour le reconstruire un siècle plus tard. »

Daisy et Coulson sortirent du château pour rejoindre un autre agent de terrain, Grant Ward.

« Le bourgmestre va nous accompagner, Ward, il y a une route de maintenance qui permet de rejoindre les mines, il va nous guider. »

Grant acquiesça, puis la voiture démarra, et fila vers les mines, s’aventurant à travers le paysage montagnard et sauvage de la région…

Terre-2023.
Dans une grotte.

« Ma première mission hors de notre monde. Bon, ça devrait aller, il n’y a pas de raison. Nous avons été entraînées pour ça. J’y vais. Je fais un repérage des lieux. Je recherche cette Magicienne des Ténèbres. Et dès que j’ai suffisamment d’informations, je reviens. »

Il y avait trois femmes rassemblées dans cette grotte. Trois femmes liées depuis toute petites par des liens inconnus du monde de Daisy Johnson. Là-bas, cela serait associé à une secte et expériences liées à des états altérés. Mais les liens de cette unité de Moires sont au-delà de ces mots.

La SpiderWitch baisse le tissu de son masque et regarde les deux autres. La femme aux cheveux blancs et aux pattes d’araignées à chaque commissure de ses lèvres. Et puis la femme à la chevelure rousse et la peau marquée de cicatrices au style « monstre de Frankenstein ».

A l’abri des regards dans cette grotte qui sert de porte multiverselle, les trois se rapprochent et se donnent un câlin de séparation. Puis la SpiderWitch se rapproche d’une pierre précieuse énorme. Environ trois mètres de hauteur. Elle lève la tête vers la grosse araignée accrochée au plafond. Un mouvement de tête et la créature agite certaines de ses huit pattes pour conjurer un sort. La pierre précieuse luit. La SpiderWitch traverse la surface qui n’est plus solide. Quelques ondes agitent encore la surface après qu’elle ait disparu.

[***]

Allemagne, Idar-Oberstein
Quelque part dans les profondeurs d’une grotte

La grotte est magnifique. Grâce au puits naturel au-dessus de la tête de la SpiderWitch, la lumière parvient à descendre jusque dans les profondeurs, s’accrocher dans une première pierre précieuse, pour ensuite rebondir et illuminer de quelques éclats certaines agates et autres chefs d’œuvres de la Nature.

« Merci pour le passage. »

L’araignée allemande tient dans la paume de la main de la SpiderWitch. Il n’y a pas de télépathie entre la sorcière et l’animal. S’il y a un « vide », un manque, la SpiderWitch s’en remet rapidement. On l’avait prévenu que les araignées ici seraient différentes. Pourtant, cette petite dans la paume de sa main a permis de faire le lien avec l’araignée supérieure de son monde et lui permettre d’arriver à bon port. D’où le remerciement.

*Si les flux magiques m’ont emmené ici, il y a une raison. Je me dois de la découvrir. *

La SpiderWitch observe la grotte dans laquelle elle se trouve. Les parois ont beau être incrustés de pierres précieuses, il n’y a rien d’autre à y découvrir. Des dimensions réduites et aucuns couloirs à emprunter. La seule sortie étant le puits au-dessus de sa tête. Conjurant ses pouvoirs magiques, la SpiderWitch fait apparaître des glyphes dans l’air et acquiert la capacité de lévitation.

Et maintenant quoi, se demande la SpiderWitch. La lévitation lui permet de s’élever et de découvrir un paysage montagnard. C’est bien moins vallonné que par chez elle. Elle y découvre la mine de laquelle elle est sortie. Plus loin, il y a une ville. Ses yeux découvrent alors une toile. Enfin, en d’autres mots, elle découvre des routes. Sa décision est prise. Elle croise les jambes et, grâce à la magie, donne l’impression d’être assise en tailleur sur la canopée.

*Il me suffit d’attendre. Le Destin œuvre. A moins d’être attentive et de sentir les vibrations de la Grande Toile qui est tissée. *

Un vrai paysage de conte de fées. Des arbres partout, des montagnes, un fleuve… Daisy observait cela par la fenêtre, tandis que le bourgmestre expliquait combien cette région était paisible. Une région figée dans le temps, même si on avait goudronné les routes, et qu’il y avait la 5G. Ils remontèrent vers la mine.

« On va vous préparer un bon vieux rôti à la broche, c’est une spécialité du coin !
-  Nous ne sommes pas venus ici faire du tourisme, Monsieur.
-  Ne soyez pas si grincheux, on est dans le même camp ! »

Daisy, qui observait la forêt, se retourna vers le bourgmestre.

« Donc, c’est ici qu’il y a le tombeau de Blanche-Neige ?
-  Haha ! En tout cas, on a un camping municipal et un parc d’accrobranche dans la forêt. »

Il fallait imaginer cela sous la pluie ou pendant la nuit. Daisy se rappela fugacement l’une des scènes introductives du film animé, quand Blanche-Neige, fuyant dans la nuit, avait l’impression d’être entourée de monstres hideux, mais qui n’étaient toutefois que le fruit paniqué de son imagination, transformant des arbres en monstres. La voiture roula à travers un sentier de maintenance non goudronné. Le parc d’accrobranche était à proximité de la mine.

« Toute cette zone est administrée par mon frère.
-  C’est votre famille qui gère la région, alors ?
-  On peut dire ça… Et figurez-vous que nous sommes sept, comme dans le film ! Sacrée coïncidence, hein ? Haha ! »

De fait, un autre nain en costume les attendait près d’une grande cabane à proximité de l’une des entrées de la mine.

« Voilà mon frère, Hans Wilkem ! »

Hans gérait la mine, le camping et le parc d’accrobranche. Le bourgmestre du coin, Reinhold Wilkem, sortit, et le salua. Rapide et nerveux, Hans dévisagea les agents du SHIELD, puis les invita vers le poste de sécurité.

« On a tout un système de caméras, mais, depuis les évènements, tout le foutu système disjoncte ! »

Daisy regarda les cartes de sécurité. Des barrières avaient été installées pour empêcher les touristes éventuels de se rapprocher. Soudain, des alarmes s’allumèrent.

« Bordel, ça recommence ! »

Daisy fronça les sourcils, et se rapprocha du « village » mis à l’entrée de la mine. Il y avait des boutiques souvenirs, des toilettes, des restaurants… Et, tandis que les agents du SHIELD se rapprochaient, il y eut une brusque onde de choc. Daisy, qui rejoignit l’artère principale du village, fut emportée par cette onde de choc, et atterrit sur une table en bois sur une terrasse d’un restaurant. Ward et Coulson pointèrent leurs pistolets vers une sorte de vortex qui venait de se manifester…  Puis une abominable créature arachnéenne et bipède émergea en hurlant, des cris suraigus et stridents tandis qu’elle se mit à fondre sur l’équipe…

En tailleur à la pointe d’un sapin, la SpiderWitch donnait la sensation de léviter. Si elle en possèdait bien le pouvoir, la réalité était autre. Sa cape abritait une araignée inférieure. Ce n’était pas seulement du tissu mais un symbiote. Et c’était grâce à cette araignée qu’elle se tenait tout là-haut en attendant que le Destin lui pointe du bout de la patte la direction à prendre.

Et soudain le signe !

Une puissante onde de choc qui fut ressenti jusque tout en haut du sapin. Il y eut aussi plusieurs envolées d’oiseaux. Enfin, des cris désagréables. Une créature attaquait. De son point de vue, la SpiderWitch ne pouvait en deviner la nature. Mais elle avait la foi. Si elle était apparue spécifiquement en cet endroit et qu’il se passait cet événement si tôt par rapport à son arrivée : c’est que c’était le signe.

Alors elle remercia sa cape-araignée. Cette dernière retira ses pattes de l’arbre et occasionna la chute de la SpiderWitch. Sans perdre son sang-froid, cette dernière invoqua quelques signes magiques et rouges au-dessus de sa tête. Alors la gravité n’avait plus d’emprise sur elle et elle s’empara de la liberté des oiseaux.

C’était incompréhensible. Cette créature arachnéenne. Pourquoi attaquait-elle des humains ? En quoi était-elle reliée à sa mission à elle ? Venait-elle seulement de son monde ou celui-ci possédait aussi une caste arachnéenne ? La SpiderWitch n’avait pas la réponse à ses questions. Mais elle avait la formation d’une soldate. L’action primait et elle s’engouffra au-dedans.

Il y avait les deux humanoïdes qui présentaient un danger. Il fallait immobiliser ses attaquants à distance. Alors la SpiderWitch lévita, virevolta entre les arbres pour réussir à être suffisamment proche, croiser leur regard et invoquer de nouveaux signes magiques rouges. Cette fois, ça ressemblait à un œil. Les deux agents ralentirent. Ils ne tirèrent plus. Ils étaient hypnotisés.

Parfait ! se dit la SpiderWitch. Très rapidement, elle réitéra la même manœuvre. Vol et sort d’hypnose sur la créature arachnéenne. Cette dernière ne criait plus. Elle ne bougeait plus. Le sortilège d’hypnose était un succès. Alors la SpiderWitch se présenta face à la dernière humaine en combinaison. Il y avait quelque chose qui l’attirait chez cette femme. Le fait qu’elle soit femme et soldate.

« Ne craignez plus rien. Nous sommes pour le moment hors de danger. J’ai stoppé toutes les attaques pour que nous puissions parler. Je suis une SpiderWitch et je voudrais savoir si cette créature est d’ici ou d’ailleurs. Pardon, vous ne devez pas comprendre ce que je sous-entends. Je vais être plus précise. Ce que je vous demande, c’est si cette créature vient de ce monde ou d’un autre. »

Coulson et Ward firent feu sur la créature arachnéenne. Les balles heurtèrent son corps, mais sans vraiment la stopper. Cela, il fallait s’y attendre ! La bête cracha depuis sa gueule des filaments de toile acide. Ward évita l’attaque en roulant sur le côté, et Coulson s’abrita derrière un poteau, puis tira encore. Il visait les yeux du monstre, qui bondit alors sur le côté, et s’agrippa au mur d’une maison. La créature rugit encore, des hurlements supersoniques qui perturbèrent Coulson. Puis elle bondit en avant, atterrissant sur le poteau, au-dessus de Coulson… Ward pointa son arme, et la créature bondit encore, atterrissant sur un toit, puis cracha de nouveaux filaments acides. Cette fois, Ward sauta en avant, puis roula sur le côté, et fit feu en étant couché au sol. Reprenant ses esprits, Coulson tira encore, et le monstre bondit à nouveau, atterrissant sur le sol. Avec sa main, il saisit la gorge de Ward, le releva, si bien que ses pieds ne touchèrent même plus le sol… Et Daisy attaqua le monstre en tendant sa main. Elle envoya une onde sismique qui frappa le monstre sur le flanc, le surprenant. KLa bête lâcha le cou de Ward, et plusieurs balles de Coulson la firent couiner, signe que les tirs avaient fini par percer sa carapace chitineuse.

« Cette saloperie est foutrenent résistante ! »

Alors que la bataille tournait en rond, et que Ward et Coulson s’étaient relevés, une nouvelle protagoniste fit son entrée, et figea les deux agents, ainsi que le monstre arachnéen. Surprise, Daisy pointa son pistolet vers l’espèce de magicienne qui venait d’arriver, et fronça les sourcils en voyant son costume. On aurait dit un croisement improbable entre Spider-Woman et Doctor Strange… Elle lui expliqua être une SpiderWitch, et lui demanda alors si ce monstre venait de ce monde ou d’un autre.

« Euh… »

Daisy cligna des yeux à plusieurs reprises, naturellement surprise par cette apparition. Elle se reprit rapidement.

« Je suis l’agente Daisy Johnson, du SHIELD. Qu’avez-vous fait à mes collègues ? Je n’ai jamais entendu parler de vous. Libérez-les immédiatement, ou vous serez considérée comme… »

Soudain, le sortilège d’hypnose jeté par la SpiderWitch sur la créature se fissura. La bête rugit encore, et déploya un filament de soie. Ce n’était pas de l’acide, mais le filament surprit la SpiderWitch, et se planta sur son dos, avant de la traîner en arrière. Daisy réagit alors, et fit feu sur la créature, puis, en se pinçant les lèvres, préféra envoyer ses ondes vibrantes. La bête hurla de douleur en se recevant les ondes dans le torse, et se mit à fuir précipitamment, filant vers la mine. Visiblement, cette araignée était plus résistante que ce que la SpiderWitch avait cru, car elle avait réussi à sortir de son sortilège d’Hypnose.

« Qui êtes-vous ?! réitéra pour sa part Daisy en restant à bonne distance de la femme. Et je vous déconseille vivement de me lancer un quelconque sort ! »

Il y avait un choix à faire. Poursuivre la créature arachnéenne et comprendre le pourquoi de sa présence. Ou rester au-dehors de la mine et dialoguer avec cette agente de l’autre monde. La SpiderWitch ne savait pas quoi faire. Alors elle choisit de se fier à la logique. Si les fils de sa destinée étaient reliés avec ceux de la créature arachnéenne : les deux se retrouveraient. La SpiderWitch préféra donc rester et ne pas déclencher une vague d’hostilité de l’agente Daisy Johnson et écopée d’une blessure qu’elle aurait pu éviter.

« Je suis une SpiderWitch. Je suis une agente du Destin. Tout comme vous, je suis en mission. Et tout comme vous, je fais partie d’un groupe de Moires. Mais mes Sœurs ne m’ont pas encore rejointes. Ma tâche n’est pas encore terminée. »

La SpiderWitch observait l’agente Johnson. Pourquoi montrait-elle son visage ? Il fallait un masque pour revêtir complètement l’uniforme de la mission. C’était une façon de conditionner l’esprit. C’était aussi une façon de devenir anonyme et d’embrasser complètement la fonction. Ce monde devait plus paisible que le sien. Les gens de ce monde pouvaient se permettre ce genre de luxe, probablement.

« Je ne compte pas libérer vos collègues tout de suite. Bien que vous ayez l’air d’être du bon côté, au vu de votre uniforme et de votre équipe : la logique veut que je maintienne mon sortilège. Autrement, et vous devez le comprendre, je me retrouverais en position d’infériorité. »

La femme face à elle l’avait mise en garde de ne pas utiliser ses pouvoirs contre elle. Mais au vu de la façon dont elle avait été sauvé suite à l’attaque de toile : elles étaient deux à en posséder. La SpiderWitch fut tiré de ses réflexions par sa cape-araignée. Cette dernière faisait bouger les extrémités, faisant ainsi ressembler un vêtement normalement inerte en une espèce de chose qui hébergeait une vie.

*Ca va aller. Je crois qu’elle ne nous fera pas de mal. Mais je compte tout de même sur toi pour nous tirer de là à la prochaine surprise si nécessaire. *

La cape-araignée se calma. La SpiderWitch était de nouveau pleinement attentive à l’agente Johnson. Et, plus elle la regardait, plus elle voyait l’intervention de la Destinée. Les araignées supérieures le savaient. Si elle avait voyagé jusqu’ici, ce devait être pour cette femme. Une question trancherait. La SpiderWitch aurait eu le temps de la poser si elle n’avait pas communiqué par une forme de télépathie avec sa cape-araignée. Seulement, avec ce court silence, le temps de paroles avait changé de bord. Il était pour l’agente Johnson maintenant.

Cette mystérieuse femme avait le look d’une Spider-girl. Quand Daisy avait rejoint le SHIELD, et qu’elle avait pu consulter la base de données de l’organisation, elle avait été surprise du nombre de Spider-girls qui existaient. Curieux, quand on savait que l’arachnophobie était une phobie très répandue en Occident ! Toutefois, elle n’avait aucun souvenir d’avoir vu cette femme. Soit ses informations n’étaient pas à jour, soit cette femme venait d’une autre dimension. Le plus étonnant était sans doute que Daisy réfléchisse à tout cela naturellement. Elle pensait au fait que cette sorcière vienne d’une autre dimension comme elle aurait pu réfléchir à acheter son pain à la boulangerie de son quartier le matin. Les explications de la jeune femme étaient assez confuses, ésotériques. Elle mentionna le Destin, qu’elle appartiendrait comme elle à un groupe de Moires, mais surtout qu’elle était une SpiderWitch.

*En d’autres circonstances, j’aurais pu croire à une échappée d’un asile, mais j’ai bien vu ses pouvoirs à l’œuvre…*

La SpiderWitch ne souhaitait toutefois pas encore libérer Coulson et Ward de leur catatonie magique. Daisy, qui pointait toujours son arme sur elle, finit par l’abaisser lentement, et la rangea même dans son holster.

« Écoutez, je ne comprends pas trop de quoi vous me parlez. Comme je vous l’ai dit, j’appartiens au SHIELD, pas à une espèce de sororité mystique new age. »

La réponse de la SpiderWitch ouvrait sur beaucoup d’autres questions. Daisy ne savait pas trop de quoi elle parlait.

« J’ignore à quoi vous faites référence avec vos Moires, SpiderWitch. Est-ce que vous savez ce qui se passe dans cette mine ? Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de Destin ? Vous avez intérêt à vous expliquer rapidement, je n’aime pas l’idée que vous reteniez mes coéquipiers captifs ! »

Si Daisy avait abaissé son arme en signe d’apaisement, croire qu’elle était sans défense aurait été une grave erreur !

La SpiderWitch comprenait que ce monde-ci était beaucoup moins versé dans les arts mystiques que le sien. Elle devait tout de même faire attention à ne pas prendre les habitants et ses agents pour des dégénérés arriérés. La SpiderWitch suspecta que les habitants de ce monde devaient être beaucoup plus égoïstes car centré sur un monde qui n’était visible que par les sens physiques.

« Je vais m’expliquer. Mais je ne pense pas que je puisse le faire rapidement et en quantité. »

Contrairement à Daisy, la SpiderWitch semblait avoir tout le temps du monde pour répondre aux questions. Si la créature arachnéenne, une partie de la sorcière croyait que c’était normal. Que cette fuite était nécessaire pour les événements futurs. Et à terme, pour que le Destin prenne le chemin qu’il était… et bien, destiné à prendre.

« Commençons par le plus simple et par ce qui nous touche toutes les deux. Non, je ne sais pas ce qui se passe dans cette mine. Je commence même à croire que ces événements sont d’une importance mineure pour ma mission. Et que le temps que nous sommes en train de passer ensemble fasse de vous l’aspect majeur de ma mission. C’est intéressant. »

La SpiderWitch observa l’arme de l’agente du SHIELD. Si elle avait compris la manœuvre d’apaisement, elle ne croyait pas du tout qu’elle était sans défense. Non, elle avait vu des choses en arrivant sur place. L’utilisation d’un pouvoir. Lequel exactement ? Elle ne pouvait pas dire avec si peu d’informations et de temps.

« Le Destin. C’est cette force qui donne un but à toute vie. C’est une entité supérieure qui batit et régit la vie. Sans Destin, il n’y aurait qu’une forme de Chaos. Tout serait alors détruit plus longtemps. Je suis incapable de pouvoir regarder la Grande Tapisserie. Encore moins de savoir quel fil doit être sauvegardé et lequel doit être coupé. Mais cela ne m’empêche pas de croire au Destin et d’officier pour. »

Réfléchissant, plissant les yeux comme si cela était un muscle aidant à la réflexion : la SpiderWitch observa l’agente du SHIELD. Et si… elle avait raison ? Il y avait un moyen simple de le savoir : il suffisait de demander. Mais si elle avait raison, il lui faudrait surement travailler dans cette mine qui ne l’intéressait pas du tout pour entrer en contact avec Elle. Oui, elle allait demander. Son instinct était puissant.

« Comme je le disais, je crois maintenant que c’est vous que je cherchais. Avez-vous un lien avec une personne qui porterait le surnom, le rang ou le titre de Magicienne des Ténèbres ? »

Daisy restait tendue, comme à chaque fois qu’elle rencontrait une nouvelle personne sur un lieu où cette personne n’avait normalement rien à y faire. La SpiderWitch ne fournit malheureusement que peu d’explications. Elle assura à Daisy n’avoir rien à voir avec ce monstre, et qu’elle était envoyée par le Destin. Sans son costume et ses pouvoirs, Daisy aurait cru à une espèce de folle, d’illuminée sortie d’on ne sait quel asile. Elle lui parla de la « Grande Tapisserie », laissant Daisy assez dubitative. Elle cherchait encore quoi dire quand la SpiderWitch évoqua la « Magicienne des Ténèbres ». Daisy fronça les sourcils, tout en ayant bien conscience du protocole. Ce n’était pas à la SpiderWitch de poser des questions, mais à elle. Et il lui était évidemment interdit de parler de ce genre de choses à des inconnues. Il fallait protéger l’information, et elle ne savait pas encore en quoi elle pouvait se fier à cette femme. Alors, naturellement, Daisy connaissait effectivement une magicienne qu’on appelait « Magicienne des Ténèbres ». S’agissait-il de la même personne ?

« Ce que je sais, c’est confidentiel, Madame, et j’ignore toujours clairement qui vous êtes, ou ce que vous voulez. Personnellement, j’ai tendance à croire que le destin n’existe pas. »

Après tout, avant de devenir une agente du SHIELD, Daisy était une rebelle, une hacktiviste qui luttait contre le SHIELD au sein d’un collectif de pirates informatiques. Elle était également la fille biologique de Calvin Zabo, un super-vilain répondant au doux nom de « Mr. Hyde ». Autant dire que Daisy avait toutes les raisons du monde de devenir une criminelle, et, pourtant, elle avait rejoint le SHIELD.

« En quoi cette magicienne vous intéresserait, au juste ? Et, au risque de me répéter, si vous voulez que je vous fasse confiance, commencez par libérer mes collègues ! »

Elle avait raison ! L’agente du SHIELD ne put voir le sourire de satisfaction sur le visage de la SpiderWitch à cause de son masque. Mais elle souriait. La façon dont elle lui avait répondu à propos de la Magicienne des Ténèbres : elle la connaissait. Donc le monstre arachnéen n’était qu’un problème de second ordre. Il devait tout de même y avoir un lien avec sa mission. La coïncidence était trop grosse que la nature arachnéenne apparaisse ici et maintenant, sur ce monde qui n’était pas dominé par les Araignées Supérieures.

« Très bien. Œuvrons donc dans le sens d’une collaboration. »

De nouveaux glyphes rouges apparurent au-dessus de la tête de la SpiderWitch. Quelques signes plus tard, les deux agents accompagnant Daisy reprenaient connaissance. Ce que la SpiderWitch ne dirait pas, c’est qu’elle avait implémenté un ordre passif. Il lui suffirait par exemple d’un mot pour que l’état de catatonie les reprennent. Ou encore, si les agents l’attaquaient directement, le mécanisme se déclencherait et ils redeviendraient passifs. Cela avait beau être la première mission multiverselle de la SpiderWitch, elle n’en était pas moins une agente confirmée.

« Je ne sais pas exactement ce que sont les plans du Destin. Tout ce que je sais, c’est que j’ai reçu des instructions pour retrouver cette Mana Yami et la marquer d’un sortilège et d’une araignée. Mais ce n’est pas la seule que je dois retrouver. Je ne connais pas encore l’identité des huit autres. Pour le moment. Pour le moment ayant un rapport avec la quantité de huit mais aussi leurs identités. Je peux tout de même supposer que le Destin aura besoin de ce groupe pour œuvrer vers un dessein particulier. Probablement une catastrophe se répandant à travers les mondes si je devais hypothéser de mon côté. »

La SpiderWitch décida alors de léviter quelques mètres en arrière. Pour laisser aux trois agents le temps de se retrouver. Mais également pour mettre une distance de sécurité entre elle et eux. Il serait plus facile de fuir ou de lancer des sortilèges à distance. Elle n’était pas une combattante spécialisée au corps-à-corps. C’était plutôt le rôle de Wynona. L’Inflexible. Ou encore Atropos. Mais peu importait car elle n’était pas avec la SpiderWitch à cet instant-là.

*Comment font-ils pour vivre ? Je n’arrive pas à concevoir que cette femme ne croit pas au Destin. Comment pourrait-elle supporter le vide d’une pareille existence ? Une vie sans dessein supérieure ne peut être vécue sans sombrer dans la folie, il me semble. *

La Magicienne des Ténèbres était bien Mana Yami. Daisy la connaissait, elle l’avait rencontré au Japon, et elles avaient mené ensemble une mission difficile en Égypte, à la recherche de la pyramide maudite dans laquelle le Pharaon Akhenaton avait été enfermé, et maudit depuis. La SpiderWitch libéra du reste Coulson et Grant, et, après quelques instants à expliquer la situation, Coulson réunit son équipe.

« Notre priorité est de sécuriser la mine. Ce monstre s’est enfui à l’intérieur.
-  Ne devrait-on pas appeler des renforts ? Ce monstre dispose de capacités métahumaines, et nous ignorons ce qui se trouve à l’intérieur.
-  Nous sommes les renforts, Daisy. On ne déploie pas un bataillon du SHIELD avec si peu de renseignements. Mais tu as raison sur un point : il ne faut rien faire de stupide à l’intérieur de cette mine. Pas d’héroïsme excessif, Grant, est-ce clair ?
-  Oui, Monsieur. Mais que fait-on de la sorcière arachnéenne ?
-  Le protocole impliquerait de l’appréhender. L’agent Johnson certifie néanmoins qu’elle a combattu ce monstre, mais elle nous a quand même attaqués. En l’état, j’ignore ses motivations, et il ne rentre pas dans notre métier de faire confiance aux inconnus. »

Daisy acquiesça. Pour autant, ils ne pouvaient pas faire comme si la SpiderWitch n’existait pas. Et, même s’ils lui demandaient de partir, elle ne leur obéirait pas. La situation était donc en l’état suffisamment critique pour qu’ils ne prennent pas le risque de s’aliéner un allié, et de se faire un nouvel ennemi. Coulson se rapprocha donc de la femme.

« Vous êtes ici sur une surface dangereuse, une zone interdite. Ce monstre que vous avez vu s’est réfugié dans la mine. Et j’ignore qui vous êtes. Donc, je ne sais pas si je peux me fier à vous ou non. »

Le SHIELD était souvent assez critique à l’égard des métahumains, ces super-héros en culotte courte qui faisaient souvent plus de mal que de bien. Coulson était sur ce point assez souple, il lui arrivait même souvent de faire équipe avec des métahumains. Cependant, ici, il ignorait tout de cette femme, qui pouvait très bien être une traîtresse.

« Logiquement, le protocole imposerait votre interpellation pour m’avoir neutralisé, moi et l’agent Ward. Je suis néanmoins disposé à… À un assouplissement du protocole. Mais il va falloir que vous me dites ce que vous faites ici, et ce que vous savez sur ce monstre arachnéen. »

La SpiderWitch avait envie de se mettre en colère. La situation tournait en rond ! Cet homme posait les mêmes questions que cette femme. Et pendant ce temps, leur monstre arachnéen s’éloignait toujours davantage. Ou peut-être tuait-il ? Ou encore appelait des renforts ! Et là, ils continuaient à parler à cause de règles contre-productives. Les puissances supérieures de ce monde étaient vraiment incompréhensibles à celle qui avait foi au Destin.

« Retrouver la Magicienne des Ténèbres. La marquer d’un sortilège pour créer un lien inter dimensionnel entre moi et elle. De sorte que je puisse la contacter ou aller le chercher quand le Destin m’en donnera le signal. Quant au monstre, je ne sais rien. »

Son ton avait changé. Il était plus sec. S’il restait poli, il couvait de la frustration. Une façon diplomatique de faire passer un message à ce dénommé Coulson.

Du point de vue de l’esprit de la SpiderWitch, la conversation s’était embourbée. Elle ne mènerait plus nulle part. Il fallait donc passer à une autre approche. Son esprit de « soldate » était ainsi éduqué. Si un plan ne fonctionnait pas, ce n’était pas un drame. Il fallait par contre avoir un plan de secours. Et ce système pouvait se décliner sur autant de plans de secours qu’il y avait de lettres dans l’alphabet. Passer d’un plan à un autre n’était pas grave. Ce qui était pesant, c’était de ne pas pouvoir accomplir la mission.

Concrètement, la SpiderWitch tourna le dos aux trois agents du SHIELD et se dirigea vers la mine. L’agente femme était son lien. La SpiderWitch en avait une certitude assurée. Elle était le lien avec la Magicienne des Ténèbres qu’elle devait marquée. Pour progresser en ce sens, il fallait découvrir le mystère de cette créature arachnéenne. Donc, « bêtement », la SpiderWitch quittait la conversation pour aller pister la créature qui pouvait tout à fait provenir de son monde à elle.

Et si les deux agents mâles la sommaient de s’arrêter ? Elle ne le ferait pas. Elle leur proposerait même de faire alliance pour créer une synergie plus efficace de leurs compétences mutualisées. Mais s’ils décidaient de l’attaquer ? Alors le sortilège sous-implanté s’activerait et les deux agents retomberaient dans un état catatonique. Et cette fois, la SpiderWitch ne les en sortiraient pas. Pas avant d’avoir capturé le monstre arachnéen.

« Voilà pourquoi je n’aime pas les métahumains en costume bariolé, grogna Ward, ils n’en font qu’à leur tête.
-  Ce qui m’interpelle surtout, c’est que je n’ai jamais entendu parler d’elle… »

La SpiderWitch ressemblait à un étonnant croisement entre Spider-Man et Docteur Strange. Elle était partie toute seule vers la mine.

« Elle cherche Mana… Mais elle ne m’a jamais parlé d’une sorcière arachnéenne… »

Mana Yami venait d’une autre dimension. Elle avait croisé le SHIELD, et, si elle était liée avec l’organisation, qui lui avait permis de s’insérer, et d’avoir une identité civile, Mana Yami restait indépendante. À ce jour, Daisy ignorait où elle était précisément, elle devrait se rapprocher des services centraux du SHIELD pour obtenir des informations. Mana tenait à rester libre, à explorer un peu ce monde inconnu, que ce soit pour comprendre ce qu’elle faisait là, ou comment revenir dans sa dimension d’origine. Il était fort probable qu’elle et la SpiderWitch viennent du même univers… Peut-être même que cette SpiderWitch cherchait à ramener Mana dans sa dimension d’origine ? Quoi qu’il en soit, elle était partie en direction de la mine, et eux étaient venus, à la base, pour pacifier cette mine.

« Le protocole implique d’attendre des renforts… Cette créature arachnéenne est puissante.
-  Je croyais que nous étions les renforts… Pour l’heure, nous n’en savons pas assez, j’ignore si ce monstre est unique, ou s’il y en a d’autres. Et puis, on ne peut pas laisser cette femme partir seule comme ça. »

Coulson acquiesça. Ce serait bien sûr risqué, mais ils étaient précisément là pour ça, lorsque les choses étaient dangereuses. Le trio se décida donc, Coulson donnant l’ordre d’y aller. Quittant le village, ils se rapprochèrent de l’entrée de la mine. La mine était désaffectée depuis longtemps, et servait maintenant d’activité touristique. Des panneaux avaient été installés ici et là pour évoquer l’historique de la mine, la manière dont les mineurs travaillaient et vivaient ici… Des éclairages avaient été installés, et la visite de la mine se faisait à travers plusieurs circuits. Le trio pénétra dans le vestibule, où il y avait une reconstitution des vestiaires où les mineurs se changeaient. Une double porte menait ensuite à l’entrée, puis à plusieurs circuits, balisés par des flèches de couleurs.

Il y avait trois circuits : le circuit bleu, le circuit jaune, et le circuit vert. Pour l’heure, le trio ne notait rien d’anormal. L’électricité fonctionnait encore.

« Je sais que ça ressemble à un cliché de film d’horreur, commença Coulson, mais nous sommes en mission de repérage. Chacun prend un sentier, et, au moindre signe d’alerte, vous prévenez les autres. Refus absolu d’engager toute cible tant que les deux autres ne sont pas là. »

Daisy acquiesça, et s’engagea sur le circuit jaune…

Elle n’avait donc pas été stoppée. La SpiderWitch n’avait pas souhaité faire retomber les deux agents mâles en catalepsie. Mais elle était tout de même assez déçue de ne pas avoir été arrêté dans son mouvement. Surtout par l’agente qui connaissait la Magicienne des Ténèbres. Mais ce n’était pas grave. La SpiderWitch avait la Foi. Le Destin l’avait envoyé où elle devait être. Elle devait simplement continuer jusqu’à ce qu’elles se retrouvent toutes les deux. Puis elle pourrait trouver la Magicienne des Ténèbres et la marquer. En attendant, voilà qu’elle entrait dans la mine sur les traces d’une créature arachnoïde.

Les grilles métalliques. Les panneaux d’informations. Les structures trop parfaites créent par la main de l’Homme. De l’espèce humaine de ce monde-ci, plus précisément. Car il y avait des différences avec les êtres humains de la Terre-2023. Mais là n’était pas le lieu pour un exposé de ce type. La SpiderWitch n’aimait pas trop ce lieu. Les grottes étaient un lieu magnifique. Particulièrement quand elles étaient naturelles. Combien d’heures avait-elle passé au-dedans quand elle était encore une enfant et que le Destin n’avait pas encore une emprise « professionnelle » sur ses épaules ? Un sacré paquet d’heures.

Elle ne chercha pas à comprendre la signification des différents traits de couleur. Pas plus à s’intéresser aux différentes cartes affichées sur les murs derrière des panneaux transparents. La SpiderWitch s’engagea dans une galerie à l’instinct. En fait, il n’y avait pas eu de choix conscient. Elle s’était contentée d’avancer tout droit. Comme si ces yeux ne pouvaient voir qu’un seul chemin possible. Et elle commença à descendre une pente douce. C’était très étrange ce chemin si parfait. Comme si on avait brutalisé encore et encore les cailloux pour qu’ils perdent leur personnalité. Lissés. Dans des lieux souterrains comme celui-là, la norme pour la SpiderWitch était les aspérités des pierres, celles qui tenaient dans un équilibre invisible. En somme, elle devait s’adapter à son nouvel environnement. Un environnement qui ne permettait pas de relever des empreintes dans de la terre humide, par exemple. Et la créature arachnoïde, si elle était passée par là, n’avait pas entaillé la roche de ses griffes.

Elle décida soudainement de s’arrêter. D’abord pour prendre le temps d’écouter les sons ambiants. Qui sait ? Elle entendrait peut-être sa proie ? C’était aussi une façon de laisser au Destin de travailler pour elle. Une expérience, en somme. Celle de savoir si l’agente du SHIELD la retrouverait. SI c’était le cas, ce serait un Signe. La SpiderWitch ferait alors en sorte de ne plus la quitter d’une semelle.

***

Plus loin, assise en tailleur dans une espèce de cathédrale taillée dans la pierre, une autre créature arachnéenne patiente. A-t-elle une connexion avec celle que poursuivent les agents du SHIELD et du Destin ? Seul le temps donnera sa réponse. Ce qui peut être dit de cette créature est d’une part son humanité. Des vêtements sombres. Plutôt souples pour pouvoir se mouvoir sur un terrain. Loin d’un jean ou d’un costard trois pièces. Son visage est dissimulé derrière un masque qui porterait une signature futuriste. Ce n’est pas du tout un masque traditionnel en bois ou un de fête provenant de Chine. Non, ça ressemblerait davantage à du transhumanisme. Ses bras ne sont pas de chairs mais d’acier. Ses mains se finissent par de longs doigts rouges, eux aussi bourrés de technologie. Enfin, dernier détail arachnéen : six pattes sortant de son dos. A première vue, des pattes évoquant celle d’un robot. Mais la matière a un « je-ne-sais-quoi » d’organique.

Daisy s’avançait donc, éclairant la zone devant elle avec l’aide de son Glock. La mine était sympathique, quoique sinistre. Les chemins s’enfonçaient dans des artères qui menaient à de plus grandes cavités. Le chemin de Daisy la conduisit jusqu’à une reconstitution de mineurs. Des mannequins s’animaient sur sa gauche et sur sa droite. Normalement, une voix off devait sans doute parler, ou un guide, mais elle voyait juste les mannequins de mineurs, tenant des pioches, s’harnachant à l’aide de cordes de sécurité, le front noirci par la suie. Daisy poursuivit sur sa lancée, observant chaque angle. Glock dans une main, lampe-torche dans l’autre, les deux se rejoignaient devant elle. Il y avait le monstre, mais aussi cette Spider-Witch qui était partie la première. Si la règle était logique, la Spider-Witch tomberait en premier sur le monstre. D’ici là, Daisy devait se tenir prête. Elle avançait donc prudemment, n’entendant pour l’heure aucun coup de feu, tout en se disant que se séparer était assurément une très mauvaise idée.

*C’est à croire que je suis la seule à regarder les films d’horreur…*

Elle n’aimait clairement pas ça, ce silence pesant, le calme avant la tempête Daisy retourna dans une galerie, qui s’enfonçait dans les profondeurs. La lumière était assez faible, sans doute pour refléter l’ambiance de l’époque. Il y avait un rail sur le sol, menant à une grotte beaucoup plus grande, avec des plateformes en bois, et des tours au milieu, ainsi qu’un système complexe de rails permettant de circuler à l’intérieur de la mine. Daisy sentait qu’on l’épiait, elle sentait une présence invisible tapie dans l’ombre. Prudente, elle pointait son arme vers l’avant, même si ce Glock était pour elle un mirage. Son véritable pouvoir venait de ses bras. Elle se rapprochait d’escaliers permettant de descendre en contrebas. Au-dessus d’elle, dans l’obscurité, une araignée pondeuse se déployait lentement. Sur son corps distordu, de petites araignées se déployaient également.

L’une d’elle se déplaça rapidement, évitant soigneusement de faire le moindre bruit, et se posta au-dessus de l’escalier. Elle attendit encore, décollant petit à petit ses pattes, faisant claquer ses mandibules. Sa proie se déplaçait, point rouge visible dans une obscurité abyssale. Une source de chaleur, un repas délicieux pour y pondre des œufs. Les araignées frémissaient à l’idée de cette nouvelle couvée qui, inconsciemment, se rapprochait du piège mortel… Et le signal fut donné quand la proie descendit les marches, et heurta une marche fragile, une marche piégée dissimulant sous elle des toiles.

« Merde ! »

Daisy se retrouva le pied englué dans des toiles, et les araignées descendirent alors. La surprise lui fit perdre de précieuses secondes, et elle ferma les yeux en redoutant l’inévitable morsure, lorsque…

*BANG ! BANG !*

Débarquant depuis une allée latérale, Ward venait de faire irruptions depuis une plateforme en hauteur, et fit feu sur les petites araignées.

« Daisy, fais gaffe à toi ! »

Le halo de sa lampe-torche éclaira le corps massif de l’araignée, l’éblouissant à moitié. Furieuse, l’araignée siffla dangereusement, et Daisy commença à tirer, cherchant à l’abattre au plus vite…

Au loin, les détonations rebondirent sur les murs. Mais la SpiderWitch était dans une toute autre partie de la mine. Qui plus est, le Destin semblait l’avoir éloigné de la bataille pour l’amener dans cette espèce de chapelle souterraine. Assise devant elle, une femme aux griffes rouges et aux pattes d’araignée déployées.

« Le Destin a décidé de peser bien lourd sur tes épaules, SpiderWitch. »

« Qu’est-ce que ça signifie ? »

Etrange comme une personne habitée par une mission s’intéresse davantage au cours des événements plutôt qu’à l’identité de son interlocutrice. Mais c’était ainsi. Cette femme présentant des attributs guerriers déployait avant tout une sagesse qui forçait à l’immobilité. Ou plutôt à la conversation. L’un étant entremêlé à l’autre.

« Les Araignées qui sont monnaie courante dans notre monde ne le sont pas sur celui-ci. Du moins, pas dans les proportions et mutations de ce monde. Eux ne connaissent que les araignées qui tiennent sur la paume d’une main. Et aucune communication entre l’espèce humaine et arachnéenne n’existe. »

« Comment ? Je ne comprends pas. Les Araignées sont pourtant au centre de tout. »

« Autre monde. Autre mode de vie. Ce serait déjà une épreuve compliquée pour une soldate comme toi débutant sa première mission multiverselle. Mais le Destin a décidé de peser sur tes épaules comme je te le disais. Il semblerait que le Destin ou une puissance approchante, ou voulant agir en son nom par intérêt égoïste, soit entré en action. Il y aura des Araignées de notre monde sur ce monde. Certaines œuvrant de concert avec toi, SpiderWitch. Mais d’autres, non. Et pour parachever le tout, pour enrichir la confusion, des Araignées de ce monde mutant à cause de ta présence. A cause de ce monde que tu portes en toi et qui se répand via ton aura et ta magie. De façon passive. Et donc, de façon impossible à contrôler. »

« Je comprends. J’y vois davantage dans la tapisserie de ce que je dois entreprendre. Je me dois de vous remercier. »

La SpiderWitch baissa la tête, elle aussi, en remerciement et fit demi-tour. Elle ne connaissait pas la femme avec qui elle venait de parler. Elle ne connaissait pas son identité. Et elle ne pourrait même jamais la contacter si elle voulait lui poser des questions. Mais ce n’était pas important. Pas le plus important à ce moment-là, en tout cas. Ce qui était important, c’est que sa présence était un facteur de changement pour ce monde. Plus elle y passerait de temps, plus les changements prenaient en proportion. Elle devait donc agir contre la marche inflexible du Temps.

Elle savait donc où se rendre : à savoir la caverne où les agents du SHIELD combattaient.

La monstrueuse araignée pondeuse sauta au sol, se dressant devant Daisy. Une vision d’horreur. Des pustules et des boursouflures se formaient dans le dos de l’araignée, des excroissances osseuses qui poussaient de manière chaotique et libéraient des araignées supplémentaires. Daisy se releva donc, et continua à tirer. Elle privilégiait les armes à feu à ses pouvoirs, afin de conserver son énergie. Ses balles touchèrent l’araignée, faisant couler son sang verdâtre.  L’araignée siffla en faisant claquer ses mandibules l’une contre l’autre, et s’élança vers Daisy. Celle-ci évita le monstre en roulant sur le côté, et, un genou à terre, pointa le monstre. Plusieurs araignées sautèrent sur elle. Daisy en faucha une en plein vol, mais une autre araignée heurta sa poitrine, la faisant basculer. Rapidement, la créature tâcha de se déplacer pour atteindre son visage et la mordre. Daisy, sans se départir de son sang-froid, roula sur le côté, amenant l’araignée à la relâcher. Elle se releva alors, mais, d’ores et déjà, la puissante araignée-reine la chargeait encore, et la renversa avec sa tête.

Au sol, Daisy vit la créature relever ses pattes arachnéennes pour la planter. Elle écarta les jambes, évitant la pointe tranchante de la patte qui heurta le sol, et elle tendit sa main vers l’araignée, envoyant une onde sismique. La vibration frappa de plein fouet la tête de l’araignée, la faisant reculer. L’araignée secoua la tête, surprise, et Ward lui tira alors dessus depuis son promontoire, ayant réussi à se dégager un angle de vue.

« Cette saloperie est coriace !
-  Ouais, mais pas autant que toi, Daisy ! »

Celle-ci réussit à sourire brièvement, mais ce n’était pas avec la flatterie qu’ils arriveraient à vaincre ces monstres ! Devant elle, l’araignée semblait assez surprise, cherchant comment attaquer Daisy. Elle se déplaçait lentement sur le côté, et Daisy faisait de même, en rechargeant son pistolet. Elle allait tirer la première, mais l’araignée projeta alors des filaments de soie. Un filament s’enroula autour de la tête de Daisy et der ses jambes, la renversant au sol. L’araignée commença alors à la traîner sur le sol, l’attirant à elle…

Des cercles d’invocation apparurent dans la caverne où l’araignée monstrueuse souhaitait repartir dans son nid, avec sa victime engluée dans sa toile. Si les cercles d’invocation étaient de couleur rouge, il ne fallait pourtant pas les imaginer tels des enseignes publicitaires visibles depuis l’autre bout du pays. Ce n’est qu’ensuite que la SpiderWitch entra dans la caverne. Des fils de magie lui permettant de se déplacer dans les airs via ses cercles d’invocation.

« Retenez votre feu, agent du SHIELD ! »

La SpiderWitch ne voulait pas écoper d’une balle perdue. D’un fil à un autre, la SpiderWitch se retrouvait désormais dans l’environ immédiat de l’araignée monstrueuse. Cette dernière était déjà surprise de l’apparition. Elle était également en doute. Ne sachant pas si elle devait fuir avec son prochain repas ou combattre cette inopportune. L’incompréhension prit un niveau supplémentaire quand elle comprit le langage de l’humaine en costume !! Ce n’était pas un dialecte arachnéen d’ici, il y avait un accent et un façon étrange de communiquer : mais elle en comprit assez pour retenir ses pattes de transpercer la SpiderWitch.

Après la méthode magique de déplacement, la communication inter-espèce : la SpiderWitch enchaîna avec un sortilège que connaissait très bien l’agent du SHIELD : à savoir le sortilège d’hypnose. Un nouveau cercle d’invocation rouge apparut. Des lignes et des courbes la remplissant. L’effet fut immédiat, l’araignée monstrueuse n’émit plus aucune pulsion d’agressivité. Mieux, elle rompit les filaments de soie et redonna sa liberté à Daisy.

« Il semblerait que je sois arrivé juste à temps pour vous sauver, n’est-ce pas ? J’y vois un enchaînement complexe d’actions-réactions signé de la main du Destin. Mais vous, si j’ai bien compris votre vision du monde et votre façon de penser : vous allez invoquer une heureuse coïncidence ? »

La cape de la SpiderWitch claque soudainement ! Ce n’était pas un simple artefact. Il y avait une créature enfermée dans le morceau de tissu. Avec une conscience qui permit à la SpiderWitch de ne pas se faire attaquer par une petite araignée qui pullulait sur le dos de la grosse araignée désormais inoffensive dû au sort de la SpiderWitch.

« Vous pouvez mettre un terme à la vie de la grosse araignée. Les petites seront alors plongées dans une immense confusion et n’auront plus les idées lucides pour continuer à s’en prendre à nous. Nous pourrons alors repartir toutes ensemble vers l’autre créature arachnéenne.

Car mon temps est compté. Je ne dois pas rester trop longtemps dans votre monde. »

Fallait-il sortir pour appeler les Vengeurs ? Les agents du SHIELD étaient dépassés par les évènements ! Daisy était traînée au sol, et se débattait, retenant d’envoyer des vibrations sismiques. Dans une mine à l’aveuglette, c’était presque une forme de suicide ! Fort heureusement, la situation s’apaisa quand la SpiderWitch fit finalement son apparition. Coulson resta sur la défensive, tout comme Ward, qui sauta par-dessus un parapet, et s’élança vers Daisy. Un sortilège d’envoûtement déployé par la SpiderWitch perturba alors l’araignée, qui devint alors inoffensive, semblant comme endormie. Ward rejoignit ainsi Daisy, qui cessait d’être traînée, et tira sur les fils de soie. Daisy se releva en éternuant, essayant de chasser de son visage les traces d’irritation. Elle se retourna vers la grosse araignée. La SpiderWitch leur indiqua qu’ils n’avaient désormais plus rien à craindre, mais que son temps était compté. Quand elle leur laissa le choix de tuer la bestiole, Ward pointa son arme, et tira entre les yeux. La bête gémit, avant de s’effondrer au sol, forçant les petites araignées à s’enfuir. Des détonations supplémentaires retentirent, fauchant les araignées autant que possible.

« Destin ou coïncidence, en tout cas, je suis heureuse de te revoir, SpiderWitch.
-  Le protocole est assez clair. Nous ne sommes pas de taille contre ce qui se trouve dans cette mine. Il nous faut des renforts métahumains. »

Ward avait naturellement raison. Coulson se déplaça à son tour, rejoignant le groupe au sol.

« Coulson, poursuivit Ward, c’est une mission de reconnaissance. Nous n’avons pas l’équipement nécessaire pour continuer à nous enfoncer dans cette mine. »

Coulson hocha la tête, tout en demandant à Daisy si elle allait bien.

« Oui, oui, mais… Grant a raison, on est pas équipées pour ça.
-  C’est vrai, reconnut Coulson. Désolé, SpiderWitch, mais, avec nos pistolets, on ne peut rien faire contre ces créatures. Il nous faut des renforts, des armes lourdes, des drones… »

Il énumérait la liste, conscient que sa réponse ne plairait sans doute pas à la SpiderWitch.

« Pourquoi es-tu pressée, au juste ? »

Intrigant. L’équipe du SHIELD avait la même mission qu’elle : exploration. Reconnaissance. Ce n’étaient pas des guerriers même s’ils possédaient des compétences agressives. Tout comme la SpiderWitch, en fait. Ça leur faisait des points communs. Et ça confortait la SpiderWitch que le Destin l’avait placé où elle devait être pour accomplir son dessein.

« Je ne peux pas m’éterniser dans ce monde. On vient de me faire comprendre que ma présence altérait ce monde. Que ce n’était pas une coïncidence s’il y avait autant d’araignées dans cette mine. »

La SpiderWitch réalisa alors que ce qui était une évidence pour elle ne l’était pas pour ses interlocuteurs. Elle vivait dans un monde régi par certaines règles. Ce qui était normal pour elle était inconnu pour eux. Et le contraire fonctionnait également.

« Là d’où je viens, les araignées sont partout. Les êtres humains ne sont pas l’espèce dominante de la planète. Ce sont des araignées. Pas les petites de votre monde. Pas cette créature arachnéenne que votre collègue a tuée. Des araignées supérieures. Des créatures ayant une sensibilité supérieure qui leur permet d’avoir un rapport privilégié avec le Destin. »

Est-ce que son explication était compréhensible pour eux ? Probablement pas. Ce devait être comme s’ils rencontraient un peuple qui vivait sous l’eau. Comment comprendre le déplacement dans un élément liquide dans toutes les directions ? Pour des bipèdes attachés à la gravité, c’était mission presque impossible. On pouvait imaginer. On pouvait hypothéser. Mais on ne pouvait pas le vivre et donc réellement savoir ce que c’était.

« Il y a des araignées de votre monde. Il y a des araignées qui viennent de mon monde. Et il y a des choses qui vont muter pour obtenir des traits arachnéens parce que je viens d’un monde où les araignées sont l’espèce principale. Ma présence est un facteur de mutation pour ce monde. C’est ce que j’ai appris avant de vous retrouver ici. »

La SpiderWitch observa les lieux. Elle ne partirait pas. Elle n’attendrait pas les renforts du SHIELD. Que ce soit des métahumains ou une technologie de soutien. Elle observait déjà les alentours pour savoir quelle autre direction prendre. Si on lui posait la question, elle répondrait que sa mission n’était pas terminée et qu’elle poursuivrait : seule ou accompagnée. Mais qu'elle avait une préférence pour ne pas se séparer de Daisy.