The Multiversity

« Ce que nous allons vous dire est strictement confidentiel, Madame… Hmmm… Mademoiselle… ? »

En réponse aux interrogations de l’agent du gouvernement, la sucette de Bayonetta émit un bruit de mastication. Les deux agents se regardèrent brièvement. Ils étaient membre du Naichō, les services secrets japonais. Ils apportaient à une sous-branche de ce service rattaché aux enquêtes du paranormal, et il était tout à fait inhabituel qu’ils fassent appel à une prestataire externe.

« D’habitude, nous faisons signer un… Un accord de confidentialité…
-  Mmmhmm ?!
-  Mais, dans votre cas, nous ferons une exception…
-  Hmm ! »

Un gémissement satisfait, tandis que la sorcière aux lunettes serrées suçotait encore sa sucette. Ils étaient venus la rejoindre ici, dans ce bar si spécial… Un bar qui était situé entre les dimensions, accessible par peu de Portails. Une zone neutre, le Gates of Hell. L’agent japonais sortit finalement un attaché-case, et lui présenta une série de photos.

« Au début du 20^ème siècle, le pays a fait face à une importante épidémie de lèpres. Nous avons construit divers sanatoriums pour soigner les lépreux… »

Un sympathique euphémisme pour désigner d’immondes mouroirs où des scientifiques fous se livraient à des expériences délirantes sur des malades incapables de se défendre, et dont plus personne ne voulait.

« L’un de ces sanatoriums a fermé dans les années 1940’s… Il était sous le commandement de… De l’unité 731. »

Cette simple évocation réveillait au Japon un passé encore douloureux, une plaie vive et purulente. L’Unité 731, reconnue officiellement par le Japon en 2002, était une unité scientifique développée par l’Empire japonais pendant la Seconde Guerre Mondiale en vue de créer des armes bactériologiques. Des expériences terribles avaient eu lieu dans le but de reproduire en laboratoire les grandes épidémies que le Japon avait connu. Les sourcils de Bayonetta se froncèrent.

« Ce sanatorium a été fermé par les Américains, mais pas démantelé. Un bataillon mené par le Commandant David Whittaker s’y était rendue pour le démanteler, mais… Ils ne sont jamais revenus. L’état-major américain a envoyé un autre bataillon, et cette seconde vague n’est jamais revenue.
-  Suite à cela, l’armée américaine a décidé de ne plus s’approcher du sanatorium, et l’enquête autour du sanatorium a été confiée au SHIELD.
-  Le sanatorium est situé sur une île qui est abandonnée depuis. Une île portuaire qui a été fortifiée pendant la guerre, et a été assiégée par le commandant Whittaker, justement. Après ce qui s’est passé, le SHIELD a verrouillé l’accès à l’île, et a enfermé le sanatorium. »

Ils disposaient d’éléments classifiés, mais assez incomplets. Le SHIELD n’avait pas pour habitude de divulguer des informations si précieuses. Toujours silencieuse, Bayonetta retira la sucette de sa bouche, et s’humecta les lèvres, croisant de nouveau sensuellement les jambes, invitant ses interlocuteurs à poursuivre.

« Il y a récemment… Eu un incident. Des touristes, des aventuriers à la recherche de lieux hantés… L’urbex. Allez savoir comment, ils ont entendu parler de ce sanatorium, sur une île isolée, et s’y sont rendus. Ils… Euh… Ils filmaient leurs aventures en direct, en streaming.
-  Ces abrutis de gaijins ont disparu. L’ambassade américaine exige des réponses, et on murmure déjà que tout ça est un genre de coup publicitaire. D’autres de ces abrutis veulent venir sur cette île. Nous avons  besoin d’une spécialiste, et on nous a dit que vous étiez la meilleure en la matière.
-  Le SHIELD va probablement envoyer sa propre équipe, et ses propres agents de liaison. Nous avons numérisé dans cette clef USB tout ce dont vous avez besoin de savoir concernant les détails et toutes nos connaissances concernant ce sanatorium. Il va sans dire que le gouvernement japonais niera toute relation avec cette clef si jamais les données contenues dessus devaient… »

Bayonetta posa brusquement un doigt devant ses lèvres, et posa ensuite ses longues jambes fuselées sur la table, les étirant sensuellement.

« Les garçons, pendant un instant, j’ai eu peur que vous me preniez pour une sorte d’espionne… Mais je ne travaille pas pour le gouvernement. »

Les deux agents se regardèrent mutuellement.

« Et bien… Nous avons des intérêts communs.
-  La mésaventure de ces aventuriers des temps modernes n’a pas échappé à une corporation avec laquelle, d’après nos informations, vous avez des querelles…
-  Le groupe Ithavoll va déployer des mercenaires autour de ce sanatorium. »

Une moue contrariée barra provisoirement le visage magnifique de Bayonetta. Elle replia ses jambes, et croqua sa sucette, surprenant les deux agents. Elle se releva alors, et examina le dossier ramené par les agents du gouvernement.

« Soit… Et où se trouve ce petit bout de paradis ? »

Nerveux, les deux agents se regardèrent encore.

« En fait… Nous ne vous avons pas encore exactement tout dit. Ce sanatorium… Il se trouve sur une île au nord d’Hokkaido… Dans les Îles Kouriles…
-  Ces îles qui ont été prises par les Soviétiques pendant la guerre ? Cela explique aussi pourquoi vous préférez qu’une indépendante s’y colle.
-  Compte tenu du contexte international actuel, la présence d’officiers japonais sur ces îles contestées pourrait être mal interprétée… »

Bayonetta soupira lentement. Les hommes et la politique !

Elle observa en tout cas un cliché qui montrait une vue en hauteur du sanatorium…

…Un vrai petit coin de paradis !

Parfois, Mana avait l’impression d’avoir regagné son Bâton Magique au détriment de son amie Daisy. Depuis qu’elles étaient revenus de cette aventure en Egypte, la vie et surtout le SHIELD avaient rattrapé Daisy. Certes, il y avait toujours un lien entre elles deux. Elles se voyaient de temps à autre mais… ce n’était plus pareil.

Et combien de fois Mana critiquait le système du SHIELD ? Avec sa compartimentation d’informations, par exemple. Oui, elle reconnaissait que leur travail permettait d’améliorer un petit plus le monde dans la bonne direction chaque jour. Mais, au final, malgré quelques essais, elle avait été incapable d’entrer dans le moule. Alors elle était devenue une indépendante.

Et c’est sous ce statut qu’on lui confiait une nouvelle mission. Le cauchemar de l’Unité 731… Son cœur était gonflé de tristesse. Tant qu’elle ressentait une douleur physique. Ses larmes coulaient. Ses mêmes larmes embarrassaient les deux agents venus lui faire le topo de la mission. Il fut donc hors de question de lui montrer des photographies ou des extraits de film. La Magicienne était déjà suffisamment ébranlée comme ça.

« Je vois bien dans vos regards que vous doutez de moi. Mais ne doutez pas un seul instant en croyant que ses larmes sont un signe de faiblesse. Au contraire, elles sont la démonstration d’à quel point j’aime l’humanité. Et donc à quel point je vais me battre encore pour elle. »

Heureusement, cette Unité 731 n’existait plus. La mission était d’enquêter sur la disparition de néo-aventuriers disparus. Disparus probablement magiquement, d’où le choix d’envoyer la Magicienne des Ténèbres. Sans compter qu’étant indépendante, les conséquences de sa propre disparition seraient bien plus gérables qu’une réelle agente du SHIELD…

« Vous pouvez compter sur moi. Je vais retrouver ces personnes disparues. Je vais découvrir par quelle manière on les a fait disparaitre. Et, si c’est dans mes moyens, j’apporterais une solution pour que cela ne se reproduise plus. Oui, vous pouvez définitivement compter sur moi. »

Mana avait une dernière chose à faire avant de suivre les deux agents qui allaient l’escorter jusqu’à son vol. Outre préparé un petit sac d’affaires, bien évidemment. Elle s’en alla dans sa chambre et récupéra une peluche Kuriboh sur une étagère. Il n’y en avait pas qu’une et ce n’était pas juste un clin d’œil au fait que, dans le manga, cette créature se combinait à une carte Prolifération. C’était plus que cela, c’était un moyen de communiquer avec Daisy.

Magiquement, elle fit retenir un message à la peluche. Y était contenu le jour et l’heure de son départ, la nature de sa mission, la localisation ainsi que d’autres détails. Ainsi, peu importait ce qui allait arriver, Mana saurait que Daisy savait où elle se trouvait. Peu importait le compartimentage d’informations du SHIELD : son amie saurait où la trouver. Elle n’aurait pas à s’inquiéter en revenant de sa propre mission. Et elle saurait quand s’inquiéter si son absence se prolongeait étrangement.

« Voilà. Je suis prête. Je vous suis. »

Mana s’envola en direction du sanatorium où avait officié la cauchemardesque Unité 731…

Les Îles Kourile…

« C’est très dangereux, Bayonetta ! Franchement, ça pue, même ! »

Ils étaient à bord d’un jet mis à disposition par le contact de Bayonetta sur Terre, le criminel Enzo. Il était actif dans le milieu organisé, même si Bayonetta n’avait jamais vraiment su ce qu’il faisait. Il se définissait comme un informateur sur le marché occulte, et avait rencontré la sorcière il y a plusieurs années. Il lui était fidèlement dévoué, et avait mis à disposition un jet pour rejoindre furtivement les Îles Kourile. Assise sur un canapé, Bayonetta, jambes lascivement étirées, l’écoutait comme à son habitude d’une oreille très distraite, suçotant une sucette rose.

« Ça pue, ça pue, ça pue ! »

Comme Enzo l’avait expliqué, les Îles Kourile faisaient l’objet d’un contentieux encore vif entre le Japon et la Russie. Les Soviétiques avaient envahi ces îles à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale en vue d’envahir le Japon par la suite, mais la fin de la guerre avait posé de grandes questions sur la souveraineté de ces îles, que les Soviétiques n’avaient pas souhaité rendre aux Japonais. Le traité de San Francisco de 1951, qui a mis fin à la guerre du côté du Pacifique, indiquait que le Japon renonçait à tout droit sur ces îles, mais sans pour autant accepter la souveraineté de l’Union soviétique sur ces territoires. Le litige concernait un ensemble d’îles, et n’était à ce jour toujours pas résolu. Bayonetta ne s’intéressait toutefois que fort peu à la politique, mais elle savait que leur jet ne pourrait pas se poser. Enzo n’avait aucune autorisation, et, compte tenu du contexte politique, la situation était tendue par ici. On ne rejoignait pas facilement les Îles Kourile.

Bayonetta finit par se relever, se rapprochant du hublot, et regarda en contrebas.

« C’est notre île, non ?
-  Oui, nous allons chercher une piste d’atterrissage. Il n’y a qu’un petit bled là-bas, et il a l’air bien paumé ! »

Bayonetta soupira doucement en se relevant, et retira sa sucette de ses lèvres.

« Inutile de s’embarrasser avec ce genre de choses, je vais descendre.
-  Quoi ? Mais nous sommes en plein vol ! »

La sorcière se rapprocha de la porte, et appuya dessus. Celle-ci s’ouvrit alors dans un déclic, tout en s’arrachant en plein vol, et Enzo poussa un hurlement catastrophé en étant aspiré.

« BA-YO-NE-TTAAAAA !! »

Il s’agrippa au dossier d’un fauteuil avant de basculer, et hurla encore, ses jambes dans le vide… Quand la main de Bayonetta le saisit au cou. Les pieds de Bayonetta reposaient sur un glyphe magique.

« AAAAAAAAAAAHHH !!
-  Du calme, Fido ! »

Bayonetta le repoussa alors, puis sauta dans le vide. Une porte de secours se referma derrière elle, et elle tendit les bras, tombant en flèche. Bayonetta retrouva la première porte, et l’attira à elle, puis posa ses jambes dessus, et s’en servit pour surfer dans les airs, voyant l’île se rapprocher.

Une île somme toute assez petite, avec une énorme montagne en plein milieu, et un petit village côtier sur le port. Elle se laissa encore porter, puis finit par bondir hors de la porte, faisant un salto arrière, et se transforma en oiseau noir. Battant des ailes, Bayonetta se rapprocha du village, et se posa sur un toit. Elle sortit alors naturellement une nouvelle sucette. Le village était sinistre, semblant effectivement perdu dans le siècle dernier. De nombreuses maisons étaient vides, condamnées, en état de délabrement avancé. Bayonetta se laissa tomber au sol, et marcha lentement, voyant ici et là quelques lumières. Pas d’éclairage public, sauf près du port, un petit port de pêche constitué de quelques pontons avec des bateaux attaqués par la rouille qui flottaient paresseusement là. Bayonetta roula la sucette dans sa bouche, et se retourna vers le village, puis commença à marcher. Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que la fermeture du sanatorium avait dû déstabiliser l’économie déjà fragile de ce petit village. Pour autant, Bayonetta sentait de curieuses émanations magiques émanant de ce village. Elle se déplaça lentement, et vit des couleurs rouges émaner d’une maison a priori condamnée. Des lueurs vives en sortaient, et, tandis qu’elle se rapprochait de la maison, des gloussements d’enfants se firent entendre.

Autour d’elle, le décor évolua soudain, et elle vit des spectres, des personnes conduites par des soldats qui leur hurlaient dessus. Bayonetta se pinça les lèvres, constatant que les lumières avaient disparu de la maison abandonnée, et posa sa main sur le sol. La magie vibrait étrangement ici. Elle ignorait ce qui avait bien pu se passer ici, mais elle pouvait déjà émettre l’hypothèse que cela était quelque chose de terrible…

Équipée de son Bâton Magique, Mana utilisa la magie de téléportation pour quitter l’avion et arriver sur une des îles Kourile.

Première chose : elle n’aimait pas du tout l’ambiance. Trop silencieux. Anormalement silencieux. Pas assez de vie animale. Quant à la végétation, elle lui paraissait « malade ». Quelque chose clochait définitivement en cet endroit.

Contrairement à sa précédente aventure au côté de Daisy, Mana ne portait pas ses vêtements typiquement « Magicienne des Ténèbres ». Enfin, si, elle les portait, mais en-dessous un long manteau. Quelque chose à la croisée du style Magicienne des Ténèbres couplée à celui du SHIELD. Les couleurs restaient le bleu et le rose. Mais la forme donnait une sensation de professionnalisme et non pas celle d’une jeune femme sexy et insouciante.

Actuellement, elle se trouvait dans un petit village fantôme. Il n’y avait pas une âme qui vive. Elle s’était autorisée au tout début à demander à voix haute, avec une main en porte-voix, s’il y avait quelqu’un. Mais un seul sinistre écho lui était revenu. Elle avait préféré abandonner cette démarche et explorer en silence. Avec tous ses sens en aguets.

Ce qui l’avait amené à pénétrer dans une maison. Du vieux papier peint qui tombait en lambeaux. Des meubles ensevelis sous une couche épaisse de poussière qui donnait l’impression de pouvoir donner naissance à une étrange créature tant il y avait de matière en dormance.

Finalement, le bruit qui avait attiré son attention provenant de derrière le bâtiment. Dans un jardin qui s’était vu renoué avec la nature. En effet, les arbres avaient regagné du terrain. L’herbe était haute. Et elle bougeait. Comme si une créature s’y était déplacée puis arrêtée en entendant Mana se rapprocher.

« Je ne te veux pas de mal, qui que tu sois. Je vais approcher. Ne pars pas, s’il te plaît. »

Quelle surprise de découvrir que, un, la créature n’avait pas fui. Deux, qu’elle lui était familière.

« Un Kuriboh ? Mais… »

Une petite boule de poils marrons. Deux pattes vertes et griffues qui lui servaient de mains. Deux autres à la même apparence qui lui servaient de pied. Et enfin, deux yeux violets au pourtour doré. Une étrange petite créature qui… provenait du monde de Mana ?! Ainsi que du manga Yu-Gi-Oh !

« Tu veux bien venir avec moi ? »

Il n’y eut aucune réponse du Kuriboh. Mais la créature commença à suivre Mana.

Cédant à une impulsion, la Magicienne des Ténèbres fit appel à un sortilège. Elle se téléporta à nouveau vers un autre endroit de ce village abandonné. La manœuvre avait plusieurs buts. S’il y avait quelqu’un qui l’observait, elle pourrait disparaître de sa surveillance. Cela permit également de confirmer que la boule de poils s’était liée à elle. Elle se téléporta sans rechigner. Et cela eut une troisième conséquence qui devait être positive. De toute façon, Mana étant optimiste de nature, elle allait tout faire pour transformer cette opportunité en fait positif.

« Bonjour, je m’appelle Mana Yami. Ca me fait plaisir de voir enfin une âme vivante. »

Cette personne suçait une confiserie. Ca ne pouvait pas être quelqu’un de méchant !

Il y avait ici quelque chose de très anormal, comme si la réalité était dilatée, distendue. Bayonetta connaissait ça. Quand elle affrontait les Anges, il lui arrivait de se déplacer dans une dimension alternative proche de la sienne, une sorte de « monde-miroir » où ce qu’elle faisait n’avait aucune incidence sur le monde réel. C’était une zone-tampon, où la magie s’affirmait plus librement. Et, ici, Bayonetta avait le sentiment d’être dans une zone encore plus intermédiaire à celle du monde-miroir, de vivre… Un rêve éveillé. C’était la seule manière qu’elle avait de définir cet endroit. Elle se rapprocha d’une maison, et jeta un œil à l’intérieur. Un écran de télévision était allumé, éclairant de sa lumière blafarde une famille qui semblait en transe. Quand Bayonetta chercha à entrer, l’air autour de la maison se cristallisa, comme si un mur de verre recouvrait cette dernière.

*Hum… Très étonnant…*

La sorcière commençait à avoir une petite idée sur ce qu’il se passait, et elle n’aimait pas ça. Ces gens avaient été maudits, frappés par une puissante malédiction, un sortilège qui s’était développé, et qui les avait emportés. Bayonetta s’écarta de la porte, et vit alors une silhouette qui se rapprochait. Elle fronça les sourcils en reconnaissant une sorcière, et se rapprocha d’elle.

« Oh… Enchantée, petite. Je m’appelle Bayonetta… Tu ne devrais pas traîner ici, c’est dangereux. »

C’était visiblement une chose dont la sorcière face à elle avait conscience. Bayonetta fronça alors les sourcils, et se retourna. Au-dessus d’elles, une cage de verre les enferma. Elle banda ses muscles, tandis qu’un Portail angélique se matérialisa au-dessus d’elles.

« Nous sommes à la frontière entre le rêve et la réalité… Nos cauchemars vont se manifester… Fais attention, petite. »

Peut-être était-elle trop maternelle ? Ce n’était pas impossible ! Un grondement terrible se fit entendre, et un énorme monstre émergea en crachant un épais jet de flammes qui enflamma toute la rue. Bayonetta se protégea, ainsi que Mana, en levant la main, générant un bouclier magique contre les flammes incandescentes. Quand le rideau de feu se dissipa, une créature massive tomba au sol, et rugit encore. Labolas, l’un des mignons de Bayonetta, venait d’émerger, ses griffes monstrueuses défonçant le sol.

« Mon gros chat est en colère… »

Si c’était son cauchemar, quel serait le cauchemar de cette magicienne ?

La femme sur hauts talons confirmait la première impression de Mana : elle n’était pas méchante. Pour preuve, elle se présentait en plein milieu de cette ville fantôme. En plus de cela, le fait qu’elle la surnomme « petite » lui conférait une aura de sage. Mana se fit la réflexion que sa plastique n’égalait pas son âge. Elle devait être plus vieille qu’elle le paraissait. Alors ça ne la dérangeait absolument pas de se retrouver « chaperonnée » par cette presque-plus-inconnue.

A la frontière entre le rêve et la réalité ? Mana semblait bien plus sereine comparée à Bayonetta. Combien de fois était-elle partie en exploration avec son corps astral ? Elle s’appelait la Magicienne des Ténèbres, il y avait des raisons à cela.

« Je n’appelle pas ça un chat, moi. Mais je suppose que c’est une forme d’ironie ? »

Ce qu’elle expérimentait avec Bayonetta semblait tout de même différent de ce qu’elle connaissait. Preuve en était de la sensation de chaleur et de la faim dévorante des flammes. Mana décida alors de se préparer à un affrontement. Bien que son idée première était toujours de résoudre une situation pacifiquement. Voire s’éloigner (fuir avait une mauvaise connotation) pour mieux percevoir la situation. Changer de point de vue était souvent nécessaire pour trouver la solution.

Dessinant des lignes magiques dans l’air à l’aide de son Bâton Magique, la Magicienne en appelle à un de ses sortilèges préférés. Une sorte de tube apparut sous le « chat » et un autre sous les pieds des deux femmes (et de la boule de poils).

Conséquence ? Le « chat » se retrouvait dans la prison de verre tandis qu’elles-deux avaient retrouvé leur liberté.

« Ce qui n’est que temporaire pour ton gros « chat ». Et ce qui ne nous aide pas du tout concernant ce monstre cracheur de flammes là-bas. »

Etrangement, Mana n’éprouvait pas de peur à cet instant. Elle avait été envoyé sur ce monde de force. Elle qui avait peur de perdre les siens avait eu le temps de faire le deuil de son monde de naissance. Maintenant, elle avait peur pour réellement une seule personne : Daisy. Mais elle avait suffisamment confiance dans les ressources de la mutante pour ne pas mourir avant leur prochaine rencontre.

Le cauchemar du Kuriboh se manifesta…

Une créature cauchemardesque. Vaguement humanoïde. Tout son corps était parcouru de ce qui ressemblait à de grosses pustules. Ce qui se révéla être des yeux quand ils s’ouvrirent. La créature, cauchemar de la boule de poils de Mana, aspira et « s’équipa » de la créature cracheuse de flammes.

« Oh non. C’est un Renoncé aux Mille Yeux. »

Des flammes émergeaient de la créature.

« Nous ne pouvons plus bouger à cause de ses regards. Elle va nous attaquer avec les flammes de cette autre créature. Et ce n’est pas tout. Même si nous parvenons à l’attaquer efficacement, le Renoncé sacrifiera la créature avalée pour s’en sortir sans dommages… »

Labolas était l’un des démons que Bayonetta pouvait invoquer. Il était donc impossible que le Labolas qui soit là soit le sien. C’était donc une illusion, un mirage, mais qui était pourtant très réel. Autrement dit, Bayonetta ne faisait pas face à une illusion d’optique, mais à une modification de la réalité, à une perversion des règles établies. Un individu très puissant avait plongé cette île dans un état secondaire, une sorte de zone alternative où les règles usuelles de la physique et de la magie ne s’appliquaient plus. Le Labolas s’apprêtait à attaquer, mais Mana Yami, la petite magicienne, déploya un sortilège qui enferma le monstre dans une cage de verre. Surpris, Labolas rugit, et commença à taper violemment sur la cage, usant de tout son pouvoir pour percer cette prison. Bayonetta ne pouvait toutefois se focaliser uniquement sur cette créature, car elle sentit une autre modification de la réalité.

Une créature qu’elle ne connaissait pas émergea brusquement. Une créature aérienne avec deux ailes parcourues de yeux dorés et doté d’une énorme gueule abyssale flottait dans les airs. Mana la présenta comme étant un « Renoncé aux Mille Yeux », et lui expliqua que ce monstre pouvait figer n’importe qui avec ses yeux. Il pouvait aussi utiliser le Labolas pour les attaquer tout en les immobilisant. Bayonetta se pinça les lèvres.

« Ne pas bouger ? Voilà qui est fâcheux… »

La sorcière sensuelle aimait en effet se déplacer rapidement ! Elle allait devoir faire avec. Le Renoncé avait une paire de yeux bleus, mais surtout un gros œil doré central, qui était fermé. Bayonetta attrapa ses pistolets, et commença à faire feu. Les balles frappèrent le monstre, qui ouvrit alors son œil central, ainsi que les autres yeux de ses ailes. La magie vibra en lui, se concentrant dans l’œil doré. Bayonetta eut beau fermer les yeux, elle sentit ses pieds se figer au sol, et tout son corps être comme bloqué par des liens invisibles.

*Impressionnant… Je ne peux même pas parler !*

Dans un rugissement, le Labolas réussit à exploser la cage de verre qui le retenait, mais reporta son attention sur celle à l’origine de son enfermement. Le Labolas cracha des flammes vers Mana, avant de bondir vers elle, toutes ses gueules ouvertes, y compris celles situées sur ses pattes avant…

La Magicienne et la sorcière étaient mises hors d’état de jeu. Une créature tout droit sorti des cauchemars qui immobilisait ses victimes. Une autre créature dont la Nature lui avait donné trop de bouches s’empressait de vouloir les dévorer. La situation semblait… et bien il semblait que c’était la dernière que les deux femmes allaient expérimenter. Dans cette vie en tout cas, car il y avait quelque chose après. Un domaine qui était protégé par le plus grand Secret et les plus grands Gardiens. Car au final, il y avait très peu d’informations connus des mortels. Mais cela était un sujet pour un autre jour. Si autre jour il y avait.

« Kuriboh ? »

La petite créature toute poilue avait fermé ses yeux. De la douleur ? Mana n’en était pas certaine. En fait, il semblait en pleine concentration. Alors que Labolas étaient dangereusement proche d’elle, ses bras se refermèrent sur son familier. Elle comprit. Elle réalisa ce qu’il était en train d’essayer de faire. De sa magie, elle lui donna l’impulsion qui lui manquait pour dévoiler son potentiel.

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Le Kuriboh proliférait à toute vitesse ! Le Labolas avait beau en dévorer de toutes ses gueules, il ne parvenait pas à dévorer plus rapidement que les Kuribohs se multipliaient. Bientôt, ce n’était plus lui qui essayait de dévorer pour vaincre. Il dévorait pour ne pas perdre. Mais les Kuribohs étaient trop nombreux et bientôt on ne vit même plus trace du Labolas perdu sous la masse.

Très vite, le Kuriboh appliqua la même stratégie face au Renoncé. La créature cauchemardesque était connue pour se servir des autres pour se protéger et voler leur capacité. Mais il y avait simplement trop de petite bête poilue. Inévitablement, chacun de ses yeux devint un Kuriboh enfermé. Le Renoncé avait perdu sa capacité à immobiliser.

Bayonetta était de nouveau libre.

« Il faut qu’on se sauve ! »

*Ca me fait tellement de peine de voir un tel massacre pour nous sauver. *

Car si le manga Yu-Gi-Oh ! avait bien dessiné cette technique, elle ne s’était pas appesanti sur la réalité sanglante de ce carnage. Fort heureusement, au vu du jeune lecteur.

Bayonetta concentrait sa magie pour se défaire de la prison qui la retenait, mais la libération vint finalement de l’ingéniosité de la petite sorcière, qui invoqua son familier, une boule de poils qu’elle appelait « Kuriboh », et qui se mit à se multiplier. Proliférant comme une nuée de rats mignons, les Kuriboh bondirent sur le Renoncé et sur le Labolas, comptant sur leur nombre pour prendre l’avantage. La libération pour la sorcière vint quand le Renoncé fut attaqué par les Kuriboh. L’œil magique qui l’immobilisait rompit le charme, et la sorcière reprit le contrôle de son corps. Mana proposa de fuir, et le Labolas rugit alors, déployant sa puissante aura pour repousser les Kuriboh.

« Tes chouchous sur pattes l’ont énervé, trésor. »

Labolas s’élança vers Bayonetta, bondissant vers elle. La sorcière sourit doucement, et bondit in extremis, évitant les griffes du monstre, qui frôlèrent ses fesses. Sa magie temporelle se déclencha, et fusa dans ses veines et dans son cerveau, lui permettant d’accélérer très vite, ralentissant ainsi le temps autour d’elle. Elle se mit à courir, et frappa le monstre, enchaînant les coups sur son flanc, là où elle avait vu une déchirure provoquée par les Kuriboh. Sa vitesse accélérée s’estompa ensuite, et elle bondit en arrière, faisant une roulade avec ses mains, évitant ainsi une nouvelle attaque de Labolas. Celui-ci ouvrit alors sa gueule, et cracha des flammes. Bayonetta réagit instantanément en brandissant ses pistolets magiques, et tira sur la sphère enflammée, la vaporisant sur place en atteignant le cœur central de la sphère, déstabilisant son énergie magique.

Bayonetta savait que Mana voulait se replier, mais pourraient-elles le faire avec Labolas ? Bayonetta vit le monstre bondir encore vers elle, et elle courut vers lui, puis glissa sur le sol, évitant le corps du monstre. Elle leva deux doigts en hauteur, et ses doigts s’illuminèrent, générant un tranchoir qui lacéra le ventre du monstre. Labolas rugit de douleur en perdant son équilibre. Il roula sur le côté, et Bayonetta se retourna, puis sentit sa magie être prête. Man,a put sentir la magie exploser sur Bayonetta, qui se mit à improviser une danse rituelle. Une danse rapide qui généra un sceau entre ses pieds, et elle leva la main. Sa combinaison se vaporisa alors en un long tourbillon noir, et elle frappa du pied le glyphe, qui s’illumina alors :

« TELOCVOVIM ! »

La combinaison de Bayonetta, qui n’était finalement qu’une extension de son corps, se transforma, et un Portail démoniaque s’ouvrit autour de Labolas. Tandis que la pâle copie du démon se redressait, un vortex noir s’ouvrit sur ses pieds, et une immense créature en émergea. Un gigantesque mille-pattes, Scolopendra. Le monstre se mit à tournoyer autour du corps de Labolas, le démon enroulant son corps autour du sien, avant de se mettre à serrer, encore et encore, jusqu’à faire exploser la copie, qui s’évapora dans des filaments noirâtres, une fumée évanescente. Bayonetta, qui avait provisoirement exposé à la vue de Mana son corps nu, retrouva le contrôle de celui-ci, sa combinaison revenant à elle.

« Premier conseil d’une sorcière avisée, petit trésor : on ne fuit pas » dit-elle sur un ton professoral, en touchant du doigt le nez de Mana, brièvement.

Bayonetta l’observa ensuite, et croisa les bras, ; tout en sortant de son inventaire une sucette rouge, qui lui permettrait de reconstituer sa magie. Quelques gouttes de sueur perlaient sur son front, signe que cette invocation n’avait pas été de tout repos à invoquer.

« Et si tu me disais ce que tu fais ici ? »

Le niveau de sortilèges de la sorcière était impressionnant à regarder. Il l’était également quand on avait pratiqué pendant des années à ressentir la magie via le corps astral qui n’était qu’un corps parmi tant d’autres. Un ensemble de corps formant une seule personne. Mais là n’était pas la leçon de magie. Le point important était que Mana respectait Bayonetta pour sa puissance magique. Nul doute qu’elle s’entraînait depuis bien plus longtemps qu’elle. Et qu’elle avait dû affronter des dangers qui avait forgé une solide expérience et un sang-froid à tout épreuve.

Et pourtant, elle était étrange. Cette invocation effrayante d’une sorte de mille-pattes. Le sortilège qui la mettait à nue ? Et ses vêtements alors ? Etaient-ils vivants et organiques ? Sans compter ce geste enfantin de sucer une sucette. Mana avait bien des questions pour Bayonetta. Mais c’était qui devait répondre la première.

« Je suis en mission. »

Même si Mana ne respectait pas la façon de procéder du SHIELD, ce n’était pas une raison pour tout dévoiler à une quasi-inconnue.

« Disons que je suis une espèce de mercenaire. Une sorte d’experte en magie pour le compte de, disons d’une société qui cherche à défendre le monde contre tout ce qui peut lui causer des dommages. »

C’était assez flou tout en allant au point. Celui étant de dire qu’elle n’était pas une sorte de paumée qui s’était retrouvée en mal d’aventure. Elle était plus ou moins une professionnelle avec une solide raison d’enquêter en ce lieu plus qu’étrange.

« Des gens sont venus ici pour filmer leur aventure et mettre ça sur internet. Parce qu’il y a un ancien lieu abandonné et potentiellement hanté sur cette île. Je dois retrouver ces gens s’ils sont encore vivants. Je dois découvrir ce qui les a fait disparaitre. Et si possible, solutionner définitivement ce problème. »

Maintenant que le Renoncé et le Labolas n’étaient plus un problème, la petite bête poilue marron du nom de Kuriboh était de nouveau en un unique exemplaire. Mana lui frotta affectionneusement le haut de la tête/du corps. La tête et le corps semblant être la même chose. D’une idée à une autre, Mana repense à l’invocation du mille-pattes.

« Hum, je ne doute pas que tu es une puissante sorcière mais, comment dire : c’est une sorte de magie exhibitionniste ta spécialité ? Parce que, quand tu as fait apparaitre ce monstre malaisant, pendant un instant, ta tenue était comme vivante et s’est retirée. »

Maintenant que la situation s’était apaisée, Bayonetta pouvait interroger la petite sorcière. Assez énigmatique, comme toute sorcière se devait de l’être, celle-ci lui expliqua qu’elle était une « mercenaire », une femme de l’ombre qui souhaitait retrouver des touristes qui s’étaient égarés sur cette île, attirés par le complexe abandonné qui s’y trouvait. Bayonetta l’expira silencieusement, puis Mana l’interrogea ensuite sur sa technique d’invocation très particulière. L’intéressée, qui avait repris une sucette magique et s’y attaquait, retira celle-ci de ses lèvres parfaites, et lui répondit sans ombrage :

« Ma combinaison est une tenue magique formée à partir de mes cheveux. Techniquement parlant, je suis nue. »

Un état de fait qui ne semblait pas émouvoir outre mesure la sorcière, qui poursuivit ses explications :

« Le clan de l’Umbra enseigne la magie de façon très particulière. Nous apprenons à faire de nos corps de puissants réceptacles magiques, ce qui fait de nous des sorcières combattantes. Tu dois sûrement savoir que le corps humain est un réceptacle magique très puissant, traverse de lignes d’énergie. La magie que j’exerce amplifie le fonctionnement de ces lignes. Quand je réalise une invocation, j’utilise une partie de mon corps pour invoquer l’âme des démons. »

Le mille-pattes que Mana avait vu n’était donc pas le vrai démon, simplement une sorte de copie hébergeant l’âme du démon, mais dans un corps artificiel généré par Bayonetta. Cette invocation très particulière permettait ainsi d’éviter de perdre le contrôle de démons trop puissants. Bayonetta n’invoquait en effet pas un simple incube ou une vulgaire succube, mais des démons puissants, instables. Il serait trop dangereux d’invoquer ces démons avec leur corps d’origine, même pour une femme comme Bayonetta.

« Pour simplifier, ma combinaison contient un bout de ma puissance. Quand j’utilise tous mes pouvoirs magiques, ma combinaison se retire donc. »

Bayonetta lui sourit alors.

« Ne fais pas ta pudique, je suis sûre que tu as dû voir ce genre de choses ! »

Les deux sorcières avaient au demeurant un autre problème à résoudre. Des individus disparus ici, et ces deux apparitions… Bayonetta avait vaguement conscience qu’une force puissante était en train de manipuler la réalité, de la modifier, de la tordre.

« Ce qui se passe ici est anormal… Et je pense que c’est lié à ce complexe abandonné. Il y a des habitants dans cette île, mais ils ont l’air… Endormis. »

Comme pour en avoir confirmation, Bayonetta se rapprocha d’une maison, et y pénétra. La télévision était allumée, sur un programme cryptique. Des neiges sur lesquelles se superposaient parfois des images fugaces, avec toute la famille devant la télévision, plongée dans un profond sommeil. Rien ne semblait pouvoir les réveiller. Et, tandis que Bayonetta examinait la famille, la télévision se mit à grésiller. En se retourna,t Bayonetta sentit alors n début de migraine la saisir au crâne.

« La télévision… »

Des images spéciales se formèrent à l’intérieur, montrant… Elle-même ! Son propre passé quand elle était au clan de l’Umbra.

« Qui est là ?! »

L’image sauta encore, et montra ensuite le passé de Mana. Bayonetta n’aimait pas ça, et commençait à comprendre que les téléviseurs servaient de relais, de relais à la personne qui était vraisemblablement à l’origine de ce qui se passait sur cette île…

Evidemment que la petite sorcière ouvrit grand les yeux que Bayonetta lui révélé être « nue ». Mais c’était une information parmi d’autres et Mana se reprit vite. Après tout, elle aussi portait en temps normal une tenue plutôt légère. Ce qui semblait être une chose normale chez les sorcières.

Un autre point commun entre les deux sorcières était leur lien avec les ténèbres. Mana en portait le titre : Magicienne des Ténèbres. Et Bayonetta invoquait des démons. Pourtant, ni l’une ni l’autre n’était une ouvrière du Mal. Intrigant mais la réelle réalité.

Les deux femmes se connaissant maintenant un peu mieux, leur mission se rappelait à elles deux. Découvrir où étaient passés les pseudos aventuriers modernes. Qu’est-ce qui avait causé leur disparition. Où avaient-ils été emmenés et pourquoi ?

Bayonetta appelle Mana. Elle a une piste. La télévision.

« Mais c’est moi ça. Et ce sont des images de mon monde ! Pas ce monde-ci. Je… je ne comprends pas. »

Quelque chose s’immisce dans la tête de Mana. Ça pourrait ressembler à une migraine mais son intuition la pousse à croire que non. Et même dans l’éventualité d’une simple migraine, les événements sur cette île la pousse à prendre des initiatives.

Son Bâton Magique émet une lueur. L’écran implose dans un bruit de verre brisé. La tension mentale redescend immédiatement.

« On aurait pu essayer de simplement débrancher la télévision mais je me suis dit qu’il fallait faire davantage. Je ne crois pas qu’on aura le droit de commettre des erreurs si on veut s’en sortir vivante et en bonne santé. »

Un indice. Maintenant, les sorcières avaient une corde sur laquelle tirer pour remonter jusqu’à l’origine des problèmes. Un début de solution, donc. Et ce début redonna le sourire et la bonne humeur à la petite magicienne peut-être trop optimiste et rêveuse.

« Je crois qu’on devrait aller au centre de l’île. Aller au point le plus haut. Il doit y avoir une antenne qui communique les intentions de nos adversaires à travers ces télévisions. Qu’est-ce que tu en penses, Bayonetta ? »

La désagréable vision du passé de Bayonetta disparut quand Mana fit exploser la télévision avec son bâton magique. Bayonetta constata néanmoins que les habitants étaient toujours plongés dans leur transe. Mana suggéra donc d’aller voir dans les hauteurs de l’île s’il n’y avait pas une antenne quelconque à repérer.

« Hm… »

Sans répondre immédiatement, la sorcière se rapprocha de la petite-famille, et les toucha. Elle les sonda brièvement, puis se redressa ensuite, une moue sur le visage, avant de se pincer les lèvres, soucieuse.

« Une puissante force est à l’œuvre ici, Mana… Une force qui manipule la réalité, mais aussi notre psyché. Les créatures que nous avons attaqué dehors sont issus de nos propres souvenirs. Le gros chat que tu as vu, Labolas, est un démon de l’Enfer. Je dois parfois le combattre pour lui rappeler qui est sa maîtresse. Mais ce n’était pas Labolas que nous avons affronté, c’était une sorte d’illusion… Ces gens sont plongés dans une transe hypnotique. Nous serions peut-être nous aussi dans cet état si nous n’avions pas réussi à vaincre les monstres qui nous ont attaqué. »

Bayonetta se dirigea ensuite vers la porte.

« Tu as raison, il faut aller voir ce qui se passe… Ceux qui t’envoient ont dû te parler du sanatorium qui se trouve sur cette île. J’ignore s’il y a un lien avec ce qui se passe sur cette île, mais c’est notre seule piste. »

Qui sait ? Elles y trouveront peut-être une antenne… Bayonetta ressortit donc de la maison, et traversa les rues, jusqu’à rejoindre la place du village. Il n’y avait personne dehors, et, en regardant à travers les fenêtres des maisons, elle pouvait voir que les habitants étaient comme figés dans leurs dernières activités. Des poupées humaines immobiles, inamovibles. La place du village comprenait une fontaine, mais, quand elles s’y approchèrent, le décor évolua. Le sol se mit à trembler dangereusement, comme si l’île était victime d’un séisme, et la fontaine changea, transformée par… Une énorme statue de Staline !

Des soldats soviétiques leur faisaient face, pointant leurs fusils sur elles, aboyant en russe.

*Encore une altération de la réalité…*

Sauf que, cette fois, ce n’était aucun des deux souvenirs des femmes, mais de l’île en personne. Bayonetta serra les dents tandis que les soldats pointèrent leurs fusils sur elles.

« Même si ce sont des illusions, ils n’en sont pas moins réels pour autant. »

Un Soviétique fit feu avec son fusil, et Bayonetta bondit juste avant, esquivant la balle, puis répliqua en lui tirant dessus. Les alarmes ne tardèrent pas à résonner, annonçant la venue d’autres soldats…

Certes, la réalité était manipulée. Ok, les illusions semblaient prendre vie d’après les souvenirs de tout ce qui existait. Mais… que faire alors contre des inconnus qui lui tirait dessus ?! Pouvait-elle balayer les illusions en usant de la violence magique ? Ou devait-elle prendre toutes les précautions possibles sachant que toute vie était précieuse et unique ? Mana était complètement perdue. Elle en appela donc à la magie contenue dans son Bâton Magique pour ériger une défense contre les balles des soldats.

*Est-ce que je devrai essayer d’entrer en transe et trouver le fil du pouvoir qui nous manipule ? Moi, Bayonetta et tous les habitants de cette île ? Hum… Non. Ça paraît trop dangereux. Surtout dans une situation où on m’attaque. *

Mais alors quoi faire ? Parce que Mana n’allait pas pouvoir rester en plein milieu de la place telle une cible idéale d’entraînements pour militaire cauchemardesque.

*Et si ?... *

Est-ce qu’est folle ? Mana se pose légitimement la question. Les alarment crient à tue-tête. Les bottes des soldats battent le pavé. L’odeur de la poudre se répand dans le lieu. Et malgré tout ça, Mana se demande quand même si elle ne va pas se laisser emmener par toutes ces troupes.

*S’ils ne me tuent pas, ils m’amèneront forcément à celui ou celle qui est derrière toutes ces illusions, oui ? *

Mais est-ce que Bayonetta allait être d’accord avec ce plan ? Officiellement, elles ne forment pas une équipe. Mais si Bayonetta est comme Mana, il lui serait impossible de tourner le dos à la sorcière et de la laisser mourir. Ou être emprisonnée, torturée. Bref, ne pas savoir.

Donc Mana en est là. Résistant à la pluie d’armes à feu derrière sa protection magique. En plein milieu du chaos. Sans volonté de contre-attaquer. Et potentiellement à la recherche d’être capturée vive.

Bayonetta ne fit pas preuve de la même appétence à la non-violence que Mana. Quand un soldat pointa vers elle son fusil Mosin-Nagant M, elle bondit avant, évitant la balle, et son genou heurta la tête du soldat, le projetant en l’air. Il poussa un hurlement de douleur en tombant au sol, et Bayonetta se rétablit ensuite. Deux Soviétiques hurlèrent en la ciblant avec des fusils semi-automatiques SVT38, et firent feu. Elle bondit sur le côté, sautillant dans les airs. La tête en bas, Bayonetta répliqua en pointant ses deux pistolets, et fit feu en se déplaçant, fauchant les deux soldats. Elle retomba à nouveau sur le sol, et tourna la tête vers Mana, qui se protégeait en générant autour d’elle un bouclier.

« Ils ne sont pas réels, Mana ! C’est cette île, elle se défend ! »

Cette île… Ou la chose qui était à l’origine de ces altérations de la réalité. Bayonetta vit un camion militaire à proximité, qui libéra plusieurs soldats, tandis qu’une Jeep se rapprocha, sur laquelle était surmontée une mitrailleuse. La tourelle fit feu, et elle se mit à courir, prenant alors la forme d’une grande panthère noire, ce qui lui permit de se déplacer plus vite, esquivant les balles. Le village tout entier avait été changé, prenant une teinte plus ancienne. Les bâtiments restaient toutefois les mêmes, mais on trouvait ici et là des affiches de propagande sur les bienfaits de l’Union Soviétique. Bayonetta bondit sur une façade d’immeuble, et s’en servit pour rebondir.

Dans les airs, Bayonetta reprit sa forme naturelle, mais une paire d’ailes de papillons avaient jailli dans son dos. Elle fit feu à nouveau, abattant d’autres soldats, et pivota alors en entendant du bruit. Depuis les hauteurs de la place, il y avait un grand bâtiment administratif, d’où des soldats se positionnaient… Ainsi qu’un mech de combat qui lui tira dessus avec une tourelle lourde. Une balle frappa Bayonetta dans le ventre, qui hurla de douleur. Le coup la souffla, ses ailes de papillon disparurent, et elle tomba lourdement sur le sol, roulant sur les pavés.

*Ce machin-là, je suis sûre qu’il n’existait pas à l’époque…*

Le bouclier de Mana la protégea des tirs d’autres soldats. Ceux que Bayonetta avaient tués s’étaient vaporisés, probablement pour réapparaître ensuite.

« Si tu les laisses faire, ils vont te tuer… »

Bayonetta, qui avait déjà invoqué récemment un démon, n’avait pas reconstitué assez de magie pour en invoquer un autre. Si elle le faisait, le démon invoqué pourrait se retourner contre elle.

« On doit tenir jusqu’à ce que cette illusion se dissipe… Ou fuir. »

À la réflexion, la fuite ne semblait pas être une si mauvaise idée…

C’était incompréhensible. Tout manquait de sens. Ce qui amenait Mana à une position hautement inconfortable : elle ne savait pas comment réagir. Les soldats en face d’elle lui tiraient dessus. Elle ressentait clairement les chocs contre son bouclier magique. Tout comme elle imaginait déjà ce qui arriverait à sa chair si l’une de ses cartouches parvenait à passer outre sa protection… Mais… Mais les soldats disparaissaient comme s’ils n’avaient jamais existé une fois terrassé par Bayonetta.

*Alors quoi ? Ce sont de vrais illusions sans conscience ? *

Est-ce que planter un clou dans un arbre pour accrocher un nichoir était mauvais ? Est-ce que l’arbre souffrait de cette tige de métal à l’extrémité perforatrice ? Mana avait envie de croire que oui. Que la Nature était un être vivant, mais d’une définition échappant à la compréhension humaine. Alors… devait-elle considérer l’île comme la Nature ? C’est-à-dire comme un être doté d’une conscience mais dont la logique et les desseins lui échappaient ?

*Je dois savoir. Je dois apprendre la vérité avant de diriger ou non mon Bâton Magique vers ces soldats/illusions. *

Mana avait fait son choix.

Son Bâton Magique esquissa une arabesque dans les airs. Puis une boîte apparut devant elle. Mais également devant Bayonetta qui eut la surprise de voir une porte s’ouvrit l’invitant à aller à l’intérieur. Qu’elle prenne l’initiative d’y pénétrer ou non, le sortilège de la Magicienne des Ténèbres suivait son cours. La boîte s’avança vers chacune des deux femmes, l’avala et la porte se referma.

La boîte magique pivote sur elle-même. La porte s’ouvrit de nouveau.

Et le paysage était différent.

Silencieux, surtout.

« J’ai choisi de fuir. J’espère que tu ne m’en veux pas d’avoir fait le choix pour toi. Je ne pouvais pas prendre la décision de combattre ces soldats sans en savoir davantage. Je dois en apprendre plus. Savoir si c’est vraiment l’île qui se protège contre nous. Si elle protège quelque chose. Ou alors, si elle est malade et peut être considéré comme un cancer qu’il faut combattre. Je suis désolé d’avoir pris une décision sans te demander. C’était instinctif. Dans le courant de l’action. »

Bayonetta pouvait percevoir la confusion de la jeune magicienne en herbe. Nul besoin d’être télépathe pour la voir hésiter à attaquer ces soldats. Étaient-ils réels ou illusoires ? La réalité était plus subtile, ils étaient un mélange des deux. Comme un rêve. Un rêve n’était pas réel, mais, quand une personne rêvait, ce rêve pouvait lui sembler extrêmement réel. Il était donc logique de dire que Bayonetta et Mana vivaient un rêve éveillé. Mana commençait à paniquer, tandis que Bayonetta se battait avec rage, esquivant de justesse les attaques pour déclencher ses bulles temporelles. Elle était alors une vraie tornade noire, fondant sur les ennemis, les rouant de coups, des attaques magiques qui perçaient même le métal et l’acier des robots de combat. Elle sentit alors Mana user de sa magie, générant une sorte de boîte abritant un vortex. Bayonetta bondit en arrière, arrivant près d’elle, et continua à faire feu sur d’autres soldats, avant de filer à l’intérieur.

Le vortex les projeta ailleurs.

*Tout compte fait, se projeter à travers les dimensions quand on a comme point de départ une réalité modifiée, ce n’est peut-être pas une si bonne idée…*

Transportée, Bayonetta s’arrêta avec Mana sur une plateforme qui flottait dans l’espace. Autour d’elle, il y avait un vide cosmique, un abîme noirâtre avec des étoiles dans l’espace. On aurait pu se croire dans l’espace, mais ce n’était pas exactement ça. Elles étaient dans l’espace interdimensionnel, voyant ici et là des univers qui flottaient comme des étoiles, et des confluences magiques.

« Nous sommes dans un nexus, Mana… C’est dangereux de rester là. »

Mana lui présenta ses excuses, tandis que Bayonetta se concentrait, afin d’ouvrir un Portail de retour.

« Tu as paniqué, ma belle. L’île n’est qu’une île, c’est l’être à l’intérieur qui nous a attaqué. Ces soldats que nous avions affrontés… Ils sont à la fois fictifs et réels. Comme dans un rêve. Tu as déjà rêvé, je suppose ? Un rêve te semble vrai et réel quand tu l’es, et tu peux rencontrer dans un rêve des gens qui, tout en étant le produit de ton imaginaire, te semblent bien réels. C’est ce qui se passe sur cette île, et c’est aussi pour ça que ton sort nous a envoyé ici. »

La plateforme rocheuse commençait à se fissurer, explosant sur place par morceaux, comme si quelqu’un lui tirait dessus avec un gros obus. Mieux valait ne pas tomber, sous peine de ne jamais en ressortir. Bayonetta sentait autour d’elles des présences malfaisantes. Elle généra un bouclier autour des deux femmes, un bouclier lumineux qui éclaira des figures hideuses… Des mâchoires édentées, des yeux monstrueux et ensanglantés, des tentacules voraces érigés de piques qui claquaient comme des fouets.

« Tu dois voir au-delà de ce que tes sens te montrent, Mana. Cette île est piégée dans une bulle qui en modifie la réalité, une bulle façonnée par notre adversaire. Il a réussi à piéger tous les habitants dans ce rêve. J’ignore où ce Portail va nous ramener, mais nous n’avons pas le choix. Accroche-toi à moi, choupette. »

Bayonetta la prit dans ses bras. Le Portail s’illumina alors, brillant de plus en plus, jusqu’à devenir aveuglant, et, quand il éclata, elles étaient revenues sur l’île… Mais il n’y avait plus aucun village. Une végétation luxuriante, foisonnante… Et des ptérodactyles qui virevoltaient dans le ciel.

« Tu n’as pas à avoir peur d’utiliser tes pouvoirs, rien de ce que nous affrontons ici n’a de consistance réelle. Ce sont des rêves. Ils n’existent que de manière éphémère. Eux-mêmes ignorent qu’ils sont des rêves. »

Et cela impliquait aussi les dinosaures qui se formaient sur cette île…

Mana avait eu raison depuis le début. Bayonetta était une sorcière bien plus sage qu’elle. En se retrouvant dans un espace entre les espaces, Mana réalisé à quel point son incompréhension de la situation l’avait fait voyagé dans un lieu inconnu. Elle ne devait pas être téléportée. Elle devait se retrouver sur une autre partie de l’île. Et tout ça parce que la nature de l’île entre fiction et réalité lui échappait.

Et Mana, l’élève du célèbre Magicien des Ténèbres, détestait ne pas comprendre.

Et les voilà qui revenaient sur l’île. Cette fois, il n’y avait plus de ville et de soldats russes. Des arbres. Des cris dans les airs. La guerre froide avait disparu pour laisser place à la préhistoire. Il y avait matière à plonger dans la folie.

*Je ne suis pas un rêve. *

Une phrase qui devenait un mantra. Désormais, Mana avait envie de tenter une expérience. Peut-être était-ce une perte de temps ? Mais il fallait qu’elle essaie pour libérer sa tête et accueillir possiblement des idées plus efficientes.

« Je voudrais m’enterrer. »

*Je ne suis pas un rêve. *

« Si l’île est sous l’influence de l’être qui la manipule, j’aimerai essayer de jouer le Cheval de Troie. M’enterrer. Devenir une partie de l’île. Accéder à sa « conscience » comme si j’étais un nouvel arbre qui se connecte à toute la forêt via son réseau de racines. C’est peut-être fou. C’est peut-être inutile, mais quelque chose me pousse à essayer l’expérience. »

Mana n’était toujours pas à l’aise avec l’idée de combattre des soldats russes ou encore des dinosaures volants. Elle avait déjà rêvé. Elle s’était déjà éveillée dans un rêve pour venir en aide à des personnes. Et elle avait déjà provoqué du mal en interagissant de la mauvaise manière. Un corps onirique n’était qu’un corps parmi une légion qui formait un être. Il fallait faire attention à toutes les synergies qui existaient à tous les niveaux.

Son Bâton Magique lui permit de se creuser une tombe. Elle s’allongea dedans. La petite boule de poils marron du nom de Kuriboh ne comprenait visiblement pas l’attention de la Magicienne. Mais il était fidèle et vint se poser sur sa poitrine. Mana sourit. Elle ressentait la chaleur de la créature.

Elle ferma les yeux et chercha à remonter la piste jusqu’à l’être qui modifiait les rêves. Si elle comprenait comment ça fonctionnait, elle retournerait son outil contre lui. Et elle avait déjà une idée. Ridicule, possible. Mais elle avait lu et relu le manga dont elle faisait partie. Et elle se disait qu’elle pourrait invoquer le bestiaire de Yu-Gi-Oh pour lutter contre les soldats russes et les ptérodactyles.

Mana avait un plan inattendu, consistant à « s’enterrer » dans l’île, à remonter la source du signal. Bayonetta, qui n’avait guère envisagé ce scénario, ne répondit pas immédiatement. Elle venait d’abattre plusieurs ptérodactyles quand un rugissement terrifiant se fit entendre. Un monstrueux tyrannosaure jaillit de derrière les arbres, et elle courut vers lui, puis glissa entre ses jambes, évitant sa gueule monstrueuse qui claqua dans le vide. La monstrueuse bête pivota sur place, et Bayonetta bondit ensuite dans les airs, le frappant au visage, et rebondit dans les airs, telle une fée enchanteresse. Elle retomba sur le corps du tyrannosaure, laissant sa main glisser sur sa peau reptilienne, laissant une traînée violette derrière elle. Elle glissa ensuite sur la queue du dinosaure pour arriver à côté de Mana, et lui sourit doucement, avant de claquer des doigts, ces derniers ayant une teinte violette. La traînée violette s’illumina alors furieusement, et explosa, vaporisant le tyrannosaure dans un hurlement de douleur.

« Little one, la règle principale dans ce métier, c’est de suivre son inspiration. Suis ton idée, je les retiens ! »

Mana se concentra donc, et, à l’aide de son bâton magique, elle disparut sous terre, creusant un trou dans le sol. Elle se retrouva en-dessous, dans le noir abyssal. Elle se mit à tomber, et put alors voir des lignes magiques, des lignes qui ondulaient dans l’espace, lumineuses et intenses. Ces lignes se multipliaient alors que Mana les suivait, flottant dans l’air. Une atmosphère irréelle, qui l’amenait à se rapprocher d’une sorte de nexus. Toutes les confluences menaient à cette grosse sphère, dans laquelle une silhouette se trouvait. Mana s’en rapprochait lentement, et le décor évolua lentement. Elle venait d’entrer dans une sorte de grande galerie en cristal, faite de miroir montrant des fragments de la vie dehors. Que ce soit les locaux en train de jouer, les Soviétiques qui investissaient l’île, Bayonetta qui se battait…

La magicienne se rapprochait du cœur de l’île, et tous les fragments qu’elle voyait étaient comme des fenêtres menant vers des rêves. La galerie-miroir l’amena devant une énorme structure faite de miroir, avec la sphère qui flottait en plein milieu, énorme et très impressionnante.

« Qui ose ? » gronda brusquement une petite voix.

Cette plongée dans les ténèbres qui l’amène dans une galerie de pierres précieuses reflétant la vie de tous les êtres vivants des environs. C’était une description irréelle. Rien n’avait de sens. Il n’y avait aucune prise dans ce décorum qui semblait avoir pour ressources la matière onirique impalpable des rêves. Et pourtant, Mana s’y sentait à l’aise. Bien plus que tout là-haut avec la sorcière faisant exploser des dinosaures préhistoriques. Ici, dans cette galerie de cristal : elle se sentait dans son élément. Ici, elle sentait qu’elle pourrait avoir un impact.

Elle se trouvait dans un lieu où le temps n’avait pas les mêmes effets que tout là-haut. Elle ne se sentait donc pas poussée à vite atteindre le centre de ce labyrinthe et défaire ce qui avait été tricoté avec mauvais escient. Elle prit donc le temps d’en apprendre plus sur la vie et les rêves des habitants de cette île tous prisonniers. Bizarrement, elle prit également le temps d’observer Bayonetta combattre. Si loin d’elle, elle pouvait l’observer d’un autre point de vue. La sorcière était puissante, technique, sexy mais surtout très efficace. Mana comprenait que cette rencontre avait peut-être davantage à lui apporter. Cette rencontre semblait avoir un fort potentiel pour sa propre évolution. Comment exactement ? Elle ne savait pas. Et elle ne s’en inquiétait pas. Il était maintenant venu le temps de s’adresser à cette sphère énorme et potentiellement animée de mauvaises intentions.

*Parce que je ne crois pas au Mal pur. Il y a toujours des blessures à guérir derrière chaque « méchant ». Donc je dois en apprendre davantage sur cette… chose. *

« Bonjour. Je m’appelle Mana Yami. Mais on me surnomme la Magicienne des Ténèbres. Ma fonction est d’aider. Aujourd’hui, je dois particulièrement aider cette île en retrouvant ceux qui ont disparus. Et comprendre comment et pourquoi ils ont disparu. Selon la réponse que je découvrirai, il me faudra alors prendre une décision concernant ce qui a causé tant de maux et de tristesse. »

Synthétique. Efficace. Clair. L’introduction de Mana lui avait permis de se présenter avec les civilités d’usage tel que ce simple « bonjour ». Puis elle avait enchaîné sans rien cacher sa mission. Si cette chose sphérique était vraiment mauvaise, était le mastermind derrière tout ce qui était étrange sur cette île : alors potentiellement, Mana s’était dirigée d’elle-même vers le poteau où l’on se fait fusiller à mort.

Mais Mana est profondément bonne et idéaliste. Aucune cause n’est une cause perdue. Tout le monde tend une main pour être sauvée. Il faut seulement réveiller l’autre pour accepter qu’il voit qu’il tend sa propre main et qu’elle a besoin d’être enserrée dans celle de la Magicienne des Ténèbres.