The Multiversity

Marmelade s’était laissée emmener. Main dans la main avec sa grande sœur, elle lui avait fait aveuglément confiance. Les cauchemars étaient finis. Impossible pour l’esprit de la jeune slime de croire qu’une nouvelle chiée de malheurs pouvait lui tomber dessus.

Alors elle marchait main dans la main avec Mélona. Son visage retrouvait cette joie enfantine qu’avait découvert Mélona dans la pâtisserie. D’apparence, tout semblait indiquer un retour à la normale. Mais il ne fallait pas surtout pas s’y arrêter. Marmelade n’était pas bien au-dedans. Elle avait expérimenté la peur. Elle avait vécu dans le monde du Baron Kowai. Et elle en avait réchappé avec des traumas…

Voilà que les deux slimes passaient un portail. La maison était immense aux yeux de Marmelade. Et c’était bizarre de se dire que c’était la première fois qu’elle venait et que pourtant, d’une certaine façon, cet endroit lui était déjà familier. La cause en était à cette fusion salvatrice où Mélona l’avait absorbé pour lui sauver la vie.

« Maman Lissandre et Maman Fönn sont juste derrière cette porte ? »

Mélona n’eut pas le temps de répondre. Une femme magnifique aux cheveux blonds bouclés et à la combinaison moulante rose latex ouvrit.

« Waouh ! Tu as un gros ventre ! »

Lissandre rigola. Sa main tâta son ventre. Elle était aujourd’hui enceinte de six mois. Donc elle ne prenait pas mal le franc commentaire de la petite inconnue. D’ailleurs, elle avait ouvert la porte car elle avait vu Mélona se présenter à l’entrée via le système de surveillance vidéo.

« Je m’appelle Marmelade. Et ça c’est Mélona, c’est ma grande sœur. »

Une présentation brute qui donna suffisamment d’informations à Lissandre pour laisser rentrer les deux filles.  Elle referma la porte derrière les deux slimes, mit sa main en porte voix et dit très fort à l’encontre de sa femme :

« Ma chérie ! Il semblerait que la famille vienne encore de s’agrandir ! »

Lissandre enceinte avait fait poussé ses instincts maternels. Un énorme sourire lumineux sur le visage, sa main frottait le haut de la tête de Marmelade qui était elle aussi en ange.

*Maman Lissandre a dit que la famille s’agrandit ! Elle parle de moi ! *

Récemment, Mélona avait fait « une rencontre du troisième type » en croisant la route d’une autre Slime, Marmelade. Une rencontre aussi surprenante qu’inattendue, qui s’était soldée par une aventure plus mouvementée que prévue à la fête foraine. Après avoir voyagé d’une boulangerie à un appartement avec une personne âgée et avoir rencontré un policier qui avait menacé de les enfermer (elles, pauvres petites innocentes Slimes sages comme des images !), elles avaient fini à la fête foraine. Mélona avait espéré se consoler en jouant aux autotamponneuses et en mangeant de jolis croustillons bien chauds, bien sucrés, et bien huileux (miom ! miom !), mais elles s’étaient retrouvées dans une attraction infernale, où Mélona avait fait une rencontre qu’elle aurait sans aucun doute qualifié de « rencontre du 15 000^ème type ». Hallucinations, fantômes, un baron maléfique, et un train infernal qui l’avait fixé avec un sourire cruel. Elle avait réussi à retrouver Marmelade en fusionnant avec elle, et Marmelade en avait profité pour aspirer ses souvenirs, et surtout sa mentalité de pensées. Elle avait ainsi découvert que Mélona avait une famille terrienne, composée de Maman Lissandre et de Maman Fönn (et, parfois, de « Tonton » Alastar !), et Mélona lui avait proposé de venir chez elle.

Elle vivait chez Maman Lissandre. Maman Fönn y avait récemment emménagé, elle aussi. C’était une grande maison très moderne, avec une piscine à l’extérieur ! Mélona n’aimait toutefois pas trop l’eau, car son corps avait tendance à se disloquer dans l’eau. Elle savait que Maman Lissandre touchait beaucoup d’argent grâce aux livres qu’elle écrivait, et à son héritage familial. Avec ses livres, elle touchait des droits d’auteur (Mélona n’avait pas trop compris). Pour l’heure, elle et Maman Fönn prévoyaient un voyage de noces en France. Maman Fönn avait très envie de voir Paris depuis qu’elle regardait une série télévisée qui en parlait, « Emily in Paris ». Elle s’imaginait coucher avec Maman Lissandre dans tous les monuments de Paris, puis remonter en péniche le long de la Seine, et finir au Mont-Saint-Michel. Pour l’heure, les deux femmes étaient enceintes, et leurs ventres s’étaient bien arrondis. Tonton Alastar revenait souvent voir comment elles allaient, et ils faisaient ensuite joyeusement l’amour. Mélona y participait volontiers.

La jeune Slime ouvrit sans problème le portail automatique de la propriété, et, tenant toujours la main de Marmelade, fila à l’intérieur. Derrière cette villa très moderne, il y avait une déco très kitsch. Maman Lissandre n’avait pas encore repeint la maison en rose pastel intégrale, mais la chambre de Mélona était à l’avenant. Du rose pastel vif avec de multiples peluches, et même un ordinateur ! Mélona rencontra Maman Lissandre, et alla comme d’habitude poser sa tête sur le ventre rebondi de Maman Lissandre. Elle était enceinte depuis plusieurs mois, et Mélona aimait sentir la présence du bébé là-dedans. Elle déposa ensuite un baiser sur le ventre de Maman Lissandre, et sourit de toutes ses dents.

« Bébé-Lissandre va bien ! »

Maman Lissandre avait parlé d’une voix forte à Maman Fönn, qui était en train de préparer à manger, dans un déshabillé légèrement transparent.

« Qu’est-ce que tu as dit, ma chérie ? Oh… Salut, Mélona, tu n’es pas rentrée pour le goûter !
-  Non, Mélona a rencontré une amie, et voudrait bien que son amie passe la nuit ici !
-  Une… Une amie ? »

Mais, avant toute réponse, Mélona alla écouter le bébé de Maman Fönn. C’était plus compliqué, car il n’y avait pas Mélissandre pour l’aider, mais elle déposa un baiser dessus. Maman Fönn travaillait encore, elle n’avait pas pris ses congés, Mélona devait donc faire attention.

« Bébé-Fönn va bien ! »

Fönn vit alors une Slime entrer, et cligna des yeux.

« Je… C’est une amie de Mélinda ?
-  Non, c’est mon amie, c’est Marmelade ! Elle est gentille, mais elle est timide ! Je l’ai rencontré dans une boulangerie, on a fait un concours du plus grand manger de gâteaux, mais un policier nous a poursuivis, alors on l’a semé chez une dame âgée en utilisant mes phéromones, hihihi ! »

Mélona trouvait cela très amusant.

« Mélona n’a aucune amie slime… Alors, elle pensait que Marmelade pourrait dormir ici… »

C’était souvent Maman Fönn qui était la détestable voix de la raison, alors que Maman Lissandre avait plutôt tendance à suivre toutes les idées de Mélona. Alors, allait-elle la suivre sur ce coup-là ?

Lissandre se caressait son ventre arrondi. C’était vraiment fou à quel point sa vie avait changé. Elle qui s’était toujours vu finir célibataire et sans enfants. Une femme d’action dans un monde toujours changeant. Et voilà qu’elle avait femme et enfant à venir. Une famille. Non, un clan qui naissait et qui semblait vouloir prospérer très rapidement.

Elle n’était plus la même. Bien entendu, elle restait toujours cette femme qui avait voulu changer le monde en changeant le porno. Elle restait toujours cette femme hyperactive et curieuse. Elle avait toujours eu une libido aussi active et curieuse qu’elle. Mais aujourd’hui, tout cela avait évolué. Elle était toujours ça et mère en devenir. Elle sentait cet instinct maternel battre comme jamais dans son corps.

« Marmelade, c’est ça ? »

La slime inconnue répondit que oui.

« Moi, c’est Lissandre. La maman de Mélona, comme elle te l’a déjà dit. »

Cette nouvelle slime avait un look incroyable. Ca lui rappelait des souvenirs. Dans cette villa, elle avait rencontré Mélona. La rencontre qui avait tout changé. Pourquoi Lissandre se souvenait ? Parce qu’elle avait préparé un festin de sucreries et de pâtisseries. Trop, à ses yeux. Mais Mélona n’avait jamais assez de sucre. Et cette nouvelle slime semblait être l’Incarnation même des choses sucrées et des pâtisseries.

« Tu es très jolie, Marmelade. »

Mais il y avait Maman Fönn. « La détestable voix de la raison » comme le pensait Mélona. Il allait falloir la convaincre.

« Mélona nous a ramené une amie, ma Fönn. C’est la première fois qu’elle nous ramène une amie. Et qui soit une slime, en plus. »

*Je connais une Belle-maman qui serait aussi très probablement intéressée par faire une nouvelle rencontre. *

« De toute manière, nous ne pouvons pas la laisser repartir maintenant. D’abord parce que ça blesserait notre Mélona. Ensuite parce que nous devons entendre leur histoire. Il y est question de police, quand même. Nous devons en savoir un maximum. Peut-être que nous allons avoir des complications à gérer. »

Mais l’instinct premier de Lissandre était l’instinct maternel. Elle voyait déjà cette petite slime en tant que Marmelade Verrières. Elle n’était pas appelée Maman Lissandre sans raison, après tout.

Fönn avait déjà une fille, Iris. C’était celle qu’elle avait eu avec Alastar avant qu’il ne l’enfante à nouveau, puis enfante également Lissandre. Leurs bébés étaient désormais liés, et Alastar leur avait dit qu’ils naîtraient ensemble. Cela était lié au mariage de Fönn et Lissandre, devant Asmodée et la Déesse Lust. Fönn avait emménagé chez Lissandre, et elles planifiaient un mariage civil, en France. Ce serait un sacré voyage. Fönn espérait bien rencontrer sa belle-famille, même si cette idée n’enthousiasmait pas particulièrement Lissandre. Elle savait que sa femme venait d’une famille riche, une famille qui n’approuverait pas forcément ses choix. Néanmoins, Lissandre continuait à tirer sa fortune de cette famille, alors Fönn tenait effectivement à les voir. Pour l’heure, la gynécologue était enceinte. Elle avait aussi appris, lors d’un séjour intense dans l’univers d’origine de Mélona, qu’elle avait des pouvoirs magiques latents, héritage génétique de sa grand-mère. Elle était capable de se transformer, de changer de forme, et pouvait le faire à plusieurs reprises.

Elle était capable de modifier son Hamr. Dans la mythologie nordique, le hamr était l’un des composants de l’être humain, désignant le corps astral. Le hamr désignait la capacité d’apprendre par la répétition et par l’observation passive de l’environnement. Cela dissociait le hamr du hugr, un autre des cinq composants, qui désignait la capacité d’apprentissage active, la mémoire, l’apprentissage par la formation et l’éducation. Du moins, c’était comme ça qu’on avait présenté les choses à Fönn. Toujours est-il que sa transformation consistait à recopier l’environnement qui l’entourait. Elle avait pu se transformer en démone en Enfer parce que son hamr avait répété ce qu’elle voyait autour d’elle. Elle libérait son hamr pour changer de forme, et pouvait ensuite reproduire cette capacité plus facilement, grâce au hugr. Fönn pouvait donc techniquement, selon la Reine Noire, manifester de nouvelles formes, voire prendre une forme slimesque. L’idée d’avoir une Fönn slime ne manquerait pas d’exalter Lissandre, mais cela ne se ferait pas sans apprentissage.

Pour l’heure, Fönn se préoccupait surtout de tomber enceinte, et veillait chaque jour sur l’état de sa grossesse, et sur celle de Lissandre. Elles avaient commencé à préparer la grande chambre pour leurs bébés. Iris, qui était encore très petite, observait elle aussi chaque jour le ventre de sa mère s’arrondir, et elle y apposait sa petite tête. Mélona s’amusait beaucoup avec Iris, elle aimait lui faire des câlins, mais, quand Iris pleurait, Mélona pleurait aussi, ce qui donnait lieu à de curieux concerts.

Voilà donc qu’une nouvelle Slime venait de faire irruption, Marmelade ! Fönn s’assit sur une chaise de la cuisine, et observa le duo.

« Elle vient de chez Lucinda ? »

Mélona secoua la tête de droite à gauche.

« Marmelade est une autre Slime ! »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que vivre chez Lissandre n’était jamais de tout repos. Mélona leur résuma alors ce qu’elles avaient vécu à la foire. Tout n’était pas forcément très clair, et Fönn se retourna vers Marmelade, intriguée :

« Et qu’est-ce que tu souhaites, Marmelade ? Tu n’as pas un lieu d’origine ? Là où tu es née, par exemple ? »

Tous les gens dans cette pièce ont le ventre rond. Marmelade trouve ça étrange. Enfin, pas tous. Ni Marmelade, ni Mélona n’ont le ventre rond. Mais elles ne sont pas humaines. Ca doit être pour ça. La deuxième Maman de Mélona lui pose des questions. Elle a l’air gentille, alors il n’y a pas de raison de rester silencieuse.

« J’avais une Maman il y a longtemps. Mais pas la même que Mélona. Pas toi. Ni toi qui est toute en rose. Je parle de la première Maman de Mélona. Celle qui est une Reine. Moi, ma Maman, ce n’était pas une reine. On vivait dans une petite maison. C’était très calme. Elle me faisait pleins de choses délicieuses sucrées à manger. Mais je crois que c’était il y a très longtemps. Il n’y avait pas autant de gens. Ni autant de ville. Et ce n’était pas gris les villes. C’était plutôt marron. Mais comme je disais, je crois que c’était il y a très longtemps. »

Marmelade fronce les sourcils. Elle n’est pas très bonne à donner des explications. Elle n’en a pas l’habitude en plus. Et puis, elle croit qu’elle a oublié quelque chose. Surement une question de la Maman Fönn. Alors Marmelade réfléchit. Et elle se souvient via l’effort.

« Marmelade veut une famille. Elle a déjà une grande sœur Mélona maintenant. Marmelade aimerait bien avoir aussi les deux Mamans de Mélona. Marmelade a découvert… »

Elle doit faire une pause. Elle se souvient des effrayantes attractions et rencontres chez le Baron Kowai.

« Marmelade est seule. Sa Maman lui manque… »

Un éclair ténébreux illumine douloureusement ses souvenirs. Elle n’aime pas ce souvenir. NON ! Ce n’est pas vrai ! Elle n’a pas mang-… Non non non !

Le corps de Marmelade a commencé à tendre vers sa forme de titan. Mais chez Lissandre règne une profonde chaleur. Le feu métaphysique d’un bon foyer. Ça apaise Marmelade. Elle parvient à reprendre sa forme.

« Désolé. Marmelade a pensé a quelque chose qu’elle n’aime pas. »

Elle entend une petite voix qui vient de plus loin. L’enfant de Fönn qui appelle.

« C’est qui la voix de la petite fille ? »

Mélona laissa le soin à Marmelade de se présenter. La Slime était un peu nerveuse, car elle ne savait pas trop comment ses Mamans allaient réagir en découvrant qu’elle leur amenait une nouvelle Slime ! Devait-elle aussi leur parler de ce qu’elle avait vécu à la foire ? Du Baron Kowai… Mélona avait décidé de laisser cela de côté pour le moment, et de ne l’évoquer que devant sa Maîtresse. Après tout, elle était la plus à même de lui indiquer de quoi il s’agissait. Mélona se surprit à songer que, normalement, sa première réaction aurait été d’aller voir sa Maîtresse… Mais, au lieu de ça, elle avait décidé de conduire Marmelade devant Maman Fönn et Maman Lissandre. Cela aussi en disait beaucoup sur la manière dont Mélona percevait désormais les deux femmes. Elle ne les appelait pas juste « Maman » par plaisir, il y avait un indéniable fond de vérité derrière. Mélona resta silencieuse tout en constatant que, comme elle, marmelade fit le choix d’éviter de parler de la désagréable séance à la foire, quand elles étaient tombées sur le baron Kwoi.

*Pour l’heure, il est inutile d’en parler…*

En l’état, Mélona avait en effet d’autres soucis à gérer… Comme ses Mamans ! Marmelade leur expliqua qu’elle voulait une famille, ce qui laissait Maman Fönn assez surprise. Peut-être qu’elle n’imaginait pas tant de rebondissements dans sa vie en rejoignant Maman Lissandre ? Mais, avant qu’elle ne puisse répondre à Marmelade, on entendit soudain un bruit. Il venait de la chambre du dessus, et Marmelade en fut surprise. Les yeux de Mélona s’écarquillèrent brusquement. Elle répondit même avant Maman Fönn :

« C’est Iris, la fille de Maman Fönn ! Tu l’as bien nourri ?!
-  Euh… Oui, mais… »

Mélona fila comme une flèche, attrapant Marmelade par la manche.  Iris était la fille de Maman Fönn avec Alastar, sa première fille. Elle était encore petite, et, comme tout enfant, il pouvait lui arriver de faire du bruit. Mélona s’était prise d’affection pour Iris, à la grande surprise (et parfois agacement) de Maman Fönn.

« Mélona ! »

La Slime n’écouta toutefois pas Maman Fönn, et ouvrit doucement la porte de la chambre d’Iris. C’était une chambre pour enfants, et Iris était allongée sur le sol, tenant dans sa main un petit jouet en plastique, un autre jouet dans l’autre main. Elle releva la tête vers Mélona, clignant des yeux à plusieurs reprises. C’était un bébé, tout simplement… Qui se roulait encore par terre. Iris pouvait maintenant marcher, et sourit en voyant Mélona, puis remua ses deux jouets. Il y avait un maneki-neko dans l’une de ses mains, et une femme en kimono rouge dans l’autre. Mélona la salua de la main, puis se retourna vers Marmelade.

« Iris ? Je te présente Marmelade ! Marmelade, voici Iris ! C’est la fille de Maman Fönn, elle est très gentille, et elle aime beaucoup jouer ! »

Marmelade était montée avec Mélona voir Iris. Etrangement, et ce même malgré ce nouvel instinct maternel qui prenait possession d’elle : Lissandre n’éprouvait pas de peur pour la fille de sa femme. Après tout, il y avait Mélona. Et Mélona adorait Iris ! Ce qui pouvait la faire rire quand elle découvrait les expressions faciles de sa Fönn.

Lissandre se glissa vers elle. Elle lui prit le bras pour s’entrelacer avec.

« Encore une rencontre banale dans la routine métro/boulot/dodo d’un banal couple de deux femmes qui s’aiment, n’est-ce pas ? »

Une introduction en ironie semblait parfaite. La suite de la conversation pouvant avoir des conséquences plus fâcheuses. Dans tous les cas, maintenant que les « enfants » étaient à l’étage : les adultes allaient devoir discuter sérieusement.

« Je ne vais pas tourner autour du pot, ma Fönn : j’ai envie de la garder. Je veux que cette Marmelade trouve un sourire et de la chaleur dans notre foyer. Je sais que tu as déjà Iris. Qu’on attend toutes les deux un bébé. Sans compter Mélona et Mélissandre. Mais c’est plus fort que moi, et je sais que les hormones jouent avec mes pensées : mais je ne veux pas la laisser repartir. »

Sa main de libre caressa le ventre rond de sa femme. C’était plus fort qu’elle : elle imaginait leurs bébés avec la peau rouge, les yeux dorés et de petites cornes toutes rondes. Et oui, il ne faudrait pas que ça déchire l’intérieur des organes durant l’accouchement. Lissandre avait peut-être des idées bizarres mais il était hors de question de ressentir à nouveau des pulsions suicidaires. Beaucoup trop de vies étaient devenues ses responsabilités chéries.

« Et si Maman Fönn doit se mettre en colère, Maman Lissandre aimerait bien que ça soit tout rouge, avec des cornes et des muscles : hi hi ! »

Dans le fond, Lissandre ne voyait pas pourquoi Fönn refuserait d’héberger la petite slime au moins quelques temps. Elle avait un cœur en or sa femme. Et, même si elle venait de plaisanter concernant ses pouvoirs de transformation : le moment n’était absolument pas opportun pour une partie de jambes-en-l’air entre deux adorables baleines en cloque.

Désormais, Lissandre attendait la réponse de sa Fönn. Mais elle ne doutait pas que tout allait se résoudre naturellement et qu’elles monteraient toutes les deux rejoindre les filles là-haut.

Depuis qu'elle avait décidé de partager sa vie avec Lissandre, la vie de Fönn avait pris un tournant singulier. Sa vie tranquille de gynécologue avait été percutée de plein fouet par une vie beaucoup plus exotique, loin d'une routine qui, dans le fond, ennuyait déjà Fönn. Elle avait après tout déjà côtoyé le surnaturel avant de rencontrer Lissandre. Iris en était le bon exemple. Sa fille était le fruit d'une union intense avec un incube, et, si Iris avait une apparence tout à fait humaine, ses cheveux dissimulaient ses deux petites cornes. Il n'y avait aucune règle préétablie en la matière. Parfois, les bébés métis naissaient avec la peau rouge directement, ou sans aucune morphologie particulière. La génétique avait ses propres règles, et le gène démoniaque pouvait tout à fait être récessif. C'était toutefois rarissime, et il existait des rituels pour réveiller cette partie. Lissandre fantasmait souvent sur l'idée d'avoir un petit démon rouge avec des cornes. Alastar rassurait à chaque fois les femmes. Aucun risque par exemple que le bébé éventre sa mère de l'intérieur avec ses cornes, car les cornes d'un nourrisson démoniaque étaient minuscules, ressemblant davantage à deux petites entailles frontales qu'à des cornes bien établies. Fönn allait avoir un second enfant, et même un troisième, si on comptait celui de Lissandre. Cela faisait en soi son bonheur, et les deux filles iraient ensuite en France célébrer leur mariage de manière humaine. Elles l'avaient déjà célébré en Enfer, au Palais du Prince Asmodée, mais Fönn tenait aussi à officialiser ça sur Terre. Un mariage en Enfer n'était après tout guère opposable à une administration ! Et puis, la France était un pays si romantique, un voyage là-bas leur ferait du pied. Mélona avait trouvé l'idée géniale, puisqu'elle considérait que la France disposait des meilleures pâtisseries et viennoiseries au monde.

Tandis que Fönn et Marmelade s'agglutinaient auprès d'Iris, Lissandre se lova dans le dos de Fönn, et caressa son ventre arrondi en lui demandant si elles ne pouvaient pas conserver Marmelade chez elles. Fönn sourit, amusée et en même temps touchée que Lissandre considère que Fönn ait son mot à dire. Officiellement, elle n'était que concubine, et n'avait aucun droit sur cette maison. Elle se retourna vers sa femme, et lui sourit, avant de l'embrasser sur les lèvres.

« Tu as conscience qu'on ne sait quasiment rien de cette Slime, et que Mélona n'est clairement pas le meilleur indicateur possible pour s'assurer de la fiabilité d'une personne ? »

Parfois, dans cette maison, la voix de la raison se rappelait à cette famille. Fönn se disait parfois qu'elle ressemblait à la Famille Addams, en moins gothique et en plus délurée. Sa main caressa à son tour le ventre rond de Lissandre. Sa femme avait conservé sa combinaison rose en latex, qui s'était étirée avec le bébé. Mélissandre était toujours là.

« Je suppose que Mélissandre est d'accord ? »

Parler à un vêtement pouvait sembler curieux, mais Fönn savait désormais que Mélissandre avait sa volonté propre. Le symbiote forma alors un cœur sur le ventre de Lissandre, puis fit un signe de pouce levée. Fönn sourit alors, et se releva.

« D'accord, d'accord ! Mais on devrait en parler à Lucinda quand même, c'est un peu la spécialiste de ce genre de choses. »

En attendant, Fönn attrapa la main de Lissandre, et lui sourit tendrement :

« Bon, si on allait voir ce qu'elles font subir à ma pauvre Iris, ces deux terreurs ? »

« Waouh. Elle est trop jolie ! Bonjour, Iris. Je suis Marmelade. »

La slime se rapproche de l’enfant humain. Est-ce qu’elle doit la considérer comme sa petite sœur dès à présent ? Peut-être. En tout cas, ça lui plairait beaucoup de jouer à la grande sœur.

« Ah. Mais en fait, tu n’es pas vraiment humaine, toi. »

En frottant la tête d’Iris, Marmelade découvre les deux petites cornes cachées dans les cheveux. Mais elle s’en fiche Marmelade. Elle aussi n’est pas humaine. Sa nouvelle grande sœur Mélona n’est pas humaine non plus. Et puis, très généralement, les humains ne sont pas gentils. Alors Marmelade aime bien le fait qu’Iris soit pas vraiment humaine. Ça doit la rendre plus gentille ces petites cornes, oui ?

« Je peux te prendre dans mes bras, Iris ? Je veux juste te faire un câlin. »

Iris est un bébé. Alors Marmelade ne veut pas lui faire mal. Sans y penser, son corps se transforme. C’est comme si elle s’habille d’un pull en laine blanc tout doux. Sauf que c’est de la barbe à papa d’une couleur rosée.

Est-ce que Maman Fönn va accepter de retrouver son bébé dans les bras d’une slime inconnue ? Est-ce que Maman Fönn va accepter que son bébé dévore avec gourmandise autant de sucre qui peut apporter des caries et maladies ? De toute façon, ce n’est pas Grande-sœur Mélona qui va se plaindre, hein ? Parce que Marmelade sait que Grande-sœur Mélona aime le sucre !

« Si tu veux, tu peux y goûter toi aussi. C’est mieux que la vraie barbe à papa. La mienne parait moins vide. J’avais trouvé ça frustrant que ça soit si gros et si vide en même temps. Comme une grosse promesse qui ne tient pas ses mots. Alors la mienne est moins vide. Et plus douce. »

Inconsciemment, encore une fois, Marmelade s’habille d’une sorte de kimono rouge à saveur fraise et autres fruits rouges. C’est son esprit qui a repéré le jouet insolite dans la main de Bébé Iris : la femme en kimono rouge. Et vu que Marmelade veut se faire aimer de cette famille, elle fait ce que tout le monde fait : elle copie et s’adapte.

Iris était un enfant adorable. Elle portait un pyjama rose avec des cœurs partout, et contempla Mélona, un doigt sur les lèvres, puis Marmelade. Iris avait encore du mal à parler, mais, quand Marmelade demanda à la prendre dans ses bras, et tendit ses mains, Iris sourit, et se laissa faire. Iris la contemplait avec ses grands yeux, tandis que Marmelade cherchait à la nourrir. Mélona sourit en les regardant.

« Maman Fönn ne veut pas qu’elle mange trop de sucres. Les humains ne sont pas comme nous, ils ont un métabolisme fragile.
-  Tout à fait, Mélona, Iris est encore trop jeune pour manger tout ce que vous mangez… »

Maman Fönn et Maman Lissandre venaient d’arriver. Iris gloussait entre les bras de Marmelade, et Mélona se rapprocha d’elle.

« Iris aime bien quand on la secoue… Vas-y, retourne-là ! »

La tête en bas, Iris se mit à glousser, secouant ses petits bras. Fönn restait proche, et Mélona pouffa à son tour, puis attrapa Iris, et la jeta dans les airs. Iris gloussa joyeusement en remuant des bras, tandis que Fönn écarquillait les yeux.

« Regarde, Iris, tu voles !
-  Mélona, fais attention, ce n’est pas un ballon !
-  OUUUUUUUUUUUUUIIIII !! »

Poussant un gazouillis joyeux, Iris retomba dans les bras de Mélona, qui frotta sa joue contre elle. Le bébé riait aux éclats en secouant ses bras, en voulant encore. Mélona s’amusait, et reposa finalement Iris sur le sol. Celle-ci leva les bras vers qui voulait, souhaitant encore jouer.

« Oh, et dire que j’avais réussi à la coucher… » soupira Fönn.

Mélona haussa les épaules.

« Quand Iris pleure, Mélona dort avec elle. »

La Slime pouvait après tout se rapetisser pour prendre la forme d’une poupée. Chibi Mélona était irrésistible ! Et, d’ailleurs, en observant les étagères, Marmelade aurait pu voir une poupée Mélona qui trônait dans le coin. Mélona se transforma d’ailleurs à nouveau, et prit sa forme chibi, puis sauta dans les bras d’Iris. Elle était devenue encore plus petite qu’Iris, qui la prit dans ses bras en roulant sur le sol.

« Iris aime trop sa Mélona-chan ! »

Lissandre arborait un sourire insupportable. Elle n’avait même pas besoin de parler pour dire à sa femme « tu vois ? Je te l’avais dit que Marmelade n’était pas méchante. Iris l’a déjà accepté. Et c’est ta fille. »

Trois enfants face à elle. Un dans son ventre. Un cinquième dans celui de sa Fönn. Sa vie était irréelle. Et Mélona, avec sa capacité à devenir une version « chibi » d’elle-même changeait la réalité. La réalité de la vie de Lissandre dans tous les cas.

*Et dire que cette version enfant adorable peut devenir une nympho à la faim insatiable. Les slimes sont tout de même une espèce incroyable. *

Etrangement, Lissandre n’ajouta rien. Elle qui était réputée pour être une pipelette, elle prit le temps de savourer ce moment. Elle était loin d’être une vieille femme. Mais elle savait que le temps filait et ne s’arrêtait pas. Elle avait manqué mettre fin à ses jours chez Lucinda. Bref, tout cela l’amena à profiter de ce moment où Iris, Mélona et Marmelade jouaient innocemment toutes les trois ensembles.

« Elles finiront par grandir. Ce moment est unique. »

Un commentait émis à voix haute. Il fallait qu’elle confie ses pensées à sa femme. Pour ne pas qu’elle s’inquiète. Pour entretenir leur lien.

« Je ne suis même pas effrayée par l’avenir. Je ne connais pas Marmelade, et je me doute qu’elle doit avoir sa part de mystère, mais la maman en moi l’a déjà accueilli. Le futur devrait être effrayant. Nous allons devoir gérer cinq enfants. Et aucun d’eux ne sera « normal ». Nous devrions faire face à des problèmes inédits dont aucune réponse ne pourra être trouvé dans des livres ou dans des tutos youtube. Et malgré ça, je n’ai pas peur du futur. »

Elle se rapprocha de sa Fönn et posa sa tête sur son épaule.

« En fait, je suis très excitée par ce qu’elles vont nous apporter. Je suis sure que nous allons vivre des aventures incroyables. Je ne crois pas qu’un jour l’ennui franchisse les portes de notre maison et s’y installe avec un mauvais sourire. Je crois que l’ennui va finir par nous détester à force de le repousser loin. »

Lissandre embrassa amoureusement sa femme.

C’était Mélona qui avait acheté à Iris son serre-tête de lapin. Elle lui avait assuré que ce serre-tête était un serre-tête ordinaire, et lui avait même montré le ticket de caisse. La chose n’avait pas été simple pour Mélona, qui avait bien du mal à comprendre le concept d’argent. Les deux l’avaient emmené faire les courses, essayant de lui inculquer la tempérance. Mélona au supermarché, ce n’était pas une sinécure, elle avait avalé des biscuits sans les payer, ce qui avait amené la sécurité à se manifester. Mélona avait alors proposé de faire l’amour à l’agent de sécurité pour le détendre, puis, au moment de payer, elle avait dû se livrer à d’intenses calculs arithmétiques pour réussir à payer ce qu’il fallait. Mélona avait réussi, et les trois femmes avaient ensuite chaudement fait l’amour dans la chambre nuptiale, pour la récompenser.

Fönn avait eu peur que Mélona ne tente de faire des trucs sexuels avec Iris, mais l’idée n’avait jamais traversé l’esprit de Mélona. Comme quoi, il fallait croire que la Reine Noire n’avait pas totalement raté son éducation. Iris jouait avec Chibi Mélona, s’amusant à enfoncer ses doigts dans ses joues, tirant dessus, amenant Chibi Mélona à faire de grosses grimaces en tirant la langue, les faisant rire toutes les deux.

*Plus le temps passe, et plus ma vie devient rocambolesque…*

Fönn s’en amusait, et Lissandre se retourna vers elle, lui indiquant qu’elle était prête à recevoir Marmelade.

« Nous vivons déjà des aventures incroyables, tu sais… »

Elle lui sourit, et répondit à son baiser, caressant le bas de son dos, et un peu de ses fesses.

« J’en connais une qui va avoir un gros câlin cette nuit, moi… »

Fönn se mordilla les lèvres.

« Je me demande quand même comment on va l’emmener à Paris, elle… Disons qu’elle a un look qui ne passe pas inaperçu ! »

Marmelade joue avec Iris. Elle aime déjà beaucoup l’enfant avec les oreilles de lapin. Iris rit beaucoup. Elle est petite. Elle est jolie. Naturellement, Marmelade se sent proche de l’enfant. Et puis, elle aime bien le fait qu’elle a des oreilles de lapin. Comme Mélona. Et Marmelade aime Mélona. Bref, Marmelade est contente.

Et puis soudainement, elle abandonne Mélona et Iris. Les deux mamans parlent et elle a entendu quelque chose qui a fait battre son cœur de slime plus fort. Alors, rapidement, elle se rapproche de Fönn et lève la tête pour lui parler :

« Paris ? Tu veux m’emmener à Paris, c’est vrai ? J’ai entendu dire que c’est une ville géniale. Il y a là-bas pleins de choses bonnes à manger. Je veux essayer toutes les pâtisseries. Goûter à tous les croissants et pains au chocolat ! »

Comment on va à Paris ? En voiture ? En bateau ? En train ? Ou peut-être en avion ? En train !... Oh non. Pas le train. Marmelade finit par poser ses fesses par terre. Les jambes repliées, elle les entoure de ses bras et commence à tanguer d’avant en arrière. Elle se souvient du train du Baron Kowai.

« Pas le train… Pas le train… Pas le train… »

Elle ne veut plus voyager, Marmelade. Elle n’a plus envie de manger les croissants de Paris. Surtout s’ils sont à l’intérieur de coffre qui ont des dents. Non, Marmelade ne veut pas voyager. Et elle ne veut pas non plus que les deux Mamans s’en aillent en la laissant toute seule.

Marmelade baragouine tout ça tout en continuant à tanguer d’avant en arrière comme si elle était une handicapée mentale.

Et plus elle tangue, plus son corps perd en consistance. Au début, ce n’est pas évident de constater qu’elle se liquifie. Parce qu’on pourrait croire que c’est simplement le sirop de son kimono rouge fraise qui dégouline avec la chaleur. Même si le corps de Marmelade n’interagit pas aussi facilement avec les lois de la physique humaine.

Tirant sur les joues de Chibi Mélona, Iris jouait avec elle, et Mélona comprit instinctivement ce qu’elle voulait. Elle fit les gros yeux et inspira fort. Iris pouffa, avant que Mélona, en expirant, ne se transforme brusquement en petite boule. Méloboule était revenue ! Alors, Iris se mit à jouer avec, jonglant avec Méloboule, qui poussait de petits cris en volant dans les airs.

« Ouuuuiiii !! Ouuuuuii ! »

Iris gloussa encore, tapant le sol avec ses deux petits pieds. Méloboule finit par retomber sur le sol, et Mélona se rematérialisa quand elle vit que Marmelade se mit à paniquer, évoquant un « train ». Fönn la regarda, surprise, et Mélona bondit soudain dans le dos de Marmelade, venant l’enlacer.

« Ne t’inquiète pas, Marmelade, on ne prend pas le train pour aller à Paris !
-  Tu as la phobie des trains ? »

Mélona n’avait pas encore eu le temps (ni l’envie) d’évoquer avec ses Mamans le cas du baron Kwoi. Elle se pinça les lèvres, rougissant doucement. Mélona était une gentille fille, elle n’avait pas le droit de mentir à ses Mamans ! Maman Lissandre se ferait peut-être avoir, mais Maman Fönn était un peu moins rêveuse que Maman Lissandre.

« Marmelade et Mélona ont rencontré un individu dangereux à la foire… Un… Un méchant monsieur qui a voulu nous faire du mal ! »

Fönn écarquilla les yeux, peinant sans doute à comprendre ce qui pouvait menacer deux Slimes potentiellement indestructibles.

« C’était une entité surnaturelle, expliqua Mélona, dont il faudra que je parle à Maîtresse. Cette personne, le baron Kowai, commandait un train.
-  Mais… Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Vous êtes tombées sur qui ? On va déposer plainte, et lui casser la gueule !
-  Hey ! On ne dit pas de gros mots devant Iris ! »

Mais Maman Fönn semblait étrangement sérieuse pour le coup, ce qui fit doucement rougir Mélona, peu habituée à la voir dans un tel état.

« Dites-nous ce qui s’est passé, les filles… »

Marmelade se sentait mieux dans les bras de Mélona. Même si les images du cauchemar restaient dans sa tête, elle arrivait à ne pas plonger dans le désespoir. Et donc, également, à ne pas se liquéfier et perdre tout contrôle.

Lissandre vint caresser le dos de sa femme d’une main. Elle n’allait pas mentir en se disant que tout serait rose en accueillant Marmelade. Une pensée qui étira brièvement un sourire. L’expression rose était particulièrement adaptée dans cette maison. Bref. Mais Lissandre ne s’attendait pas à une réaction si, disons, violente de la part de sa femme. Une insulte pouvait être facilement acceptable. L’instinct maternel montrant les crocs pour défendre les petits : ok.

Mais Fönn avait la capacité de se changer en démon. Pas seulement de corps, mais également de mentalité. Et ça, ça pouvait être un sérieux problème auquel faire face. Et Lissandre ne voulait pas s’y confronter sachant qu’elles étaient toutes les deux à un temps avancé de leur grossesse.

Lissandre donna raison à Mélona concernant le sujet des gros mots. C’était une nounou exemplaire avec Iris. Et elle le serait très probablement avec le reste du clan Verrières à venir. Il fallait l’encourager et lui démontrer qu’elle était sur le bon chemin d’évolution. Suite à quoi, elle l’encouragea à tout raconter comme Maman Fönn lui avait demandé. Ce qu’elle fit.

L’ambiance changea drastiquement dans la chambre.

« Mélona, je te confie Iris et Marmelade, d’accord ? Maman Fönn et moi devons allons discuter de tout ça, ok ? Super. Tu es la meilleure Mélona. Tu sais quoi ? Si tu parviens à redonner le sourire à Iris et Marmelade avant notre retour : je te laisse faire la prochaine commande en ligne des courses. On a un contrat toutes les deux ? Super ! »

Il y allait en avoir des choses sucrées, des pâtisseries, des gâteaux et des bonbonnes de chantilly dans la prochaine commande ! Mais il fallait récompenser Mélona pour ses bonnes actions.

Lissandre emmena Fönn dans leur bibliothèque.

« Il faut qu’on contacte Lucinda. Cette affaire nous dépasse. Quelqu’un doit affronter ce Baron Kowai. Ou nous dire qu’il sera beaucoup trop loin, enfermé ou je ne sais pas quoi. Mais qu’il sera dans l’incapacité de toucher au clan Verrières. »

Lissandre se rapprocha de sa femme. Sa main venant caresser son visage.

« Tu m’as fait peur tout à l’heure quand tu as dit que tu allais casser de la gueule. Et si tu te transformes en démon avec ton bébé à un stade si développé en toi ? Que va-t-il advenir de lui ? Ou elle. Et même s’il n’y a aucun danger pour ton bébé : tu veux vraiment aller t’enfermer dans une cage de combat et prendre des coups dans le ventre ? »

Le Baron Kowai… Cela ne disait absolument rien à Fönn, mais elle savait qu’il y avait une fête foraine, et que Mélona avait eu envie d’y aller. Elles avaient prévu d’y aller ce week-end, mais, connaissant Mélona, elle avait dû prendre de l’avance. Mélona prit sur elle de réconforter Marmelade, et Iris se rapprocha lentement de Marmelade, comme si elle sentait sa nervosité. Fönn fila dans la chambre parentale, et Lissandre lui fit part de ses inquiétudes, notamment de ce qu’il adviendrait si elle se transformait en démone.

« Lucinda a dit que je ne craignais rien… Je me suis emportée tout à l’heure, mais tu as vu leurs têtes ? Je ne pensais pas que quoi que ce soit puisse vraiment effrayer Mélona. Enfin, elle panique souvent, mais là, c’était… Autre chose. »

Un simple satyre n’aurait pas effrayé autant Mélona, elle lui aurait envoyé un tentacule-fouet dans le visage, ou l’aurait masturbé jusqu’à ce qu’il s’épuise au sol… Oui, la connaissant, si un pervers l’approchait dans la rue, elle n’y verrait qu’une friandise supplémentaire.

« Et ne t’inquiète pas pour mon bébé, il ne craint rien. De toute façon, Lucinda m’a dit que, plus la grossesse avancerait, et plus j’aurai du mal à me transformer… Parce que le bébé absorbe mon énergie vitale. C’est un petit vampire, tu sais. Et puis, je n’ai pas envie de lui faire du mal. »

La Reine Noire n’aimait pas spécialement ausculter Fönn, et elle avait confié cela à l’une de ses prêtresses. C’était elle qui lui avait parlé de la magie, et du fait qu’une grossesse interagissait curieusement avec la magie, amplifiant ou modifiant les pouvoirs.

« Tout ça nous dépasse, oui… Je pense que Mélona devrait nous accompagner, et sans doute Marmelade. On ne sait rien sur elle, et les Slimes ne raisonnent pas comme nous. Alors, autant avoir l’avis d’une experte, et cela apaisera peut-être aussi Mélona… »

Même si elles avaient côtoyé le surnaturel, Fönn et Lissandre restaient de simples femmes à la base ! Fönn était gynécologue… Ceci dit, elle pouvait peut-être aussi en parler à Alastar. C’était un incube, et il veillait sur elles.

« Et si on contactait Alastar ? Lui aussi pourrait nous aider… Si ce baron Kowai est un démon, il en a peut-être entendu parler ? »

« Je m’inquiète, c’est plus fort que moi. Tu m’avais déjà parlé de tout ça, je sais. Mais depuis que je deviens maman, enfin depuis que je suis enceinte, je m’inquiète de choses dont je ne m’inquiétais pas avant. Et à une puissance que je ne pensais pas ressentir un jour. »

Un nouveau voyage parmi les royaumes de Lucinda. Ça allait promettre de nouvelles aventures. Est-ce que ça pourrait faire du bien à Marmelade de découvrir Erubetie par exemple ? Dans tous les cas, il était certain que Mélona apprécierait de voir toutes ses sœurs slimes de toutes les couleurs !

« Alastar ? Je n’y avais pas pensé. »

Lissandre était tellement concentrée sur l’aspect slime qu’elle en avait écarté celui de la véritable nature de ce Baron Kowai. Et sa Fönn avait peut-être raison de parier sur la carte Démon. Certes, c’était cliché. Les humains étaient d’effroyables créatures qui pouvaient rivaliser de machiavélisme à innover des plans abjects.

« Et dire que je trouvais cette maison immense quand je l’ai acheté. Aujourd’hui, je commence à me demander si elle ne va pas devenir trop petite. »

L’espace d’un instant, Lissandre s’autorise à plaisanter et à sourire. Elle en avait besoin pour relâcher un peu de la pression qui montait. Mais il fallait rapidement redevenir sérieuse. Elle avait le pressentiment qu’il fallait trouver une réponse au plus vite.

« Donc on fait quoi au final ? On demande plutôt à Lucinda de venir chez nous, dans ce monde ? Et on appelle également Alastar dans le même temps ? En espérant qu’il y en ait plus dans plusieurs têtes réunis que dans une seule. En espérant également qu’il ne se produise rien de fâcheux à se retrouver face à une Reine faisant face à un Démon ? »

Mais la possibilité plaisait à Lissandre. C’était indéniable. Et la joie anticipée sur son visage était clairement visible. Et voilà qu’elle pensait maintenant comme une maîtresse de maison. A savoir qu’elle voulait bien accueillir tout le monde, et donc à faire appel à un traiteur pour que leur soit livré un repas gargantuesque et délicieux.

*Et si tout le monde dormait à la maison ce soir ? Est-ce que je dois prendre des dispositions pour Lucinda et Alastar ? *

Tellement de sujets à penser. Lissandre commençait à se perdre et s’éparpiller entrer le sujet de la nouvelle Marmelade, du terrifiant Baron Kowai et de la venue imminent de Lucinda et Alastar. Tant à faire et si peu de temps à leur disposition ! L’horloge égrenait son fatidique « tic tac ».

Lissandre avoua qu’elle n’avait pas pensé à Alastar, et envisagea du coup d’inviter les deux en même temps.

« Si on les invite tous les deux en même temps, je crois que ça risque de finir en petite orgie… »

Mais était-ce vraiment si gênant que ça ? Avec Alastar, il ne fallait pas s’attendre à autre chose. À chaque fois qu’elles invoquaient l’incube, c’était l’occasion d’une débauche de sexe nocturne qui s’étirait pendant des heures. Mais Lucinda n’était pas la plus inactive des femmes non plus. Fönn avait donc peu d’illusions sur ce qui se passerait. Ceci étant dit, la débauche de sexe était l’une des conditions de leur mariage, donc Fönn n’y voyait pas vraiment de problème. Néanmoins, elle ne savait pas trop ce que Lucinda dirait en entendant parler du baron Kowai. Si la Reine Noire prenait les choses au sérieux, Alastar agissait souvent avec dédain. Pour autant, Fönn ne souhaitait négliger aucune piste, ni aucune aide.

*Quelle drôle de famille, quand même… Une femme avec un symbiote rose de latex, un père incube pervers, un mariage en Enfer sous l’égide de la Déesse Aphrodite…*

Fönn était comme Alice dans le conte de Lewis Carroll, elle était descendue dans le terrier d’une lapine rose française, et voyait désormais un tout nouvel univers. Elle avait même appris qu’elle était la descendante d’une lignée de sorcières scandinaves, et qu’elle était capable d’absorber et de reproduire les capacités d’autres espèces. Si elle avait pu le faire avec les démons, elle ignorait encore comment cela fonctionnait. Mais, pour l’heure, elles avaient d’autres soucis ! Pour invoquer Alastar, Fönn et Lissandre disposaient d’un petit autel dans une pièce spéciale. Quand elles avaient quitté les Enfers après leur mariage, Alastar leur avait remis un grimoire magique, en leur disant la formule à répéter pour l’invoquer. Seulement, il fallait accompagner cela de cyprine, à mettre dans une coupe dorée émanant de l’argenterie des Magoa… Tout un symbole !

Lucinda était plus simple à invoquer, elle leur avait donné un miroir magique que les deux femmes pouvaient utiliser à l’aide d’un orbe pour établir une connexion avec son monde.

« Va voir Mélona pour qu’elle t’aide à appeler Alastar. Moi, je vais voir comment va Marmelade, et, comme ça, Lucinda pourra la voir rapidement. Tu en penses quoi ? »

Cela lui semblait être un compromis acceptable pour rapidement invoquer leurs deux amis surnaturels…

Il était à craindre qu’une petite orgie ne survienne, oui. Mais n’était-ce pas une activité comme une autre après tout ? Certaines familles étaient jeux de société. D’autres étaient plutôt escapades sportives. Pour les Verrières, il semblait que c’était sexe.

*Et puis, du moment que tout le monde y prenne du plaisir ET qu’on obtienne nos réponses : où est le mal ? *

Voilà ! Sa merveilleuse Fönn s’était décidée. Alastar et Lucinda seraient donc appelés tous les deux. Heureusement que les voisins les plus proches se trouvaient au-delà du grand terrain privé de la maison. En ville, dans un immeuble : nul doute que les policiers auraient toqué à la porte pour tout le raffut et les cris qui allaient arriver.

« Entendu. Ça nous fera du bien à Mélona et à moi de nous retrouver toutes les deux. »

Sa main et ses yeux se baissèrent sur son ventre arrondi.

« Enfin presque. »

Elle sourit grandement. Puis Lissandre quitta sa femme après l’avoir embrassé. Elle rejoignit Mélona et tendit la main pour que la slime vienne y glisser la sienne. Maman Lissandre avait une mission pour sa Mélona ! Elles se rendirent toutes les deux dans la pièce spéciale pour invoquer Alastar.

Lissandre s’allongea dans un lit et écarta les jambes. La fermeture éclair était déjà abaissée, permettant à Mélona de découvrir le sexe fortement poilu. Depuis qu’elle était enceinte, Lissandre avait changé certaines de ses habitudes. Elle avait ainsi décidé de laisser les poils mener leur vie ici-bas. Sans compter que l’odeur était bien plus forte ainsi !

« Maman Lissandre doit produire assez de cyprine pour remplir la coupe là-bas. Je compte sur Mélona ! C’est important. C’est pour Marmelade, d’accord ? Et je suis sûre que tu as autant envie de faire plaisir à Maman Lissandre que d’aider ta petite sœur Marmelade, n’est-ce pas ? »

« Tiens, mange ça ! »

Pour résoudre les problèmes de mauvaise humeur et de déprime, Mélona avait deux solutions idéales : soit faire l’amour, soit manger ! Elle avait décidé de rejoindre la cuisine avec Marmelade. L’évocation du baron Kowoi avait perturbé Marmelade. Mélona alla donc dans la cuisine, qui était une pièce très particulière. Depuis que Mélona vivait ici, il y avait d’épaisses quantités de sucreries, viennoiseries, et autres. Une véritable cuisine pour enfants où il fallait être là à chaque foisd qu’Iris se déplaçait pour éviter qu’elle ne s’empiffre. Fönn disait d’ailleurs régulièrement à Mélona de ne pas nourrir Iris. Mélona avait compris que les estomacs humains étaient différents du sien, et elle trouvait ça dommage. Comment les êtres humains pouvaient inventer des choses aussi bonnes, et ne pas pouvoir les manger ? Mélona attrapa donc un croissant au beurre, et le tendit à Marmelade, puis se rapprocha d’un instrument à fabriquer des glaces. Maman Lissandre avait acheté une sorbetière, qui se trouvait dans une dépendance à la cuisine, avec d’autres outils merveilleux, comme une machine à barbe à papas.

Mélona prépara donc une glace à l’italienne vanille-fraise, puis retourna vers Marmelade, et lui mit la glace sous le nez.

« Tiens ! Lèche ça, ça te fera du bien aussi ! »

Des bruits de pas se firent alors entendre. Fönn vit Maman Lissandre, qui l’invita à la suivre, et elle acquiesça, tout en disant à Marmelade de manger. Mélona attrapa la main de Maman Lissandre, et elle frémit en voyant où elles allaient. La maison de Maman Lissandre abritait quelques pièces interdites pour Iris : le donjon sexuel, mais aussi la salle d’invocation. C’était ici que ses Mamans invoquaient Alastar. La pièce était en soi une chambre avec un lit rembourré et moelleux, et un glyphe sur le sol, un sceau qu’Alastar avait tracé. Pour déclencher le glyphe, il fallait remplir plusieurs coupes dorées de cyprine. Maman Lissandre ne s’embarrassa pas de préliminaires, et bondit sur le lit, écartant ses magnifiques jambes. Elle avait laissé pousser ses poils pubiens, et Maman Fönn les épilait, pour que ses poils pubiens forment un joli cœur.

Mélona se mordilla doucement les lèvres devant ce spectacle, et une verge ne tarda naturellement pas à se former sur elle, relevant sa minijupe. Elle se mordilla les lèvres, ses yeux passant au rose, et grimpa sur le lit. Elle s’allongea contre sa Maman, et posa une main sur son sein. Elle le pressa tendrement, et l’embrassa ensuite, tout en s’allongeant sur elle.

« Mélona va montrer à sa Maman tout son amour ♥ ! »

Et l’amour, c’était une chose que Mélona aimait bien montrer ! Ses douces lèvres sucrées au goût de fraise embrassèrent à nouveau sa Maman, et elle orienta sa verge, l’enfonçant dans sa chatte, commençant à la pénétrer en gémissant doucement, faisant grincer le lit sous une déferlante d’amour mignon !