The Multiversity

Sortant de l’aéroport de Yoake après son arrivée depuis San Francisco via Tokyo, Emma Frost avait déjà les yeux rivés sur sa cible, en tout cas métaphoriquement. D’abord, trouver la raison de l’exceptionnalisme de cette ville, seule à encore produire des mutants depuis M-Day, mais ça, d’autres s’y étaient essayé, dont quelques uns qui auraient été plus à même le faire qu’elle, donc au final, la X-Woman n’avait que peu d’espoir. Ensuite, se faire confectionner un kimono blanc dans la plus belle soie et plus belle tradition Japonaise. Et finalement, trouver le monstre qui avait kidnappé une jeune mutante et lui débarrasser la tête de l’idée, quitte, peut-être, à se débarrasser de sa tête.

Attirant déjà les regards de par son accoutrement et la couleur de ses cheveux pas tout à fait communs par ici, Frost apporta quelques doigts à sa tempe pour sonder les esprits alentours, faisant se demander à quelques personnes si quelque chose n’allait pas chez ce qu’ils imaginaient être une cosplayeuse. N’en ayant que faire, ses sourcils se froncèrent en même temps que ses traits se crispèrent d’effort ; Emma se pourvut d’abord parmi les esprits alentours d’un Japonais un minimum soutenu, même légèrement daté, puis d’une vague connaissance de la géographie de la ville. Il lui fallait se rendre à la rue Kobayashi, où la jeune mutante était retenue, en tout cas, elle l’était selon le dernier scan de Cerebra.

Rouvrant les yeux, enfin ils purent se poser sur sa cible de manière bien plus littérale, la destination de la Reine Blanche visible d’ici sur une des collines de la ville. Les traits habituellement si plaisants de la mutante se tordirent un bref instant de dégoût, mais après un soupir, elle se résolu à appeler un taxi et mener cette opération comme une X-Woman se devait de le faire, en tout cas lorsqu’on pouvait lui demander des comptes, sans trop d’effusions de sang.

Après ce petit voyage franchement trop cher mais qu’elle se résolut à payer, en partie parce qu’elle avait les moyens de bien se moquer de ce genre de dépenses, Frost scanna la rue pour trouver l’endroit exact ; De ce que contenaient les quelques esprits humains adjacents, une planque de yakuzas. Pas véritablement surprenant, en fait presque rassurant ; De nos jours, les simples criminels avaient cela d’attachant que leur ambition se limitait souvent à l’argent, pas à l’extermination totale d’une espèce ou la domination mondiale. Et puis, surtout, personne ne viendrait se plaindre de quelques uns de leurs nez cassés.

Emma marcha calmement jusqu’à l’entrée où deux hommes montaient la garde – si tant est qu’être assis sur une petite terrasse à jouer aux cartes était vraiment monter la garde. Les mains sur les hanches et le regard rivé sur eux, mais surtout l’esprit fixé sur les leurs, essayant d’en apprendre un peu plus sur la situation, Emma attendit simplement qu’ils la remarquent ; D’une, ça lui donnait plus de temps pour jauger la situation, et de deux, ça lui donnerait l’excuse qu’ils avaient commencé.

« Hey, on peut vous aider, là ? Le yakuza releva un pan de sa veste d’un geste pratiqué pour dévoiler un pistolet tout ce qu’il y avait de plus banal ; Les mutants étaient tombé bien bas que ce genre d’amateurs croyait pouvoir leur marcher dessus. Oy, dégage avec ton déguisement, ou ça v- »

Interrompu par son adversaire au jeu de carte qui lui asséna un coup de poing, les deux hommes commencèrent à se battre, mais à mains nues, pour garder tout cela propre. Blasée par l’aise avec laquelle elle avait défait ces deux premiers gardes, Frost commença à entrer, faisant cependant s’arrêter leur rixe lorsqu’elle approcha, d’une part pour qu’on puisse lui tendre l’arme avec laquelle on l’avait menacée, savait-on jamais, et d’une autre pour éviter qu’ils ne projettent du sang sur sa cape immaculée, la soulevant loin de leurs visages déjà légèrement entachés en les enjambant.

Montant des escaliers de ciment vers la planque elle-même, Emma s’arrangea pour que les trois gardes en haut s’adonnent à quelques préliminaires homo-érotiques avant qu’elle n’entre, neutralisant de fait la menace sans trop d’ennui. Ayant surpris son arrivée sur quelques caméras disséminées ça-et-là, le lieutenant qui supervisait l’endroit avait cependant fait fermer une porte blindée devant son bureau par son bras-droit.

Le temps de penser qu’il était bien présomptueux pour un sous-fifre kidnappeur d’enfants d’avoir un bras-droit, Frost fit rouvrir la porte à celui-ci avant de le faire s’assommer en donnant un coup de tête au blindage de la dite porte. Pénétrant donc dans la pièce d’un pas calme, déterminé, mais aussi assez décontracté, Emma s’assit en face du bureau du « boss », tétanisé par ce qui venait d’arriver mais surtout le pistolet dans les mains de la femme, qui, en réalisant que c’était peu diplomatique, le lâcha simplement au sol, ce qui ne rassura finalement que peu le yakuza, encore choqué par la neutralisation surnaturelle de ses hommes.

Sans attendre, Frost commença donc à s‘expliquer, croisant les jambes puis ses mains gantées sur son genou, consciente que le calme était, à ce moment précis, un signe de force, mais aussi de rationalité, les deux qualité lui allant en général bien, mais ici, surtout, la servant.

« Vous vous demandez sûrement pourquoi vos hommes ont très sévèrement manqué à leur devoir d’être sages et bien élevés en présence d’une dame, et qui est la dite dame qui a décidé de vous rendre une visite surprise. Son ton était désinvolte, comme si elle racontait un quelconque ragot à une amie. Comme souvent quand deux questions se posent en même temps, leurs réponses sont entrelacées.

Je m’appelle Emma Frost mais, dans le contexte présent, je préfèrerais, et par ça je veux dire qu’il y aura représailles si vous salissez mon nom en le prononçant, que vous m’appeliez « Reine Blanche », mon nom de mutante. Emma entrouvrit les mains et balança sa tête légèrement sur le côté pour avouer que c’était peut-être un peu dramatique comme ouverture, mais il fallait mettre quelques choses au clair d’emblée, sinon qui aurait pu savoir ce que cette énergumène aurait osé se permettre. Oui, pas tout à fait humble, c’est une longue histoire.

Mes pouvoirs – de mutante, donc – incluent une télépathie de haut rang, ce qui me permet de manipuler les gens autour de moi, leur faire faire des choses contre leur volonté, et souvent, contre leur intérêt. Le visage de la Reine Blanche se crispa en une expression qui enfin lui permettait de déchaîner tout le dégoût et le mépris qu’elle avait pour l’homme en face d’elle, et sa voix aimable devint au contraire sévère et solennelle. Il semble qu’en ça, nous ayons un point commun. »

Désentrelaçant ses doigts, Frost en pointa un vers le côté, vers une porte elle aussi blindée qu’elle avait jusqu’ici laissé tranquille, mais la séparant de la mutante qu’elle était venue chercher. Bien sûr, elle aurait pu l’ouvrir de bien des façons, mais elle voulait aussi faire passer un message, et pour cela, il fallait qu’il soit compris ; Rien de mieux pour se faire comprendre que d’expliquer en détail et de démontrer, c’était une pédagogie qu’Emma utilisait aussi bien avec ses alliés que ses ennemis.

« Vous retenez ici une jeune mutante contre sa volonté, probablement pour exploiter ses pouvoirs – je me contrefiche que vous ayez personnellement su qu’elle n’était pas une simple humaine ou non – et vous allez la libérer. Plus que ça, vous allez très clairement faire parvenir à qui de droit que si vous recommencez, je n’aurai d’autre choix que de m’assurer moi-même que vous ne puissiez plus.

En fait, pour les philistins que vous êtes, je ne vais pas risquer l’euphémisme : Si vous recommencez, je reviendrai et cette fois je vous tuerai tous, ou plus précisément je m’arrangerai pour que vous vous entretuiez bien gentiment. Compris ? »

En partie un bluff ; Jamais on ne la pardonnerait si elle faisait ça et que les X-Men l’apprenait, et en l’occurrence, puisqu’elle était en mission officielle, le risque était conséquent. Foutus sainte-nitouches. Mais le yakuza n’avait pas à le savoir, et en fait, Frost avait tout intérêt à ce qu’il ne le sache pas, ça ne faisait qu’ajouter à la menace.

« Nos relations avec Utopia sont compliquées, j’essaie de ne pas y penser. »

Ororo venait de se doucher quand Kitty l’avait appelé. Dans son penthouse de luxe, elle se lui parlait en visioconférence. Il y a quelques semaines, les X-Men avaient pris une lourde division : ils s’étaient séparés. La communauté mutante était au bord de l’extinction depuis que Scarlet Witch, pour des raisons encore confuses, avait décidé de modifier la réalité en éradiquant les mutants. Suite à cela, les ennemis des X-Men y avaient vu l’occasion d’achever les quelques rares mutants qui étaient encore en activité. Après des mois de cavale, les mutants, sous la gouvernance de Cyclope, s’étaient finalement réfugiés à Utopia, une ancienne forteresse de Magneto construite sur une île dans la baie de San Fransisco. Cette installation passait très mal pour les autorités locales, qui réclamaient le départ des mutants, et ceux-ci avaient fini par se diviser en deux, les uns restant fidèles à Cyclope, les autres suivant Wolverine. Wolverine avait reproché à Cyclope de leur mettre une cible sur le dos, de s’éloigner de la vision de Xavier… Non pas former des mutants, mais de futurs soldats en vue d’une croisade.

Le fait est que Cyclope avait changé. Ororo imputait cela à la mort de Jean, à l’extermination de Genosha… Ou au fait que Cyclope avait toujours été un homme compliqué à saisir. Il n’avait jamais eu une vie facile, et les derniers évènements avaient changé quelque chose en lui. Ororo ne partageait pas sa vision, mais elle était restée près de lui… Ou, plutôt, près des deux communautés. Elle voulait encore réconcilier les X-Men, mais la tâche n’était pas simple. Logan et Scott étaient tous les deux des ânes têtus, et qui avaient aimé la même femme.

Ororo, de son côté, avait aussi poursuivi ses activités. Elle était retournée en Afrique, poursuivant la piste de Scarlet Witch. Cette piste l’avait finalement conduite au Japon, à Yoake, mais, finalement, Fatalis était venu, et avait récupéré Scarlet Witch. Quand Cyclope l’avait appris, il avait envisagé de mettre au point une équipe pour attaquer la Latvérie et récupérer Scarlet Witch… Une chose toutefois très compliquée à réaliser, car ils ne bénéficieraient pas du soutien du gouvernement. Officiellement, la Latvérie était devenue une démocratie, car Fatalis avait renoncé au pouvoir. Sa chancelière, Lucia Von Bardas, avait été élue Première Ministre, et avait annoncé son intention de se rapprocher de l’Union Européenne, et d’autres organismes internationaux. Impossible d’attaquer la Latvérie. Fury avait essayé, et il avait perdu son poste. Les technologies très avancées de la Latvérie intéressaient beaucoup trop les gouvernements occidentaux pour que ceux-ci soutiennent une vendetta. De plus, il n’y avait aucune preuve que Fatalis ait bien emmené Wanda en Latvérie, et, vu que Charles et Magneto avaient été totalement incapables de soigner Wanda jadis…

« Tu as détecté quelque chose pour moi, Kitty ?
- Oui. Comme tu le sais, Yoake nous intrigue. Il y a des signes évidents de mutants, mais je ne suis pour autant pas convaincue que les mutants d’ici soient détenteurs du gène X comme nous. En fait… Je pense plutôt qu’ils viennent d’une autre réalité.
- J’ai eu vent de rumeurs depuis que je suis arrivée ici… Mais cette ville est très fermée, et les gens ne font pas confiance à une étrangère à la peau noire. »

Kitty tournait autour du pot. Quand elle faisait ça, c’est qu’elle avait quelque chose à dire qu’elle n’osait pas lancer. Ororo la connaissait suffisamment comme ça.

« Qu’est-ce que tu voulais me dire ?
- Et bien, d’après mes informations, une connaissance commune va bientôt rejoindre Yoake… »

Ororo resta silencieuse, et se pinça doucement les lèvres.

« Qui donc ? »

Kitty soupira à son tour, fermant les yeux avant de les rouvrir.

« Emma Frost. »

*
* *

Toshiro Hinachi considéra silencieusement la mutante qui venait de faire irruption dans son repaire. Elle était aussi arrogante que belle, avec cette chevelure blonde tapageuse qui plaisait à ravir aux Japonais, dont le blond n’était pas une couleur de cheveux naturelle. Toshiro resta silencieux pendant son discours, et hocha ensuite lentement la tête.

« Très impressionnant, votre petit speech. Vous, les Longs-Nez, vous adorez vous écouter parler, comme si le monde entier vous appartenait. Je sais très bien qui vous êtes, Reine Blanche… Et vous n’êtes pas en terrain conquis ici. »

Si Toshiro avait peur, il la masquait plutôt bien.

« Depuis des générations, notre clan veille sur cette ville, il en préserve les intérêts. Vous pensez sincèrement pouvoir débarquer ici, et pouvoir imposer vos règles ? Vous ignorez tout de cette ville, et vous ignorez tout des gens avec qui nous faisons affaire. »

Toshiro resta assis derrière son bureau, toujours aussi serein. La porte blindée qu’Emma avait ouvert avec l’aide de ses pouvoirs psychiques lui permit de voir une jeune femme qui avait été droguée, et qui était attachée à un lit, dans une chambre.

« Cette fille ne vient même pas de ce monde, et vous lui proposeriez d’aller où, hein ? Dans votre île fortifiée à San Fransisco ? Nous nous renseignons, vous savez… Sur les gens comme vous, ceux qui pensent pouvoir nous dominer. Je n’ai peut-être pas de pouvoirs, mais j’appartiens à une organisation qui n’a nullement part de vous. Alors, allez-y, ramassez cette fille, tuez-moi, mes supérieurs viendront la récupérer dès demain, et vous partirez avec elle. »

L’homme se pencha en avant, en fronçant les sourcils.

« Vous n’êtes pas chez vous, ici, Reine Blanche, et vous allez vite le comprendre. Ici, les putes ne se prennent pas pour des Reines ! »

Retournant à son hôte la politesse qu’il lui avait offerte avec son écoute silencieuse, Emma dut cependant faire un effort de plus en plus grand pour ne pas briser cette promesse tacite, son visage se déformant subtilement d’émotion au fur et à mesure qu’il avançait dans son discours. D’abord, la surprise qu’il fasse preuve d’autant d’audace, puis l’incompréhension de cette manœuvre pas suicidaire dans les faits, mais qui dans des circonstances pas si différentes aurait pu l’être, et enfin, le dégoût. Cette dernière émotion vint dès la mention de la prisonnière, qui n’était en fait qu’une excuse pour une attaque conspiratio-dépersonnificatrice contre les mutants – ou en tout cas, c’était ce que pensait la télépathe, ne se doutant pas du sens très littéral de cette histoire d’autre monde.

Heureusement, ce ne fut que la dernière phrase du yakuza qui dépassa les limites, permettant à Frost de lui faire se briser son nez contre son bureau d’un mouvement vif, involontaire, et ultimement douloureux de la tête, sans pour autant l’interrompre stricto-sensu, étant après tout une dame qui ne s’adonnait pas à ce genre d’impolitesse. L’ironie d’aplatir le sien après qu’il l’ait appelée « Long-Nez » – elle qui en avait pourtant un si beau, sculpté par un professionnel – était, à l’inverse, parfaitement calculée et on ne pouvait plus délicieuse. Pointant un doigt vers Toshiro avec agressivité, la mutante continua d’expliquer ses termes de toute évidence partiellement rejetés, ainsi que les raisons pour lesquels ils devraient être suivis, cette fois d’un ton moins diplomatique bien que toujours aussi bien énoncé et maîtrisé.

« Factuellement, je suis en terrain conquis, et si vous ne voulez pas recevoir une leçon pratique sur le sens de la phrase Latine « Vae victis », je vous conseille de le garder en tête. Emma se redressa pour reprendre une posture un peu plus digne et soupira pour se signifier qu’elle n’était pas là pour un « débat » avec un yakuza, mais pour sauver une mutante de ses griffes. Au moins, nous sommes d’accord sur le fait que je repartirai d’ici avec la jeune fille. »

La X-Woman évita bien consciemment le sujet d’où elle l’amènerait ; Son interlocuteur avait bien deviné que ça serait à Utopia, mais aucune raison de confirmer ses dires et lui rendre la tâche plus facile, ni de le conforter dans cette illusion de sagacité qu’il se faisait. La télépathe ne supportait pas que quelqu’un d’autre qu’elle soit aussi arrogant, encore moins quand c’était aussi peu mérité.

« Par contre, il existe de toute évidence un désaccord quant à la suite des évènements ; Vous pensez que vous pourrez la reprendre, et je vous assure que non. Se mettre sur mon chemin – pour les mêmes raisons qu’auparavant, elle omit les X-Men, tant pis pour leur éloge – constitue historiquement une erreur stratégique, et je vous assure que je ne réserve rien de mon minuscule quota annuel d’empathie pour les kidnappeurs d’enfants. »

Frost se leva de sa chaise empruntée et longea le côté du bureau qui pointait vers la geôle de la mutante qu’elle était venue chercher, mais seulement d’un pas lent et tout en gardant un doigt sur l’arrête du meuble, le faisant glisser le long de celui-ci pour un peu d’emphase dramatique, voulant achever d’énoncer tout ce qu’elle avait à dire avant d’aller chercher la jeune fille.

« Ignorez cet avertissement à vos risques et périls ; Un seul de nous deux peut neutraliser l’autre d’une simple et foudroyante pensée, je vous fais confiance pour reconnaître l’avantage tactique que cela représente. La télépathe leva finalement sa main du bureau pour commencer à compter sur ses doigts. Aussi, vous vomirez chaque fois que vous entendrez les mots « Kumichô », « Oyabun », « Mutant », « Kidnapping », et...Soyons fantaisistes, « Blonde ». Maintenant, couché. »

Claquant des doigts pour allier parole, geste, et pensée, Frost fronça à peine les sourcils pour exercer son pouvoir sur Toshiro et le faire tomber dans un bref mais profond sommeil, ce qui occasionna un nouveau choc de sa tête sur le bois de son bureau. Pauvre nez, pensa-t-elle, mais son propriétaire l’avait bien mérité, et puis, elle aurait elle-même pu vomir si elle l’avait doucement prévenu de ce qui allait se passer et lui avait évité cette nouvelle attaque à la qualité très cathartique.

Enfin, Emma continua d’avancer et tourna la tête vers la mutante prisonnière, arrivant rapidement à elle pour la prendre dans ses bras et rapidement l’inspecter, aussi bien physiquement que psychiquement. C’était facilement devinable à son inactivité jusqu’ici, mais elle était droguée, et évidemment, son état n’était pas enviable ; Même si elle se garderait de le mentionner à quiconque d’autre qu’à Cyclope pendant son rapport, il était cependant décent lorsqu’on considérait les circonstances.

La X-Woman se transforma très brièvement en diamant pour la défaire de ses liens, puis retourna à la chair pour réaffirmer son contrôle des yakuzas qu’elle avait abandonné derrière elle il y avait maintenant quelques minutes, et pour essayer d’éveiller la jeune fille. Par chance, la dernière injection semblait dater quelques peu, et un petit choc télépathique semblait assez pour la réveiller, sans doute pas pour la rendre capable de marcher, mais c’était un début. Elle prit un instant pour 'assurer que sa voix serait plus douce que d'ordinaire, ce qui laissait tout de même un certain air d'autorité et de force, mais au moins ne constituait plus une menace.

« Ça va ? Je suis là pour te sauver. Frost la souleva alors avec quelques peines, mais elle préférait garder une apparence normale, et puis, la télépathie avait cette particularité qu’elle permettait de scanner les alentours en cas d’embuscade, un avantage qui, en l’occurrence, semblait bon à avoir. On n’est pas encore sorties, mais ne t’en fais pas, tu es en sécurité maintenant. »

Possiblement un mensonge, mais qui aiderait dans cette phase cruciale de tout sauvetage : L’exfiltration. Marchant doucement vers la sortie de la planque, espérant pouvoir attendre un taxi sur un banc ou quelque chose du genre un peu plus loin, Emma fit cesser les activités auxquelles elle avait fait s’adonner les yakuzas encore conscients jusqu’ici, pour leur faire exécuter des saluts au passage des deux mutantes à la place. Une politesse méritée mais surtout beaucoup moins traumatisante que ce qu’ils faisaient il y a moins d’une minute, même si leur faire s’essuyer la visage du revers de la manche ne parvenait pas à tout cacher non plus.

Laissant sur place Toshiro, Emma n’eut pas trop à attendre dehors. Remontant la rue, une voiture de sport flamboyante se rapprochait. Une Lamborghini Estoque ronronna doucement avant de ralentir à l’approche d’Emma et de la jeune femme qu’elle venait de récupérer, qui lui tenait nerveusement la main en fermant les yeux, ses pupilles dilatées peinant à s’habituer à cette soudaine luminosité. La voiture s’arrêta lentement, et les portes s’ouvrirent alors. Ce n’était définitivement pas un taxi, mais cela allait faire office.

« J’ai senti ta présence, Emma. Je me suis dit que tu ne grimperais pas dans une simple Honda. »

Un léger sourire éclaira les lèvres d’Ororo. Elle aurait pu venir en volant, mais Ororo cherchait à être discrète, surtout dans une ville comme ça. Ce n’était toutefois pas le cas d’Emma, dont elle avait senti les émanations psychiques. Ororo n’était pas une mutante télépathe, mais elle avait été formée à bonne école, et disposait d’instruments permettant de mesurer les activités cérébrales intenses. De plus, elle connaissait très bien Emma, et avait donc été informée quand celle-ci avait utilisé ses pouvoirs psychiques. Elle n’avait ensuite plus eu qu’à venir jusqu’ici.

La jeune fille récupérée par Emma grimpa à l’arrière, toujours sonnée, et Ororo fronça les sourcils, en se demandant si cette fille venait de la Terre… Ou d’une autre planète.

« Kitty ne m’a pas menti, tu es donc bel et bien venue jusqu’ici… Et bien, je te souhaite la bienvenue, Emma. »

Ororo démarra rapidement, et s’éloigna de la zone, tout en notant, à voir les gardes à l’entrée de l’immeuble, que les pouvoirs télépathiques d’Emma étaient passés par là. Était-ce si surprenant ? La connaissant, nullement ! Emma n’avait jamais été vraiment une grande amie d’Ororo, mais les deux se rapprochaient autour de leur volonté de protéger les enfants. Emma restait fondamentalement une enseignante, qui avait fondé la Generation X pendant un temps, formant de nouveaux mutants. Alors, Ororo pouvait la respecter, et, après tout, en matière d’égocentrisme, la jeune Africaine s’y connaissait bien. Chez elle, elle était considérée comme une Déesse !

S’éloignant des quartiers populaires, elle expliqua à Emma que Kitty l’avait informé de la venue de son jet.

« Je ne vais pas te demander pourquoi tu es là, Emma, je ne vais pas commettre cette offense… Mais toute la logistique m’intrigue. Tu comptes vraiment ramener cette fille à Utopia ? Tu débarques dans cette ville, et tu t’en prends d’entrée de jeu aux Guramu. C’est… Assez typique de toi, à vrai dire. »

Ororo se dirigeait vers le périphérique faisant le tour d’une partie de la ville, afin de rejoindre plus facilement le centre-ville. La ville de Yoake était construite autour d’une grande baie, donnant à la ville un charme assez atypique. Elle était éloignée du cœur du Japon, ma fameuse mégalopole s’étirant à partir de Tokyo, de sorte que la ville était entourée de profondes forêts.

« Tu as un pied-à-terre quelque part ? C’était quoi, ton plan ? »

Surprenant une voiture luxueuse approcher de ses sens alertes, Emma craint une visite d’un des boss yakuza, ou quelque chose du genre. Cependant, lorsqu’elle en scanna l’occupante, au lieu de devoir se préparer à une nouvelle bataille – si tant est qu’on pouvait appeler ce qui s’était passé une bataille – elle faillit éjecter ses yeux de ses orbites tant elle les fit rouler. S’arrêtant pour laisser Ororo faire son entrée digne d’un film, et aussi ne pas avoir à porter la jeune mutante plus loin, Frost faisait la moue lorsque la porte s’ouvrit.

« Tout dépend de la définition d’« une Honda » ; Certains pensent à une sorte de brique peinte à roues, d’autres à une sport car. Tu te doutes de quel côté de cette ligne métaphorique je me tiens. Positionnant non sans un peu de peine l’enfant dans un siège arrière avant de prendre soin de l’attacher, Emma monta ensuite elle-même dans le véhicule ; Après une courte hésitation, elle choisit la place arrière, à côté de la mutante, déjà pour mieux l’accompagner, et pour pouvoir prétendre que Munroe n’était que sa chauffeuse. Les petits plaisir de la vie. Mais, oui, tes choix sont salués, d’abord en matière automobile, et aussi d’avoir daigné m’aider dans ce sauvetage. »

Frost fronça les sourcils à la mention de Pryde, et vérifia instantanément si cette réaction était visible dans le rétroviseur intérieur par Tornade avant de l’abandonner, souhaitant au moins pour l’instant que cette conversation reste cordiale. Pas forcément facile étant donné la relation qui existait entre les deux femmes, surtout maintenant, mais dans le contexte de protéger la jeunesse mutante, elles pouvaient s’entendre, au moins temporairement.

Inspectant et scannant les alentours, au cas où la voiture avait été repérée par quelqu’un, et en ça, qu’elle soit si confortable, insonorisée, puissante, et tant d’autres qualités, la démarquait assez, Emma se contenta pendant un moment d’écouter, avec un regard parfois pour la jeune mutante à ses côtés, pour s'assurer qu'elle allait toujours bien, enfin relativement. Pas à ses habitudes, mais pour l’instant, il n’y avait pas tant que ça à dire. À un moment, elle se demanda si, à parler autant, Ororo parlait Japonais, et considéra lui implanter, mais se ravisa en se rappelant qu’elle faisait partie de ces gens qui considéraient ses intrusions surprises comme un problème. Et puis, surtout, elle réglait souvent ses problèmes à coup de foudre.

« Je sais que ça peut surprendre quand on connaît mon amour du détail, mais en l’occurrence, mon unique plan est d’en improviser un ; Même de Cerebra il était facile de sentir une certaine détresse dans le psyché de notre nouvelle comparse, et, d’ici, ça l’est encore plus. En fait, je dirais même que des yeux suffisent à deviner l’ampleur du problème. Même lorsqu’ils étaient virtuellement impossible à percevoir pour son interlocuteur, Frost ne pouvait s’empêcher de faire un peu de gestuelle, une part de son charisme. Ainsi, elle ouvrit à ce moment les bras et pencha la tête d’un côté pour avouer ses fautes. Donc, j’admets, les délais ont été courts, la reconnaissance pour ainsi dire inexistante, et l’approche un peu moins subtile qu’à l’habitude. Enfin, sur ce dernier point, je refuse toute responsabilité, je pense que ce sont les X-Men qui ont une mauvaise influence sur mon doigté de velours. Cette fois, la télépathe prit soin de placer son regard dans le champs de vision de sa chauffeuse, en échangeant un avec elle dans le rétroviseur, et si elle daignait regarder plus bas, un sourire en coin qui ponctuait sans faute son ton ironique. Finalement, elle retourna à sa surveillance des alentours, une main repliée en un poing sous son menton. Mais, évidemment, j’ai une esquisse en tête : Trouver ses parents, à défaut représentants légaux, les avertir de la situation, et offrir à la jeune mutante l’asile sur Utopia, peut-être une solution de relogement pour eux – j’imagine qu’après que les yakuzas aient kidnappé leur fille, ils seront prêts à reconnaître la sagesse de ces deux mesures. »

Emma resta ensuite silencieuse, au moins jusqu’à ce qu’elles atteignirent le périphérique, ne considérant pas qu’elles étaient sorties d’affaire au sens strict, elle ne serait pas aussi naïve, mais considérant au moins que si attaque il y avait dû y avoir sur leur trajet en voiture, elle aurait déjà eu lieu. Ça fournit d’une part l’opportunité pour une conversation un peu moins pressante, d’une autre l’occasion d’un peu fragiliser leur concentration avec un sujet plus difficile à avaler. Après avoir inspecté à nouveau la jeune mutante à ses côtés, Frost, pour annoncer qu’elle avait envie de parler, et surtout demandait l’attention de Tornade, se racla la gorge avant de se pencher encore une fois pour pouvoir la regarder dans les yeux à travers le rétroviseur.

« Passées ces considérations logistiques, comme tu dis si bien, comment se fait-il que Katherine ait une quelconque idée d’où je me trouve quand ce n'est pas juste devant son nez ? Elle soupira, consciente que poser ces questions fragilisait les mutants dans leur globalité sur le long terme en faisant monter les tensions, mais espérant aussi que ça pouvait être un signal d’alarme. Dis moi qu’Utopia n'est pas sous surveillance, s'il te plaît. Ou au moins, que Kate ne surveille que moi, que ça n’est qu’une continuation de sa petite croisade personnelle contre l’odieuse Reine Blanche, et que ça ne veut rien dire à une échelle plus...disons, globale. »

Ororo conduisait tranquillement, prenant conscience qu’Emma ne savait pas grand-chose sur Yoake, et avait tout simplement décidé de voler au secours d’une jeune femme capturée en vue de la ramener à Utopia. Ororo la laissa parler, tout en examinant prudemment la route.

« Je croyais plutôt que c’était Scott qui surveillait l’école… »

Tornade n’était pas dupe. Les deux factions s’étaient séparées, mais elle savait que Cyclope avait choisi de conserver Utopia, tout en envoyant ses troupes dans une ancienne base des Montagnes Rocheuses du programme Weapon-X, en vue d’obtenir des armes ou des informations sur leurs ennemis. Les attaques récurrentes des ennemis antimutants depuis le M-Day avaient amené les X-Men à envisager qu’il y avait une force derrière ces différents groupuscules, une sorte d’ennemi commun qui fédérait tous les autres.

« Mais non, c’est cette ville que nous surveillons. Alors, quand on a appris que tu venais, j’ai décidé de venir à ta rencontre. Tu ignores encore tout de cette ville, Emma, je suis sûre que tu ignorais que le SHIELD disposait d’une base, n’est-ce pas ? »

C’était un bunker situé sous la base militaire américaine, Yoake Base Camp. À l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis avaient conclu un accord avec le Japon qui leur avait permis d’installer de multiples bases américaines sur le sol japonais, autant dans le but de surveiller le Japon que de le protéger du géant chinois voisin, qui appartenait alors aux forces maoïstes, communistes. Une situation héritée de la guerre froide qui était plus que jamais d’actualité, car, même si le communisme soviétique avait été vaincu, la Chine restait une puissance dangereuse. Dans la mesure où Yoake constituait la principale ville du Japon faisant face à la mer séparant la Chine du Japon, les Américains tenaient à la préservation de cette base… Ça, ainsi que les raisons plus obscures ayant amené à cette base.

Ororo continua à avancer.

« Il y a une concentration anormalement élevée de tachyons à Yoake, autant qu’à New York, si ce n’est plus. C’est ça qui nous a inquiété. Hank a repéré ces tachyons, qui coïncident avec quantité de rumeurs sur cette ville, que bien des blogs décrivent comme un nouveau Roswell. Alors, quand on a eu la confirmation que le SHIELD était sur place… Enfin, il n’y a jamais de fumée sans feu. »

La voiture filait rapidement, et Ororo retourna vers le centre-ville. Les tachyons étaient des particules quantiques dont le rôle était difficile à comprendre, mais ces particules étaient très souvent présentes quand il y avait des phénomènes surnaturels, comme le voyage dans le temps, ou le voyage dimensionnel.

« J’ai encore réuni assez peu d’informations sur cette ville, mais je sais que les Guramu la contrôlent. En les attaquant frontalement, on risque d’avoir des soucis par la suite. Quant à cette fille… Honnêtement, j’en viens même à me demander si elle est de ce monde ou non. Tout laisse à croire que cette ville est sur une sorte de brèche dimensionnelle… Hank m’a parlé de flux quantiques et autres appellations scientifiques, mais je t’avoue que je n’ai pas tout compris. Tout ce que j’en ai retenu, c’est qu’il semble se passer d’étranges phénomènes ici, et ce depuis très longtemps, et, surtout… Il s’est passé quelque chose pendant la Seconde Guerre Mondiale ici. Quelque chose d’important, et qui est hautement classifié. »

Ororo rejoignit finalement son immeuble, l’un des prestigieux gratte-ciel du centre-ville. Tout ce qu’elle savait, c’était que la ville avait été presque intégralement rasée pendant la guerre, à tel point qu’on l’avait renommé « Atarashï Yoake », pour « Nouvelle-Aube ». Il restait un quartier historique, certes, mais qui avait été fortement reconstruit pour correspondre à l’ancienne Yoake. Cependant, là où on trouvait toujours des archives historiques dans les registres municipaux, ici, il n’y avait quasiment rien… Ou, plutôt, il y avait une période de plusieurs semaines qui étaient totalement absentes, coïncidant avec l’arrivée des Américains à Yoake.

Le trio rejoignit l’ascenseur, et elles grimpèrent vers l’étage d’Ororo.

« En tout cas, je suis ravie de te voir, Emma. Tu as prévu de rester combien de temps ? »

Les battants de l’ascenseur s’ouvrirent, et Ororo s’avança dans l’atrium menant à sa suite. Il y avait peu de portes ici, et un canapé… Avec un homme en costume qui lisait un journal. Ororo s’interrompit brusquement en fronçant les sourcils.

L’homme replia soigneusement son journal, et releva la tête vers elles. L’agent spécial Phil Coulson les observa doucement, avant de brièvement sourire.

« Mesdames… Qu’est-ce qui vous a pris si longtemps pour venir ? »

Touché, mais Emma était un peu trop pessimiste et méfiante – elle dirait réaliste – pour ne pas douter de ce que Munroe disait, non pas parce qu’elle la croyait malhonnête, mais parce qu’il suffisait que quelqu’un d’autre le soit. Et en l’occurrence, l’atmosphère entre les deux pans de ce qui était les X-Men était assez nauséabonde pour que la possibilité ne soit pas écartée.

« Pardonne moi ce « deux poids, deux mesures », Ororo, mais la différence entre Logan et Scott est que je ne doute pas des intentions de Scott. D’une part parce que je passe mon temps dans sa tête, d’une autre parce qu’il n’a pas installé d’explosifs sur Utopia. Tornade ne méritait peut-être pas de se faire jeter la responsabilité de Wolverine à la face, mais ça méritait d’être rappelé rapidement. Je te passe le reste des détails de cette chamaillerie que je pense que tu connais déjà. »

Consciente qu’elle n’arrangeait pas vraiment la situation avec cette confrontation, Frost leva une main pour la laisser s’abattre sur son pantalon de cuir blanc, claquant un peu plus bruyamment qu’elle ne l’aurait voulu, mais signalant au moins effectivement une coupure. Après un long soupire et une rapide inspection de l’autre passagère, elle reprit un peu plus paisiblement.

« Mais admettons. Et non, je ne savais pas qu’il y avait une base du S.H.I.E.L.D. par ici, mais parfois j’ai l’impression que dès qu’on tape du pied dans un caillou, il y en a une en dessous. Emma sourit, bien plus fière de sa trouvaille ironique qu’amère de sa vérité. Dire que malgré que je paye beaucoup trop d’impôts pour financer tout ça, ils n’ont jamais réussi à me mettre la main dessus pendant toute ma carrière de criminelle. »

Pour une fois, la Reine Blanche se contenta ensuite d’écouter, un fait rare pour elle et qu’elle aurait aimé voir saluer, mais c’était peut-être trop en demander. Quand elle avait dit être venue ici sans prendre beaucoup de précautions, elle n’avait pas menti ; Il y avait une jeune mutante à sauver, et ça prenait précédence sur les petites enquêtes sur cette ville, du moins jusqu’à ce qu’elle soit en sécurité. Et puis, si Tornade voulait divulguer les résultats de son enquête sans rien en retour, Frost n’allait pas l’interrompre, un index ganté de blanc entre les lèvres pendant que le pouce correspondant supportait son menton, pour la réflexion.

Il était dans les habitudes de la Reine Blanche de garder ses cartes bien contre sa – généreuse – poitrine, mais si l’on parlait de quelque chose de grave, et surtout qui affectait les mutants, elle était prête à faire un effort. Après une petite pause pour peser une dernière fois le dit compromis, elle enleva sa main de devant sa bouche et commença à elle aussi divulguer quelques informations, maigres, mais peut-être critiques.

« Maintenant que tu le dis, son ravisseur, enfin geôlier, avec qui j’ai eu une conversation fort peu enrichissante, m’a dit quelque chose dans ce sens, qu’elle ne venait pas de ce monde. Je pensais que c’était métaphorique, juste une énième façon de dire « Vous n’êtes pas humains » sans être aussi direct parce que de nos jours même un criminel qui fait dans la traite d’enfants est politiquement correct. À supposer que tout ça soit vrai, je crains que les Guramu ne soient dans la confidence – l’exploitation, même. Finalement, Emma offrit même ses services, enfin, dans les limites du raisonnable, et à durée déterminée, au moins pour l’instant. Dans tous les cas, si c’est vrai, il devrait bien y en avoir une trace dans son esprit, que ce soit du moment où elle est passée dans notre réalité, ou un souvenir contradictoire avec celle-ci comme, je ne sais pas, Tom Cruise président des États-Unis de la Scientologie. Quand son cerveau ne sera plus embrumé – je ne parle pas de Cruise – j’essaierai de trouver ça, en même temps qu’un moyen de contacter ses parents, si tant est qu’ils sont dans cet univers. »

Frost marqua ensuite une longue pause, regardant la passagère à côté d’elle, encore peu consciente de ce qui se passait autour d’elle, mais ça ne durerait pas, et bientôt, il lui faudrait considérer son avenir, peu facile déjà parce qu’elle était une mutante, aussi parce qu’elle venait possiblement d’une autre dimension. Dans les deux cas, il allait lui falloir de l’aide. À regret, Emma admit intérieurement une dure réalité, une qu’elle-même avait parfois un peu de mal à pleinement épouser : Utopia ne méritait pas parfaitement son nom, quand bien même ses habitants y travaillaient dur.

« Le moment venu, je lui proposerai aussi d’aller à l’école de Logan – enfin, de Hank, si j’ai bien compris la factualité administrative de l’établissement. Elle mérite ce choix – ne te méprends pas, Ororo, je ne pense pas qu’il a lieu d’être, je conjugue juste avec son existence. »

Enfin, la voiture s’arrêta devant un gratte-ciel, faisant Emma se pencher vers la vitre pour essayer d’en voir le sommet depuis l’intérieur de la voiture ; Satisfaite de ne pas pouvoir le voir sans s’écraser contre le verre, ce à quoi elle ne se rabaisserait pas en bonne compagnie, elle se retourna vers l’autre passagère pour la réveiller et brièvement lui expliquer la situation. En même temps, elle lui demanda de ne pas essayer de sortir seule, ne faisant pas confiance à sa capacité à affronter le trafic routier dans cet état, et préférant aller elle-même lui ouvrir, quand bien même elle préférait généralement que les rôles soient inversés.

Restant près de la jeune fille pour la surveiller, elle et sa démarche pas si assurée que ça, elle suivit Tornade vers son appartement, le trio, enfin en vérité le duo Munroe-Frost, attirant pas mal de regards de par sa singularité générale, mais encore plus au Japon où même dans des vêtements plus communs elles ne le seraient pas.

« Sentiment partagé, Ororo, même si j’aurais préféré d’autres circonstances. Et je n’avais pas prévu de rester plus que nécessaire pour résoudre cette affaire de kidnapping, mais, étant donné le sérieux de la situation, peut-être que je resterai ici – ou reviendrai, s’il faut accompagner la jeune fille aux États-Unis. »

Après quelques pas dans le hall de leur étage d’arrivée, Emma se plaça un pas entre l’homme et la jeune mutante précédemment kidnappée, une main lui interdisant de continuer à marcher en avant lorsqu’elle surprit la réaction d’Ororo à la présence de l’agent. Elle ne se souvenait pas du nom mais se rappelait du visage si commun et insoupçonnable d’être un soldat d’élite – si tant était. Après un moment d’hésitation, ses lèvres entrouvertes et ses yeux bleus allant de l’autre X-Woman à l’homme, voyant et ressentant télépathiquement que quelque soit la tension ambiante, elle ne semblait pas être belliqueuse, Frost se pencha légèrement vers Munroe. La Reine Blanche était une diplomate experte, mais dans les faits rarement diplomatique, en fait jamais sans qu’on ne lui force la main ; Après un petit claquement de langue pour réclamer attention, elle se lança avec un sourire joueur aux lèvres, parlant à voix assez basse pour sembler être une confession, mais pas assez pour réellement en être une, elle s’assurait que Coulson puisse l’entendre pour peu qu’il lui prête l’oreille.

« Je me trompe ou toi aussi tu es en train d’apprendre des choses sur cette ville, comme que juste devant ta suite se trouve un fonctionnaire cinquantenaire et passablement alopécique ? Après un bref regard droit dans celui de Tornade, Emma détourna à nouveau son attention vers l’intrus, pas tout à fait assez confiante pour prendre les rênes de la conversation du fait qu’elle n’était pas certaine d’en connaître tout le passif, mais assez pour être acerbe d’une voix soudainement bien plus forte. Mais puisque quelqu’un doit bien vous répondre : Nous ne pensions pas avoir à nous presser, et en fait, sachant maintenant que ce qui nous attendait n’était qu’un de ces domestiques acronymiques, je ne suis pas sûre que ça ait changé. »

Non, Ororo ne s’attendait pas spécialement à ça. En soi, s’occuper d’Emma Frost était déjà bien assez compliqué comme ça ! Ororo n’avait jamais spécialement aimé les télépathes. Ils étaient toujours difficiles à maîtriser, avec une certaine tendance à complexifier des situations tendues. Elle admirait Scott pour cela. Lui avait eu Jean Grey comme amante, puis Emma Frost, soit deux des télépathes les plus puissantes au monde… Avec pour mentor le seul télépathe qui puisse rivaliser avec elles, Charles Xavier. Mais Ororo, elle, n’avait pas grandi au milieu d’individus capables de dire quand vous mentiez ou non. Ceci avait pour conséquence, chez Scott, d’être loyal. Il ne mentait jamais, ce qui avait aussi tendance à le rendre prévisible. Ororo, elle, avait grandi dans une contrée reculée d’Afrique où elle était considérée comme une Déesse. Et, même si elle était redescendue sur Terre, l’idée qu’on puisse sonder son esprit lui était quelque peu insupportable.

Elle ignorait qui était ce Coulson. Celui-ci se releva lentement en reposant son journal sur la table. Si Emma tentait de sonder son esprit, elle constaterait qu’il était bien un agent du SHIELD, en ce sens qu’il disposait d’une protection psychique, un brouilleur. Efficace contre les intrusions immédiates, mais pas contre un examen approfondi.

« Je suis un grand fan, je tenais à vous le dire. J’adore votre styliste, Madame Frost. Vous m’invitez chez vous ? Ce sera plus agréable pour discuter, non ?
- Est-ce qu’on a le choix ?
- Vous avez le choix, je viens ici amicalement. »

Ororo soupira doucement, et se pencha vers Emma, pour lui murmurer quelques mots.

« J’ai peut-être oublié de te dire que je suis maintenant considérée comme une terroriste internationalement recherchée depuis que j’ai déclenché une tempête dans une île tropicale pour repousser les troupes armées d’un dictateur. »

Tornade s’avança, et ouvrit la porte. Coulson rentra en premier, avec toujours cette ombrelle de sourire sur le voyage, qui se voulait rassurant. Emma entra ensuite, protégeant toujours la jeune mutante.

« Vous devriez la nourrir, mais méfiez-vous. Quand elle émergera, elle voudra sûrement s’enfuir.
- Qu’est-ce que vous nous voulez ? »

Jamais très à l’aise avec les agents gouvernementaux, Ororo n’avait guère envie d’éterniser la conversation.

« Le SHIELD a connu de grosses évolutions récemment. Après son aventure en Latvérie, Nick Fury a été limogé. Et, suite à ça, il y a eu l’épisode de Norman Osborn… Nous essayons de retrouver un peu de stabilité, mais cela n’est pas simple. Notre organisation a connu quelques déroutes, et cette ville est une poudrière explosive. Nous sommes à une poignée de miles de la Chine, qui a développé son SHIELD personnel avec l’aide d’autres nations émergentes comme la Russie ou l’Inde… Le SPEAR. Bref, tout ça pour vous dire que je ne pense pas que vous soyez au courant de la situation réelle ici. »

Ils avaient rejoint le salon principal. Ororo avait un bel appartement, et le salon était décoré avec des objets personnels d’Ororo, essentiellement des objets tribaux venant de son pays natal, le Kenya. Mais on trouvait aussi des bibliothèques comprenant des traités de géopolitique, des encyclopédies et des revues de presse tournant autour de l’Afrique subsaharienne et du Kenya en particulier. Rien de si surprenant là-dedans, quand on se rappelait que le père d’Ororo était un journaliste, et que sa mère était une prêtresse descendant d’un ancien culte, et qu’elle était après tout toujours considérée comme une sorte de Déesse.

« Quel est le rapport avec l’enfant qu’Emma a récupéré ?
- Cet enfant vient d’une autre dimension. Vous savez que le Multivers existe, non ? Je veux dire, les rapports que nous avons sur les X-Men indiquent clairement que vous avez eu votre lot avec les extraterrestres, et les autres dimensions. Alors… Yoake ne fait pas exception à la règle. Je sais pourquoi vous êtes venues ici, Mesdames. Vous espérez trouver d’autres mutants, mais vous vous trompez sur un point. Cette petite n’a pas votre gène-X en elle. Les tachyons autour d’elle… C’est comme ça qu’on les identifie. Vous, Madame Frost, vous dégagez un sex appeal phénoménal, mais peu de tachyons. Elle, cette petite que vous avez récupéré, elle en a plein. Quand il y a des Failles dimensionnelles, quand on emprunte l’un de ces trous-de-ver quantiques qui permettent de voyager d’une dimension à un autre, on a le corps imprégné de tachyons. Ne me demandez pas pourquoi, il faudrait demander à Fitz-Simmons, mais, croyez-en mon expérience, vous auriez oublié le sens de votre question dès la fin de la première phrase de leur réponse. »

Ororo cligna des yeux à plusieurs reprises, et regarda encore la jeune fille sur qui Emma veillait, puis celle-ci.

« Hmmm… J’ai des chambres d’amis, Emma, tu devrais aller la coucher, et t’assurer qu’elle va bien. J’ai un équipement médical dans la salle de bains. De mon côté, je vais préparer du café, je crois que Monsieur Coulson…
- Je vous en prie, appelez-moi Phil. Je vous l’ai dit, je viens en ami.
- Hrm, si vous le dites. Enfin… Je vais nous préparer du café. »

Car la conversation promettait d’être longue…

L’agent gouvernemental avait au moins la sagesse – l’instinct de survie – de commencer par flatter l’égo d’Emma, mais c’était si grossièrement calculé que ça en gâchait le plaisir. Enfin, elle transmettrait tout de même le compliment. Plus important, après quelques secondes passées à lentement s’immiscer dans l’esprit du larbin du S.H.I.E.L.D., autant car il fallait rester discrète, sinon ç’aurait été l’affaire d’un maigre instant, la télépathe dut se rendre à l’évidence qu’on interférait avec son art, pas forcément d’une manière très élaborée, mais ça ne faisait que rendre l’obstacle plus rageant. Ne trahissant sa trouvaille que par un tressaillement rapide de ses sourcils bien dessinés, Frost la partagea rapidement avec sa comparse mutante qui, sans doute, se demandait ce qui lui prenait de ne pas déjà avoir fait un long rapport de ses intentions, affiliations, et fantasmes les plus honteux. Télépathiquement, évidemment, discuter ouvertement des stratégies de défense de son invité était assez déplacé, et tactiquement inepte.

« Il a un brouilleur au rabais : tout de même pas question de lire son esprit discrètement, mais si besoin, je peux enfoncer sa petite porte mentale blindée et lui faire dire tout ce qu’il sait. Ou se défenestrer. »

En parallèle, la Reine Blanche écoutait attentivement la conversation orale, retenant in-extremis un sourire à la mention d’Ororo qu’elle était maintenant une terroriste. Un soupire aurait pu sembler plus approprié, mais que la grande et droite Tornade ait écopé de ce statut avant Frost la comblait d’un plaisir incomparable. Elle ne manquerait pas de mentionner cette anecdote cocasse à son retour à Utopia, ni de la rappeler chaque fois qu’elle serait appropriée.

Si sourire il y avait eu, cependant, il aurait été effacé par les remarques de l’agent du S.H.I.E.L.D. qui n’étaient pas le bienvenue, d’abord parce que c’était un agent du S.H.I.E.L.D., ensuite parce que les talents d’Emma pour le kidnapping d’enfants n’étaient pas ouverts au questionnement – elle avait enlevé les X-Men ! – mais surtout parce qu’elle ne le laisserait pas s’immiscer dans les affaires mutantes. La télépathe commença à lever un index accusateur et à inspirer pour une remarque cinglante quand Tornade lui demanda simplement d’en venir à la véritable raison de sa visite, ce qui n’était pas parfait, mais Frost était prête à faire un compromis.

L’explication n’était pas tout à fait satisfaisante, certes très éclairante et lacée d’un compliment envers la Reine Blanche, mais semblant ultimement manquer d’une conclusion, soit où les X-Men intervenaient dans tout ça, et le fait qu’il semble ne pas vouloir cracher cet élément si central n’inspirait pas confiance à Emma. Elle posa une main sur l’épaule de leur jeune invitée et tira doucement dessus pour lui intimer de se tourner vers la salle de bain où elle commença à l’accompagner, usant de l’opportunité fournie par Ororo. Pendant un dernier regard en coin vers l’agent du gouvernement, elle tenta de ramener la conversation à quelque chose de plus dynamique que les goûts en café de chacun.

« Bien, donc à part nos corps de rêve dont je vois mal le gouvernement financer l’observation par un cinquantenaire lubrique, ce sont cette ville et cette enfant vous intéressent, mais je crains que la seule conclusion à laquelle votre présence ici combinée à ces deux éléments m’amènent pour l’instant ne me plaise pas du tout. De cette dimension ou pas, c’était une mutante, il semblait profondément improbable que Cerebra ait confondu ces tachyons avec un gêne X, et ça la plaçait sous la protection des X-Men, et ça n’était pas un faux-semblant d’inquiétudes du S.H.I.E.L.D. qui allait changer ça. Je vous conseille de remédier à cela. Après avoir passé un coin de la suite, Emma ajouta, plus fort, alors qu’elle amenait sa deuxième main sur l’autre épaule de la jeune fille, tentant de la mettre en confiance. Ororo, je ne prends du café que si Scott n’a jamais entendu parler de sa marque. »

Après cette remarque certes classiste mais surtout réaliste, Frost accompagna son invitée auprès d’équipements médicaux dont elle chercha rapidement les modes d’emploi, mais se résolu finalement à simplement chercher ceux-ci directement dans l’esprit de leur propriétaire, à la fois plus pratique et plus rapide, après seulement un bref « Deux neurones, si tu veux bien, je veux juste m’assurer de ne pas faire une fausse manipulation avec tes machines qui ont l’air si onéreux - oh, et si tu voulais bien trouver des biscuits, du jus de fruit, ou quelque chose du genre, ton invité impromptu a probablement souvent tort, mais pas sur le fait qu'elle ait probablement besoin d'énergie. » télépathique. Elle se mit ensuite au travail, à la fois son examen médical, espérant qu'à part quelques traces du sédatif utilisé pour la garder docile, rien de particulier ne ferait surface, et télépathique, apposant délicatement une main sur sa tempe pour temporairement lier leurs deux esprits et permettre à la Reine Blanche de la calmer d'une manière plus douce que de la drogue ne le ferait, et d'avoir le fin mot sur son histoire.

« Ne t'en fais pas, je veux juste m'assurer que tu ailles bien et t'épargner de longues et sans doute douloureuses explications...Repose toi, après, tu pourras aller dormir dans un lit 5 étoiles autant que tu voudras, et encore après, tu pourras enfin décider de ton avenir... »

Il y en avaient déjà 3 qui se dessinaient: Utopia, l'école, le retour dans sa dimension, si seulement c'était possible. Enfin, il y en avait aussi une quatrième, celle que l'agent du S.H.I.E.L.D. était venu proposer, et qui n'avait pour ainsi aucune chance d'être une des trois premières, mais pas beaucoup plus de plaire à la télépathe non plus.

Les X-Men n’avaient pas vraiment de bonnes relations avec le gouvernement, ou, de manière générale, avec les autorités publiques. Si Charles Xavier avait réussi à ouvrir une école privée, c’était aussi en masquant la réalité de ce qui se passait ici. Dans un pays où le populisme s’imposait sur tout le reste, il était très facile de faire des mutants les boucs-émissaires parfaits. Quand on ne tapait sur les immigrés, les mutants restaient un choix tout à fait viable pour des politiciens au rabais, des sénateurs incompétents voulant faire oublier leur mauvais mandat en accusant des gens qu’on ne comprenait pas. Ororo s’était instruite quand Xavier était venu la voir. Il lui avait parlé des recherches de Claude Lévi-Strauss, du fait que l’être humain avait une tendance naturelle et profonde à voir en l’Autre une menace potentielle.

Ororo prépara donc le café, et Emma la rejoignit télépathiquement, lui demandant également des biscuits ou du jus de fruit pour leur invitée. La mutante soupira lentement. Elle ignorait où cela allait les conduire. Le SHIELD était un organisme étrange, une organisation paragouvernementale secrète qui disposait de moult secrets, mais qui avait perdu sa tête directrice, Nick Fury… Au moins officiellement. Ororo prépara donc un plateau-repas, et rejoignit le salon. Emma était toutefois dans la chambre de leur invitée.

« Je vous en prie, faites comme si je n’étais pas là, plaida Coulson. Tony Stark m’avait bien fait poireauter trois heures la première fois que j’ai voulu le voir, je suis quelqu’un de patient. »

Ne voyant rien d’utile à lui répondre, Ororo rejoignit la Dame Blanche. Son armure d’insensibilité se cassait toujours face aux enfants. La jeune mutante était toujours sonnée, se sevrant des drogues qu’on lui avait mises. Ororo disposait d’un matériel médical. Elle regarda Emma, et Ororo toqua doucement à la porte.

« Il faut la laisser dormir, Emma. »

Ororo se rapprocha, et posa le plateau à côté, puis utilisa une perfusion, reliant la mutante à un électroencéphalogramme.

« Je vais lui mettre un léger sédatif… Rassure-toi, c’est sans danger. »

Polyvalente, elle avait reçu une formation médicale chez les X-Men, où elle était plus ou moins considérée comme une sorte de grande nourrice. Elle était après tout une X-Men de longue expérience, même si elle ne faisait pas partie du groupe d’origine. La jeune mutante ne tarda pas à dormir alors. Emma semblait déjà réfléchir à où reconduire cette jeune femme, et le duo retourna ensuite vers Coulson.

« Votre café a l’air excellent, Madame Munroe.
- Vous n’êtes pas venu ici pour parler de mon café, non ? »

Coulson hocha lentement la tête, et Ororo retourna s’asseoir face à lui.

« Cette fille… Vous savez que vous ne pouvez pas l’emmener à Utopia, ou dans votre école, n’est-ce pas ?
- C’est une mutante !
- Une mutante qui vient d’un autre univers… Quand elle sera en état, il faudra découvrir d’où elle vient précisément, découvrir comment elle s’est retrouvée ici, et la ramener.
- J’ignorai que votre organisation était si altruiste…
- Cela fait quelques années, maintenant, que nous savons que la Terre n’est plus seule dans l’univers. Il existe des traités, vous savez… Enfin, il n’y a pas de convention avec Terra, mais vous comprenez l’idée. Ce monde comprend déjà bien assez de métahumains sans devoir récupérer ceux d’autres mondes. Nous disposons d’un camp spécial pour ces réfugiés extradimensionnels, sur l’une des nombreuses îles du Japon, une île qui est une concession américaine. C’est un genre de camp de vacances dans un endroit paradisiaque où on se charge de les ramener chez eux, et de recueillir leurs témoignages. Ce que je veux vous dire, Mesdames, c’est que nous sommes dans le même camp. »

Coulson sortit de sa poche une télécommande, et fixa le regard d’Emma.

« Vous avez dû sentir le brouilleur psychique, non ? Je vais le couper.. Provisoirement, pour que vous puissiez voir que je ne vous mens pas. Mais seulement provisoirement, car je ne veux pas que vous voyez mes fantasmes… Qui vous impliquent potentiellement. »

Il appuya sur le bouton de la télécommande, et, pendant quelques secondes, Emma put sonder son esprit sans difficulté, avant qu’il ne le remette en place.

« Nous ne sommes pas votre ennemi, mais nous avons un ennemi commun… Ces individus que vous avez attaqué, Madame Frost… Ce ne sont pas de simples délinquants ordinaires. Vous les avez attaqués, Madame Frost, et pas de la manière la plus subtile qui soit. Alors… Combien de temps envisagez-vous de rester ici ? Dois-je m’attendre à d’autres manifestations de ce genre ? »

N’aillant nullement besoin de la remarque de Coulson pour faire passer la jeune mutante devant lui, Emma faillit faire noter qu’elle n’aurait jamais à attendre autant après Stark, mais c’était une aventure sans lendemain qu’elle préférait oublier, donc elle se concentra sur l’autre invité d’Ororo, pour l’instant infiniment plus méritante de son attention. Un bref examen médical confirma heureusement qu’à part une certaine fatigue, rien ne semblait fondamentalement aller mal chez la jeune fille, et le début d’une sonde psychique, interrompue par Munroe, n’alla pas dans le sens contraire.

Elle lui adressa un court regard silencieux, n’appréciant pas vraiment la situation dans laquelle elle l’avait embrigadée – même si, sans doute, Frost partageait la responsabilité de l’intervention gouvernementale – mais n’ayant rien à y ajouter que Tornade ne savait ; Les deux femmes avaient eu et avaient encore beaucoup de différents, mais présentement, elles semblaient vaguement sur la même longueur d’onde. Une solidarité si précieuse face au S.H.I.E.L.D. qu’Emma ne réagit qu’à peine à la remontrance de sa collègue, lui accordant presque à regret qu’elle avait raison et laissant simplement la jeune finir ce qu’elle voulu bien prendre du plateau apporté par Ororo.

« On ne va pas plus te déranger, repose et remets toi, c’est tout ce qu’on attend de toi ici. Frost suça discrètement sur l’intérieur de ses lèvres pulpeuses de regret. D’un côté, elle avait promis à la jeune fille un lit 5 étoiles, et elle le méritait, mais de l’autre, peut-être qu’un électroencéphalogramme n’était pas une mauvaise idée, et se quereller maintenant, à fortiori devant une mutante qu’elles se devaient de rassurer, n’était pas idéal. Les sourcils légèrement renfrognés par ce compromis, Emma tenta de relier les deux côtés avec autant d’élégance que possible. On va te garder un peu ici, juste le temps d’une petite sieste, pour être sûres que tu vas bien, puis tu pourras manger un peu plus ou aller dans un lit plus confortable que ça. »

Cependant, après avoir invité d’un geste et d’un sourire la jeune femme à s’allonger, la Reine Blanche surprit du coin de l’œil Munroe préparer une seringue, lui faisant tendre le bras vers elle pour le poser en barrage et l’en décourager, un regard désapprobateur, un léger hochement de tête vers leur invité, et une expression neutre qui, pour Emma, était donc par nature blasée, presque déçue, achevant de signifier ce qu’elle finit par mentaliser.

« Tu ne crois pas qu’elle a eu son lot de piqûres, Ororo ? Je vais le faire. Oh, et son nom est Chiyo. »

Certes, une intrusion dans son esprit n’était pas forcément un respect total de tout ce qu’elle avait vécu jusqu’ici non plus, et même pas la première, mais c’était sans doute mieux qu’une injection. Surtout du point de vue d’une télépathe pour qui le respect de la vie privé n’était déjà qu’une notion trop manichéenne pour pleinement apprécier toute la nuance de la Reine Blanche. Une main délicatement apposée sur le front de Chiyo, Emma la caressa du bout du pouce de celui-ci et lui sourit plus tendrement que Munroe n’avait jamais reçu de la part de Frost. Doucement, mais tout de même bien plus rapidement qu’on ne s’endort normalement, elle tomba dans un sommeil reposant et qui ne durerait que deux cycles, à priori assez pour résoudre le problème Coulson et confirmer qu’elle allait aussi bien qu’on le pouvait après été capturée.

Les deux X-Women retournèrent donc au dit agent du S.H.I.E.L.D. pour plus d’explications qui ne s’avérèrent pas bien plus convaincantes que celles d’avant, en tout cas pas avant qu’il ne propose d’abaisser ses défenses mentales pour un examen de son esprit ; Il y avait une pointe d’insulte dans le fait qu’il croit que son gadget pouvait réellement le protéger de la Reine Blanche, mais l’occasion était plutôt alléchante, et puis, il y avait le détail de la douleur d’un examen forcé à travers un brouilleur, mais ça, ça n’était pas son problème à elle.

S’accoudant sur le dessus d’un canapé depuis derrière lui, le distrayant de son décolleté pour se rendre la tâche plus facile, Emma plongea son regard perçant dans celui de Coulson avant de figurativement le pénétrer, et de manière plutôt profonde, tant pis pour son avertissement à propos de ses fantasmes, au pire, elle s’en effacerait les souvenirs plus tard. Pour l’instant, ce qui comptait était l’assurance qu’il ne cachait rien derrière ces pensées de façade – une technique plutôt avancée, sans doute trop pour quelqu’un payé au lance-pierre par le gouvernement, mais savait-on jamais. Et puis, pour qui s’était-il pris à douter de ses capacités ? Autant remettre le point sur le I de Reine Blanche avec une petite démonstration de puissance.

Outre ses fantasmes incluant Frost toute vêtue de cuir, armée d’une cravache, et décidément très enthousiaste à l’idée de s’en servir – pourquoi est-ce que tout le monde en faisait une dominatrix, elle se demanda – la concernée put confirmer ses dires, et même une certaine honnêteté dans la démarche, sans plan de s’en débarrasser au lieu de les ramener à bon port. Cependant, ça n’était pas assez au goût d’Emma, et par dessus ça, il se mit à la questionner, comme si c’était à elle de fournir des explications.

« Dois-je m’attendre à ce que vous laissiez d’autres mutants pourrir entre les mains de criminels ? Emma se releva, reniant à Coulson le droit de lorgner sur son décolleté, première sanction, et la vue de son plus joli minois, le déformant de mépris alors qu’elle redéposa deux poings serrés sur le cuir du canapé. Ils ne sont peut-être pas d’ici, mais ils ont autant le droit que nous à la sécurité, l’éducation, le respect, et si personne n’est prêt à leur fournir tout ça là d'où ils viennent, je ne vois pas pourquoi nous, les X-Men, ne pourrions pas. Elle leva légèrement une main pour pointer un doigt accusateur mais aussi avertisseur vers le quasi-chauve. Je veux bien convenir que vous ne leur voulez pas de mal, mais ça ne veut pas dire que vous leur voulez du bien, et encore une fois on arrive au cœur du problème mutant, n’est-ce pas ? »

Frost évita complètement le sujet des yakuzas parce que peut-être qu'il avait raison sur ce point, et ne même pas être vraiment capable de le savoir était signe qu'il valait mieux fairel 'impasse plutôt que révéler cette faiblesse de son opération. Mais même si vraiment ils étaient plus que de simples criminels, ça n'avait jamais arrêté les X-Men, et jamais ça ne devrait, pas tant que ce genre d'enjeu en dépendait.

Devant la méfiance d'Emma, Coulson ne se laissa pas impressionner. Il avala une gorgée de café, et, tout en complimentant brièvement Ororo, croisa le regard d'Emma. Une ombrelle de sourire rassurant sur les lèvres, l'agent spécial du SHIELD poursuivit :

« C'est le problème avec les super-héros... Enfin, j'apprécie sincèrement ce que vous faites, mais vous ne voyez pas les choses dans leur ensemble. Vous avez aidé cette jeune femme, et vous vivez désormais avec le sentiment du devoir accompli. Moi, vous savez ce que je vois ? Une femme qui, toute sûre de sa puissance, a mis ses grosses bottes en défonçant une planque et en nous privant d'un moyen de remonter la filière. Combien d'autres Chiyo vont être vendus et disséqués aux plus offrants pour votre action ? Nous avions identifié cette planque, nous préparions une intervention, nous menions des filatures pour remonter la trace, et avoir des preuves pour nous permettre de remonter aux commanditaires. Vous vous sentez forte parce que vous avez foutu la pétoche à un second couteau ? Navré d'être franc, Madame Frost, mais vous ne connaissez rien de cette ville, ni des forces en présence. Et, si vous pensez que ma visite ici était une simple visite de courtoisie, vous vous êtes mépris sur mes intentions. »

Le ton de Coulson se montrait un peu plus sec. Il n'était pas impressionné par elle. Il avait longtemps été l'agent de liaison entre le SHIELD et des groupes de super-héros, principalement les Avengers. Phil reposa la tasse de café.

« Vous ne devriez pas nous menacer dans mon appartement...
- Je ne menace personne, Madame Munroe, j'énonce des faits simples. Nous avons perdu des mois de travail. Vous croyez que ces types ne s'en prennent qu'à de jeunes mutantes ? Ils capturent des nekos, des furrys, et importent dans notre monde des armes magiques ou futuristes. D'où croyez-vous que viennent les armes futuristes qui ont été utilisées contre les vôtres ? Toutes ces technologies supérieures que des psychopathes utilisent ? La filière nous ramène ici, à Yoake, et à des individus qui n'ont pas peur du SHIELD. »

En évoquant les tragédies subies par les X-Men, Coulson se livrait à un jeu dangereux, mais Ororo n'avait encore aucune raison de le jeter dehors. Le fait est que la mutante était aussi un peu perdue ici. Ce genre de mission convenait davantage à des X-Men comme Wolverine. Elle, ce n'était clairement pas son genre. Elle était plutôt du style d'Emma, en réalité, à déclencher un incident international en attaquant une île sous la coupe réglée d'un dictateur.

« Je ne cherche pas à protéger que les mutants, Madame Frost, je cherche à mettre fin à un vaste trafic qui a son point d'origine ici. Cette ville est entre les mains de grandes familles qui règnent sur cette région depuis des siècles. En l'occurrence, les Guramu sont ceux qui ont capturé Chiyo, mais ils ont beaucoup d'autres personnes qu'ils ont capturé. Chiyo était destinée à être vendue à une foire prévue quelque part en ville il y a quelques semaines. Nous devions pister les Guramu impliqués pour attaquer lors de cette vente, récupérer les enfants capturés, et arrêter aussi bien les Guramu que les clients potentiels. Un sacré coup de filet.
- Des enfants ?
- Des enfants, confirma Coulson. Vous savez, s'il existe des clans yakuzas qui se revendiquent d'un certain honneur, ce n'est pas le cas des Guramu. Ils font affaire avec n'importe qui, et ont des liens avec des organisations qui se trouvent sur les autres mondes liés à La Terre.
- Mais de quels enfants parlez-vous ? »

Coulson haussa les épaules en se déplaçant encore un peu.

« Des furrys, pour la plupart. On en trouve beaucoup sur Terra, ils sont vendus ici comme esclaves sexuels, ou pour leurs organes. Les Guramu organisent des ventes clandestines dans la ville, avec la complicité de policiers ou d'élus corrompus. Ils ne vont pas pouvoir annuler le marché, il y a trop de gens concernés, mais nous allons devoir enquêter pour démanteler ce marché. »

L'agent spécial regarda à nouveau Emma, et enchaîna :

« Je ne vous blâme pas pour être intervenue et pour aider cette jeune adolescente. Mais, puisque vous avez décidé de vous mêler à cette histoire, vos compétences pourront nous être utiles... Alors, vous êtes prête à nous aider ? »

Emma savait apprécier un homme qui lui tenait tête, surtout pour défendre des principes, mais pas ceux-là. Déjà, le ton ne lui convenait pas venant de quelqu’un qui, par vertu d’être un larbin du gouvernement, avait de facto perdu ses droits à l’arrogance, mais ce qui acheva de faire se froncer les sourcils de Frost fut l’implication qu’elle était responsable de ce qui allait arriver à d’autres enfants. Malgré ses traits loin d’être à leur plus beau jour, frustrés par la colère palpable sur le visage de la X-Woman, celle-ci parvint à se rappeler d’une des leçons les plus élémentaires de la diplomatie – mais aussi de la stratégie : Laisser son adversaire finir ses tirades.

Cependant, derrière le goût acerbe de ses paroles, Coulson avait vaguement raison, Emma n’avait eu aucune idée de ce dans quoi elle se lançait – et encore là, elle avait du mal à y croire, ce qui lui servait aussi de rationalisation quant au fait que jamais elle n’aurait pu s’en douter. Lorsqu’il sembla être sur le point de finir son pitch, la télépathe alla se calmer les nerfs en observant la vue depuis une des baies vitrées de la suite, ce qui aida aussi à un peu briser le contact visuel qui se faisait de plus en plus confrontationnel. Et puis, à cette hauteur, elle pouvait aussi surveiller la météorologie qui était souvent un bon indicateur de ce qu’Ororo ressentait, même si, s’il en venait à devoir se coordonner subtilement, la télépathie serait la solution évidente, pas la divination par les nuages.

Les bras croisés, elle retourna cependant rapidement à un ton sec, mais pas par colère, cette fois, pour ne surtout pas donner l’impression que les mutants s’écrasaient devant le S.H.I.E.L.D. ; Déjà qu’ils se croyaient tout permis, pas la peine de les engaillardir. La tête penchée légèrement de côté, pour offrir un seul œil au regard de Coulson, et qui le surveillait en retour, elle entreprit ses négociations.

« Désolée, ne pas attendre que le S.H.I.E.L.D. lève le petit doigt pour nous aider est une bonne habitude que j’essaie d’inculquer chez autant de gens que possible, pour leur éviter une interminable et souvent vaine attente. Malgré une certaine légèreté dans sa posture, surtout avec le soleil qui faisait discrètement transparaître sa silhouette à travers sa cape, la voix de Frost était clairement énoncé et forte. En fait, c’est même sûrement dans le X-Manuel, perdu quelque part entre les diverses prédicats honorifiques des psychopathes qui vous ont remplacé il y’a quelques mois – de rien – et les points faibles des Sentinelles que vous avez utilisé pour nous parquer. »

Ceci fait, Emma se retourna, les bras toujours croisés, pour s’approcher de Coulson, n’allant pas jusqu’à entrer dans le carré de canapés où il pensait trôner, mais marchant jusqu’à sa périphérie, ses pas lents mais claquant sur le somptueux sol de pierre. Même alors qu’elle se préparait à adoucir son discours, elle garda la tête haute, aussi bien métaphoriquement, ne laissant son habituelle fierté fléchir en rien, offrant toujours la même attitude hautaine et froide à l’agent du S.H.I.E.L.D., que littéralement, inclinant légèrement son visage pour donner l’impression très voulue de regarder Coulson de haut.

« Mais assez de vous envoyer à la face toutes les façons dont vous vous êtes couvert de honte, je sais ce que ça fait : Félicitations d’avoir excédé mes attentes, mais le ton vertueux et plein de lui-même aurait bon goût de se nuancer d’un peu d’apologie et de déférence. La X-Woman laissa ce rappel planer un peu dans l’air, ne poussant pas l’indignation jusqu’à rappeler qu’elle s’était extirpée des ruines de Genosha et qu’elle n’avait pas vu d’agent du S.H.I.E.L.D. ce jour là, mais loin d’essayer de le faire oublier, ses yeux bleus et perçants, soulignés par son maquillage appuyés, ne s’éloignant pas d’un pouce de ceux de l’invité. Nonobstant ces problèmes de décorum, nous ne sommes pas prêts à « vous aider » comme de vulgaires Avengers. Ça n’était pas à strictement parler le rôle d’Emma de trancher ce genre d’affaire, mais elle se sentait assez confiante en la position que devaient prendre les X-Men pour parler en leur nom. Elle s’excuserait peut-être plus tard, sous la torture. Nous sommes prêts à nous battre comme nous l’avons toujours fait et à coopérer avec vous tant que nos buts s’alignent ; Rien de plus, rien de moins, et ça veut dire que comme nous le faisons en risquant nos vies pour ceux qui jamais ne nous rendraient la pareille, vous ferez des concessions aux caprices de vos confrères d’une autre sous-espèce. Le goût pour l’exactitude d’Emma avait toujours haï cette notion erronée que les mutants étaient une espèce, quand bien même Homo Superior avait un certain panache. Voilà nos termes. »

Après un instant à toiser Coulson, l’observant réfléchir à cette contre-offre, le visage d’Emma s’adoucit un peu pour se tourner vers Ororo, les épaules haussées en un combiné d’excuses et de perplexité, se rappelant que, désormais, il y avait ambiguïté quant à tout cela. Elle devait bien ce respect des hiérarchies maintenant séparées des X-Men à son hôte.

« Enfin, je parle pour Utopia en tant que sa première dame, pour les autres, je ne m’avancerai pas. »

Le ton entre Emma et Coulson commença à monter. Ororo n’avait pas spécialement à intervenir là-dedans. Elle connaissait le tempérament d’Emma. Son orgueil était à la hauteur de sa plastique, et elle n’était pas du genre à se laisser marcher dessus. Ses colères étaient souvent froides, mais elle n’allait sûrement pas manquer de rappeler à Phil Coulson qu’il n’était qu’un simple agent administratif tandis qu’elle, elle était… Et bien, Emma Frost ! Ororo avait déjà eu l’occasion de faire son autocritique. Considérée comme une Déesse dans sa région natale, elle était devenue une simple élève devant obéir aux ordres de Xavier. Cela ne signifiait pas qu’elle n’avait pas son propre tempérament, mais elle savait davantage louvoyer. Après tout, elle avait aussi été la Reine du Wakanda, et estimait donc être beaucoup plus diplomate qu’Emma… Qui se retint toutefois d’user de ses pouvoirs télépathiques sur Coulson, haussant le ton, mais sans se montrer particulièrement violente. Un choix plutôt raisonnable, Ororo n’aurait pads été surprise d’apprendre que des tireurs d’élite se trouvaient sur un autre toit ou qu’un drone devait les surveiller. C’était typique du S.H.I.E.L.D.

Un S.H.I.E.L.D. qui, comme le rappela Emma à Coulson, n’avait jamais été là pour aider les X-Men. Ils n’étaient pas intervenus lorsque Cassandra Nova avait détruit Genosha, et avaient récemment perdu le contrôle de leur organisation quand Norman Osborn avait été nommé Directeur du S.H.I.E.L.D., et avait supplanté cette organisation par le HAMMER. Emma termina toutefois en expliquant être prête à coopérer avec Coulson, mais à ses conditions… Tout en se rappelant ensuite qu’elle s’exprimait également au nom d’Ororo. Celle-ci sourit doucement, et décida de tempérer les choses.

« En ce qui me concerne, je ne suis pas rémunérée par votre organisation, alors je n’ai techniquement aucun compte à vous rendre, Monsieur Coulson. Ma seule préoccupation initiale, en venant ici, était de voir s’il n’y avait pas des mutants porteurs du gène-X ici. Mais, d’après vos explications, je comprends que les individus qui sont ici appartiennent à une autre souche, et que cela ne résoudre pas notre problème d’extinction. Pour autant, l’injustice et l’exploitation m’ont toujours fait horreur. Je suis donc disposée à aider Emma… Mais je ne m’exprime pas au nom de l’école, ou d’aucun autre groupe.
- Bon… Je savais que ce serait tendu, ceci dit… Sans mauvais jeux de mots. »

L’humour pour désamorcer la situation… Une position risquée avec Emma, mais sans doute préférable à l’affrontement direct.

« Vous avez raison sur plusieurs points, Miss Frost. Nous n’avons pas été là pour le M-Day, nous n’étions pas là non plus pour Genosha, et nous avons effectivement connu quelques… Dysfonctionnements majeurs ces derniers temps. Alors, vous pouvez me croire quand je le dis. Derrière toute cette publicité que nous faisons, le SHIELD est affaibli. Voilà pourquoi je viens vous voir en ami.
- Et qu’est-ce que vous proposez, exactement ?
- Que nous mettions nos compétences en commun. Ni plus, ni moins. Je ne vous demande pas de travailler pour moi, mais d’agir efficacement… En pensant à ceux que nous pouvons sauver.
- Et en quoi serions-nous plus efficaces que vos agents de terrain ? L’infiltration ou la discrétion, ce ne sont pas vraiment des qualités dans lesquelles nous excellons. »

Coulson resta silencieux quelques secondes, puis se déplaça encore.

« Le SHIELD… Ne peut pas agir comme il l’entend sur un État souverain. Si nous sommes surpris à conduire une opération sans accréditation officielle, nous risquons l’hostilité du gouvernement japonais, donc…
- Vous voulez monter une opération secrète ?
- Nous connaissons une planque, à proximité d’ici. Un repaire qui se trouve sur une petite île isolée appartenant au Japon. Si vous décidiez d’attaquer cette île pour mettre fin à ce qui s’y trame, puisque la conversation que nous avons actuellement n’a jamais eu lieu… Je n’y vois pas d’inconvénient. Vous aideriez des personnes comme cette jeune fille qui se trouve dans votre chambre, et vous n’obéiriez pas au SHIELD. »

Phil répétait à merveille les techniques de Fury. C’était ce qui avait fini par coûter la place de Nick Fury, quand celui-ci avait attaqué le gouvernement latvérien en contournant les ordres du gouvernement américain lui interdisant formellement la Latvérie. Fury, convaincu que la Latvérie soutenait n vaste trafic d’armes et de terrorisme sur le territoire des États-Unis, avait réuni plusieurs super-héros pour une opération secrète en Latvérie qui avait ensuite totalement dégénéré.

« Qu’est-ce que c’est que cette base ? demanda-t-elle finalement.
- Comme vous le savez, Yoake est une ville particulière. Elle se trouve du mauvais côté du Japon, non pas le long de l’Océan Pacifique, mais le long de la mer séparant le Japon de la Chine. Cette position particulière a longtemps favorisé le commerce entre le Japon et les autres États locaux, ainsi que la piraterie. Il existe un ancien port pirate sur une île reculée. Les Guramu utilisent cette île pour les trafics qu’ils font.
- Et vous voudriez qu’on attaque l’île ?
- Vous aurez peut-être besoin de renforts, l’île est solidement défendue. Comme vous nous l’avez fait remarquer, Miss Frost, nous avons récemment eu des problèmes. Quand le HAMMER a été démantelé, beaucoup de nos stocks d’armes et technologies saisies ont disparu. Les enquêtes que nous avons mené conduisent notamment à cette île. Tout laisse à croire qu’un ancien agent du SHIELD a vendu sa cargaison aux plus offrants. »

Il allait donc falloir s’attendre à des défenses solides. Coulson avait ramené une clef USB qu’il posa sur la table.

« Toutes les informations que nous avons pu réunir sont ici.
- Et cela vous aidera à retrouver le marché aux esclaves des Yakuzas ?
- À ce stade, nous espérons surtout le démanteler. Ceci étant dit, je vous encourage à être prudentes… Dans la mesure du possible. Votre coup d’éclat n’est pas passé inaperçu, Miss Frost. Vous devez vous attendre à ce que les Guramu réagissent. »

Ororo n’avait pas spécialement peur, elle avait affronté des menaces autrement plus sérieuses que des criminels… Même si ceux-ci semblaient être plus dangereux que des criminels ordinaires.

« Oh, et j’oubliais l’essentiel… »

Coulson écarta les bras en regardant Emma.

« Bienvenue au Japon ! »

Emma fut presque surprise mais surtout satisfaite de voir Ororo faire bloc avec elle, une position qui les avantageait toutes les deux mais qu’elles n’avaient pas toujours adoptée par le passé. La responsabilité de cet état de fait reposait sûrement au moins aux trois quarts sur Emma, mais n’en était pas moins. Devant la puissance combinée de ces deux reines, Coulson ne put qu’accéder à la demande de Frost de parler avec un peu plus d’humilité, plus même qu’elle espérait, mais elle n’allait certainement pas l’arrêter.

Restant debout pour ne pas sembler trop complaisante, la X-Woman fut heureuse de laisser Ororo continuer la négociation – même si, si l’on demandait, elle se targuerait d’avoir ouvert la voie – de sa diplomatie experte. Enfin, Coulson s’était bien senti de faire un jeu de mot qu’Emma avait mis un instant à comprendre, même avec son esprit bien plus déplacé que la moyenne, puis par lequel elle avait été quelques peu dégoûtée – l’agent était loin d’un bel éphèbe – mais ça semblait être une habitude pour lui, pas quelque chose à reprocher à l’amabilité de Munroe. La télépathe considéra s’introduire dans l’esprit du quasi-vieillard pour lui faire payer cette insinuation mais il avait réactivé son bloqueur, alors elle roula des yeux en détournant le visage et leva simplement une main pour la laisser se rabattre sur son bras opposé, toujours croisé, en signe ostensible d’aggacement.

Cependant, lorsque Coulson mentionna ce qu’il avait sans doute vendu à ses collègues – si seulement il leur en avait parlé – comme une « black op’ », son attention fut instantanément piquée à vif. Immédiatement, l’esprit machiavélique et prône à l’intrigue de Frost se mit au travail, lui rappelant un instant l’époque pas forcément belle du Club des Damnés et ses machinations sans fin ; Observant divers points de son anatomie qui révélaient souvent le mensonge même chez les menteurs expérimentés, elle évalua en même temps la vraisemblance de ses dires, tentant de se remémorer tout ce qu’elle pouvait à propos de l’état actuel du S.H.I.E.L.D. et espérant que de son côté, Ororo faisait de même avec cette satanée ville. Elle considéra même un instant, un simple réflexe, outrepasser le bloqueur télépathique de l’agent, mais évidemment, quel intérêt de connaître la véracité de son offre ainsi si ça la ruinerait dans le même temps.

Finalement, il offrit quelque chose en retour – enfin, pas vraiment, il offrit surtout les moyens de faire ses basses besognes, mais c’était toujours ça – et l’acte acheva la retraite d’Emma, qui finit par s’asseoir sur un des fauteuils bordant la table pour en saisir la clé U.S.B. et l’inspecter à la recherche d’un micro’. Cette possibilité écartée au moins à la connaissance de la télépathe, elle s’assit au fond de son siège pour y croiser les jambes et doucement jouer avec le petit dispositif électronique, le faisant passer à répétition entre ses doigts gantés de blanc. Ramenée au cœur de la conversation par les plaisanteries et l’avertissement de Coulson, Emma en profita pour faire son retour dans celle-ci.

« Passer inaperçue n’est ni dans mes habitudes ni particulièrement à mon goût. Mais dûment noté. Frost ignora tout simplement son souhait quant au pays du soleil levant, bien consciente que c’était au mieux de la diplomatie niaise, au pire un genre de sarcasme dont elle préférait être à l’autre bout. J’imagine que vous n’avez plus rien de vraiment important à ajouter ? Car pour notre part, nous avons beaucoup de choses à passer en revue. »

Emma agita la clef U.S.B. entre ses doigts pour y attirer l’attention, même si en vérité, elle était aussi simplement lasse d’avoir à supporter l’attitude de l’agent, et n’avait plus d’intérêt à le faire maintenant que la balle était dans leur camp. De son côté, Coulson fit claquer ses mains sur ses genoux pour se lever comme s’il visitait des amies, une des toutes dernière pierres qu’il comptait apporter à l’édifice de sa facétie aujourd’hui.

« Non, professionnellement, cette conversation est terminée, et attendons un peu de nous connaître pour le plaisir. Il se retint de cligner de l’oeil face au regard insistant de Frost plongé dans le sien et ses lèvres tordues de dégoût, de toute évidence sans envies d’être plongées dans les sienne, et alla vers la sortie. Au revoir mesdames. Revoir qui viendra bien assez tôt, j’en suis sûr. »

N’ayant pas pris la peine de le retenir puisque tout semblait avoir été dit qui valait la peine de l’être, Emma attendit d’entendre la porte claquer pour regarder Ororo, quoi qu’elle prit un instant avant de suivre avec la parole, réfléchissant un instant à ce qu’elle voulait vraiment dire par le fait qu’elles avaient beaucoup à passer en revue.

« Bon, et bien, on dirait que mes dessins d’un retour durable et immédiat à Utopia ont été déjoués. Elle amena la clef dans son champs de vision et l’inspecta une dernière fois avant de la tendre à Tornade, la propriétaire des lieux et donc la plus à même de savoir comment en faire quelque chose par ici. J’imagine que tu t’en doutes, mais il vaut certainement mieux ne pas mettre ça dans quoi que ce soit que tu n’es pas prête à compromettre. Profitant de voir sa main libérée, elle l’amena à sa tempe pour doucement la masser et l’aider à traiter tout ce qu’il venait de se passer, ce qui mena à un long soupir. Il sait qu’on obéira tant que ce qu’il demande est une condition sine qua non au sauvetage de tant d’innocents, et donc il sait qu’il n’a rien à nous promettre en retour... Frost faisait certes montre de pessimisme, mais en l’occurrence, aussi d’expérience ...il serait sans doute une bonne idée d’acquérir un moyen de pression – pas une menace, je veux dire, des informations, une part du butin, quelque chose qui nous donne de quoi négocier. On pourrait demander le droit d’accueillir les mutants qui le demandent, des choses du genre... Emma rétracta finalement ses doigts en un poing sous son menton pour s’accouder sur son fauteuil et faire face à Ororo avec son visage ...Des suggestions ? »

Avec le départ de Coulson, les deux puissantes mutantes restèrent dans l'expectative. Le SHIELD souhaitait leur aide, et Ororo n'était pas du genre à se défiler. Après ses récentes initiatives, elle était une personne qui devait être discrète, mais la discrétion n'avait jamais été la spécialité d'une femme comme Ororo, ou comme Emma. Emma Frost se mit à réfléchir à haute voix, tandis qu'Ororo récupérait les tasses de café. Elle cherchait un moyen de pression sur le SHIELD, des informations utiles à utiliser contre eux.

« Je n'ai aucune réponse véritable à te fournir, Emma. Je suis ici depuis quelques semaines, et c'est bien assez pour que je réalise que cette ville a ses propres règles. »

Ororo se déplaça encore, après avoir remis les tasses de café dans la cuisine.

« Nous ne sommes pas en terrain conquis ici, et il y a des choses très étonnantes dans l'Histoire récente de cette ville... Le fait qu'il y ait un bunker du SHIELD à proximité signifie bien quelque chose. Cette ville est reliée à d'autres mondes, et nous débarquons avec nos gros souliers. J'ai bien peur que, en ce qui concerne nos moyens de pression, nous sommes à court de jus. De plus, d'après Coulson et les agents du SHIELD, d'autres mutants très puissants seraient ici... Mais Kitty n'a envoyé personne... Et je suppose qu'Utopia non plus ? »

D'autres mutants... Non pas des individus venant de Terra, mais des mutants comme elles. Les diagrammes et les drones du SHIELD avaient repéré des flux d'activités, des signes témoins de présences mutantes dans la ville.

« Même cet appartement, tu sais... C'est un appartement qui appartient au Wakanda, une sorte de point de chute. »

Ororo n'était plus la femme de T'Challa, un choix douloureux, mais rendu nécessaire par les circonstances. Pour autant, elle et T'Challa continuaient à se voir, et c'était lui qui avait donné à Ororo les clefs de cette suite.

« Ma stratégie actuelle consiste à temporiser, à obtenir des éléments, et à comprendre ce qui se passe ici. T'Challa m'a expliqué qu'il s'intéressait aussi à cette ville, pour les mêmes raisons que le SHIELD. Leurs appareils de mesure ont détecté des flux anormaux récurrents dans cette ville, et c'est pour ça que je suis venue ici. Kitty souhaitait aussi des informations, nous espérions trouver de nouveaux mutants, et obtenir des éléments pour combattre la malédiction du M-Day. »

Le M-Day, un jour funeste pour les mutants... Du jour au lendemain, quasiment tous les mutants avaient perdu leurs pouvoirs. Rares étaient ceux qui les avaient conservés. C'était la malédiction de la Sorcière-Rouge, qui avait depuis lors disparu. Elle avait récemment réapparu ici, dans cette ville, avant de disparaître à nouveau. Une raison supplémentaire de s'intéresser à Yoake, mais les mutants qui étaient présents dans cette ville appartenaient à une autre famille. Ils n'avaient pas le gène-X, et Ororo craignait donc que tout cela ne serve à rien... Du moins, en ce qui concerne la mutanité. Pour le reste, elle espérait bien comprendre ce qui se tramait ici.

Ororo se déplaça encore, et observa la ville par la baie vitrée du salon.

« Alors, non, je n'ai aucun moyen de pression sur le SHIELD. Et toi ? Où est-ce que tu comptes dormir ? Scott t'a réservé une chambre quelque part ? Et comment les choses se passent à Utopia ? »

Lors du Schisme, Ororo avait accepté de suivre Scott afin de veiller sur Utopia, mais, dans les faits, elle avait surtout voyagé entre Utopia et l'école de Kitty et de Wolverine... Lorsqu'elle n'était pas occupée ailleurs. Elle était venue à Yoake sur demande de Kitty, mais Ororo avait profondément regretté le Schisme, qu'elle estimait être une profonde erreur.

Pour autant, elle continuait à se renseigner sur les activités d'Utopia, espérant que Scott ne ferait rien de stupide...

S’il y avait bien une chose qu’Emma Frost haïssait, c’était se voir dire qu’elle était impuissante, et bien qu’en soi on venait bel et bien de lui demander son aide, c’était tout comme ; Réduite à jouer les sbires du S.H.I.E.L.D. – bien sûr, elle utiliserait d’autres mots en public, mais les faits étaient là – dans une ville dont elle ignorait pour l’instant beaucoup trop, sans garantie ni moyen d’en obtenir une que les mutants recevraient réellement quelque chose en retour. Scott dirait certainement que c’était justement pour ça qu’ils devaient le faire, car personne d’autre ne se porterait volontaire, mais ça ne réconfortait Emma qu’à moitié.

« Non, je volais en solo ; Quand mes jolis petits oisillons ont détecté la trace d’une mutante jusqu’ici inconnue, on n’a pas tergiversé. Je n’ai même pas pris le temps d’attendre qu’un Blackbird revienne de mission avec de l’aide, j’ai simplement pris un ticket en première classe, comme une souillon, pour gagner un peu de temps. La télépathe évita de mentionner qu’ils auraient sans doute eu plus de matériel et personnel si ceux-ci n’avaient pas été cédés à une faction quasi-rivale, ça n’était pas vraiment le moment, il était au contraire plutôt à la coopération. Tout ça pour dire que je suis ici, que j’ai effectivement donné un coup de bottine dans un nid de guêpes, et que maintenant que tu sais ça, et bien tu en sais au moins autant que moi. »

Pas par méfiance de ce qu’elle pourrait faire hors de son champs de vision mais par simple politesse – un privilège rare de la part de la Reine Blanche – Emma se leva de « son » fauteuil pour appuyer l’arrière de ses cuisses contre une table de verre, lui donnant belle vue sur la suite et son luxe que la blonde aristocrate se devait de saluer. Les bras croisés, elle décida d’être plutôt ouverte avec Tornade ; Après tout, même si elle constituait une potentielle fuite d’informations vers l’école de Wolverine, elle était en fait dans une position plutôt inconfortable entre celle-ci et Utopia, et c’était un échange de bon procédé étant donné tout ce qu’elle révélait.

« Non, pas de moyen de pression, c’est pour ça que je demandais...Mais je compte bien garder l’esprit ouvert à toute opportunité : Je ne suis en aucun cas au dessus de l’idée d’incriminer le S.H.I.E.L.D., mais quand bien même je suis prête à leur donner le bénéfice du doute jusqu’à élément contraire, je me sentirai mieux avec quelque chose qui les dissuadera de nous utiliser sans rien en retour. Vint ensuite le sujet de l’avenir bien plus immédiat et personnel d’Emma, une inévitabilité alors que le ciel commençait doucement à s’assombrir et que les premières lumières artificielles – phares, fenêtres d’appartements, etc. – commençaient à émerger du paysage de façon marquée. Ses yeux bleus observant ces petits points colorés danser au loin, sans vraiment s’attarder sur aucun d’entre eux, profitant simplement de la vue, Frost réfléchissait à tout cela en même temps qu’elle en informait Munroe. Comme j’insinuais plus tôt, Utopia est...animée...Scott n’étant pas du genre à relâcher l‘effort pour une raison aussi triviale qu’une perte drastique d’effectifs et de moyens, tout le monde est très occupé – j’imagine que ça n’est pas très différent à Westchester. Pour cette raison, non, rien n’a vraiment été prévu pour mon séjour ici, mais ne t’en fais pas, tant qu’il y a un hôtel 5 étoiles dans les environs, j’arriverai à survivre. »

Emma resta ensuite silencieuse un moment, d'abord considérant qu'elle devrait sûrement bientôt s'immiscer dans l'esprit de Summers pour lui rendre compte de tout ce qui venait de se passer et y faire quelques innuendos, une moue légère aux lèvres alors qu’elles se retrouvaient inoccupées, puis hésitant à continuer la conversation, tiraillée entre son besoin de ne pas partager quoi que ce soit avec quelqu’un pendant trop longtemps et le sentiment qu’elle n’en avait pas encore obtenu tout ce qu’elle voulait. Relâchant finalement un bref soupir de ses poumons abondamment couverts, elle ramena son visage droit vers Ororo, légèrement abaissé par espièglerie, pour enfin poser sa question.

« À force de parler de Katherine, tu vas bien finir par me dire comment elle va, non ? Le ton était un peu plus sarcastique que le texte ne demandait, mais il y avait des apparences à garder. Malgré tout, Frost n’était totalement insensible ni à la foi parfois bancale mais résolument là qu’avait eu Pryde en elle, ni aux épreuves qu’elle avait affronté récemment, certaines à ses côtés. J’ai entendu dire qu’elle avait été convaincue par Logan d’être exploitée en tant que sa directrice, est-ce que c’est vrai ? »

Il y avait une mixture de raillerie et de fierté dans la voix de l’ex-directrice, et ni l’une ni l’autre n’étaient feintes.

Pas de moyen de pression, et visiblement pas de moyens d'hébergement. Emma avait fait... Du Emma. C'était un point commun à quasiment tous les X-Men qu'Ororo connaissait, elle incluse : ils étaient bornés. Têtus comme des mules. Elle, elle était du genre à foncer sur une île détenue par un dictateur pour déclencher une crise diplomatique majeure afin de protéger les habitants d'un ouragan. Scott et Logan étaient tous les deux incapables de s'entendre, parce qu'ils aimaient fondamentalement tous les deux la même femme... Face à ces personnalités aux ego forts, le choix de nommer Kitty directrice de Westchester était un choix plutôt raisonnable.

« Tu voyais vraiment Logan devenir directeur d'une école, Emma ? »

En soi, le simple fait de poser la question suggérait combien cela était saugrenu.

« Kitty a une personnalité consensuelle, et elle est très motivée par ce poste. Nous avons évité de reproduire les erreurs du passé, toutefois. Hank a protégé l'école en y intégrant la technologie des Shi'ars, ça lui donne un aspect assez futuriste. »

La Jean Grey School For Higher Learning était devenue une très belle école, futuriste... Qui avait été attaquée dès le premier jour, comme un rappel de son passé violent. Mais l'école avait su tenir bon. Ceci dit, si Kitty se chargeait de toute l'activité administrative, les deux fondateurs de l'école restaient Logan et Ororo. Au vu de la curiosité d'Emma, et sachant qu'elle avait après tout déjà dirigé une école, Ororo se déplaça, et ouvrit un placard, venant récupérer un classeur, et le posa sur la table.

« Je sais que tu as hésité à nous rejoindre, Emma... Ou, en tout cas, que l'idée d'enseigner te tentait encore assez pour que Scott se pose la question. »

Ororo lui présenta l'organigramme de l'école.

« J'imagine d'ailleurs que tes ''petits oisillons'' font probablement partie des élèves de l'école... »

Si les Cuckoos avaient rejoint l'école, elles restaient toujours autant fidèles à Emma, et pouvaient s'entretenir avec elle par la télépathie. Le concept effrayant des Cuckoos était à l'origine un projet militaire développé par l'un des ennemis des mutants, l'organisation Weapon Plus, qui avait cherché à concevoir de nombreux clones d'Emma à partir de ses ovules. Des milliers de clones avaient potentiellement été créés, et Weapon Plus avait envoyé cinq d'entre elles infiltrer l'institut : Sophie, Phoebe, Mindee, Céleste et Esme. L'idée de base était de développer des télépathes reliées entre elles, afin de maximiser leurs pouvoirs télépathiques pour pouvoir rivaliser avec ceux des plus grands télépathes de la planète, comme Charles Xavier.

« Kitty est surtout devenue la Directrice parce que moi et Logan ne sommes pas souvent là... Mais je pense que c'est mieux pour ça. Je ne suis pas sûre de faire une très bonne enseignante, et nos visages sont un peu trop associés aux affrontements. »

Ororo savait que Scott avait une vision plus offensive des choses, et voulait utiliser Utopia comme base paramilitaire pour combattre les ennemis de la mutanité, parmi lesquels Weapon Plus.

« Logan mène sa propre croisade contre son fils, Daken... Nous avons eu des signalements sur la présence de mutants renégats à Madripoor. »

L'île de la piraterie avait récemment connu d'importants bouleversements, avec les tentatives d'HYDRA d'en prendre le contrôle.

« Donc, c'est Kitty qui gère tout ça, et c'est plutôt une bonne chose... En tout cas, je ne l'aurai jamais imaginé il y a quelques années ! »

Quand Kitty était venue à l'école, il y a des années, elle était après tout la benjamine. Une boule de nerfs en suractivité perpétuelle. De manière amusante, la première personne que la jeune surdouée rencontra fut Emma Frost, qui avait cherché à l'enrôler à sa propre école, au Massachusetts, sans savoir que cette école était en réalité utilisée par le Club des Damnés pour forger des criminels afin de travailler pour le Club. Les parents de Kitty avaient finalement accepté la proposition de Charles Xavier, qui était venu ensuite en compagnie de plusieurs X-Men (non sans une aide de Jean, qui utilisa ses pouvoirs télépathiques pour les convaincre de laisser Kitty venir étudier à son école). Une arrivée providentielle, vu que le Club des Damnés avait ensuite envoyé des tueurs pour récupérer de force Kitty.

Ororo revint au moment présent, et croisa le regard d'Emma. Kitty aurait pu être l'une de ses élèves, et elle était maintenant devenue une directrice d'école. Elle décida de la sortir de sa potentielle rêverie en revenant à des sujets plus prosaïques :

« Sans vouloir froisser ton égo, je pense que tu peux dormir ici... Ce n'est même pas chez moi, à vrai dire, mais je ne pense pas que T'Challa verra une quelconque opposition à ce qu'une Reine dorme dans cet appartement. »

Ororo rajouta ensuite, pensivement :

« Par contre, j'ignore où tu as mis tes affaires, et je crains fort que les vêtements qu'il y a ici soient désapprouvés par ton styliste... »

La conversation virant aux complications du passé plutôt qu’à celles de l’avenir, Emma se relaxa légèrement, laissant un peu retomber ses épaules dénudées et son alerte qui avait été totale lors de l’entretien avec Coulson. Non pas qu’il n’y ait pas de tensions quant au sujet de leur conversation, bien au contraire, mais face à ces histoires d’alliances boueuses avec le S.H.I.E.L.D., de failles dimensionnelles, et d’armes trafiquées au plus offrant directement depuis les stocks du gouvernement...c’était toujours mieux.

La tension de Frost remonta légèrement en voyant Ororo lui révéler qu’elle avait un classeur plein de renseignements, et même qu’elle était prête à le montrer à son invitée, lui faisant écarquiller légèrement les yeux et se rappeler de la naïveté sans fin des X-Men. M’enfin, elle devait sa place parmi eux à ce défaut de caractère – jamais elle n’aurait fait la même chose à leur place, elle le savait depuis toujours – donc elle leur pardonnait chaque fois qu’elle réapparaissait, c’est à dire souvent. Loin de ces considérations, Emma donnait toujours son avis lorsqu’on le lui demandait, et souvent dans le cas contraire, alors, écartant les bras et ne souriant que d’un côté pour démontrer l’évidence de ce qu’elle allait dire, elle continua la conversation.

« Non, je n’aurais pas vraiment vu Logan à ce poste, et oui, Mademoiselle Pryde sait être éblouissante, je trouve juste ça un peu osé de déclarer à qui veut l’entendre qu’il va fonder sa propre école pour finalement délester toutes les responsabilités qui vont normalement de paire avec un tel acte sur autrui. Sans parler de passif d’accepter ça sans rechigner de la part des concernés, mais sur ce point, la Reine Blanche elle-même avait fait quelques concessions, pour les enfants, alors elle se garda de le mentionner. Quant aux doutes de Scott, ils n’étaient pas totalement infondés. Dans un monde parfait, j’aurais préféré l’école à l’île-nation, mais si cette planète nous a jamais appris quoi que ce soit, c’est qu’elle était très, très imparfaite. Essayant de détendre la conversation, Frost changea de sujet pour aborder celui de « ses petits oisillons », comme Tornade avait repris, mais s’ils n’étaient pas autant à elle que l’expression pouvait le sous-entendre. Et ces hésitations semblent génétiques, les Cuckoos ne sont restées que parce que Quire est parti – pas totalement de son propre gré, il me semble avoir compris...Mais j’imagine qu’il ne serait pas très diplomatique de s’étendre sur le sujet. »

Emma mentionna ce dernier factoïd avec un sourire narquois, mais ses derniers mots étaient sincères ; L’humeur était à la coopération, et malgré sa réputation et, par moments, sa nature, la Reine Blanche était capable de le reconnaître. Et en vérité, cette remarque quant au statut possible de prisonnier de ce satané « Kid Omega » n’était qu’un corollaire aux clones-slash-filles de Frost. Emma et les Cuckoos avaient une relation qu’on pourrait décrire comme tumultueuse, mais elle les considérait bel et bien comme ses filles, au moins en terme de responsabilité, et de plus en plus en termes d’affection, mais leur filialité restait beaucoup plus compliquée que la crise d’adolescence moyenne, expliquant qu’il n’avait en vérité pas été automatique qu’elles la suivent et aient fait leur propre choix,. Une part de la froide télépathe en était quelques peu attristée, l’autre fière. Et puis, Frost pouvait-elle vraiment le leur reprocher : Elles approchaient l’âge – mental, pas chronologique – auquel elle avait elle-même quitté sa famille en claquant la porte.

Et comme pour les Cuckoos, venait la question d’où dormir. Certes, pour Emma, il y avait moins d’implications et de répercussions, mais ça restait un choix ; L’hospitalité Wakando-Ororo-ienne, ou, comme d’habitude, faire son propre chemin. Faisant la moue pendant un instant pendant qu’elle réfléchissait, presque avec autant d’intensité que lorsqu’elle considérait l’offre de Coulson, Frost finit par se rappeler de Chiyo, et presque instantanément, trancha la question, même si, pour ne pas sembler aussi tendre de cœur que cela sous-entendait, elle argumenta longtemps.

« D’ordinaire, je ne me réduirais pas à l’hospitalité, mais entre la possibilité que je sois maintenant la cible des yakuzas qui rend la sécurité d’un simple hôtel bien légère face à celle d’un pied-à-terre Wakandais, et le fait qu’il se fasse tard, j’ai bien peur de devoir accepté ton offre. Frost ne pensait pas réellement que Munroe ne proposait cela que par politesse, mais leur rivalité l’amusait, un avis plutôt réciproque vu les piques que Tornade envoyait et renvoyait. Et, non, je n’ai pas amené d’affaires du tout, enfin, juste ma carte bancaire, ce qui, dans une nation aussi consumériste que le Japon, est la même chose à une séance de shopping près, donc, ne t’en fais pas, la mode Wakandaise ne m’importunera pas. Mais encore faut-il faire la dite séance de shopping – disons, demain après-midi, le temps que je me remette du décalage horaire ? Je t’invite, histoire d’effacer cette dette d’appartement au plus vite. »

Poussant sur ses cuisses pour se soulever de la table sur laquelle elle s’appuyait, Emma tourna son visage vers les quartiers plus privés, les sondant rapidement pour s’assurer que tout y allait toujours bien, trahissant enfin le vrai motif de son choix. Sans faire face à Ororo, elle commenta pensivement la situation.

« Chiyo dort toujours, et elle en a bien besoin, mais elle semble bien recouvrir. Elle aussi, il lui faudra des affaires et une chambre, même si je ne sais pas si l’emmener au centre commercial sera vraiment à son goût – j’imagine qu’on pourra juste prendre sa taille et lui ramener quelques ensembles. »

Quentin Quire n'était pas vraiment quelqu'un qu'Ororo appréciait. C'était un télépathe puissant, de niveau Oméga, et donc capable de rivaliser avec le Professeur X, ou Emma Frost, mais qui avait toujours été très instable. Quire avait contesté l'autorité de Charles et avait fondé une sorte de gang de mutants. Si Quire avait mûri un peu, il restait toujours aussi instable, et la mutanité lui devait d'avoir relancé les hostilités entre les mutants et les nations du monde lorsque Quentin s'était rendu une conférence des chefs d'États pour exposer leurs secrets en plein prime time télévisé. Suite à cela, Quentin avait eu le choix entre suivre Scott ou Wolverine, et Wolverine avait emmené Quentin de force. Emma n'allait toutefois pas polémiquer, car Scott savait aussi que le gamin était incontrôlable, et trop instable pour suivre les ordres de qui que ce soit. Quentin était aux yeux d'Ororo la preuve que Wolverine avait raison... Les enfants et les adolescents mutants avaient besoin de stabilité, d'éducation, de vivre dans une école, pas dans une île-forteresse où ils ne connaîtraient que la violence et le chaos.

Emma accepta sa proposition de dormir ici, et suggéra d'aller faire des courses demain. Ororo sourit doucement.

« Ne me remercie pas, je ne paie rien ici... »

Chiyo dormait toujours, mais Ororo doutait qu'elle veuille aller au centre-commercial. Il allait plutôt falloir la ramener chez elle, mais son réveil promettait d'être... Douloureux. Tandis qu'Emma allait se coucher, Ororo, elle, s'installa près de son ordinateur, et commença par envoyer divers e-mails. Logan, Kitty, T'Challa, mais aussi Charles. Elle n'avait effectivement pas tout dit à Emma, et elle avait reçu une formation de Charles pour masquer ses pensées à des télépathes. Rien qui ne puisse résister à un examen plus intrusif, mais cela lui permettait de cacher des choses qui échapperaient à un premier examen.

Aucun mail de Logan. Aux dernières nouvelles, celui-ci était en train de traquer Daken, et avait entendu parler de rumeurs concernant Madripoor et Dents-de-Sabre.

Kitty lui avait envoyé un message lui disant de profiter de son séjour au Japon pour s'initier au yoga, ou pour aller dans les onsens, et avait trouvé un site Internet recensant les 10 meilleurs onsens du Japon.

Elle écrivit ensuite à Charles.

Charles,

Vos inquiétudes concernant Yoake me semblent fondées. Le SHIELD ne s'y trouve pas sans raison, et il a fallu une simple intervention d'Emma Frost pour que la situation dérape, et que l'agent Coulson en personne vienne nous voir. Un peu trop gros pour une simple coïncidence, non ?

J'ai commencé mes investigations, et je pense effectivement que Yoake communique avec d'autres mondes... Enfin, disons plutôt que j'en ai maintenant la certitude. Emma a trouvé une jeune femme qui vient d'un de ces autres mondes. Et ce n'est pas un simple Portail, une simple Faille, j'ai l'impression que la ville entière est une Faille... Un peu comme ce que vous aviez vu lorsque le SHIELD vous avait demandé votre aide concernant l'incident à Bright Falls.

Ororo était désormais convaincue que Yoake ne fournirait pas la réponse à la malédiction de Wanda.

La jeune femme termina ensuite son mail, et s'étira ensuite doucement. Elle jeta un dernier regard vers le moniteur de Chiyo, et consentit à son tour à aller se coucher. La ville semblait apaisée ce soir. Elle se déshabilla dans sa chambre, et sourit brièvement en repensant à la fois où elle et T'Challa l'avaient inauguré. C'était une autre époque... Avant le M-Day, avant la folie de Wanda.

Elle sortit de sa douce rêverie, et enfila sa nuisette de nuit, et se coucha. Aux informations, on annonçait qu'une tempête allait commencer cette nuit. Alors, avant de se coucher, elle observa le ciel depuis sa fenêtre, songeant avec rêverie à la tempête qui allait venir.

- - - - - -

La sirène d'alarme de l'appartement la réveilla brusquement. Ororo se redressa subitement, et, surprise, sortit de la chambre.

*La chambre de Chiyo...*

Elle s'avança dans le salon, encore un peu sonnée. Le vent soufflait les rideaux, et elle vit des bris de verre autour de la porte-fenêtres menant à la terrasse extérieure. Quelqu'un avait forcé la porte, et elle s'aventura encore par là. La pluie tombait violemment dehors, et des éclairs zébrèrent le ciel.

Chiyo était partie, et tout laissait à croire que c'était elle qui avait détruit la porte-fenêtres. Ororo sortit dehors, le vent soufflant sa nuisette. Impossible d'y voir quoi que ce soit, et elle regarda alentour.

Chiyo avait visiblement sauté dans le vide.

*Et merde !*

The Multiversity

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