The Multiversity

À l’aube du cinquième jour suivant l’invasion étrangère, le lycée ouvre de nouveau ses portes. La grande grille de fer visible depuis la grande route craquelé accueille les étudiants secoués mais vivants et en bonne santé. C’est dans une atmosphère entre la reconstruction des pavillons et l’amertume que ces adolescents et adolescents d’origine japonaise ou étrangère se retrouve, reconnaissants que des amitiés aient survécu à l’enfer sur Terre. Les cours du matin furent reportés jusqu’à dix heures afin de préparer la salle du gymnase. Tout le monde a reçu l’obligation de participer au rassemblement et au discours de la présidente du conseil des élèves pour 9 :30 sans faute.

Des craques serpentent les murs mais la salle du conseil reste solide. Présidant une réunion exceptionnelle avec le recteur, professeurs et membres du conseil des élèves, Makoto Nijima passa la dernière heure à discuter d’enjeux économiques, administratifs et du déroulement des activités scolaires. Elle fixe son carnet et soupire en silence, les yeux lourds.

- La reconstruction demandera une énorme part du budget attribué aux étudiants. De plus, les dégâts risquent de retarder chaque étudiant prenant part à une compétition dans les semaines et mois à venir. Dit le recteur.

- Le plus important reste les périodes d’examens et d’évaluations physiques. Nijima-san a déjà spécifié que le reste de l’argent ira vers les clubs. Le retour à la normale aidera à surmonter cette épreuve et à rétablir l’unité au sein de Jinmu. Le conseil prendra la responsabilité du soutien moral avec ces dits clubs.

- Nous sommes donc d’accord. Très bien, la séance est levée.

Les adultes se lèvent et quittent la salle à la file indienne. Celle qui a répondue au recteur se nomme Saori, la trésorière. Cette dernière se troune vers la présidente dont elle soutient d’une main posée sur l’épaule. Une légère inquiétude se lit dans son regard.

- Nijima-san, tout ira bien ? Vous êtes si…épuisée.

- Oh…j’ai terminée mon discours la nuit dernière. Je n’avais pas sommeil et de toute façon j’ai vécu pire.

Son ton s’obscurcit avec ces trois derniers mots. Saori attribue cela à la fatigue et se retire à son tour, demandant aux autres de laisser Makoto seule un instant. Elle reste dans son siège deux longues minutes durant lesquelles sa main referme le carnet d’un claquement brutal. Aussi éreintée soit-elle, l’adolescente se devait de remplir son rôle envers le lycée. Elle se lève, se frottant vigoureusement les yeux du bout de ses doigts pour ensuite suivre le chemin du gymnase où un podium l’attendait.

(Ordre du rp: Makoto - Jane Watson)

Il y a quelques jours, Yoake avait été en situation d’état d’urgence. L’armée était toujours dans la ville, et le ciel était obscurci par la silhouette massive d’un Helicarrier, ces vaisseaux volants du SHIELD, un organisme de sécurité mondial proche des États-Unis. En même temps, Yoake avait été la cible d’une invasion mythologique. Une invasion terrible menée par des créatures semblant sorties tout droit d’un péplum fantastique : Centaures, Minotaures, Gorgones, Cyclopes, Satyres… internet pullulait des vidéos volées prises montrant les affrontements contre ces monstres. Et, depuis cette invasion, tous les médias ne parlaient que de ça. La foi religieuse venait de faire un bond en avant, et les églises, les synagogues, les mosquées, se remplissaient à foison. On annonçait même une résurgence de l’ancienne foi grecque.

Jane Watson avait réussi à passer entre les mailles du filet. Elle s’était retrouvée embarquée dans l’Helicarrier avec sa sœur, car, dès que les alarmes avaient ressenti, la courageuse Californienne avait suivi la police. Leur bus avait été attaqué par des harpies, mais les citoyens avaient été protégés par une super-héroïne en tenue moulante, « Miss Marvel ». Jane l’avait vu de très près balancer de sa main un rayon d’énergie qui avait foudroyé une harpie. Elle avait ensuite attendu dans un poste de police avant que des navettes d’évacuation ne l’emmènent, elle et sa sœur, dans l’Helicarrier.

C’est ensuite que Jane avait appris que le lycée Jinmu avait été attaqué par des Gorgones. De nombreux lycéens avaient été pétrifiés, et étaient à l’infirmerie. Il avait fallu presque une semaine de confinement pour que le lycée rouvre. Les commandos du SHIELD avaient fouillé le lycée en intégralité pour débusquer d’éventuelles Gorgones, tout en regroupant les victimes des Gorgones dans un gymnase du lycée, aménagé en hôpital de guerre. Toutes les personnes avaient été soignées, et, après plusieurs jours, Jane avait pu retourner au lycée. Il était pour l’heure encore exclu qu’elle retourne chez elle, car le SHIELD et l’armée continuaient à tout examiner.

Jane avait écouté les conférences de presse de beaucoup d’officiels : le Maire de Yoake, le Premier Ministre du Japon… On avait même évoqué une conférence de presse de l’Empereur en personne ! Des militaires s’étaient également exprimés, ainsi que Captain America, et même Superman. Beaucoup de justiciers allaient continuer à rester dans la ville, car, même si l’Olympomachie était terminée, personne n’était à l’abri de quelques poches de résistance.

« Les Dieux existent, avait indiqué le porte-paroles du SHIELD, et ils sont aussi faillibles que nous. Je ne peux qu’exhorter les citoyens à rester au calme. Les investigations que nous menons montrent que les Olympiens ont été… Contaminés, infectés. Une forme de corruption qui les a amenés à nous voir comme des menaces. Mais les Dieux ont prouvé eux-mêmes leurs limites, et nous ne pouvons que nous féliciter de la présence de super-héros pour nous protéger. »

Voir le SHIELD récompenser des héros ne manquait pas d’ironie, quand on savait que le SHIELD avait longtemps cherché à les interdire. Mais, l’un dans l’autre, il semblait préférable d’agir ainsi, de mettre en avant la lumière des médias sur les super-héros plutôt que sur le SHIELD, qui préférait rester dans l’ombre.

Le lycée Jinmu pouvait rouvrir rapidement, car il disposait, outre de fonds publics, de fonds privés émanant de la fondation Jinmu. Des fonds spéciaux avaient été débloqués, et une grande réunion avait lieu au gymnase avec tous les élèves. Les membres du Conseil des élèves s’étaient préalablement réunis, parmi lesquels la redoutable Leona Morimoto. Cette blonde arrogante et prétentieuse était la Présidente du club social de Jinmu, le premier club étudiant du lycée, et les Morimoto, quant à eux, constituaient la première fortune de Yoake, un clan historique qui protégeait Yoake depuis des éons, et disposait d’un immense manoir au sommet de la ville, la Sainte-Arcadie. Dans la mesure où beaucoup d’élèves étaient confinés, le clan Morimoto allait sans doute devoir mettre à profit son immense propriété.

« Soyez assurés que nous faisons tout en œuvre pour vous protéger, et qu’il n’y a aucune peur apocalyptique à avoir. Nous affrontons régulièrement ce genre de menaces, avait indiqué Captain America. Plusieurs membres des Avengers vont rester sur place à Yoake pendant que l’armée continue à s’assurer qu’il n’y a plus aucune menace dans la ville. »

Ce qui frustrait surtout Jane était la perspective de ne pas avoir accès à son laboratoire. Ce matin, une ambiance particulière régnait en tout cas au lycée. Tout le monde ne parlait que de ça, et bon nombre d’élèves étaient absents, soit parce que leurs proches avaient été tués, soit parce qu’ils étaient blessés. De fait, il semblait peu probable que les cours suivent un rythme ordinaire, et l’ouverture du lycée avait surtout pour but d’offrir un accompagnement psychologique à beaucoup d’élèves.

Le gymnase était bondé, et Jane se déplaça lentement, cherchant à se rapprocher de l’estrade centrale. Toute la matinée était consacrée à une série de discours, et elle nota même la présence de multiples caméras, signe que les journalistes étaient également présents.

*Well… Si j’avais su, je ne serai sûrement jamais venue au Japon !*

La jeune lycéenne chercha donc une place quelconque, en jouant légèrement des coudes…

Derrière le rideau elle peut voir l’estrade centrale emménager pour l’occasion. Lorgnant la salle du  gymnase avec discrétion, la présidente voit l’abondance d’élèves sur place ainsi que la présence des caméras et autres diffuseurs locaux. Le lycée Jinmu avait son mot à dire, certes, mais de là à faire face aux regards de la nation et même du monde ? Ça allait trop fort au goût de Makoto froissant son discours de ses doigts. Le clan Morimoto est la raison de cette intervention médiatique, un autre coup de publicité pour une famille en quête de richesse et de célébrité. Mais leurs poches sont pleines et Leona reste la présidente du premier club du lycée. L’adolescente s’est adaptée aux habitudes égoïstes avec les tournures de phrases et les compromis en gardant sa politique sur de bons rails. Faire face à des caméras reste une histoire légèrement intimidante mais très inconfortable sur un plan personnel.

Le discours du recteur prend fin et le nom de Makoto Nijima est appelé. Elle inspire calmement et se frotte de nouveau les yeux. D’une démarche droite elle se dirige vers l’estrade et se place devant la salle bondée dont le regard évite le fond de la salle avec les chaînes de télévision. Son œil attentif survole la première rangée d’étudiants sur leurs sièges et la fixant avec attention. Parmi eux se trouve une Gaijin à la chevelure claire et aux yeux d’azur que Makoto dévisage l’espace d’une seconde avant de confronter la salle.

- Les chutes servent à se relever. Comme beaucoup j’ai vu le monde autour de moi devenir un champ de bataille et la panique devenir pandémique. Face à notre propre impuissance il fut facile de perdre foi, de se cacher, d’attendre que la plaie antique s’estompe avec l’aide des Héros. En revanche, du chaos est né cette étincelle qu’est l’espoir et la détermination. À la place de cette peur j’ai tenue mes positions. Nous ne sommes pas des super-héros, ni des guerriers, mais c’est devant l’adversité que la lumière brille le plus fort et que nous devenons de meilleures personnes. Chérissez ces amis et parents encore vivants qui vous donnent votre véritable force. N’oubliez jamais vos disparus qui vous donne votre volonté et vous relève du sol. Moi, Nijima Makoto, j’ai décidé qu’aucun club sera laissé derrière et qu’aucune de leurs activités sera suspendue. C’est ensemble que vous êtes forts et je le démontrerai ainsi.

Le discours prend fin avec la présidente quittant l’estrade les yeux mi-clos met d’une prestance solennelle. Elle ne prête presque aucune attention aux applaudissements des étudiants tandis que le rassemblement prend fin au bout de dix minutes avec les recommandations des professeurs sur les protocoles d’hygiène et de discipline. Makoto choisit à la place de se trouver un banc dans la cour extérieure du lycée. Amoché, il y avait un petit jardin rustique mais paisible où le club de jardinage y entretient un espace vert d’une superficie d’un demi hectare. Assise, elle profite de l’instant présent pour se reposer, le sommeil la faisant s’adosser complètement. C’est grâce au ciel partiellement nuageux que la présidente s’endort sur place et revoit son amie morte dans un rêve flou.

- Shira…nui. Désolée.

Jane allait surtout devoir s’efforcer de ne pas s’endormir. Il y eut plusieurs discours d’affilée, comme le recteur, puis Makoto, la Présidente du Conseil des élèves. Celle-ci indiqua que les clubs resteraient tous ouverts. Cela faisait une belle jambe à Jane, qui avait rejoint un club d’ésotérisme et d’occultisme, dans l’espoir de trouver de vrais sorciers, mais elle n’avait rien vu, rien d’autre que des adolescents aimaient jouer avec une planche de Ouija et répéter ensemble tous les clichés d’usage du genre. Jane y allait donc rarement, car elle s’ennuyait, et préférait plutôt travailler chez elle, dans son laboratoire, à concevoir des potions ou des élixirs. Elle écouta donc silencieusement.

D’autres officiels s’exprimèrent après Makoto, indiquant les modalités des prochains jours. Un couvre-feu était actuellement en cours, et le lycée rentrait pour l’heure en confinement. Les étudiants allaient donc rester ici, ou dormir dans des endroits très spécifiques, comme la Sainte-Arcadie.

« Ce sont là des mesures exceptionnelles, provisoires, le temps que la ville soit sécurisée. Nous avons bien entendu prévenu vos parents. Soit vous restez confinés chez eux, pour peu qu’ils ne soient pas dans les quartiers actuellement interdits, soit vous restez avec nous. Je vous invite donc à vous rapprocher de votre famille aujourd’hui, étant utilement précisé que nous sommes naturellement à votre disposition. »

Leona fut parmi les dernières à s’exprimer. Jane ne l’aimait pas particulièrement. Elle était hautaine, arrogante, et de multiples rumeurs circulaient sur ce qu’elle faisait avec le club social dans sa maison. Elle rappela aux personnes n’ayant pas de logements disponibles que la Sainte-Arcadie se proposait de les héberger.

*Beurk ! Tout, mais pas ça !*

L’assemblée se termina ensuite. Jane en sortit rapidement, comprenant qu’elle allait devoir passer la nuit ici. Difficile de retourner dans son logement ou chez ses parents, qui vivaient en Californie. Sa grande-sœur, étudiante à l’université, était également confinée. Jane soupira donc, et quitta le gymnase. Elle devait se rendre à l’administration, mais elle cherchait surtout un coin tranquille pour consulter son livre de potions, qu’elle avait dans son sac à dos.

Ses pas la conduisirent près d’une cour où elle espérait pouvoir un peu de tranquillité… Mais une lycéenne se trouvait sur un banc. Jane se pinça les lèvres en se rapprochant, reconnaissant Makoto, lorsqu’une brise d’air fraîche la saisit soudain.

Elle éternua brusquement, ce qui était sûrement de nature à sortir Makoto de sa léthargie.

« Atchoum !! »

Un sommeil léger ne parvient pas à effacer le douloureux de cette journée. Elle tenait son amie dans ses bras et voyait le sourire de l’adolescente s’éteindre. Ce dernier éclat de vie donné la réconforte, la torture. Quand l’éternuement interrompt ce repos léger, son corps sursaute et se tendit. Le soleil lui plombait la tête depuis de nombreuses minutes. Une sensation éphémère de mal de crâne lui donne un réveil incommode. Une main fébrile essuie les minuscules traces de sueur perlant sur son front quand Makoto retrouve assez bien la vue pour observer l’étudiante présente. Plonger dans le regard cette fille lui rappelle celui d’une certaine présidente du club social. D’un froncement du sourcil la brunette se redresse de son banc.

- Je te reconnais…tu es la Gaijin aux premières loges. Les discours sont barbants mais protocolaires. Je suis la présidente du conseil des élèves mais mes pouvoirs sont limités, surtout à travers cette phase de réhabilitation pour le lycée.

Makoto replace calmement son col replié, le secouant comme pour aérer son cou grâce à la fraîche brise. Avec ce geste, elle laisse entrevoir un bleu discret proche de sa clavicule. Sous la fatigue elle fait cette erreur sans le réaliser. Son expiration lourde affirme cet épuisement qui l’afflige ces derniers temps. Mais la présidente reste droite et d’une expression dure mais juste.

- C’est loin d’être un exercice facile de garder Léona satisfaite sans devenir sa boniche. Héberger des étudiantes était le seul compromis pour garder les clubs ouverts. J’espère que tu pourras y dormir l’esprit tranquille. Dit-toi bien que je suis dans le même bateau, à devoir dormir au lycée. Il serait assez fou de désobéir aux justiciers sur place.

La présidente lève la tête au ciel. Elle fronce son expression, un signe de frustration palpable sur son visage donnant un éclat de fureur dans les yeux. La journée est encore jeune et la pression reste encore bien difficile à détecter dans ses mouvements et son apparence d’étudiante en contrôle. Elle sort son carnet et vérifie son horaire un instant, lorgnant l’étudiante étrangère du coin de l’œil.

- Si tu penses avoir une recommandation à me faire, je t’écoute. Les cours du matin vont commencer dans 30 minutes et je suis loin d’avoir du temps libre.

Son éternuement surprise réveilla Makoto, l’extirpant de son sommeil. Les deux jeunes adolescentes se regardèrent alors. Jane fronça les sourcils quand la femme l’appela « gaijin ». Ce n’était pas faux, mais elle avait toujours trouvé que ce mot était un peu méprisant. Les Japonais aimaient les étrangers quand ils se rendaient dans leurs boutiques de touristes. Mais, au-delà, il était assez fréquent d’être rappelé à ses origines. En même temps, Jane, avec son fort accent californien, et sa manie à revenir régulièrement à sa langue natale, sans parler de son orgueil, ne faisait sans doute rien pour arranger les choses. Elle, elle continuait à préférer le corned-beef aux sushis ! Et le fait de ne pas savoir où elle allait dormir ce soir la crispait un peu. Elle était néanmoins sûre d’une chose : elle n’avait pas envie d’aller dormir chez Miss Morimoto !

Makoto lui parla alors, allant jusqu’à lui demander si elle avait des recommandations à formuler. Surprise, Jane regarda même autour d’elle, comme si elle s’attendait à la présence d’une autre personne, ce qui aurait pu expliquer cette étrange question.

« Euh… Ben… Well, bien que je ne sois pas déléguée, et que je sois une gaijin, je pense qu’autoriser des élèves à aller dormir chez les Morimoto, c’est une grosse connerie. Vu toutes les rumeurs qui circulent sur elle… Enfin, elle a quand même une cravache dans son vestiaire ! Je ne lui fais pas confiance, et je ne comprends pas que la direction ait pu accepter ça. »

C’était un choix logique, car les Morimoto avaient de l’argent, et étaient bien sous tout rapport. C’était l’une des plus vieilles familles de Yoake, qui avaient toujours aidé la ville quand elle avait rencontré des temps difficiles. Ils avaient activement et fortement participé à la reconstruction de la ville après sa quasi-destruction totale lors de la Seconde Guerre Mondiale. Le lycée Jinmu avait été fondé en grande partie grâce à leurs investissements, et le club social était le premier club historique du lycée, destiné à l’origine à retisser du lien social pour tous les orphelins ou les enfants ayant perdu des proches.

Jane haussa alors les épaules, et commença à tourner les talons.

« Enfin… Never mind, je suis une étrangère, et j’en ai rien à foutre. S’il n’y a pas assez de place, je crècherai dehors, je n’irai pas dans le palais de Miss Morimoto ! »

De plus, Jane ne tenait pas à la déranger outre mesure, puisque Mokoto avait indiqué avoir peu de temps libre, ce que Jane pouvait comprendre. La bataille avait aussi eu lieu au lycée, et beaucoup d’élèves étaient occupés à aider les ouvriers en déblayant les gravats. C’était le sens civique japonais à l’œuvre, ce même sens civique qui amenait les élèves à nettoyer leurs propres salles de cours. À défaut de cours, et devant ce parfum d’anarchie et de liberté folle qui flottait dans le lycée, l’ordre social reprenait peu à peu ses droits ! Se trouver une occupation ne devrait, somme toute, pas être si compliqué que ça non ?

L’ouverture des clubs est une décision nécessaire pour les étudiants de rester ensemble entre amis là où ils peuvent improviser des dortoirs temporaires. Rien n’égal une nuit à la maison dans son propre confort mais la réalité affecte tout le monde, pas juste le lycée. Makoto a prit le meilleur choix possible. Toutefois, cette étudiante étrangère change le ton avec une plainte. Le compromis avec le club social fut désagréable pour la présidente du conseil à accepter. Elle sait les mots qui s’ébruitent sur le sujet, des perversions sans nom à huit clos. Son humeur s’assombrit et son corps tremble de frustration. Le manque de sommeil et la pression psychologique à raison de son calme habituel. D’une expression déformée par la colère, elle crache sa réplique.

- Tu crois que ça me fait plaisir !?!? J’aurais préférée mille fois ignorer le moindre mot du clan Morimoto et les ignorer comme les nuisibles qu’ils sont envers les étudiantes plutôt que d’alimenter leurs désirs tordus. Toi, tu n’as aucune idée combien je me démène pour le lycée malgré la direction et le club social me forçant à jouer la complaisance.

Makoto dévisage Jane et se rapproche dangereusement avec sa lueur éteinte dans chacun de ses yeux. Elle avait si envie de se défouler, de serrer le poing ou plutôt de gifler la Gaijin pour son manque de reconnaissance. Le caractère de l’adolescente désabusée par la politique scolaire finit par pousser la présidente à lui agripper la chevelure claire. Elle tire légèrement mais d’une poigne ferme.

- Ce n’est pas comme si ton club de Wicca te permet d’avoir un toit et un plancher ferme pour te couvrir de la météo, n’est-ce pas ? Je prends mon rôle de présidente à cœur et contribue. Et toi, qu’as-tu fait pour ce lycée pour le rendre meilleur et aider durant la crise ? Ah oui, c’est vrai, tu t’en foutais !

Jane savait qu’elle pouvait être une sacrée pimbêche quand elle le voulait. Le fait est qu’elle n’avait pas sa langue dans sa bouche, et qu’elle aimait bien le faire savoir ! Extrêmement ironique et hautaine, elle était aussi assez égoïste, de sorte qu’elle n’aurait jamais pu être une bonne élue… Enfin, si on partait du principe que les élus politiques cherchaient véritablement le bien commun, et pas juste à avoir un poste bien doré en en foutant le moins possible. Qui sait ? Peut-être que Jane serait députée, un jour… Pour l’heure, elle avait donné son avis à Makoto, et constata vite que cet avis n’avait pas l’air de lui plaire. Elle se redressa brusquement, et se rapprocha de la jeune femme, avant de lui répondre qu’elle avait fait le maximum, que le compromis avec le club social est indispensable… Et, comme si ça ne suffisait pas, elle continua ensuite, fusillant Jane du regard… Avant d’attraper les cheveux de Jane.

« What ? Hey ! »

La femme insista alors, lui reprochant son inaction, et Jane se débattit.

« Get the fuck off me ! » s’exclama-t-elle alors, retrouvant, sous la colère, sa langue natale.

Elle réussit à récupérer ses cheveux, et contempla la femme.

« Tu te prends pour qui, exactement ? Qu’est-ce qui te prend de m’attaquer ? Je ne suis pas responsable de tout ce merdier ! Ce n’est pas de ma faute si je ne peux pas dormir chez moi, et si je dois aller chez Miss Morimoto ! Fuck ! Tu voulais que je fasse quoi contre des Gorgones ? Je ne suis pas Wonder Woman ! »

Certes, elle était une sorcière, mais à un très faible niveau, peinant à utiliser la magie. Elle fabriquait plutôt des potions, mais quelle potion aurait-elle pu utiliser contre les Gorgones ? Le fait est que Jane s’était sentie terriblement impuissante, et qu’elle n’avait vraiment plus envie de revivre cette sensation, tant elle avait été horrible ! Elle, la grande et puissante Jane Watson, réduite au rôle d’une jeune fille terrifiée ! Mais elle n’était pas une super-héroïne, elle !

Jane grogna encore en dévisageant sa partenaire :

« Je comprends que tu aies la rage, mais c’est pas une raison pour te défouler sur moi, okay ? »

Aucun adolescent sur le campus n’était un dieu ou un grand héros combattant le crime sur commande. Des créatures mythologiques sont apparues de nulle part et ont semé le chaos partout dans le lycée. Il y a eu tellement de confusion et de tragédie que Makoto sait pertinemment que la peur et l’impuissance ont paralysés la totalité du corpus étudiant. Pourtant elle tire sur la chevelure de la blonde américaine avec un éclat de colère dans le regard. Les plaintes en anglais ne la désarçonnent aucunement. Elle est si proche de commettre un geste regrettable pour une demoiselle de son statut. Son poing rêve d’une intervention musclée comme le démon qui lui chuchote à l’oreille.

L’étudiante furax les sépare juste à temps. Makoto serre un poing fébrile avec son visage déformé par ses mauvaises émotions. L’égo est une vile nature. L’amour propre de la présidente lui interdisait d’admettre son erreur et de reconnaître les mots de Jane. Ce qui est fait est fait. Des jeunes étudiants sont morts avec leurs amies en deuil. Cela lui donne envie de rugir mais à la place elle peste et défie Jane du regard.

- J’ai de l’influence mais rien contre Morimoto…je sais me battre mais n'a sauvé personne. Crois-moi, je méprise ces salopards avec l’argent et l’influence ! Je déteste cette réalité autant que toi ! Les étrangers, toujours à devoir attirer les problèmes partout où ils vont !

- Sono yōna hanashi o yameru, Nijima-San ! (tr : arrêtez de parler comme ça.)

Le ton doux mais ferme de Saori interrompt la présidente du conseil. Elle se rue vers Makoto pour la tirer hors de portée de Jane. Elle se tient entre les deux adolescentes d’un regard sérieux et très rarement défiant. Makoto elle-même est choquée par cette expression et sa soudaine présence dans cette altercation. La respiration s’amplifie pour laisser la tension fuiter et avorter tout autre acte irrespectueux envers une autre étudiante.

- Nijima-san, je préviendrai le professeur de ton absence en classe. Par pitié, va te reposer.

D’un souffle exaspéré la présidente se retourne et quitte le jardin après un silencieux regard vers la blonde. Elle commence à sentir le dégoût monter dans sa gorge pour elle-même, pour son exclamation discriminante. Une fois Makoto partie, la trésorière tend la main vers Jane.

- Je t’accompagne jusqu’à ta salle de classe. On ne pourra pas éviter les cours.

Saori est tendue suite aux récents évènements mais montre plus de positivité quand elle offre sa main et élève son sourire pour la jeune américaine. Sa main gauche conserve un carnet de notes contre sa poitrine presque plate alors qu’elles marchent hors du jardin et retourne à l’intérieur du lycée.

- Nijima-san n’était pas sérieuse. Aussi loin que je m’en souviens elle a montré un esprit ouvert envers les membres du corps étudiant. Je le sais surtout pour un détail spécifique. Jane, c’est bien cela ? Savais-tu que la présidente avait un arrière grand-père français ?

Le ton se mit à monter entre les deux lycéennes, même si Jane, en réalité, ne comprenait pas trop pourquoi cette folle hystérique lui tombait dessus ainsi. Elle n’avait rien demandé à personne ! Après tout, c’était elle qui avait demandé à Jane de donner son avis. Est-ce que cette salope s’attendait à ce que Jane aille lui lécher les pieds ? Qu’elle saute de joie à l’idée de ne pas pouvoir retourner chez elle, d’avoir les militaires tout autour du lycée, et de devoir retourner chez les Morimoto ?! Makoto avait peut-être l’habitude qu’on se couche, mais Jane était, elle aussi, prête à évacuer toute la tension pesant dans son corps en lui foutant une bonne gifle !

Alors que les deux femmes en étaient à se jeter des éclairs, une autre adolescente arriva, Saori, et parvint à apaiser Makoto, en l’éloignant de Jane. Celle-ci recula à son tour, mais n’hésita pas à lever un doigt vers Makoto.

« Fous-moi la paix, sale psycho’ ! Fuck ! »

Sincèrement, c’était quoi, son problème ? Cette folle avait littéralement disjoncté, et avait menacé de la frapper ! Saori revint ensuite vers Jane, qui fronça les sourcils vers elle, visiblement avec les nerfs toujours sur le point d’exploser. Saori lui expliqua que Makoto avait un ancêtre français, et Jane retint la saillie qu’elle semblait brûler sur le bord de ses lèvres.

*Qu’est-ce que tu veux que ça me foute, idiote, ta petite-copine a voulu m’en coller une !*

Le climat social était actuellement très tendu. Yoake venait de traverser une catastrophe massive, la majorité des étudiants avaient été statufiés avant d’être soignés, et il y avait eu de nombreux morts. La situation était chaotique, et des monstres olympiens traînaient toujours dans la ville, comme Lycaon. Jane savait qu’elle risquait d’être encore confinée au lycée un certain temps, car les autorités avaient décidé de faire des lieux publics des centres de regroupement. L’état d’urgence avait été décrété, tout simplement.

Jane haussa les épaules devant Saori, tentant de se calmer :

« Je sais qu’on vient de vivre un traumatisme, mais je n’y suis pour rien, moi. J’ai juste pas envie d’aller dormir chez Morimoto… Mais, si Makoto revient me chercher, je lui casse la gueule ! »

La Californienne fonctionnait ainsi, elle avait toujours été très directe, très franche, n’hésitant pas à dire ce qu’elle pensait. C’est ce qu’elle démontrait en ce moment. Toutefois, si Jane montait rapidement dans les tours, elle en descendait aussi assez vite, ce qui permettait tout de même, somme toute, de pouvoir espérer apaiser ensuite les choses…

Saori est muette d’impuissance devant la frustration de Jane. Être trésorière relève de la comptabilité et de la gestion des finances octroyées par la direction et par le clan Morimoto. Ce n’est pas son boulot de jouer les psychologues, étant elle-même secouée par les dégâts de ces entités mythologiques sur le lycée. Les deux adolescentes marchent dans le grand couloir menant à plusieurs classes. Un bref coup d’œil permet de constater la discipline des élèves assis à leurs places quoi que stressés pour encore quelque temps. Saori constate le calme relatif de la blonde californienne mais encore emprunt de scandale suite à l’altercation. Elle secoue la tête à la menace de violence.

- Ce n’est pas le comportement normal de la présidente. Je le sais…je la fréquente à chaque jour au lycée. Tu n’as pas remarquée sa fatigue ? Même avec la pression de son début de mandat elle savait garder le moral et dormait bien. Maintenant elle est épuisée et au bord de la crise de nerf. C’est comme si elle ne dort presque plus la nuit.

Que Jane accepte ou pas sa théorie, la trésorière soupire de son franc. Le pire est que sa proximité avec la présidente du conseil des élèves a été réduite depuis tout ce temps. La distance de Makoto lui donne de l’inconfort alors qu’elle serre son carnet contre sa poitrine. La sonnerie annonçant le début des cours résonne et la réveille de son songe. Saori offre un dernier sourire à l’étudiante avant de repartir vers sa classe.

-  Écoute, dors dans un des locaux et ne dit rien aux troisièmes années. Certaines aiment se faire passer pour des espionnes de Morimoto. Et laisse la journée se terminer…Makoto ira beaucoup mieux. Je l’espère.

-----------------------------------------------------------

Ces durant le reste de la journée que Makoto passe plusieurs longues heures sur le divan pour s’endormir comme une roche. Ces rêves sont tourmentés par cette horrible journée qu’est l’Olympomachie. Elle revoie les soldats grecs qu’elle a liquidés avec son arme à feu, la contraignant à tuer pour sauver soi-même et une amie dont le visage la tourmente dans son sommeil. Quand il est interposé par celui d’un homme plus vieux mais vigoureux, la présidente se réveille en milieu d’après-midi avec le front en sueur. D’un pas endormi elle se relève et s’assit à son bureau et reprend le tri des dossiers chauds et dragouillant. C’est si rare de sentir la douce ambiance de solitude en tant de crise. Elle revoit son altercation, rongée par une inquiétude grandissante que son projet secret ne se prolonge indéfiniment.

Makoto sort de la salle du conseil en fin d’après-midi, à la fin des cours. Les lueurs du crépuscule éblouie la plupart des vitres encore intacts et les élèves sortent de leurs classes heureux de pouvoir déguster leur repas à la cafétéria avant leurs soirées en communauté. Elle se tient sagement contre le mur et surveille l’afflux d’étudiants lorsque la chevelure blonde familière de cette jeune californienne se distingue dans la masse. Elle hoche la tête, la main levée en guise de salutation.

- Portes-toi bien. Et je m’excuse pour ce matin.

Jane ne passa pas une journée géniale. Après son engueulade avec Makoto, elle passa son temps à voir Leona Morimoto partout ! La magnifique blonde aux yeux bleus était aussi belle qu’arrogante, sorte de version hitlérienne avec des nichons. Elle pavanait au milieu du lycée. Beaucoup d’ailes étaient encore inaccessibles, et les agents du SHIELD continuaient à travailler sur les étudiants et professeurs statufiés. C’était un véritable laboratoire futuriste sous un énorme chapiteau au centre de la cour centrale. Personne ne faisait vraiment cours, et l’idée était surtout de gérer les élèves en les empêchant de sortir. Même les parents n’avaient pas le droit de venir, ou de quitter les centres où on avait regroupé les habitants. En fait, la plupart des élèves passaient leur temps, soit à la bibliothèque, soit à filmer les ballets constants de Quinjets ou de super-héros dans le ciel. C’était une véritable ambiance anarchiste, tandis que les délégués couraient dans tous les sens, essayant d’organiser les lieux.

Mais l’idée de rejoindre l’Arcadie, le nom du domaine de Leona, ne l’encourageait guère ! À la limite, elle aurait préféré rejoindre le manoir de Mélinda Warren, même si cette pimbêche, avec son parterre de lèches-culs, lui donnait envie de leur vomir dessus ! Mais elle se retenait, bien consciente que cela n’arrangerait rien. Jane tenta de trouver une place dans un dortoir, mais il fallait des circonstances exceptionnelles pour bénéficier des dortoirs, car l’armée devait s’assurer qu’il n’y avait pas de Gorgones à l’intérieur. Atarashï Yoake était après tout sous état de siège, et les pouvoirs militaires avaient pris le contrôle de la ville.

Jane était désespérée, car le lycée n’autorisait que peu d’autres lieux pour dormir, et, dans la mesure où les Morimoto faisaient partie des fondateurs du lycée, l’Arcadie était autorisée. La Californienne passa donc la journée à pester, jusqu’à ce que le soleil commence à se coucher. Elle avait assisté à une conférence de la direction sur les capacités de couchage, sur l’organisation des mails. Le fait est que l’armée avait mis un brouilleur sur la ville, pour mettre fin aux rumeurs et empêcher d’attirer trop de curieux… D’ores et déjà, des discours paranoïaques circulaient dans le lycée, avec la crainte que le SHIELD ne cherche surtout à empêcher les citoyens de révéler leurs petits secrets.

« Vous continuerez à subir tous les jours des examens médicaux…
-  …Cellule de crise avec une équipe psychologique que vous devrez consulter…
-  Pour vous adresser à vos proches, il faudra utiliser le réseau Intranet du lycée, qui a été autorisé par les autorités…
-  Visite de Wonder Woman prévue demain… »

La lycéenne était aux abois, et envisageait presque de fuguer, d’aller dormir en loucedé quelque part. Cependant, l’armée entourait le lycée, et continuait à décontaminer et à explorer les salles de cours. Et Leona, elle, continuait à pérorer !

*Fuck, what a shit !* pesta intérieurement Jane.

La jeune femme sortit de la salle de conférence avec d’autres élèves, quand elle entendit une voix. En se retournant, elle avisa Makoto, qui semblait… Plus stable. Jane repensa alors aux propos de Saori de tantôt, et y vit là une ouverture inespérée.

« Hey ! Si tu veux vraiment t’excuser, y a un truc que tu peux faire… »

Elle se rapprocha d’elle, jouant un peu des coudes pour écarter quelques lycéens à la mine souvent dépités. Elle avait entendu parler d’une conférence religieuse qui était donnée au lycée, mais n’avait guère envie d’y assister. Le monde se barrait en couilles, et elle n’avait pas envie de rester dessus ! Rejoignant donc Makoto, elle fronça les sourcils en croisant les bras :

« T’es la déléguée-en-chef ou j’sais-pas-quoi, hein ? M’est avis que t’iras pas poser ton joli cul chez Leona ce soir, alors… Tu me trouves une piaule ! J’veux coucher n’importe où sauf chez cette folle… Au pire, je dors chez toi ! Et j’suis pas une radine, j’pourrais te confectionner une potion, je suis très douée là-dedans ! » fanfaronna-t-elle.

Mais Makoto allait vite constater que Jane pouvait être très collante quand elle le voulait !

Makoto n’était que présidente du conseil des élèves. Malgré es demandes pour une vie scolaire normale l’agence du SHIELD a quand même investi le lycée à plusieurs niveaux. Les combats et les quelques corps mythiques laissés dans salles détruites fournissent des informations que l’organisation prend plaisir à collecter pour analyse. Mais leur volonté de garder les étudiants sous surveillance et d’évaluer ceux et celles avec un contact direct avec les créatures exaspère grandement l’adolescente. Ce n’est pas une œuvre de charité, après tout, mais bien des individus voulant des résultats. Tout le monde se retrouve ainsi cloîtrer entre les murs du lycée pour une période indéterminée. La ville offrait son soutien et la présence des Héros et héroïnes pour garder le moral mais c’est trop évident que la vie ressemble à une sentence probatoire, temporaire.

Quand elle retrouve Jane avec une meilleure personnalité que ce matin, la présidente du conseil se tue d’étonnement. Le fanfaron et la soudaine requête place Makoto dans une position délicate avec des regards pouvant les dévisager. Si les étudiants doivent rester dans les locaux ou dans l’Arcadie, de rares cas comme le conseil des élèves, le recteur et les professeurs peuvent passer la frontière et retourner dans leurs résidences. Elle fait de son mieux chaque jour pour redonner de la bonne humeur aux autres et traînait pas à la tâche, sauf pour une grosse partie de la journée et le retour chez soi reste son privilège particulier. Makoto songea un instant, se tournant vers une fenêtre d’une expression focalisé sur un point invisible. Sortir une étudiante a toujours son excuse avec une bonne éloquence mais la garder à la maison dérange la jeune brunette. Quand elle entend parler de potions, son sourcil se fronce et se lève, lorgnant la blonde californienne du coin de l’œil.

- Si tu parviens à passer les gardes j’aurai une question ou deux questions à te poser. C’est mon exigence en retour.

Avec la fin des classes, les deux étudiantes descendent vers le rez-de-chaussée et vers la sortie du lycée. À l’extérieur les agents gardent l’accès vers la route asphaltée et le chemin de la liberté. Makoto présente sa passe et assume de garder Jane en sa compagnie jusqu’au retour en classe demain. C’est après quelques minutes qu’elles laissent l’ambiance tendue derrière et prenne la route de l’appartement. Makoto inspire l’air frais, marchant droitement avec la blonde lui collant aux basques.

- Bien. J’espère que tu es ravie. Tu as mentionné fabriquer des potions plus tôt. Hors, je Suis certaine que cette pratique vient d’une science médiéval…l’Alchimie.

Makoto se montre hésitante, incertaine de comment sortir sa question comme si elle craignait de raconter une étrangeté.

- Le nom « d’Aether », est-ce que cela te dit quelque chose ? Peut-être tu as apprise l’existence de potion ou de fabrication d’objets rare qui en fait mention.

Jane espérait que les choses allaient se calmer prochainement. En ce moment, le lycée Jinmu ressemblait davantage à une base militaire qu’autre chose. Des soldats se déplaçaient partout, et beaucoup de zones étaient interdites aux élèves, voire des étages entiers. La bibliothèque était également interdite, car, visiblement, une bataille avait éclaté là-dedans aussi. Autant dire que les journées étaient longues, et que, dans ces circonstances, se rendre dans la maison des sœurs Morimoto n’enthousiasmait nullement Jane. Elle avait déjà croisé Leona à plusieurs reprises dans les couloirs, et celle-ci avait été très claire avec la « gaijin », voulant la voir lécher ses pieds. Jane n’avait guère envie de s’incliner devant cette fille ! Elle donna donc à Makoto une ultime chance, et celle-ci proposa de se revoir plus tard, en contournant les gardes et les policiers qui surveillaient le périmètre.

Une fois la journée terminée, Makoto et Jane rejoignirent la sortie. Le hall d’accueil était partiellement recouvert de pierre. On disait que Batman avait été pétrifié ici lors d’un combat contre des Gorgones… Batman ! Jane avait à vrai dire encore un peu de mal à y croire, mais, honnêtement, peu de choses la surprenaient encore, après tout ce qui s’était passé. Elle avait bien vu les Vengeurs débarquer. Le bus dans lequel Jane avait été évacué avait été attaqué à un moment par des harpies quand Iron Man avait débarqué, tirant avec ses rayons répulseurs. Tout le bus avait tremblé sur place !

Le duo contourna donc le hall, et elles passèrent par une entrée de service. Makoto disposait des clefs, et Jane attrapa la lampe-torche. Elles contournèrent ainsi le premier poste de sécurité pour rejoindre le second, plus détendu, car celui-ci supposait avoir franchi le premier poste. Makoto disposait d’une dérogation spéciale, et Jane réussit à passer aussi. Il s’agissait de simples policiers locaux, et Jane hocha la tête, filant ainsi vers les quartiers sûrs. L’appartement de Makoto avait la chance d’être dans une zone relativement sûre.

Dehors, on avait l’impression d’être dans une zone de guerre. L’armée s’était massivement déployée, des hélicoptères survolaient régulièrement la ville, des chars d’assaut roulaient. Il y avait encore beaucoup de décombres, et les grues et les engins de chantier commençaient à proliférer partout, évacuant les gravats. Les civils pouvaient sortir, mais en présentant régulièrement leurs papiers d’identité. La situation était vraiment merdique, et la ville avait été quadrillée en secteurs, chaque secteur délimité par des points de contrôle où des barrages temporaires avaient été installés. L’armée filtrait tout, soucieuse de rétablir l’ordre.

En chemin, Makoto interrogea Jane au sujet de ses potions, et l’apprentie-sorcière fronça les sourcils. Devait-elle parler à cette fille de sa passion ? Ou Makoto risquait de la prendre pour une folle… Mais elle mentionna ensuite l’Aether. Jane s’arrêta alors de marcher pendant quelques secondes.

« Tu… »

Elle se pinça les lèvres, et constata que Makoto ne plaisantait pas.

« Si je suis venue au Japon, c’est en lisant les carnets de ma grand-mère. Cela sonne affreusement cliché, mais elle avait la réputation, dans la famille, d’être une sorcière. On la prenait un peu pour une folle, mais j’ai découvert que j’avais hérité de ses pouvoirs, et qu’elle mentionnait Yoake comme un endroit magique important. J’ai essayé divers arts occultes, et il s’avère que celui où je suis le plus douée, c’est l’alchimie. Enfin, rien de folichon jusqu’à présent, je n’ai pas encore eu la chance de croiser un maître-alchimiste, mais… Elle parlait d’un truc appelé l’Aether dans un de ses journaux. »

Jane avait fort heureusement une bonne mémoire, et on pouvait deviner, au ton de sa voix, que parler d’alchimie semblait éveiller en elle une passion cachée.

« Un genre d’artefact mystique très puissant… En quoi ça t’intéresse, au fait ? Ce truc existe vraiment ? »

L’Olympomachie ne laissera pas le genre humain indifférent. Sur Terre, cette attaque a déjà renvoyé des individus faibles, naïfs ou impressionnables dans les bras de cultes antiques. Un monde où la science rencontre enfin le surnaturel remet en question l’influence de pouvoirs étrangers sur cette réalité et les lois naturelles de cette planète. Le druidisme, la magie, l’alchimie, ces hommes ayant prôné des théories farfelues risquent de devenir des innovateurs trop en avance sur leur temps. Makoto fronce les sourcils et grimace avec dégoût à cette seule pensée, elle préférant suivre la logique et le pragmatisme. Quelle ironie que l’adolescente se mette à suivre la piste d’un rêve du nom d’Aether.

Elle recherche un objet sans existence dans la conscience populaire mais dont la présence est quelque part au Japon. Sans aucun indice concret autre que le nom, Makoto décida de prononcer ce mot et de voir la réaction de la sorcière en herbe. L’alchimie doit être la science médiévale la moins loufoque de son temps quand on s’y penche d’un peu plus près dans le mixage de composés chimiques sous la forme de roches et de matières végétales. Les informations de Jane rendent la présidente du conseil perplexe : Lieu magique, artefact mystique très puissant, et le nom d’Aether qui existe bel et bien sur Terre. Makoto se pince entre ses deux yeux fermés.

- La mythologie japonaise a beaucoup de légendes comme pour les panthéons d’outre-mer. Mais nos tsunamis et tremblements de terre ne sont pas l’œuvre de Yokaïs ou d’Onis. Nous ne sommes pas un peuple fasciné par des artefacts de puissance. N’empêche que ta grand-mère doit avoir fait des recherches fastidieuses pour en venir à cette conclusion…et de fait te guider vers ce pays.

Sa main s’agite comme pour disposer de la conversation. Le bruit des grues et la constante présence de soldats n’est guère l’ambiance pour parler du Shintoïsme. La barricade menant au bloc d’appartements huppés de la ville se passe sans anicroche, la jeune Makoto étant une figure familière dans le coin.

- Parfois, il faut faire attention à ce que l’on désire. Je crois me souvenir d’un vieux conte occidental avec cet homme qui aimait tellement l’or…il transformait tout ce qu’il touchait en or incluant sa femme.

Les deux adolescentes prennent l’ascenseur jusqu’au 7ème étage, le dernier du bloc appartements. Un tour de clé plus tard, elles entrent dans un espace épuré et organisé. L’ameublement consiste d’un plancher poli et d’une grande table de travail en bois ainsi que de comptoirs en granite noir. Makoto n’hésite pas à défaire sa cravate et ouvrir son décolleté. Elle prend un message sur la table et lit en silence. Sa grande sœur est encore absente pour quelques jours, ne venant que dormir quelques heures avant de repartir. Sa promesse de rattraper le temps perdu ne fait que la morfondre de chagrin. D’un mouvement de l’index elle essuie le coin de son œil.

- Bon…laisse-moi te préparer quelque chose. Cela fait des jours depuis que j’ai cuisiné pour une invitée.

Pour une présidente du conseil des élèves, elle montre aussi des habiletés en cuisine. Oubliez le niveau de grand chef étoilé, une fille de son âge s’attache aux plats simples de la maison entre des mets japonais et ceux plus occidentaux. Pour Jane elle prépare un combo sandwich et d’onigiris frits. Entre-temps, elle permet à son invité d’explorer les chambres. Celle de Makoto est rangée et en ordre outre des cahiers scolaires sur son bureau. Si jamais la californienne fouille les tiroirs, il est alors possible de trouver la photo selfie de Nijima avec une autre étudiante enlacée passionnellement. Le son de la friture résonne de la cuisine accompagnée d’une alléchante odeur. Le repas est prêt.

- Au fait, tu m’as demandée pourquoi je m’intéresse à ton artefact, n’est-ce pas ? Disons que je faisais des recherches sur l’alchimie pour une rédaction scolaire. Je suggère sommairement que l’alchimie est le précurseur méconnu de la Chimie actuelle. À savoir si un artefact comme l’Aether existe…j’espère bien le découvrir un jour. C’est tout.

Jane haussa les épaules tout en rejoignant l’appartement de Makoto.

« Ma grand-mère avait la réputation d’être un peu folle, une sorte de marginale. Je la voyais quand j’étais petite, mais je ne me souviens pas des masses d’elle. Son carnet faisait partie d’un tas de bidules que mes parents avaient entreposé dans le grenier. »

Tout cela faisait affreusement cliché, mais c’était bien ce qui s’était passé. Jane avait peut-être été inconsciemment attirée par ce carnet ? Elle n’en savait rien, mais elle se garda pour l’heure de dire à Makoto que le carnet n’était pas la seule chose qu’elle avait amené, mais aussi des artefacts, tout un tas de trucs qu’elle avait pris dans son carton. Elle ignorait jusqu’à quel point Makoto était fiable ou non. Il n’y avait pas que les Morimoto dont il fallait se méfier au lycée. Il y avait aussi ce richard insupportable, Bryan Lawson, ou encore l’autre salope de Mélinda Warren. Et Jane connaissait désormais suffisamment le lycée pour savoir que le rang ne voulait rien dire. Les différents clans avaient des professeurs comme esclaves, des membres du corps administratif, etc… Jane ne pouvait donc se fier à personne, et, en l’état, elle n’avait qu’une confiance très modérée en Makoto.

Le duo rejoignit son appartement, et Jane resta sur la défensive, s’attendant à voir une bande débarquer pour la neutraliser, et qu’elle se réveille dans une cave par la suite, attachée par des sangles, dans une tenue érotique en latex. Elle observa donc les lieux. Son téléphone portable n’était toujours relié à aucun signal. L’armée avait pris le contrôle des communications pour sécuriser la zone, et sans doute pour éviter trop de fuites. Yoake était sous cloche pendant la durée de l’état de siège, et Jane resta donc silencieuse, notant plusieurs photographies montrant Makoto avec une autre adolescente, très belle. L’appartement était du reste assez joli, très cosy, et Makoto se chargea de préparer la nourriture.

« C’est… C’est gentil. »

Jane retira également sa cravate, tandis que Makoto préparait des onigiris, des boulettes de riz typiquement japonaises. Une nourriture rapide à faire, qui changeait des burgers et des hot-dogs. Makoto revint ensuite sur le cas de l’Aether, tandis que Jane voyait, sur une photo, les deux filles en train de s’enlacer, de manière un peu plus qu’amicale.

« Hm… Et bien, je n’en sais rien. L’alchimie, à la base, c’est une technique qui consiste à modifier les propriétés des éléments naturels pour les transmuter… Mais, maintenant, c’est aussi une autre forme de science magique, une science magique qui consiste à préparer des potions et des élixirs. »

Le grand rêve des alchimistes était la pierre philosophale, la transformation du plomb en or. Mais, comme sa grand-mère l’avait indiqué dans son carnet, l’alchimie ne se résumait pas qu’à ça, ce n’était que la partie retenue par le commun des mortels.

« Du reste, je ne pense pas que l’alchimie soit une notion qu’on étudie à Jinmu. »

Matoko n’avait pas envie de lui révéler ses vraies raisons, et Jane savait qu’elle avait menti en parlant d’une histoire de rédaction scolaire.

« Et je ne compte pas aider les Morimoto ou les Warren, donc, tant que je ne saurai pas ce que tu veux vraiment, et ce qu’est cet artefact, ne compte pas sur moi pour t’aider avec cette histoire ! »

Makoto prépare chaque assiette avec un sandwich à la dinde – incluant des ingrédients comme la laitue, tomates et mayonnaise – ainsi que trois onigiris frits avec un centre composé de thon en conserve. Elle contemple ses plats puis l’invitée quelque peu fouineuse.  Sans préparation préalable, les photos de son ancienne amie sont en évidence dans sa chambre, livrant ainsi un aspect intime de la présidente du conseil. C’est normal pour tout le monde d’avoir ses secrets et ses côtés plus particuliers. Jane parle bien de sa grand-mère et de l’obsession d’une femme âgée pour un rêve se rapprochant si près de l’objet sans visage du nom d’Aether. Makoto écoute attentivement, affichant un air relax comme pour une discussion normale entre adolescentes.

Elle pose les assiettes à la table à manger et leur sert une bouteille de jus à la pêche, un préféré de Makoto bien qu’elle affiche qu’un maigre sourire satisfait par l’élaboration du repas. Nul besoin d’ustensiles puisque tout ce mange avec les mains. Elle croque avec appétit dans son onigiri quand son corps s’immobilise instantanément. Un œil discret, vigilant mais lourd fixe la lycéenne, se baissant pour ne pas croiser son regard. Des nuits durant elle ne trouve aucun indice sur l’Aether, sur ce nom qui n’existe pas dans les récits et contes officiels. Elle marche dans la noirceur sans aucune lumière pour la guider dans la direction appropriée, sautant sur n’importe quoi pouvant lui apporter le murmure d’une direction ou d’une énigme pour résoudre un casse-tête aussi compliqué. Grâce à Jane, elle détient ce mot extrêmement important qui en l’espace de quelques secondes lui éclaire le chemin. Makoto mâche sa bouchée avec lenteur et avale avant de glousser doucement, les paupières fermées avec une certaine élégance.

- La transmutation…le fantasme des alchimistes et de l’Humanité. Transformer le mercure en argent, transformer le plomb en or. C’est donc cela, le rêve de la science magique ? La fonction même de l’Aether ?

Ses jambes se croisent, se frottent l’une contre l’autre dans une excitation dissimulée sous la table. Elle savoure son repas dans le calme, profitant du calme relatif à comparer de l’infernale cacophonie des moteurs de véhicules militaires à chaque point d’inspection. Makoto attend que Jane termine pour desservir la table. Toutefois, elle demande à Jane de l’accompagner au lavabo pour laver assiettes et accessoires de cuisine. Leurs bras plongent dans l’eau chaude et le savon. De toute façon elles allaient prendre leur douche une à la fois durant la prochaine heure. Makoto fixe avec insistance la planche à découper qu’elle essuie avec un torchon. C’est le moyen d’éviter l’avertissement inquisiteur de Jane. Son excuse d’une rédaction scolaire ne fonctionne pas, l’américaine n’étant pas dupe.

- Je n’ai aucune intention de marchander ou te tirer les vers du nez. Je respecte ton choix et comme promis tu dormiras ici ce soir. Profites bien de la douche et de ta soirée.

Les heures suivantes passent sans tension entre les adolescentes. Après le lavage Makoto s’est refermée dans une figure exemplaire d’hôte à l’écoute de son invitée. Elle lui laisse utiliser la douche et la télévision pour un peu de distractions de l’été de dépressif de l’extérieur. La présidente se lave et passe sa soirée dans sa chambre à étudier et lire un bouquin avec sa porte entre-ouverte.  L’épuisement vécu aujourd’hui la pousse à se mettre en sous-vêtements et s’enfouir dans son lit, laissant Jane dormir dans le salon avec des couvertures propres. Minuit arrive. Quelques minutes scintillent dans la fenêtre de Makoto lorsqu’elle se réveille en toute discrétion. Sa porte fermée et la garantie que Jane dort à poings fermés lui permet d’activer sa bague et changer sa tenue pour une nuit plus que prometteuse.

Le matin se lève dans le salon de l’appartement. Makoto n’était pas présente pour le petit déjeuner. À la place se trouve Sae Nijima, la grande sœur et une des procureures de la ville. Elle boit son café et lit le journal quand elle hoche la tête vers l’étudiante étrangère.

- Bien dormie ? Makoto m’a dit de te laisser manger et te préparer pour le lycée aussi tôt que possible. Ça semblait très important. Est-ce que tout va bien avec ma petite sœur ?

« …Les agressions se multiplient en Grèce contre les édifices religieux, tandis que les autorités grecques craignent un recul significatif du tourisme dans les prochains mois…
-  …La commune de Yoake est toujours en état de siège. L’armée empêche toute entrée et toute sortie, et les plaintes se multiplient. Nous avons justement en duplex une mère de famille, très inquiète de n’avoir plus aucune nouvelle de sa fille, tandis que des avocats menacent de déposer des plaintes… »

Les actualités ne faisaient plus état que de la crise à Yoake, et de l’Olympomachie. En même temps, ce n’était pas tous les jours que les Dieux olympiens descendaient sur Terre pour vous détruire. Bien que la crise avait été localisée à Yoake, elle avait un retentissement mondial. Les informations s’étaient propagées comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. L’armée empêchait les Yoakïtes d’avoir accès aux réseaux sociaux, mais elle ne se faisait aucun doute sur ce qui devait figurer en Top Tendances sur Twitter : « yoake », « olympe », « dieux », « apocalypse »…

Jane n’était pas encore décidée à montrer son carnet à Makoto, elle ignorait encore si elle pouvait lui faire confiance ou non. Elle observa depuis la fenêtre de sa chambre les environs, et finit péniblement par trouver le sommeil. Un sommeil libérateur qui l’amena au lendemain. Jane se réveilla en s’extirpant du lit, portant un débardeur de nuit avec un shorty rose. Elle bâilla, les cheveux en bataille, et retourna dans le salon… Où elle croisa une autre femme que Makoto.

« Euh ? »

Sapée en quatre épingles, la nana avait une allure d’aristocrate bien baisable digne d’un hentai. Jane fronça les sourcils en la voyant.

« Okay… J’ignorais que Makoto avait une grande-sœur, mais… Whatever, c’est okay. »

Après tout, elle et Makoto n’étaient pas intimes, ce qui amena encore Jane à se demander pourquoi Makoto avait accepté si simplement de l’amener chez elle, et pourquoi l’Aether l’intriguait tant. Mais elle aurait peut-être ses réponses plus tard ?

« Votre sœur est cool, suffisamment pour m’avoir hébergé chez elle, alors… Je dirais qu’elle est plutôt sympa. Et vous ? Vous faites quoi dans votre métier ? Vous êtes bloquée comme moi à cause de tout ce merdier divin ? »

Il n’était pas dit que Jane se montrerait plus sage avec une personne plus âgée, mais, au moins, elle ne l’insultait pas. Elle venait de se préparer un chocolat chaud, et gratta des biscottes avec du beurre… Une chose qu’elle aimait bien. Elle s’assit ensuite, et commença à manger, tout en sachant qu’elle allait devoir retourner au lycée, pour une autre journée qui promettait encore d’être très particulière, avec l’état de siège actuellement en cours.

Sae montre des signes d’épuisement. À mesure que les agitateurs, les vandales et les pilleurs, des centaines d’autres prennent leurs places et les constats d’infraction s’empilent sur son bureau. Son boulot s’étire sur des heures durant sans voir le bout du tunnel avant des semaines ou même un bon mois. Quelques cernes se voient sur le visage de la grande sœur qui accepte Jane à sa table. C’est une bonne idée de manger quelque chose et Sae se fait du pain perdu. À force de côtoyer des cas criminels aussi déjantés, voir des froncements de sourcil ou entendre un langage peu esthétique de la part d’une adolescente étrangère ne l’importune pas.

- Makoto est du genre à rester discrète et introvertie. Mais ce qu’elle manque dans ses interactions elle compense avec son attention pour les autres. C’est une nécessité si jamais elle veut respecter la tradition familiale et devenir officier de police. Moi-même je suis procureure.

La famille Nijima a une longue histoire au sein des forces de l’ordre et de la Justice. Tout a commencé avec un arrière grand-père d’origine française ayant inspiré sa lignée vers la voie de la justice. Sae se montre bavarde, dévoilant cette information à son invitée. La femme doit se sentir si débordée que cette conversation lui permet de retirer un poids de ses épaules ne serait-ce que pour quelques minutes.

- La ville est en quarantaine jusqu’à ce que l’armée ait terminé l’inspection de toutes les zones de combat. Je ne m’arrête que pour dormir et manger, rien d’autre. À cause de cela, je perds ma sœur de vue et j’ignore ce qu’elle doit penser de moi ou comment elle gère sa peine. Sa meilleure amie est morte durant l’attaque divine. Pourtant, je sais qu’elle assume ses responsabilités à l’école avec un grand courage.

La grande sœur se lève et commence à serrer leurs vaisselles sales. Elle demande alors à Jane de se préparer à partir, lui offrant même de la reconduire au poste de contrôle face au lycée.

-----------------------------------------------------

Une fois de retour au lycée Jinmu, la situation est partiellement identique à hier matin entre des étudiants aux prises avec l’angoisse et le désespoir d’une vie aussi intensément chamboulée et ceux s’accrochant aux discours et visites d’espoir. Aujourd’hui c’est au tour de Wonder Woman de venir offrir son soutien moral aux adolescents sur place. C’est au gymnase que les étudiants peuvent se rassembler pour voir et photographier la super héroïne. Les chanceux capables de l’approcher et de la toucher le font avec admiration pour cette guerrière venue de l’Occident. Aucun discours n’est prévu mais pourtant on commence à entendre les haut-parleurs émettre des bruits statiques qui se déforme en son indéchiffrable. Une fois le son stable, une voix se fait entendre dans tout le lycée.

- Mes excuses pour cette annonce surprise. Je n’ai pas envisagé de meilleurs moyens pour que mon message parvienne aux oreilles de tous les élèves.

C’est la voix de Makoto Nijima, présidente du conseil des élèves. Ce geste est si soudain et si anormal que les étudiants se regardent et murmurent des paroles entre eux. Même Wonder Woman observe attentivement le haut-parleur du gymnase et prend un peu de distance des adolescents immobiles. La jeune fille se racle la gorge et ajuste le ton de sa voix avant de reprendre.

- J’ai beaucoup réfléchi après mon discours de la journée précédente. Je reste fermement campé sur ma position comme quoi ensemble on restera toujours fort. Toutefois, j’ai aussi lu dans le regard de mes connaissances et d’une certaine amie comme quoi les mots ne suffisent plus. Parfois, les mots n’effaceront jamais les peines ou le désespoir de quiconque manque de foi ou de force. Je vous annonce mon intention de négocier avec le clan Morimoto aujourd’hui même pour que le lycée puisse apprécier une excursion libératrice hors de la ville. Nous irons passer une couple de jours à Tokyo !

La nouvelle à l’effet d’une bombe. Des exclamations et des hourras de joie remplacent l’ambiance morose du gymnase, des salles de classe, de la cour extérieure et des corridors. C’est après une dizaine de minutes que Makoto est vue marchant dans le corridor principal. Des lueurs de vie naissent dans ces regards qui la scrutent de fond en comble alors qu’elle marche droitement vers la sortie. Il existe un pavillon réservé au clan Morimoto et très vite des filles à la solde de la puissante femme lui indiquent la direction. Makoto les suit après avoir posé un regard déterminé vers Jane.

Alors, sa grande-sœur était Proc’ ? Cela expliquait sûrement comment Makoto avait eu des dérogations pour quitter le secteur Jinmu. Jane hocha doucement la tête, sans trop savoir quoi dire en plus. La Procureure avait l’air épuisée, et il y avait de quoi l’être. C’était le chaos complet dehors. Il fallait réinstaurer l’ordre, et sûrement lutter contre la hausse de la délinquance. Le Japon était certes un pays plutôt calme, mais, quand des Dieux vous tombaient dessus, cela perturbait un peu vos habitudes. Jane n’allait donc pas insister davantage, mais elle n’était pas non plus totalement ingrate.

« Ce que votre sœur a fait pour moi, c’est vachement cool, en tout cas, elle est sympa. Je ne pouvais pas rentrer chez moi, mon appartement se trouve dans une zone dangereuse, près du coin où il y avait le camp principal des Olympiens. Donc… Je dois vous avouer que je sais pas trop pourquoi Makoto a accepté de m’héberger, c’est pas comme si on était très proches, elle et moi. ‘Fin, je la déteste pas, mais… Enfin voilà, c’est cool. »

Elle n’allait pas insister, et se proposa pour aider Sae à nettoyer la vaisselle…
Tandis que Jane revenait au lycée, Leona Morimoto était occupée avec sa sœur, Reina. Plus âgée qu’elle, Reina était plus effacée, mais dirigeait les activités de la famille, laissant à Leona la gestion du club social. Depuis un bureau de l’administration, Leona observait avec intérêt l’Amazone. Wonder Woman était venue à l’improviste pour encourager les adolescents, et on lui avait dit que Makoto avait un plan pour relancer l’attractivité du lycée.

« Je n’aime pas ça, Reina-san… Nous avons déjà perdu beaucoup d’influence avec des pestes comme cette Warren-san… Makoto va réduire l’influence du club social !
-  Tu as toujours imputé tes propres échecs sur le dos des autres, Leona-chan… »

Seule Reina pouvait appeler Leona « Leona-chan » sans craindre quoi que ce soit, comme si cela était le signe de sa supériorité sur elle. Leona grommela doucement en croisant les bras. Elle avait proposé à Reina d’inviter l’Amazone chez elles, mais Reina avait catégoriquement refusé. Wonder Woman était trop forte pour elles, ce qui avait agacé Leona. Trop forte pour elle ! Personne n’était trop élevée pour Leona ! Elle était sûre qu’avec les bonnes drogues et la bonne motivation, elle arriverait à convaincre Wonder Woman de la servir. Cette seule idée l’excitait furieusement.

Buvant tranquillement son café, Reina reposa sa tasse.

« Makoto m’a proposé d’organiser un séjour de tous les élèves à Tokyo.
-  Hein ?!
-  Enfin, cette proposition nécessitera l’aval de la Fondation Jinmu, mais je pense la soutenir. C’est pour nous une excellente organisation de raffermir l’emprise du club social sur le lycée, et pour toi une occasion de me montrer que tu es digne d’être la Présidente de ce club.
-  Tu doutes de mes capacités ?
-  Je tâche de rester objective là où tu es aussi impulsive qu’une pile électrique, Leona-chan. Makoto est populaire, Mélinda l’est aussi, ce sont des rivales avec qui il faut adapter nos stratégies. Tu as voulu récupérer Shii il y a quelques mois, tu as cru que tu pouvais la retourner, et, résultat, nous avons perdu plusieurs recrues potentielles. »

Leona grommela doucement au souvenir de cet échec.

« Makoto ne m’inspire pas confiance.
-  Mais tu vas quand même écouter sa proposition. »

Reina se leva, et contourna son bureau, délaissant le professeur nu attaché dessous qui la léchait servilement. Sa main se saisit du menton de sa sœur, et Reina l’embrassa brièvement sur les lèvres.

« Et, pour cette fois, tu ne vas pas échouer, ou je te punirai encore, Leona… » dit-elle sur un ton doucereux, mais empreint d’une menace sourde et profonde.