Silencieusement, Elena relisait sa dernière lettre, dans son petit cabinet. Elle était anxieuse, nerveuse, et passablement excitée. Les corbeaux et les éclaireurs affirmaient que c’était aujourd’hui que la délégation d’Edoras devait arriver, depuis un navire qui avait remonté un fleuve pour filer le long de la mer, et ensuite rejoindre Tekhos Metropolis. La Reine de Lumen n’avait jamais vu la Princesse d’Edoras, la belle Hinata, mais, pourtant, les deux femmes se connaissaient intimement. Elena lui avait envoyé sa première lettre quand elle avait six ans, au monastère de Saint-Antoine.Chère Hinata,
C’est avec grande joie que j’ai appris que tu t’étais remise de ton rhume carabiné, et que tu envisageais enfin de t’accorder un peu de temps pour venir à Lumen. J’ai été fort aise d’apprendre que tes guérisseuses avaient fait des merveilles pour t’aider à aller mieux, et je suis donc infiniment et sincèrement soulagée que tu te portes bien.
De mon côté, les jours heureux où je pouvais me prélasser dans ma Tour semblent définitivement terminés. C’est à croire que le monde entier veut me voir ! Je dois toujours organiser un séjour à Kovar, mais j’ai aussi un séjour diplomatique prévu à l’Empire de Vapeur... Tu sais, ce sont ces gens qui vivent dans les airs, et qui ont tant besoin de ces minerais précieux. Je n’ose leur dire que, pendant des années, nous estimions que ces minerais ne servaient à rien, et qu’on s’en servait comme vulgaire éléments de décor, quand on ne les perdait pas dans les malles du grenier. Je pense qu’ils risqueraient de le prendre mal, tu ne crois pas ?
Ah, Hinata, je ne saurais à quel point l’idée de te voir enfin me ravit ! Tu as été l’une des toutes premières à qui j’ai osé écrire une lettre, il y a des années de ça. J’étais encore au monastère de Saint-Antoine, à cette époque, et j’apprenais péniblement à écrire, et à écrire bien. Hors-de-question de faire la moindre petite rature sans me frotter à l’hostilité des moines, qui me faisaient soigneusement réécrire chaque mot. C’est là que je tiens cette magnifique que tu apprécies tant. Crois bien que te lire m’écrire que mes mots sont la perfection est un compliment qui me va toujours droit au cœur.
Dans tous les cas, j’attends avec impatience ta venue. Sois assurée que cette visite à Lumen saura t’enchanter.
Tu sais que j’ai été voir les Hauts-Elfes, récemment ? Le Bosquet de la Sylve est tout simplement extraordinaire ! Je crois n’avoir jamais vu un tel endroit de toute ma vie ! Une telle harmonie au sein de la Nature... Je devrais peut-être t’y emmener, cet endroit te plairait fortement, à une Edorrassienne comme toi.
Au plaisir, non seulement de te voir, mais de te lire.
Alors qu’elle apprenait les rudiments de la géographie de Terra, et l’art de l’écriture et des mathématiques, la Reine lisait chez elle un atlas. Elle avait ainsi entendu parler d’Edoras, et avait sympathisé avec Hinata. Leurs liens s'étaient renforcés lorsqu'Hinata avait vécu une véritable tragédie, qui avait meurtri douloureusement son pays... Son frère aîné, Shin, avait massacré toute sa famille, afin de prendre le pouvoir. Un coup d’État sanglant, qui avait échoué de peu, Hinata ayant été la seule survivante, grâce à l’aide de son ange gardienne, Nora. Comme elle, Hinata Kaguya était une orpheline, et, quand Elena l’avait vu, elle avait continué à envoyer des lettres, lui apportant tout son soutien.
Elle s’attendait toujours à ce que ces lettres ne dépassent jamais le stade de la censure, mais Jamiël s’était personnellement assurée que les lettres resteraient confidentielles, afin que seule la Princesse d’Edoras puisse la lire. La lettre avait été signifiée par huissier, ce qui en garantissait la confidentialité.
Hinata lui avait cependant répondu, et leur correspondance avait ainsi augmenté, progressivement. Il était maintenant temps d’envisager une rencontre diplomatique, et la Princesse d’Edoras avait accepté de venir. La Reine était relativement honnête dans ses propos, et Hinata savait notamment qu’Elena avait réalisé des escapades avec Adamante depuis les souterrains du Palais d’Ivoire. De même, Hinata savait qu’Elena avait avec elle une peluche de dragon offerte par la Princesse de Sylvandell, et qu’elle avait aussi, dans un pot de sa chambre, un cheveu blanc d’une Amazone, Persée.
La délégation edorassienne rejoignit une partie du port. Dehors, il faisait particulièrement beau, et un léger vent frais faisait remuer le navire edorassien. Il avait été escorté par une solide garde Lumenienne, afin d’éviter toute attaque de pirates. Un homme très particulier se tenait sur le quai. Il était accompagné d’autres soldats, et il y avait une légère foule observant la scène. Depuis les quais, on pouvait voir l’imposant Palais d’Ivoire, un épais château se trouvant au sommet de la montagne. L’homme qui comptait les accueillir personnellement était un vieil ami de Liam Ivory. C’était le chambellan du château, un militaire qui siégeait au Conseil royal, en tant que régent, Ronad « Scar » Langley.
Lorsque les pages annoncèrent l’approche du navire, Elena décida de s’y rendre en personne. Enfilant une belle robe, elle fila dans un château qui quitta le Palais d’Ivoire, et s’enfonça dans la ville, filant à travers les rues. Il n’y avait, dans le chariot, qu’elle et Adamante.
« J’ai hâte de la voir...
- Tu es aussi très nerveuse... C’est pour ça que tu m’as rejoint cette nuit, je suppose ? »
Elena sourit lentement, acquiesçant en hochant la tête. Adamante la connaissait bien, et savait tout à fait comment fonctionnait la Reine. Elle tremblait d’impatience à l’idée de rencontrer son amie d’enfance. Ce n’était pas un comportement royal, mais elle n’y pouvait rien. Elle était ainsi.
Elena et Adamante rejoignirent ainsi le quai lorsque le navire s’approchait, n’étant alors plus escorté, suivant les bouées qui le menaient au quai. Alors que le navire approchait, de la main, Langley fit signe. Une nuée de colombes s’envola, alors que des musiciens amenaient sur place se mirent à entonner l’un des hymnes nationaux de Lumen, l’Hymne au Château, un court chant patriotique qui, dans l’esprit de l’Ivory qui avait demandé à ce qu’on le compose, suite à la construction du Palais d’Ivoire, devait symboliser ce qu’un étranger ressentait en voyant le Palais d’Ivoire.
La courte chanson terminée, Ronald Langley s’avança poliment, et sourit en voyant la délégation descendre.
« Lumen est fier d’accueillir en son sein la belle et prestigieuse Princesse d’Edoras ! »
Elena était juste derrière lui, un sourire ravi sur les lèvres.
Hinata était aussi belle que ce qu’on lui avait dit.