Le temps passe si vite, dans nos vertes contrées !
La Fleur des Champs était heureuse ! Elle menait une vie beaucoup plus simple et paisible grâce au soutien de son nouvel entourage. Elles se répartissaient équitablement le travail. La charge, bien moins importante ainsi partagée, permettait à tout le monde d'économiser des forces et du temps.
-
N'y songe même pas ! lui hurla une voix dans sa tête, que la fermière n'avait pas l'habitude d'entendre aussi fort.
Marisa eut un sursaut si violent qu'elle faillit déchirer une robe d'Actaia !
La fermière baissa les yeux sur son bracelet de fleurs. C'était la voix d'Yggdrasia, la Nymphe des Bois qui lui avait offert ce présent, qui avait manqué lui court-circuiter les neurones.
- Hein ? Quoi ? Yggdrasia, c'est toi ?! Mais... pour quelle raison je ne devrais pas... ?
Nous avons un problème - un énorme problème !
La tension qu'elle percevait dans la voix de la Dryade fit courir un frisson glacé le long de son échine.
- Euh... Tu m'expliques, Pot de Sève ?
- La ferme est en grand danger ! annonça, d'une voix fluette, la Nymphe de Bois sous sa forme la plus mignonne et la plus petite - moins de trente centimètres - d'entre toutes celles qu'elle aurait pu choisir. (Elle agita les bras au-dessus de sa tête.) La pire engeance de la forêt envisage de s'en prendre à ta maison !
Marisa, qui s'était tournée vers la mini Yggdrasia plantée dans l'herbe, eut un mouvement de recul.
- Notre maison ?! Mais-mais-mais... qu'est-ce qu'on leur a fait à ces... Minute, ma cocotte ! (Elle eut l'air intriguée.) A ces quoi, au juste ?
- Un vilain groupe de satyres ! couina la Dryade. Et figure-toi que c'est... comment dire... un petit peu de ta faute ?
- Quoi ?! Mais j'leur ai jamais rien fait, moi, à ces trucs !
Visiblement, elle ne savait pas de quoi son amie voulait parler.
Yggdrasia croisa ses petits bras sur sa poitrine quasi inexistante et la regarda comme la dernière des ahuries.
- Toi, t'es jamais allée à l'école du folklore, pas vrai ? (Elle évacua un lourd soupir.) Moitié homme, moitié bouc : ça ne te dit rien ?
- J'ai appris à lire, à compter et à écrire avec l'aide de mes parents, déclara la fermière, modérément vexée. Excuse-moi si je n'ai pas eu la chance d'aller à l'école, MOI.
- Bah ! Tant pis. On s'en fiche, de ton éducation dévoyée ! L'heure est grave, Fleur des Champs !
- Mais-qu'est-ce-que-je-leur-ai-fait-de-mal, à-ceux-là ?! insista pointilleusement la jeune femme, paniquée.
- Tu as forniqué à portée de leurs oreilles ! l'accusa Yggdrasia en la pointa d'un doigt sentencieux. Avec ce beau garçon, de l'autre fois !
- Ah ! Qui ça ? Trisan Lebrun ? Oh ! Je me souviens~
- Arrête tout de suite de rêvasser ! (Elle lui gifla le tibia, de quoi lui arracher un petit cri.) Nos ennemis sont des saccageurs et des violeurs en puissance. Tu as fait envie à ces monstres cornus, ma pauvre ! Et maintenant, ils t'ont dans le collimateur, la verge dressée en première ligne.
- Je les ai... autant excités que ça ?
- Et pas qu'un peu ! s'insurgea la Dryade. Je n'ai eu de cesse de les surveiller depuis ce jour où ils ont prononcé ton nom et se sont mis à échanger autour. (Elle pointa du doigt la forêt.) Si tu t'aventures dans ces bois, tu vas te faire tringler jusqu'à trépas, ma petite Pyra ! Et tu sais ce qu'il va se passer s'ils s'y prennent mal ? (Marisa n'eut pas le temps d'en placer une.) C'est toute la forêt qui va se mettre à flamber - et pas seulement tes miches !
Choquée, Marisa porta les mains à sa bouche.
- Haaaan !!
- Les satyres sont mes Némésis, précisa Yggdrasia. Et vu leur nombre, à nous trois nous n'aurons aucune chance d'en venir à bout.
- Et ils n'hésiteraient pas à se faire plaisir sur le dos d'Actaia ?!
- Bien sûr ! qu'est-ce que tu crois ? qu'ils ont un cœur d'artichaud ? Ces prédateurs sexuels n'épargneront pas un grain de votre peau, tu comprends ?!
- On est dans la mouise ! s'écria Marisa, les poings crispés sous son menton.
- Il nous faut des renforts - et vite ! (Elle regarda la fermière avec gravité.) Nous n'avons plus le choix : tu vas devoir sacrifier tes économies.
- Quoi ?! Mais ça représente des heures et des heures de travail !
- Je le sais. J'ai tout vu.
- COOOMMMEEENNNNT CAAAA ?!!!
- Presque tout, lui concéda posément la Dryade.
- T'es une VOYEUSE ?!
- Je suis une nymphe, rectifia la concernée. Rien ne m'échappe quand il est question de galipettes entre bienheureux de la campagne. (Elle lui rendit son regard de reproche.) Maintenant, arrête de te plaindre et préviens la Fille de l'Eau de la situation ! Nous n'avons plus une seconde à perdre, au cas où tu l'aurais déjà oublié.
Marisa, les joues encore rouges de leur échange, courut mettre au courant sa meilleure amie.