La capitale éponyme de Lumen est une immense cité maritime, au croisement de toutes les civilisations !

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Elena Ivory
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[HRP. – Je l’affiche ici, maintenant que j’ai trouvé une image potable : voici l’apparence d’Oswald Mandus.]

Qu’elle le tutoie étonna un peu Thibault. C’était comme si elle était du même rang que lui... Certes, il l’avait tutoyé, mais il se voyait mal vouvoyer une esclave, ou, à défaut, une servante. Néanmoins, il eut la sagesse d’esprit de ne faire aucune remarque désobligeante à ce sujet. Il avait de toute façon l’esprit assez préoccupé comme cela, et était bien d’accord avec un point : il était temps de partir. La Okami lui expliqua qu’elle avait le sentiment que quelqu’un l’avait tiré, mais Thibault ne voyait aucune cache dans cette pièce étroite... Cependant, il était possible qu’il y ait un quelconque dispositif caché. Quoiqu’il en soit, Thibault était également pressé de partir d’ici.

« Enfin, quittons cet endroit, j’en ai assez vu et je n’aime pas ce manoir…Toi non plus non ?
Pas vraiment, non... J’irais même jusqu’à dire qu’il me fiche les jetons. »

Encore cette peur irrationnelle qui revenait. Ce manoir était-il donc hanté ? On disait qu’il avait connu la mort de deux enfants, ainsi que de leur mère. Il y avait là un potentiel émotionnel fort suffisamment fort pour déclencher des réactions magiques. Thibault savait que les fantômes hantaient généralement les vieilles maisons parce qu’elles étaient chargées en émotion. Or, la magie, avant d’être une question de raison, d’apprentissage, restait fondamentalement une affaire de passion. Des choses s’étaient terribles avaient eu lieu dans ce manoir, et cet antre le montrait. Thibault frissonna donc, et redescendit en contrebas. Il aida la Okami à regrouper les documents, et, en s’avançant le long du couloir, les deux virent alors ce que Thibault n’avait pas vu : un autre tableau, dans le couloir, similaire à celui qu’il avait vu dans la petite pièce.

Un nouveau frisson le traversa à nouveau en contemplant cette œuvre dérangeante. Il était sûr que cette femme tuait ses enfants pour les manger. Une sorcière. Ou une démente. Et, maintenant qu’il le regardait plus attentivement, il voyait des espèces de lignes filant le long du cou du bébé, et en vint à se demander si cette créature sur les jambes de la femme était toujours en vie. De même, n’y avait-il pas du sang au bout de son poignard ? Il s’y arracha à nouveau, pressant le mouvement, redescendant au rez-de-chaussée, et laissa la Okami filer vers Mandus et la Reine.

« Et ben, mon vieux Thibault, on dirait que tu as vu un fantôme ! lâcha l’un de ses camarades.
Je crains fort que tu n’en sois pas si éloigné... »

Quand Shad rejoignit Adamante, Elena, et Oswald, ce dernier était en train de leur expliquer comment il s’était retrouvé à boiter.

« C’est là l’une de ces ironies dont le sort a le secret, en réalité. J’ai traversé le monde de part en part, j’ai affronté d’horribles bêtes, des créatures ignobles, vu des autochtones xénophobes et cannibales... Et, pourtant, c’est un banal accident d’escalier dans mon entreprise qui m’a luxé les os. Ironique, vous dis-je ! Ah, mais je parle, je parle, et je ne remarque pas que votre charmante majordome nous a amené le thé. Je vous remercie, ma chère. »

Elena la remercia également, trouvant que la jeune femme avait pris son temps. Elle avait du en profiter pour fouiner un petit peu. Elle déposa le thé, et chacun prit une tasse, tandis qu’Oswald leur montra le dossier.

« Vous connaissez sûrement Maître La Volace, chère Adamante, puisque vous fréquentez le Centaur Club. C’est un notaire, et c’est à lui que je me suis adressé pour organiser la succession de mon bien. Voyez-vous, le père Lamb est membre d’une organisation, un ordre religieux : le chapitre des Hospitaliers de Lumen. »

Les Hospitaliers étaient un groupe religieux très populaire au sein de la population, en ce sens qu’ils juraient d’accomplir un service particulier auprès de la population bénie, se tournant généralement vers les plus faibles et les plus démunis : pauvres, malades, réfugiés de guerre... Ils étaient la facette positive de l’Ordre Immaculé, une facette que des organisations comme l’Inquisition avaient tendance à masquer. L’ordre des Hospitaliers se divisait en une multitude d’ordres, qu’on avait pour coutume d’appeler « chapitres ». Le Chapitre de Lumen était un ordre très connu pour son bénévolat, officiant énormément dans les bas-fonds. Tekhos avait également son chapitre, qui officiait dans les ghettos de mâles, et, de ce qu’Elena en savait, il était très mal vu de s’en prendre aux moines hospitaliers. Pour certains, l’origine de leur nom faisait référence à une ancienne prérogative militaire datant des nations antiques, l’hospitalitas. En temps de guerre, et dans des circonscriptions administratives bien précises, cet ordre obligeait la population civile à héberger en son sein les militaires. Les anciens coutumiers indiquaient aussi que, généralement, les troupes allaient dans les grandes propriétés, et s’entendaient avec le propriétaire foncier pour qu’il leur attribue une partie de ses terres, le temps de leur passage. L’hospitalitas était fondé sur la paix et sur la sécurité juridique des citoyens, afin de leur éviter d’être pillés par leurs propres soldats, et, de manière plus générale, sur la nécessité d’entraide et de solidarité au sein de la population.

Mettant fin à cet aparté spirituel, la Reine posa une question :

« Vous comptez vendre votre bien ? » demanda-t-elle.

L’homme se mit à sourire, et secoua la tête de gauche à droite :

« Non, je compte le donner à ma mort... Ou même avant. Je le donnerais aux Hospitaliers de Lumen, qui le reconvertiront en orphelinat, en crèche, ou que sais-je encore... Ce beau manoir accueillera quantité d’enfants venant des bas-fonds, des gosses qui sont des réfugiés de guerre, ou tout simplement des fils de miséreux, et qui crèchent dans de vrais dépotoirs insalubres. Savez-vous combien meurent de la grippe chaque année ? Alors, je leur ferais don de mon manoir, voilà ! Et j’espère que voir tous ces miséreux donnera à réfléchir à ces gens bienpensants du Centaur Club. »

Elena hocha lentement la tête. C’était une offre... Inattendue. Il y avait suffisamment de mobilier chic ici pour entretenir le manoir pendant des années, et payer sans problème les taxes foncières. D’un point de vue juridique, faire une donation ne posait aucun problème, Oswald ayant assurément suffisamment d’argent pour payer les taxes royales. Et, d’un point de vue social, une telle œuvre ferait assurément jaser. L’idée était bonne, visant vraisemblablement à un décloisonnement, à rapprocher les pauvres des riches. Elena était suffisamment perspicace pour savoir que ce rapprochement se ferait par les enfants. Les gosses du quartier, des fils de bourgeois, de marchands, de négociants, iraient voir tout ce fatras. Aussi folle soit-elle, cette idée pouvait marcher.

La Reine consulta brièvement les papiers. L’acte authentique était, fort justement, authentique, même s’il n’était pas terminé. Ce vieux fou comptait donc vraiment vendre son manoir... La Reine ne savait pas quoi en penser, et, pour le coup, on pouvait dire qu’elle était surprise.

« Moi, je vivrais dans mon abattoir, fit-il en haussant les épaules, il n’y a que là que je me sente bien, que là que j’ai l’impression d’avoir donné un sens à ma vie. »

La conversation tirait à sa fin. La délégation royale finit par partir, non sans remercier chaleureusement Oswald. La Reine commencerait donc par visiter l’église, avant d’aller à l’abattoir, et s’en tiendrait au programme d’Oswald. Le duo se retrouva donc dans une calèche, ensemble, accompagnées par Shad.

« Je suppose que nous te devons quelques explications, maintenant, Shad... Mais je n’ai jamais apprécié beaucoup l’idée de parler en calèche. Je suppose que tu as du jeter un œil dans ce manoir, et je te propose de résumer ce que tu as vu dans ta tête, pendant que j’en ferais de même. Nous en discuterons chez moi... Au Palais d’Ivoire. »

Adamante se permit un sourire, et se pencha vers Shad.

« Voilà ce qui s’appelle être chanceuse... Rassure-toi, le palais royal est beaucoup moins austère que le manoir de ce cher Monsieur Mandus. »

Pour le coup, Elena ne put que sourire.

Elle était entièrement d’accord.

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Shad
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La Okami resta silencieuse pendant l’échange entre la Reine et Mandus, pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de repenser à tout ce qu’elle avait vu et surtout aux sensations qu’elle avait ressenties depuis son arrivée en ces lieux. Etrangement, la mention d’utiliser le manoir en tant qu’orphelinat pour les jeunes démunis de Lumen n’arracha pas le moindre sourire à la Louve.  A la mention des enfants, l’image du tableau avec l’image d’une mère au regard dément lui revint en mémoire. Pour sa part, elle imaginait très mal des enfants ou toutes autres personnes censées dans ce genre d’endroit.

Un endroit remplit de bien de mystères. A bien y réfléchir, Shad aurait encore pu fouiner pour trouver d’autres éléments mais quelque chose lui disait de ne pas continuer et de retourner dans la salle de séjour.  De toute façon, ce n’était pas comme si elle rentrait bredouille, de plus, le garde qui l’avait accompagné pourrait également faire acte de son ressenti. Elle était sûre que lui aussi avait été témoin de phénomènes étranges à l’étage. Mais quoi qu’il en soit pour le moment, elle devait attendre la fin de la visite.

Enfin la conversation se terminait et cela signifiait bien entendu le départ des trois femmes. Ainsi que ceux des gardes royaux.  Toujours dans son rôle, l’Okami salua humblement avec respect le propriétaire de l’abattoir avant de rejoindre la calèche, y entrant avec la Reine et Adamante. Une fois à l’intérieur, elle poussa un long soupir, comme si elle pouvait enfin relâcher une pression accumulée depuis des heures. Ceci étant fait, elle s’apprêtait à prendre la parole avant d’être devancé par la Reine qui lui proposait de se rendre au Palais d’Ivoire pour discuter de tout ce qu’elles avaient découvert chacune de leur côté.

« J’imagine oui. Je ne pense pas que beaucoup de Okamis ont la chance d’entrer dans la demeure royale en tout cas. Mise à part des esclaves peut être ? »

Elle haussa les épaules en disant cela, après tout, cela l’importait peu. Mais il était vrai que d’un certains point de vue, la Louve avait une sacré chance.  Comme l’avait suggéré la Reine,  Shad garda le silence pendant le voyage du retour, se remémorant silencieusement ce qu’elle avait vu dans le manoir de Mandus,  Son regard se porta également sur l’extérieur et sans le vouloir, elle laissa son esprit vagabonder un peu, comme pour se libérer de tout ce stress.  Dans quelle galère s’était-elle donc encore fourrée ? Au fond d’elle-même, la lycane espérait que la prochaine discussion mettrait fin  à cette affaire. Du moins, pour sa part. Bien que sa tête devait encore être mise à prix.

Le palais d’Ivoire fut bientôt en vue.  En réalité, la Okami ne l’avait jamais vu d’aussi prêt et elle ne pouvait nier qu’il imposait d’un certains respect. Rentrer au sein de ces murs n’était pas offerts à tout le monde et la Louve se demandait bien quel secret pouvait bien cacher le palais d’ivoire.  Oui, elle était curieuse d’en voir l’intérieur mais qui ne le serait pas ?  Elle se tourna finalement vers la Reine alors que la calèche arrivait à destination.

« Je dois continuer à jouer un rôle ou ? »

Shad préférait être sûre sur ce point. Peut-être que si elle viendrait à agir  de façon normale, habituelle, elle attirerait plus d’attention qu’il en faudrait. Dans un sens, son rôle n’était pas bien difficile en soi et elle pourrait le prolonger si besoin.  Mais la seule chose qui l’importait surtout c’était de pouvoir discuter de ce Mandus et l’Okami avait plusieurs éléments à donner à la Reine. Notamment le fait qu’il n’était pas si blessé qu’il semblait l’être, qu’elle avait découvert un masque semblable à celui porté par l’étrange individu sur les toits et surtout ces étranges phénomènes  et sensations ressentis chez cet homme.

[Hrp : Court sorry D : ]

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Elena Ivory
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Pour rejoindre le Palais d’Ivoire, il fallait passer par une falaise, la plus grande de Lumen. Au pied de la falaise, il y avait une épaisse muraille blanche avec une grille en fer forgée servant de portail. La grille était habituellement ouverte aux visiteurs, et donnait sur un corps de garde. Hors des murs, on ne pouvait pas voir le Palais en étant dans la rue, et on ne le voyait qu’en sortant du corps de garde, où ce dernier s’imposait alors à la vue des gens, dans toute sa splendeur et dans toute sa magnificence. La Reine avait aperçu le Palais d’Ivoire pour la première fois (en tout cas, la première dont elle se souvienne) en revenant du monastère de Saint-Antoine, vers ses dix ans. Elle était alors dans un navire royal, remontant la côte depuis l’Archipel Mélisi, pour rejoindre l’arsenal, et avait vu le Palais d’Ivoire. Il se découpait fièrement en hauteur, et elle avait cru, avec les reflets du soleil, que le Palais était en train de flotter au-dessus de la mer. Quand il faisait beau, le matin, à l’aube, et le soir, au crépuscule, les tours donnaient l’impression de flamboyer, car la lumière solaire se réfléchissait sur les tours. « Palais d’Ivoire » n’était pas le nom d’origine du château, qui, à la base, était apparemment un palais elfique, mais c’était un surnom... Un surnom qui avait fini, au fur et à mesure des siècles, par s’imposer.

Il était composé d’une multitude de tours, et, le long du chemin menant à ce dernier, des poteaux étaient plantés dans le sol avec, à leur extrémité, une multitude de drapeaux, représentant toutes les maisons et toutes les bannières de Lumen. Il y avait également quelques statues, des bancs, et des patrouilles. Devant le Palais, il y avait une petite cour, et un épais mur, protégeant l’accès au château, et à la seconde cour, la cour d’entrée du palais. Il fallait bien avoir à l’esprit que la falaise sur laquelle le Palais était planté n’était pas une simple falaise ; les Terriens, pour la désigner, auraient parlé d’une mégafalaise, car elle s’élevait à plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol, et avait donc une superficie très étendue.

« Je dois continuer à jouer un rôle ou ? » demanda la Okami alors que la calèche s’approchait du second corps de garde, menant à l’intérieur du château.

Cette dernière haussa les épaules.

« Tu n’es obligée de jouer rien du tout. Tu n’es pas mon esclave, je n’ai compté que sur ta coopération. De toute manière, ceux qui me connaissent savent que je n’ai pas d’esclaves. »

C’était une petite pique envers la précédente question de Shad, mais en toute honnêteté. Tout comme ses parents, Elena désapprouvait l’esclavage en son royaume, mais en venir à bout, c’était une autre paire de manches. Elles sortirent de la calèche, et Elena salua les quelques gardes qui se présentèrent à elle, sans toutefois trop s’attarder. Elle avait à faire, et elle ne pouvait pas non plus réquisitionner éternellement une femme qui ne lui appartenait pas. Si son propriétaire venait au Palais, furibond, en réclamant sa propriété, elle n’aurait d’autres choix que de la lui remettre, tout en essuyant quelque chose s’apparentant à un scandale. L’autorité de la Reine était trop vacillante en ce moment pour qu’elle daigne s’y permettre. Elle se dépêcha donc de rejoindre, avec Adamante, et Shad, une petite salle pour discuter. En chemin, elle put sentir l’odeur délicieuse de graillon et de viande émanant des cuisines. L’heure du déjeuner approchait, et Elena n’allait pas cracher dessus.

Le trio réussit à se poser dans une petite pièce chaude et agréable, les fenêtres donnant sur les jardins du Palais.

« Bien... Je crois que tu mérites quelques explications, Shad. Si j’avais eu plus de temps, je te les aurais dit plus tôt. Tu pourras en parler à ton maître, s’il te le demande, je ne veux pas créer un conflit d’intérêts. Et il vaut mieux qu’il sache que sa Okami est en danger, de toute manière. »

Elena laissa planer quelques secondes, le temps de faire le point dans son esprit, et reprit :

« Depuis plusieurs mois, le château reçoit des rapports de plus en plus nombreux sur d’inexplicables disparitions d’individus dans les bas-fonds. En soi, des gens disparaissent sans raison depuis des années dans cet endroit, mais ces rapports sont suffisamment troublants pour que je me sois décidée à, en secret, ordonner une enquête autour de ces disparitions... Celle squi ont pour dénominateur commun d’être autour de l’abattoir Mandus.
Nous nous méfions de cet homme, avoua Adamante. La disparition de ses enfants, le fait qu’il vive seul dans un manoir, et, surtout, tout cet argent qu’il trouve pour financer son entreprise. Nous ne sommes pas cyniques au point de croire que n’importe quel philanthrope est forcément une mauvaise personne, mais nous pensons que son activité est liée à ces histoires de disparition... Cependant, ne nous fais pas dire ce que nous n’avons pas dit. Nous n’avons aucune preuve, et nous n’accusons personne. Nous constatons simplement que cet abattoir se retrouve mêlé dans de sinistres affaires louches.
Nous escomptions voir Monsieur Mandus chez lui pour voir de quoi il avait l’air. L’intuition féminine est chose redoutable, mais je dois bien admettre que je ne suis pas plus avancée qu’auparavant. Il a l’air honnête, et d’être soucieux de l’intérêt des autres. J’en viens même à me demander si je ne devrais pas m’inspirer de son exemple, et reconvertir une partie du château en orphelinat... Mais je m’égare. »

Elena s’humecta la gorge, et Adamante poursuivit :

« Le récent homicide de cette nuit nous incite à penser qu’il se passe quelque chose autour de cet abattoir. Quand j’ai appris qu’il y avait eu un témoin de ce meurtre, j’ai pris sur moi de venir te voir, en craignant que tu ne sois également victime de ce meurtrier. »

Adamante s’humecta les lèvres, et reprit :

« Le cadavre que tu as vu a disparu. Il ne reste que quelques traces de sang, mais il n’y a aucun corps. Rien qui puisse faire penser à un assassinat, et tu es la seule à pouvoir le dire. Je pense que cet assassinat n’était pas voulu, que quelqu’un a vu quelque chose, et qu’il est mort. Et je pense que tu encoures les mêmes risques. Que tu aies vue quelque chose d’utile ou pas ne change rien au fait que lui doit croire que tu as vu quelque chose. Cependant, nous ne pouvons te soustraire à l’autorité de ton maître, et, en l’absence d’indices suffisamment graves, nous ne pouvons pas non plus ordonner que tu fasses l’objet d’une mesure de protection policière. »

C’était la loi, tout simplement. Elena espérait avoir été suffisamment claire pour Shad.

« Et toi ? Je suppose que tu n’as pas fait que préparer le thé dans ce manoir... Qu’as-tu pensé de ce cher Monsieur Mandus ? »

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Shad
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La Okami hocha simplement la tête quant à la réponse de la Reine.  Pour tout avouer, elle était bien contente de n’avoir plus de rôles à jouer et était quelque peu étonnée d’apprendre que la Reine de Lumen  n’était pas une partisante de l’esclavagisme. Ce qui était en soit un peu ironique vu que sa ville état l’un des bastions de cet ordre. Mais même si la Reine désirait retirer cette pratique primaire, elle devrait faire face à de nombreux déflecteurs, à de nombreux nobles qui n’auraient aucune envie de  se séparer de leurs précieux esclaves. En d’autres termes, ce sujet risquait d’être remis sur la table encore un bon nombre incalculable de fois. Mais là n’était pas la question de la présence de Shad au sein du Palais d’Ivoire.

Sur le trajet les menant à  une pièce accueillante, la Louve observa les lieux. Elle admira la structure du palais, son architecture, tous les éléments qu’elle découvrait pour la première fois.  Dans un sens, qui donc rentrerait dans un palais royal sans en observer sa décoration ? Sa magnificence ?  Personne de censé en tout cas. Donc, la Louve profitait de cette petite visite guidée en tout bien tout honneur. L’odeur de viande grillée provenant des cuisines lui arracha un petit réflexe animal : La Okami se pourlécha rapidement les lèvres, dans l’expectation d’un succulent repas.  Enfin, elle ne pouvait pas s’imposer et doutait pouvoir goûter aux mets qui se préparaient en cuisine.

La Louve s’installa dans un fauteuil, en face de le Reine et d’Adamante.  Elle ne put également s’empêcher de jeter un rapide coup d’œil sur les jardins du palais royal, admirant leurs  grandeurs, leurs beautés. Elle nota toutes sortes de végétaux, allant de la simple fleur, à l’arbre majestueux. Et tout ce florilège de couleurs. Il y’avait de quoi émerveiller le plus malheureux des hommes. Elle se retourna par la suite, écoutant attentivement ce qu’avait à lui dire Elena et Adamante.

« Adamante m’avait déjà expliqué une partie de la raison de ma convocation, quant à mon maitre, ne vous en faites pas pour cela »

Le « vous » s’adressait bien entendu aux deux personnes présentes en face de la Okami.  Elle laissa par la suite reprendre la parole, attentive. Ainsi, elle apprit  plus en détail la raison de toute cette affaire tournant autour de ce Monsieur Mandus.  En écoutant la Reine, Shad dû admettre un fait : Elle n’avait pas vraiment fait attention sir le meurtre dont elle avait été témoin s’était passé ou non proche d’un abattoir ou non. Mais le fait qu’elle comprit parfaitement était que de par sa présence, de par le fait qu’elle avait vu cet odieux meurtre, sa vie était également mise en jeu. A vrai dire, la Louve ne disposait pas de beaucoup d’éléments pouvant aller contre Mandus, ou du moins, elle n’en possédait pas jusqu’à maintenant.

La mention de l’orphelinat la fit frémir.  Non pas car cela était une bonne cause mais rien que repenser à ce lieu sinistre la faisait doucement tressaillir. Comment des enfants  pourraient seulement s’épanouir dans ce manoir sentant la mort ? Pour la Okami,  l’habitat de Mandus était plus un cimetière qu’un lieu de vie.  Tout en écoutant la Reine et sa conjointe parler, la Louve croisa ses jambes ainsi que ses bras, son index tapotant doucement contre son avant-bras. Tout cela ne l’enchantait guère à la base et plus elle les écoutait, plus elle se disait qu’elle préférerait être dans un autre lieu, loin de tout cela.

«  Hmm, je pense que je peux encore être absente quelques jours, après tout, un jour de plus ou de moins ne risque pas de changer grand-chose et  vous l’avez-vous-même dit. Cet homme pense que j’ai vu des choses que je n’aurais pas dû voir et veux ma mort afin d’éviter que je ne dévoile ce que j’aurais pu voir. LA question de savoir si je dois rentrer ou non n’est pas importante. »

Oui oui, la Okami disait bien ouvertement qu’elle pouvait se permettre de rentrer quand bon lui semblait. Ce qui était un fait assez étrange pour une personne censée être l’esclave d’une autre. L’une des raisons pour laquelle Shad restait auprès de son » maître » était belle et bien celle-ci. Indirectement, elle était « libre », bien plus libre que bon nombres d’esclaves dans la capitale. La lycane laissa sortir un petit soupir d’entre ses lèvres quand la dernière question fut posée.

« Non, je n’ai pas fait que du thé chez cet homme. » Commença-t-elle avant de chercher ses mots. Par où devait-elle commencer ? Le masque de porc était pour elle, le point le plus important de son résumé et elle décida donc de commencer par ce dernier.

« Quand Mandus m’avait envoyé à l’étage chercher ce fameux dossier,  j’ai pu voir un masque de cochon semblable à celui que portait l’individu sur les toits la nuit du meurtre. Ce masque était accroché au-dessus de son bureau, entouré de pleins d’autres d’ailleurs, chacun représentant un animal différent.  A ce même étage, j’ai aussi pu assister à d’étranges phénomènes notamment l’apparition d’un enfant qui me mena jusque dans un grenier où, je cherche encore à comprendre comment, je m’étais retrouvée évanouis. »

Mais fort heureusement, Thibault avait su la retrouver à temps.

« A l’étage, le garde et moi-même avons également noté un tableau des plus dérangeants, une ode à la démence je dirais presque. Ce tableau représentait une femme en train de donner le sein à son enfant. Enfant dont le visage était voilé. Oh, la scène aurait pu être attendrissante si la femme en question n’avait pas un sourire de démente, un couteau avec du sang dans la main et n’était pas en train de préparer une mixture où l’on pouvait voir un pied de nourrisson en sortir. Enfin… »

Elle ne savait pas si cela avait vraiment une importance, mais elle joua bon d’en parler. D’un côté, les tableaux reflétaient un peu l’esprit de la personne qui les avait achetés. Ou à moins que c’était Mandus lui-même qui l’avait peint.

« Au passage, cet homme ment très bien. En réalité, il fait semblant de boiter, cela se voit parfaitement qu’il bluffe. Enfin, moi j’arrive à le voir. Je dois aussi souligner le fait qu’à peine on était rentré dans son manoir qu’une sensation de peur et de mort m’avait envahi ? Et pas d’une mort datant d’il y’a quelques années, je parle d’une mort récente.  Je ne peux réellement vous expliquer mon ressenti, mais je sais juste que je n’avais qu’une seule envie en arrivant chez Mandus, partir le plus vite possible. »

Elle s’arrêta un instant avant de reprendre.

« Je pense que le point à retenir est celui de ce fameux masque non ? Pour ma part, je pense qu’il peut y ‘avoir un lien et…

Nouvel arrêt. Mais cette fois, ce dernier était dû aux odeurs provenant de la cuisine qui se faisaient de plus en plus forte. L’odorat fin de la lycane parvenait à en déceler chaque arômes et elle se laissa un instant  « partir » dans ce voyage olfactif, avant de reprendre ses esprits.

« Hem pardon. C’est juste que ça sent rudement bon, le chef cuisiner doit faire des merveilles. Enfin, revenons à notre sujet ? »

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Elena Ivory
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Elena fut effectivement surprise quand elle apprit que Shad pouvait rester deux ou trois jours en roue libre sans que son maître ne s’inquiète. Était-ce un grand voyageur ? Ou quelqu’un qui avait des idées modernes sur l’esclavage ? Ça n’avait rien à faire avec leur problème actuel, naturellement, mais Elena rangea cette information dans un coin de sa tête. Quand elle serait enfin en âge pour se débarrasser de son conseil, elle savait qu’elle tenterait de reprendre le rêve inachevé de ses parents : faire entrer Lumen dans une nouvelle ère de prospérité en abolissant ces pratiques païennes et ignobles Que l’esclavage soit forcé ou conventionnel, elle voulait l’abolir, car elle estimait que l’esclavage était l’une des causes principales de l’aggravation de la condition sociale à Lumen, de la hausse de la paupérisation dans les bas-fonds. On offrait aux entrepreneurs le choix entre avoir de bons esclaves dociles qui seraient payés une misère, ou des salariés, où il fallait respecter toute une législation. Les entrepreneurs n’hésitaient pas beaucoup avant de faire leur choix. En abolissant l’esclavage, Elena savait qu’elle rapprocherait son peuple. Rapprocher... Voilà l’idée centrale. Il fallait que les riches cessent de voir les pauvres comme des parasites, et que les pauvres cessent de voir les riches comme des exploiteurs. L’idée de Mandus avait pour elle qu’elle était, outre son insolence, suffisamment bonne pour marcher. Les enfants étaient toujours la clef ou le problème des conflits sociaux. Il était beaucoup plus difficile de faire changer d’avis un adulte, mais, un enfant...

L’esprit de la Reine s’égarait, et elle revint au moment présent. La mystérieuse Shad leur fit donc un compte-rendu. Il reposait beaucoup sur des présomptions, des sentiments, des impressions... Rien de très concluant de ce point de vue. Elena avait pu sentir un malaise dans ce manoir, mais il venait simplement du fait qu’Oswald vivait en reclus. Ce manoir était trop grand pour une seule personne. Néanmoins, ça ne constituait pas une infraction pénale... Tout comme l’absence de goût. Shad avait été troublée par une peinture, mais l’art, à Lumen, était très libre. Il faisait l’objet de plusieurs ordonnances royales protégeant la création artistique, et ces dernières étaient particulièrement vieilles, ce qui suffisait à dire qu’elles étaient entrées dans les mœurs. En tant que nation civilisée et cultivée, Lumen s’était toujours attaché à promouvoir et à défendre l’art. Avant leur décrépitude, plusieurs des quartiers des bas-fonds étaient de petits quartiers artistiques, où on croisait des bohémiens, des artistes sur rues. De ce qu’Elena avait lu en consultant des chroniques d’époque, il s’agissait de quartiers très conviviaux, où les accents musicaux rimaient en accordéon avec les peintures sur rue et les rires des troubadours amusant les enfants. Ce genre de quartiers était maintenant rare à Lumen, trop rare. Un autre problème contre lequel Elena allait devoir, un jour, trouver moyen de s’occuper.

« Je pense que le point à retenir est celui de ce fameux masque non ? »

Sur ce point, Elena était d’accord. Ça, ainsi que le fait que, selon Shad, Oswald boitait. Il devait sans doute s’agir d’une sorte d’intuition propre aux Okamis, car Elena avait effectivement vu un éclopé, et, même si ce n’était pas le cas, pourquoi mentirait-il ? Vu le succès qu’Oswald rencontrait dans la ville, il n’avait pas vraiment besoin de ça pour susciter la sympathie. Adamante comprit qu’elle allait devoir se renseigner là-dessus. Le masque, quant à lui, représentait concrètement le seul élément objectif, mais il ne tiendrait pas longtemps dans une cour. Un bon avocat aurait tôt fait de balayer cet argument d’un revers de manche. Il faisait nuit lors des faits : Shad pouvait-elle prétendre avoir bien vu le bon masque ? Et, de plus, il pouvait exister d’autres exemplaires de ce marque. Cependant, Elena avait envie de la croire. Si Oswald simulait son infirmité, ce pourrait être un élément à charge, car on pouvait l’interpréter comme la volonté, de sa part, de se faire passer pour un infirme, afin qu’on ne puisse pas le soupçonner

L’argument était tordu, et Shad poursuivit très rapidement :

« Pour ma part, je pense qu’il peut y avoir un lien et… »

La Okami s’arrêta soudain, et Elena l’entendit renifler. Depuis la porte entrouverte, les arômes de la cuisine se rapprochaient, et l’odorat plus fine de Shad avait du le sentir.

« Hem pardon. C’est juste que ça sent rudement bon, le chef cuisinier doit faire des merveilles. Enfin, revenons à notre sujet ? »

Les deux Lumeniennes sourirent franchement, amusées par cette atypique réaction.

« Le chef se débrouille plutôt bien, en effet...
Pour en revenir à notre affaire, l’interrompit Elena, je ne sais pas quoi en penser. Il y a effectivement quelque chose d’instable chez Mandus, mais, enfin... Quand on a perdu sa famille, on peut avoir ce genre de réactions. Ça, je peux le garantir. »

Elena aussi avait perdu sa famille, et, bien que ce fut à un bas âge, d’après Jamiël, cet évènement l’avait durablement affecté. Qui sait où elle en serait, actuellement, si elle n’avait pas eu Adamante pour la réconforter.

« Te concernant, Shad, si tu es libre de tes mouvements, le mieux me semble, provisoirement, que tu restes en ma compagnie. J’ai cru discerner en toi un certain potentiel magique, et je suis moi-même une magicienne. Aux curieux, il suffira de dire que j’ai décidé de te prendre provisoirement sous mon aile. Je m’assurerais personnellement de mener l’enquête autour de cet abattoir. S’il y a eu un meurtre, je devrais trouver des traces. Dès lors, je pense que nous avons tout intérêt, Shad, à aller sur les lieux cet après-midi. »

Elena pencha la tête vers elle.

« Après avoir mangé, j’espère... Si tu veux partager notre repas, Shad, tu es la bienvenue à ma table. »

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Shad
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Avoir une partie animale en soi pouvait être un fait pratique, mais des fois, cette part vous obligez à avoir quelques réactions qui pouvaient  être mal vu en société humaine. Mais  la Louve dans un certain sens ne se plaignait pas.  Si elle avait des sens aussi développé s’étaient bien pour s’en servir non ? Et on ne pouvait réellement lui reprocher d’avoir cette petite mimique avec les arômes qui se dégageaient de la cuisine.  Bien sûr, elle reprit rapidement contenance et s’excusa sous le regard compréhensif de ses deux interlocutrices.

Le vif du sujet fut remis rapidement sur le tapis.  En repensant à ce qu’elle leur avait raconté, la Louve ne voyait réellement pas de preuves formelles pouvant lier Mandus à ce meurtre. Surtout qu’en  ce bas-monde la parole d’une Okami n’était pas considérée comme juste et en tant que témoin, sa seule nature pouvait faire tourner un procès en faveur de Mandus.  La Okami croisa les bras et fit un signe de négation avec la tête.

« On peut avoir ce genre de réaction mais là, je trouve que ça fait un peu trop. De plus, vous savez réellement comment il a perdu sa famille ?  Il n’y aurait pas un point d’ombre à ce sujet ? »

La Louve se tourna par la suite vers Adamante écoutant sa proposition et dû admettre que c’était là, la meilleur des solutions. En restant près de l’amie de la Reine, elle profitait de la protection de la garde royale et pouvait également continuer à travailler sur cette affaire.  Bien sûr, rien de la retenait à rester et elle aurait pu refuser, prétendant qu’elle pouvait revenir les voir le lendemain. Mais le risque était là et mieux valait finir cette affaire au clair.  Shad afficha un regard étonné en entendant Adamante certifié qu’elle avait remarqué qu’elle avait un potentiel magique.

Certes, l’Okami savait contrôler à un certain niveau le feu et était doué de polymorphie mais elle n’en avait pas fait part et elle ne l’avait pas utilisé pendant cette fameuse nuit. Alors comment pouvait-elle savoir ?  En d’autres circonstances, la Louve aurait pu être septique mais elle ne craignait pas à un mauvais augure de la part d’Adamante.  Bien qu’elle ait préféré garder ce point secret pour l’instant, ne trouvant pas en quoi sa magie pouvait être utile dans une affaire comme celle sur laquelle elles étaient confrontées.  La seule chose qu’elle lui permettait était de lui offrir un alibi de sa présence au sein du palais royal, un bon alibi même.

« Je dois dire que…Je suis impressionnée. Je n’ai pourtant pas parlé de ma magie mais oui, j’ai quelques notions et à bien y réfléchir, ta proposition n’est pas une si mauvaise idée.  Quant à la visite de l’abattoir, ou du moins du lieu du crime, je préfère il  aller en journée plutôt qu’en pleine nuit. Mesure de sécurité peut –être ? En espérant que nous y trouverons des indices plus concluant »

La nouvelle proposition de la Reine étonna la Okami. Elle se demanda même s’il lui  arrivait souvent de proposer à une personne du peuple de partager sa table.  Car il était coutume de penser que la haute société restait dans son coin, à l’écart du peuple. Ainsi la lupine ne pouvait nier qu’elle avait beaucoup de chance et un sacré privilège.  Enfin, à bien y repenser, ce n’était pas la première fois qu’elle partageait un repas avec une personne royale et cette pensée la fit doucement sourire.

« Avec grand plaisir même ! »

Comment aurait-elle pu refuser pareille offre de toute manière ?  La lycane se leva donc, accompagnée de la Reine et d’Adamante jusqu’à une salle annexe, une salle à manger. Bien plus accueillante que celle du manoir de Mandus cela va s’en dire.  La luminosité qui régnait en ce lieu contrastait avec la noirceur régnant dans la demeure de cet homme. A bien y réfléchir, le Palais d’Ivoire était l’exacte opposé au niveau ambiance du manoir de Mandus. La Louve fut invitée à s’assoir et tout en attendant que le service d’entrée arrive, elle reprit la parole, s’adressant particulièrement à Adamante :

« Pour cette après-midi, tu as un projet précis ? je veux dire, tu souhaites d’abords aller sur les lieux ou d’abord passer près de l’abattoir de Mandus ? »

Si l’abattoir avait un lieu avec le meurtre de la nuit précédente, des indices devaient se trouvaient tout autours, ou du moins  à un endroit proche de ce dernier. Mais il était bien sûr plus évident de commencer là où se trouvait le cadavre et de remonter sa piste petit à petit.

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Elena Ivory
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La conversation allait reprendre, cette fois autour de la table à manger. C’était une petite pièce, et il y avait, sur la table, une superbe nappe. Les murs étaient également magnifiques, faits dans une belle tapisserie, et un grand miroir dominait une partie de la pièce. Plusieurs majordomes se chargèrent de mettre les couverts, agissant avec célérité et efficacité. La présence d’une Okami détonait dans le décor, mais ils étaient suffisamment professionnels pour ne rien dire. La Reine était la Reine, et les personnes invitées à sa table étaient des invités de marque, qu’ils soient de basse extraction ou non. Généralement, Elena mangeait avec Adamante, mais il était fréquent qu’elle partage leur table avec d’autres personnes, notamment Jamiël, ou encore Langley, quand il ne mangeait pas avec ses hommes.

Tantôt, Shad avait posé une question sur la mort de la famille d’Oswald. Plongée dans ses pensées, Elena n’y avait pas répondu. En attendant, Shad avait posé une question supplémentaire, destinée à Adamante, qui y répondit assez rapidement :

« Ça, c’est à toi de me le dire. Quand tu as été au poste, et que tu as parlé de ce meurtre, la patrouille n’a rien relevé, et n’a rien signalé dans son rapport. Il faudrait déjà que tu fasses un effort de mémoire pour essayer de te rappeler où ce meurtre a eu lieu. Comme tu l’as remarqué, je suis une magicienne plutôt douée pour ce qui est d’obtenir des renseignements et des informations. »

Adamante disposait d’une forte intuition, affinée par sa magie, et c’était cette intuition qui lui avait permis de savoir que Shad était une magicienne. De fait, la plupart des magiciens expérimentés étaient capables de sentir la magie chez les autres. Théoriquement, toute personne était réceptive à la magie, mais cette sensibilité était plus affinée chez certaines personnes que sur d’autres. Adamante l’avait senti, mais, visiblement, Shad manquait encore d’apprentissage. Cependant, elle n’avait pas pour projet de la soumettre à un entraînement.

« Il me paraît donc nécessaire d’y aller de jour, reprit-elle. Nous nous y retrouverons bien plus facilement. »

Un domestique arriva alors.

« Les petits fours, Mesdames. »

Il posa un plat abritant des petits pains chauds, et Elena en prit un, le remerciant poliment, puis le fit tournoyer dans ses doigts, avant de se mettre à parler.

« Tout à l’heure, Shad, tu as demandé comment la famille d’Oswald est morte... Le fait est que les corps d’Enoch et Edwin Mandus, les fils d’Oswald, n’ont jamais été retrouvés. Partant de là, toutes les interprétations sont possibles, bien entendu, mais la version d’Oswald est fort simple. Comme tu l’as peut-être vu, sa propriété comprend un jardin, un grand et beau jardin. Enoch et Edwin étaient des aventuriers, comme leur père. Ils adoraient se cacher, et faire tourner les domestiques en bourrique. Surtout, ils avaient, au fond du jardin, une petite cabane en bois, sur un arbre, faite par leur père. C’était leur base spatiale, un endroit vers lequel ils s’envolaient dans d’autres mondes. Les plaisanteries habituelles des enfants, en quelque sorte... »

Elle lui expliqua qu’il y avait eu une forte tempête un soir. Un ouragan violent. Le port avait été fermé pendant une journée, et des rafales de vent particulièrement fortes s’abattaient dans la région. D’après Oswald, Enoch et Edwin se trouvaient dans leur cabane quand la tempête était arrivée. Des orages s’étaient abattus dans la ville, provoquant plusieurs incendies. La Reine s’en souvenait encore. Une tempête violente, un véritable cyclone, qui avait ravagé plusieurs entrepôts, et beaucoup d’ouvriers municipaux avaient du travailler sous la tempête pour éteindre les incendies. Un éclair était tombé en plein sur l’arbre où les jumeaux Mandus avaient fait leur cabane.

« L’incendie s’est propagé dans les arbres et les buissons. Les domestiques ont essayé de sortir, mais, comme tu l’as remarqué, le manoir est exposé. Les rafales étaient terribles, il pleuvait à torrent, on n’y voyait goutte, et, mis à part les flammes qui dansaient dans le ciel, il était impossible de voir autre chose. L’arbre a émis des craquements, il s’est fissuré, et la cabane... La cabane est tombée depuis l’arbre, et a glissé le long de la falaise, pour s’écraser dans l’eau, où elle a explosé en mille morceaux. Il y avait un tel courant que les corps ont du être emportés au large. Leur mère s’est suicidée de désespoir. »

Bien des personnes avaient perdu la vie en cette soirée, et personne n’aurait remis en cause la version d’Oswald.

Le repas arriva ensuite. De la délicieuse viande rouge en rôti, superbement assaisonnée, et fournie avec des fruits et des légumes.

« Et bien... Bon appétit ! »

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Shad
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Comment ne pas remarquer le regard d’étonnement que lançaient certains des serviteurs à l’égard de la Louve ? Cette dernière sentait très bien que voir une Okami en compagnie de la Reine à sa table n’était pas un fait courant. Peut-être penseraient-ils qu’elle se mettrait à manger d’une façon sauvage, sans propreté en mettant de la nourriture partout ? Après tout, n’était-elle pas en partie un animale ? Les réputations ont la dent dure et il était parfois difficilement de sortir des convictions de la population locale. Après tout, sa race était tout le temps rabaissée, la lycane ne fut donc pas étonnée du regard qu’on lui portait. Et elle les ignora.

Une des réponses posées précédemment par la Okami écopa de sa réponse. Faire un travail de mémoire en étant témoin d’un fait de jour était bien plus facile que d’en faire un où l’incident s’était passé en pleine nuit. Pourtant ce n’était pas ce qui inquiétait le plus Shad. Si elles devaient trouver des indices, elles en trouveront. Du moins, s’était ce qu’elle pensait.

« Je ferais en sorte de nous rapprocher au mieux du lieu. Si il y’a encore du sang comme vous me l’avez dit, on devrait réussir à trouver la scène du crime. »


Une tache de sang en pleine rue, cela ne passait pas inaperçu. Shad hocha simplement la tête en signe d’affirmation face à la dernière déclaration d’Adamante. Il était en soi beaucoup plus aisé d’aller jours les inspecteurs et les enquêteurs de jour plutôt que de nuit, surtout au sein des  Bas-fonds, et la Louve doutait fortement de rencontrer l’un de ces cochons humanoïde en plein milieu de l’après-midi. C’était là encore, un gage de sécurité. 

L’entrée arriva, un petit plateau de plat au four. La lycane en discerna plusieurs assortiments. Ces petits œuvres-d ‘œuvres n’avaient que pour objectif de faire patienter les convives jusqu’à l’arrivée du repas. Il  était impossible de sortir repu en mangeant seulement ces petits fours. Mais la lycane comptait bien en goûter deux-trois. Si l’odeur était alléchante, le goût devait être de même facture. Par respect, elle laissa d’abord la Reine et Adamante se servir avant d’en attraper un, écoutant attentivement l’histoire de la mort des enfants de Mandus.

L’histoire tenait la route et Shad ne pouvait en contester sa véracité, d’autant plus qu’elle n’avait pas été présente dans la capitale le jour de ce fameux drame. Il ne lui était donc pas possible de contester certains points. En repensant au manoir de Mandus, tout semblait concordait avec l’histoire contait par Elena. Pourtant, Shad ne put s’empêcher de poser une question, une interrogation qui lui trottait en tête.

« Je sais qu’il n’est pas évident de trouver des corps emportés par une mer déchainée, mais, même avec la magie, cela n’était pas possible ? »

La magie permettait de nombreuses chose alors pourquoi pas celle d’aider à retrouver des cadavres ? La surface de recherche était bien sûre  immense mais la Okami doutait qu’un puissant mage ne parvienne pas à quadriller la zone et à l’inspecter jusqu’à trouver les corps recherchés. Bien sûr, cela n’était qu’une hypothèse et au vue des années écoulées, il serait maintenant bien difficile de retrouver les cadavres des fils Mandus.

« Et bien..Bon appétit également »

Attendant d’être servi et attendant également que la Reine et Adamante aient pris leur première bouchée, la Louve entama le repas d’une manière normale. Ceux qui auraient pensé qu’elle se  serait jetée sur le rôti pour le manger avec les mains s’étaient fourvoyés.  La Louve se délecta du met, sentant la viande fondre sous la langue, distinguant un panel d’aromates qui avaient été utilisés pour sa confection. Il aurait été malheureux d’apprendre que la Reine ne possédait pas un chef cuisinier digne de ce nom. Le repas se fit surtout en silence, la Louve était particulièrement plongée dans ses pensées pour la suite à venir. Finissant son dernier morceau, elle déposa les couverts dans l’assiette.

« Mes compliments au chef. A propos pour cette après-midi, serait-il possible de récupérer mes affaires ? Je me vois mal aller en robe dans les bas-fonds, surtout si ma vie peut être mise en jeu. »

Depuis son départ du manoir, la Okami ne s’était pas encore changé et portait donc encore sur elle la tenue de domestique. Pourtant, comme elle l’avait souligné, elle se voyait mal aller dans les quartiers malfamés ainsi vêtues.  Elle irait donc se changer avant de rejoindre Adamante et de partir en direction du lieu où le meurtre avait été perpétré.

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Elena Ivory
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La question de Shad sur la capacité de retrouver les corps à l’aide de la magie obtint naturellement une réponse de la part d’Adamante, qui préféra toutefois commencer par mettre un peu de sauce sur son repas. Les plats et les couverts étaient en argent, comme il était de coutume dans le palais royal : une argenterie de luxe, délicate, et luisante.

« La magie permet très difficilement d’identifier des personnes. En créant des cercles de perception, un mage peut sentir la vie autour de lui, mais, par définition, la vie est partout. Pour dissocier la vie humaine d’autres formes de vie, il faut améliore ses cercles de perception. Cependant, et, là encore, par définition, un mort n’est pas vivant. On peut sentir un mort-vivant grâce au sortilège qui le maintient en vie, mais un cadavre... Un cadavre n’émet rien, aucune onde. La magie est plus une sorte de force naturelle qui relie entre elles toutes les forces vivantes de l’univers. Même un art magique comme la nécromancie, dans sa conception classique, ne consiste qu’à apprécier la survie du vivant après la mort physique. »

Il était impoli de parler la bouche pleine, aussi Adamante ménageait-elle des pauses tout en mangeant. Elle mit un peu de crème sur ses pommes de terre, les avalant, avant de reprendre, tandis qu’Elena les écoutait.

« Pour preuve, nous n’avons toujours pas retrouvé tous les corps qui ont péri lors du cyclone qui a détruit le navire royal il y a une quinzaine d’années. Certains sont parfois attrapés par les filets des pêcheurs, ou amenés par les sirènes, voire le courant... La tempête était particulièrement forte cette nuit-là, et... »

Adamante continua à parler, mais Elena ne l’écoutait plus. C’est vrai... Le corps de son père, par exemple, n’avait jamais été retrouvé. Elle savait que beaucoup de gens croyaient qu’il n’était pas mort, que le Dieu unique n’avait pas pu permettre la mort du Lion de Lumen. Elena savait que l’Ordre Immaculé avait longuement débattu sur le fait de savoir s’il fallait le canoniser ou pas. Liam était un paladin, et, au-delà de ça, un roi talentueux et avisé, quelqu’un qui avait vu la lente dégradation du royaume, et avait tenté de l’empêcher. Ses exploits, aussi bien militaires que civils, avaient été loués par tous les Lumeniens, et même les Mijakiens avaient fini par le respecter, en le considérant comme l’un des ennemis les plus redoutables qu’ils aient jamais eu à affronter... Un homme qui, par sa seule présence, suffisait à redonner confiance dans les plus défaitistes des hommes. Malheureusement, selon le droit canon, il fallait un cadavre à canoniser, et, faute d’un corps, il était impossible de le faire.

Par ailleurs, vu l’aggravation des relations sociales dans le royaume, une légende circulait, sur le retour du Lion. Bon nombre de Lumeniens y croyaient, mais il s’agissait souvent de s’illusionner. Le Lion était bel et bien mort. Les survivants à cette catastrophe étaient rares, et n’avaient survécu que par miracle. À partir de la reconstitution des évènements, et des nombreux entretiens, il était clair que la première partie du yacht qui s’était brisée était justement la cabine royale. Nöly et Liam étaient morts ensemble, et le corps de Nöly avait été retrouvé, en triste état. Celui de Liam avait été emporté par les eaux. La légende du retour du Lion était un vain espoir, une promesse d’un monde meilleur, qui serait unifié sous la houlette d’un des plus grands dirigeants de ce dernier siècle.

Elena était plongée dans ses pensées, et revint progressivement à la réalité, en observant les belles lèvres d’Adamante remuer, la jeune magicienne continuant à parler :

« ...Le domaine inconnu par excellence, même pour les magiciens. »

Elle avait visiblement terminé, en concluant sur ce qu’était, selon elle, la mort. La Reine s’humecta les lèvres, et reprit alors, sur un autre sujet :

« Concernant tes affaires, Shad, Adamante pourra faire un crochet là où tu habites, afin que tu puisses te changer. En revanche, j’ignore s’il faut faire préparer une escorte.
Ce ne sera pas nécessaire. Les bas-fonds ne sont pas une zone dangereuse le jour... Et puis, la garde a été renforcée, après tout. Nous n’avons rien à craindre. De plus, si des gardes nous accompagnent, ils risqueraient de nous gêner, d’empiéter sur la scène de crime, ou de compliquer mes recherches. »

La Reine acquiesça lentement de la tête.

« Oui, tu as raison. Enfin, soyez prudente, malgré tout. Vous connaissez le vieux dicton... Un malfaiteur revient toujours sur les lieux de son crime. »

Dans toute cette histoire, Elena avait un mauvais pressentiment, même si elle n’arrivait pas précisément à se l’expliquer.

Comme quoi, il fallait croire qu’elle avait, elle aussi, été atteinte par la visite dans le manoir de Mandus.

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Shad
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L’Okami écouta attentivement les explications d’Adamante et dû en effet admettre que trouver un corps inanimé n’était pas l’action la plus aisée à effectuer. Pourtant, bien qu’elle admette le contraire, la Louve était sûre qu’une certaine source de magie en serait capable. Le seul bémol était que cette magie était plus liée à des pouvoirs occultes et demanderait donc un lourd tribut. Elle en avait déjà fait les frais lors de la bataille du Village des Toiles. Leur adversaire, un général nommé Brahmin avait usé d’une magie noire, chaotique pour les combattre.  Cet homme avait réussi à créer un puis de gravité et détenait la victoire entre ses mains après le lancement de son sort.

Du moins, il l’aurait eu si le prix à payer pour lancer un tel sortilège de destruction n’aurait pas goûté aussi cher et ne l’aurait pas autant affaibli. Un coup de chance en soi.  Donc si de telles magies étaient possibles, pourquoi pas celle de réellement détecter un mort ? Sauf que cette dernière devait également demander une certaine tribu. La lupine dû admettre qu’en termes de magie, elle avait encore beaucoup de théorie et de pratique à découvrir et apprendre. Les explications d’Adamante, bien que longue, furent donc écoutés avec  une attention non dissimulée, oreilles droites, dressées, à l’écoute.

La lycane se tourna par la suite pour répondre à la réponse de la reine, affichant un petit air amusé. Depuis la matinée, elles ne s’étaient pas quittées et  elle n’était pas venue directement vêtue en robe. Robe qu’elle avait enfilée dans la calèche royale lors de leur arrivée chez sir Mandus.  La Okami but un peu de vin, avant de poser la coupe et de répondre aux deux femmes.

« Nul besoin de faire un crochet là où j’habite, mes affaires sont dans votre calèche. Pour ce qui est de l’escorte, Adamante a raison, mieux vaut y aller seul. De plus, on risque surtout d’attirer l’attention sur nous avec pareilles attroupent de gardes. Sur ce, si vous voulez bien m’excusez, je reviens sous peu. »

Shad se leva, saluant d’un hochement de tête la Reine et son amie avant de se diriger vers l’endroit où avaient été déposés ses effets. Sur le chemin, elle nota quelques regards interrogateurs mais les ignora simplement. L’Okami n’avait guère le temps de répondre à toutes les interrogations et le temps pour tous était compté.  L’un des cochers de la calèche royale la reconnu et lui rendit un coffre où se trouvait ses vêtements, lui indiquant par la même occasion une pièce dans laquelle elle pourrait se changer. Chose qu’elle fit bien naturellement.

La Okami passa de la robe blanche d’innocente à une toge noire brodés de rouges semblable à un habit d’assassin. Lors de son excursion sur l’Archipel de Meisa ce fut ainsi qu’elle fut prise, désignée lors de sa première rencontre avec le souverain. Mais pour la Louve ce n’était qu’un simple habit lui permettant de se déplacer avec plus de tranquillité dans les rues de Lumen lors de ces différentes courses. Par ailleurs, elle pouvait aisément cacher ses attributs lupins, évitant ainsi plus d’ennuis du fait qu’on la prenait pour une humaine.  Remettant le coffre avec la robe précédemment empruntée au cochet, la Louve retourna dans la petite pièce où se trouvait les deux femmes, indiquant à Adamante qu’elle était prête à partir dès qu’elle le sera.

Elle laissa donc le temps à cette dernière de faire ses derniers préparatifs avant de se diriger vers les ruelles des bas-fonds en sa compagnie. La Okami suivit un chemin bien précis jusqu’au fameux marché noir qui avait changé de déplacement. Un tel commerce était proscrit et les tenanciers déplaçaient leurs caches plusieurs fois par semaines pour éviter d’être repérés par les patrouilles. Surtout en cette période avec la visite de la Reine qui approchait à grand pas.

Pourtant, bien que le marché noir ne fût pas à sa place, l’Okami savait qu’elle était au bon endroit.  Elle observa les alentours, tentant de se rappeler des ruelles qu’elle avait empruntée après avoir entendu ce cochon grouiner d’une façon effroyable. Faisant signe à Adamante de la suivre, elle arriva au bout de cinq minutes devant l’endroit exacte où avait été le malheureux, du sang séché parsemé encore un mur et le sol de la ruelle.  Regardant la scène et ses alentours, la Okami marqua subitement un arrêt, désignant à une vingtaine de mètres au loin un énorme bâtiment qui semblait en action.

« Ne serait-ce pas l’abattoir de Mandus ? »

Shad voyait très peu d’autres bâtiments qui pouvaient être en si grande action dans cette partie de la ville. Et comme  on lui avait expliqué, les disparitions récentes se passaient aux alentours de l’abattoir. La Okami se dirigea vers ce dernier s’arrêtant après quelques pas, observant une tâche de sang sur le sol.

« Et bien, que faisons-nous ? »

Tant de possibilités. Il était possible de continuer à inspecter autours du lieu du crime ou bien de suivre les traces de sang jusqu’à l’abattoir.

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Elena Ivory
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« Tu lui fais confiance ? »

Le repas était terminé, et Shad venait de quitter la table, afin de se changer, laissant ainsi Elena et Adamante seules. La magicienne haussa les épaules.

« Elle a l’air honnête.
La moitié de mes conseillers le sont aussi, et, pourtant, ce ne sont que des requins arrivistes et cupides, objecta la Reine.
Je suis convaincue qu’elle a vu quelque chose ce soir. Elle n’a pas l’air d’être une mythomane. »

Elena ne dit rien. Savoir à qui faire confiance dans cette ville de fous était un problème préoccupant. Entre ceux qui voyaient uniquement leur intérêt personnel, et ceux qui pensaient que les Mijakiens feraient de biens meilleurs dirigeants qu’une petite orpheline qui avait passé son enfance dans un monastère, la Reine ne pouvait compter que sur quelques éléments fidèles et fiables. Pouvait-elle faire confiance à une esclave dont le maître semblait être démissionnaire ? En temps normal, elle aurait ordonné une enquête sur ce Belmont, afin de savoir si elle pouvait vraiment se fier à Shad, mais le temps jouait contre la Reine. De plus, elle ne pouvait pas impliquer trop de monde. L’enquête sur Mandus était secrète, reposant uniquement sur des inquiétudes et des présomptions. Si la populace apprenait que la Reine menait des enquêtes sur des personnes qui étaient perçues comme des philanthropes, elle risquait d’affronter une nouvelle révolte paysanne.

Adamante était plutôt fataliste, lucide. Elle ne voyait pas pourquoi Shad les doublerait, et sa relative indépendance vis-à-vis de son maître constituait même, pour elle, un atout. Ainsi, elle ne risquait pas de faire double jeu. Comme Elena, Adamante s’inquiétait des répercussions publiques de leur petite affaire. La Reine veillait à la protection de ses sujets, mais le sujet Mandus était un sujet épineux. Elles marchaient sur des charbons ardents. Un seul faux pas, et elles le sentiraient passer.

« Ce qui m’étonne, c’est cette information comme quoi Mandus simulerait son infirmité...
Je pense que je vais mener des recherches là-dessus. S’il y a eu une opération, il doit bien en rester des traces, des éléments objectifs. Mais, à supposer que ce soit vrai, je peine à comprendre pourquoi Oswald simulerait ça...
Pour apaiser les soupçons ? Pour susciter la sympathie du peuple ?
Ce n’est pas comme s’il en avait besoin. Le peuple l’apprécie déjà, et ceux qui ne l’aiment pas sont généralement jaloux, parce que sa bonne image accroît leur mauvaise réputation. »

Ce n’était pas faux. Adamante allait chercher des informations du côté de l’abattoir, et en profiterait aussi pour aller voir leur agent, qui se faisait appeler Jacques de Malenbraix. C’était de lui qu’émanait la missive parlant de cette Okami, et c’était à partir de cet élément qu’Adamante avait été voir Shad. Elle avait obtenu le rapport du sergent, mentionnant l’identité de l’esclave, et son lieu de résidence. Depuis hier, Malenbraix avait peut-être réuni de nouvelles pistes, mais, étonnamment, il n’avait envoyé aucun rapport. En soi, ce n’était pas exceptionnel, mais Adamante, qui connaissait ses talents, devait bien admettre qu’elle était un peu surprise.

Shad finit par revenir, et le trio se sépara. Adamante et Shad empruntèrent des chevaux dans les écuries royales, et s’élancèrent hors du Palais. Les chevaux étaient admis dans la ville, car Lumen était une ville grande, très vaste. Adamante avançait avec sa robe, ouverte à hauteur des cuisses, et rejoignit les bas-fonds. Elles s’arrêtèrent près d’un important ensemble de bâtiments, et Shad posa une question :

« Ne serait-ce pas l’abattoir de Mandus ? »

Adamante hocha lentement la tête.

« Précisément. »

Elles étaient sur la grande rue principale, dallée, juste devant l’entrée de l’abattoir. C’était un important ensemble, comprenant plusieurs bâtiments reliés entre eux. Une carte sur un écriteau à l’entrée de l’usine permettait de voir à quoi l’usine ressemblait :

Image

Les porcs arrivaient par l’arrière de l’abattoir, où elles étaient déchargées dans un entrepôt, avant d’être emmenées à l’échaudoir. Ensuite, le processus normal de l’usine suivait son cours, jusqu’au second entrepôt de stockage, où des chariots conduisaient les produits finis vers les marchands. Le duo laissa les chevaux à proximité, car Shad venait de retrouver l’endroit où, selon elle, l’homme avait été tué. Adamante s’approcha, et vit quelques traces de sang sur le sol.

« Et bien, que faisons-nous ? » demanda Shad.

Adamante répondit en tendant sa main vers la trace, et se concentra. Ses doigts se mirent à luire. Intrigués, quelques badauds qui passaient par là les observaient, louchant sur le cul de la magicienne, avant de reprendre leur route.

« La magie permet de faire bien des choses sur le vivant, comme je te l’ai dit tantôt. En inspectant ce sang, je devrais pouvoir obtenir quelques informations sur ce dernier. Le sang est un liquide qui contient bon nombre de composants, et ces composants ne sont pas les mêmes selon l’emplacement où se situe le sang dans le corps. Celui-ci était proche du cou et des poumons, donc vers la poitrine... Vu la quantité de sang qui reste, ça ne peut pas être qu’un simple coup de poing. Je pense qu’il y a bien eu un mort, ici, et que quelqu’un a déplacé le corps, et nettoyé le sang... Il y a peut-être d’autres traces dans le coin. »

Le corps s’était trouvé près d’une ruelle sinueuse. Les traces de sang perçues par Shad filaient dans cette direction, menant effectivement vers l’abattoir.

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Jamais la Louve n’aurait pu s’imaginer que la magie pouvait servir à récolter des informations dans une simple petite flaque de sang.  Pourtant, c’était bien ce qui se passait en cet instant. L’analyse magique du sang permis d’avoir de plus ample information et confirmer l’hypothèse qu’un meurtre avait bel et bien eu lieu dans cette ruelle. La Okami se pencha plus vers le sol, observant les marques cramoisies, s’avançant doucement pour en trouver d’autres, menant dans une ruelle sinueuse, droit vers l’abattoir. Elle se releva par la suite, observant Adamante :

« Je pense que nous n’avons que très peu de choix, il nous faut avancer et voir cela de plus près »

Pas le choix donc. Si les deux femmes voulaient tirer cette affaire au clair, elles devront passer par cette ruelle peu accueillante. La Okami ouvrit la marche, très bien emballée bien sûr à l’idée de s’approcher de l’abattoir. Quelque chose la rebutait à s’y rendre, une sorte d’instinct peut être. La lycane ne craignait pas les balourds se trouvant dans les bas-fonds, ni même d’emprunter cette ruelle. Après tout, elle s’était bien rendue dans une faille remplit de créature nécrophage, alors une simple ruelle…Pourtant, elle ne se sentait guère à l’aise.

Elle s’arrêta après quelques mètres, trouvant une autre trace de sang sur le sol, la désignant à Adamante avant de continuer. Plus elles avançaient,  plus elles trouvaient du sang sur le sol, éparpillés ici et là. La ruelle était bien évidemment une impasse et les deux femmes se retrouvèrent face à une énorme grille en fer. La lupine observa cette dernière, posa ses mains dessus et poussa dessous pour tenter de l’ouvrir. Mais elle n’obtient qu’un simple grincement. Malgré son aspect rouillé la grille tenait bon. En se reculant d’un pas, elle nota à nouveau la présence de sang, comme si une personne s’était vautrée en escaladant la grille.

« On dirait que notre..ami a tenté de fuir quelque chose. Son corps a bien dû être dépla…cé ? »

La surprise marqua la fin de la phrase de la Okami. Cette dernière  était sûre d’avoir entendu un bruit suspect et se tenait donc aux aguets, ses yeux filants dans tous les recoins, ses oreilles, bien que dissimulaient sur une large capuche, tournaient sur elles-mêmes, captant le moindre son. Même son odorat  était mis à l’œuvre. Pourtant, elle n’arrivait pas à définir d’où elle avait pu ouïr ce son étrange.  A moins que cela n’était que le fruit de son imagination.

« Désolé, il me semblait avoir entendu un bruit. Que penses-tu de tout cela ? Devons-nous…rentrer dans l’abattoir ? »

Tous les indices menaient à ce lieu précis et pour mettre un terme à cette histoire, l’Okami et la magicienne serait bien obligée de se rendre dans ce fameux abattoir. Pourtant, cela pourrait sembler fort suspect.

« Le mieux ne serait-il pas d’attendre la visite royale ou d’y envoyer une patrouille par mandat de perquisition ? »

Malgré tout, la Louve n’appréciait que très peu l’idée d’attendre la fameuse visite de la Reine pour pouvoir inspecter l’intérieur même de l’abattoir. Si ce dernier était le centre de disparition récente, y envoyer la  Reine pourrait lui valoir une mort certaine et sans preuve formelle, le mandat ne pourrait pas être délivré. En d’autres termes, très peu de solution s’offraient aux deux femmes. Voulant reprendre la parole, la lycane fut à nouveau stoppée par un léger sifflement.

D’un geste vif, elle claqua la paume de sa main contre son cou, ayant senti comme une piqure de moustique. Pourtant quelques secondes après, elle se mis à trembler et dû prendre appuie contre l’un des murs de la rue, tentant de tenir bon. Elle fit signe à Adamante de s’en aller, n’entendant pas un deuxième sifflement  similaire au premier.

« Tu devrais partir ! »

Le produit fit effet et avant qu’elle ne put voir la réaction de l’humaine, la lycane s’effondra sur le sol, plongée dans un profond sommeil.

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Elena Ivory
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Les différentes applications de la magie étaient étonnantes. L’usage que venait d’en faire Adamante n’était cependant pas ouvert à tous les magiciens, car il fallait avoir un esprit très calme, et être maître de soi-même, ce qui n’était pas facile. Cependant, par rapport aux méthodes d’investigation tekhanes, les Lumeniens faisaient pâle figure avec leur magie, ce qu’Adamante reconnaissait sans peine. Elle suivit Shad à travers une ruelle sombre, utilisant une sorte de sphère bleuâtre pour s’éclairer, tout en mettant en surbrillance les traces de sang. On pouvait ainsi voir quelques traînées, indiquant que quelqu’un avait du passer par là, étant lentement traîné. Le temps avait du jouer contre l’assassin, mais la ruelle débouchait sur une impasse, face à une solide grille, tandis que Shad soupçonnait l’abattoir d’y être directement lié. Elle alla jusqu’à suggérer une perquisition.

« L’idée est bonne, concéda Adamante, car elle nous permettra d’en savoir plus sur ce qui se passe là-dedans... Cependant, Lumen n’est pas Mijak, et la Reine ne peut pas ordonner une perquisition sans avoir des motifs. Le pouvoir judiciaire est indépendant, et aucun juge n’acceptera la tenue d’une perquisition sur un abattoir sans preuve ou motifs graves. Ici, notre seule piste, ce sont des traînées de sang. Difficile de faire un lien avec l’abattoir, si ce n’est par sa proximité géographique. De plus... »

Adamante se tut dans ses explications, car Shad semblait être concentrée, aux aguets. La magicienne fronça lentement les sourcils. Ne pensant pas se faire attaquer, elle avait estimé inutile de tracer autour d’elle des cercles de perception, qui permettaient de repérer des individus, et ainsi pouvoir éviter de se faire surprendre. Dans une ville aussi peuplée, elle estimait ça un peu ridicule. Ses cercles seraient rapidement surchargés par la présence de tant d’individus. Néanmoins, Shad avait l’air méfiante, absente... Et finit par revenir à elle. La magicienne avait pu noter qu’elle était sur les nerfs, car, avant même d’évoquer une quelconque perquisition, elle avait déjà reniflé autour d’elle.

Pour Adamante, elle devait sentir l’odeur du porc. Elles étaient près de l’échaudoir, l’endroit où on abattait les bêtes. Il y avait un système d’aération, et l’odeur de viande filait dans les ruelles alentour. Une Okami devait y être plus sensible qu’un simple humain. De plus, si cette Okami était une simple esclave tranquille, qui dormait dans un grand manoir, et s’autorisait parfois quelques frissons en se promenant dans les bas-fonds, elles devait aussi être inquiète. Adamante en avait par contre perdu le fil de sa pensée. Elle était en train de parler de perquisition, pour rejeter l’idée.

« Ce qu’il nous faut, c’est un indice, une preuve... Si cette traînée remonte jusqu’à l’abattoir, par exemple, on aura quelque chose. »

Elles étaient dans une ruelle, et cette grille pouvait avoir quantité de raisons d’être. C’était une grille de sécurité publique, mise en place il y a des années, pour pouvoir verrouiller les quartiers sensibles, en cas d’émeute. Elle était solide, et, en théorie, seule la garde en avait les clefs. Cependant, les patrouilles abritaient souvent des éléments corrompus. Adamante inspecta la grille, cherchant un indice. Visiblement, cette grille avait été ouverte hier. Il y avait des traces de sang dessus, mais, si on essayait de passer par dessus, il fallait mieux savoir grimper, car il y avait des pointes tranchantes en haut. Quelqu’un avait du al pousser, et elle avait du s’ouvrir.

*Peut-être y-a-t-il une piste à explorer avec cette grille...*

Les clefs étaient au poste de gardes le plus proche, celui-là même où Shad avait été enfermée hier soir. Adamante y réfléchissait, quand Shad se mit soudain à paniquer à nouveau. Elle allait parler, quand elle se tut subitement, et Adamante sentit également du mouvement. La boule de lumière au-dessus d’elles explosa subitement, et elle se retourna, levant une main, formant un bouclier magique. Shad l’enjoignit de partir tout en tombant à ses pieds, atteinte par une sorte de fléchette tranquillisante, et Adamante créa un bouclier, qui repoussa la fléchette qu’on lui destinait. Le coup venait du toit, et elle envoya une onde d’Air qui frappa l’inopportun, un homme encapuchonné. Il poussa un cri de surprise, mais, au même moment, des portes adjacentes s’ouvrirent sur des hommes armés.

« Reculez, misérables !
Z’avez rien à fiche ici, l M’mamzelles les poulettes !
L’est ch’ti pas jolie, la poulette ?
Elle est où, la poulette ? Elle est bien cachée ? »

Adamante fronça lentement les sourcils. Ces types n’avaient pas de sarbacane, et leur mystérieux agresseur s’était retiré. Adamante tendit sa main, et envoya une langue de feu devant elle, forçant les trublions à s’écarter.

« Au large, tas de guenons ! »

Le feu les effraya. Des soudards, rien de plus. L’un d’eux brandit sa fourche en hurlant, et Adamante balança sur lui quelques arcs électriques mineurs. Il poussa un hurlement de douleur en se mettant à fuir. Adamante se pencha alors vers Shad, mais la vit réagir convulsivement, de grosses gouttes de sueur coulant le long de son front. Elle posa ses doigts sur sa tempe, et tendit sa main vers l’autre fléchette, l’amenant près d’elle... Et vit rapidement que la pointe était imbibée, probablement d’un poison.

« Merde ! » jura Adamante.

Sans ces imbéciles, elle aurait pu poursuivre leur mystérieux agresseur. Au lieu de ça, elle empoigna Shad, et se dirigea vers le plus proche établissement de soin qui soit.

L’église du père Lamb.

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Shad
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Recevoir une fléchette empoisonnée était la pire chose qui puisse arriver. Surtout que cela pouvait entraîner une mort totalement indigne et sans valeur. Pourtant, c’était vers cette dernière que la Louve allait doucement mais sûrement. L’inconscience totale laissa place à des convulsions et des  sueurs froides. Le poison s’infiltrait dans le système sanguin de la Okami et donner trop d’impulsion aux muscles, les faisant convulser. Par chance, le poison n’était pas foudroyant mais son effet se dirigeait vers les muscles vitaux. Il  s’agissait donc d’une simple question de temps avant que la Okami ne passe l’arme à gauche.

La conscience de la Louve était encore à moitié éveillée pourtant elle ne pouvait aisément  comprendre tout ce qui se déroulait autour d’elle, cela lui était même impossible. Pourtant, elle senti la chaleur des flammes l’effleuraient et put discerner quelques bruits de pas précipités entres deux crises de convulsions.  Quand Adamante la souleva pour la conduire vers un autre lieu, l’Okami se laissa traîner, impuissante, ne pouvant que subir l’aide. En d’autres circonstances elle se serait baffée pour être ainsi un poids, mais pour le moment, elle ne pouvait penser à cela, subissant les effets du poison.

La porte de l’église s’ouvrit sur un homme  avoisinant la trentaine portant une simple bure de couleur noire.  L’homme observa les deux femmes et réagit rapidement, les invitant à entrer au sein de son église, refermant prestement la  porte derrière eux. L’intérieur du bâtiment était sobre et pourtant reflétait une certaine beauté qui inspirait le calme, l’humilité.  Des bancs étaient disposés  sur cinq lignes, à vue de nez une centaine de places étaient disponibles. Tout le long de l’arc principale se trouvaient des colonnes et en leur milieu sur des petits socles quelques statuettes représentants des anges, des saints. L’église n’avait également pas à rougir de ses vitaux qui représentaient certains grands aspects de la religion.

« Par  tous les Saints ! Que vous est –il arrivée très chère ? Venez ne perdons pas  de temps ! »

L’homme guida Adamante et sa charge jusqu’à une pièce reculée, cachée à la vue de tous. Une sorte de pièce secrète en soit. Cette petite pièce comportait un lit  où Shad fut déposée.  Le saint homme observa la Okami, prenant un missel en main avant de formuler une prière. Son geste était là plus pour le fond que la forme. Il se tourna par la suite vers Adamante.

« Votre amie est dans une bien mauvaise passe. Je vais chercher des cataplasmes et des onguents. »


Et il s’éclipsa laissant Adamante et la souffrante seule à seule. Les convulsions de Shad avaient cessés et cette dernière ne suait maintenant plus qu’à grosses gouttes avec certains tremblements. On aurait pu penser qu’elle était atteinte d’une vilaine grippe. Autours de son cou, le pendentif arachnéen se mis à luire doucement, les symboles étranges autours de l’araignée rayonnèrent.  La tisseuse en son centre sembla même claquer des mandibules à un bref instant.  Et au fur et à mesure que les secondes passaient, l’état de l’Okami semblait se stabiliser, allant pour le mieux. La crainte de la mort étant écartée.

Le prêtre Lamb revint, portant avec lui plusieurs fioles de soin.  Il en déboucha une et fit lampée la lycane en relevant sa tête.  Reposant cette dernière il  questionna par la suite la magicienne.

« Vous voir ici est une surprise, Madame Mélisi. Par quel fait êtes-vous  en ces lieux peu propices et accompagnée par une telle créature ? »

Rien de malsain dans ses paroles. Le père Lamb aurait bien pu user du terme «  créature » pour un humain des plus banals. Il connaissait la personne en face de lui et savait qu’elle était liée à la Reine de Lumen. Pourtant, il ne comprenait pas ce que faisait cette femme dans les bas-fonds, seule et sans escorte. Un toussotement attira son attention et le prêtre afficha un léger air surpris. L’onguent qui avait fait avalé à la Louve ne pouvait pas agir si rapidement et pourtant, cette dernière reprenait connaissance, une main contre son front.

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Elena Ivory
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Même les églises et les lieux saints n’étaient pas à l’abri de la grogne sociale, et des conflits raciaux. Les églises et les chapelles étaient vues par les opposants au régime, les révolutionnaires, les anarchistes, comme les instruments d’un pouvoir despotique et corrompu. L’Ordre Immaculé était alors perçu comme le soutien du pouvoir royal, lui conférant sa légitimité, violant ses saines Écritures. L’argument juridique soutenant cette thèse était de soulever l’illégitimité totale du droit canon, car les textes saints sur lesquels se fondaient le droit canon n’avaient jamais entendu instaurer des règles juridiques, le Christ de l’Ordre ayant toujours été du côté, non pas du droit, mais de la morale. Ces débats théologico-juridiques animaient les salons du Centaur Club, et se répertoriaient dans la vie de la cité par des profanations de sépultures, des jets de pierres brisant les vitraux, et des écriteaux insultants et des menaces péjoratives sur les frontons des églises. Adamante le savait, et l’Ordre était à chaque fois scandalisé d’apprendre qu’une église avait été violée. L’église du père Lamb faisait exception.

Elle rejoignit cette église à dos de cheval, Shad sur ses genoux, couchée de part et d’autre, les oreilles et la queue basses. Dans son dos, Adamante tirait le cheval de Shad, et traversa rapidement la grand-rue. Si elle laissait les chevaux sans surveillance, elle savait qu’elle ne les reverrait plus jamais. Elles passèrent devant l’abattoir de Mandus, où brûlaient les immenses cheminées industrielles, crachant du soufre dans le ciel, et contourna. L’église était à proximité, abritant un cimetière et un petit parc avec un potager, des pommiers, et quelques poules. Même en étant inquiète pour Shad, Adamante fut impressionnée de voir une église en bon état. Les vitraux étaient intacts, l’herbe était bien entretenue, et quelques femmes étaient d’ailleurs en train de les couper. Le père Lamb ne tarda pas à les accueillir dans la nef.

Il était jeune, énergique. Un esprit cynique aurait sans doute cherché à voir en lui un diable endormi, mais Adamante savait que l’excellente réputation des Hospitaliers n’était pas feinte. Ils étaient des médecins reconnus, mais également connus pour leur rayonnement culturel important. Le bon visage de la religion, en somme. Lamb accueillit rapidement les deux femmes, et déposa Shad sur une couchette dans un coin. Plusieurs personnes qui étaient en train de prier détournèrent la tête en entendant ce raffut. Lamb s’affaira, filant vers son infirmerie, tandis qu’Adamante observa la pièce. L’endroit était très solennel, très calme, inspirant à la méditation. Elle avait voulu en savoir plus sur Lamb, et sur la manière dont ce dernier administre sa paroisse. Comme quoi, le sort se précipitait. Cependant, elle était aussi inquiète. Cet homme qui les avait attaquées... Qui était-il ? Pourquoi les attaquer ? Tout tournait autour de Mandus, mais, là encore, Adamante n’avait aucune preuve qu’Oswald soit derrière ce coup de force. Néanmoins, elle avait avec elle la fléchette empoisonnée qu’on lui avait destinée. Cet objet pouvait s’avérer très utile par la suite. En l’analysant, en l’examinant par le biais de la magie et de l’alchimie, elle pourrait avoir des informations sur la composition du poison. Cependant, les connaissances alchimiques d’Adamante étaient rudimentaires. Elle allait donc devoir se tourner vers un alchimiste.

« Qui est-ce ?
Elle est malade ?
Je n’ai jamais vu ces dames... »

Dans la traversée de la ville, Adamante avait rabattu sa capuche, mais, maintenant, elle l’avait dégagé, permettant de voir sa longue chevelure, et ses intenses yeux jaunes. Un signe qui faisait clairement d’elle une magicienne, imposant le respect et la crainte. Adamante Mélisi n’était pas forcément une femme très connue auprès du peuple, car elle ne s’affichait jamais. Lamb, cependant, la connaissait, et, alors que ce dernier farfouillait dans ses affaires, Adamante se tourna vers les curieux, et leur posa une question :

« Rassurez-vous, il ne se passe rien qui ne vous inquiète... Par curiosité, que pensez-vous d’Oswald Mandus ? »

Les curieux se regardèrent entre eux.

« Grâce à son entreprise, mon fils a enfin trouvé un travail, commenta un homme. Ce corniaud de bougre cesse enfin de vendre cette saloperie de fisstech.
Moi, mon mari y bosse, c’est un homme bon ! »

Certains étaient résolus, mais, assez curieusement, Adamante nota quelques regards furtifs, comme si certains avaient des choses à dire, des critiques à formuler. Auprès des gens du Centaur Club, Oswald avait une très bonne réputation, mais, dans le fond, il était facile d’influer sur l’avis du peuple. Faisait-il vraiment l’unanimité ? Adamante aurait bien aimé creuser davantage la question, mais elle sentit soudain, dans son dos, d’étonnantes vibrations magiques. Surprise, la magicienne se retourna, et écarquilla les yeux en voyant une source magique. Elle vit les bouts d’une cordelette dépasser du cou de Shad, et tira dessus, révélant... Un médaillon avec une forme d’araignée, qui était en train de briller d’une étrange lueur.

« Par la malepeste, comment diable t’es-tu procurée un tel artefact ?! »

Adamante n’eut pas le temps de poursuivre davantage ses interrogations, car Lamb revenait rapidement, avec un élixir. C’était du Loriot doré, en hommage à l’oriolus oriodus, un oiseau. Pour la préparer, il était nécessaire d’avoir affaire à un alchimiste plutôt talentueux. Outre les plumages de l’oiseau, il fallait aussi des éléments de vitriol et d’éther, ainsi qu’un bon liquide alchimique de base. Ses effets étaient d’annuler la toxicité du sang, de se soigner contre les venins et les toxines, en renforçant sensiblement le système immunitaire. Les sorceleurs et les membres des guildes en buvaient souvent avant d’affronter des créatures toxiques, comme les basilics. Que Lamb en ait dans sa besace signifiait, soit qu’il était alchimiste, soit que lui-même connaissait un alchimiste.

« Vous voir ici est une surprise, Madame Mélisi, annonça-t-il alors. Par quel fait êtes-vous  en ces lieux peu propices et accompagnée par une telle créature ? »

Adamante pencha la tête sur le côté, et répondit assez rapidement, choisissant de garder pour elle l’étrange pendentif magique qu’elle avait aperçu sur le corps de la Okami :

« Comme vous le savez sûrement, la Reine désire voir cet abattoir sous peu. Cependant, cette Okami aurait assisté à un meurtre qui aurait eu lieu hier soir. Comme les gardes n’ont pas retrouvé de cadavre, j’ai été voir, avec cette femme. Nous avons vu des traînées de sang, et quelqu’un nous a attaqué... Je n’ai pas pu le poursuivre, et j’ai préféré porter assistance à cette femme. »

Le père Lamb écoutait, et Adamante lui montra la fléchette.

« Je connais votre élixir. Seul un alchimiste peut la confectionner, et j’ai justement besoin d’un alchimiste pour analyser le poison qui imbibe cette pointe. Pourriez-vous m’être d’une quelconque assistance ? Je vous récompenserais à la hauteur de votre tâche, bien entendu. »

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Re: A Machine For Pigs [Shad]

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Shad
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« Oui, c’est malheureux que toutes ces  histoires se déroulent autours de l’abattoir de Monsieur Mandus. Cet homme offre tellement d’aide et cela pourrait lui causer des tords à outrances. Quelle dommage,  Lumen a besoin d’un homme comme lui ».

Impossible de savoir si le Père Lamb connaissant les véritables faits qui se déroulait dans l’abattoir. En cet instant, il n’était pas aisé de savoir s’il était un complice ou véritablement un Hospitalier aidant les malheureux au sein de son église.  Pourtant, ses paroles semblaient sincères et vierges de toutes ces histoires liées à l’abattoir d’Ostwald Mandus. Il hocha par la suite la tête face à la requête d’Adamante, levant sa main doucement vers elle en direction de la fléchette.

Le Père Lamb pris délicatement la fléchette empoisonnée entre son pouce et son index, prenant garde à ne pas se piquer par mégarde avec la pointe.  Le cataplasme avait été donné à la Okami, il ne fallait maintenant plus qu’à attendre ses effets qui devraient venir d’ici une dizaine de minutes. Du moins, c’est ce qui aurait dû se passer en temps normal.  Lamb remarqua rapidement que l’Okami sortait de sa torpeur et la désigna d’un rapidement mouvement du menton.

« Votre amie se réveille, quant à moi, je vais aller voir les composants de cette flèche. Et ma chère enfant, vous n’avez aucunement besoin de mes payer. Vous êtes dans la maison du Seigneur, vous venir en aide et la moindre des choses que je puisse faire. »

Et il s’éclipsa à nouveau, laissant seules les deux femmes pendant qu’il partait analysait les composants toxiques du petit projectile. La Okami quant à elle s’était à moitié relevée, une main contre ses tempes avec l’horrible impression de subir une migraine des plus douloureuses.  Elle releva doucement son regard vers Adamante, abaissant en même temps ses oreilles, se sentant gênée par ce qui venait de se passer. Cette attaque surprise leur avait fait perdre un temps précieux. La Louve regarda par la suite autours d’elle, se questionnant quant à l’endroit où elle se trouvait à présent.

Les murmures de prières qui lui parvenaient lui firent rapidement comprendre qu’elle se trouvait au sein d’une église.  La lycane déglutit difficilement, les églises n’étaient pas réellement un lieu propices pour les les Okamis mais si Adamante l’avait conduit jusqu’à cette dernière, sans doute n’y avait-il rien à craindre. Reportant son attention sur cette dernière, elle baissa la tête, à la façon d’un louveteau qui viendrait de faire une bêtise, demandant doucement.

« Que…Que s’est-il passé ? »

La seule chose dont elle se souvenait était d’avoir été piquée par une fléchette puis d’être tombée inconsciente. Pour le reste, tout restait flou et elle avait donc l’impression d’avoir été absente pendant une certaine période. La Louve fut néanmoins rassurée de remarquer qu’Adamante ne semblait nullement blessée.  Elle supposa donc très rapidement qu’elle avait dû faire fuir leurs agresseurs à l’aide sa magie. 

Mais avant qu’elle ne puisse poser une seconde question, le Père Lamb était de retour, une expression grave et d’incompréhension sur le visage.  Il donna avant tout une autre potion de soin à la Okami afin que cette dernière finisse de se soigner avant de se tourner vers Adamante, presque perdu.

« C’est à ne rien y comprendre. L’un des composants de cette fléchette est une toxine extraite sur une race unique de basilic vivant dans la  jungle de Zerrikania et sa propriété première est de tuer dans les secondes qui suivent son injection. Ce ne sont pas mes soins qui ont soigné cette  Okami, ma Dame. Elle devrait être morte à l’heure qu’il est. »

La concernée se raidit, son cœur manquant un battement, sa respiration se faisant plus lourde, plus courte, un léger tremblement parcourant tout son corps. Morte ? Elle ne devrait pas vivre en cet instant ? Elle avait juste failli mourir d’une manière déshonorante ?  Mais alors comment ? Comment pouvait-elle être encore en vie ? La lupine abaissa son regard vers l’emplacement du médaillon, se demandant si ce dernier venait de montrer l’une de ses facultés. Elle finit par reporter son attention sur le prêtre et la magicienne.

« ….Je vous prie de m’excuser, mais j’ai encore quelques âmes à aider, je reste à votre disposition »

Regardant le Père Lamb s’éloignait à nouveau, la Louve observa par la suite Adamante, ne sachant que dire sur le coup, soufflant cependant :

« Nous…repartons ? »

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Elena Ivory
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Toute à sa réflexion, Adamante n’avait pas vu que la Okami était en train d’émerger. Le père Lamb s’éclipsa avec la pointe, et la magicienne se retourna vers Shad. L’Okami était effectivement en train d’émerger, sortant de sa torpeur. Ce réveil rapide était étonnant, mais Adamante savait qu’il était lié à cette amulette qu’elle avait... Un objet qu’une esclave en apparence anodine ne pouvait pas avoir. C’était un artefact très puissant, Adamante l’avait senti, fait à partir de la magie arachnéenne... La magie arachnéenne n’était pas vraiment une discipline magique à part entière, mais c’était juste un moyen de désigner tous les éléments magiques, que ce soit les objets ou les sorts, faits à partir des araignées. Les araignées étaient des créatures redoutables, des bestioles solitaires, des prédatrices, et dont on se servait pour deux choses : la défense, et le poison. Le venin des araignées était efficace, et Adamante savait que les alchimistes qui voulaient confectionner des poisons efficaces utilisaient le venin que produisait les Loxosceles. Le venin de ces bestioles entraînait une nécrose, un venin qui détruisait les cellules. Par opposition, un talisman magique fait à partir du venin d’une araignée pouvait donc protéger le corps contre les empoisonnements. Adamante était sûre que ce talisman devait contenir quelques gouttes d’un poison très efficace.

*Ce n’est pas une esclave lambda, pour pouvoir maîtriser la magie, et disposer ce genre d’instruments... On vendrait dix esclaves pour pouvoir l’obtenir.*

Elle resta face à la femme, qui posa une question. Le temps que Lamb revienne, Adamante entreprit de lui résumer ce qui venait de se passer. Elles avaient été attaquées par un mystérieux agresseur, et Shad s’était reçue une fléchette empoisonnée. Adamante avait préféré la conduire au plus proche poste de soins qui soit : l’église de Lamb. Ce dernier lui avait fait boire un élixir de Loriot doré, qui servait à traiter les empoisonnements. Elle allait aborder l’étrange question de ce pendentif, lorsque Lamb revint, visiblement surpris.

« C’est à ne rien y comprendre. L’un des composants de cette fléchette est une toxine extraite sur une race unique de basilic vivant dans la  jungle de Zerrikania et sa propriété première est de tuer dans les secondes qui suivent son injection. Ce ne sont pas mes soins qui ont soigné cette Okami, ma Dame. Elle devrait être morte à l’heure qu’il est. »

Un basilic de Zerrikania ?! Adamante fronça lentement les sourcils. Ce n’était pas le genre de toxines qu’un simple assassin lambda pouvait se procurer. Même les sociétés secrètes versées dans l’assassinat et les tueurs drows ne pouvaient que très difficilement en obtenir. Zerrikania était une épaisse jungle se trouvant à des milliers de kilomètres de Lumen, et qui était connue dans le monde entier pour être l’un des endroits les plus dangereux du monde. Jadis, les elfes eux-mêmes avaient tenté de dompter Zerrikania, avant de l’abandonner. C’était une profonde jungle, qui était peuplée par des tribus sauvages et austères, vivant en autarcie, et abritant de terribles guerriers. Parfois, des safaris esclavagistes étaient organisés pour en capturer, c’était de cette manière que les Ivory avaient eu sous leur aile Zephyr, une Zerrikanienne terriblement efficace.

Et, par ailleurs, Zerrikania était aussi un lieu où Oswald s’était rendu. Une nouvelle coïncidence... Mais, encore une fois, ce n’était qu’une présomption. Tout ce qu’on pouvait en déduire, c’était qu’une personne influente avait voulu les tuer. Lamb en semblait perturbé, et Adamante le remercia. Il s’écarta rapidement, laissant à nouveau les deux femmes seules, tandis que les fidèles étaient toujours surpris. Ils voyaient bien que quelque chose était en train de se dérouler sous leurs yeux, car il était rare que Père Lamb soit à ce point décontenancé.

« Nous…repartons ? » demanda alors Shad.

Adamante secoua lentement la tête.

« Je dois récupérer cette pointe, ainsi que les conclusions de Lamb. Elle constitue un élément de preuve, et, en la soumettant à une expertise plus longue, et à un alchimiste royal, nous apprendrons peut-être quel est l’alchimiste qui l’a fait. Du venin de basilic zerrikanien, Shad, ça ne se trouve pas n’importe où... Et je pourrais en dire de même de cette amulette que tu portes autour de toi. C’est un très puissant talisman, le genre de cadeaux qu’on offre volontiers lors de négociations diplomatiques houleuses. »

Autant dire que, si Shad espérait faire croire à Adamante qu’elle l’avait trouvé dans la rue, elle était plutôt mal partie.

« Je dois admettre, poursuivit-elle, que tu es une esclave atypique... Une esclave qui a des capacités magiques, et qui porte avec elle un talisman magique pour laquelle n’importe quelle académie magique serait prête à verser plusieurs lingots d’or pour l’obtenir... Où donc as-tu trouvé cet artefact ? »

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Shad
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Le silence s’installa entre les deux femmes. Un silence qui soulignait le fait que Shad cherche ses mots.  La lycane aurait préféré ne pas aborder le sujet de son amulette, la garder pour elle, en secret mais cette dernière semblait s’être activée pour la préserver d’un destin funeste. La Okami fit glisser ses doigts sur son médaillon, effleurant du pouce et de l’index l’araignée qui y était représentée avant de sourire sur un ton rieur.

« C’est un cadeau. »

Oh bien sûr, cela ne servirait pas à combler les interrogations d’Adamante. Shad le savait parfaitement, surtout que cette dernière semblait vouloir savoir à tout prix où et comment l’Okami avait reçu cet artéfact arachnéen. De plus, il semblait que posséder un tel talisman n’était pas donné à tout le monde et la Okami put sentir le doute poindre dans le ton de voix de la magicienne royale.  Inspirant et expirant doucement, elle entama de lui raconter comment elle l’avait eu.

« Comme je l’ai dit plus tôt, c’est un cadeau. Un présent offert par la Reine des Araignées Elise et sa prêtresse Médonée pour me remercier d’avoir participer à la défense de la Forêt des Toiles, du Village des Toiles de ses habitants et des Okamis qui s’y étaient réfugiés. L’ennemi était un dénommé Brahmin, un général provenant des contrées mijakiennes. Et je dois avouer que nous avions gagné la bataille sur un grand coup de chance. »

La Okami espérait que cela réponde aux questions d’Adamante. Elle remit par la suite l’artéfact sous son haut, le cachant à la vue de tous, avant de réfléchir quelques instants.  La mage avait réussi à deviner sans le moindre mal ses facultés magiques et venait de découvrir un autre point la concernant. Pesant le pour et le contre, l’Okami pris la décision de parler ou de montrer tout ce qu’elle possédait pour ne pas à nouveau subir un flot d’interrogation. Mais avant tout, elle posa son regard sur la salle, remarquant quelques croyants en –train de les regarder d’un air curieux ou d’essayer d’avoir des explications auprès du Père Lamb.

Ce dernier était justement assis et semblait griffonner quelques notes rapides sur un petit calepin. En observant un peu mieux, la Louve pu voir la fléchette posées sur une sorte de tissu blanc. Nul doute que le Père Lamb était en train d’écrire les notes la concernant. Finalement, Shad fit un rapidement mouvement de poignet, une simple torsion et deux lames surgirent. Deux lames faites dans un métal extrêmement résistant l’adamentium et forgées en collaboration par une elfe du soleil et une walkyrie. Les quelques symboles et runes propres à chacun de ces peuples gravés le long des lames en étant la preuve. Elle passa aussi rapidement sa main près de sa hanche et sortie sa paire de  dagues, de même factures.

« Ces armes sont aussi des cadeaux. Je préfère te les montrer maintenant avant qu’on ne pense  des inepties. »

Shad faisait bien-sûr allusion à un quelconque futur assassinat ou une attaque armée de sa part. Après tout, de telles idées pouvaient bien vite germer dans l’esprit des gens. Elle rangea ses armes rapidement par la suite, les dissimulant à la vue de tous. Après tout, elle était dans une église et le port d’arme n’était pas réellement le bienvenu en ce lieu sacré.  La Okami émit un petit claquement, faisant apparaître une flammèche sur le bout de son index. Nul besoin de faire un grand sort.

« Oui je contrôle la magie et plus particulièrement celle du feu, depuis ma naissance même. Mais je continue encore à progresser. Je suis également polymorphe sur le point de vue animal et…une autre forme que je n’utiliserais pas. D’autres questions ? »

La Louve éteignit d’un geste de la main la petite flamme vacillante dardant son regard dans celui de Médonnée. Pour elle, il était également hors de question qu'elle use de sa faculté à devenir lycanthrope. Beaucoup trop dangereux. Elle venait donc de jouer cartes sur tables et lui avait montré certaine de ses facultés.  Le Père Lamb revint cependant, interrompant l’échange entre les deux femmes, passant à Médonée un petit coffret où se trouvait la fléchette ainsi que quelques notes à son sujet avant de les bannir par réflexe et de répartir à nouveau.

« Il serait de bon ton de se rendre à nouveau au Palais Royal non ? A moins que mes révélations ne te fassent changer d’avis en ce qui me concerne ? »

Au moins elle serait fixée. Par ailleurs, il semblait plus logique de se rendre à nouveau au Palais d’Ivoire plutôt que de retourner sur les lieux du crime. Mais peut-être qu’Adamante souhaitait faire l’inverse et  partir à la recherche de plus de preuves. Quoi qu’il en soit, la Okami attendait sa réponse.

Re: A Machine For Pigs [Shad]

Message par Elena Ivory »

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Elena Ivory
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Demande de RP
Shad lui expliqua qu’elle avait eu cette amulette en défendant la « Reine des Araignées » contre Brahmin. Si la première ne lui disait rien, Brahmin, en revanche, ne lui était pas inconnu. C’était un ancien Mijakien, qui était connu pour diriger une troupe de mercenaires et de forbans en tout genre : violeurs, criminels de guerre, bandits de grand chemin... Il avait déjà ravagé plusieurs fermes lumeniennes lorsque les Mijakiens envahissaient Lumen, profitant de ces grosses guerres pour s’enrichir en pillant des fermes, de petits bourgs isolés, et capturer des femmes. Brahmin et tous ses forbans étaient mis à prix par les autorités lumeniennes. S’il était mort, c’était une bonne nouvelle. Et, si cette femme, cette « Reine des Araignées », avait remis à Shad ce pendentif, alors c’est qu’elle ne devait pas usurper son titre. Shad lui expliqua également avoir d’autres tours dans sa manche, lui présentant deux lames le long de ses poignets, qui lui firent penser à ces lames que les assassins utilisaient pour tuer rapidement quelqu’un. Elle put voir que ces courtes lames avaient été forgées, et étaient probablement enchantées, mais n’eut pas le temps d’en dire plus. La Okami lui présenta des dagues, puis lui expliqua maîtriser la magie élémentaire du Feu, en faisant pousser une flammèche dans le creux de sa main.

Le Feu... Depuis les Antiques, il faisait partie des quatre éléments physiques primaires, avec l’air, l’eau, et la terre. Ces quatre éléments physiques étaient aussi les quatre magies élémentaires de base, celui que tout magicien se devait de connaître. C’était à partir de là que tout découlait. La Glace, qu’on opposait traditionnellement au Feu, était en réalité un dérivé de l’Eau. L’Eau s’opposait au Feu, et la Terre à l’Air. Ainsi, l’équilibre magique était préservé. Adamante revoyait les cours primaires défiler dans sa tête. Quand on lui avait parlé de cet « équilibre magique », elle avait eu bien du mal à saisir cette notion. Maintenant, elle la comprenait. L’univers était régi par les forces binaires : chaque force devait avoir une force qui lui était opposée, sous peine de voir tout s’écrouler. En magie, c’était pareil. Il fallait bien doser ses sorts pour qu’ils fonctionnent. S’il était possible de maîtriser la magie sans instructeur, il était toujours plus efficace d’avoir eu un mentor. Adamante se demandait donc qui avait formé Shad, dans l’hypothèse où elle avait été formée.

Elle lui expliqua ensuite pouvoir changer de forme.

« D’autres questions ? »

Un léger sourire traversa les lèvres d’Adamante.

« Le jour où tu n’auras plus de maître, je pense que tu trouveras un poste chez nous. Tu es une Okami pleine de surprises, Shad, ne put que reconnaître Adamante. Quant à ta maîtrise de la magie... La magie est innée. Elle est en chacun de nous, depuis notre naissance. Si tu peux la manipuler sans avoir eu besoin de formation, alors c’est que ton potentiel magique est grand. »

Peut-être pourrait-elle la former... Malheureusement, elle ne pouvait pas le faire comme ça. Elle était déjà en train d’enfreindre la loi et les usages en ayant emmené Shad avec elle. Il lui aurait fallu une autorisation expresse de son propriétaire pour le faire, à supposer que ce dernier ait bien accompli toutes les formalités nécessaires : enregistrer son esclave auprès de l’administration, et s’acquitter des différentes taxes fiscales liées à l’utilisation des esclaves. Il y avait tellement de fraude qu’il était toujours possible, pour les avocats, de parvenir à dénoncer un contrat d’esclavage, et d’en demander la résolution devant le juge. Le droit des obligations, c’était le socle commun du droit, et, partant de là, tous les avocats avaient des compétences, plus ou moins importantes, dans l’esclavage. Néanmoins, Adamante n’allait pas se lancer dans une telle procédure. Les gens grogneraient, y voyant une ingérence de l’État dans des affaires privées.

Le père Lamb revint ensuite, leur rendant le coffret, avec la fléchette empoisonnée, et quelques notes. Adamante prit soin de les consulter. L’homme était visiblement encore retourné par ce qu’il avait vu, et la magicienne prit le temps de lire les notes. Elles avaient l’air bonnes. Il lui faudrait maintenant s’assurer que Lamb était bien reconnu comme alchimiste, en consultant les archives de l’administration en charge de l’octroi et de la conservation des diplômes. Dans ce tas de fatras et de papiers, il devait bien y en avoir un attestant que Lamb était un alchimiste. L’alchimie était une profession règlementée, qui, pour éviter les arnaques et les escroqueries, disposait d’une législation particulière. Un alchimiste désirant ouvrir son négoce devait le déclarer auprès de l’administration, et devait attester de sa qualité d’alchimiste. Il était autrement dans l’illégalité, sous peine de voir son commerce être fermé dès la découverte de la supercherie, et de subir des poursuites pénales.

« Il serait de bon ton de se rendre à nouveau au Palais Royal non ? suggéra alors Shad. À moins que mes révélations ne te fassent changer d’avis en ce qui me concerne ? »

Adamante referma le coffret, et tourna sa tête vers elle.

« Il y a des choses à faire auprès du Palais d’Ivoire, en effet, mais il faut que j’aille dans un autre endroit. Une personne à aller voir, à proximité. De ton côté, Shad, tu peux rester ici si tu le veux. Une église est un sanctuaire pour tous. »

Lamb leur avait demandé de partir, mais c’était sûrement parce qu’il y voyait ses ouailles être perturbés, et voulait conserver la sérénité des lieux. Si Adamante avait été un peu plus paranoïaque, elle aurait trouvé ce comportement plus que curieux, mais elle avait aussi d’autres chats à fouetter. Il lui fallait notamment s’assurer que Jacques de Malenbraix soit toujours là.

Il vivait à proximité, dans une maison en apparence anodine, où il était locataire. La propriétaire était une vieille bigote qui passait son temps à hurler sur les femmes ayant des vêtements trop courts, et à balancer des seaux d’eau sur ceux qui faisaient du bruit sous ses fenêtres. Il avait fallu le charme d’un avocat pour la convaincre de louer sa chambre.

Et c’était cet ennemi redoutable qu’il allait bientôt falloir affronter.

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Pour toute demande de RP, envoyez un MP sur mon compte central, ce sera plus simple pour moi, et, ainsi, je ne risque pas de vous oublier !

Vous trouverez sur ce topic la liste de tous mes personnages jouables !

Re: A Machine For Pigs [Shad]

Message par Shad »

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Shad
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« Je prends cela pour un compliment, merci. Pour ce qui est de ma magie, je sais la manipuler depuis ma naissance mais j’ai bien sûr dû suivre quelques enseignements ici et là pour progresser. Tout n’es pas inné après tout, n’est-ce pas ? »

Une bonne chose de faite. La Okami avait dévoilé la plupart de ses secrets à Adamante afin d’éviter un nouveau florilège de questions futures. Mieux valait anticiper ce fait possible. De plus, elle n’avait plus réellement intérêt à lui cacher  ses quelques atouts. Si ce n’était pas le cas, elle venait tout simplement de faire une grossière erreur. Pourtant, elle n’en avait aucunement l’impression, la lycane savait qu’elle pouvait compter sur Adamante. Et puis, ne l’avait-elle pas menée jusqu’ici pour qu’on la soigne ? n’avait-elle pas été un poids pour la magus qui risquait de s’attirer des ennuis en la transportant jusqu’à l’église du père Lamb ? Non, la Louve ne regrettait en rien ce qu’elle avait dit à Adamante.

Sans un mot, Shad observait la boîte renfermant la petite fléchette qui avait bien failli lui coûter la vie. Elle tenta également de voir ce qui était marqué sur les notes mais n’eut pas la chance de pouvoir les lire. Grommelant légèrement, elle dû attendre qu’Adamante termine sa lecture. Pendant ce temps, la lupine observait simplement autours d’elle, sans un mot.  Une petite mélodie lui revint souvint, ou plutôt une chanson tirée d’une œuvre cinématographique de la Terre.  Quelque chose qu’Adamante ne pouvait pas connaître ni même les pauvres personnes en train de prier en ce lieu saint. Pour peu, la Louve l’aurait également chanté mais elle se doutait bien que ce n’était guère le moment. Il y’avait un temps pour le chant et un temps pour les affaires, or là, le temps était plus apte aux affaiires. Elle fredonna néanmoins quelques paroles à tue-tête , avant de se stopper, secouant doucement sa tête négativement.

« Non, je t’accompagne. Je ferais plus attention la prochaine fois en cas d’attaque surprise. Mais je préfère t’accompagner. »

Et elle ne lui laissa pas l’opportunité de refuser sa présence. La lupine s’était déjà levée, bien décidée à accompagner Adamante jusqu’à la personne qu’elle souhaitait voir.  Remerciant une dernière fois le Père Lamb sur le chemin menant à la sortie, les deux femmes s’engouffrèrent à nouveau dans les ruelles des bas-fonds. La Okami suivit donc la mage jusqu’à arriver devant une espèce d’immeuble délabré. A première vue, elle aurait pu croire qu’il était abandonné jusqu’à ce qu’une fenêtre du deuxième étage s’ouvre avec fracas et qu’une femme à l’âge bien avancé ne commence à crier :

« Hors de ma vue, sales petites guenons ! Allez-vous avec vos jérémiades ! »

Ni une, ni deux, la vieille leur lança un saut remplit d’eau glacée. Par chance,  Shad l’évita de justesse, regardant tour à tour la vielle puis Adamante :

« Rassures moi..ce n’est pas ton contact ça ? »

Car si c’était le cas, elle le sentait très mal.  La  propriétaire de l’établissement se mis à s’époumoner, gueulant de sa voix gave :

« Et je ne veux pas de chienne ici ! Dégagez ! «

La lycane soupira de frustration,  passant une main sur l’une de ses oreilles pour les frotter doucement.  A force de crier ainsi, cette femme risquait bien de lui vriller les tympans.  La Okami regardait en même temps Adamante, se demandant ce qu’elle allait faire désormais et si elle n’avait pas un sort dans sa besace pour faire taire cette furie dégénérée.

[Hrp : J'ai honte..c'est petit D :]
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