« Rassure-moi... Ce n’est pas ton contact ça ? »
Adamante n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que la morue leur hurla à nouveau dessus, avant de sèchement refermer ses volets, d’un claquement sec. La magicienne hésita un peu.
« Non... C’est sa propriétaire. Mon contact, tu l’as vu : c’est cet avocat qui est venu te voir hier, en prison... Sauf qu’il n’est pas vraiment avocat. C’est à cause de lui que nous nous sommes rencontrées, il a envoyé une lettre parlant de toi, et c’est comme ça que je t’ai trouvé. Il a probablement des informations... »
Cependant, Adamante se doutait bien qu’il y avait un problème. Elle réfléchit rapidement sur un moyen de faire céder cette vieille mégère. Elle était à l’étage, or, c’était là qu’était l’appartement de Mallenbraix. Sans doute était-elle du genre inquisitrice, mais Adamante soupçonnait autre chose... Quelque chose de plus inquiétant. Qu’elle ne sache pas où était sa poule aux œufs d’ors. Mallenbraix payait à un prix assez élevé le loyer, un prix beaucoup plus élevé que le tarif en vigueur, mais c’était le prix exigé par la vieille chouette. Il suffisait de voir sa maison délabrée pour constater qu’il s’agissait d’un taudis. Elle était poursuivie par sa banque pour ne pas rembourser des prêts qu’elle avait contracté, et avait du mal à payer la taxe foncière annuelle. Elle touchait de l’argent grâce au système de retraites, mais ce n’était pas assez pour joindre les deux bouts. La Couronne le savait, car elle s’était un peu renseignée sur cette femme, et elle était menacée par sa banque de saisie. Le loyer que le locataire lui versait lui avait permis de trouver un arrangement amiable avec la banque, cette dernière lui ayant fait un échéancier, afin qu’elle ne soit pas saisie, et ne finisse pas dans une maison de santé.
Adamante décida de jouer là-dessus, et toqua à la porte.
« Fichez le camp, ou j’appelle !
- Madame, je suis Adamante de Mélisi, la collaboratrice de Maître de Mallenbraix ! Shad est notre assistante ! »
La vieille ne connaissait sûrement pas Adamante, et elle avait inventé le premier mensonge qui lui était venu à l’esprit, en oubliant de changer son prénom. La vieille ne les insultait pas, et Adamante tourna sa tête vers Shad, posant brièvement un doigt sur ses lèvres, comme pour lui faire signe de se taire. Elle tapa à nouveau contre la porte :
« Madame, je venais voir si Maître de Mallenbraix se portait bien, car je n’ai pas eu de nouvelles de lui ce matin. Comme vous le savez, nous luttons ardemment à défendre les honnêtes propriétaires de ce quartier, et j’ai besoin de le voir ! »
Elle se tut un peu, se pinçant les lèvres, résistant à l’envie de lancer un sort pour ouvrir la porte en la faisant sauter. La vieille s’avança alors, et ouvrit la porte en grommelant. Elle était bossue, le dos voûté, et les regarda lentement, soupçonneuse.
« Une jeune femme bien ne devrait pas porter des vêtements aussi indécents, grommela-t-elle.
- Maître Mallenbraix est-il ici ? répéta Adamante, en se forçant à rester calme.
- Non ! C’est un menteur, lui, un hypocrite, comme tous les autres ! Il prétend pouvoir me défendre, et il passe toutes ses nuits à faire je ne sais pas quoi... un dealer de drogues, sûrement...
- Je vous assure que Maître Mallenbraix s’occupe avec attention de votre cas...
- Et moi, j’dis que c’est un con, et que vous, m’avez tout l’air d’une pute ! »
Si cette mégère savait qu’Adamante pouvait la mettre à mort rien que pour avoir dit ça... Elle se força à puiser d’ultimes monts de sagesse, et reprit :
« Je pense que je devrais consulter les affaires de Maître Mallenbraix, j’y trouverais peut-être des informations utiles. »
La vieille femme renâcla du nez, les observant tous les deux, en plissant les yeux.
« De ‘façon, vous ne comptez pas me lâcher la grappe... Mais, si la boule de puces laisse un seul poil, j’vous vire ! C’était tout piant là-haut, j’ai du passer le ménage, tché ! Adolescence de cancres. Un avocat ! Bah, on croit rêver ! ‘T’en foutrais, moi, du Code civil. Qu’est-ce que ça prend pour un maître, ça, alors que ça sait même pas ranger ses chaussettes, hé ?! »
Elle pérorait toute seule en leur ayant tourné le dos, et Adamante lui fit signe de passer. Elle grimpa l’escalier en bois, qui mena directement au grenier, sous les combles. Il y avait le lit de Jacques, ainsi qu’un bureau.
« Il faut voir si on peut trouver quelque chose... Des notes, un carnet, n’importe quoi d’utile... »
Elle se doutait que la mégère avait déjà du faire son inspection. Si Adamante avait de la chance, elle n’avait pas vu quelque chose, ou alors, elle l’avait conservé pour elle.