ELENA IVORY
Tout le village était en feu... Les corps gisaient partout, en pièces, en morceaux, déchiquetés, et les flammes... Les flammes brûlaient haut dans le firmament. Plus rien n’était reconnaissable, tout n’était que mort, souffrance, et chaos. L’Enfer s’était déchaîné dans son village, ravageant sa tribu. Ils gisaient sur le sol. Hommes, femmes, guerriers, vieillards, enfants... Certains étaient morts chez eux, ils avaient la poitrine arrachée, leurs cœurs pulvérisés gisant près d’eux, leurs têtes décapitées en bouillie sur le sol. C’était comme si un être d’une particulière sauvagerie venait de s’abattre dans ce village, déchaînant une pure violence, frappant, mordant, déchirant, découpant,
tuant. Tout avait du être rapide, et meurtrier. Ils n’avaient eu aucune chance. Les guerriers avaient eu le temps de sortir leurs lances, leurs épées, et leurs arcs, mais tout n’avait servi à rien. Et tout ça était de sa faute... Tous ces morts... Sa faute, car c’était à cause de lui que son père avait décidé de conduire l’étranger, de rompre le serment, de pénétrer dans le lieu interdit, et de
Le réveiller.
Il était sorti de son sommeil éternel, et
Il avait pris possession du corps de l’étranger.
Les autres tribus étaient venues à l’aube, et avaient tout de suite compris. Leurs shamans le leur avaient dit : un grand malheur venait de sortir du Sanctuaire, et il fallait rapidement le contrecarrer, avant qu’
Il ne s’évade. Les meilleurs guerriers avaient traversé la jungle, et il les avait suivi. Le petit Zerrikanien était le seul à avoir vu le Blanc, et à pouvoir le reconnaître. Il avait donc suivi les redoutables guerriers aux jambes solides, certains chevauchant des tigres à dents de sabres, s’enfonçant dans la jungle sauvage, évitant les Basilics, les araignées géantes, et quantité d’autres monstres redoutables. Ils avaient rejoint le camp des Blancs, à l’extrémité de la jungle.
Malheureusement, ces derniers étaient déjà partis. Ils étaient partis précipitamment, laissant plusieurs de leurs affaires en plan.
«
Il l’a traqué... Il n’avait plus que ça à faire, le traquer... Plus de famille, et personne ne voudrait de lui, car c’était son clan qui avait libéré le Démon.
-
Le Démon ?
-
L’orbe, Majesté... Il ne cherche pas à tuer Mandus, il cherche l’orbe que ce dernier a volé dans ce temple, ce... Ce Sanctuaire... Afin de la ramener. »
Elena hocha lentement la tête. Le Zerrikanien continuait à parler, mais il fallait bien admettre que la Reine n’y voyait pas plus clair sur les pouvoirs de l’orbe.
«
D’après lui, les pouvoirs de l’orbe ont déjà commencé à se manifester... Il a mis des années à rejoindre Lumen afin de retrouver Mandus, et, pendant ce temps, ce dernier a eu tout le temps de la construire...
-
Mais de construire quoi ? Qu’est-ce qu’il y a dans cet orbe ? »
Le Zerrikanien continuait à parler, et Elena put voir que Zephyr tremblait sur place. Dans le couloir, des gardes couraient rapidement, le bruit de leurs bottes en fer se répercutant contre les murs.
«
Oh non... »
Zephyr manqua chanceler sur place, et dut s’appuyer contre la table, tandis que le Zerrikanien, pour sa part, venait enfin à se taire. Elena sentait sa patience arriver à son terme.
«
Qu’a-t-il dit ? Qu’est-ce que cet orbe ?!
-
C’est... C’est un plan. Ou... Plutôt un schéma...
-
Un schéma ?! De... »
Elena ne put achever ce qu’elle était en train de dire, car on tapa furieusement à la porte. Un soldat l’ouvrit, et entra, en sueur. Elena se retourna vers lui, le fusillant du regard.
«
Majesté !
-
Quoi ? s’exclama la Reine.
-
Une révolte vient d’éclater dans les bas-fonds. »
NOLAN TROMEYN
Nolan avait parfaitement compris... Peu importe ce que Mandus ait cherché à fabriquer ici, il avait eu besoin de carburant. Sûrement une diablerie de machine tekhane. Bien sûr ! Nolan pensait avoir compris ce qui se passait ici. Oswald venait de Tekhos, et il était sûrement un agent infiltré par les Tekhanes, quelqu’un qui avait construit une sorte de machine infernale souterraine pour pouvoir envahir Lumen en temps voulu ! Cette base souterraine était probablement un complexe de mutation génétique, afin de transformer des gens normaux en ces espèces d’abominations qui les avaient attaqués tantôt. Tout se tenait ! Tout était logique !
«
Shad... Je crois que tout ça est... »
Nolan se tut quand les hurlements furieux des hommes-porcs rugirent. Il se redressa soudain, paniqué, mais n’entendit aucun bruit de pas vers eux.
«
C’est un prélude... Un prélude à une invasion ! Je pense que Mandus est... »
La structure se mit alors à trembler furieusement, et Nolan entendit les soubresauts d’une violente explosion. Le sol trembla, le plafond également, comme si un séisme venait d’éclater. Nolan battit des bras, et s’effondra sur le sol, tandis que des jets de pression se mirent à jaillir de tuyaux en hauteur, crachant de la fumée blanche dans des sifflements suraigus, de l’eau jaillissant des tuyaux pour tomber sur le sol.
«
Par l’Enfer, mais qu’est-ce qui peut encore bien se passer ici ?! »
De l’eau lui tombait sur le visage, et il se mit à courir rapidement, tandis que d’autres explosions retentissaient, au loin. Il courut dans un couloir, rapidement, sentant les canalisations craquer autour de lui, répandant des jets de vapeur. Il s’en prit un dans les yeux. La vapeur était brûlante, et Nolan poussa un hurlement. Il se reçut ce jet devant un escalier, et perdit l’équilibre, dévalant l’escalier en hurlant, pour s’étaler sur le sol, heurtant alors quelqu’un. Il y eut un choc métallique, comme un rebond, et une vivie lueur s’éteignit soudain.
«
Haaa !! »
Nolan s’étala sur le ventre, et la lumière revint alors, un homme saisissant une lampe à huile. Sa silhouette était indiscernable à l’obscurité.
«
Qui êtes-vous ?! Que faites-vous ici ?! »
Cette voix... Non, ça ne pouvait pas être possible. Oubliant son asthme, Nolan releva sa tête, et son regard croisa celui de son interlocuteur.
«
Nolan ? s’étonna ce dernier.
-
Mandus !! »
Oswald Mandus se tenait face à eux, portant dans la main une chandelle qu’il pouvait éteindre ou allumer à l’aide d’un commutateur. Mandus n’était clairement pas dans ses meilleurs jours. Son pantalon était déchiré par endroits, il avait des croûtes de sang et des ecchymoses sur le visage, et ses traits étaient tirés. Nolan n’y comprenait plus rien.
«
Je... J’ai l’impression de vous connaître... Votre nom, en tout cas. Savez-vous où sont Enoch et Edwin ? Je crains que mes enfants ne se soient égarés, et soient prisonniers dans cette structure. »
Enoch et Edwin ? Nolan cligna des yeux sous l’effet de la surprise.
«
Oswald... »
Nolan peinait à parler, en raison de son asthme.
«
J’ai fait exploser quelques pompes en les retirant de l’eau des égouts. Elle sert à les refroidir, vous comprenez ? J’espérais que ceci suffirait à stopper cette diablerie, mais cette mécanique est plus complexe que ce que je croyais. »
Hein ?! Mandus, sabotant les pompes ? Nolan n’y comprenait décidément plus rien, mais les hommes-porcs hurlèrent à nouveau.
«
Il faut fuir, vite !! Ils me pourchassent ! Ils vous tueront aussi ! »
Mandus se mit alors à marcher, essayant de courir... Mais, comme il boitait, la tâche n’était pas aisée. Nolan, lui, pouvait entendre les échos des bruits de pas précipités des hommes-porcs. C’est ce qui, en définitive, l’incita à se relever, et à suivre Mandus.
Il n’allait pas rester sagement là à attendre la venue de ces cannibales monstrueux.