« Un clan, donc ? J’ai entendu parler de l’histoire de votre famille, Mélinda… Ou, plutôt, de l’histoire tragique, devrais-je dire.
- Une histoire que je connais très bien…
- Votre retour fera grincer des dents. Bien des familles et des clans se sont enrichis sur le dos des Warren après leur éviction. »
Jadis, le clan Warren avait été un grand clan, millénaire, disposant de multiples richesses et autres propriétés terriennes. À cette époque, le harem de Mijak était un harem privé, une sorte de maison de vacances pour la famille quand elle devait venir à la capitale pour assister aux sessions extraordinaires du Conseil Impérial ou des États Généraux d’e Mijak. En cette époque, le clan avait plusieurs forts, de grandes villes, et de multiples mines et autres carrières. Une véritable fortune qui avait été arrachée lors de la Guerre Civile du Roi Cramoisi, où les Warren avaient été dépouillés, et où Mélinda, en tant qu’esclave, avait été déchue de ses droits. Maintenant, si elle arrivait à s’anoblir… C’était la nouvelle étape d’une longue vie faite à regagner son influence. Après avoir tué son père et repris le harem, elle avait réussi à obtenir, de la Cour Impériale, que l’acte de disposition faisant d’elle une esclave soit annulée, au motif qu’il avait été passé par un traître, par une personne qui n’était donc nullement habilitée, car tout droit avait été retiré à Lord Warren quand la Guerre avait été perdue par lui et par les membres de son camp.
Mélinda allait bientôt s’anoblir, avec le mariage qui approchait, mais ce mariage ne serait que la première étape d’un nouveau chapitre. Mélinda était claire dans ses intentions avec Lady Hotwanna : elle restait une Warren. Et, si elle haïssait son père, elle aimait bien sa famille, et ne désirait qu’une seule chose : redonner aux Warren leur splendeur d’antan, en constituant un clan vampirique, et en tâchant de récupérer les anciennes possessions de sa famille, au moins.
« Je n’ai pas peur des levées de boucliers. Les Sylvandins avaient été l’une des principales raisons de la chute de ma famille, et je me suis assurée le concours de la Princesse héritière du royaume. »
Hotwanna acquiesça en hochant silencieusement la tête. Sylvandell et ses dragons dorés… C’était un royaume minuscule, un micro-État comprenant quelques dizaines de milliers d’âmes à peine, et pourtant, ce nain économique était très important au sein de la géopolitique internationale. Il était un as dans la manche de Mijak, car Sylvandell bénéficiait du soutien redoutable et terrifiant de dragons dorés. Autant dire que, pour le clan, c’était un précieux allié. Lady Hotwanna, elle, avait la délicate tâche de faire partie des clients du clan, de ceux qui viendraient soutenir ce dernier.
Or, Mélinda avait envie de donner à son clan une dimension internationale, en sortant des frontières de l’Empire.
« Je suis certaine de pouvoir commercer avec Inferis, reprit Mélinda. Les liqueurs et autres alcools issus des distilleries Carnelle se vendront bien. »
Mélinda était lucide. Elle savait que son clan ne pourrait se limiter qu’au commerce de la chair et du sexe. Quand elle était tenancière d’un harem, elle pouvait le faire, mais, en tant que Maître de Clan, elle se devrait d’avoir une autre perspective. Or, un clan n’était pas qu’un simple regroupement de vampires ; c’était aussi un acteur majeur du secteur économique.
« Et bien, pour ma part, ma chère, je serais ravie de pouvoir commercer avec vous… Comme vous le savez, nous recherchons avant tout à pouvoir exploiter des mines et des gisements. »
Vapeur ne faisait pas que le commerce du Solsticium, mais il fallait bien admettre que ce minerai précieux était l’un des éléments les plus prisés, et toujours susceptible de déboucher sur des contrats. Cependant, ce minerai était rare à trouver, et, de plus en plus fréquemment, les Négociants préféraient commander des chantiers dans des mines et dans des grottes, après avoir procédé à des expertises géothermiques, qui avaient permis de démontrer une probabilité de Soltsicium. Autrement dit, Mélinda pouvait acquérir des mines et des gisements désuets, et faire des recherches plus profondes, afin d’espérer trouver de nouveaux gisements, en bénéficiant du concours financier des Vaporéens.
C’était une vaste entreprise que la gestion d’un clan, nettement plus importante qu’un simple harem. Bien sûr, le harem de Mélinda resterait toujours au cœur du clan, car il était la source de revenus principale de Mélinda, mais il ne faisait pas de mal de développer son activité.
Mélinda sentit soudain une présence, et tourna la tête vers la fenêtre, après avoir rapidement bu un peu de vin.
« Que vous arrive-t-il, ma chère ? »
Elle et Hotwanna n’avaient même pas encore fait l’amour, mais Mélinda sentait clairement quelque chose… Un sang fort et violent, qui lui rappelait quelque chose… Et qui se tenait à l’entrée de la maison. Elle s’était redressée, tournant la tête sur le côté, entendant, en bas, les bruits de pas du concierge.
Cet immeuble était un discret petit immeuble, sans saveur, sans enseigne. Le concierge, lui, était un homme travaillant pour Lady Hotwanna, et qui, sans être originaire de Vapeur, savait qu’il valait mieux taire l’existence de cette réunion. Il s’approcha de la porte, qui comprenait plusieurs loquets, et en abattit un seul, afin d’entrouvrir la porte. Il tenait une torche à la main, et approcha son visage de l’embrasure.
« Qu’est-ce que vous voulez ?! »
La porte n’était pas très solide… En forçant, on pouvait l’arracher de ses gonds…